WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La corruption dans la gestion des deniers publics à Cotonou: Analyse socio-anthropologique de la persistance du phénomène

( Télécharger le fichier original )
par Vinagbo Barnard AGBANGLA
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise en sociologie-anthropologie 2008
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNI VER SITE D 'ABOMEY CALA VI
(UAC)
FA CULTE DES LETTRES, ARTS ET SCIENCES HUMAINES
(FLASH)

DEPAR TEMENT DE .SOCIOLOGIE-ANTHROPOLOGIE
(DS-A)
Mémoire de Maîtrise
Sujet :

LA CORRUPTION DANS LA GESTION DES DENIERS PUBLICS A COTONOU : ANALYSE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE DE LA PERSISTANCE DU PHENOMENE

Présenté par Membres de Jury

Barnard Vinagbo AGBANGLA Président : Hyppolite AMOUZOUVI

Professeur-Assistant

Rapporteur : David HO UINSA

Professeur-Assistant

Examinateur : Abou-Bakry IMOROU

Professeur-Assistant

Année Académique 200 7-2008

Sommaire

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

SIGLES ET ACRONYMES IV

LISTE DES TABLEAUX, GRAPHIQUES ET FIGURES V

RESUME VI

RESUME VI

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : 3

FONDEMENTS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES 3

CHAPITRE I : FONDEMENTS THEORIQUES 4

1. PROBLEMATIQUE 4

2. CLARIFICATION CONCEPTUELLE 14

CHAPITRE II : APPROCHE METHODOLOGIQUE 20

1. JUSTIFICATION DU CHOIX DU CADRE D'ETUDE 20

2. NATURE DE L'ETUDE 23

3. GROUPE CIBLE ET ECHANTILLONNAGE 23

4. TECHNIQUES ET OUTILS DE COLLECTE 27

5. CHRONOGRAMME 28

6. DIFFICULTES RENCONTREES 29

DEUXIEME PARTIE : DYNAMIQUE DE LA CORRUPTION 31

CHAPITRE I : DU JEU DES ACTEURS 32

1. TYPOLOGIE DES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 32

3. LA CONSTRUCTION DE L'IMPUNITE 47

4. INTERPRETATION DES RESULTATS 52

CHAPITRE II : DU CERCLE VICIEUX DE LA CORRUPTION 54

1. LES CONDITIONS D'EXISTENCE ET DE TRAVAIL 54

2. ATTITUDES ET REPRESENTATIONS AUTOUR DE LA CORRUPTION. 61

3. INTERPRETATION DES DONNEES RECUEILLIES 67

CONCLUSION 69

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 71

ANNEXES 75

DEDICACE

A ma mère Célestine AMENOUGNON : en admiration pour ton engagement chrétien et pour ta foi inébranlable que ni la maladie, ni la souffrance n 'ont entamée ;

A vous tous, épris de justice et d'équité, qui refusez de céder aux sirènes envahissantes de la corruption : l 'expression du renouvellement de mon adhésion à votre noble cause.

REMERCIEMENTS

Que toutes les personnes dont la présence, les conseils et les instructions ont concourus à l 'aboutissement de ce travail trouvent ici l 'expression de notre gratitude :

· Père, mère, oncles, tantes, frère, soeurs, cousins et cousines, merci infiniment ;

· Enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur, toute ma reconnaissance ;

· Frères et amis du « CLUB DE LA PERTINENCE », mille gratitudes.

SIGLES ET ACRONYMES

ALCRER : Association de Lutte Contre le Régionalisme, l 'Ethnocentrisme et le

Racisme

BIC : Bénéfice Industriel Commercial

BNC : Bénéfice Non Commercial

CIPE : Centre des Impôts des Petites Entreprises

CMVP : Cellule de Moralisation de la Vie Publique

CNRP : Commission Nationale de Régulation des Marchés Publics

CPMP : Cellule de Passation des Marchés Publics

DNMP : Direction Nationale des Marchés Publics

FONAC : Front des Organisations Nationales de lutte Contre la Corruption

OLC : Observato ire de Lutte contre la Corruption

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OSC : Organisation de la Société Civile

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

RFU : Registre Foncier Urbain

TFU : Taxe sur le Foncier Urbain

USAID : Agence des Etats- Unis pour le Développement International

Liste des tableaux, graphiques et figures

Liste des tableaux

Tableau I: Typologie de la corruption 18

Tableau II: Présentation des groupes cibles et catégories sociales 24

Tableau III: Répartition des enquêtés par groupe cible 25

Tableau IV:Répartition des enquêtés par catégories sociales 25

Tableau V: Chronogramme de recherche 29

Tableau VI : Ordre d'importance des difficultés rencontrées par les acteurs non étatiques 34

Tableau VII: Indices de traitement 58

Tableau VIII : Tableau brut correspondant aux indices de traitement 59

Tableau IX : Dépenses incompressibles 60

Tableau X: Perception sociale de la corruption 65

Liste des graphiques

Graphique 1: Répartition des enquêtés par groupes cibles 26

Graphique 2 : Répartition des enquêtés par catégories sociales 26

Graphique 3 : Ordre d'importance des difficultés 34

Graphique 4 : Perception sociale de la corruption 65

Liste des figures
Figure 1: Carte de la ville de Cotonou 22

Résumé

Au-delà de l'instabilité politique et de la diversité des régimes qui se sont succédés, la corruption est restée une caractéristique constante de l'administration publique béninoise. Depuis 1963, la lutte contre la corruption semble avoir été au coeur des priorités des différents gouvernements, du moins si l'on s'en tient aux rhétoriques politiques. Malheureusement, les actions menées dans ce cadre ont, jusque là été peu fructueuses. Il s'impose donc d'élucider les raisons de la persistance de ce phénomène. Une telle préoccupation a été l'objet de la présente étude. Deux réponses majeures se dégagent au terme des travaux de recherche.

D'une part, la persistance de la corruption est le résultat du jeu d'acteurs, largement favorable aux acteurs de la corruption dont les logiques et les stratégies prennent souvent le pas sur les dispositifs réglementaires. Les contraintes liées au fonctionnement des acteurs engagés dans la lutte contre la corruption, les interstices des textes réglementaires et les ressources de l'environnement socioculturel sont exploitées à profusion pour faire du Bénin, en dépit des mutations politiques et des effets de la mondialisation, une société bloquée, incapable d'impulser le changement social. D'autre part, certaines caractéristiques de l'environnement sociopolitique favorisent l'émergence de comportements en marge de l'idéal bureaucratique au sein de l'administration publique. L'insuffisance du personnel, tant au niveau des structures chargées de la lutte qu'au niveau des services administratifs, de même que les traitements de salaires qui ne sont pas toujours proportionnels au coût de la vie, entravent l'efficacité de la lutte contre la corruption. De plus, si le discours collectif a tendance à stigmatiser certains actes de corruption, les attitudes et représentations qui prévalent restent largement favorables à la corruption.

INTRODUCTION

Après plusieurs décennies d'indépendance, de nombreux pays africains éprouvent toujours de grandes difficultés à amorcer leur développement. La corruption figure en bonne place au sein des multiples obstacles au développement. Au Bénin comme ailleurs, elle constitue un épineux problème de développement dont l'éradication conditionne l'instauration de la bonne gouvernance. Les études prospectives font de la lutte contre la corruption, l'une des voies de réalisation de la vision ALAFIA qui fait du Bénin à l'horizon 2025 : « un pays phare, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien être social » (MPCAG, 2001).

A l'heure actuelle la lutte contre la corruption semble connaître un regain d'intérêt au Bénin mais un bref examen historique débouche sur le constat qu'une telle préoccupation n'est pas récente et que les responsables politiques semblent s'en être toujours préoccupés1. Pourtant et paradoxalement, le phénomène semble avoir gagné en intensité depuis l'indépendance du Bénin. Entre 1996 et 2006, de nombreux scandales politico financiers ont été déplorés. A plusieurs égards, la corruption ressemble au monstre de l'hydre de lerne dont les têtes se multiplient au fur et à mesure qu'on les coupe et dont personne ne semble en mesure de triompher. Dépité et désabusé, l'on pourrait s'adonner à la fatalité et convenir que ce pays fait partie des damnés de la terre. Il est à souhaiter cependant, que la lutte contre la corruption soit poursuivie et que ce phénomène soit repoussé dans ses derniers retranchements. Les rhétoriques politiques et les actions anti corruption qui ont cours en ce moment, pour être efficaces devraient être fondées sur une meilleure connaissance de ses contours et de son dynamisme. Ici comme ailleurs, la réflexion devrait précéder et baliser le terrain pour l'action.

1 On trouvera dans le Plan stratégique national de lutte contre la corruption un résumé historique de la lutte contre ce phénomène.

Quelques récents travaux ont sans doute contribué significativement à une meilleure appréhension du phénomène mais son acuité autorise à postuler que la lutte devrait porter sur des aspects non encore élucidés, en l'occurrence le comportement des acteurs de la corruption et les caractéristiques de l'environnement sociopolitique. Le présent mémoire se situe dans une telle perspective. Ses deux principales parties sont articulées de manières cohérentes et mettent en relief les stratégies de contournement des mesures anticorruption et les éléments du contexte sociopolitique qui rendent difficile mais pas impossible la lutte contre la corruption. En effet, la première partie pose les fondements théoriques et méthodologiques de la recherche en cernant le problème et en identifiant les hypothèses, les objectifs, les concepts et la démarche de collecte des données. La deuxième partie complète utilement la première en présentant les stratégies de contournement des réformes anti corruption de même que les stratégies de construction et d'entretien de l'impunité. Cette partie met également en exergue certains facteurs sociopolitiques qui tendent à maintenir le Bénin dans le cercle vicieux de la corruption.

Première partie :

Fondements théoriques et méthodologiques

Chapitre I : FONDEMENTS THEORIQUES

1. Problématique

1.1. Problème

<< La corruption a des effets délétères et souvent ravageurs sur le fonctionnement de l'administration ainsi que sur le développement économique et politique >>(Banque Mondiale, 1998). Cette conclusion des experts de la Banque mondiale lève un coin de voile sur la crise du développement qui sévit en Afrique. Si le joug colonial et le développement inégal1 expliquent en partie la crise du développement, il faut reconnaître que de nombreux facteurs internes contribuent également à la désarticulation de l'action publique. Au lendemain des indépendances, les élites africaines n'ont pas réussi à promouvoir une administration publique dépersonnalisée, capable de conduire efficacement le développement. Des nids de corruption surgiront partout, alimentés par des dirigeants qui s'adonnent à coeur joie à la prédation des ressources publiques(ELA, 1994).

Au Bénin, la valse des commissions d'enquêtes n'a pas endigué le phénomène qui s'est accentué au point de conduire à la banqueroute de l'Etat en 1989(BANEGAS, 1995). Il prévalait à l'époque une << habile instrumentalisation de l'économie de transit qui fournissait une confortable rente de situation aux caciques de l'Etat-Entrepôt >>(VITTIN, 1999). Les énormes scandales politico financiers enregistrés à l'époque conduiront à une crise économique sans précédent qui facilitera la chute du régime militaire et l'instauration du Renouveau Démocratique (BANEGAS, 1995). L'exigence de Moralisation de la Vie Publique qui s'est imposée, à l'ère du Renouveau

1 Samir AMIN, un des tenants de la théorie de la dépendance insiste sur le néocolonialisme qui prévaut dans les échanges entre l'Afrique et les puissances occidentales qui pillent systématiquement les ressources des Etats Africains. Le sous développement de la périphérie dépendrait de l'asservissement du centre. Cf. Le développement inégal, Paris, Editions de minuit, 1973

Démocratique, comme une nouvelle conditionnalité de l'aide au développement, a entraîné la prise d'un certain nombre de mesures. Citons entre autres, la création de la commission SOS CORRUPTION en 1995, la création de la Cellule de Moralisation de la Vie Publique1, l'appui à la création du Front des Organisations Nationales de Lutte Contre la Corruption, la création de la commission AHANHANZO GLELE. Ces mesures, renforcées par la prise d'un certain nombre de décrets et le vote par l'Assemblée Nationale de lois visant à doter le Bénin d'un véritable cadre juridique de lutte contre la corruption, ne semblent pas avoir réussi à enrayer le phénomène. Après dix années d'exercice démocratique, un ministre des finances et de l'économie s'indigna au sujet de la corruption : « Distorsion de marchés publics, extorsion sur les routes, fraude en douane, racket administratif, dissimulation fiscale, passe-dro its réglementaires... la corruption sous ses multiples facettes ronge la société béninoise (...) cette situation est inacceptable pour le ministre des finances que je suis » (TCHANE, 2000). La série de mesures promues suite à cette profession de foi n'aura pas plus de succès. Ainsi, lors d'une rencontre entre le gouvernement et les organisations syndicales, le ministre des finances et de l'économie a dressé un bilan alarmant des finances publiques et a imputé cette situation à de nombreux actes de corruption (surfacturation, détournements de deniers publics, ordres de paiement indûment signés...).

Pourquoi la Moralisation de la Vie Publique, formule consacrée à la lutte contre la corruption au Bénin, n'a-t-elle pas marché ?

Qu'est ce qui explique le contraste cinglant entre les rhétoriques politiques de lutte contre la corruption et la persistante acuité du phénomène ?

1 Une Institution technique de la Présidence de la République dont la vocation était non seulement de communiquer et de sensibiliser mais aussi de concevoir des stratégies dissuasives de lutte contre la corruption

Ces interrogations sur la persistance de la corruption qui, loin de se réduire à la sphère politique s'est généralisée et banalisée (De SARDAN, 1998), se trouvent au fondement de la présente recherche. A l'évidence, la Moralisation de la Vie Publique rencontre un certain nombre d'obstacles qui n'en facilitent pas l'efficacité. Si la faible capacité de régulation de l'Etat est un fait, il convient de reconnaître qu'elle ne suffit pas à expliquer la persistance de la corruption. Tout porte à croire que la lutte contre la corruption devrait porter sur des aspects non encore élucidés ou du moins ignorés, en l'occurrence les comportements des « agents de la corruption » qui, de toute évidence ont intérêt à ce qu'elle perdure et qui s'appuient sur un contexte socioculturel propice.

Le présent travail se propose donc de mettre en évidence les obstacles qui se posent à la Moralisation de la Vie Publique au sein de l'administration publique béninoise. Pour y parvenir, la réflexion s'articulera essentiellement autour de la question suivante : en quels termes se posent les difficultés liées à la moralisation de la vie publique dans la gestion des finances publiques ?

Quelques hypothèses permettront de mener la recherche et d'exploiter la perspective ainsi envisagée.

1.2. Hypothèses et objectifs

1.2.1. Hypothèses

· La persistance de la corruption est due aux stratégies de contournement des mesures anti-corruption que développent certains acteurs sociaux ;

· Certains facteurs sociopolitiques facilitent la perpétuation de la corruption.

1.2.2. Objectifs

1.2.2.1. Objectif global

Etudier les variables explicatives de la persistance de la corruption au Bénin.

1.2.2.2. Objectifs spécifiques

· Expliciter les différentes stratégies de contournement des actions anti-corruption ;

· Mettre en évidence les variables socio culturelles et structurelles qui entravent le respect de l'éthique bureaucratique.

1.3. Etat de la question

La corruption est un phénomène mondial dont les manifestations ont varié suivant les époques et les contextes sociopolitiques. Conscientes de l'épineux problème qu'elle constitue pour le développement, toutes les sociétés humaines se sont touj ours préoccupées d'y apporter une réponse spécifique dont on peut néanmoins faire ressortir les généralités. L'une des formes les plus connues est la stigmatisation du phénomène sur fonds de dénonciation des dommages causés par celui-ci. La démarche mise en exergue est de faire référence aux valeurs morales et éthiques qui devraient guider l'organisation de la société pour mettre en évidence le frein au développement que constituent les actes de corruption. Sous ce registre, la corruption est décrite comme un fléau à éradiquer, un vice à bannir. Plusieurs auteurs se sont inscrits dans cette perspective. Au plan continental Axèle KABOU peut être citée comme l'un des auteurs les plus représentatifs de cette catégorie. En effet, elle analyse, de façon provocante, les problèmes de développement de l'Afrique sous un angle nouveau, celui du refus en mettant à nu les exactions et

l'étroitesse d'esprit des dirigeants africains de même que la passivité des populations. Au nombre des comportements décriés, la corruption et les malversations occupent une place de choix et c'est sans complaisance que l'auteur dénonce les malversations de nombreux dirigeants africains (KABOU, 1991). Si KABOU ne mentionne pas nommément les malversations des dirigeants béninois, Janvier YAHOUEDEHOU dont les ouvrages s'inscrivent dans la même perspective ne se fera pas prier pour cela. En effet, c'est avec un discours très engagé qu'il dévoile l'un des principaux crimes politico financiers survenus sous le régime du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB): l'affaire KOVAS dans laquelle de nombreux dirigeants de mauvaise foi auraient torpillé un homme d'affaire français ayant au préalable financé le coup d'état qui les porta au pouvoir (YAHOUEDEHOU, 2001). La crédibilité de cet ouvrage réside dans le fait qu'il restitue, à la limite, le chantage opéré par un complice désabusé en direction de « partenaires » qui tardent à honorer leurs engagements. Quelques années plus tard l'auteur révéla, avec autant de véhémence, une série de scandales financiers sur fonds d'intrigues survenus sous la révolution et à l'ère du Renouveau Démocratique,qu'il s'agisse de l'achat d'un vieil avion présidentiel à un prix largement supérieur à sa valeur réelle, de l'affaire Diawara (trafic de stupéfiant) ou de l'affaire Hamani (receleur de véhicules volés avec de fortes complicités politiques et administratives)(YAHOUEDEHOU, 2003).

L'ouvrage de KABOU comme ceux de YAHOUEDEHOU présentent un intérêt évident pour la lutte contre la corruption. En dénonç ant de nombreux scandales politico financiers et en stigmatisant plusieurs faits de corruption tout en établissant le lien entre ces faits et le retard de l'Afrique (et du Bénin), ils suscitent une prise de conscience de ce que la corruption constitue un obstacle pour le développement et invitent par conséquent à un véritable engagement citoyen. Leurs ouvrages ont également le mérite d'être un

témoignage historique portant sur des faits dont les auteurs sont encore en vie et même engagés dans l'arène politique. Il s'agit donc d'une interpellation de la conscience collective qui pourrait jeter un regard interrogateur et même adopter une attitude stigmatisante à leur égard : on pourrait parler de la pédagogie de la dénonciation. Cette approche quoique fort intéressante souffre d'une insuffisance en ce qu'elle ne porte que sur des faits de corruption et ne renseigne aucunement sur les mécanismes généraux de la corruption. La dénonciation sur fonds de considérations normatives ne peut s'opérer qu'en cas de visibilité du phénomène dont les acteurs peaufinent sans cesse des formes subtiles et nouvelles. Seule une véritable connaissance des processus conduisant à la corruption pourrait permettre de lutter efficacement contre elle, non seulement en s'attaquant aux acteurs mais également en détruisant le système.

C'est certainement cet objectif que se sont assignés un certain nombre d'auteurs dont les travaux portent sur la réalisation et la publication d'études portant sur la description des mécanismes et procédures généraux de la corruption, qu'il s'agisse de la fraude fiscale ou des détournements de deniers publics. Dans cette optique, Daniel Dommel part d'une analyse de la corruption en France pour en montrer les répercussions sur le développement. Il y fait, remarquablement en effet, l'historique de la corruption et dévoile par là même les faiblesses du système administratif qui servent de terrain fertile au phénomène avant de préconiser des stratégies de lutte. A l'instar de plusieurs auteurs il ne manquera pas de mettre en évidence les préjudices que la corruption cause à la société globale tout en appelant à un engagement en vue de son éradication. Il ne manquera pas de battre en brèche les arguments de justification et de résignation qui se développent autour de la corruption (DOMMEL, 2003). Dans la même perspective, Transparency International se propose d'étudier et d'organiser la lutte contre la corruption à l'échelle

planétaire. En effet, cette organisation part du constat que la corruption est partout présente dans le monde et que des réseaux transnationaux de corruption ont tendance à s'ériger en de puissants groupes de pression, pour poser l'impérieuse nécessité d'une lutte mondiale contre elle. A cette fin, elle a engagé plusieurs actions au nombre desquelles on peut citer la réalisation d'études sur les mécanismes et procédés habituels en matière de corruption. A titre d'exemple, il faut citer les rapports mondiaux annuels qu'elle publie sur la corruption depuis quelques années. Celui de 2005 portant sur le secteur du bâtiment est riche en informations. Il indique que la reconstruction des pays sortant de la guerre représente de gros enjeux financiers face auxquels les multinationales et les responsables politiques n'hésitent pas à déployer les grands moyens : pots de vins, meurtres, intimidations.... Les dispositions internationales de lutte contre la corruption sont donc loin d'avoir eu raison de l'avidité des multinationales qui déploient moult efforts pour la perpétuation du phénomène dans la passation des marchés publics d'envergures internationales (TRANSPARENCY INTERNATIONAL, 2006). La démarche adoptée vise à informer l'opinion publique sur les dommages causés par la corruption tout en se basant sur les éléments objectifs d'appréciation. Transparency International, tout comme DOMMEL refuse donc de se contenter simplement de stigmatiser la corruption. Ils la décrivent et la circonscrivent tout en identifiant les différents niveaux auxquels la lutte devrait être organisée. Les interstices de l'administration de même que la lâcheté de la justice sont identifiés comme principaux facilitateurs de la corruption. Il convient cependant de signaler que, si l'arsenal juridique de lutte contre la corruption était obsolète il y a quelques années, il s'est progressivement consolidé sous la pression de certaines organisations (dont TI) sur les gouvernants. Dans la préface d'un ouvrage se proposant d'inventorier et de diffuser ces lois, DOSSOUMON, s'interroge sur les raisons de la persistance de la corruption en dépit de toutes ces lois. La seule réponse qu'il y trouve est

que la pression du mouvement social en vue du respect de ces lois est encore très faible (TI-Bénin, 2002). Tout porte donc à croire que la persistance de la corruption ne s'explique pas uniquement par la trop grande lâcheté de la justice mais que les causes sont à rechercher au sein des groupes sociaux où elle sévit. Il était donc important de renforcer la lutte contre la corruption par une connaissance de ses facilitateurs socioculturels1 afin d'appréhender tous les contours du phénomène. Ce faisant, la lutte contre la corruption gagnerait en efficacité car :: << avant de lancer de nouvelles croisades pour l'assainissement de l'Etat Africain, il convient d'éclairer, aux travers de recherches comparatives empiriquement fondées, les mécanismes concrets par lesquels il fonctionne au quotidien et les logiques sociales qui contribuent à la désarticulation de l'action publique » (BLUNDO,2000). La position de OLOWU se situe dans le même ordre d'idée car ce dernier affirme : << Une des raisons pour lesquelles la corruption au niveau du gouvernement est devenue très répandue en Afrique de nos jours est que beaucoup d'efforts ont été déployés pour remédier au problème plutôt qu'à essayer de le comprendre » (KAUFMAN, 1998).

A cet égard, la perspective de Olivier de SARDAN s'avère éclairante en ce sens qu'elle met remarquablement à contribution les spécificités de la démarche socio anthropologique pour proposer une analyse objective des faits de corruption en Afrique. En effet, il précise que la corruption n'est pas l'apanage de l'Afrique mais que ses manifestations et ses fondements y sont particuliers. Faisant un rapprochement du phénomène à partir d'une comparaison entre l'occident et l'Afrique, il constate une sectorialisation du phénomène en Europe (Bâtiment par exemple) contrairement à ce qui se passe en Afrique où la corruption a tendance à s'étendre à tous les secteurs d'activité.

1 L'expression est de Jean Pierre Olivier de SARDAN qui désigne sous ce vocable, les facteurs favorables qui facilitent la dissolution de la frontière entre pratiques quotidiennes licites et pratiques quotidiennes illicites et en accentuant les pressions sociales qui incitent à ignorer cette frontière.

L'auteur précise par ailleurs que la corruption n'est ni un fait social ni un fait culturel mais qu'elle est simplement un fait de société qui s'est inséré dans des codes sociaux . Autrement dit, il existe en Afrique des facilitateurs sociaux et des logiques sociales qui servent de terreau favorable à la corruption. Au nombre de ces logiques dont la mise en évidence est indispensable à la formulation de stratégies efficaces de lutte, on peut citer les logiques du << cadeautage >>, de << l'accumulation-redistributrice >> et de l' << autorité prédatrice >>(De SARDAN, 1998). D'autres recherches sociologiques porteront sur la corruption avec une visée objective se gardant du moindre jugement de valeur. Une telle orientation ne relève nullement d'une approbation du fait mais repose plutôt sur le postulat que l'action et la lutte ne peuvent être efficaces que si elles sont sous tendues par une réflexion objective et des recherches approfondies permettant de cerner tous les aspects de la question. S'inscrivant dans le même sillage, Marius VIGNIGBE publia l'un des plus récents travaux sur la corruption. Après avoir passé en revue les différentes approches de la lutte tout en mettant en exergue leurs limites, il se propose de << se départir d'une approche normative au profit d'une approche empirique pour prendre en considération l'univers politique, culturel, mental présidant au phénomène et le dynamisme politique dont il est porteur >> (VIGNIGBE, 2005).

Au regard de ce qui précède et en raison de la remarquable complémentarité existant entre les différentes approches analytiques de la corruption il ne serait pas excessif d'estimer que la lutte contre ce fléau devrait être chose aisée en ce sens que tous ses contours devraient avoir été maîtrisés. Ainsi les réformes entreprises par le Ministère des Finances et qui ont conduit, entre autres, à la création de la Commission Nationale des Marchés Publics, la publication du Code d'éthique et de moralisation des marchés publics et à la création d'une mission chargée des relations avec les usagers semblent avoir

intégré les limites et les faiblesses de l'administration béninoise sur lesquels s'érige la corruption. Dans cette même perspective et pour crédibiliser sa volonté de lutte contre la corruption, le gouvernement béninois a instruit les ministères de la justice et de l'économie de mettre en place une stratégie nationale de lutte contre la corruption1, stratégie qui fut élaborée et adoptée le 30 Octobre 2001. L'approche adoptée par les experts commis à la réalisation de ce plan part d'une analyse globale de la situation de la corruption pour opérer des choix de stratégies devant déboucher sur des actions concrètes. S'il est vrai que toutes les stratégies préconisées n'ont pas été opérationnalisées, il n'en demeure pas moins que certaines, d'une grande importance l'ont été. Il s'agit du renforcement des actions de la société civile à travers la mise en place du Front des Organisations Nationales de Lutte contre la Corruption (FONAC), la création de l'Observatoire de Lutte contre la Corruption (OLC) et le renforcement du cadre juridique de lutte contre la corruption.

Force est cependant de constater qu'en dépit de toutes ces actions, la corruption sévit et constitue plus que jamais un épineux problème au processus de développement. La recherche des raisons explicatives passe par l'examen de la mise en oeuvre des différentes mesures de lutte, examen qui révèlera que les causes identifiées par VIGNIGBE sont plus que jamais d'actualité car de sérieux efforts restent à faire en ce qui concerne la dépolitisation de l'administration, l'abolition des pouvoirs discrétionnaires et surtout la suppression de l'impunité.

Il serait cependant fort utile d'approfondir la réflexion et d'envisager la question sous un autre rapport en ce sens que la corruption est le fait de certains acteurs qui ont sans doute intérêt(ne serait-ce que dans l'immédiat) à ce qu'elle se pérennise. En effet, l'abord de la corruption peut se faire suivant deux perspectives. La première à laquelle on s'est jusque là intéressé et sur

1 Cf. Compte rendu du conseil des ministres du 04 Août 1999.

laquelle repose les actions de lutte contre la corruption consiste à l'envisager sous le rapport de la faible capacité de régulation de l'Etat et sous celui de la « privatisation » de l'administration publique par des acteurs qui profiteraient des interstices de l'Etat. A contrario mais complémentairement, la question pourrait également être envisagée sous le rapport du jeu d'acteurs qui y trouveraient un intérêt manifeste et qui seraient jusque là parvenus à mettre à mal le dispositif de lutte contre la corruption. Dans cette perspective la recherche sociologique s'intéressera à la corruption non pas sous le rapport de la faiblesse de l'Etat mais l'envisagera en tant que pratique construite et entretenue par certains acteurs sociaux. La passation des marchés publics de l'Etat, les services des douanes et des impôts serviront de cadre d'exploration et de démonstration de cette perspective.

La perspective ainsi envisagée, il s'impose d'opérer une clarification conceptuelle qui facilitera, à plusieurs égards, la suite de La recherche.

2. Clarification conceptuelle

L'énoncé du problème de même que la formulation des hypothèses reposent sur des notions et concepts qui,en raison de la richesse de la langue française, pourraient avoir d'autres significations que celles qui leurs sont données dans ce mémoire. Afin de lever toute équivoque, il est donc nécessaire de définir et d'expliciter les concepts qui constituent l'ossature de notre recherche, conformément à la prescription de DURKHEIM (DURKHEIM, 1937). Il s'agit des concepts de moralisation de la vie publique, de corruption, d'environnement et de stratégie qui seront clarifiés et articulés de façon à rendre explicite le cadre de la recherche.

Ainsi, la présente étude porte sur les difficultés liées à la moralisation de la vie publique au Bénin. Il s'agit donc de mettre en évidence tous les éléments du contexte social qui constituent une entrave à la moralisation de la

vie publique entendue au sens de la politique globale de l'Etat en matière de la lutte contre la corruption. La moralisation de la vie publique fut la formule consacrée à la lutte contre la corruption au Bénin de 1996 à 2006 mais le terme de lutte anti-corruption1 semble être en vogue à l'heure actuelle et ceci, depuis la dissolution de la Cellule de Moralisation de la Vie Publique (CMVP). La moralisation de la vie publique mobilise donc un certain nombre de personnes et d'institutions qui sont les acteurs de la lutte contre la corruption qui se définissent par opposition aux acteurs de la corruption.

La corruption est le concept central de cette étude en ce sens que toutes les interactions se déploient autour de lui. Le concept de corruption renvoie à diverses connotations qui ont toutes en commun d'être associées à une série du mal, comme l'indique la racine latine corruptio. En raison des objectifs de la recherche, nous nous en tiendrons à l'acception proposée par De SARDAN qui postule que les faits de corruption en Afrique doivent être abordés sous le rapport d'un complexe. Le complexe de corruption se défini comme: << un ensemble de pratiques illicites, techniquement distinctes de la corruption mais qui ont toutes en commun d'être associées à des fonctions étatiques, paraétatiques ou bureaucratiques, d'être en contradiction avec l'éthique du «bien public« ou «du service public«, de permettre des formes illégales d'enrichissement, et d'user et d'abuser à cette effet de position de pouvoir » (De SARDAN, 1998).

Outre l'identification des formes élémentaires et des stratégies de la corruption, cette perspective est intéressante en ce sens qu'elle envisage les phénomènes sociaux de corruption et leur environnement comme un ensemble de cercles concentriques au centre desquels se trouvent les formes élémentaires de la corruption, insérées dans les stratégies de corruption pour constituer les pratiques corruptives. Ces pratiques corruptives sont à leur tour << prises » dans

1 Pour des raisons de commodité, ces deux termes seront utilisés de façon équivoque.

le fonctionnement routinier des services publics. Il paraît utile de s'appesantir sur les formes élémentaires de la corruption mises en exergue par Sardan afin d'éviter toute confusion ultérieure. Les sept formes élémentaires se présentent ainsi qu'il suit :

- la commission est une rétribution d'un fonctionnaire par un usager qui aurait bénéficié d'une exemption ou d'une remise illicite quelconque grâce à l'intervention du fonctionnaire. Par cette commission dont le montant est lié à la nature de la transaction, le fonctionnaire perçoit sa "part" en raison du "service d'intermédiation" ou du service illégal qu'il a fourni.

- la gratification ex post est certes proche de la commission en ce sens que c'est un << cadeau >> fait délibérément par l'usager suite à un service public rendu. Cependant la gratification paraît plus légitime aux yeux des acteurs en ce sens qu'elle s'apparente à un cadeau ordinaire. Toutefois, son caractère routinier fait plutôt penser qu'il s'agit d'un pourboire.

- La rétribution indue d'un service public est une pratique courante dans l'administration publique. Elle réside dans le fait que les fonctionnaires fassent payer à l'usager, le service qu'il devrait lui rendre << gratuitement >>. Les fonctionnaires vendent donc leurs services à l'usager.

- le piston consiste en la dérogation aux règles en faveur d'un usager qui aurait bénéficié d'une recommandation d'un collègue, d'un parent ou d'un ami. Le piston est tributaire du système généralisé de faveurs qui prévaut en Afrique.

- le tribut ou péage est une extorsion faite à un usager sans qu'aucun service ou intermédiation ne soit intervenu en sa faveur.

- la perruque consiste en l'utilisation des locaux ou du matériel de service à titre privé, soit pendant les heures de service, soit en dehors des heures de service.

- le détournement quant à lui désigne l'appropriation de matériels de service. Cette appropriation fait disparaître l'origine publique dudit matériel.

Le tableau ci-après récapitule les différentes formes de corruption, leurs catégories juridiques et la nature des transactions effectuées.

Tableau I: Typologie de la corruption

Formes élémentaires de la
corruption

Nature de
l'interaction

Catégories judiciaires

Gratification

Transaction spontanée

Corruption

Commission

Transaction négociée

Corruption

Piston, faveurs, népotisme

Transaction spontanée

Trafic d'influence

Paiement indu ou privatisation de la fonction

Transaction négociée ou extorsion

Concussion

Tribu

Extorsion

Concussion

Perruque

Appropriation

Détournements de biens publics, abus de biens sociaux.

Détournement

Appropriation

Détournement de biens publics, abus de biens sociaux.

Source : Jean Pierre Olivier de SARDAN, La corruption quotidienne en Afrique de l'Ouest, in La corruption au quotidien,Politique Afrique n°63, Paris, Karthala, 1995,p 17.

La corruption sera donc étudiée sous les différentes formes qu'elle revêt, qu'il s'agisse de détournement de deniers publics, d'abus de bien sociaux, du népotisme ou du rançonnement des usagers de l'administration publique.

Il s'agira ici de combiner l'approche durkheimienne des faits sociaux permettant de relever les facteurs sociaux, c'est-à-dire les élément du contexte à l'approche stratégique qui permettra de comprendre et d'analyser les stratégies de contournement de ladite moralisation.

Le concept de Stratégie sera utilisé dans la perspective de De SARDAN qui emploie indistinctement les concepts de stratégie et de logique au sujet du fait que : << Dans tous les cas, les acteurs sociaux concernés ont, face aux ressources, opportunités et contraintes que constituent un dispositif et ses interactions avec son environnement, des comportements variés contrastés, parfois contradictoires qui renvoient non seulement à des options individuelles mais aussi à des intérêts différents, à des normes d'évaluation différentes à des positions << objectives >> différentes >>(De SARDAN, 1995). Cette définition pour être bien comprise mérite d'être mise en rapport avec la position de CROZIER selon laquelle, les normes, règles et principes de fonctionnement d'une organisation ne sont jamais totalement contraignants au point de démunir les acteurs qui y appartiennent d'une marge de manoeuvre, aussi petite qu'elle soit. Autrement dit, tous les acteurs sociaux disposent d'un minimum de pouvoir et le pouvoir suppose une autonomie relative d'acteurs dotés de ressources de pouvoirs inégales et déséquilibrées, mais jamais ou presque totalement démunis, les moins favorisés ayant au moins << la capacité, non pas théorique mais réelle, de ne pas faire ce qu'on attend d'eux ou de le faire différemment >>. Le concept de stratégie occupe une place centrale dans cette étude en ce sens qu'il s'agit en fin de compte de décrire et d'analyser les atouts et les ressources mobilisées par les acteurs de la corruption pour "détourner" le fonctionnement de l'administration publique de sa mission (mobilisation des ressources à des fins de développement.) à des fins privatives, rompant ainsi avec l'étique administrative. Ces atouts et ressources, de même que le degré de mobilisation possible, définissent << la capacité stratégique des acteurs >> (CROZIER, 1977). Dans cette perspective, l'étude s'appesantira sur les interactions entretenues par les acteurs de la corruption avec ceux de la lutte contre la corruption ou plus précisément leur rapport avec les règles, normes et stratégies officielles et formalisées de lutte contre la corruption.

Le cadre théorique et conceptuel de la recherche ayant été précisé, il s'impose de définir une approche méthodologique susceptible d'aider objectivement à la poursuite de la recherche.

Chapitre II : APPROCHE METHODOLOGIQUE

1. Justification du choix du cadre d'étude

La ville de Cotonou se prête remarquablement à l'exploration des perspectives théoriques de cette recherche. En effet, il s'agit d'observer et d'étudier la corruption dans l'administration publique béninoise et d'analyser les difficultés qui se posent à la lutte contre ce phénomène grâce à une analyse minutieuse des diverses interactions. Il ne paraît pas futile de préciser certaines caractéristiques sociodémographiques qui font de Cotonou, un excellent cadre d'étude.

En l'intervalle de quelques décennies, la ville de Cotonou à connu un développement rapide, tant du point de vue de l'étendue géographique que de la taille de sa population. La superficie de la ville est passée de 112 hectares en 1960 à 7000 hectares en 2002. La taille de la population quant à elle, est passée de 70 000 à 740464 habitants au cours de la même période (INSAE, 2003). Ces transformations se sont accompagnées d'une intensification des activités économiques et commerciales au sein de la ville. Ainsi, à l'heure actuelle, Cotonou est connue dans toute l'Afrique de l'ouest pour son marché de 20 hectares (Dantokpa), ses Zémidjans (taxis-motos) et sa pollution (due à l'utilisation de l'essence frelatée appelée "Kpayo").

En outre, la ville est dotée d'un port autonome qui commerce régulièrement avec l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Amérique du sud et l'Asie. 90 % des échanges commerciaux du Bénin se font par voie maritime et donc largement par le Port Autonome de Cotonou où s'exerce une grande activité des services de la douane qui en tirent 70% de leurs recettes . Cotonou est ce que l'on appelle une "ville entrepôt", permettant l'échange avec les pays africains de l'hinterland (intérieur des terres : Mali, Burkina Faso, Niger...), il existe même à l'intérieur du port, une zone franche à la disposition des pays

sahéliens enclavés. La densité des activités économiques qui s'y mènent en fait une ville stratégique dans la politique fiscale du pays. Les principaux champs d'investigations de cette étude sont donc plus concentrés à Cotonou que dans n'importe quelle autre ville du Bénin.

Par ailleurs, Cotonou abrite la quasi-totalité des institutions de la République et la majeure partie des structures administratives, ce qui en fait le principal lieu de passation des marchés publics de l'Etat. De plus, cette ville est le siège de la plupart des institutions étatiques et non étatiques engagées dans la lutte contre la corruption et offre de ce point de vue, un excellent cadre d'observation des interactions entre acteurs de la corruption et acteurs luttant contre celle-ci. La carte de la ville est présentée par la figure n°1.

En dehors de ces raisons objectives, le choix de Cotonou comme cadre d'investigation est sous tendu par la proximité entre cette ville et notre localité de résidence (Abomey-Calavi) de même que par la relative maîtrise que nous avons des langues qui s'y parlent le plus (goun, fon, mina) et dont la compréhension sera utile à l'appréhension des discours sociaux au sujet de la corruption.

L'importance du choix d'un tel cadre de recherche se percevra mieux à travers la précision de la nature de l'étude.

Figure 1: Carte de la ville de Cotonou

NIGER

BU RKINA FAS O

Alibo ri

Atacora

430 440

N

Lac Nokoué

0 0. 6

6

LAD JI

Bo rgo u

Donga

MENO NTI N

N I G E R I A

KINDO NOU

VOSS A

T O G O

1 6 0 0
YEN AWA

2 8

0 0

HLA CO MEY

ZOG BO

706

ZOG BOHOUE

FIF ADJI

Co llines

KOUHOU NOU

GBED JROME DE

2 7

Ste RI TA

ADOGLE TA

TOW ETA

0. 8

0 8

AHOUA NSORI

0. 0

0 0

SEGBE YA

KOWEGBO

MI DEDJI

VED OKO DJI DJE 1 8
AGATA

1 5

Zou

Pla eau

KPAKP AKAME

0 5

AGL A

3 4

TCHA MK PAME

Co uff o

Mo no Atlt Ouémé

2 1

AIDJEDO

MI DOMBO

AVOT ROU

FIGN ON

2 4

AYE LAW ADJE

2 0

2. 8

2 8

AHOGBOH OUE

3 2

DANDJI

1 4

ADEGOULE

HIND E

2. 5

2 5

2 6

0 0

2 2. 6

6

AGONTIN KON

3 5

YAGBE

3 6

FIF AT IN

2 7

JERICHO

2 8

3 9

HOUE YIH O

3 0

2 4 SE NADE LOMNAV A

2 7

1. 6

1 6

Dantokp a

MI SS ES SI N

4 0

3 1

2 2

4 2

VODJE

4 0

3 3

2. 9

2 9

3 6

4.0

4.0

5 0

4 0

TOK PL EG BE

4 6

3 6 0 0

0 0

SIKECOD JI

3 0

4.0

4.0

4.0

4.0 SODJAT IME

5.0

5.0

0 0

GBED EGBE

3.0

4.0

4.0

4 4.0 4.0

0

4 4

5.0

5 2 5.0

4.0

4.0 4.0 FINA GNON
4.0

4.0

4.0

4 9

3 9

4.0

4 5

5.0

5.0

5.0

4 6

4 4

3 2

CA DJEH OUN

5.0

MA RO-MILIT AI RE

5.0

DONATIN

5.0

5 0

AIBATIN

MI SS IT E

5.0

4.0 4.0

4.0

4.0 4.0

5 3

4.0 4.0

4 5

4 2

5.0

4.0

4.0

ZON GO

GBEG AMEY

4.0

3.0 3.0

3 5 3.5

4 3 4.3

3 6

FIDJROS SE

3.0

GUIN CO ME

5.0

5 0

3.0

3.0

3.0

4.0 4 2

3.0

4 2

5.0

5.0

3.0

3.0 4.0

ENA GNON

4 7

3 8

3.0

5.0

CO COTIE R

5.0 5.0

4 5

4.0

3.0

4 4.0

0

4 9

4.0

5.0

5.0 5.0

5.0

5.0

0 5 0

4 7 7 4

5.0

5

2 9

5.0

4 4

3.0

4 2

3.0 3.0

4.0

3.0

701

701

O C E A N A T L A N T I Q U E

430

440

Route bitumée

1er arrondissement 2ème arrondissement 3ème arrondissement 4ème arrondissement 5ème arrondissement 6ème arrondissement 7ème arrondissement

8ème arrondissement 9ème arrondissement 1 0ème arrondissement 1 1ème arrondissement 12ème arrondissement 1 3ème arrondissement

0 1 2 3 Km

Voie payée

Rue

Chemin de fer

Plan d'eau

Source : SERHAU SA

22

Nature de l'étude

Bien que généralisée et banalisée, la corruption revêt des formes diffuses et sa compréhension n'est pas donnée à priori. La corruption en tant qu'objet d'étude est donc un objet qualificatif dont l'objectivation requiert la mise en oeuvre d'une approche qualitative. Sous ce rapport, la présente étude s'avère être une étude qualitative, étudiant la sémiologie populaire et les histoires de vie des acteurs afin d'en dégager leur rapport à la corruption. Il s'agit donc d'une << recherche qui produit et analyse les données telles que les paroles écrites ou dites et le comportement observable des personnes >>(ASSABA, 1998).

Remarquons néanmoins que l'orientation résolument qualitative de la recherche n'exclut nullement la quantification des données qualitatives dans un souci de complémentarité et de précision. Une telle quantification ne sera possible que grâce à la définition des groupes cibles et à la constitution de l' échantillon

Groupe cible et échantillonnage

L'étude des actions et interactions autour de la corruption et de la mobilisation suscitée pour la moralisation de la vie publique ne pouvant, de toute évidence pas se faire auprès de tous les acteurs concernés, il s'est imposé de constituer un échantillon, une unité représentative de la totalité des acteurs sociaux concernés. L'échantillon sera un échantillon à choix << thématiquement >> raisonné, composé de tous les groupes cibles concernés par la lutte contre la corruption.

3.1. Groupes cibles

Les groupes cibles sont les différents groupes d'acteurs dont les activités ou la position sociale sont en relation avec la corruption, qu'il s'agisse de la perpétuer ou de la combattre. Ces groupes cibles ont été définis par choix raisonné, sur la base de notre imagination méthodologique(HAMEL, 1999). Le tableau II présente les différents groupes cibles et les catégories sociales à l'intérieur de chaque groupe cible.

Tableau II: Présentation des groupes cibles et catégories sociales

Groupes cibles

Catégories sociales

1

Agents potentiels de la

corruption ou agents
corruptogènes

-Fonctionnaires de l'administration douanière -Agent de

l'administration fiscale

-Opérateurs économiques et contribuables

2

Acteurs de la lutte contre la corruption

-Membres des institutions de la République investies du pouvoir de combattre la corruption

-Membres des organisations de la société civile
engagées dans la lutte contre la corruption -Journalistes

3

Victimes supposées de la corruption

-Citoyens -Contribuables

4

Proches d'acteurs
potentiels de la corruption

-Conjoints -Enfants

-Frères

Source : AGBANGLA, 2007.

Le nombre d'enquêté varie suivant les groupes cibles et même à l'intérieur de ceux-ci d'une catégorie sociale à l'autre. L'échantillon constitué présente des caractéristiques précises.

3.2. Echantillon

Une fois les groupes cibles identifiés, il a fallu en déterminer la taille, c'est-à-dire le nombre de personnes à enquêter à l'intérieur de chaque groupe

cible. Le principe qui a prévalu à la constitution de l'échantillon est celui de la saturation de l'information. Autrement dit, il n'a pas été défini dès le départ une taille précise pour l'échantillon. Les entretiens à l'intérieur de chaque catégorie sociale se sont poursuivis jusqu'à ce que le seuil de saturation de l'information qui est le seuil à partir duquel les réponses fournies à l'intérieur d'une catégorie sociale ne varient plus (PIRES, 1997), soit atteint. Un total de 67 personnes a été interrogé. Les tableaux III et IV présentent les caractéristiques de l'échantillon.

Tableau III: Répartition des enquêtés par groupe cible

Groupes cibles

Effectifs

Acteurs potentiels de la corruption

18

Acteurs de la lutte contre la corruption

29

Victimes supposées de la corruption

11

Poches des acteurs potentiels de la corruption

9

Total

67

Source : Données de l 'enquête de terrain, septembre-novembre 2007

Tableau IV:Répartition des enquêtés par catégories sociales

Groupes cibles

Catégories sociales

Effectifs

Acteurs potentiels de la corruption

Agents de la douane

5

Opérateurs économiques et contribuables

7

Agents du service des impôts

6

Acteurs de la lutte contre la corruption

Membres des institutions en charge de la lutt e

6

Membres des OSC

19

Journalistes

4

Victimes supposées de la corruption

Simples citoyens

7

Opérateurs économiques et contribuables

4

Proches des acteurs potentiels de la corruption

Frères

2

Enfants

3

Conjoints

4

Total

 

67

Source : Données de l 'enquête de terrain, septembre-novembre 2007

Les graphiques 1 et 2 offrent une possibilité de lecture simplifiée de ces tableaux.

Graphique 1: Répartition des enquêtés par groupes cibles

16%

Acteurs potentiels de la corruption

Acteurs de la lutte contre la corruption Victimes supposées de la corruption

Proches des acteurs potentiels de la corruption

13%

44%

27%

Graphique 2 : Répartition des enquêtés par catégories sociales

20

15

10

5

0

Agents de la douane

Opérateurs économiques

Agents du service des impôts

Membres des institutions en charge de la lutte contre la corruption Membres des OSC

Journalistes

Simples citoyens

Opérateurs économiques et contribuables

Frères

Enfants

Conjoints

Effectifs

La sur représentation des groupes cibles des acteurs de la lutte et des acteurs potentiels de la corruption (50 sur 70) est liée à l'orientation théorique du travail qui porte sur les interactions autour de la corruption. De ce fait les acteurs de la corruption et ceux qui sont engagés dans la lutte contre elle, sont

au coeur de l'étude. Les deux autres groupes cibles sont des témoins des interactions autour de la corruption.

Il faut souligner que cet échantillonnage ne s'est avéré utile que dans la mesure où la collecte des données s'est faite sur la base de technique et d'outils de recherches fiables.

4. Techniques et outils de collecte

Au regard de la nature de la recherche qui se veut être une étude qualitative, les techniques qualitatives ont été privilégiées. Il s'est agit essentiellement, de recourir à la recherche et à l'analyse documentaire et de mettre à contribution les techniques d'entretien et d'observation.

4.1. Recherche documentaire

La prise de connaissance des productions scientifiques et littéraires existantes a aidé significativement à la circonscription de notre recherche. Divers types d'ouvrages ont pu être consultés dans les différents centres de documentation de la ville de Cotonou. La bibliothèque du Centre Culturel Français a permis d'avoir accès à d'utiles informations sur les caractéristiques structurelles de l'Etat Africain, non seulement du point de vue de la législation que du point de vue des pratiques qui s'y observent. La médiathèque de ce même centre regorge de journaux qui font état des principaux scandales politico financiers et des moments forts de la lutte contre la corruption. La bibliothèque de la Cour Suprême a fourni de précieuses informations sur les aspects juridiques de la lutte contre la corruption tandis que la salle de documentation de la FLASH a offert la possibilité de prendre connaissance des mémoires et autres travaux rédigés sur la question. Par ailleurs, les sites Internet du LASDEL et de la Revue Politique Africaine se sont révélés être

une véritable mine d'information sur les travaux socio anthropologiques expliquant les spécificités du phénomène en Afrique et au Bénin.

En ce qui concerne les fondements théoriques et méthodologiques, ils ont été conçus sur la base de la consultation d'ouvrages personnels et grâce à l'accès à la bibliothèque de particuliers.

4.2. Les techniques d'entretien et d'observation

Deux techniques d'entretien ont servi. La première, l'entretien libre ne nécessite pas un outil de collecte particulier. Un simple canevas indiquant le cadre général a permis sa mise en oeuvre comme le recommande Didier FASSIN (FASSIN, 1990). La deuxième technique d'entretien utilisée est l'entretien semi directif individuel. Il fut fait au moyen de guide d'entretien qui en constitue l'outil de collecte. Le guide d'entretien a l'avantage de permettre de suivre « une certaine linéarité, sans atteindre à la chronologie ou à la formulation stricte des questions de l'entretien. ».

Quatre (4) guides d'entretien furent conçus pour chaque groupe cible pour la collecte de données. Lesdits guides sont à l'annexe II au présent document. La technique d'observation a également été utilisée au moyen d'une grille d'observation.

Ces techniques et outils, de même que toutes les phases de la recherche, s'inscrivent dans la durée et ont suivi un chronogramme qu'il sera bien de préciser.

5. Chronogramme

La programmation suivie jusque là, de même que la projection des phases ultérieures dans le temps sont présentées dans le tableau V.

Tableau V: Chronogramme de recherche

Phases

Activités

Lieu

Période

Choix du thème

Discussion avec des personnes ressources formulation et reformulation du thème

Abomey- Calavi

Janvier 2006

Travaux préparatoires

Recherche documentaire

Dépôt du thème

Séminaire de méthodologie Elaboration du protocole de recherche

AbomeyCalavi et Cotonou

Avril 2006- Aoùt 2007

Pré-enquête

Identification des groupes cibles

Choix des unités statistiques de l'échantillon

Test des techniques et outils de collecte

Correction des techniques et outils de collecte

Cotonou

Août- Septembre 2007

Enquête

Séries d'entretiens et d'observations

Cotonou

SeptembreNovembre 2007

Dépouillement

Elaboration de fiches de dépouillement

Lectures complémentaires

Cotonou

Décembre 2007

Rédaction du mémoire

Analyse des données Rapport

Cotonou

Décembre 2007-Mars 2008

Source : AGBANGLA, 2007.

Le déroulement de la recherche n'a pas été de tout repos car il a été jalonné par de constantes difficultés.

6. Difficultés rencontrées

Deux principales difficultés ont été rencontrées. La première est liée à la disponibilité des acteurs engagés dans la lutte contre la corruption dont les agendas étaient très chargés. Il y eu en effet de nombreux reports de rendezvous et d'excuses de dernières minutes de la part des enquêtés de cette catégorie. En moyenne, il a fallu attendre quatre semaines pour avoir un entretien, ce qui a occasionné un retard considérable dans le déroulement de l'enquête .La seconde difficulté fut celle de l'accès à l'information auprès des acteurs potentiels de la corruption. Durant l'enquête de terrain nous avons eu

l'impression qu'il régnait une sorte de phobie de toute discussion sur la corruption au sein de l'administration publique. En effet, il y eu de nombreuses dérobades et de nombreuses feintes dans les informations fournies par certains agents publics dont le souci semblait être de se débarrasser de << l'enquêteur gênant commis par l'OLC >>, de sorte que plusieurs entretiens ont été invalidés. Pour juguler cet obstacle, il s'est imposé d'établir un climat de confiance en faisant recours à la médiation de personnes qui avaient des rapports de confiance avec les agents publics et qui leur garantissaient la confidentialité des informations recueillies. Même dans ce cas les réticences ne furent pas toujours levées. Une petite histoire vécue en situation d'enquête édifiera : << Un ami en service à, la recette des impôts accepta de nous accorder un entretien à condition que ce fut chez lui. Le rendez-vous pris, nous nous rendîmes chez lui. Après qu'il ait donné de précieuses informations sur les pratiques de corruption au niveau des assiettes nous lui avons suggéré d'en faire de même pour les recettes mais, il se raidit automatiquement et déclara qu'il n'y avait pas de corruption aux recettes et que d'ailleurs l'entretien était arrivé à son terme >>. Ces obstacles levés, il fut plus aisé de mener remarquablement la recherche comme en attestent les résultats.

Deuxième partie : Dynamique de la corruption

CHAPITRE I : DU JEU DES ACTEURS

La persistance de la corruption peut s'appréhender suivant deux axes essentiels entre lesquels se trouvent des passerelles de complémentarité. Elle est à la fois le résultat du jeu d'acteurs, largement favorable aux acteurs de la corruption et de certaines contraintes structurelles nous instaurant dans le cercle vicieux de la corruption.

1. Typologie des acteurs de la lutte contre la corruption

Les dispositions en vigueur en République du Bénin définissent trois niveaux de contrôle destinés à lutter contre la corruption : les contrôles administratif, parlementaire et judiciaire. Deux catégories d'acteurs se mobilisent pour l'effectivité du contrôle à ces trois niveaux. Il s'agit des acteurs non étatiques et des acteurs étatiques qui ont leurs approches spécifiques d'intervention, leurs moyens de mise en oeuvre et qui nouent des interactions entre elles.

1.1. Les acteurs non étatiques

Il s'agit essentiellement des organisations non gouvernementales qui ont explicitement pour objectif de combattre la corruption. Il est vrai qu'une pluralité d'acteurs intervient, d'une manière ou d'une autre dans la lutte contre la corruption mais il n'y a que quelques ONG qui ont explicitement pour objectif de combattre la corruption et qui y travaillent véritablement. Les données recueillies font état d'une dizaine d'ONG qui oeuvrent effectivement à cette fin à Cotonou. Au terme du forum national des organisations de la société civile de lutte contre la corruption tenu en 1998 à l'initiative de la CMVP, les ONG luttant contre la corruption ont convenu de mettre sur pied le front des organisations nationales de lutte contre la corruption (FONAC) qui devrait être une organisation faîtière. Si aucune des organisations fondatrices

du FONAC n'en a démissionné jusque là, il n'en demeure pas moins que la quasi-totalité de ces ONG ont gardé leur autonomie, définissent leurs activités et mobilisent les ressources à cet effet. Elles s'investissent essentiellement dans la détection et la dénonciation publique des actes de corruption grâce à leurs militants qui sont dans l'administration et qui leurs fournissent toutes les informations utiles à cette fin avec les preuves y afférent. Une fois les informations recueillies, ces organisations se rapprochent des mis en cause pour avoir leur version des faits. Si au terme des échanges aucun reproche n'est fait au mis en cause ou si les faits reprochés sont des faits mineurs susceptibles d'être réparés, l'affaire est classée sans suite. Le cas échéant, elles procèdent à la dénonciation publique afin d'informer l'opinion publique et d'inciter les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités pour que le préjudice causé à l'Etat puisse être réparé. Les ONG intervenant dans la lutte contre la corruption sont confrontées, dans leur fonctionnement, à deux types de difficultés : la mobilisation des ressources humaines (tant en ce qui concerne les informateurs au sein de l'administration publique qu'en ce qui concerne l'analyse des informations recueillies et des procédures à suivre) et la mobilisation des ressources matérielles et financières. En effet, dans la plupart des cas, le personnel permanent des ONG se limite à une secrétaire et à un responsable aux affaires juridiques quand il ne s'agit pas simplement d'une secrétaire comptable. En ce qui concerne le financement, les bailleurs de fonds étrangers, en l'occurrence l'USAID, le PNUD, les Ambassades du Danemark et des Pays Bas de même que la Coopération technique Allemande, restent les principaux partenaires. Chaque organisation mobilise ses ressources financières sur la base de ses relations et de la nature des projets qu'il entend conduire. Par ailleurs, les ressources mises à leur disposition par les bailleurs de fonds ne sont pas des frais de fonctionnement et ne sont pas destinées à assurer leurs investigations. En l'absence d'une stratégie nationale de mobilisation de ressources au profit des ONG luttant contre la corruption, ces

dernières se trouvent dans l'obligation d'élaborer des projets qui tiennent compte de la logique des bailleurs de fonds. Le tableau VI et le graphique n°3 rendent compte de l'appréciation des acteurs non étatiques sur le degré d'importance des difficultés qu'ils rencontrent.

Tableau VI : Ordre d'importance des difficultés rencontrées par les acteurs non étatiques

Difficultés

Mobilisation des ressources matérielles et financières

Mobilisation des ressources

humaines

Difficultés d'accès à l'information

Total

Pourcentage

50

20

30

100

Source : Données de terrain, septembre 2007.

Graphique 3 : Ordre d'importance des difficultés

30%

Mobilisation des ressources matérielles et financières Mobilisation des ressources humaines

Difficultés d'accès à l'information

20%

50%

Outre les ONG, les médias privés occupent une place de choix dans la lutte contre la corruption en ce sens que c'est à eux qu'il revient d'assurer une large diffusion aux résultats des investigations des ONG. Les avis recueillis attribuent une position médiane à la presse dans la lutte contre la corruption. En effet, en tant que contre pouvoir contribuant à la construction de l'opinion publique la presse est sujette à des tentatives de récupération et il arrive que des indélicats en son sein ne facilitent pas la tâche aux autres acteurs engagés dans la lutte contre la corruption.

Les ONG et les organes de la presse privée constituent les principaux acteurs non étatiques engagés dans la lutte. Ils oeuvrent aux côtés des acteurs étatiques.

1.2. Les acteurs étatiques

Il s'agit des organes de contrôle établis par l'administration publique auxquels se joint l'Assemblée Nationale dont le rôle est de contrôler l'action gouvernementale. Au lendemain des élections présidentielles de mars 2006 qui ont conduit à l'avènement du Président Boni YAYI, un certain nombre de réformes ont été entreprises en ce qui concerne les acteurs étatiques de lutte contre la corruption. Ainsi, la CMVP qui avait pour attribution de sensibiliser et d'investiguer en vue de dissuader a été dissoute et remplacée par l'Inspection Générale d'Etat (IGE) dont la mission est de détecter, en procédant au contrôle de la régularité de la gestion des sociétés et administrations publiques, les actes de corruption. Les rapports de l'IGE sont étudiés en conseil des ministres et peuvent induire des sanctions administratives et des poursuites judiciaires. Rattachée à la Présidence de la République, l'IGE coordonne les activités de l'Inspection Générale des Finances et de l'Inspection Générale des Services Administratifs qui constituent, avec elle les trois organes à compétence nationale. Par ailleurs, les anciennes divisions de l'Inspection et de la Vérification Interne (DIVI) ont été remplacées par les inspections générales des ministères qui assurent le relais des organes à compétence nationale au sein des ministères.

Mis à part ces organes de contrôle administratif, l'ordonnance n°96-04 du 31 janvier 1996 et le décret n°2004-18 du 27 août 2004 portant respectivement code des marchés publics et décret d'application de l'ordonnance réglementent la passation des marchés publics de l'Etat. Ces dispositions instituent les commissions de passation des marchés publics au

niveau des ministères et de toutes les institutions devant acquérir des biens ou des services pour le compte de l'Etat. Passé le seuil de compétence des CPMP, la direction nationale des marchés publics prend le relais. La commission nationale de régulation des marchés publics veille à la régularité des contrats signés. L'Observatoire de Lutte Contre la Corruption (OLC) est une institution de la république chargée de procéder au suivi évaluation des actions anticorruption. L'Agence Judiciaire du Trésor, rattachée à la Présidence de la République est chargée de la récupération des fonds auprès des personnes indexées par les rapports des différents organes de contrôle.

Si les rapports de l'IGE, de l'IGF et des inspections générales des ministères ont un caractère administratif et sont examinés en Conseil des ministres, ceux de l'OLC doivent être confirmés par un organe administratif de contrôle sur demande du gouvernement ou d'un ministre. L'Assemblée Nationale est l'organe constitutionnel de contrôle du pouvoir exécutif. Elle est habileté à mettre en place des commissions d'enquêtes et à interpeller le gouvernement sur tous les sujets d'intérêt national. Son avis est requis pour la nomination des ministres. Le vote du budget général de l'Etat et celui de la loi de règlement constituent les outils fondamentaux du contrôle parlementaire de l'action gouvernementale. Le vote du budget générale autorise le gouvernement à mettre en oeuvre une politique de mobilisation des recettes et à effectuer des dépenses publiques dans tel ou tel sens tandis que la loi de règlement est destinée à vérifier le taux d'exécution du budget. La loi de règlement s'assure également du respect des procédures et règles d'exécution des dépenses publiques. Malheureusement, si le vote du budget à lieu régulièrement, celui de la loi de règlement tarde à s'insérer dans les moeurs. Depuis l'avènement du renouveau démocratique, elle n'a pu se faire qu'une seule fois. Une telle situation tiendrait de la non transmission des documents de travail par l'exécutif. L'Assemblée Nationale incarne le pouvoir législatif,

pilier de l'Etat de droit. A ce titre elle devrait être au coeur de la lutte contre la corruption mais il n'en est pas toujours ainsi à tel point que les avis recueillis ne la citent presque pas dans les institutions de lutte contre la corruption.

Acteurs étatiques et acteurs non étatiques entretiennent des relations qui ne sont pas de nature à faciliter une synergie d'action et qui concourent à leur affaiblissement dans le jeu des rapports avec les acteurs de la corruption.

1.3. Interactions entre les acteurs de la lutte contre la corruption

S'il est vrai que l'ensemble des acteurs engagés dans la moralisation de la vie publique entretiennent des relations cordiales entre elles, force est de constater que leurs rapports, dans bien de cas se limitent à de simples civilités et à des regroupements de circonstances. S'il est vrai que l'existence de rapports hiérarchiques entre les organes de contrôle administratifs permet d'observer une certaine synergie entre elles, il n'en est pas toujours de même entre les ONG. En effet, la création du FONAC n'a pas induit systématiquement un cadre de concertation bien que la quasi-totalité des ONG intervenant dans le domaine se réclament membre du FONAC. Les forces n'ayant pas été mises en commun, il s'ensuit que chaque ONG doit faire face isolément à ses difficultés de mobilisation de ressources humaines et financières. Certaines y parviennent mais d'autres n'y arrivent pas et ralentissent considérablement de ce fait leurs activités, laissant par conséquent le champ libre aux acteurs de la corruption. De plus, il arrive que différentes ONG travaillent séparément sur un même dossier sans se concerter et concentrent par là même, l'essentiel des énergies sur un seul sujet. Par exemple pour le dossier de la SBEE qui a défrayé la chronique, le FONAC et ALCRER ont mené séparément leurs enquêtes. Les difficultés d'harmonisation des activités des ONG s'inscrivent dans la dynamique de la société civile africaine dont beaucoup d'organisations doivent leur création à la possibilité de

mobiliser des ressources extérieures. Dans ces conditions, préserver son autonomie revient à préserver ses chances de captation de la rente du développement auprès des partenaires au développement. Cet état de choses permet de comprendre que des organisations membres du FONAC aient pu, dans le cadre de leurs activités de sensibilisation, mobiliser des ressources financières auprès d'un partenaire qui finançait aussi le FONAC pour des activités du même genre.

Par ailleurs, à la disparité entre les moyens matériels et humains, s'ajoutent d'autres clivages imputables aux textes et lois, qui ne sont pas de nature à consolider la collaboration entre les ONG et les organes administratifs. En effet, les inspections générales fonctionnent suivant un chronogramme préalablement défini et ne peuvent entreprendre des investigations que sur ordre d'un ministre ou du gouvernement. De ce fait, elles ne sont habilitées à entrer en collaboration avec les ONG que dans le cadre d'enquêtes commanditées. Etant donné que les rapports des ONG n'ont aucun caractère administratif et qu'elles ne sont juridiquement pas fondées à saisir directement les organes de contrôle pour valider leur rapport, ces dernières ont le choix entre le fait de s'en remettre à l'autorité gouvernementale ou de porter l'affaire sur la scène publique en espérant mettre la pression sur les autorités. Cette dernière option semble être la préférence des ONG, faisant de la presse leur partenaire privilégié. Malheureusement, les organes de presse, en plus de leur mission d'information, ont une vocation commerciale. De ce fait, les ONG sont le plus souvent amenées à délier leur bourse pour faire passer leur message. Certes, quelques organes de presse (et pas des moindres) accordent des facilités à ces ONG surtout lorsque les révélations dont elles sont détentrices sont susceptibles de faire sensation. Ces facilités se sont accentuées avec l'avènement au pouvoir de l'actuel Président de la République qui a publiquement déclaré son intention de lutter contre la

corruption et l'on a pu observer une forte activité médiatique du FONAC et de l'OLC. Mais les avis recueillis sont unanimes sur le fait que les médias n'ouvrent pas touj ours spontanément leurs portes.

2. Les stratégies de contournement

Les relations autour de la corruption nous plongent dans l'univers des rapports de pouvoirs1. En effet, l'administration publique est assimilable à une organisation dont le fonctionnement et les rapports avec l'environnement extérieur sont régis par des textes et lois. Une telle régulation vise à rendre prévisible le comportement des agents publics et des usagers afin de contenir toute tentative de détournement de l'administration de sa fonction première, celle de la définition de buts collectifs et de mobilisation de ressources à cet effet. De ce fait, la mission des organes de contrôle et des ONG revient à veiller au respect et à l'application de ces textes aussi bien par les agents publics que par les usagers. Les propos d'un responsable d'une des institutions de la République en charge de la lutte l'atteste : « Nous sommes dans un régime de séparation des pouvoirs. Une fois que le travail de détection a été fait et que le dossier a été transmis à la justice, ni le gouvernement ni le FONAC n 'ont plus rien à dire. Nous devons tourner nos regards vers la justice car force doit rester à la loi »2.

Toutefois, les règles juridiques et administratives n'ont pas anéanti la marge de manoeuvre des agents publics et des usagers qui détiennent toujours une capacité stratégique, c'est-à-dire, qu'il leur est possible de ne pas faire ce qu'on attend d'eux ou de le faire différemment. Dans la pratique, les acteurs de la corruption savent se montrer respectueux de la loi tout en la vidant de son

1 La notion de pouvoir diffère de celle de l'autorité qui est une forme de pouvoir instituée par la loi. Le pouvoir renvoie à la possibilité pour un acteur de faire en sorte que le résultat de sa relation avec autrui lui soi moins contraignant. Cf. Michel CROZIER, L'acteur et le système, Paris, SEUIL, 1977.

2 Jean Baptiste ELIAS, Président de l'Observatoire de lutte contre la corruption, Deuxième édition de la journée nationale de lutte contre la corruption, Cotonou, 10 décembre 2007.

contenu quand ils ne la foulent pas impunément aux pieds. Les stratégies récurrentes de contournement des réformes et actes anticorruption dans la passation des marchés publics (en ce qui concerne les dépenses publiques) et dans le secteur de la douane et des impôts (en ce qui concerne la mobilisation des ressources) se construisent et se déconstruisent autour de cette relation de pouvoir.

2.1 Le contournement des règles dans la passation des marchés publics

Les marchés publics concentrent une grande partie des dépenses de l'Etat. Si au lendemain des indépendances, la réglementation dans la passation et l'exécution des marchés publics était obsolète, elle s'est progressivement enrichie au lendemain de la Conférence des Forces Vives de la Nation. Ainsi, l'ordonnance n° 96-04 et le décret n° 2004-565 rendent obligatoire la passation de marchés publics au-delà des seuils suivant :

· Trente millions (30000000) de francs CFA pour les marchés de travaux ;

· Dix millions (10000000) de francs CFA pour les marchés de service ;

· Dix millions (10000000) de francs CFA pour les marchés de fourniture.

Trois modes de passation des marchés publics sont retenus par ces dispositions : le gré à gré, l'adjudication publique et l'appel d'offres. Il s'agissait d'assurer l'égalité et l'équité d'accès aux marchés publics aux entrepreneurs et de garantir une utilisation optimale des ressources de l'Etat. Dès lors, les acteurs sociaux qui s'adonnaient aux pratiques de corruption ont dû peaufiner d'autres stratégies pour contourner cette réforme. Les acteurs concernés ont su exploiter les interstices de l'Etat. Ainsi, on dénote de nombreux cas de fragmentation des marchés publics pour échapper à la passation de marché et attribuer le marché à un entrepreneur dont on se serait

assuré de la disponibilité à concéder une commission (de l'ordre de 10 à 20%) sur le marché. La disposition réglementaire exigeant en la matière que trois candidats au moins soient consultés est aisément contournée comme en témoigne les propos de l'enquêté A., président d'ONG : « Il y a une société de la place qui passe des commandes à un entrepreneur ayant 10 entreprises différentes régulièrement enregistrées. Ce dernier fourni à lui seul différentes factures et rafle les marchés avec la complicité du maître d'ouvrage ». A cette stratégie élémentaire de contournement de la loi s'ajoute des stratégies plus subtiles lorsqu'il s'agit de passation de marchés publics. Deux des trois modes définis par la loi sont d'usages fréquents : le gré à gré et l'appel d'offre. La corruption dans le cas des marchés de gré à gré constitue une violation des textes en vigueur sur laquelle l'analyse se penchera ultérieurement.

L'appel d'offres, à l'instar des autres modes de passation est exécuté, suivant les seuils de compétences définis par la loi par la cellule de passation des marchés publics (organe de passation à la base c'est-à-dire au niveau du maître d'ouvrage) et par la direction nationale des marchés publics. Si les procédures dont les principales étapes sont l'appel public à concurrence, le dépouillement public des offres et leur jugement suivant des indicateurs précis sont de plus en plus respectés, le principe de l'équité d'accès aux marchés publics par les entrepreneurs et l'utilisation optimale des recettes de l'Etat peine encore à avoir voix au chapitre. En effet, les données collectées s'accordent sur le fait que plusieurs entrepreneurs sont prêts à faire des concessions pour exécuter les marchés publics. Ils se mettent donc en quête d'alliés au niveau des organes de passation des marchés et y parviennent, dans certains cas. La stratégie récurrente dans le cas d'espèce est de renseigner l'entrepreneur sur les items à prendre en compte lors du dépouillement et sur le montant que l'offre financière ne saurait excéder. De même, de telles alliances permettent d'évincer, en cas d'égalité, un autre entrepreneur qui n'aurait pas

« assuré ses arrières ». Le témoignage de cet entrepreneur illustre fort bien cet état de choses : « Il ne m 'a pas été facile de décrocher ce marché. J'ai dû me faire parrainer par quelqu 'un qui m 'a recommandé à un membre de l 'organe de passation. Après que nous ayons discuté, ce dernier m 'a donné des instructions à suivre pour que mon dossier puisse passer. Il s 'est également chargé de trouver du soutien pour que le verdict de l 'organe me soit favorable. Je lui ai donné une commission mais cela ne m 'a pas gêné dans les travaux », (T. entrepreneur à Cotonou).

Certes, les entrepreneurs qui avouent s'adonner à de telles pratiques soutiennent que les commissions versées ne les empêchent pas d'exécuter les marchés. Mais les nombreux cas d'abandons de chantiers de construction de bâtiments et les défauts de qualité dénoncés rendent plausible l'hypothèse d'un lien de causalité entre la mauvaise qualité de certains travaux publics et ces commissions versées.

D'autres stratégies de contournement sont mises en oeuvre dans le domaine de la mobilisation des ressources de l'Etat à travers la douane et les impôts. Elles concourent également à la pérennisation de la corruption au Bénin.

2.2 La douane et les impôts

Leviers importants de la mobilisation des recettes de l'Etat, le service de la douane et celui des impôts reposent respectivement sur l'application du code de la douane et du code général des impôts.

Le port autonome de Cotonou est le principal lieu d'application du code de la douane dans la ville de Cotonou. La douane de Cotonou -port est un important lieu de transactions financières. L'écor est une opération qui consiste à évaluer la nature, le nombre, le poids des marchandises et à déterminer le

montant des droits à percevoir sur elles. Si de nombreuses pratiques corruptives qui s'y observent relèvent de l'extorsion à travers les faux frais, il convient de signaler que la minoration des valeurs y est également une stratégie dominante. Une telle minoration s'effectue sur les marchandises de grandes entreprises pour lesquelles elle revêt un double intérêt. Non seulement elle leur permet de payer des taxes douanières nettement inférieures aux valeurs de leurs marchandises mais aussi, elle leur permet de mieux organiser la fraude fiscale en faisant un bilan comptable biaisé. Ce type de corruption se fait sous fonds d'interférences politiques et implique les responsables aux plus haut niveau de la douane1.

En ce qui concerne le service des impôts, on assiste également à des formes de stratégies de contournement. Le service des impôts est subdivisé en deux secteurs que sont l'assiette et la recette.

- Le service des assiettes

Le service des assiettes est chargé d'asseoir l'impôt c'est-à-dire de déterminer la matière imposable, de liquider l'impôt en appliquant les taux d'impôts et d'émettre des avis d'imposition qui sont acheminés à la recette. Pour effectuer sa mission, le service des assiettes effectue des enquêtes de recensement sur le terrain. C'est à cette occasion que de nombreuses tractations concourant à l'amenuisement des recettes fiscales se mènent. La stratégie récurrente, pour les contribuables consiste à faire une déclaration à la baisse de la valeur des biens à imposer afin que l'impôt ne soit pas élevé. Dans cette quête, les agents du service des assiettes chargés de recenser les biens deviennent leurs alliés stratégiques. Il faut également préciser qu'il arrive que, pour faire face à l'immensité du travail, les assiettes fassent appel à des

1 Sous réserve des décisions de justice, c'est ce type de corruption qui a été révélé par l'enquête de l'inspection générale d'Etat et qui a conduuit à la suspension de Charles ADEKAMBI et de Marcellin ZANNOU qui étaient respectivement, Directeur Général de la douane et Chef de la Brigade des douanes de Cotonou-port.

personnes qui ne sont pas du secteur. Ce fut le cas par exemple, lors du recensement foncier urbain de 2006. Ces agents occasionnels commis à la réalisation des enquêtes de recensement, sont des véritables alliés stratégiques pour certains contribuables. Il leur est d'autant plus facile d'opérer qu'aucune sanction administrative ne pèse sur eux puisqu'ils ne sont pas, le plus souvent des fonctionnaires. Les propos de l'enquêté S., enquêteur lors du RFU de 2006 sont évocateurs : « En tant qu 'enquêteur je devrais recenser les immeubles du quartier. Je suis entré dans une maison et avant que je n 'écrive quoique ce so it, le propriétaire m 'a demandé de venir pour qu 'on parle. Il m 'a expliqué qu 'il s 'était toujours entendu avec les enquêteurs et m 'a fait une enveloppe de 50. 000F. J'ai fait les déclarations comme il me l 'a demandé ».

En outre, le caractère déclaratif de l'impôt au Bénin offre un terrain favorable à l'évasion fiscale. En effet, c'est aux comptables des entreprises qu'il revient de faire une déclaration du résultat comptable (c'est-à-dire le bénéfice net) et d'appliquer le taux d'impôt en vigueur pour définir le montant de l'impôt. Cela fait, il l'achemine au service des assiettes et il revient à l'inspecteur de procéder au contrôle sur place et sur pièce pour valider ce montant. Il s'ensuit que beaucoup d'entreprises font des déclarations à la baisse qui puisse échapper à l'inspecteur qui n'a pas toujours le temps et les ressources nécessaires pour effectuer le contrôle. Cependant, dans leur quête d'alliés stratégiques, les contribuables savent appâter l'agent public pour qu'il oublie de bien faire son travail. Cela lui est d'autant plus facile qu'il y a un problème réel d'insuffisance de personnel dans l'administration. Les organes de contrôle, notamment l'inspection générale des services de l'impôt n'y voit que du feu en raison de ses faibles capacités en ressources matérielles et humaines qui ne lui permettent pas de procéder directement à des vérifications sur le terrain, et s'en tiennent pour l'essentiel à la conformité des taux imposés avec les textes. Quant aux ONG, elles avouent qu'elles ne s'intéressent pas

trop à ce pan de la question. Elles se concentrent le plus souvent sur les détournements des deniers publics et sur les marchés publics, au grand bonheur de certains contribuables et de certains agents publics. Ces derniers, pour éviter d'être dénoncés par leurs collègues, mettent en place des stratégies de cooptation et d'intimidation. La répartition du butin impose la loi du silence. Les contribuables, quant à eux, déploient moult stratégies de mobilisation de leurs alliés stratégiques et utilisent divers registres de persuasion : appartenance à la même lignée familiale, alliance dans le mariage, appartenance au même groupe religieux...

L'appât du gain n'intervient donc pas directement dans les négociations. On sollicite une faveur de l'agent public en mobilisant divers réseaux de solidarité ou en jouant sur son côté affectif et l'argent qu'on lui donne s'accompagne de remerciement pour « le service rendu ». De cette façon, la loi est respectée car les avis d'imposition sont émis et les impôts recouvrés, quoique l'Etat subisse un préjudice.

Il convient de notifier que cette stratégie corruptrice n'est utilisée que pour les impôts directs, ceux dont le contribuable va lui-même s'acquitter. Les impôts directs courants sont les impôts sur le bénéfice industriel et commercial (BIC), le bénéfice non commercial (BNC) et la taxe sur le foncier urbain (TFU). La stratégie de minoration des valeurs à déclarer n'est pas efficace en ce qui concerne les impôts indirects car ils sont directement relevés par le prestataire (tenant de boutique, de bar, gérant de station d'essence...) et reversés à l'Etat.

- Le service des recettes

Une fois les avis d'imposition émis, le service des assiettes les achemine à la recette qui prend en charge les rôles1 et les distribue au contribuable. La date de réception de l'avis par le contribuable est la date de mise en recouvrement. Passé le délai de mise en recouvrement, le receveur délivre une sommation sans frais c'est-à-dire qu'il applique une pénalité de 10% puis retrace la dette du contribuable et lui envoie un acte qui ne vaut aucun frais. A l'expiration du délai de l'acte de sommation sans frais, le receveur adresse un acte de commandement c'est-à-dire un acte qui retrace la dette du contribuable( impôt + majoration ) + pénalité de 5%. Si aucune réaction n'est notée, il est alors émis un avis à tiers détenteur (ATD), c'est-à-dire que les banques sont saisies et priées de bloquer les avoirs en banque des intéressés s'ils en avaient et de mettre le montant dû à la disposition du trésor public. Si cette procédure demeure infructueuse, on procède à la saisie des biens meubles et immeubles du contribuable.

Il ne serait pas excessif, à la lumière de ce qui précède, de dire que la loi n'offre aucune possibilité d'évasion fiscale une fois l'avis d'imposition émis. Les propos suivants, émis par l'enquêté B., receveur des impôts, en témoignent : « Une fois l 'acte de commandement émis, l 'impôt assorti des pénalités, devient imprescriptible ».

Toutefois, les réalités de terrain révèlent l'existence de formes subtiles de contournement de la loi qui dénotent de l'irréductibilité du social à la loi. La difficulté première des receveurs est de faire parvenir l'avis d'imposition au contribuable en raison de leurs faibles ressources humaines et matérielles. Pour y parvenir, ils font recours aux élus locaux. Etant donné que la mise en recouvrement ne débute qu'à partir de la réception de l'avis d'imposition, les

1 Un rôle est un ensemble de cinquante avis d'imposition.

poursuites ultérieures sont inopérantes tant que l'avis d'imposition n'est pas distribué. La non distribution des avis d'imposition est donc mobilisée comme stratégie pour échapper aux impôts. Par ailleurs, la loi offre la possibilité au contribuable de demander un moratoire et d'échelonner le paiement de ses impôts. Il revient au receveur ayant cédé à cette requête de veiller au respect de l'accord établi. A cette occasion, les contribuables « négocient « le moratoire grâce à l'appât financier. Si l'omission du recouvrement des impôts auprès d'un contribuable est une faute professionnelle, l'agent public qui la commet n'est pas toujours sanctionné et bénéficie souvent de circonstances atténuantes. Les services de contrôle lui donnent des conseils et il est procédé au redressement fiscal, c'est- à dire que les poursuites sont engagées vis- à vis du contribuable. Il s'agit donc d'un risque moindre pour le receveur sur lequel le contribuable peut compter, le temps que survienne la prescription de l'impôt.

3. La construction de l'impunité

Si à l'unanimité, les acteurs interrogés admettent que les cas de violations flagrantes des dispositions légales sont beaucoup moins utilisées et que les acteurs de la corruption ont de plus en plus tendance à peaufiner les stratégies de contournements, il n'en demeure pas moins que l'impunité fait partie des stratégies corruptrices. L'impunité est construite et entretenue à deux principaux niveaux que sont l'exploitation des faiblesses structurelles de l'Etat, le chantage et la cooptation des acteurs intervenants dans la lutte.

3.1. L 'exploitation des faiblesses de l'Etat

La loi n°2004-18 du 27 août 2004, définit une série de conditions précises en dehors desquelles les marchés gré à gré ne sauraient être passés. Ces mêmes dispositions prescrivent que l'avis motivé du ministre en charge des finances est un préalable à la passation de marché de gré à gré car ce dernier doit veiller à ce que le volume de tels marchés ne dépasse les 10% du

total des marchés passés. Dans la pratique, l'alinéa 5 de l'article 44 de cette loi qui autorise le gré à gré en cas d'urgence de réalisation des travaux dus à des circonstances imprévisibles, est utilisé pour faire avaler des situations de fait au ministre des finances. Cet acte contraire aux dispositions en vigueur ne souffre d'aucune contestation lorsque les structures de vérification, notamment la commission nationale de régulation des marchés publics et les ONG, qui sont le plus souvent débordées, ne s'appesantissent pas sur la question. En outre, la détection de tels procédés n'a qu'un caractère suspensif lorsque le marché est en cours d'exécution mais n'induit pas systématiquement des sanctions judiciaires contre les mis en cause. La stratégie mise en oeuvre est fondée sur la faible capacité de travail des organes de contrôle en manque de personnel pour répondre à l'immensité des tâches qui leur sont assignées (par exemple l'IGF ne compte que 21 agents tandis que l'inspection générale du ministère des mines ne compte que deux agents. Il en va de même de la justice au niveau de laquelle la reprise de l'enquête menée par les organes de contrôle s'impose pour des raisons d'équité et de respect des procédures. Cette enquête de vérification s'avère parfois fastidieuse en raison du déficit en personnel judiciaire. Dans bien de cas, le juge d'instruction ressent le besoin d'effectuer des voyages à l'étranger pour vérifier s'il y a eu des mouvements bancaires et pour rassembler toutes les preuves, ce qui n'est pas facile à faire. On assiste alors à l'acquittement de l'accusé « au bénéfice du doute ». L'exploitation des faiblesses structurelles de l'Etat fonde également le maquillage des preuves. En effet, l'accès à l'information et l'administration de la preuve des malversations commises apparaît comme le principal obstacle à la moralisation de la vie publique. L'enquêté A. président d'ONG et ancien président d'une commission d'enquête, en témoigne: « L 'administration publique est un véritable mûr de silence que l'on ne peut pénétrer qu 'à condition d'y avoir des complices. Les dossiers de malversations révélés par la commission d 'enquête que j 'ai dirigée n 'étaient que la partie visible de l 'iceberg. Dans bien de cas,

les faits de corruption n 'ont pu être établis quoique nous eussions de fortes présomptions ». Les auteurs de la corruption en font une stratégie de prédilection en ce sens que la condamnation d'un présumé acte de corruption par la justice requiert la réunion de trois éléments que sont l'élément matériel (la preuve), l'élément légal (la disposition réglementaire condamnant l'acte et l'élément moral (l'intention affichée de nuire). En l'absence de lois condamnant l'enrichissement illicite et assurant la protection des dénonciateurs d'actes de corruption dont elles auraient été témoin, le maquillage assure la tranquillité aux corrompus et corrupteurs qui n'ont même pas à se soucier de << blanchir xi leurs gains.

Par ailleurs, il se développe, au sein de certaines structures une solidarité de corps qui permet aux agents publics de profiter de leur position stratégique pour la réalisation des objectifs de l'administration pour prendre en otage cette même administration. C'est le cas de la douane du port autonome de Cotonou où les faux frais sont érigés en norme, au vu et au su de tous. L'Etat semble être incapable d'inverser la tendance car toutes les structures installées au port pour contrer le phénomène ont été assimilées par le système (BAKO ARIFARI,2000). Cette société de port a démontré toute sa capacité stratégique quand tous les douaniers sont entrés en grève pour protester contre les méthodes de la Cellule de Moralisation de la Vie Publique, occasionnant de lourdes pertes à l'Etat1.

3.2 Menaces et cooptation

<< L 'Etat est une puissante machine à broyer. Or, la corruption est au coeur de l 'Etat et c 'est de là que vient la difficulté à l 'enrayer xi, (J., journaliste). Les ramifications du phénomène et les différentes stratégies

1 Pour 25 millions de francs cfa saisis par la commission, la grève des douaniers fait perdre 2 milliards de francs cfa à l'Etat uniquement à la recette de la douane de Cotonou-port. cf. La nation n° 2361 du 8 novembre 1999.

déployées pour le pérenniser tiennent de la structuration du champ politique béninois. En effet, l'instauration de la démocratie a conduit à « une inversion symbolique des rapports de forces entre les citoyens et les hommes politiques »(BANEGAS, 1995). Le clientélisme politique deviendra très tôt le principal mode de fonctionnement du champ politique dont les acteurs ont permanemment à coeur, la mobilisation des ressources nécessaires à leur campagne politique. En l'absence d'une stratégie de financement des partis politiques par l'Etat, les postes de responsabilités et les sociétés d'Etat à forte opportunité de transactions financières sont l'objet d'intenses luttes politiques. A défaut de s'y faire nommer, les hommes politiques y font nommer leurs hommes de confiance dont la mission est, en plus de leur fonction officielle, de renflouer les caisses du parti. La cooptation et les menaces de tous ordres sont les principales ressources mobilisées par les acteurs de la corruption pour contenir les acteurs de la lutte.

Les récents évènements survenus sur la scène publique ont fait des ONG des acteurs stratégiques de la lutte contre la corruption en ce sens que la plupart des enquêtes diligentées par les pouvoirs publics ont fait suite à leurs révélations. Les acteurs de la corruption ont donc intérêt à ce qu'ils ne se fassent par entendre ou qu'ils soient discrédités. L'enquêté B., Vice Président d'ONG, déplore le fait : « Toutes les fois oil nous faisons une déclaration, il y a un branle bas médiatique. Les personnes indexées réagissent et gagnent la sympathie de certains organes de presse qui n 'y vont pas du dos de la cuillère ». La presse en tant qu'acteur clé de la communication contribue à la révélation des scandales politico financiers, mais elle est également un allié stratégique pour les acteurs de la corruption. Les acteurs des ONG avouent à l'unanimité que les plus durs coups portés à leur moral l'ont été par le biais de la presse. Chaque responsable d'ONG a des coupures de presse retraçant les propos durs des journalistes à leur endroit. « M. frigoriste souffle du« chaud «.

Et si M. se taisait enfin ? ». ((Pour une fois E. a menti «. E. devrait féliciter le ministre A. qui a fait gagner 5 milliards à l'Etat au lieu de le critiquer ». Ces quelques titres de journaux compilés par les acteurs d'ONG révèlent leur sensibilité à ce fait. La sympathie des médias est un enjeu permanent de la lutte entre divers groupes stratégiques. Si dans certains cas les ONG prennent le dessus, dans bien de cas le coût de la communication ne leur simplifie pas la tâche.

Outre le discrédit, l'intimidation des acteurs de la lutte est utilisée. Diverses menaces sont brandies et mises en oeuvre. Ces menaces sont de trois ordres : occulte, physique ou administrative. En milieu fon, le b?, le tchakatou, le so hwihwé et le azé sont des formes récurrentes d'expression de la violence occulte (APOVO, 2003). En effet, en dépit des programmes d'alphabétisation et de colonisation, le Bénin, dans les faits est demeuré une société de l'oralité, à technologie peu développée. De ce fait, la violence y est non militaire, occulte et procède de la sorcellerie (ASSABA, 1998). Les expériences personnelles de tous les acteurs sociaux rencontrés suscitent en eux la croyance en l'existence de forces occultes. Les menaces occultes sont donc prises au sérieux et le combat contre la corruption prend l'allure d'un combat spirituel dans lequel on ne s'aventure pas imprudemment. Seuls ceux qui se sentent aguerris en prennent le risque comme en atteste l'enquêté A., Président d'ONG : (( Moi je suis dans de nombreux cercles initiatiques et je jouirai toujours d 'une protection spirituelle tant que je serai dans la droiture. Les gens essaient de m 'envoûter mais ils perdent leur temps ». Aux menaces occultes se joignent les menaces administratives. La corruption dans l'administration est un fait banalisé dont les acteurs jouissent parfois de grandes protections. Ainsi au sein d'une administration, il est périlleux pour un agent public de dénoncer ouvertement ses collègues, encore moins sa hiérarchie. Les sympathisants des ONG qui livrent les informations le font

dans la plus grande discrétion. En cas de découverte de leur «trahison«, ils risquent d'être placés en quarantaine et de descendre au purgatoire administratif, c'est- à dire d'être affecté aux plus basses fonctions. Il s'agit là du problème fondamental des organes de contrôle dont les membres sont des agents publics ayant une carrière à sauvegarder compte tenu des ramifications politiques des actes de corruption, ils opèrent avec prudence, s'assurant avant tout du soutien de l'autorité politique.

La persistance de la corruption pose donc le problème de la dynamique sociopolitique du Bénin dont certaines caractéristiques offrent un terreau favorable à la perpétuation du phénomène.

4. Interprétation des résultats

La corruption, au-delà des considérations normatives, pose un véritable problème de développement au Bénin. Son appréhension devrait, aux côtés d'autres recherches empiriquement fondées sur d'autres thèmes, contribuer à l'ébauche d'une théorie du changement social au Bénin. Les données recueillies révèlent que la persistance du phénomène est le résultat du jeu d'acteurs, largement favorable aux acteurs de la corruption dont les logiques et les stratégies prennent souvent le pas sur les dispositifs réglementaires. La première hypothèse de travail qui impute le peu de succès de la moralisation de la vie publique aux stratégies de contournement des actions anti corruption, se trouve ainsi corroborée. Les contraintes liées au fonctionnement des acteurs engagés dans la moralisation de la vie publique, les interstices des textes réglementaires et les ressources de l'environnement socio culturel sont exploitées à profusion pour faire du Bénin, en dépit de la dynamique politique et des effets de la mondialisation, une société bloquée1, incapable d'impulser le changement social.

1 Cette expression est empruntée à Michel CROZIER qui l'utilise pour expliquer les dificultés du changement social en France. cf Michel CROZIER, La société bloquée, Paris, SEUIL, 1994,p7.

La stratégie dominante mise en exergue par les acteurs de la corruption, consiste à se montrer respectueux, ne serait-ce qu'en apparence, des textes et lois qui régissent le fonctionnement de l'administration. Une telle stratégie, observée aussi bien au niveau des services de la douane et des impôts que dans la passation des marchés publics est pratiquée par l'ensemble des acteurs de la corruption, qu'il s'agisse des simples agents subalternes ou des responsables de services administratifs.

Toutefois, il importe de remarquer que les agents de la corruption développent également un autre type de stratégie qui leur permet de violer impunément, les textes qui régissent le fonctionnement de l'administration publique. La construction de l'impunité est certes, moins dominante que le contournement des règles mais il s'agit également d'une stratégie récurrente. Une telle stratégie est généralement utilisée, lorsque les pratiques de corruption portent sur de grosses transactions. L'attitude adoptée par les acteurs de la corruption, dans le cas d'espèce, s'apparente à la « politique du bâton et de la carotte ». Cela revient à coopter les personnes en charge de l'application des dispositions réglementaires ou de les mettre hors d'état de nuire. La première hypothèse qui ne porte explicitement que sur les stratégies de contournement des actions anti corruption, se trouve ainsi enrichie par ce type de comportement. La perpétuation des pratiques relevant de la corruption s'explique donc à la fois par le développement de stratégies de contournement des actions anti corruption et par la mise en place de stratégies de construction de l'impunité. Ces résultats éclairent, de manière troublante, la problématique de la corruption au Bénin dans la mesure où toutes les catégorie sociales semblent avoir un rapport à la corruption. L'exploration de l'environnement sociopolitique permettra de savoir si la persistance de la corruption doit se comprendre comme un refus de toute moralisation de la vie publique ou si elle est plutôt facilitée par des déterminants sociopolitiques.

CHAPITRE II : Du cercle vicieux de la corruption

1. Les conditions d'existence et de travail

La corruption, sous ses multiples facettes induit deux types de coûts pour l'Etat. Les coûts indirects sont liés aux faux frais en douane et aux extorsions des usagers qui concourent à la faible compétitivité des entreprises et du port autonome de Cotonou. Ce type de coût n'est pas mesurable. En revanche les coûts directs qui constituent des manques à gagner pour l'Etat du fait des détournements, des surfacturations et abus de biens sociaux sont mesurables. A l'heure actuelle il n'existe aucune étude exhaustive faisant état du coût exact de ce type de corruption. Toutefois certains indicateurs permettent d'affirmer sans grand risque de se tromper que la corruption amenuise considérablement les recettes de l'Etat1 et affaiblit ainsi sa marge de manoeuvre et sa capacité à veiller au respect de l'éthique bureaucratique. Deux caractéristiques fondamentales de l 'administration publique béninoise entravant l'efficacité de la lutte contre la corruption peuvent être imputées aux coûts directs de la corruption : l'insuffisance du personnel et les traitements de salaires.

L'insuffisance de personnel se fait ressentir tant au niveau des organes de contrôle qu'au niveau des autres unités administratives. Ainsi les trois organes à compétences nationales chargés de veiller à, la régularité et au respect des procédures sont débordés de travail, de sorte qu'ils n'arrivent pas assumer pleinement leur mission même si leurs membres déclarent qu'ils donnent le meilleur d'eux même. L'aveu de l'Inspecteur Général est fort illustratif : « nous ne faisons pas de chasse aux sorcières. Le chef de l 'Etat a

1 En 2006, le ministre des finances et de l'économie estimait à 201 milliards de francs cfa, les pertes subies par l'Etat du fait de ma surfacturation dans les marchés publics et des ordres de paiement indûment signés. En 2006, une mission d'investigation des marchandises sous douane conduite par l'inspection générale des finances dans les départements du Borgou, de la Donga, du Mono et du Couffo à rapporté à l'Etat la somme de 197796780fcfa sur des marchandises pour lesquelles les droits initialement calculés et payés étaient de 34927407 fcfa.

déjà donné les instructions mais nous sommes obligés d 'aller pro gressivement car nous sommes débordés » (KOUSSE, 2007). L'inspection générale des finances ne comporte que 21 agents quand bien même il s'agirait d'un organe capital dans le contrôle de la gestion financière des sociétés et entreprises d'Etat. Le contrôle administratif n'est donc pas systématique, ce qui n'est pas de nature à dissuader les agents publics s'adonnant aux pratiques de corruption1. La même situation prévaut du côté de la justice où les juges spécialisés en finances publiques et corruption constituent une denrée rare. De ce fait les juges compétents en la matière sont débordés de travail et il n'est objectivement pas possible d'exiger un meilleur rendement de leur part.

La même situation prévaut à la douane du port autonome de Cotonou où le nombre d'agent est passé de 130 en 1985 à 35 en 1995 pour stagner jusqu'en 2000. A l'heure actuelle, le nombre d'agents en service à la douane du port est de 62 agents. Paradoxalement, le nombre d'usager fréquentant le port s'est considérablement accru, de sorte qu'il a atteint les limites de ses capacités d'accueil. Il y a donc une surenchère de l'offre par rapport à la demande pour le << grand bonheur >> de ceux qui sont investis de cette partie de la puissance publique. Il leur revient de traiter normalement les dossiers ou de le faire avec célérité suivant que le client se montre disposé ou non à leur payer le travail << supplémentaire >> qu'implique la célérité. Tout retard en transit étant perçu comme un manque de compétence du transitaire, il se crée une sorte d'accord tacite entre transitaire, passeurs en douanes et douaniers pour que le travail supplémentaire du douanier lui soit payé au détriment du contribuable. En outre, les douaniers se font aider par des agents supplétifs appelés « klébés >>. Si officiellement et légalement, ces derniers ne sont pas en droit d'exercer dans le secteur de la douane, ils sont devenus presque incontournables dans la

1 Il est vrai qu'on assiste en ce moment à ne recrudescence du contrôle administratif mais la plupart de ces contrôles ont été dépêchés à la suite des dénonciations du FONAC. Il faudra faire une observation dans le temps pour conclure ou non à la systématisation du contrôle administratif.

pratique, du fait de l'incapacité des douaniers à abattre le gigantesque travail qui leur incombe. La présence des << klébés >> est consacrée par le versement systématique de 10% des amendes qui auraient été perçues grâce à leur travail d'indicateurs. En quête de célérité, les transitaires et autres usagers du port trouvent en la personne des douaniers, de véritables alliés stratégiques.

Le manque de personnel se fait également ressentir avec acuité au niveau des unités administratives des services des impôts. L'enquêté T., contrôleur général des impôts, en témoigne : << Le man que de personnel est le véritable problème du service des recettes. C 'est un problème auxquels sont confrontés tous les démembrements des services des impôts » . Les services de recette des centres des impôts des petites entreprises comptent environ trois agents que sont le receveur, le fondé de pouvoir et l'agent des collectivités locales. Il en est de même au niveau des assiettes. Dans ces conditions, respecter et faire respecter la règle revient, pour les agents publics, à faire << un pari impossible >>. Un mécanisme d'autorégulation se dégage de la relation entre les services des impôts et les contribuables. Après le travail des enquêteurs pour le recensement foncier urbain par exemple, il revient à un seul inspecteur d'étudier la pile de données collectées et d'émettre les avis d'imposition. Il ne dispose que de très peu de temps pour le faire, ce qui ne lui permet pas d'effectuer le contrôle de vérification sur le terrain, la priorité pour lui, étant d'émettre les avis d'imposition,sous peine de se voir blâmé. La fraude fiscale s'en trouve facilitée en ce sens que les corps de contrôle vivant eux même le problème de l'insuffisance du personnel se montrent plus compréhensif à l'endroit des agents d'applications objectivement incapables de s'acquitter convenablement de leur devoir. Dans ces conditions, l'Etat s'accommode fort bien d'un quota fixé par le ministère des finances et que les services des impôts ont la charge de recouvrer.

Cette caractéristique de l'administration publique sert, dans bien de cas de paravent à la cupidité de certains agents publics. Toutefois, il convient de souligner que les traitements de salaires ne sont pas de nature à favoriser le respect de l'éthique bureaucratique.

En règle générale, les salaires des agents d'application sont d'un bas niveau. Les « mauvais » traitements de salaire servent de référence aux discours de légitimation des pratiques de corruption. La série d'affirmations suivante en atteste : (( Mon père n 'est qu 'un petit fonctionnaire d'Etat, comment aurait-il pu nous inscrire mes frères et moi, dans un collège privé et nous assurer une bonne éducation s 'il n 'avait pas des à côtés ?(...) les à côtés sont différents du vol mais ils aident beaucoup de familles », confesse D., fils d 'un agent des impôts, élève en classe de seconde ; (( La lutte contre la corruption dans l 'administration publique doit commencer par l 'augmentation du salaire des fonctionnaires. Si rien n 'est fait dans ce sens, la lutte contre la petite corruption sera une injustice », déclare l 'enquêté G., receveur des impôts. Les préoccupations d'un important réseau d'ONG béninoises engagées dans la réalisation des OMD s'inscrivent dans la même logique. A la question de savoir quel type de lutte contre la corruption il faut pour le pays, il répond : (( Rendre à César ce qui est à César (...) bien payer nos policiers, douaniers et inspecteurs des finances publiques et puis, tous ceux qui travaillent à la mobilisation des ressources matérielles et humaines »1.Les indicateurs de traitement de même que les salaires bruts correspondants aux indices de traitement et à la nouvelle valeur indiciaire permettent d'apprécier le niveau des salaires.

1 Huguette AKPLOGAN DOSSA, coordonnatrice de SOCIAL WATCH Bénin, Quelle sorte de lutte contre la corruption dans mon pays ! !!, SOCIAL WATCH BENIN Info, n°5, Oct-nov 2007.

VII: Indices de traitement

Echelons

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

Catégorie D

Catégorie E

 

Agent de conception Diplômé de l'université ou équivalentes

Agent d'application,

diplômé ou attestation de fin d'étude

de 1ère, 2ème ou 3ème année

de l'université ou qualifications équivalentes

Agent d'encadrement diplômé

de fin d'études de 1ère,2ème et

3ème année du collège polytechnique 2 ou qualifications équivalentes

Agent d'exécution diplômé de fin d'études de 1ère,

2ème et 3ème année du collège polytechnique1

ou qualifications équivalentes

Emploi à initiation Préalable

 

Echelles

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1

2

3

1

2

3

1

2

3

1

2

3

1

1

425

375

340

300

280

250

220

200

180

160

140

120

100

2

490

425

380

335

310

270

240

215

200

170

150

130

105

3

555

475

420

370

340

290

260

230

215

180

160

140

110

4

620

525

460

405

370

310

280

245

230

190

170

150

120

Promotion5

730

625

520

490

420

360

320

280

250

210

190

170

1140

6

815

675

560

525

450

380

340

295

265

220

200

180

150

7

880

725

600

560

480

400

360

310

280

230

210

190

160

8

1020

850

675

645

530

460

400

345

310

255

230

210

180

9

1090

900

725

680

560

480

420

365

325

265

240

220

190

10

1165

950

775

715

590

500

440

380

340

275

250

230

200

Promotion11

1250

1000

850

750

640

520

460

400

360

300

265

245

210

Promotion12

1300

1100

925

825

725

590

510

460

400

340

300

275

235

Source : Ministère de la fonction publique et de la réforme administrative, Echelonnement indiciaire des corps des personnels administratifs et établissements publics de l 'Etat.

Tableau VIII : Tableau brut correspondant aux indices de traitement1

Echelons

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

Catégorie D

Catégorie E

 

Echelles

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1

2

3

1

2

3

1

2

3

1

2

3

1

1

90206

79594

72165

63675

59430

53063

46695

42450

38205

33960

29715

25470

21225

2

104003

90206

80655

71104

65798

57388

50940

45634

42450

36083

31838

27593

22286

3

117799

100819

89145

78533

72165

61553

55185

48818

45634

38225

33960

29715

23348

4

131595

111431

97635

85961

78533

65798

59435

52001

48818

40328

36083

31838

25470

Promotion5

154943

132656

110370

104003

89145

76410

67920

59430

53063

44573

40328

36083

29715

6

172984

143269

118860

111431

95513

80655

72165

62614

56246

46695

42450

38205

31838

7

186780

153881

127350

118860

101880

84900

76410

65798

59430

48818

44573

40328

33960

8

216495

150443

143269

136901

112493

97635

84900

73220

65798

54124

48818

44573

38205

9

231353

191025

153881

144330

118860

101880

89145

77471

68981

56246

50940

46695

40328

10

247274

201638

164494

151759

125228

106125

93390

80655

72165

58369

53063

48818

42450

Promotion11

265313

212250

180413

159888

135840

110370

97635

84900

76410

63675

56246

52001

44573

Promotion12

275925

233475

196334

175106

153881

125228

108248

97635

84900

72165

63675

58365

49879

Source : Ministère de la fonction publique et de la réforme administrative, Echelonnement indiciaire des corps des personnels administratifs et établissements publics de l 'Etat.

1 Les promesses de relèvement du point indiciaire n'ont pas encore connu un début d'application.

Le faible niveau des salaires touche tous les agents publics mais il se fait surtout ressentir au niveau des agents d'application, d'exécution et d'emploi à initiation préalable. D'un secteur à l'autre, ce faible niveau des salaires implique des conséquences diverses.

Un receveur des impôts, recruté sur la base du BEPC, intègre la fonction publique en tant qu' agent de la catégorie C3. Après 18 mois de formation et de service, il passe dans la catégorie C1. Son salaire brut est alors de 46695 FCFA. Après 12 ans de services, il passe au cinquième grade de cette même catégorie et son salaire brut est de 69720 FCFA. Ce salaire brut subira divers types de prélèvement qui seront compensés par les primes et les indemnités. Son revenu net n'excède pas 80000 FCFA s'il n'occupe aucun poste de responsabilité. Sur cette base, l'agent public est amené à faire des dépenses incompressibles qui se présentent dans le tableau IX ci-après.

Tableau IX : Dépenses incompressibles

Type de dépense

Loyer

Déplacement

Restauration

Coût minimal en F CFA

15000

15000

30000

Total des dépenses minimales

60000

Source : Données de terrain, novembre 2007.

Des dépenses importantes liées à l'accès à l'électricité et à l'eau de même que les frais de communication s'ajoutent aux dépenses incompressibles, de sorte que le revenu salarial est vite épuisé. La plupart des agents publics sont des hommes dont les femmes, dans leur majorité, ne travaillent pas. Ces derniers vivent donc en permanence une situation de précarité et sont perpétuellement en quête d'occasion pour « arrondir » leur salaire. Les problèmes liés à la prise en charge sanitaire par l'Etat viennent compliquer la situation car tout problème de santé entraîne des dépenses

considérables. Dans ces conditions, tout agent public se doit de faire face à deux impératifs : assurer les dépenses incompressibles et les dépenses de grande utilité tout en réalisant des économies en prévision des jours difficiles. De nombreuses pratiques de petites de corruption peuvent s'analyser comme relevant d'une stratégie de survie des agents publics comme en témoigne l'enquêté M., receveur des impôts : « Si je ne fais pas des concessions aux gens, non seulement j 'aurai des problèmes avec mon entourage mais en plus je ne pourrai pas vivre comme il faut avec ma femme et mes enfants. C 'est vrai que nous devons travailler pour faire vivre l 'Etat mais nous avons besoin aussi d'être en vie ».

S'il est vrai que la corruption peut s'appréhender comme la revanche d'agents objectivement privés d'avenir, il n'en demeure pas moins que la cupidité y occupe également une grande part. Une fois les besoins élémentaires satisfaits, les hommes sont portés vers la satisfaction de besoins plus grands, se donnent de nouvelles ambitions et se comportent comme de véritables entrepreneurs au sein de l'Etat. C'est le cas de la corruption à la douane du port autonome de Cotonou où la mise en place de mécanismes d'octroi de primes sur la base des faux frais n'a pas pour autant suffi à calmer les appétits de certains agents.

2. Attitudes et représentations autour de la corruption.

La généralisation et la banalisation de la corruption n'ont pas pour autant induit une totale acceptation du fait par les acteurs sociaux. En effet, la sémiologie populaire fait ressortir deux types de corruption autour desquelles s'articulent différentes sortes de réaction.

2.1. Le paradoxe de la dénonciation

Les actes de corruption commis par les responsables politiques et les hauts fonctionnaires d'Etat font l'objet d'une vive condamnation au sein de

l'opinion publique. Les détournements de deniers publics et tous les actes de corruption qui se répercutent de manière significative sur la trésorerie nationale sont vivement réprouvés. C'est d'ailleurs la lutte contre ce type de corruption qui mobilise l'attention des organes de lutte, en particulier celle des Organisations de la société civile (OSC). La sémiologie populaire regorge de termes retraçant la dureté du discours populaire au sujet des acteurs de ce type de corruption : << é dou tó bi >> (ils ont bouffé tout le pays) ; << é bló jonicus >> (ils ont organisé la magouille), sont les expressions usuelles servant à stigmatiser ces pratiques. Il est curieux de constater que même les acteurs s'adonnant à des pratiques de corruption réprouvent et dénoncent la grande corruption. C'est le cas des contribuables et des agents des services des impôts qui s'allient pour organiser la fraude fiscale : << la lutte contre la corruption doit se mener contre ceux qui bouffent des millions. Nous, on se bat pour faire entrer de l 'argent dans les caisses de l 'Etat même si on ne paye pas tout ce qu 'on doit mais eux ils ne font rien et se servent royalement >> (v., contribuable). Ce constat appelle à une relecture d'une des thèses de De SARDAN selon laquelle la logique de l'autorité prédatrice serait communément admise. Dans cette perspective, l'imaginaire collectif admettrait que les hommes politiques se << servent >> dans la caisse de l'Etat (De SARDAN, 1998). S'il fut une époque où cela pouvait être admis, les vives récriminations des responsables d'Organisations de la société civile (OSC) et de nombreux citoyens à la faveur des émissions interactives animées par les médias autorisent à rouvrir le débat sur la question1. Si autrefois les récriminations contre les actes de détournements semblaient être l'apanage des Organisations de la société civile (OSC) et de certains partis de l'opposition, les récents évènements survenus sur la scène politique lui ont donné une autre

1 Ceci ne veut absolument pas dire que la dénonciation de la grande corruption implique une perte systématique de légitimité pour les hommes politiques indexés. Par exemple, monsieur Séfou FAGBOHOUN sur lequel pesait des soupçons de corruption et qui étaient sous mandat de dépôt n'eut pas trop de mal à se faire élire comme député lors des législatives de 2007. Une étude sur les déterminants du comportement électoral des citoyens béninois permettrait sans doute de circonscrire le débat.

ampleur. Ainsi, la prise officielle de distance vis-à-vis de la corruption semble être devenue un mode d'action politique. Ceci peut paraître paradoxal en ce sens que le clientélisme politique est demeuré une variante fondamentale du jeu politique et un élément déterminant dans les stratégies de conquête du pouvoir au Bénin. Il s'agit là du dilemme de l'homme politique béninois devant prendre ses distances vis-à-vis de la corruption pour avoir la sympathie du Chef de l'Etat mais se retrouvant dans un environnement politique hautement concurrentiel où la redistribution des prébendes semble être la stratégie gagnante. S'il est vrai que la victoire aux élections est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs, il n'en demeure pas moins que l'argent y occupe une grande place1. En l'absence d'une politique nationale de financement des partis politiques, la mobilisation des frais de campagne est la préoccupation fondamentale des responsables politiques et les opportunités structurelles de corruption qu'offre l'Etat apparaît comme la panacée. Deux alternatives se présente aux hommes politiques : mobiliser, sur fond de corruption, les ressources financières2 à investir dans la campagne en espérant gagner et avoir davantage de pouvoir ou alors ne pas en mobiliser et nourrir le risque de perdre les élections, faute de moyens. La deuxième option paraît suicidaire et de nombreux hommes politiques semblent préférer le risque de la première option3.

1 Au lendemain des élections législatives de mars 2003, Antoine Idji KOLAWOLE élu président de l'assemblée nationale par ses collègues de la mouvance attira, dans son discours inaugural, l'attention de tous les hommes politiques sur le poids considérablement inquiétant de l'argent dans les campagnes électorales. Il en fera de même dans sa dernière allocution en tant que président, aux lendemains des législatives de 2007.

2 Les hommes politiques n'ayant pas de positions de pouvoir et ne pouvant de ce fait pas puiser directement dans les caisses de l'Etat, contractent des dettes qu'ils espèrent rembourser, d'une manière ou d'une autre, une fois au pouvoir.

3 Il est vrai qu'en attendant le verdict de la justice, les récents rapports de l'inspection générale d'Etat doivent être pris avec prudence mais le fait qu'ils aient indexés des proches du Président de la République qui venaient d'être élus à L'Assemblée Nationale(rendent plausible cette hypothèse. En effet, Marcellin ZANNOU, Célestine ADJADOHOUN et Luc da Mata SANTANA, avant d'être élus sur la liste FCBE étaient respectivement responsables à la douane du port autonome de Cotonou et à la société béninoise d'énergie électrique SBEE.

2.2. La normalisation de la corruption

L'unanimité avec laquelle la totalité des acteurs condamnent les actes de détournements de deniers publics, cède le pas à une diversité de réactions lorsqu'il s'agit des actes de corruption opérés par les agents publics. Si les acteurs de la lutte contre la corruption et, plus particulièrement les acteurs de la société civile réprouvent toutes les pratiques qui ne correspondent pas à l'éthique bureaucratique, les autres acteurs émettent des avis différents suivant le type de corruption. Exiger de l'argent avant de rendre un service dont l'accomplissement n'implique aucune transgression des règles établies est considéré par tous comme un rançonnement, une extorsion. Par contre, lorsque la transgression de la règle revêt un certain intérêt pour l'usager, l'agent public est perçu comme un bienfaiteur. Dans ce cas, la commission qui lui est versée apparaît comme la manifestation de la gratitude de l'usager à l'égard d'un bienfaiteur. Les données recueillies révèlent que la perception de la corruption n'est pas toujours en phase avec la définition opératoire qui lui a été donnée : << ensemble de pratiques concourant à des formes illicites d'enrichissement et relevant d'agents investis de pouvoir public. Le douanier, l'inspecteur des finances seront << bons >> ou << mauvais >> en fonction de leur << humanité >>, c'est-à-dire selon qu'ils soient en mesure de donner satisfaction à de << pauvres >>usagers dont les préoccupations sont éloignées des normes et procédures << complexes et encombrantes >> de l'Etat. Il s'ensuit que les agents publics vivent en permanence une pression sociale les incitant à déroger à la règle. La perception sociale définie donc un seuil de normalité des pratiques corruptrices. Le tableau X et le graphique n°4 rendent compte de la perception de la corruption.

Tableau X: Perception sociale de la corruption

Type de corruption

Détournement de deniers publics ;

Surfacturation ;

Rançonnements

Népotisme ;

Favoritisme

Clientélisme politique

Arrangements

Pourcentage

60

15

10

10

5

Source: Données de l'enquête de terrain, septembre 2007. Graphique 4 : Perception sociale de la corruption

10% 5%

10%

15%

Détournement de denier public Rançonnements

Népotisme

Clientélisme politique Arrangements

60%

Mieux, cette perception, dans ses rapports à l'administration publique a conduit à l'instauration de normes pratiques en remplacement des normes officielles. Toutes les pratiques relevant de la corruption normalisée tendent à devenir des faits sociaux. Divers éléments du contexte socio culturel servent à en définir le caractère coercitif, qu'il s'agisse des réseaux sociaux ou de la menace sorcelaire1. La substitution des normes pratiques aux normes officielles devient, dans ces conditions, le mode de fonctionnement par excellence de l'administration publique béninoise. Les propos de l'enquêté M., receveur des impôts, sont récurrents : « nous devons nous montrer compréhensif avec les contribuables, discuter de leurs problèmes avec eux et

1 Cela ne veut aucunement dire que l'initiative de la corruption incombe toujours au contribuable et que les agents publics n'y ont aucune responsabilité. Nous tenons simplement à souligner que certains aspects de la corruption ne constituent pas, aux yeux de certains citoyens, un obstacle au développement.

envisager les solutions qui les arrange et qui ne portent pas préjudice à l'Etat ».

La normalisation de la corruption, si elle est le fait d'acteurs « d'en bas »1 qui y trouvent une façon efficace de s'adapter à un Etat contraignant qui ne ferait qu'exiger sans rien offrir en retour, sert de support à la grande corruption et contribue ainsi à reproduire le cercle vicieux. La thèse de CROZIER sur le management des organisations (CROZIER, 1977) s'applique bien à propos. En effet, il établit que, dans l'exercice de ses prérogatives, tout responsable s'appuie sur l'application des règles en vigueur au sein de l'organisation. Bien souvent, l'efficacité de l'organisation nécessite que certaines règles qui arrangeraient les subordonnés ne soient pas appliquées (par exemple l'interdiction de travail supplémentaire au-dessus d'un certain seuil). Pour être en mesure de violer ces règles, le responsable se trouve contraint de laisser les subordonnés en violer eux-mêmes quelques unes. Ce faisant, il se donne un moyen efficace de chantage en menaçant désormais d'appliquer toutes les règles si les subordonnés ne se montraient pas coopératifs. Appliquée au contexte béninois, cette théorie permet de comprendre les mécanismes de reproduction de l'entreprise de la corruption. En permettant aux agents publics « d'en bas » de s'adonner à des pratiques corruptrices dont ils ont connaissance, les hauts fonctionnaires d'Etat et les responsables politiques se donneraient ainsi un moyen de les rendre « coopératifs ». En effet, dans bien de cas, les opérations de surfacturations et les différents mécanismes de détournements ne peuvent se faire qu'avec la complicité active ou passive de certains agents publics. L'exécution des dépenses publiques étant régi par le principe de la séparation des pouvoirs de l'ordonnateur et du comptable, il s'ensuit que le ministre et le directeur de société n'ont pas directement accès

1 Cette terminologie se situe dans la perspective de Jean François BAYART qui désigne par là tous les acteurs qui n'ont pas accès aux instances de décision et qui subissent, d'une manière ou d'une autre, les décisions prises. Ce terme intègre aussi bien les citoyens que les agents publics qui ont la charge d'exécuter les ordres des pouvoirs publics.

aux comptes. Il leur faut pour cela, le soutien et la collaboration de leurs subordonnés. Cette même analyse pourrait être rapportée au fonctionnement général de l'Etat. Incapable de payer les fonctionnaires à l'indice réel, l'Etat ne les laisserait-ils pas s'adonner à des pratiques leur permettant de recouvrer la partie impayée de leur salaire ? Le fait qu'aucune mesure d'éradication de la corruption dans la douane dont tous s'accordent à reconnaître l'existence et l'acuité, n'est-il pas imputable à un accord tacite entre l'Etat et les douaniers cela ? Le ralentissement de l'élan de la CMVP suite à la grève de dénonciation de ses méthodes organisée par les douaniers en 1999 et qui coûta plusieurs centaines de millions à l'Etat1 rend plausible une telle hypothèse. D'ailleurs, force est de constater qu'aucune mesure véritable n'a été prise depuis lors pour lutter contre la corruption dans ce secteur et les faux frais continuent d'avoir droit de cité au port autonome de cotonou.

3. Interprétation des données recueillies

La mise en exergue des stratégies de contournement des actions anti corruption constitue certes, une éclairante contribution à l'explication de la persistance du phénomène mais elle ne suffit pas à en rendre compte totalement. Les conclusions de la présente étude auraient certainement été partielles si certaines caractéristiques de l'environnement sociopolitique qui favorisent l'émergence de comportements en marge de l'idéal bureaucratique(CHABAL et DALOZ,1999), au sein de l'administration publique n'avaient pas été étudiées. Les données recueillies au cours de la recherche rendent plausible la deuxième hypothèse de travail qui postule l'existence de facteurs sociopolitiques facilitant la perpétuation des pratiques de corruption. En effet, les conditions d'existence et de travail au sein de l'administration publique déterminent considérablement les pratiques de

1 Pour 25 Millions de francs CFA récupérés par la Commission, la grève des douaniers a fait perdre à l'Etat 2 milliards de francs CFA uniquement à la recette de la douane de Cotonou Port. la Nation, n°2361, 8 Novembre 1999

corruption. Les données de l'enquête révèlent qu'il est objectivement difficile à certains agents publics, de vivre décemment en s'en tenant uniquement à leurs salaires. Les pratiques de petite corruption de certains agents publics, par agrégation, amenuisent considérablement les recettes publiques et affectent ainsi la capacité de l'Etat à assurer des conditions décentes d'existence et de travail à ces mêmes agents. De ce fait, la corruption participe à la reproduction de la corruption. L'hypothèse de l'existence de facteurs sociopolitiques facilitant la persistance de la corruption se trouve également confortée par une autre catégorie de faits. Le champ politique béninois est fortement marqué par le clientélisme politique dont la conséquence immédiate est le pillage des ressources et le bradage du patrimoine de l'Etat par les dirigeants et leurs partis politiques. Les données de l'enquête révèlent que le clientélisme politique est un facteur structurant du champ politique béninois. S'il n'est pas possible d'affirmer avec certitude que les hommes politiques s'adonnent au clientélisme par pure cupidité, l'on peut soutenir en revanche, que ce serait un pari risqué pour ces derniers que de s'en passer. L'existence de facteurs qui contribuent à la production et à la reproduction de la corruption rend donc entièrement plausible l'hypothèse de l'existence de facteurs sociopolitiques déterminant une attitude favorable à la corruption.

CONCLUSION

La corruption est un phénomène mondial et multiséculaire dont aucune forme de gouvernement ni aucun régime n'a su se débarrasser de façon définitive même si par endroit, on arrive à la maîtriser. Au Bénin, les manifestations de la corruption sont multiples et le phénomène suit sa dynamique propre. L'univers de la corruption est marqué par ses logiques et ses stratégies dominantes. De même, les acteurs de la corruption suivent avec attention la dynamique de la lutte contre la corruption et peaufinent leurs stratégies en conséquence. Des solidarités de corps se nouent au sein de l'administration publique dont de nombreux agents se comportent comme de véritables entrepreneurs, faisant leurs affaires sur le dos de l'Etat. Sans aller jusqu'à remettre en cause la bonne foi des acteurs engagés dans la lutte contre la corruption et la sincérité des rhétoriques politiques , l'on est bien obligé d'admettre que les réformes et les mesures de lutte n'ont jusque là pas tenu compte de certaines caractéristiques sociopolitiques du Bénin. Les données recueillies lors de ce travail de recherche, corroborent entièrement les deux hypothèses de travail qui postulaient que la persistance de la corruption est à mettre en relation avec les stratégies de contournement des actions anti corruption que développent les acteurs de la corruption et avec certains facteurs sociopolitiques qui prévalent au Bénin.

L'efficacité des réformes actuelles et ultérieures tiendra de leur capacité à intégrer trois éléments d'une grande importance. En premier lieu, il faudra effectuer une refonte du système politico électoral de manière à définir et à contrôler les mécanismes de financement des partis politiques afin de réduire le clientélisme politique. Ensuite, il faudra entreprendre une réforme de l'administration dans le sens de sa dépolitisation grâce à l'établissement de profil de compétence pour les postes de responsabilités et à la réduction de la

marge d'arbitraire des responsables politiques. Une telle réforme mettra un point d'honneur à relever le traitement indiciaire des agents publics. Enfin, il s'avère impérieux de réduire la distance culturelle qui sépare les citoyens de l'administration afin d'induire une mobilisation citoyenne pour le respect de l' éthique bureaucratique.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1. AMIN S., Le développement inégal, Paris, Editions de Minuit, 1973, 384p.

2. APOVO J., Anthropologie du BO, Cotonou, CNTMS, 2005, 222p.

3. ASSABA C., Méthodique ou Méthodologue, Inédit, 1999, 38p.

4. ASSABA C., Vivre et savoir en Afrique, un exemple d'éducation orale en yoruba, Paris, Minuit, 1998.

5. BALANDIER G., Sens et puissance, Paris, Puf, 2004, 202p.

6. BAYART J., L 'Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayart, 1959, 427p.

7. BADOU J., Visages de la corruption, recueil d'articles de presse sur la corruption, Cotonou, Proximite, 1999, 21p.

8. BOUDON R. et BOURRICAUD F., Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, Puf, 2004, 714p.

9. CAPLOW T., L 'enquête sociologique, Paris, Armand Colins, 1996, 262p.

10. COLAS D., Sociologie politique, Paris, Puf, 1994, 252p.

11 . CHABAL P. et DALOZ J., L 'Afrique est partie ! Du désordre comme instrument politique, Paris, ECONOMICA, 1999, 188p.

12. CROZIER M., La société bloquée, Paris, Seuil, 1994, 202p.

13. CROZIER M. et FRIEDBERG E., L 'acteur et le système, paris, Seuil, 1977, 500p.

14. CROZIER M., Le phénomène bureaucratique, Paris, Seuil, 1963, 382p.

15. DALOZ J. et QUANTIN P., Transitions démocratiques africaines : dynamiques et contraintes, Paris, Karthala, 1997, 313p.

16. De SARDAN J., Anthropologie et développement ; essai en socioanthropologie du changement social et du développement, Paris, Karthala, 1995, 221p.

17. DOMMEL D., Face à la corruption, Paris, Karthala, 2003, 287p.

18. DURKHEIM E., Les règles de la méthode sociologique, Paris, Puf, 1937, 149p.

19. ELA J., Afrique : l'irruption des pauvres:société contre ingérence, pouvoir et argent, Paris: L'Harmattan, 1994, 266p.

20. GUEDEGBE S., Gouvernance en république du Bénin : Droit et pratique des marchés publics de l'Etat, Cotonou, Horrid Press, 2007, 147p.

21. GRAWITZ M., Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993, 870p.

22. KABOU A., Et si l'Afrique refusait le développement ?, Paris, L'Harmattan, 1991, 207p.

23. MAUSS M., Sociologie et Anthropologie, Paris, Puf, 2006, 475p.

24. MEDARD J., Etats d'Afrique noire : formation, mécanismes et crise, Paris, Karthala, 1991, 356p.

25. NANSOUNON C., Problématique de la corruption entre agents routiers et conducteurs de Parakou, mémoire de maîtrise, UAC ! FLASH! DPS-A, 2001, 96p.

26. Observatoire de lutte contre la corruption, Livre blanc sur l'état de la corruption au Bénin, Cotonou, Nouvelles Presses Industries Graphiques, 2007, 130p.

27. Observatoire de lutte contre la corruption, Plan stratégique national de lutte contre la corruption, Cotonou, Nouvelles Presses Industries Graphiques, 2007, 108p.

28. PIRES A. et al, La recherche qualitative .
· enjeux épistémologiques et méthodologiques,
Montréal, Gaëtan Morin, 1997, 405p.

29. Politique Africaine n°59, Le Bénin, Paris, KARTHALA, 1995,187p.

30. Politique Africaine n°63, Du côté de la rue, Paris, KARTHALA, 1998,192p.

31. Politique Africaine n°83, La corruption au Quo tidien, Paris Karthala, 1999,186p.

32. QUIVY R. et CAMPENHOUDT L., Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 1995, 287p.

33. REYNAUD .J, Les règles du jeu. L 'action collective et la régulation sociale, Paris, Armand Collin, 1997, 342p.

34. RIUTORT P., Sociologie de la communication politique, Paris, La Découverte, 2003, 121p.

35. STRAUSS A. et CORBIN J., Les fondements de l'enquête qualitative .
· techniques et procédures de développement de la théorie enracinée,
Fribourg, Academic Press,2004, 342p.

36. TCHANE A., Lutter contre la corruption : un impératif pour le développement économique du Bénin dans l 'environnement international, Paris, L'Harmattan, 2000,321p.

37. Transparency International Bénin, Le droit et la Corruption, Cotonou, Label Com ,2002, 194p.

38. Transparency International, Rapport Mondial sur la corruption en 2005, Paris, Economica, 2006, 386p.

39. VIGNIGBE M., Corruption et impunité : Les détournements de deniers publics au Bénin : de 1990à 2002, Cotonou, Ecb, 2005, 194p.

40. VITTIN T., Esquisse de la formation et de l 'évolution des élites modernes au Bénin, Bordeaux, 1999, 92p.

41 . KLITGAARD R., Combattre la corruption, Régional Service Center, édition française, manille, Nouveaux Horizons, 1997, 342p.

42. YAHOUEDEHOU J., Crépuscules d'un dictateur, Cotonou, Planète Communications, 2003, 239p.

43. YAHOUEDEHOU J., Les vraies couleurs du caméléon, Cotonou, Planète Communications, 2002, 227p.

Annexes

Annexe I : GUIDES D'ENTRETIEN PAR GROUPE CIBLE

I- Groupe-cible des acteurs de la lutte contre la corruption

+ Niveau de connaissance des manifestations de la corruption.

+ Expérience en matière de lutte contre la corruption.

+ Relation avec les acteurs de la corruption.

+ Appréciation du niveau de mobilisation sociale pour la lutte contre la corruption.

+ Appréciation de l'état de la lutte contre la corruption au Bénin : atouts et faiblesses.

II- Groupe-cible des acteurs potentiels de la corruption

+ Différentes manifestations de la corruption dans le secteur d'activité.

+ Historique des actions de lutte contre la corruption menée dans le secteur d'activité.

+ Relations personnelles avec les acteurs de la lutte contre la corruption.

+ Relation entre le corps de métier et les acteurs de lutte contre la corruption.

+ Appréciation de l'attitude des citoyens vis-à-vis de la corruption.

+ Description des conditions d'existence et de travail.

+ Défis à relever par la lutte contre la corruption.

III- Groupe-cible des victimes supposées de la corruption

+ Description des diverses formes de corruption.

+ Appréciation de la lutte contre la corruption

+ Degré d'implication dans la lutte contre la corruption.

- Description des changements d'attitudes des acteurs potentiels de la

corruption suite à la prise de mesures de lutte.

- Histoires de vie sur le rapport à la corruption.

- Défi à relever par la corruption.

IV- Groupe-cible des proches des acteurs potentiels de la corruption

+ Perception du phénomène de la corruption.

+ Connaissance de l'implication du parent dans les pratiques de corruption.

+ Raisons de la persistance de la corruption.

+ Histoires de vie sur la corruption du parent ou d'autres personnes.

+ Histoires de vie sur l'implication personnelle dans les pratiques de

corruption

Table des matières

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

SIGLES ET ACRONYMES IV

LISTE DES TABLEAUX, GRAPHIQUES ET FIGURES V

RESUME VI

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : FONDEMENTS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES 3

CHAPITRE I : FONDEMENTS THEORIQUES 4

1. PROBLEMATIQUE 4

1.1. PROBLEME 4

1.2. HYPOTHESES ET OBJECTIFS 6

1.2.1. HYPOTHESES 6

1.2.2. OBJECTIFS 7

1.2.2.1. OBJECTIF GLOBAL 7

1.2.2.2. OBJECTIFS SPECIFIQUES 7

1.3. ETAT DE LA QUESTION 7

2. CLARIFICATION CONCEPTUELLE 14

CHAPITRE II : APPROCHE METHODOLOGIQUE 20

1. JUSTIFICATION DU CHOIX DU CADRE D'ETUDE 20

2. NATURE DE L'ETUDE 23

3. GROUPE CIBLE ET ECHANTILLONNAGE 23

3.1. GROUPES CIBLES 24

3.2. ECHANTILLON 24

4. TECHNIQUES ET OUTILS DE COLLECTE 27

4.1. RECHERCHE DOCUMENTAIRE 27

4.2. LES TECHNIQUES D'ENTRETIEN ET D'OBSERVATION 28

5. CHRONOGRAMME 28

6. DIFFICULTES RENCONTREES 29

DEUXIEME PARTIE : DYNAMIQUE DE LA CORRUPTION 31

CHAPITRE I : DU JEU DES ACTEURS 32

1. TYPOLOGIE DES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 32

1.1. LES ACTEURS NON ETATIQUES 32

1.2. LES ACTEURS ETATIQUES 35

1.3. INTERACTIONS ENTRE LES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 37

2. LES STRATEGIES DE CONTOURNEMENT 39

2.1 LE CONTO URNEMENT DES REGLES DANS LA PASSA TION DES MARCHES PUBLICS 40

2.2 LA DOUANE ET LES IMPOTS 42

3. LA CONSTRUCTION DE L'IMPUNITE 47

3.1. L 'EXPLOITATION DES FAIBLESSES DE L 'ETAT 47

3.2 MENACES ET COOPTATION 49

4. INTERPRETATION DES RESULTATS 52

CHAPITRE II :DU CERCLE VICIEUX DE LA CORRUPTION 54

1. LES CONDITIONS D'EXISTENCE ET DE TRAVAIL 54

2. ATTITUDES ET REPRESENTATIONS AUTOUR DE LA CORRUPTION 61

2.1. LE PARADOXE DE LA DENONCIATION 61

2.2. LA NORMALISATION DE LA CORRUPTION 64

3. INTERPRETATION DES DONNEES RECUEILLIES 67

CONCLUSION 69

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 71

ANNEXES 75






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo