Etude de la réception de deux coproductions
théâtrales européennes, à travers des articles de
la presse écrite d'Europe. Gurs, une tragédie
européenne et Learning Europa : projets de
la Convention Théâtrale Européenne.
. Année académique 2006-2007
Mémoire présenté sous la direction de
Jean-Jacques Jespers, en vue de l'obtention du grade académique
de Master en Arts du spectacle - finalité spectacle vivant.
Résumé
Laetitia van de Walle
Master en Arts du spectacle - finalité spectacle vivant
européen. Année académique 2006- 2007.
Etude de la réception de deux coproductions
théâtrales européennes, à travers des articles de
presse écrite d'Europe. Gurs, une tragédie
européenne et Learning Europa : projets de la
Convention Théâtrale Européenne.
Mots clés : Europe - Théâtres
d'Europe- Théâtre européen - Réception - Perception
- Willmar Sauter- Culture européenne- Médias- Presse
écrite- Critique dramatique- Convention Théâtrale
Européenne -Diversité.
Pour étudier la réception des coproductions
européennes, nous nous sommes basée sur des articles de presse
critique issus de la presse espagnole, niçoise, luxembourgeoise,
parisienne, berlinoise, hambourgeoise, francfortoise. Nous avons
appliqué une grille d'analyse empruntée à Patrice Pavis
afin de classer la composition des articles et d'observer s'il est possible d'y
déceler des éléments évoquant la réception
de l'oeuvre par le journaliste-critique.
Pour l'analyse de la réception, nous nous sommes
fondée essentiellement sur des schémas proposés par
Willmar Sauter. Ce professeur à l'université de Stockholm
considère que la création comme la réception d'un
spectacle dépendent de la Culture des Jeux, du Contexte Culturel, de la
Théâtralité en Contexte et du Jeu de Théâtre,
à l'intérieur duquel une communication particulière est
à l'oeuvre. La question que nous nous sommes posée est de savoir
si ces paramètres, que nous avons définis dans le cadre du
théâtre européen et particulièrement celui de nos
coproductions, se retrouvent dans les articles critiques, et en quelle
proportion.
Remerciements
Je tiens tout particulièrement à remercier
Monsieur le Professeur Jean-Jacques Jespers d'avoir accepté de me suivre
dans ce projet de mémoire et de me soutenir dans mes démarches de
recherches à Paris. Je tiens également à remercier pour
les entretiens qu'ils m'ont accordés et les lumières qu'ils m'ont
apportées dans leur domaine : Patricia Canellis, Christa Müller,
Gisèle Salin et Mircea Cornisteanou ainsi que Valéria Marcelin.
Je suis reconnaissante envers toutes les personnes qui ont collaboré
avec une grande gentillesse à ma recherche, notamment, les responsables
des théâtres de la CTE qui ont répondu aimablement à
mon enquête et ma demande d'articles de presse. Enfin cette recherche
n'aurait pas été menée à bien sans l'aide de mes
proches. Merci à mes parents, Sylvie et Arnould van de Walle pour leur
soutien et leurs aides précieuses, à Agnès et Jean-Louis
Franeau, à Madame Tambouro pour leurs conseils avisés ainsi
qu'à Sophie Velghe pour ses traductions de l'allemand. Merci à
tous ceux qui m'ont soutenue et supportée tout au long de ce travail qui
ne s'est pas déroulé sans peine. Clin d'oeil à
Anne-Sophie, Morgane et Charline mes compagnes dans cette épreuve,
à Ariane, Mélanie et Nourdine, les « Parisiens » pour
leur accueil. Merci à Pedro pour ses encouragements à distance et
à tous ceux qui m'ont épaulée : Julie, Sophie, Marie,
Natacha. .. Enfin, merci à Quentin et Rachel, chers frère et
soeur pour votre patience. .et à Bidon, pour son calme olympien, elle se
reconnaîtra.
Je me souviens comme, lycéen, les commentaires de
textes me désespéraient. A quoi sert de commenter, me
demandais-je, puisque l'auteur a dit tout ce qu'il avait à dire de la
meilleure façon possible ? (Je ne me l'étais pas formulé,
mais ce qui me paraissait important n'était pas les histoires, mais la
façon de les raconter.) De plus, comment faire ? Une fable, un
poème, une nouvelle sont des objets finis, fermés, des cailloux.
Que tirer d'un caillou ? J'ai depuis constaté que le commentaire est
agréable aux esprits stériles. Ils reproduisent les modes
d'emploi de diverses chaînes hi-fi, sûrs que cela explique la
musique. Les esprits créateurs, eux, sautent sur les oeuvres des autres
pour bondir vers d'autres pensées, d'autres phrases, d'autres images.
Ils vont du créé au créant.
Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de la
littérature française1
Table des matières
INTRODUCTION 10
PREMIÈRE PARTIE : THÉORIE DE LA
RÉCEPTION 14
1.1. PRÉLIMINAIRES 14
1.2. ÉTUDES SOCIOLOGIQUES SUR L'AUDIENCE
15
1.3. PERCEPTION / RÉCEPTION. 17
1.4. POINT DE VUE DE WILLMAR SAUTER 18
1.5. SCHÉMA POUR L'ANALYSE DE LA RÉCEPTION
20
1.6. EXPLICATIONS DES SCHÉMAS DE WILLMAR SAUTER
20
1.6.1. CULTURE DU JEU. 22
1.6.2. CONTEXTE CULTUREL 24
1.6.3. THÉÂTRALITÉ EN CONTEXTE. 25
1.6.4. JEUX DE THÉÂTRE 28
1.6.4.1. Les niveaux de communication 29
(1) Le niveau sensoriel 29
(2) Le niveau artistique 30
(3) Le niveau symbolique 31
1.6.4.2. Actions des acteurs et réactions des spectateurs
32
(1) actions d'exhibition 32
(2) les actions encodées 33
(3) Actions incarnées 33
DEUXIÈME PARTIE : EUROPE - THÉÂTRE -
MÉDIAS 35
2.1. L'EUROPE : POINTS DE VUE GÉOGRAPHIQUE,
HISTORIQUE, POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET
CULTUREL 35
2.1.1 LES PROGRAMMES CULTURELS DE L'UNION EUROPÉENNE.
40
2.1.2. LES ACTIONS EUROPÉENNES EN FAVEUR DU
THÉÂTRE. 41
2.2. LES RÉSEAUX DE THÉÂTRE
EUROPÉEN 42
2.2.1. LA CONVENTION THÉÂTRALE EUROPÉENNE
43
(1) Fonctionnement 43
(2) Objectifs / activités. 44
2.3. THÉÂTRE 45
2.3.1. QU'EST-CE QUE LE THÉÂTRE ? DÉFINITION
GÉNÉRALE 45
2.3.2. LA RAISON DU PUBLIC 47
2.3.3. THÉÂTRES D'EUROPE 50
2.3.4. THÉÂTRE EUROPÉEN 52
2.4. PROMOTION DU THÉÂTRE EN EUROPE,
VISIBILITÉ DANS LES MÉDIAS 56
2.4.1. LA PROMOTION DES SPECTACLES THÉÂTRAUX 56
2.4.2. LA PLACE RÉSERVÉE À LA CULTURE DANS
LES MÉDIAS. 57
2.4.2.1. La télévision 58
2.4.2.2. La radio 59
2.4.2.3. La presse écrite 59
(1) Les revues spécialisées dans le
théâtre 59
(2) Les quotidiens et les hebdomadaires
généralistes 61
2.4.2.4. Internet 62
(1) Les sites officiels 62
(2) les sites amateurs 63
TROISIÈME PARTIE : ANALYSE DES ARTICLES DE
PRESSE EUROPÉENNE 65
3.1. LA CRITIQUE DRAMATIQUE : ÉVOLUTION
66
3.2. LA VISIBILITÉ DE LA CONVENTION
THÉÂTRALE EUROPÉENNE DANS LA PRESSE
ÉCRITE
EUROPÉENNE 69
3.2.1. SITUATION GÉNÉRALE DE LA VISIBILITÉ
DE LA CTE ET DE SES ACTIVITÉS 69
3.2.2. LES RÉPERCUSSIONS DANS LA PRESSE DE
L'ADHÉSION D'UN THÉÂTRE À LA CTE 72
3.2.3. RÉPERCUSSION, DANS LA PRESSE, DU FESTIVAL «
MEJNI FEST » DE NOVA GORICA SUR LE THÈME DES POPULATIONS
DÉPLACÉES 76 3.3. ANALYSE DES ARTICLES CRITIQUES DE LA
PRESSE EUROPÉENNE POUR GURS, UNE
TRAGÉDIE EUROPÉENNE ET
LEARNING EUROPA 78
3.3.1. PRÉSENTATION DES COPRODUCTIONS 78
3.3.2. DÉMARCHE D'ANALYSE. 83
3.3.3. ANALYSE DU CONTENU DE LA PRESSE ÉCRITE DANS SES
ARTICLES CONCERNANT LES MANIFESTATIONS THÉÂTRALES 84
3.3.3.1. Informations concernant le « contexte culturel
», la « théâtralité en contexte » et la
« culture
du jeu » 85
(1) Informations concernant la production de l'oeuvre 86
+ Gurs, une tragédie européenne 87
+ Learning Europa 87
(2) L'auteur, le metteur en scène et les acteurs 88
+ Gurs, une tragédie européenne 88
o Le nom de l'auteur 88
+ Learning Europa 89
o Le metteur en scène 90
+ Gurs, une tragédie européenne 90
+ Learning Europa 90
o Les acteurs 91
+ Gurs, une tragédie européenne 91
+ Learning Europa 92
(3) Le texte dramatique 93
+ Gurs, une tragédie européenne 93
+ Learning Europa 94
(4) La fable 95
+ Gurs, une tragédie européenne 95
+ Learning Europa 96
(5) « Contexte culture », «
théâtralité en contexte » et « culture des jeux
» 97
3.3.3.2. L'espace dédié à la critique dans
les articles de presse 99
+ Gurs, une tragédie européenne 99
+ Learning Europa 100
3.3.3.3. Répercussions sur le « jeu de
théâtre » 101
o Communication théâtrale : les comédiens.
102
(1) Réactions du spectateur 102
+ Gurs, une tragédie européenne 102
+ Learning Europa 104
(2) Le jeu des acteurs 104
+ Gurs, une tragédie européenne 104
+ Learning Europa 105
(3) Les références intra ou extra
théâtrales : interprétation et réflexion 106
+ Gurs, une tragédie européenne 106
+ Learning Europa 107
o Conclusion partielle. 108
o La perception à travers les autres
éléments du jeu de théâtre 108
(1) Le système scénique 109
+ Gurs, une tragédie européenne 109
+ Learning Europa 109
(2) La mise en scène 110
+ Gurs, une tragédie européenne 111
+ Learning Europa 112
(3) Le texte 113
+ Gurs, une tragédie européenne 113
+ Learning Europa 114
o Le spectacle dans son ensemble 115
+ Gurs, une tragédie européenne 115
+ Learning Europa 115
(4) La visibilité des éléments de la
communication du « jeu de théâtre » dans les articles
critiques 118
CONCLUSION 120
BIBLIOGRAPHIE. 125
Introduction
Etudiante en art du spectacle vivant européen et
passionnée par la construction de l'Europe, nous avons voulu donner une
dimension européenne au mémoire qui conclut notre cycle
d'études.
Lors de recherches à la bibliothèque de
l'Université Libre de Bruxelles, nous avons été surprise
de n'y rencontrer aucun ouvrage traitant du « théâtre
européen ». Nous voulions éviter de glisser vers une analyse
de théâtres comparés. En introduisant notre sujet sur
Internet, nous avons appris, par hasard, l'existence d'un réseau
européen de théâtre : la Convention Théâtrale
Européenne (CTE), dont est membre le Théâtre national
Wallonie- Bruxelles. Cette association discrète était, de
surcroît, organisée depuis Bruxelles jusqu'en 2005.
L'objectif de cette association, nous le développerons,
est d'encourager les échanges de spectacles, de praticiens, de
publics... entre les théâtres membres, afin d'apprendre aux
européens à s'apprécier mutuellement. Par exemple, le
public belge peut assister à un spectacle dans une autre langue,
jouée par des acteurs d'un autre pays. Cet aspect nous a
séduite.
Le site Internet renseignait l'organisation d'un festival
européen « Théâtre en Europe: miroir des populations
déplacées ». Le programme était original et «
européen », et de nombreux documents relatifs à cet
événement, malheureusement déjà terminé au
moment de nos investigations, étaient disponibles sur le site Internet.
Par curiosité, nous avons navigué sur le world wide web
à la recherche d'informations sur les productions
présentées dans le cadre de ce projet (subventionné par
Culture 2000), à Nova Gorica (Slovénie), pour fêter
l'adhésion de dix pays de l'Europe de l'Est à l'Union
Européenne. Le hasard, encore une fois, nous a tracé une voie :
Gurs, une tragédie européenne allait être
jouée à Paris au mois de mars 2006, après avoir
été présentée à Nova Gorica, Séville,
Nice et Luxembourg, avant d'être proposée à Berlin dans le
cadre d'un festival en l'honneur de Bertolt Brecht. L'occasion était
inespérée. Nous avons cerné plus précisément
l'objet de notre étude : il serait question d'analyser la
réception de Gurs, une tragédie européenne, dans
les différentes villes à travers les médias.
Il nous a alors semblé intéressant
d'étudier une deuxième pièce intégrée dans
le même projet. Le choix de Learning Europa a
été motivé principalement par un dossier de
presse très volumineux et par l'opportunité de visionner la
pièce sur DVD. De plus, les articles
critiques sur ces coproductions s'inscrivaient sur un axe
Nord-Sud, de l'Allemagne à l'Espagne. Ces deux pays avaient apparemment
des conceptions critiques assez diamétralement opposées.
Comment avons-nous constitué notre corpus de presse ?
Au cours du deuxième semestre, nous avons séjourné
à Paris, au siège de la Convention Théâtrale
Européenne, afin de pouvoir consulter les archives et nous rendre compte
du fonctionnement du réseau. Comme les supports médiatiques
conservés à la Convention n'étaient pas nombreux, nous
avons contacté les théâtres ayant accueilli les
coproductions. Ils nous ont fait parvenir les documents médiatiques
correspondant aux coproductions que nous désirions étudier. A ce
moment de la recherche, nous avons décidé de nous limiter aux
articles issus de la presse écrite, ou Internet, si le site ou son
auteur était réputé, ce dont nous nous sommes
assurée auprès des responsables de presse dans les
théâtres, les autres médias étant peu ou pas
représentés.
Au cours du semestre que nous avons passé à
l'Université de Stockholm, nous avons traité plusieurs sujets
autour du thème de la réception. Ces travaux nous ont servi de
base théorique pour la rédaction de cette étude. Nous
avons évidemment consulté d'autres sources de nature tant
anthropologico-sociale que sémiologique. A Stockholm, nous avons ainsi
découvert les ouvrages de Willmar Sauter. Le premier schéma
proposé par cet auteur dans son dernier ouvrage, « Eventness :
a Concept for the Theatrical Event », nous a semblé
remarquable et pertinent. Il rassemble de nombreuses théories et englobe
l'événement théâtral dans un contexte plus large que
la prestation des comédiens, dans un lieu et une temporalité
déterminés. Il considère que la réception d'un
spectacle (jeu de théâtre) se situe entre des conditions de
production (contexte culturel), un champ culturel
(théâtralité en contexte) et un mode de vie, des coutumes,
des pratiques culturelles des habitants (culture du jeu). Ces quatre
pôles s'entrecroisent, s'étayent et s'influencent mutuellement de
manière constante. Il est difficile de décrire ces
catégories de manière définitive car elles sont toujours
en évolution. Dans deux ouvrages précédents, «
Understanding Theater » et « The Theatrical Event
», Willmar Sauter a travaillé à l'élaboration
d'un deuxième schéma rendant compte de la communication
intrinsèque à l'événement théâtre. Il
différencie les actions des comédiens qui servent à la
présentation de l'oeuvre au public et les réactions des
spectateurs qui constituent leur perception durant la composition dramatique.
Dans la première partie, nous nous sommes attelée à
l'explication de ces schémas.
Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous
avons tenté d'appliquer les différents éléments
proposés par W. Sauter aux oeuvres du théâtre «
européen », afin de cerner le contexte dans lequel s'inscrivent les
pièces de la CTE.
Nous avons donc développé brièvement la
culture européenne, les coproductions, le dialogue interculturel et les
actions menées par les institutions européennes afin de
promouvoir la diversité culturelle, lesquelles s'intègrent
principalement dans le « Contexte Culturel ». Nous nous sommes
attardée quelque peu sur les actions européennes en faveur du
théâtre, ainsi que sur les réseaux de théâtre
soutenus par l'Union Européenne, dont la CTE fait partie. Cet ensemble
d'actions et de réseaux européens se situe dans ce que W. Sauter
nomme la « théâtralité en contexte » et qui peut
être apparenté aux champs culturels définis par Pierre
Bourdieu. Ensuite, nous avons tenté de donner une définition du
théâtre et particulièrement du théâtre
européen. Existe-t-il un théâtre européen, ou
est-t-il préférable d'envisager les théâtres
d'Europe ? En tant qu'art mimétique, on considère
généralement que le théâtre est ancré dans le
local. Dès lors, le théâtre européen est-il une
utopie ? Nous avons essayé de montrer qu'en Europe, les pratiques de
jeux de théâtre - bien que diverses et multiples -
possèdent des bases communes, des thèmes comparables, des valeurs
compatibles. Nous posons l'hypothèse de la réalité d'un
théâtre européen. Reste au public, sans qui le
théâtre n'existe pas, à s'habituer à d'autres
langues, à ne pas chercher à tout prix à comprendre mot
pour mot le texte et à se laisser porter par la
théâtralité qui ne connaît pas de barrières
linguistiques. Nous avons personnellement fourni un travail de
compréhension des livres de Willmar Sauter rédigés en
anglais, des articles de presse en allemand et en espagnol. Comme nous n'avons
pas la prétention d'avoir une connaissance parfaite de ces langues,
l'interprétation des termes et schémas de W. Sauter, notamment,
nous a causé quelques soucis.
Ensuite, nous avons consacré la troisième
section de ce deuxième chapitre à la présentation des
médias et à la place qu'ils accordent à la culture en
général et au théâtre, en particulier. Selon W.
Sauter, le rôle des médias se situe entre les stratégies de
promotion qui appartiennent au contexte culturel, et la « culture du jeu
». En effet, le critique a le pouvoir d'influencer le lecteur, futur
spectateur, dans le choix de son spectacle. Cependant, la critique dramatique
appartient également à la théâtralité en
contexte puisqu'elle contribue à la réputation des nombreux
artistes participant à la création de l'oeuvre, à sa
renommée, son style, son genre et son originalité....
Dans le dernier chapitre, nous avons jugé
intéressant de présenter brièvement l'évolution de
la critique dramatique avant d'entrer dans le vif du sujet. Nous avons ensuite
présenté la CTE à travers la presse européenne.
Envisager la visibilité de cet organe porteur de projets dans lequel
s'inscrivent les coproductions étudiées nous a semblé
justifié. Enfin nous avons mené l'analyse de soixante-six
articles critiques parus suite à la création des coproductions,
Gurs, une tragédie européenne et Learning
Europa dans différentes villes d'Europe. Nous avons tenté
d'y retrouver les éléments décrits dans le deuxième
chapitre, selon les schémas proposés par W. Sauter.
Pour l'étude des articles, nous nous sommes
inspirée d'une grille d'analyse proposée par Patrice Pavis dans
« Voix et images de la scène ». Nous avons donc
examiné notre corpus de manière empirique et
détaillée, en tentant de donner une idée de l'espace
occupé par les diverses catégories répertoriées au
sein des articles critiques, dans les différentes villes. Le but
était de chercher s'il était possible d'envisager la
réception, tributaire des éléments présentés
dans les schémas de W. Sauter, à travers les articles de la
presse écrite. Pour plus de clarté, nous avons entrepris de
transformer en graphiques et tableaux les résultats de nos
constatations. N'étant pas professionnelle de l'informatique, et
étant donné certaines variables difficiles à quantifier,
ces statistiques sont à interpréter strictement dans le cadre de
notre étude.
Première partie : Théorie de la
réception
1.1. Préliminaires
Bien que les créateurs se soient toujours
souciés des effets de leur art sur l'audience, la théorie de la
réception du spectacle dramatique apparaît tardivement, à
partir de théories développées du point de vue du lecteur
de textes littéraires. L'éditeur de New Direction in
Audiences Research2 explique que le lecteur est
considéré tour à tour comme coproducteur du texte (Iser),
comme une possible projection de l'auteur (impliquant un bon lecteur et un
mauvais) (Eco et De Marinis), comme un lecteur implicite (Jauss), comme
appartenant à une communauté de lecteurs (Fish)....
Ces nombreuses théories sont basées sur des
études s'étendant du domaine de la linguistique saussurienne
à celui de la sémiologie et de l'herméneutique, en passant
par la sémiotique, le formalisme, le structuralisme, la
phénoménologie et le poststructuralisme. Chacune de ces
études apporte une approche différente, avec ses avantages et ses
inconvénients, comme l'explique Patrice Pavis dans un chapitre
dédié aux théories de la réception dans son ouvrage
Voix et image de la scène : pour une sémiologie de la
réception3.
Les théories sur la réception du lecteur ont
ensuite été transférées au domaine des spectacles
de théâtre dans lequel deux courants dominent : la première
orientée sur la production du spectacle et la seconde sur son
interprétation. Dans tous les cas, chaque étude concernant la
réception d'un événement théâtral doit
osciller entre le spectacle et le spectateur. L'interaction entre la salle et
la scène constitue, en fait, le point d'ancrage de toute théorie
de la réception. Cependant, Mark Fortier4 élargit la
définition concernant la théorie de la réception. Il
s'agit, selon lui, de l'étude du rôle des gens dans la
signification et le succès d'un travail artistique. En effet, il n'est
pas question uniquement du spectateur
2 INSTITUUT VOOR THEATERWETENSCHAP : «Who is
Who and What is What?» dans New direction in Audience Research,
Instituut voor Theaterwetenschap, Editions du Instituut voor Theaterwetenschap,
Utrecht, 1988, page 5 - Iser, Jauss, Eco, De Marinis, Fish sont des
personnalités citées dans cette référence.
3PAVIS, Patrice: Voix et images de la
scène: vers une sémiologie de la réception,
2ème édition revue et augmentée, Editions des
Presses Universitaires de Lille, Villeneuve d'Ascq, 1985, pp 233- 296.
4 FORTIER Mark: Theory/ Theatre an
introduction, Routledge, London, 2002, p 132.
puisque comme l'énonce Willmar Sauter5, le
procédé de production de l'oeuvre est intimement lié
à l'acte de présentation de l'événement
théâtral, tout comme les conditions de réception sont
tributaires de l'acte de perception du spectateur.
Ainsi donc, l'organisation d'un théâtre, ses
conditions artistiques comme ses efforts de marketing sont à mettre en
relation avec les politiques économiques et culturelles d'une
communauté donnée. Le statut des affaires culturelles est
également déterminé par des normes générales
et par les mentalités sous-tendant la société. Ces
considérations extérieures à l'activité
théâtrale particulière sont également importantes
pour la réception et donc la perception qu'un spectateur aura d'une
représentation. Comme le dit Anne-Marie Gourdon, « la perception
d'un événement théâtral est presque
préprogrammée par le statut de sa venue et par la compagnie. La
réaction des spectateurs constitue une réponse à de
nombreux stimuli théâtraux et extra-théâtraux
» 6, sociologiques et anthropologiques.
1.2. Études sociologiques sur l'audience
Nous n'abordons pas ici les études sociologiques
d'audience soucieuses de définir « Qui » se rend au
théâtre, pour deux raisons principales : tout d'abord, il semble
que les conclusions de ce type d'enquête démontrent souvent que le
public du théâtre varie d'une institution à l'autre en
fonction de son implantation sociale, de sa « ligne de route »,
« politique » et de sa programmation7 ; ensuite la
composition de l'audience théâtrale n'est pas uniforme en
Europe.
Il peut sembler évident qu'à l'heure actuelle,
le milieu du théâtre souffre de la concurrence du cinéma
et, plus encore, de celle de la télévision. Si cet état
des lieux est valable, à peu près pour tous les pays d'Europe
occidentale, où l'on considère généralement
qu'aller au théâtre est l'apanage d'une classe
privilégiée, la situation est tout autre à l'est du
continent, dans les ex-pays du bloc soviétique, comme nous l'a
expliqué Mircea Cornisteanu8, metteur en scène du
théâtre national de Craiova, en nous présentant le cas
de
5SAUTER, Willmar: Eventness: a concept of the
theatrical event, Stockholm University Press, Stockholm, October 2005.
6GOURDON, Anne-Marie: Théâtre,
Public, Perception, Editions du Centre National de Recherche Scientifique,
Paris, 1982, page 118.
7 GOURDON Anne-Marie : Ibid. Cette
étude est très intéressante à ce sujet. Elle a
choisi d'effectuer ses « recherches dans six théâtres
parisiens jugés représentatifs de certains aspects et de
certaines tendances du théâtre en France. » (p 11)
8 Mircea Comisteanu interviewé au
théâtre du Vieux Colombier, à Paris le 23 juin 2007
la Roumanie. Il expose que le théâtre y est
très prisé. Les étudiants sont nombreux et on ne peut y
distinguer une classe dominante. A côté des suspicions qui
pèsent sur les médias traditionnels d'ex-URSS, nous pouvons voir
une autre raison à ce phénomène : le prix. Alors qu'une
entrée dans un théâtre réputé (par exemple,
un théâtre national) chez nous coûte entre vingt et trente
euros, cette somme est divisée par dix dans les pays de l'Est ! Cet
aspect définit de lui-même le public du théâtre.
Bien sûr, nous admettons que plusieurs types
d'interprétation sont possibles pour une pièce
présentée face à une audience particulière. Les
spectateurs interprétant différemment la représentation en
fonction de leur « bagage » personnel.
Nous connaissons les classes sociales telles que les a
décrites Marx, mais nous sommes conscients qu'elles ne sont pas
immuables et qu'elles tolèrent une certaine mobilité sociale. En
d'autres mots, il n'existe pas de prédétermination sociale. Max
Weber9 emploie le mot « statut » pour grouper des citoyens
qui partagent certains intérêts, indépendamment de leur
place dans le processus de production de la société.
Pierre Bourdieu10 part du principe que toute
perception implique une opération de déchiffrement qui n'est
possible que si le spectateur maîtrise le code (« chiffre culturel
») qui a rendu la création de l'oeuvre possible. Ce code s'acquiert
par l'enseignement, par la pratique culturelle mais également de son
« habitus » qui détermine le goût d'un spectateur et ses
moyens d'appropriation du bien symbolique. Moins déterministe que Pierre
Bourdieu, Hans Georg Gadamer11 nomme ce principe, le
pré-jugement. Il s'agit de l'importance de la vision personnelle de
l'observateur, c'est-à-dire celle qui est filtrée à
travers un prisme constitué des normes et des valeurs dont cette
personne est imprégnée au moment de sa rencontre avec l'objet
culturel. Toutefois, Hans Georg Gadamer développe le concept d' «
horizons » de compréhension qui lui permet d'affirmer que chaque
interprétation d'un objet est personnelle. Pourtant, en même
temps, il évoque la « fusion des horizons », basée sur
des observations empiriques. Il remarque, après enquêtes sur
différents groupes de spectateurs, que les interprétations
personnelles d'un spectacle possèdent entre elles de grandes
ressemblances, en fonction de leurs appartenances à une certaine
culture.
9 WEBER Max, référence citée dans
W. Sauter : Eventness : A Concept of the theatri cal Event, Op.
Cit. p 68.
10 BOURDIEU, Pierre: « Elément d'une
théorie sociologique de la perception artistique » dans Revue
Internationale des Sciences Sociales, Vol XX (4), 1968.
11 GADAMER, Hans Georg : Wahrheit und
Methode, traduit en anglais en 1979. Référence citée
par W. SAUTER dans Eventeness, Loc. Cit. p 11.
1.3. Perception / Réception.
Le terme « perception » appartient à la
tradition phénoménologique. Il se rapporte à ce qui est
perçu durant la représentation. C'est un aspect qui se comprend
comme faisant partie de l'interaction communicative. D'après Anne-Marie
Gourdon, la perception du spectateur peut être influencée par (1)
les conditions techniques : « la perception fait intervenir le lieu
théâtral et le dispositif scénique, l'acoustique, la
visibilité, l'éclairage, le confort du spectateur, la place
occupée par ce dernier...»12 . Elle distingue ensuite
(2) les aspects psychophysiologiques et psychologiques de la perception «
qui dépendent de l'impression sensorielle actuelle mais également
de l'expérience passée et par conséquent, de la
mémoire. (...) Mais, dans une large mesure, le rappel du passé
dans l'acte de perception, ne s'effectue pas sans reconstruction imaginative ou
interprétation »13 . Et surtout, dans l'acte de
percevoir, il y a jugement : implicite ou explicite. Enfin, elle
présente (3) les aspects sociologiques de la perception. Contrairement
à la théorie de Pierre Bourdieu, Anne-Marie Gourdon et Willmar
Sauter considèrent que le code artistique comme les règles de
toutes les formes de jeux s'apprennent par la pratique, que ce soit pour
l'acteur ou les spectateurs14.
La « réception » se rapporte à ce qui
se passe après la représentation. Il s'agit d'une
conséquence, plus que d'une partie intégrale de
l'événement théâtral. Elle entre dans l'étude
de la culture, de l'analyse des valeurs sociales et des mondes mentaux. La
réception peut être vue de deux manières: d'une part, elle
est fonction des nombreuses théories du théâtre qui
préconisent la réception dans une optique prescriptive ou
descriptive concernant l'interprétation (sémiologie et
herméneutique), mais elle peut aussi être étudiée
pour elle- même, concernant le rôle et les réactions des
spectateurs.
12 GOURDON, Anne- Marie : Op. Cit. p 127
13 Ibid. p 128.
14Cette thèse est influencée par ce que
POLANYI décrit comme les dimensions tacites (1966) qui
régulent la perception. Référence citée par W.
Sauter Op. Cit, p 16.
1.4. Point de vue de Willmar Sauter
Dans ses études, W. Sauter définit le
théâtre comme un événement. Il utilise le terme
« event-ness » afin de mettre en relief la matérialisation du
théâtre sous la forme d'un événement.
W. Sauter considère que le théâtre se
manifeste en tant qu'événement qui inclut la
représentation des actions et les réactions des spectateurs,
présents au moment de la concrétisation.
W. Sauter s'est inspiré des théories
formulées par les sémioticiens qui ont analysé le
théâtre comme un système de signes, divisé en
classes et groupes afin d'analyser leurs interrelations et productions de sens,
en admettant que la signification produite soit différente de la
signification perçue qui peut varier en fonction des spectateurs.
Enfin, la direction prise par W. Sauter se situe dans le
sillage des théories herméneutiques, tant du point de vue de son
approche philosophique que de l'application du système empirique. Comme
dans toute théorie de la communication, ce modèle postule que les
partenaires se comprennent. L'acte de compréhension se poursuit durant
l'événement tout entier. Il semble raisonnable que ce
procédé de perception, compréhension et
interprétation puisse être étudié à partir
d'une perspective herméneutique concernant la manière dont le
sujet comprend le spectacle et dont l'objet peut être décrit.
En amont, une représentation théâtrale est
assurément préparée de diverses manières. Une
longue chaîne d'interprétations est donc déjà mise
en oeuvre dès avant la présentation devant le spectateur. En
d'autres termes, dans les productions de théâtre portées
par un texte, de nombreux artistes participent à la réalisation
(dramaturge, traducteurs, metteurs en scène, scénographes,
acteurs, techniciens....). Toutes ces interventions peuvent être
assimilées à un flot constant de procédés
herméneutiques de compréhension et d'interprétation. Ce
flux d'interprétations se prolonge aussi après
l'événement, dans le chef du spectateur. Or, chaque spectateur,
pris individuellement, est un « produit » de son temps. Quand il va
au théâtre, il emmène avec lui son « bagage »,
c'est-à-dire ses principes éthiques, mais aussi son contexte
politique, esthétique, culturel et social, en bref tout ce qui contribue
à façonner son individualité, base de son « horizon
de compréhension ». De plus, il est courant que le spectateur
possède quelques connaissances préliminaires sur la pièce
présentée (il a parfois lu la pièce, vu une autre mise en
scène, lu des articles de presse...), sur l'auteur, le metteur en
scène ou les acteurs (leur réputation,
leur style...), concernant le lieu où la pièce
est jouée (le type de pièces présentées
généralement, l'ensemble ou la compagnie) ... Tous ces facteurs
affectent son attitude dans la « rencontre » avec l'oeuvre.
Willmar Sauter a beaucoup travaillé sur la
réception. Dans son article « The Eye of the Theater. The audience
Meets the Performance- Experience, Repertoire, Habits »15 , W.
Sauter propose de distinguer les aspects macro et micro de la réception.
Il considère, dans le premier cas, les implications de la communication
théâtrale avec la sphère des activités humaines
incluant les habitudes sociales et culturelles, les attitudes et les
préférences. Il envisage la question des styles
théâtraux et des codes dramatiques. Dans le second cas, il prend
en considération les aspects spécifiques de la communication
théâtrale, c'est-à-dire le rapport entretenu par le
spectateur avec les comédiens sur la scène : identification,
sympathie, antipathie... incluant également la reconnaissance des
critères de qualité. Dans les ouvrages qui ont suivi
Understanding Theatre16, The Theatrical
Event17 et Eventness, a Concept of the Theatrical
Event18 , il s'est attelé à la mise au point d'un
schéma reprenant toutes les composantes à l'oeuvre dans la
réception d'un événement théâtral.
15 SAUTER, Willmar : « The Eye of the Theatre.
The audience meets the performance- Experience, Repertoire, Habits », dans
New direction in audience research, Instituut voor Theaterwetenschap,
Editions de l' Instituut voor Theaterwetenschap, Utrecht, 1988, pages 17
à 27.
16 SAUTER, Willmar et MARTIN, Jacqueline:
Understanding Theatre, Editions Almqvist & Wiksell International,
Stockholm, 1995.
17 SAUTER, Willmar: The theatrical event: dynamics
of performance and reception, University of Iowa Press, Iowa City, 2000
18 SAUTER, Willmar: Eventness: a Concept of the
theatrical Event, Stockholm University Press, Stockholm, October 2005
1.5. Schéma pour l'analyse de la
réception
1.6. Explications des schémas de Willmar
Sauter
En menant des études d'audience pour définir les
bases qui permettent aux spectateurs d'apprécier ou non un spectacle et,
après analyse de leurs différents jugements, les nombreux
théoriciens ont constaté que l'évaluation d'une
représentation par un spectateur était toujours liée
à l'appréciation ou non des acteurs, de leurs jeux, même si
d'autres aspects du spectacle (la fable, la mise en scène, la
scénographie, les costumes...) étaient mentionnés de
manière plus ou moins régulière. Les comédiens,
eux, étaient constamment évoqués. Or, ce lien entre
l'appréciation du jeu des acteurs et celle du spectacle est
indépendant du background socioculturel du spectateur ainsi que du type
de représentation. De plus, le spectateur ne « rentre » pas
dans l'histoire, n'en comprend pas le sens, le message, presque
automatiquement, s'il n'apprécie pas l'acteur. La difficulté
était donc de construire une théorie ou un concept de
communication théâtrale qui tienne compte de tous les aspects de
la relation entre le comédien et le spectateur : la création de
sens,
l'appréciation du point de vue artistique au regard des
compétences des acteurs, ainsi que l'évaluation personnelle sur
l'acteur.
Willmar Sauter a combiné les études sur la
réception (menées des points de vue sociologique et
psychologique) avec les théories
herméneutico-sémiologiques.
Il considère le théâtre comme une forme de
jeu et a cherché l'intersection entre le spectacle et l'audience.
Pour la construction de son schéma, W. Sauter a voulu
décrire, d'une part, les caractéristiques communicatives de la
relation artiste de spectacle vivant - spectateur ; d'autre part, les
structures des contextes essentiels dans lesquels cette communication
particulière prend place. Car, comme nous l'avons déjà
évoqué, si la présentation d'un événement
théâtral dépend des conditions de production et du contexte
général, il en va de même pour les conditions de
réception qui sont influencées par les conditions de production
de l'oeuvre, les stratégies de marketing, la réputation des
participants....et les dispositions individuelles du spectateur.
L'événement théâtral est
décrit comme une forme de « jeu de théâtre ». Il
est en relation avec la « culture du jeu » et le concept dynamique de
« théâtralité en contexte ». Tous ces
éléments sont imbriqués l'un dans l'autre et fonctionnent
à travers le « contexte culturel ».
Le « contexte culturel » se compose de «
théâtralité en contexte » et de « culture du jeu
» qui dépendent évidemment de la législation en
vigueur dans un Etat, des médias et de supports financiers. Inversement,
la « culture du jeu » et la « théâtralité en
contexte » déterminent le « contexte culturel » : seuls
les projets les plus prestigieux, les activités les plus en vue captent
l'attention et provoquent donc les réactions positives ou
négatives de ceux qui ont le pouvoir d'agir.
Si l'événement théâtral, compris dans
le pôle « jeu théâtral », est influencé par
les trois autres contextes, il les influence également.
Dans les sections suivantes, nous décrirons les
pôles autour desquels s'inscrit l'événement
théâtral. Nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que ces
éléments ne sont absolument pas à considérer dans
un quelconque rapport hiérarchique, mais plutôt à
l'intérieur d'une relation d'influences mutuelles et réciproques,
les pôles étant étroitement
entremêlés et les influences simultanées.
Nous écarterons, dans un premier temps, l'événement
théâtral pour nous concentrer tout d'abord sur les trois
pôles d'influences.
Il est important de préciser qu'au chapitre suivant,
nous allons développer les éléments constituant les
pôles introduits ci-dessus, plus particulièrement en rapport avec
les conditions de production et de réception des spectacles
européens. Cette structure peut sembler décousue, mais,
étant donné les imbrications des éléments entre les
différents pôles, il nous a semblé plus clair de
procéder de cette manière.
Le schéma essaie de montrer les multiples fonctions du
théâtre. Entre les quatre pôles se situent d'autres
éléments, des valeurs générées par les
pôles principaux : les valeurs économiques du monde des affaires,
les théories philosophiques et morales, les valeurs esthétiques
moins impérieuses et les valeurs sociales. Toutes ces valeurs sont en
constante interaction et ne peuvent jamais être considérées
isolement. Nous ne les avons pas décrites individuellement, car
c'eût été trop long. Nous avons donc choisi de les
intégrer aux quatre points principaux puisque, de toute façon,
les entrelacements et les interdépendances sont manifestes.
1.6.1 .Culture du jeu.
Pour définir cette section, W. Sauter reprend la
théorie du jeu développée par Hans Georg
Gadamer19. Il considère que dans toutes les
sociétés et depuis la nuit des temps, l'essence de l'art est le
jeu. Le sociologue Erving Goffman20 va plus loin dans cette
affirmation en considérant que toutes les interactions de la vie
quotidienne peuvent être rapprochées du modèle
d'interaction théâtrale et donc du jeu. Ces affirmations
méritent quelques explications.
Dans notre vie, tout serait une forme de jeu. Gadamer
considère que le jeu préexiste aux joueurs, possède ses
propres règles et que ceux qui participent au jeu subordonnent leur
volonté aux règles du jeu. De même, selon Erving Goffman,
nos rapports quotidiens sont essentiellement issus du jeu. Par exemple, nous
jouons le rôle d'étudiant, de professeur, de
19 Une des figures-clés de la théorie
herméneutique qui influence énormément la théorie
de Willmar Sauter.
20 GOFFMAN, Erving Goffman : La mise en
scène de la vie quotidienne, vol 1 : La présentation de soi,
Editions de Minuit, Collection le sens commun, vol 1, Paris, 1973.
docteur, d'avocat, de journaliste, d'homme politique, quand
nous recevons des invités, nous cherchons à donner une certaine
image... Ainsi le théâtre, en tant qu'art mimétique
représente les jeux quotidiens : le comportement des différentes
classes d'individus, les habitudes cérémoniales, alimentaires,
les différentes manières de s'exprimer, de se saluer, de
s'aimer.... au moyen d'une théâtralité plus ou moins
marquée.
Nous jouons ou pratiquons également d'autres formes de
jeux, de manière consciente, par exemple : les jeux d'enfant, de
divertissement, les jeux sportifs et / ou culturels. Certains jeux peuvent se
pratiquer individuellement, par exemple, quand nous regardons la
télévision, quand nous lisons un livre, quand nous visitons une
exposition.... Alfred Gell21 reprend également cette vision
puisqu'il considère que dans toute forme d'art, de nombreuses «
intentions » sont sous-jacentes et que l'observateur ou le lecteur joue
à les retrouver, à les comprendre.
Gadamer considère que la spécificité du jeu
artistique est de jouer/ de créer quelque chose pour quelqu'un : un
observateur, un spectateur.
Cependant, la présence de spectateurs à un match
de foot, par exemple, ne transforme pas forcément le sport en
manifestation artistique. Il fallait donc trouver autre chose pour distinguer
le jeu et le jeu artistique. Gadamer propose de retenir la compétence,
l'aptitude du ou des joueurs qui s'acquiert surtout par la pratique. Mais ce
paramètre n'est pas efficace, tout comme la seconde proposition de
Gadamer qui estime que l'art naît de la conscience que possèdent
les joueurs de pratiquer un art et des spectateurs d'assister à un jeu
artistique. Il semble que la principale différence entre les jeux, en
général, et les jeux artistiques soit la communication d'un
message.
Bien que les jeux soient présents dans toutes les
sociétés, les règles et les manières de jouer
varient d'un lieu et d'une époque à l'autre, d'une forme de jeu
à l'autre. Des conventions comparables se retrouvent dans le jeu de
théâtre dont les pratiques varient également d'un lieu et
d'une époque à l'autre ; elles sont à rapprocher de notre
manière de vivre, de nos croyances, de notre éducation, de notre
manière de penser, de nos structures imaginaires...
Il apparaît donc que les identités ethniques et
les nombreux aspects de la pluralité culturelle, suggérés
de plus en plus souvent lors des représentations
théâtrales, sont essentiels à la compréhension du
contexte culturel des événements théâtraux. Par
ailleurs, comme l'intérêt d'un groupe pour une pièce est
soumis à la visibilité de ce groupe sur scène, il semble
primordial de représenter « l'autre », le groupe
marginalisé, avec nuance et finesse, sans tomber dans les
clichés. Il peut être dangereux de rire d'une caricature. Il faut
que le groupe représenté accepte l'image que l'on donne de
lui.
1 .6.2.Contexte culturel
Le contexte culturel est un réseau économique,
politique et public qui influence les activités théâtrales,
mais, bien sûr, il n'est pas facile à délimiter.
La situation économique et donc les politiques de soutien
des arts déterminent les conditions d'un spectacle significatif.
De même, les médias jouent un rôle
indéniable. Traditionnellement, ils ont le pouvoir d'influencer
l'opinion publique. Ils répandent les informations, mais ils font
également circuler des idées et des valeurs normatives.
On remarque aussi que dans ces sphères d'influence, le
statut et la position de certains individus et institutions sont
déterminants et rendent le terrain des spectacles assez mouvant.
Si nous envisageons l'analyse marxiste de la
société, nous constatons qu'elle s'accorde
généralement sur l'importance de trois forces :
l'économie, la politique et l'idéologie. En s'y
référant, de nombreux sociologues et historiens montrent qu'ils
n'acceptent plus une solution globalement basée sur l'économie,
comme solution à tous les problèmes. Le débat est ouvert.
Il suffit de rappeler que le théâtre se produit là
où les gens vivent et n'a rien à voir avec l'internationalisation
ou la globalisation. Le théâtre, c'est « hic et nunc
».
Cependant, l'économie influence la formation du
goût22 des gens. On pourrait le croire individuel, mais les
études ont montré qu'il est fonction de la classe sociale et
surtout de l'éducation, en particulier pour la pratique de la sortie
théâtrale.
De plus, dans nos pays, les théâtres
sponsorisés ont la réputation d'être de bons
théâtres ; si ce n'était le cas, ils ne recevraient pas
d'aide. Ce sont souvent des théâtres nationaux. Le système
de subsides conforte donc un certain goût établi.
Si nous nous référons aux critiques de
théâtre de la presse quotidienne ou de programmes
spécifiques pour le théâtre, à la radio et à
la télévision, nous constatons que leur place au sein des
médias est variable, selon le contexte culturel. Elle a
été fortement réduite au cours des dernières
années. Ce phénomène correspond à un nivellement
par le bas pour plaire à un plus grand nombre de lecteurs qui ne sont
intéressés ni par la présentation de textes exigeants
intellectuellement ni par l'ouverture d'une galerie d'art. Peter Dahlgren
explique qu'au cours de l'histoire, les médias ont formaté
l'opinion, mais que, depuis l'avènement de nouveaux médias
(radio, 1920 ; télévision, 1950 ; Internet, 1990), le discours
public de la société civile se met en place entre l'Etat et ses
agences d'une part et l'économie de marché d'autre
part.23
Pour intéresser les médias, les
théâtres se voient obligés de créer
l'événement pour qu'on parle d'eux dans la presse. Nous pouvons
donc conclure que, malheureusement, dans les sociétés
démocratiques, les échanges d'idées dans la presse «
libre » sont menacés par l'économie.
1.6.3.Théâtralité en contexte.
Qu'est-ce que le théâtre ? Il s'agit d'un concept
à signification variable et son contenu linguistique dépend
largement du contexte local et historique. Pour évoquer les
différentes formes de théâtre actives dans une
société donnée, Willmar Sauter a choisi le terme «
théâtralité en contexte ». Le terme «
théâtralité », dont la signification varie en fonction
du contexte local et historique, décrit ce qui permet de
présenter la spécificité de la forme
théâtrale24. Il existe en effet de nombreux
genres25 théâtraux dont la
théâtralité varie.
chansons de nos vingt ans, ou les personnes âgées
qui veulent voir une pièce « classique » et pas «
tuée » par de jeunes metteurs en scène). SAUTER, W, Op.
Cit. p 68.
23 DAHLGREN, Peter: Television and Public Sphere :
Citizenship, Democracy and the Media, London: Sage 1995. Cette
référence est citée par W. Sauter dans Eventness Op.
Cit. p 81.
24 Le terme
théâtralité est apparu en allemand (Fuchs, en 1907) et en
russe (Evreinow, en 1908), Roland Barthes a utilisé ce terme au
début des années 60, en définissant
théâtralité comme « théâtre sans le texte
» (1964, p 41), ce vocable a également été
employé par Patrice Pavis dans son « Dictionnaire du
théâtre ». SAUTER, W. Op. Cit.p 49.
25 Willmar Sauter explique que la recherche sur les
genres de théâtre est peu développée par rapport aux
autres arts. Toutes ces catégories de genres font appel à la
forme et au contenu du texte écrit, alors que le mode
de représentation est exclu. Dans « The Dramatic Experience
» (1965), J.L. Styan considère le théâtre
comme
Mais qui décide de considérer telle ou telle
forme comme du théâtre ? Nous évoquerons la vie
théâtrale en tant que champ culturel, notion chère à
Pierre Bourdieu, pour expliquer qui impose le contexte dans lequel il convient
de considérer tel ou tel spectacle comme théâtral.
Rappelons qu'un champ est une sphère virtuelle, une
enceinte sociale, qui rassemble des personnes ayant un but commun dans un
domaine commun. Le champ culturel est constitué de plusieurs champs
autonomes : le champ du théâtre, de la littérature, du
cinéma, de la télévision.... A l'intérieur de ces
champs, tous les praticiens et les institutions qui souhaitent dominer le champ
s'affrontent constamment pour promouvoir leur capital symbolique. Dans ce sens,
la relation des théâtres avec des personnalités reconnues
à l'intérieur du champ théâtral est un atout pour
leur reconnaissance. En effet, chaque acteur du champ culturel souhaite
accéder à une position dominante, représentative du bon
goût.
Willmar Sauter souligne qu'un champ culturel possède
des aspects virtuels et concrets. Par exemple : un metteur en scène a
probablement de vrais pouvoirs (engager des acteurs, produire une
pièce), alors que le critique de théâtre ne peut
qu'écrire son papier. En apparence, il ne peut faire du tort
qu'intellectuellement et pourtant son pouvoir est considérable,
étant donné que le producteur ou toute personne faisant partie
d'un champ a besoin de la reconnaissance des autres. Il suffit que ces autres,
même peu nombreux, aient un capital culturel reconnu pour consacrer la
légitimité d'une personne ou même d'une institution. Enfin,
si le critique est reconnu, sa plume peut même causer des dommages par
rapport à la réussite d'une représentation.
En somme, il y a une relation étroite entre le
succès artistique et économique d'un théâtre. En
effet, l'octroi de subventions ou l'accord avec des sponsors dépend de
la position que le théâtre, en tant qu'institution regroupant
certains praticiens, occupe dans le domaine artistique, dans le champ
théâtral.
Evidemment, une production coûte de l'argent et depuis la
naissance du théâtre en Grèce, il est «
subventionné ».26 L'octroi de subsides par la ville, la
région, l'Etat, ou l'Union
une forme d'art hybride. Cette conception passe sous silence la
spécificité du théâtre : le jeu de l'acteur et sa
rencontre avec le spectateur. SAUTER, W. Ibid. pp 51- 52.
26 La provenance des fonds a varié au cours des
siècles : Etats, riches citoyens, mécènes, associations,
entreprises privées....
européenne, est en général
conditionné à l'exercice d'un droit de regard. Le bailleur ne
s'attend pas nécessairement à des bénéfices
financiers, bien que l'argent doive être utilisé à bon
escient. En tout état de cause, les théâtres doivent
créer de l'art qui doit plaire à leur public. Ils sont aussi
supposés transmettre un message éthique acceptable par l'opinion
publique.
Le public est prêt à dépenser le prix de
sa place pour un spectacle aux valeurs esthétiques et éthiques
avérées. Idéalement, il participe aussi à une
expérience de rassemblement qui lui permet de se sentir partie
intégrante d'une communauté et donc qui renforce son
identité. Le sentiment d'appartenance et de communauté est
considérablement augmenté lors de festivals.
Les spectateurs entrent ainsi dans la « culture du jeu
» qui y gagne un certain statut ce qui, en retour, conforte
l'autorité municipale dans le bien-fondé de sa politique de
subsides à la compagnie théâtrale.
Bien sûr, ce cycle est idéal. Ce processus peut
être entravé à cause d'un public qui ne partage pas les
mêmes valeurs esthétiques ou d'un directeur qui gère mal
ses fonds et dépense trop en frais administratifs...Il est assez
délicat de trouver un juste équilibre entre les nombreuses
étapes constituant la préparation d'un événement
théâtral d'une part et les différentes valeurs des nombreux
intervenants, d'autre part.
Chaque théâtre a besoin de publicité.
Depuis l'existence de spectacles publics, les organisateurs doivent annoncer
leur événement, le faire connaître pour que les spectateurs
viennent. Les techniques ont varié au cours des siècles, nous
parlons aujourd'hui, à l'heure d'une véritable abondance de
spectacles, de jeux, de véritables stratégies de marketing.
Dans ce domaine, on considère
généralement que les marques de fabrique du monde
théâtral sont avant tout leurs metteurs en scène ou leurs
réalisateurs. Or, pour les amateurs de théâtre
réguliers, ce sont les acteurs qui font la différence. Les
auteurs ne représentent une marque de fabrique que pour ceux qui ne vont
pas souvent au théâtre. Mais encore, certains
théâtres nationaux ou certaines compagnies attirent les
spectateurs, peu importe ce qu'ils jouent.
En fait, on peut poser quelques questions d'ordre éthique
sur la production et la distribution d'un produit tel qu'une oeuvre
théâtrale.
Nous verrons qu'à une époque où la
concurrence entre tous les spectacles théâtraux proposés
est rude, leur qualité essentielle est d'être
événementielle.
1 .6.4.Jeux de théâtre.
Cette section aborde l'événement
théâtral en tant que tel, un spectacle
éphémère ayant lieu dans un lieu précis, durant un
temps donné. Cet aspect occupe, dans le schéma, une situation
particulière : il ne peut se produire sans les trois autres pôles,
mais une fois concrétisé, il peut influencer les trois autres
niveaux et créer de nouvelles conditions de réception.
Prenons le cas d'un spectacle d'avant-garde, non reconnu par
le champ théâtral (cf. la théâtralité en
contexte), il n'est pas soutenu par les aides publiques, et les spectateurs
sont, pour la plupart, étrangers à ce genre de pratiques. Mais si
cet événement est un succès, il sera sans doute
subventionné pour sa prochaine manifestation, reconnu dans le contexte
de théâtralité et intégré dans les pratiques
de jeux culturels.
De plus, les différents contextes que nous avons
décrits n'influencent pas seulement le background du spectacle, ils sont
aussi constamment présents pour l'artiste et le spectateur, durant la
préparation de l'événement et après la
présentation au public, quand l'événement s'est inscrit
lui-même dans le contexte.
Nous soulignons également l'importance de la variable
temporelle : le temps est toujours un facteur important dans le processus de
communication. Dans le cas de l'événement théâtral,
les acteurs possèdent un temps défini pour faire passer leurs
messages aux spectateurs. Quand les acteurs quittent la scène, le
spectacle et le message qu'ils portaient sont terminés.
Willmar Sauter pense qu'au cours de la représentation,
une communication se manifeste entre la salle et la scène, en fonction
de la « présentation » des actions des acteurs sur la
scène. Elles sont à la base de la performance : peu importe le
but de ces actions, elles sont « présentées », pour
quelqu'un, un spectateur qui réagit en percevant ces actions. Ainsi donc
« la perception » est étroitement liée à la
« présentation ».
1.6.4.1. Les niveaux de communication
Willmar Sauter observe ensuite que la communication, qui se
déploie entre la présentation et la perception, est
constituée de trois niveaux : les modes de communication «
sensorielle », « artistique » et « symbolique »
(fictionnelle).
(1) Le niveau sensoriel
Le niveau sensoriel décrit l'interaction entre
artiste(s) et spectateur(s) en tant que relations personnelles. Le spectateur
perçoit la présence physique et mentale de l'acteur et
réagit plus ou moins spontanément, ce qui permet à
l'acteur de sentir la présence de l'audience, son état d'esprit
et sa taille. Tout au long du spectacle, le spectateur apprendra à
connaître l'acteur par sa voix, ses mouvements, son tempérament,
son charisme... .Ces qualités ne sont pas objectives car elles sont
jugées par le spectateur dans son individualité. Communiquer
consiste donc à apprendre à se connaître l'un l'autre
(spectateur - acteur) au niveau des sens. Cette exploitation des sens est
primordiale pour permette la communication, pour établir le contact
entre la scène et l'auditoire. Si cet échange échoue, le
spectateur perd, dans la majorité des cas, son intérêt dans
l'action scénique.
(2) Le niveau artistique
Le niveau de communication artistique permet de distinguer
l'événement théâtral des autres formes de jeux et
activités quotidiennes. Sur le schéma proposé, il se situe
entre le niveau sensoriel et le niveau symbolique (fictionnel) où
l'artiste produit une image de son rôle.
Le niveau artistique témoigne des connaissances
professionnelles et de l'habileté artistique du comédien
(variations de sa voix, mimiques, mouvements...).
Du côté du spectateur, le niveau artistique
consiste en un système de références que l'on nomme la
compétence artistique (Bourdieu : code artistique27), mais
qui n'est pas forcément apprise par l'éducation. Il peut
s'acquérir par l'expérience. L'émotion artistique est en
fait latente dans l'être humain, elle est suscitée par un besoin
d'imiter les choses qui nous touchent. Sur la scène se
révèlent certaines qualités artistiques qui peuvent
être appréciés ou non par l'audience.
A ce niveau apparaît clairement la distinction entre le
critique entraîné et le spectateur de théâtre
occasionnel. Arrêtons-nous un instant sur l'expérience du
connaisseur. Traitant des différences dans la perception des
spectateurs, Pierre Bourdieu affirme que la capacité à formuler
ce qu'il perçoit est « ce qui fait toute la différence entre
le théoricien de l'art et le connaisseur qui est le plus souvent
incapable d`exprimer les principes de ces jugements »28 . Il
reprend également E. Panofsky pour dire que « l'historien de l'art
se distingue du spectateur naïf en ce qu'il est conscient de la situation
». Le fait d'avoir assisté à de nombreuses
représentations crée un système de
références, de points de comparaison et l'habilité
à reconnaître des qualités spécifiques. Le critique
expérimenté a également accès à de nombreux
concepts qui lui permettent non seulement d'exprimer ses observations de
manière appropriée, mais aussi et surtout de nous amener à
prendre conscience des qualités à observer. Des études
empiriques ont montré que le nombre d'observations conscientes
augmentait suivant la fréquence de visites dans les
théâtres.
Cependant, l'appréciation de la qualité n'est pas
seulement une question de compétence. Elle est surtout une question de
goût personnel. Chaque spectateur possède ses
27 BOURDIEU, Pierre: « Elément d'une
théorie sociologique de la perception artistique » dans Revue
Internationale des Sciences Sociales, Vol XX (4), 1968.
28 Ibid. p 653
préférences, ses attitudes et ses habitudes, y
compris des préjugés et un certain immobilisme naturel. Sans
remettre en cause le caractère unique du goût de chacun, W. Sauter
s'en réfère aux études sociologiques, dont celle de Pierre
Bourdieu (évoquée ci-dessus), qui énoncent que le
goût est clairement en relation avec la classe sociale à laquelle
appartient le spectateur.
Pour conclure, nous dirons que le niveau artistique de la
communication théâtrale concerne le style de l'expression
esthétique et les normes, à partir desquelles les expressions
théâtrales et les performances artistiques de l'acteur sont
produites et évaluées. Le but de la communication au niveau
artistique est de créer un autre monde, un monde fictionnel.
(3) Le niveau symbolique
Au départ, Willmar Sauter utilisait le terme «
fictionnel » au lieu de « symbolique ». Au cours de ses
études, le terme « fictionnel » s'est avéré trop
limité car la transformation des actions en différentes
significations ne produit pas systématiquement des fictions, au sens
traditionnel du terme. Le niveau symbolique est en quelque sorte une
conséquence des niveaux précédents car aucune action n'est
symbolique en soi si elle n'est par perçue ainsi par l'observateur. Il
dépend de la communication sensorielle et artistique effective. Cette
remarque permet d'insister une fois de plus sur l'importance de l'interaction
entre présentation et perception.
Pour plus de simplicité, rappelons comme l'ont
évoqué les directeurs de théâtre de la CTE lors d'un
atelier consacré aux modes de fiction, que le théâtre est
un lieu où on fait du faux pour pouvoir montrer le vrai ; alors que la
télévision est un lieu réaliste qui souvent falsifie le
vrai, produit un montage qui permet une non-vérité.
En d'autres termes, pour que la communication
théâtrale puisse avoir lieu, le spectateur doit accepter
l'invitation à entrer dans un monde imaginaire. Alors, les
comédiens convient le spectateur à interpréter la
réalité scénique selon ce qu'elle est censée
représenter. Le spectateur, conscient du caractère «
représentatif » des actions scéniques, accepte l'invitation
et construit son monde imaginaire, sa propre interprétation. Rappelons
qu'un spectacle de théâtre est une interprétation en
chaîne de l'auteur au spectateur : traducteurs, metteurs en scène,
scénographes, acteurs, spectateurs. Les personnages produisent des
actions réelles (s'asseoir, fumer, boire...) ainsi que des actions
feintes (être triste, préparer un complot, se faire arnaquer
stupidement...) qui font partie de la
composition du rôle de l'acteur-interprète. Le
niveau fictionnel de la communication théâtrale décrit ce
que le comédien fait durant la performance pour créer son image
fictive, pour faire avancer l'histoire.
En plus des trois niveaux de communication, le schéma
contient l'adjectif « communicatif » pour insister sur l'objectif de
toutes les actions théâtrales et les réactions
provoquées : communiquer les uns avec les autres. Le sens de l'adjectif
est proche du terme « consensus » utilisé par Jürgen
Habermas29. L'acteur et le spectateur portent leurs actions dans le
consensus de la situation théâtrale.
1.6.4.2. Actions des acteurs et réactions des
spectateurs.
Dans cette section, W. Sauter tente de répondre aux
spectateurs qui cherchent à décrire et analyser ce que l'acteur
« fait » sur la scène. W. Sauter propose de distinguer trois
types d'actions : actions d'exhibition, actions encodées et actions
incarnées qui entraînent des réactions de la part des
spectateurs. Celles-ci sont principalement de deux ordres : cognitives ou
émotionnelles. Ces réactions constituent la base du jugement de
valeur porté par le spectateur, sur l'artiste et sur le spectacle vivant
dans son intégralité ; ces réactions sont issues des
réactions cognitives et émotionnelles du spectateur durant toute
la durée du spectacle et même après. Le jugement de valeur
peut être mesuré mais pas toujours expliqué, puisque des
éléments inconscients se mélangent à
l'argumentation rationnelle. Dans ce sens, Pierre Bourdieu explique que la
distinction entre l'amateur et le professionnel consiste justement pour ce
dernier, en sa capacité à expliciter son jugement.
(1) actions d'exhibition
L'acteur entre dans l'espace de jeu, la scène, et se
présente lui-même au spectateur. Il s'agit du « showing off
» de l'acteur qui domine la scène grâce à sa
personnalité et à ses compétences. Ces actions
décrivent l'acteur (et non le personnage qu'il joue), son apparence
personnelle, son tempérament, son charisme... Le spectateur
réagit à cette exhibition de manière émotionnelle
et cognitive : affection, attente, reconnaissance... mais aussi
curiosité, attention, excitation ou d'un point de vue négatif :
répulsion, indifférence, fatigue.
Ce premier niveau est le plus important par rapport aux autres
niveaux de communication. Car évidemment, sans intérêt pour
la personne qui veut communiquer, il n'y aura pas assez d'attention pour
réaliser les autres niveaux de communication.
(2) les actions encodées
Ces actions caractérisent tous les domaines de
spectacle théâtral et sont régulées par des normes
et des conventions plus ou moins strictes, quelques-unes d'entres elles
étant constitutives de certains genres. Elles caractérisent le
genre, le style et les compétences. A l'intérieur de chaque
genre, il existe un nombre de styles plus ou moins distincts, en fonction des
traditions historiques, géographiques et personnelles. De plus ces
caractéristiques de genre et de style peuvent être
présentées différemment en fonction des compétences
et de la manière personnelle de les considérer et de les
interpréter pour l'acteur en tant qu'individu. Ce dernier aspect est
fortement en relation avec le niveau sensoriel.
De plus, le spectateur doit posséder une certaine
connaissance des actions encodées pour être capable d'y
réagir. À l'intérieur de ce niveau de communication, il
faut distinguer les réactions intuitives et cognitives. Le plaisir
esthétique du spectateur et son jugement sur l'artiste de spectacle
vivant se situent également à ce niveau.
(3) Actions incarnées
Le niveau symbolique de communication est le plus facile
à comprendre étant donné qu'il a toujours
été au centre des études théâtrales. En
revanche, il est plus complexe de distinguer les actions encodées qui
ont une fonction performative et qui deviennent ainsi des actions
incarnées, et celles qui ne le sont pas. Les actions incarnées
désignent les activités de l'artiste qui impliquent la
présentation d'images fictionnelles. Toutes les actions que nous
percevons comme des activités arbitraires d'un personnage fictif sont en
réalité le résultat d'actions performatives
calculées minutieusement. Dans chaque spectacle, par exemple, l'acteur
doit être sûr de se trouver à un moment donné dans
une position déterminée et de dire certains mots. Nous devons
souligner que le personnage fictionnel est toujours créé à
la fois par le spectateur et l'artiste.
Le spectateur réagit de manière émotionnelle
et intellectuelle, en interprétant les actions de la scène.
Dans la dernière partie, consacrée à
l'analyse de la réception dans les articles de la presse écrite,
nous verrons si ces composantes de la perception se retrouvent dans les
arguments du journaliste quant à son appréciation du
spectacle.
Deuxième partie : Europe - Théâtre
- Médias
L'Europe et le théâtre. Ces deux termes ont en
commun de ne pas avoir « de statut assuré par définition et
ne tiennent pas leur statut d'un rapport à une consistance du
réel. »30 Nous n'avons aucunement l'intention, utopique, de
rédiger ici, une définition définitive de ces termes
polysémiques. Nous voudrions procurer au lecteur quelques informations
en rapport avec le schéma de Willmar Sauter.
Pour reprendre et expliciter des termes de notre étude,
pour justifier l'intérêt du choix de deux pièces
européennes, nous esquisserons les contours de l'Europe et ensuite
quelques points que nous avons jugés intéressants sur le
théâtre. Afin d'apporter des éléments de
réponse aux questions de savoir s'il est possible, souhaitable, pour les
Européens de concevoir des jeux de théâtre au niveau de
l'Europe, nous essaierons de montrer le socle commun européen du
contexte culturel, de la culture du jeu, de la théâtralité
en contexte, points abordés en nous référant au
schéma de réception de W. Sauter puisque nous le revendiquons
dans l'analyse de nos pièces. Nous chercherons également à
savoir à quoi sert un théâtre en Europe et s'il existe un
théâtre européen.
Pour terminer, nous exposerons les moyens dont disposent
aujourd'hui les praticiens du monde théâtral afin d'ouvrir leur
art à l'Europe.
2.1. L'Europe : points de vue géographique,
historique, politique, économique et culturel
Nous avons communément tendance à confondre le
continent européen et l'Union européenne. Concernant le
continent, au flou qui entoure l'origine du terme, s'ajoute
l'imprécision des limites géographiques. L'Europe est
constituée actuellement de quarante- neuf pays31,
Etats-Nations qu'elle a vus naître, à partir du XIXème
siècle, autour d'une langue et d'une culture nationales. Chaque nation
tient beaucoup à garder sa spécificité. Cependant, ces
Etats ont eu des points communs au niveau de leur histoire politicoreligieuse
et intellectuelle.
30MONDAZAIN, Marie-José : «
L'hospitalité » dans Compte rendu intégral des
débats : Rencontres européennes sur le thème « A quoi
sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande. Vol 1, p 6.
31 Ibid.
Contrairement à ce que nous pourrions croire, le sens
politique du terme est très ancien. Selon Anne-Marie Autissier, la
première trace que l'on ait retrouvée remonte à la
bataille de Charles Martel contre les Maures à Poitiers en 732 et la
victoire des « europenses »32. Cette vision de
l'Europe est basée sur l'unité chrétienne33, et
Charlemagne, dont l'unité politique coïncide avec l'unité
religieuse, devient le « Pater Europae »34.
A partir du XVème siècle, cette volonté
d'unité chrétienne s'éclipse avec l'avènement des
premiers Etats modernes. Alors les tentatives d'unité prennent d'autres
orientations. Selon Alfred Gosser, il est possible de distinguer trois formes
principales : (1) « Europe de l'équilibre ou du « concert
», admettant l'indépendance des États (surtout des grands),
garantie par l'observation du droit des gens et de règles
traditionnelles (balance of powers) ; (2) Europe unifiée par la
conquête : telles que l'ont été les deux entreprises,
différentes, de Napoléon et de Hitler ; (3) Europe volontairement
unifiée, mais celle-ci n'a pas dépassé le stade des
projets et des rêves »35 du moins avant la fin de la
Deuxième Guerre Mondiale.
Geneviève Fraisse36 rappelait, lors des
rencontres « Scénoscope # 1 », que la fabrique du
Marché commun était vouée à la paix et que sa
réalisation avait été possible grâce à la
politique et à la culture. Pourtant, bien que « fortement
ancrée dans l'inconscient du geste fondateur, (le Traité de
Rome), la culture est demeurée absente du premier accord
européen. »37
En fait, les Etats ont commencé à se rassembler,
petit à petit, à partir d'un plan proposé par Schuman,
pour que plus jamais l'Europe n'ait à subir l'horreur de guerre. La
dernière forme de l'Union européenne38 est
instituée en 1993 par le traité de Maastricht. Petit à
petit, le nombre d'adhérents se multiplie, tout comme les politiques
communes et en
32AUTISSIER, Anne- Marie : L'Europe de la culture
: histoire(s) et enjeux, Editions Babel Maison des cultures du monde
collection « internationale de l'imaginaire », nouvelle série,
numéro 19, Paris, 2000, p 31.
33 Cette unité chrétienne se marque face
aux dangers que représentent l'Islam et la puissance de Constantinople.
Dans ibid.
34 Ibid.
35 GROSSER, Alfred : Europe - Histoire de
l'idée européenne dans Encyclopédie Universalis :
www.universalis.fr
36 FRAISSE, Geneviève, participant à
la troisième table ronde : « L'Europe culturelle : une
insémination artificielle ? » Rencontres Scénoscope #1 :
Arts Vivants : Désirs d'Europe ? Lundi 4 juin 2007,
ÉQUIP'ART & LE THEATRE NATIONAL DE LA COLLINE : Pas de publication,
notes personnelles.
37PIRE, Jean- Miguel : Pour une politique
culturelle européenne, Editions de la Fondation Robert Schuman,
l'Europe en action, collection Notes de la Fondation Robert Schuman,
Paris.
www.robertschuman.org/notes/notes1.pdf , p 7
38 Dès 1951, six états signent un
accord instituant une coopération approfondie dans le secteur des
industries lourdes du charbon et de l'acier (CECA). En 1957, forts de la
réussite de la CECA, les Six décident d'élargir leurs
compétences communes et signent le Traité de Rome qui crée
la Communauté économique européenne (CEE), ou «
Marché commun » dont l'objectif est la libre circulation des
personnes, des marchandises et des services entre les États membres.
2002, l'union économique est véritablement
concrétisée par la création de la monnaie unique
européenne : l'euro. Pourtant l'élan européen est
stoppé en 2005 à la suite des refus français et hollandais
d'une Constitution européenne.
On voit qu'un substrat au contexte culturel européen
(économique, politique et public) s'est formé depuis bien
longtemps et préexistait aux premiers accords économiques
européens de 1951, à propos desquels Dario Fo déclarait :
« Avant même que l'Europe ne soit unie au plan économique
ou conçue au niveau des intérêts économiques et des
échanges, c'est la culture qui unissait tous les pays d'Europe. Les arts
plastiques, la littérature, la musique sont le ciment de l'Europe.
39 »
Comme nous venons de l'évoquer, les Européens
partagent un héritage historicoreligieux. Les peuples européens
comme tous les peuples depuis la nuit des temps ont certainement une culture du
jeu. Ils sont aussi unis dans leurs pratiques de jeux puisque leur vie
quotidienne est mâtinée d'habitudes cérémoniales, de
coutumes alimentaires, de modes vestimentaires, de programmes de
télévision communs ou proches...
De même, leur patrimoine théâtral
fondé sur la culture du jeu à cause de la mimésis,
présente aussi des intersections de formes théâtrales. Qui
en Europe n'a jamais étudié Shakespeare, Garcia Lorca,
Molière ou Goethe? Nous préciserons ce que recouvre cette facette
de la culture européenne dans la section « Théâtre
», « Théâtres d'Europe » et «
Théâtre européen ». Nous constaterons qu'un champ
théâtral, appelé théâtralité en
contexte par W. Sauter existe effectivement en Europe.
Le sujet de notre étude ne nous permet pas d'approfondir
la question de la constitution du patrimoine culturel commun.
Cependant, les Européens n'ont pas vraiment conscience
de cette communauté culturelle. Si la question de culture «
européenne » leur est posée, ils revendiquent d'abord les
différences et les singularités nationales ou régionales,
pour conclure à une spécificité européenne face aux
autres cultures (américaine, asiatique...). Enfin, certains groupes
39 Citation issue de la Communication de la
Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité
économique et social européen et au Comité des
régions. Communication relative à un agenda européen de la
culture à l'ère de la
mondialisation. COM
(2007) 242 Final, Bruxelles, le 10 mai 2007, p 3.
sociaux, « évoquent plus volontiers des
éléments communs aux Européens ou encore une
diversité culturelle (valorisée) autour d'un socle commun.
»40
Le socle commun unifiant les Européens existe bel et
bien. Il puise ses caractéristiques aux sources de la civilisation
gréco-romaine et se nourrit des voyages, des échanges, des
confrontations et des influences qui se sont toujours manifestés de
façons multiples en Europe : les artistes ont traversé
aisément les frontières politiques et linguistiques.
Néanmoins, il faut nuancer cet héritage commun
et constater qu'il existe « plusieurs Europe de la culture
»41 en fonction des aires géographiques
européennes (Europe du Nord, du Sud, de l'Est, de l'Ouest, centrale, des
Balkans...) renforcées par celles d'appartenance linguistique et
religieuse, et d'autres coutumes ou valeurs qui composent l'identité
d'un groupe, d'une communauté.
Nous n'entrerons pas dans les détails, dans le cadre de
cette étude, sur les multiples étapes42 qui ont
précédé l'instauration, la reconnaissance de la
diversité culturelle et enfin, la signature de la convention de l'UNESCO
sur la diversité culturelle.
Ainsi, les Européens tiennent à leur
spécificité culturelle qu'il faudrait en réalité
mettre au service de leur unité par des actions ponctuelles, des
programmes d'échanges en laissant à chaque Etat le soin
d'organiser sa politique culturelle.
Ce n'est qu'avec la signature du Traité de Maastricht et
l'article 128, futur article 151, (cf. en annexe) que la culture devient une
compétence reconnue de l'action européenne43.
Déjà en1998, dans la communication de la
Commission au Parlement, au Conseil et au Comité des Régions
relative à la proposition de décision du Parlement
européen et du Conseil établissant un instrument unique de
financement et de programmation pour la coopération culturelle, on
pouvait lire : « La culture n'est plus considérée comme
une
40 OPTEM : Les Européens, la culture et
les valeurs culturelles, Etude qualitative dans vingt-sept pays
européens. Rapport de synthèse, Commission
Européenne, Direction générale Education et Culture, Juin
2006, p 37.
41 AUTISSIER, Anne-Marie : Op. Cit. p 49.
Cette affirmation fait suite à une enquête menée
auprès d'artistes européens par Jean-Paul Fargier.
42 Jean-Michel Baer explique que cette discussion
sur la diversité culturelle commence dès 1985 par rapport au
domaine de l'audio visuel...Le premier enjeu à l'ère de la
mondialisation est de « reconnaître à la culture le statut
d'un bien qui n'est pas marchand ». Dans L'exception culturelle. Une
règle en quête de contenu,
http://www.lexception.org/article116.html
4 3 Jean-Miguel Pire et Anne-Marie Autissier s'accordent pour
expliquer l'inscription tardive de la culture dans les accords
européens. Il semble que les Etats aient été longtemps
réticents, voire opposés, à la création d'un
ministère de la culture sur leur sol, forts des exemples
désastreux fournis par l'histoire (Gobbels pour ne citer que lui). Il a
fallu attendre que tous les pays européens soient dotés d'un
ministère ad hoc pour que l'idée d'une action communautaire
puisse faire son chemin, butant encore sur la crainte d'une tutelle
unificatrice sur les cultures nationales et régionales.
activité subsidiaire, mais comme une force motrice pour
la société, facteur de créativité, de dialogue et
de cohésion. »44 Comme l'explique Jean-Miguel
Pire45, la Commission considère que la culture est «
étroitement liée aux réponses qu'il convient d'apporter
aux grands défis contemporains » parmi lesquels :
l'accélération de la construction européenne46,
la mondialisation47, la société de
l'information48 ainsi que l'emploi et la cohésion
sociale49.
D'ailleurs, cette année (2007), l'Europe fête son
cinquantième anniversaire, et pour la première fois, la
Commission des Communautés européennes a publié, le 10 mai
2007, une Communication relative à un agenda européen de la
culture à l'ère de la mondialisation50 qui
pourrait prendre les allures d'une véritable politique culturelle
européenne.
L'Union européenne postule qu'il existe une culture
spécifiquement européenne et définit ses principaux angles
d'approche : (1) mettre en évidence l'héritage culturel commun,
(2) respecter et promouvoir la diversité culturelle nationale et
régionale, et (3) encourager la coopération.
La partie suivante, intitulée « Programmes
culturels de l'Union européenne », s'inscrit dans le schéma
de Sauter au niveau du contexte culturel et des jeux de théâtre
dont on veut mettre en évidence la communauté. C'est aussi
grâce à ces programmes que la politique culturelle
européenne se développe et met en place ces échanges
culturels qui ont
44 Communication de la Commission au Parlement,
au Conseil et au Comité des régions relative à la
Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil
établissant un instrument unique de financement et de programmation pour
la coopération culturelle (Programme Culture 2000), 28 mai 1998, p
8.
www.senat.fr/ue/pac/E1106.html
45 PIRE, Jean -Miguel : Op. Cit. pp 36-
38.
46 En contribuant à « l'expression
d'une citoyenneté européenne fondée sur la connaissance,
la compréhension mutuelle des cultures d'Europe et la conscience de
leurs caractéristiques communes » PIRE, J-M, Op. Cit. p
36
4 7 Afin que ce phénomène soit source «
d'enrichissement mutuel » plutôt que d' «
homogénéisation et de banalisation », afin qu'il oeuvre
à l' « élargissement des possibilités d'expression
culturelle », il importe que l'Union assume une responsabilité dans
la diversité culturelle. Comme stipulé dans le programme «
Culture 2000 », loin de vouloir réduire les différences, la
politique culturelle européenne se propose ainsi d'être un moyen
d'assurer leur préservation. PIRE, J-M, Op. Cit. p 37.
48 Il s'agit de veiller à ce que les
progrès des nouvelles techniques de l'information et de la communication
ne se transforment pas en sources d'uniformisation, d'aliénation
culturelle ou en moyens d'exploitation professionnelle mais au contraire que
ces progrès oeuvrent à la promotion de la diversité
culturelle et linguistique, par la dissémination de la culture.
Ibid. p 37
49 Les activités culturelles
représentent un gisement d'emplois important qu'il convient de
valoriser. A côté de sa dimension éducative ou politique,
c'est le rôle proprement économique qui est affirmé. Dans
nombre de situations, les activités culturelles jouent un rôle
d'intégration et permettent aux personnes exclues de retrouver des
repères et une sociabilité. Ibid. p38.
50 Voir document en annexe.
certes toujours existé. Ils sont véritablement le
ciment de l'Europe et le gage de sa pérennité dans le monde face
aux géants continentaux américains, indien et chinois.
Le quatrième pôle envisagé dans le
schéma de Sauter concerne les jeux de théâtre,
l'événement théâtral en soi, il en sera question
à travers la section « le théâtre ».
2.1.1 Les programmes culturels de l'Union
européenne.
L'inscription de la culture à l'ordre des actions de
l'Union européenne (Article 151) a donné naissance, entre 1996 et
1999, à trois programmes culturels : Kaléidoscope
(interdisciplinaire), Ariane (livres et lecture) et Raphaël (patrimoine)
qui nécessitent la coopération de plusieurs Etats membres.
La Commission européenne a lancé une vaste
campagne de consultations tant avec les professionnels qu'au sein des
institutions afin d'établir un nouveau programme en faveur des arts et
de la culture. Les principaux griefs figurant dans les résultats de
l'enquête sont une trop faible médiation, le manque de financement
et le suivi insuffisant des projets.
Après de longs mois de discussions et de débats,
le programme Culture 2000 est finalement approuvé. Il regroupe tous les
secteurs artistiques, excepté le cinéma et l'audiovisuel.
Institué au départ pour quatre ans, il est finalement
prolongé jusqu'en 2006 et est doté de 236, 50 millions
d'euros51. Les projets financés sont répartis en trois
orientations : les actions annuelles spécifiques, les actions
pluriannuelles et les événements culturels spéciaux.
Il semble que ce programme ait le mérite d'encourager
les projets communs, les relations entre partenaires européens, la
diffusion et l'information culturelle. Les points négatifs sont pourtant
inquiétants : le critère de qualité porterait plus sur le
mode de gestion que sur la valeur artistique au coeur des projets.
Le nouveau programme Culture 2007, institué, suite aux
mêmes démarches que le précédent, se verra
doté de 408 millions d'euros, soit presque le double de Culture 2000, ce
qui constitue une amélioration remarquable. Le décloisonnement
des disciplines artistiques est toujours de mise mais les catégories de
projets ont changé : actions culturelles, soutien à des
organismes culturels européens, à des activités d'analyse
et de valorisation.
2.1.2. Les actions européennes en faveur du
théâtre.
L'Union européenne a mené de nombreuses
discussions concernant l'évolution de la politique
théâtrale. Il en résulte notamment certaines
avancées techniques indispensables. Citons par exemple : les
coopérations entre les sociétés d'auteurs, la
réciprocité des charges et des prestations sociales, les
facilités douanières pour le transport des décors, des
accords consulaires pour le visa des praticiens, ainsi que des aides pour le
surtitrage.
Pour le reste, malheureusement, il semble bien, au vu des
différents systèmes de production théâtrale en
Europe, qu'un rapprochement des systèmes soit pratiquement
impossible.
De plus, toute tentative d'uniformisation serait contraire au
principe de « diversité culturelle ». Pour éviter cet
obstacle, l'Union européenne a mis au point plusieurs programmes
d'actions que nous avons cités ci-dessus et dont nous analyserons la
portée dans le domaine précis du théâtre, en nous
basant principalement sur l'article d'Anne-Marie Autissier : « Un
théâtre sans commissaires »52.
Dès « le programme Kaléidoscope », des
producteurs de théâtre ont reçu des fonds pour la
réalisation de projets de coproduction ou de diffusion.
Lors de l'évaluation du programme, deux grands
réseaux dans lesquels le milieu du spectacle vivant est actif et bien
représenté, Informal European Theatre Meeting (IETM) et le Forum
européen pour les Arts et le Patrimoine (FEAP / EFAH), insistent sur la
nécessité d'une refonte du programme afin qu'il soit « mieux
doté (financièrement) et qu'il confère une place
substantielle au spectacle vivant »53.
Pourtant, le programme « Culture 2000 », qui voit le
jour peu après, regroupe l'ensemble des disciplines artistiques, est
basé sur la notion d'interdisciplinarité. En conséquence,
la spécificité théâtrale se retrouve au
côté de la musique, de l'opéra, du cirque... dans « un
ensemble fourre-tout, lequel se distingue de la littérature et du
patrimoine essentiellement par des paramètres de gestion et
d'exploitation économique »54
Rappelons que la constitution des dossiers de demande de
subventions est très formaliste, très compliquée et
surtout axée sur la gestion plutôt que sur l'artistique. Ajoutons
les priorités à remplir pour que la candidature soit
validée : le nombre de
52AUTISSIER, Anne -Marie : « Un
théâtre sans commissaires », dans Études
théâtrales : Europe, Scènes peu
communes, Centre d'études théâtrales,
Louvain-la-Neuve, N°37, février 2007, p 118.
53 Ibid. p 119.
54 Ibid. p 121.
partenaires, les multiples rapports à fournir... et
nous comprenons le découragement de beaucoup de porteurs de projets face
à cet ensemble de démarches « administratives » pour un
faible financement, qui plus est incertain. Pourtant, ces aides permettent
à de nombreux projets d'exister chaque année, bien que nous
puissions encore déplorer le manque de visibilité dû
à une trop faible médiatisation.
Heureusement, les réseaux européens de
coopération sont nés sous l'impulsion de professionnels et
permettent surtout aux praticiens de s'unir afin d'améliorer leurs
chances de pouvoir concrétiser leurs projets, que ce soit par le biais
de subventions européennes ou par des cotisations communes. Certains,
chanceux, comme la Convention Théâtrale Européenne,
reçoivent une aide pour le fonctionnement grâce à la ligne
budgétaire du Parlement européen (A312).
2.2. Les réseaux de théâtre
européen
Le nombre de réseaux de coopération culturelle
se multiplie depuis ces vingt dernières années, tant aux niveaux
européen que nationaux, ou régionaux (au sens large, par exemple
le réseau des théâtres de
Méditerranée...).
Généralement, les réseaux s'organisent en
fonction des disciplines artistiques. Pour le domaine des arts du spectacle
vivant, un premier réseau important voit le jour dans les années
80, l'IETM. Il mise sur la prise de contact, le rassemblement d'informations...
.Plus ou moins à la même époque, la Convention
Théâtrale Européenne et l'Union des Théâtres
d'Europe sont créées. Contrairement à l'IETM, ils
travaillent en nombre plus restreint, avec des institutions homologues (par
exemple, des théâtres nationaux entre eux). En outre, en 2000, un
autre réseau, le Réseau THEOREM, poursuit le but, tant artistique
que politique, d'intégrer des pays de l'Est.
Ces initiatives sont en augmentation, postulant ou non pour
les programmes d'aides européennes, regroupant un nombre variable de
membres et développant des actions plus ou moins nombreuses et aussi
variées que leurs systèmes de fonctionnement.
Faire partie de réseaux aussi nombreux et divers
représente toujours un avantage. Comme l'énonçaient
Pascale Brunet et Laurent Dreano dans « La raison des réseaux
»55,
cela permet de prendre goût à la
coopération internationale, de créer des occasions de voyage, de
construire des passerelles entre des professionnels éloignés, de
bâtir des coopérations, de nouer des relations....
Dans le cadre de cette étude, nous analysons la
réception de spectacles qui ont été réalisés
en partenariat avec la Convention Théâtrale Européenne.
C'est pourquoi le point suivant lui est consacré.
2.2.1. La Convention Théâtrale
Européenne
La Convention Théâtrale Européenne (CTE)
est une association sans but lucratif fondée le 6 mars 1988 lors d'un
congrès au Luxembourg, entre onze membres fondateurs, à
l'initiative de Daniel Benoin qui avait pris goût aux collaborations
transfrontalières. Aujourd'hui, depuis le 27 avril 2007, elle compte
quarante théâtres membres, issus de vingt-quatre pays «
européens56 ». Certains sont membres actifs (payent une
cotisation et ont le droit de vote), d'autres sont associés
(observateurs), (voir liste des membres en annexe). Ces institutions ont en
commun d'être des théâtres producteurs subventionnés
par les pouvoirs publics et de partager la même vision de leur art : un
théâtre d'art, porté par un texte et par une mise en
scène originale.
(1) Fonctionnement
La CTE est un réseau d'une taille relativement grande.
Deux fois par an, une assemblée générale est
organisée dans un pays membre. Le thème des réunions est
choisi en commun lors des séances précédentes.
Les assemblés générales sont l'occasion
pour les membres de se rencontrer et de discuter ensemble, de confronter leurs
points de vue, la situation dans leurs pays (à travers des
exposés, des ateliers), de décider de leurs actions futures
(possibles grâce aux cotisations des membres qui s'élèvent
à 5 000 euros par an), des projets à présenter à la
Commission européenne, d'exposer les leurs afin d'y inviter leurs
collègues. C'est également lors de ces réunions que les
membres sont appelés à voter pour l'élection du bureau
(Président, vice- président, secrétaire et
trésorier), instance décisionnelle et « politique »,
ainsi que pour tout
changement concernant les statuts officiels. Les membres
élus du bureau travaillent avec la Déléguée
générale, Patricia Canellis. Notons que toutes les personnes
représentent leur institution dans laquelle elles occupent une place
importante et n'ont donc pas beaucoup de temps à consacrer à la
CTE, en dehors des réunions de bureau (organisées avant les
assemblées générales ainsi que lorsque le besoin s'en fait
sentir). C'est pour cette raison qu'elles emploient une personne à plein
temps, la Déléguée générale, qui est le
point de contact et d'information de tous les membres, des curieux, des autres
réseaux et des instances politiques..., mais aussi la gestionnaire de
toutes les actions propres à la CTE, comme des programmes
européens (dans ce cas seulement, elle est souvent secondée par
des chargés de missions spécifiques). Cette
Déléguée générale décharge les
créateurs de toute la gestion et leur laisse le soin du travail
artistique.
(2) Objectifs / activités.
Les objectifs de la CTE sont au nombre de trois. Pour chacun,
nous avons cité des actions concrètes réalisées par
la CTE que nous ne développerons pas dans le cadre de cette étude
(pour plus d'informations, nous renvoyons les lecteurs au site Internet de la
CTE :
http://www.etc-cte.org/about/index.php
)
Les projets de coopération transnationale sont
l'essence même de la CTE. Les actions réalisées
s'organisent autour de trois buts spécifiques. Tout d'abord, elle a mis
en place des actions pour la diffusion du théâtre européen
grâce à des festivals, un programme « public du
théâtre », un livre « New Plays in Europe
», un programme d'échanges de spectacles, la participation
à des projets de traduction dramatique (TER, TRAM). Deuxièmement,
elle organise des actions pour l'inter-culturalité européenne
grâce au programme d'échanges intereuropéens pour les
ressortissants du spectacle et un programme d'échanges
pédagogiques et scientifiques, sans oublier l'organisation de colloques,
de réunions.... Enfin, elle s'est engagée à promouvoir
l'écriture européenne grâce au programme Net (nouvelle
écriture théâtrale), dans un centre pour les jeunes
directeurs et à co-organiser le prix européen du
théâtre.
2.3. Théâtre
Si cet art « de tradition européenne » est
né en Grèce antique, le genre théâtral existe depuis
la nuit des temps et dans toutes les civilisations. Le théâtre est
un genre protéiforme, complexe et varié. Ainsi donc, en fonction
du lieu et de l'époque, nous trouverons différentes
définitions de ce qui entre dans la catégorie «
théâtre ». Nous n'entendons pas présenter une
définition exacte ou exhaustive du terme, seulement proposer quelques
éléments fondamentaux en fonction des besoins de notre sujet.
2.3.1. Qu'est-ce que le théâtre ?
Définition générale
Nous sommes partis de définitions
généralistes issues d'ouvrages de références : le
Nouveau Petit Robert de la langue française57 et «
Qu'est-ce que le théâtre ? »58 . Nous les avons
ensuite affinées avec les caractéristiques évoquées
dans les discours de quelques spécialistes rencontrés tout au
long de nos recherches. Ainsi nous avons tenté de définir les
critères acceptés unanimement (ou presque).
Tout d'abord, en tant que spectacle vivant, par opposition
à l'art cinématographique, l'événement
théâtral est éphémère et ne peut se produire
que s'il y a un public, une audience, des spectateurs et au moins deux
comédiens59 sur scène. Les personnes en scène
(de formation professionnelle, ce qui distingue le spectacle professionnel de
l'amateur) présentent au public une ou plusieurs actions, situations, un
ou plusieurs événements ; quand elles quittent la scène,
le spectacle est terminé60.
57 « Art visant à représenter devant un
public, selon des conventions qui ont varié avec les époques et
les civilisations, une suite d'événements où sont
engagés des êtres humains agissant et parlant. »
58 BIET, Christian et TRIAU Christophe :
Qu'est- ce que le théâtre ?, Editions Gallimard,
collection Folio essais inédit, Paris 2006. Emmanuel Wallon donne dans
l'introduction (p 7) cette définition : « Le
théâtre est d'abord un spectacle, une performance
éphémère, la prestation de comédiens devant des
spectateurs qui regardent un travail corporel, un exercice vocal et gestuel
adressé, le plus souvent dans un lieu particulier et dans un
décor particulier. (...) » E. Wallon précise
également que bien que « théâtre » désigne
également un texte littéraire d'un genre particulier, le
spectacle théâtral n'est pas forcément lié à
un texte.
59 Un seul acteur transforme le spectacle en
théâtre si l'on considère le monologue comme un genre
théâtral. Comme nous l'avons déjà dit, ce qui est
considéré ou non comme théâtre varie en fonction du
lieu et de l'époque.
60RACH, Rudolf : « Culture industrielle ou
culture biologique ? ou quelques aspects de ce que l'homme (de
théâtre) peut ajouter à l'homme », dans Compte
rendu intégral des débats : Rencontres européennes sur le
thème « A quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26
novembre 2006, au théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA,
Robert, dir. Document non édité, disponible sur simple demande,
vol. 2, p 33.
Ensuite, le théâtre se différencie des
autres arts du spectacle vivant par le fait qu'il est essentiellement
porté par la langue (contrairement à l'opéra, la musique,
la danse, le mime, le cirque...). Même si aujourd'hui, à l'heure
du transdisciplinaire, la parole est de plus en plus souvent amenée
à cohabiter avec les autres arts, elle doit rester majoritaire, dans une
pièce de théâtre au sens où nous l'entendons dans
cette étude, sens qui nous est dicté par les directeurs de
théâtre de la CTE (théâtres subventionnés) que
nous avons eu l'occasion de rencontrer.
Enfin, à l'intérieur de cette catégorie
« théâtre », nous devons encore distinguer diverses
formes apparentées. D'un côté, il y a le
théâtre d'improvisation, le happening, la performance, et à
l'opposé, le théâtre de texte (classique, contemporain,
populaire...). Ensuite, nous devons différencier le théâtre
d'art du théâtre « industriel » (un produit culturel,
apparenté au théâtre, faisant fonctionner l'industrie
culturelle). Ces deux formes de « théâtre »,
présentées au public dans des salles réservées
à cet effet61, sont encore à distinguer du
théâtre de rue qui, par nature, se déroule dans la rue.
A l'intérieur même de la catégorie de
théâtre d'art où la parole tient un rôle primordial,
nous pouvons encore classifier les différents spectacles en fonction de
la théâtralité (cf. Théâtralité en
contexte 1.6.3). Patrice Pavis considère que la
théâtralité, c'est « le jeu entre deux pratiques :
celle du texte et celle de la mise en scène » ou encore « la
mise en scène du texte et la mise en texte de la scène ».
Dans le même ordre d'idées, Pascale Palmers distingue quatre
catégories62 concernant la théâtralité
:
- La théâtralité est tout. Le texte est un
prétexte pour expérimenter de nouvelles formes artistiques. La
mise en scène est primordiale.
- La théâtralité est très
importante. Une grande attention est consacrée à la mise en
scène : le texte et les acteurs n'ont pas la primauté, leur sens
dépend de la mise en scène.
- La théâtralité joue ici un rôle
ornemental. Le texte est l'élément primordial, porté par
les acteurs. La mise en scène illustre le texte.
61 Du moins pour la durée de la
représentation. Ce qui implique la possibilité de
développer un décor particulier.
62 PALMERS, Pascale : Théâtre dans
les médias à Bruxelles : questions et réponses ,
Mémoire en Journalisme et Communication sous la direction de
André Helbo, Université Libre de Bruxelles, 1991-1992, pp 7-8.
- La théâtralité est absente : tout est
facile, avec un texte porté surtout sur le divertissement, vers le grand
public.
2.3.2. La raison du public
Le théâtre en tant que création
ancrée dans le « hic et nunc » est donc
créateur d'identité. Mais au-delà de cette
identité, que nous qualifierons de communautaire, le
théâtre participe également à la construction d'une
identité plus personnelle car il représente sur scène des
personnages issus de plusieurs classes sociales, ayant effectué
différents parcours et en butte à des problèmes plus ou
moins existentiels. Il nous permet dès lors d'apprendre de
nous-mêmes, en nous présentant l'autre. Comme l'explique Gianni
Manzella :
« Le théâtre parle de l'autre, il est
à voir au différent et non au pareil. Le théâtre
nous arrive toujours d'un autre lieu, de très loin. Dans Hamlet, les
comédiens qui arrivent à Elseneur viennent de très loin,
d'un autre lieu que nous ne connaissons pas. Dans la culture occidentale qui
naît avec les Grecs et sur laquelle se fonde notre identité, le
Dieu du théâtre est Dionysos. Mais Dionysos est un Dieu
étranger. Il vient de l'Orient. Il a le visage et le corps
maquillés. Il revêt des vêtements étranges que les
gens d'ordinaire ne portent pas. Dionysos est le Dieu qui amène la
diversité. Depuis les origines, le théâtre met l'homme
devant le problème de la diversité et de l'inconnu, du risque de
la diversité et de l'inconnu. Les Bacchante d'Euripide nous
disent que, dans la rencontre avec Dionysos, l'homme peut mourir.
L'identité est rassurante. La diversité est risquée, mais
vitale. La physique nous dit que s'il n'y a pas de différence, il ne
peut pas y avoir d'échange d'énergie et la mort de l'univers
arrivera quand il n'y aura plus de différence. »63
A notre époque, de nombreux peuples ont immigré
dans un autre pays, une autre région pour des raisons professionnelles,
politiques, culturelles ou personnelles. Le théâtre peut
participer à l'intégration de ces « étrangers, en les
représentant sur la scène de théâtre », en les
intégrant aux personnages joués.
Pour prouver en quoi le théâtre peut jouer un
rôle dans l'unification européenne, dans la prise de conscience
d'une identité européenne, pour montrer que le
théâtre peut être un
dénominateur commun aux Européens, il faut trouver
ce qui sous-tend le théâtre, qui est aussi, comme l'explique
Florence Naugrette64, ce qui procure du plaisir au spectateur.
Le premier théoricien sur l'art dramatique, Aristote,
déclarait que le théâtre, comme les autres arts, se devait
d'être mimétique, une imitation de la réalité. Cette
théorie est toujours respectée par les praticiens. Comme
l'explique Armin Petras : « la matière qui permet de faire du
théâtre, c'est l'apparence, la perception que l'on a du monde. [Le
théâtre] c'est une machine universelle qui avale tout et qui
métamorphose tout. »65 Attention : mimésis ne
signifie pas forcément réalisme ou naturalisme puisque le texte
est porté à la scène avec le principe de
théâtralité.66 Le caractère
mimétique du théâtre n'est pas à démontrer
puisque l'oeuvre théâtrale, quel que soit le courant artistique ou
intellectuel dans lequel elle s'inscrit67, tire toujours son
inspiration de la société dans laquelle vivent ses
créateurs.
Le même Aristote louait le théâtre pour sa
capacité catharsique, c'est-à-dire sa faculté à
expurger le spectateur de ses passions en les représentant sur
scène. Comme l'explique Jarg Pataki, « La forme classique du
théâtre, c'est l'identification du spectateur avec un personnage
afin de vivre virtuellement un conflit et sa résolution positive ou
négative (drame ou comédie). (...) »68 Cette
caractéristique ne fait plus l'unanimité parmi les praticiens.
Ainsi Bertolt Brecht voulait-il briser cette identification grâce
notamment à la distanciation. Pourtant, le but poursuivi est le
même : faire réfléchir le spectateur à ce qu'il voit
sur scène.
64 NAUGRETTE, Florence : Le plaisir du spectateur
de théâtre, Editions Bréal, collection « Le
plaisir partagé », Rosny-sous-Bois Cedex, Paris, 2002.
65 PETRAS, Armin: « Evolution du
théâtre épique de Brecht à Heiner Müller
jusqu'aux recherches contemporaines qui, en Allemagne, continuent à
trouver d'autres formes de théâtre », dans Compte rendu
intégral des débats : Rencontres européennes sur le
thème « A quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26
novembre 2006, au théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA,
Robert, dir. Document non édité, disponible sur simple demande,
vol. 2, p 7 .
66 SAUTER, Willmar et MARTIN, Jacqueline dans
Understanding Theatre, Op. Cit. W. Sauter propose une
échelle de la théâtralité que vous trouverez en
annexe.
67 Réalisme, naturalisme, baroque,
impressionnisme, symbolisme, romantisme, absurde, allégorique
68 PATAKI, Jarg : « Exposé » dans
lors des rencontres européennes : Compte rendu intégral des
débats : Rencontres européennes sur le thème « A quoi
sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande, vol. 2, p 10.
De ce point de vue, nous rejoignons ici, quelques
théoriciens, dont Willmar Sauter, qui considère que le
théâtre est un moyen de communication69. Il
considère que quelque chose est transmis par un émetteur (les
comédiens interprétant le texte) vers un récepteur (le
public)70. Il ajoute que le « message » est transmis selon
un code précis que le public doit maîtriser.
Ce que nous nommons « message » n'est pas
forcément un message moral71 ou éducatif72,
il peut simplement s'agir d'une histoire ou d'une situation particulière
racontées au public, dont il retient certains éléments. Le
créateur organise son texte et sa mise en scène en fonction de ce
qu'il veut faire passer.
Ainsi comme le présente Marie-José Mondazain :
le théâtre est « la mise en scène de la caverne
elle-même revisitée par Aristote (...) qui énonce que c'est
dans le théâtre d'ombre que se joue non pas la
vérité contre l'erreur, ni l'être contre le non-être,
mais la vérité en termes de fiction partagée. »73
Au vu de ces considérations, nous pouvons affirmer que
le théâtre possède un rôle important74
à jouer dans la société tant d'un point de vue
social75 que politique. Concernant le rôle politique que le
théâtre peut jouer dans la diffusion des idées, nous nous
attarderons
69Le théâtre est donc
considéré comme un procédé de communication, sans
pour autant l'assimiler aux médias traditionnels car il prend place ici
et maintenant. (Cette idée est développée dans «
Eventness » de Willmar Sauter)
70 Certains, comme Anne-Marie Gourdon, rejettent
cette idée car, dit-elle, la communication se fait à sens unique.
Ses opposants lui répondent que la réaction du public se
réalise de manière non verbale durant la performance et par les
applaudissements à la fin du spectacle.
71 Le théâtre, à travers ses
« dialogues et les situations qu'il présente, a le moyen de
transmettre des messages moraux, au sens large et au sens schillérien,
d'éduquer le spectateur en lui donnant la possibilité de la
compassion ». (Jarg Pataki, Loc. Cit, p 11)
72 Cette aptitude communicationnelle est
rejetée par Anja Dirks pour qui : « le théâtre
n'est pas un lieu didactique. Nous ne sommes pas là pour éduquer
les gens mais pour leur faire vivre des choses improbables et se réjouir
de ce qui ne sert pas toute suite à quelque chose. » (DIRKS,
Anje : « La périphérie au centre ou un théâtre
est le lieu de quel public ? » Compte rendu intégral des
débats : Rencontres européennes sur le thème « A quoi
sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande, vol. 2, p 47).
73 Marie-José Mondazain. Loc. cit.
74 « Le théâtre produit de l'humanité
parce que l'homme en a un besoin inhérent et parce que le
théâtre a une place dans la société qui lui impute
ce rôle de produire constamment de l'humanité.» (Armin
Petras, Loc. cit. p 7)
75 Pour Luk Perceval, au théâtre, tout
le monde doit pouvoir y avoir une expérience. Nous avons besoin d'
« un théâtre qui (...) essaie d'apaiser tous les conflits
existant dans la société pour apporter sa contribution à
l'équilibre qui est recherché par cette même
société, qui, en aucun cas, ne cherche à se
détourner de cet objectif et qui n'est pas régi par la loi de la
jungle. » (PERCEVAL, Luk : « Le besoin de théâtre
» dans Compte rendu intégral des débats : Rencontres
européennes sur le thème « A quoi sert un
théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande, vol 2, p 17).
un instant sur le rôle que le théâtre peut
jouer dans la création d'une nation, d'une culture nationale....
Partant, Hàvar Sigurjónsson considère l'art comme une
« déclaration constante d'indépendance »76.
En effet, comme l'explique Emmanuel Wallon77, dans le courant du
XIXème siècle, le théâtre a joué un grand
rôle dans la création des nations européennes
indépendantes, participant d'une part à la « construction de
leur unité » et d'autre part, à « l'affirmation de leur
identité ».
2.3.3. Théâtres d'Europe
De l'avis général, le théâtre est
une pratique qui, pour exister, doit être profondément
ancrée dans le « hic et nunc ». Et pour cause, comme
l'explique Anje Dirks, programmatrice à Zurich, l'attente d'une
population par rapport à une programmation théâtrale varie
considérablement. « Il faut, dit-elle, se demander où on
est, qui sont les voisins, ce qui se passe dans la ville quand on ouvre la
porte et qu'on sort du théâtre, ce qui agite les gens dans cette
ville, quels sujets sont importants selon les endroits »78. De
plus, Boris Grésillon ajoute que « si des artistes font la ville,
la ville elle-même, avec sa forme, son architecture, son
atmosphère et ses habitants divers, fait aussi l'artiste
»79.
Nous pouvons donc déclarer, avec Emmanuel Wallon, que
l'Europe compte « des centaines d'écoles et d'ateliers, de troupes
et de lieux, de salles et de festivals qui constituent un théâtre
à mille plateaux. »80 Chacun s'exprimant et
réalisant son art selon sa culture et son identité nationale ou
régionale.
Il est bien évident que les singularités locales
sont nombreuses et qu'il serait utopique de vouloir les citer toutes dans le
cadre de cette étude. Nous avons tout de même jugé
intéressant de présenter brièvement les principales.
76 SIGURJÓNSSON, Hàvar: « L'art
construit des hommes par des édifices » dans Compte rendu
intégral des débats : Rencontres européennes sur le
thème « A quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26
novembre 2006, au théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA,
Robert, dir. Document non édité, disponible sur simple demande,
vol 2, p 73.
77 WALLON, Emmanuel: « Plateau continental
» dans Études théâtrales :
Europe, scènes peu communes, Centre d'études
théâtrales, Louvain-la-Neuve, N°37, février 2007, p
10.
78 DIRKS, Anje Loc. Cit. p 44.
79 GRESILLON, Boris : « Le
théâtre et la ville, entre fécondation réciproque et
rejet mutuel : les yeux de l'amour et du hasard », dans Compte rendu
intégral des débats : Rencontres européennes sur le
thème « A quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26
novembre 2006, au théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert,
dir. Document non édité, disponible sur simple demande, vol 2, p
30.
80 WALLON, Emmanuel, Loc. Cit. p 44.
Il est clair qu'en tant que porteuse d'une identité
représentative d'une collectivité culturelle, l'inspiration
dramatique puise sa source dans le patrimoine national. Cependant, la
diversité linguistique en Europe engendre la plus évidente
différenciation entre les « théâtres européens
» portés essentiellement par leur langue.
En effet, J. Lacan affirme que la langue est ce qui structure
l'inconscient. A partir de cette déclaration, Georges Banu reprend Karl
Kraus pour affirmer que « la langue impose au jeu une organisation et un
rythme, se charge d'un passé et renvoie à une condition sociale,
culturelle.... Elle rattache l'acteur à une identité inscrite
dans son architecture comme dans son vocabulaire. »81 Ce qui
n'empêche pas les peuples de vivre des expériences similaires. Les
mêmes valeurs peuvent être partagées à travers
plusieurs langues de structure différente (groupe de langues romanes et
germaniques, par exemple), c'est alors la théâtralité qui
fait passer le message, l'émotion, et la langue devient secondaire, ce
qui permet aux spectacles théâtraux de circuler en Europe.
Cependant, la langue et l'appartenance à une
communauté culturelle influencent, déterminent non seulement une
certaine syntaxe, mais aussi une vision particulière du corps, voire du
monde, de l'imaginaire...ce qui se répercute inévitablement sur
le jeu de l'acteur.
Georges Banu82 considère que se dessinent en
Europe autant de jeux différents qu'il y a de langues83 :
certains jeux sont plus tournés sur le bas du corps, sur le haut....
Cette diversité est une richesse qui ne mène pas à
l'incompréhension. Si Georges Banu affirme que les metteurs en
scène préfèrent, sauf exception, travailler avec des
acteurs appartenant à leur culture, Gisèle Salin, directrice du
théâtre de Giveviez (Fribourg- Suisse) et Mircea Cornisteanu,
directeur du théâtre national de Craiova (Roumanie), qui ont tous
deux dirigé des acteurs appartenant à d'autres cultures,
affirment que c'est une richesse inestimable de confronter sa vision à
celle des autres car on apprend beaucoup au contact des autres et que cela
permet de remettre en cause certaines manières de faire
séculaires, de les améliorer....84
Rappelons ensuite, que l'Europe, comme le théâtre
européen, après la Deuxième Guerre mondiale, a
été profondément marquée par la construction du mur
de Berlin. Cet
81 BANU, Georges: « Vers l'acteur européen
», dans Études théâtrales :
Europe Scènes peu communes, Centre d'études
théâtrales, Louvain-la-Neuve, N°37, février 2007, p
81.
82 BANU, Georges, Ibid. p 79.
83 Même si nous pouvons trouver un
dénominateur commun sur lequel nous reviendrons.
84 Entretiens réalisés à Paris,
au théâtre du Vieux Colombier, le 23 juin 2007
obstacle concret a engendré une séparation nette
et plus ou moins imperméable, entre les pays sous domination communiste
et les autres. Cette bipolarité politique engendre deux styles de
théâtre distincts, donc les marques sont encore perceptibles
aujourd'hui. Comme l'explique Georges Banu, cette fracture « a
entraîné des retombées non seulement sur l'écriture
et les thèmes imposés, sur les options de mise en scène,
mais plus profondément encore, sur le jeu lui-même.
»85 Pour synthétiser86, nous dirons qu'
à l'Ouest, le théâtre est vu comme un divertissement
ludique et léger, alors qu'il est considéré à
l'Est, comme un art utile, tant du point de vue politique que social,
caractérisé par un engagement total de la part de l'auteur et
surtout du comédien. Cet engagement accompagne le jeu de l'acteur de
l'Est qui incarne le combat, pour ou contre l'idéologie en place.
Enfin, concernant les institutions théâtrales, il
existe en Europe différents systèmes structurels qui ont une
incidence certaine sur la circulation des oeuvres. En effet, comme l'explique
Emmanuel Wallon87, si sur tout le continent, on recense l'existence
d'entreprises privées et de troupes indépendantes, le paysage du
théâtre subventionné peut être séparé
de façon approximative avec, au nord-est de l'Europe, des
théâtres possédant une troupe artistique permanente et au
sud-ouest, des théâtres ayant recours à des collaborateurs
extérieurs, occasionnels.
2.3.4. Théâtre européen
À la lecture de ce qui précède, nous
pourrions conclure que l'existence d'un « théâtre
européen » est un espoir illusoire, en raison, principalement de la
diversité linguistique européenne, de la diversité
culturelle. Pourtant, nous posons avec Emmanuel Wallon l'hypothèse qu'un
théâtre européen existe ou peut exister : un «
théâtre multipolaire, bruissant de toutes ses langues
»88 . La formule de Denis de Rougemont (alors directeur du
Centre européen de la culture) « Uni dans la diversité
»89 s'applique également au théâtre,
85 BANU, Georges, Loc. Cit. p 80.
86 Le théâtre engagé et utile
n'est pas l'apanage de l'Est. Cependant durant la période communiste de
l'Est, ce théâtre utile est le seul qui se soit
développé alors qu'à l'Ouest, la société
évoluant, le théâtre s'est adapté au besoin de
divertissement demandé par la population.
87 WALLON, Emmanuel, Loc. Cit. p 10.
88 Ibid. p 15.
89 AUTISSIER, Anne-Marie : L'Europe de la
culture : histoire(s) et enjeux, Editions Babel Maison des cultures du
monde, collection « internationale de l'imaginaire », nouvelle
série, numéro 19, Paris, 2000, p 27. Citation issue de
l'étude de Denis de Rougemont : Vingt-huit siècles d'Europe
ou la Conscience européenne à travers les textes d'Hésiode
à nos jours (1961).
car, nous le verrons dans cette section, il est possible
d'exposer certaines caractéristiques communes à tous les
théâtres d'Europe, permettant la circulation du
théâtre sur l'ensemble du contient.
Comme l'explique Emmanuel Wallon, « les historiens et les
critiques conviennent qu'un genre européen se distingue bel et bien au
sein de l'espèce dramatique »90 surtout, si on le
compare aux formes dramatiques issues des civilisations orientales ou
africaines ou encore américaines.
Le théâtre européen « se
caractérise à la fois par le primat du texte et par
l'éminence de la mise en scène, par l'importance qu'y revêt
la psychologie, y compris quand elle ne doit plus guider le jeu de l'acteur.
L'exigence du sens y demeure puissante. Il n'abdique qu'à contrecoeur
son ambition de hisser la raison en scène, même lorsqu'il prend
ses distances par rapport à la littérature pour ébaucher
de nouvelles alliances avec la musique, la danse, le mime, le cirque, le
cinéma ou la vidéo, qu'il fait irruption en pleine ville pour
prodiguer ses artifices et promener ses machines, qu'il s'affranchit du souci
de narrer et des rythmes du dialogue, qu'il se fait témoin de la
déréliction de la cité et des déchirements de
l'humanité au lieu d'illustrer un ordre harmonieux. »91
Cependant, « ces caractéristiques politiques et
esthétiques » ne suffisent pas à forger une «
identité » du théâtre européen qui
dépasserait celle du théâtre national. Georges Banu
considère que ces « fondamentaux indéfectibles
»92 sont indéniablement la source d'une «
idée » européenne du théâtre qui, selon lui,
existe sans aucun doute bien que « constituée dans le temps et
déclinée géographiquement »93. Cependant,
il affirme que la particularité européenne est que ces
caractéristiques soient périodiquement mises à distance ou
métamorphosées. Pour illustrer son propos, il parle de la crise
du personnage, de celle de la fable. Du point de vue de la forme, il met en
exergue « l'existence d'un modèle de liberté qui a comme
préalable l'inexistence des formes scéniques immuables, elles
sont à réinventer, à ré-imaginer chaque fois
»94
De l'avis de Rudolf Rach95, il faut chercher la
caractéristique du théâtre européen et sa
capacité transfrontalière96 dans le fait que nos
représentations se focalisent sur l'humain.
90 WALLON, Emmanuel, Loc. Cit. p 13
91 Ibid.
92 Ibid.
93BANU, Georges, Loc. Cit., p 78.
94 Ibid.
95 RACH, Rudolf, Loc. Cit. p 35- 36.
Cette affirmation a pour corollaire la primauté de
l'acteur qui reflète sur scène les conditions humaines. Il
considère que ce principe est issu du concept
judéo-chrétien de l'être humain et de son existence sur
terre, même si elle a aujourd'hui évolué vers le
positivisme.
Georges Lavaudant97, se base également sur
le statut de l'acteur pour développer la caractéristique du
théâtre européen par rapport aux sociétés
asiatiques ou africaines. Il désigne un acteur individualisé et
formé de manière professionnelle en Europe pour un acteur en tant
qu'entité collective, porté au métier par la dynastie
familiale en Asie et en Afrique.
Georges Banu98 considère l'existence d'un
acteur européen d'un point de vue beaucoup plus précis. Il
rapporte, en effet, qu'à travers les différents programmes
d'enseignement de l'art de l'acteur, nous pouvons retrouver les enseignements
du système stanislavskien augmenté de diverses disciplines de
formation qui varient en fonction des écoles. Ainsi donc « Au moins
sur le papier ! (...) nous devons admettre l'existence d'un dénominateur
commun comme préalable de l'enseignement européen.
»99 Cet aspect se précise, selon Chantal
Boiron100 qui explique qu'aujourd'hui, avec l'entrée dans le
système universitaire de nombreuses écoles d'art dramatique,
leurs étudiants ont la possibilité de suivre des cours dans le
cadre du programme Erasmus dans un autre pays101.
Pour clore ce débat sur les caractéristiques
communes, rappelons simplement qu'au cours des siècles, les peuples
européens ont été soumis à de nombreuses influences
communes : des grands courants artistiques (par exemples, humanisme,
romantisme), des
96 Bien que l'art théâtral, nous le
rappelons encore, soit à l'origine ancré véritablement
dans le local, par l'utilisation de sa langue propre.
97LAVAUDANT, Georges : « Odéon -
théâtre de l'Europe », dans Compte rendu intégral
des débats : Rencontres européennes sur le thème « A
quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande, vol 2, p 58.
98 BANU, Georges, Loc. Cit. ,p 79.
99Ibid.
100 BOIRON, Chantal : « La formation des acteurs
européens en mutation », dans Études
théâtrales : Europe Scènes peu communes, Centre
d'études théâtrales, Louvain-la-Neuve, N°37,
février 2007, p 85- 89.
101 Chantal Boiron (Ibid.) précise que les
ex-pays de l'Est sont beaucoup plus ouverts aux autres pays (majoritairement
occidentaux) et que les acteurs doivent y choisir une langue
étrangère d'enseignement (souvent l'anglais) ce qui n'est pas du
tout le cas chez nous, en Occident. Pourtant le fait de participer à un
projet Erasmus n'est pas toujours bien vu par les enseignants des écoles
d'art dramatique qui considèrent que l'apprentissage du comédien
doit se réaliser avec un seul maître.
grands mythes (Don Juan/Roméo Juliette /Orphée
Eurydice, par exemples), des résonances historiques qui ont sans doute
influencé le théâtre européen dans ses thèmes
communs102. Disons encore que depuis l'Antiquité, les pays
européens ont été occupés par les Romains, les
Germains.... qui tous ont légué des valeurs ou des techniques,
intériorisées.
Cependant, nous devons rappeler que ces sources communes ont
toujours été adaptées, intégrées dans
l'identité nationale. En effet, comme le précisent
Hélène Ahrweiler et Maurice Aymard si « échanges et
croisements sont permanents (...), l'Europe est aussi faite de chronologie et
de rythmes différents qui expriment des contextes historiques distincts
»103 et des conditions culturelles particulières. Et
pour cause : l'Europe est constituée de nombreux peuples parlant
diverses langues, possédant une mémoire et un imaginaire
distincts. Ces différentes cultures peuvent être
subdivisées en fonction de l'origine des langues nationales, de la
proximité géographique des territoires (jamais très
éloignés en Europe)... qui leur confèrent une certaine
communauté d'histoire... .Demeurent des valeurs communes « au coeur
de celle-ci, l'Homme et la Liberté constituent des horizons
éthiques à l'aune desquels il est possible de lire toute notre
histoire. Incarnées d'autant de manières qu'il y a de peuples et
de sensibilités, ces idées forment la trame unique du tissu
européen.104 »
Or, ces influences communes évoquées plus haut
se transmettent aisément. « Les gens de théâtre ont,
depuis longtemps, dessiné les contours d'un nomadisme européen
»105. Ils sont invités, par un ami ou un admirateur,
à produire un spectacle dans une autre institution, dans un autre
pays.... depuis toujours. Actuellement, l'artiste peut également
solliciter les aides nationales ou régionales et participer, par
exemple, à l'organisation de « saisons culturelles », au
renforcement de relations bilatérales, à la diffusion des textes,
à leurs traductions... S'ajoutent à ces options la demande d'une
subvention européenne ou encore l'adhésion à un
réseau qui présentent souvent l'avantage de combiner toutes les
options précédentes.
102 Pour parler de communauté d'histoire, nous pouvons
citer par exemple, les invasions barbares, les multiples révolutions
nationales et guerres dont les deux guerres mondiales mais aussi les guerres de
religions, la chasse aux sorcières, dont nous avons tous subi les
conséquences.
103 AHRWEILER, Hélène et AYMARD, Maurice, dir.
2000. Référence citée par AUTISSISER, Anne-Marie dans
L'Europe de la culture : histoire(s) et enjeux, Op. Cit. p
27.
104 PIRE, Jean- Miguel, Op. Cit. 7.
105 AUTISSIER, Anne -Marie Autissier : « Un
théâtre sans commissaires », Loc. Cit., pp
119-120.
2.4. Promotion du théâtre en Europe,
visibilité dans les médias
« Il n'est pas de spectacles sans public. Il joue le
grand rôle de ce jeu auquel le dramaturge nous convie. (...)
» Jean Vilar, Mot pour mot, 1972
Comme nous le rappelle Jean Vilar, l'essence
théâtrale, son existence en tant qu'art, consiste à se
produire pour quelqu'un. De tout temps d'ailleurs, les auteurs et les metteurs
en scène se sont interrogés sur les goûts du public. Tout
ce qui est construit sur scène se fait en fonction du regard du
spectateur106. Cependant, au cours de la représentation
théâtrale, le public est généralement
cantonné dans un rôle passif, la salle est clairement
séparée de la scène. Cette option a été
remise en cause au XXème siècle par certains hommes de
théâtre qui ont voulu faire réagir le public par diverses
techniques. Quels que soient les moyens mis en oeuvre, l'ambition d'une
institution théâtrale est toujours d'augmenter son audience, de
diversifier son public. Dans ce sens, les discussions et actions en faveur de
« nouveaux » publics (adolescents, jeunes actifs, classes populaires,
immigrées...) font florès107.
2.4.1. La promotion des spectacles
théâtraux.
Quels sont les moyens mis en oeuvre par les théâtres
producteurs afin de faire connaître leurs spectacles et de convaincre le
spectateur d'y assiter?
Parmi les plus vieilles techniques qui ont pour but d'informer
le plus de monde possible, la confection d'affiches et de papillons
publicitaires est encore très utilisée par les institutions
théâtrales. Cependant, l'édition de ces supports est assez
chère, de même, une certaine visibilité parmi la
pléthore d'informations publicitaires qui recouvrent nos espaces
publics, n'est plus assurée par la diffusion de quelques encarts et
papillons promotionnels.
Les théâtres ont donc cherché d'autres
procédés. Citons ces dernières décennies, le
développement des sites Internet, l'envoi de courrier promotionnel par
e-mail aux abonnés comme aux spectateurs occasionnels. Cette
dernière technique est très pratiquée, en effet, elle est
peu coûteuse et revêt un caractère plus personnalisé.
Nous pouvons également citer
106 Roland Barthes déclarait dans « Diderot, Brecht,
Eisenstein » : Le théâtre « est cette pratique qui
calcule la place regardée des choses » (dans L'Obvie
et l'Obtus, Seuil 1982, p 86).
107 La dernière assemblée générale
qui s'est tenue du 26 au 28 avril 2007 à Thessalonique avait pour
thème : « Education et audience ».
les soirées de présentation des saisons,
où des journalistes, des personnes reconnues dans le champ
théâtral, des professeurs, des spectateurs peuvent avoir un
avant-goût de ce qui se produira pendant l'année et dès
lors contracter un abonnement.
Pour la promotion de leurs spectacles et autres
activités, les institutions théâtrales possèdent
également un département chargé des relations avec la
presse qui adresse aux médias des communiqués et parfois des
dossiers pédagogiques. Cette démarche vise deux buts
différents : soit un des créateurs (auteur, acteurs, metteurs en
scène, scénographes...) est invité pour parler de sa
création dans un but promotionnel, soit un journaliste critique les
créations de manière argumentée.
Pourtant, il semble bien qu'à l'heure de la
mondialisation, le moyen de communication le plus efficace pour le
théâtre soit le séculaire bouche à oreille, et pour
cause ! La place réservée au théâtre (dans le sens
que nous entendons ici : texte parlé et mise en scène) dans les
médias en Europe est bien faible, plus encore peut-être que la
visibilité des affiches.
Pour les pièces sélectionnées, chaque
théâtre recevant le spectacle en assume la promotion. Pour le
Festival Mejni Fest108 , la promotion a été
organisée par le théâtre Nova Gorica lui-même avec
l'aide, bien entendu de la Déléguée générale
de la CTE et des théâtres participants.
2.4.2. La place réservée à la culture
dans les médias.
Sous le terme média, nous regroupons, comme il est
coutume de le faire, la télévision, la radio et la presse
écrite (quotidienne, hebdomadaire, publications
spécialisées) et Internet.
Nous n'avons pas la prétention, dans cette
étude, de passer en revue tous les médias en Europe. Nous avons
simplement voulu présenter un panorama général,
étant donné que les médias devraient faire l'objet
d'analyse dans chaque région pour pouvoir valablement émettre des
conclusions. En nous basant sur des études antérieures et sur
notre observation,
108 Le Festival « Mej(ni) fest » c'est tenu à
Nova Gorica (Slovénie)- Gorizia (Italie), du 27 avril au 9 mai 2004 au
théâtre Slovensko Narodno Gledali~e Nova Gorica sur le
thème « Théâtre en Europe: miroir des populations
déplacées ».
nous exposerons ici quelques considérations
générales concernant la place réservée à la
culture dans les médias en Europe.
Pour la rédaction de cette section, nous nous sommes
basée sur le dossier du magazine Culture Europe qui regroupe
plusieurs articles rédigés par les participants à la
rencontre organisée au Grand Jardin à Joinville (France) qui
s'est tenue du 4 au 8 juillet 2005 sur le thème « La culture dans
la presse écrite d'Europe ». François Roche y explique, en
guise d'introduction, que les participants de la rencontre se sont
intéressés particulièrement à la presse
écrite parce qu'elle est la moins mal lotie en matière de section
culturelle. En d'autres mots, alors que la télévision et la radio
sont, comme l'énonçait Pascale Palmers, les seuls médias
qui permettent de multiplier « les lieux où le théâtre
s'insinue » et cela presque à l'infini, la culture en
général et le théâtre en particulier y sont mal
représentés. Pascale Palmers, dans un mémoire
consacré à l'analyse du « théâtre dans les
medias à Bruxelles: Questions et réponses », tirait les
même conclusions.
2.4.2.1. La télévision
Pour la télévision, excepté quelques
chaînes à vocation culturelle comme « Arte »
(franco-allemande) qui ne limite pas son activité à la diffusion
d'informations pratiques et présente des émissions de fond, la
programmation de pièces de théâtre filmées, des avis
critiques et reportages d'analyse.... le reste de la programmation
télévisuelle pour le théâtre se limite à de
l'information. Dans cette catégorie, citons par exemple, le « MAG
» sur Euronews109. Parfois, par le truchement de l'interview
d'un « acteur », un journaliste annonce également le lieu et
les dates du spectacle dans un but promotionnel, et quelques informations
diffuses et minimes. La course à l'audimat et l'introduction de la
publicité ont relayé la culture à l'arrière-plan.
Seuls quelques « événements » grand public conservent
une faible visibilité sur le petit écran110 toujours
d'un point de vue informatif et promotionnel. Certaines
télévisions locales, c'est le cas de « Télé
Bruxelles », diffusent des spots publicitaires présentant des
extraits de pièces et les informations pratiques.
109 Qui présente un magazine européen des
activités culturelles en Europe.
110 Lors de festival « Mejni fest » de Nova Gorica,
seule la télévision régionale slovène fait un
reportage sur l'événement alors que, comme l'explique Martina
Mrhar, la télévision nationale continue de nous traiter comme un
théâtre provincial qui a néanmoins le statut de
théâtre national.
2.4.2.2. La radio
De l'avis de membres de la CTE, la situation à la radio
est relativement meilleure. En effet, si tous s'accordent à dire que la
télévision ne les suit pas, ils sont moins catégoriques,
moins unanimes pour la radio. Cela dépend des pays et de la radio. Tout
d'abord, disons qu'il existe, dans beaucoup de pays, une ou plusieurs
chaînes à vocation culturelle, comme « France Culture »,
« RBB Kulturradio » en Allemagne... qui présentent de nombreux
spectacles, mènent des enquêtes de fond, réalisent des
interviews, émettent des avis critiques...
D'autres chaînes de radio, à vocation
généraliste, accordent une place restreinte à la culture,
qui n'est toutefois pas absente des programmations. Les journalistes informent
les auditeurs, de manière variée sur quelques spectacles à
l'affiche, en interviewant des praticiens dans le but d'en faire la promotion.
Ainsi, en Suisse, nous pouvons citer « Radio Suisse Romande », en
Allemagne « Nordwest Radio », en Belgique « la Première
».... Citons également, comme à la télévision,
l'introduction de spots publicitaires radiophoniques pour des
événements théâtraux.
Malheureusement, la majorité des stations de radio
à vocation musicale font généralement l'impasse sur toute
information culturelle, sauf rares exceptions, principalement redevables
à l'animateur particulièrement touché par telle ou telle
représentation.
2.4.2.3. La presse écrite
La presse écrite est celle, dans son ensemble, qui sert le
mieux le théâtre. (1) Les revues
spécialisées dans le théâtre
Les publications culturelles sont relativement nombreuses en
Europe111. Transdisciplinaires ou spécialisées dans le
théâtre, elles représentent un cas particulier de la presse
écrite qu'il faut absolument distinguer des autres, pour plusieurs
raisons.
111 Pour plus d'informations concernant ces revues, nous vous
invitons à vous rendre sur le site Internet du magazine culturel en
ligne : Eurozine. (
www.eurozine.com) La
rubrique « links » qui propose des liens vers les cinquante
publications partenaires. Plus de deux cents périodiques culturels y
sont répertoriés. De plus, dans certains pays, les revues sont
regroupées en associations : l'ARCE en Espagne (
www.arce.es ), l'ARCS en Belgique
(
www.arcs.be ), Ent'revues en France
(
www.entrevues.org ), la FDK au
Dannemark (
www.kulturtidsskrifter.dk
), la catalogue czasopism (disponible en anglais) pour la Pologne (
www.katalog.czasopism.pl
).... Nous avons également trouvé des informations très
utiles dans « Revue
Tout d'abord, le tirage et la diffusion de ces publications
sont plus limités que la presse écrite en général
car leur public est souvent restreint aux cercles des professionnels du
théâtre ou du spectacle vivant. Quand, parfois, elles sont
disponibles dans toutes les librairies générales, elles touchent
un public de passionnés ou d'apprentis experts.
Ensuite, ce ne sont pas des journalistes qui s'expriment dans ces
revues, mais des experts, praticiens et/ou des théoriciens.
Enfin, le contenu est différent, variable d'une revue
à l'autre selon son angle d'approche. Il est cependant opposé
à l'information ou à la critique « au soir le soir ».
Les revues spécialisées s'emploient à présenter un
espace de réflexion et de discussion sur de nombreux sujets allant des
processus de création et de production jusqu'à des thèmes
globaux relatifs à l'économie, la sociologie,
l'esthétique, la politique du fait théâtral. En passant par
des dossiers ou enquêtes, elles abordent des points aussi variés
que les composantes plastiques et architecturales de la scénographie, la
formation et l'art des acteurs, les nouvelles formes de fiction,
l'écriture contemporaine.... D'une manière
générale, les revues sont ouvertes au théâtre local
et international. Elles présentent de nouveaux auteurs, metteurs en
scène, les tendances inédites. Quand elles publient une critique
sur des réalisations actuelles, elles opèrent une analyse de
parcours, de cheminement.
Dès leur naissance112, les revues permettent
une internationalisation de l'information, participant ainsi à un grand
brassage d'informations, à la circulation et à la confrontation
de nouvelles idées théoriques, techniques.... Notons dans ce sens
que la CTE entretient de très bonnes relations avec la revue «
Ubu, Scènes d'Europe »113.
d'études théâtrales » qui
présente les revues théâtrales en France, en Espagne et en
Italie ainsi que quelques revues allemandes, anglaises, belges, suisses....
112 Les revues sont nées avec le théâtre
d'art et la naissance de l'art de la mise en scène. Elles servaient de
support pour la diffusion des nouvelles idées. Dans les pays comme
l'Espagne, les revues ont présenté un moyen de premier plan pour
l'insertion de leur art dans l'espace théâtral d'échange et
d'information. (SADOWSKA- GUILLON, Irène « Les revues de
théâtres en Espagne » dans Les cahiers de la
Comédie Française, revue trimestrielle de la Comédie
Française, Actes Sud, N°36, été 2000. ) Nous pouvons
élargir cette affirmation d'Irène Sadowska-Gillon aux pays de
l'Est qui utilisent les revues spécialisées de la même
manière, la preuve étant la langue de la rédaction,
l'anglais.
113 La Déléguée générale de
la CTE est également vice-présidente de l'association qui
régit la seule revue bilingue consacrée au théâtre
européen. (Sa diffusion est limitée à des professionnels
ou des institutions au niveau des abonnements, mais d'un point de vue
géographique, UBU rayonne dans toute l'Europe et même
au-delà. Notons que tous les théâtres membres de la CTE
reçoivent un abonnement à chaque cotisation payée !
(2) Les quotidiens et les hebdomadaires
généralistes.
En règle générale, disons que
l'information théâtrale varie considérablement en fonction
des journaux et des pays, tout comme, le contenu de la section
dédiée à la culture114. D'autre part, il semble
que la presse écrite accorde de moins en moins d'importance à la
culture, cette rubrique se situant d'ailleurs, aujourd'hui, souvent en fin de
journal115, ou dans les suppléments hebdomadaires, dont la
qualité et le contenu sont aléatoires d'un spectacle à
l'autre, d'un journaliste à l'autre, d'un pays à l'autre.
Nous avons consulté le dossier « Chronique
culturelle dans la presse européenne » du magazine Culture Europe
N°45, décrivant la situation de la culture dans la presse
quotidienne de quelques pays européens. Ainsi, « la presse grecque
est ouverte à la culture116 ». En Italie, la culture
« est devenue l'un des terrains où les quotidiens (nationaux)
jouent le match de la concurrence »117 et en Espagne, la place
de la culture est également privilégiée118 par
tous les grands tirages qui « éditent par ailleurs un
supplément hebdomadaire approfondi dédié à
l'actualité culturelle. »119 Ces études
remarquent que dans ces pays où les quotidiens accordent un espace non
négligeable à la culture, cette dernière est nettement
moins représentée dans les hebdomadaires.
114 On retrouve souvent l'information culturelle et artistique
sous des rubriques telles que « Art de vivre »,
« Benessere » ou « Well being » (in ROCHE,
François : « Quelle place pour la culture dans les journaux et les
revues ? », dans Culture Europe : Revue de presse Internationale des
professionnels de l'art et de la médiation culturelle. Dossier « La
chronique culturelle dans la presse européenne », N° 45,
hiver 2005- 2006, p 1)
115 L'exemple italien est significatif à cet
égard : durant des décennies, « la troisième page des
quotidiens, traditionnellement consacrée à des thèmes
culturels ». Aujourd'hui cette section est située à la fin
des quotidiens, mais n'a pas perdu son importance, en Italie. TOSCANO, Alberto
: « La troisième page », dans Culture Europe : Revue de
presse internationale des professionnels de l'art et de la médiation
culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la presse
européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, p 10.
116 Enquête d'Eirini Louvrou sur le contenu des pages
culturelles des cinq titres principaux. Elle précise que le terme
culture prend ici le « sens traditionnel du terme grec, ou au sens
humaniste, englobant les sciences dites exactes et les sciences de l'homme et
de la société ». LOUVROU, Eirini : « La presse grecque
est ouverte à la culture », dans Culture Europe : Revue de
presse internationale des professionnels de l'art et de la médiation
culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la presse
européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, p 8.
117 TOSCANO, Alberto Loc. Cit. p 11 : Il explique que
cette importance donnée à la culture par les quotidiens nationaux
entraîne un effet boule de neige car les journaux régionaux et
provinciaux donnent plus d'espace à la culture pour améliorer
leur image. Il cite également le cas du journal économique «
Il Sole 24 » dont le supplément dominical est « un
véritable hebdomadaire culturel ».
118 Renaud Hourcade et Camille Chevalier expliquent dans
« Presse espagnole et débat culturel » que tous les journaux
à grand tirage en Espagne « portent un oeil attentif sur la
culture. (HOURCADE, Renaud et CHEVALIER, Camille : « Presse espagnole et
débat culturel » dans Culture Europe : Revue de presse
internationale des professionnels de l'art et de la médiation
culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la presse
européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, p 12.
119 Ibid.
Mais qu'en est-il de la place de la culture dans la presse
écrite des autres pays européens et surtout, qu'en est-il de la
place dédiée au théâtre ? Il s'agirait là
d'entreprendre une étude comparative qui se révélerait
très intéressante.
2.4.2.4. Internet
Le cas d' Internet est un peut particulier. Nous devons
impérativement distinguer les sites officiels des autres, tant, à
l'heure actuelle, Internet est un média où l'internaute peut
trouver de tout. C'est pourquoi il est impossible de citer tous les sites
consacrés à la culture. Nous souhaitons simplement évoquer
ici quelques éléments qui nous ont semblé
intéressants.
(1) Les sites officiels
Les médias, que ce soit les télévisions,
les radios, les quotidiens, les hebdomadaires, les revues
spécialisées, les agendas culturels..., possèdent pour la
plupart un site Internet développé de façon variable. Les
journalistes culturels créent de plus en plus leur « blog »
pour pallier le manque d'espace disponible dans leurs
médias120. Les compagnies, centres culturels,
théâtres, réseaux, ministères culturels, l'Union
européenne... disposent également d'un tel outil indispensable
à l'heure actuelle pour leur visibilité et la communication de
leurs activités. Les comédiens, auteurs dramatiques, metteurs en
scène... sont également représentés sur la toile
par des sites ou des « blogs » personnels qui permettent de
présenter leurs créations, prestations précédentes,
de proposer des articles de presse... de faire leur promotion, d'inscrire leur
réputation dans le champ théâtral.
Nous avons d'ailleurs remarqué que les journalistes
culturels, tous médias confondus, communiquent de plus en plus souvent
le site Internet officiel « pour de plus amples informations » (cette
pratique est développée de façon variable selon les
pays121). En nous inspirant de l'hypothèse de
Jérémie Siska122, nous nous sommes demandé
si
120 Par exemple le site Nicole Vulser journaliste pour Le
Monde ou encore Odile Quirot journaliste pour Le nouvel
Observateur et bien d'autres.
121 Selon Jérémie Siska, cette pratique est
assez bien développée en Belgique francophone : « Nous avons
remarqué dans nombre d'articles concernant le théâtre, la
mention faite de l'url du site Internet du théâtre. » (SISKA,
Jérémie, L'article culturel, focus sur la critique
théâtrale dans les quotidiens "Le Soir" et "La Libre Belgique", et
sur le critique dramatique en Communauté française de
Belgique. Mémoire en Journalisme et Communication sous la direction
de André Helbo, Université Libre de Bruxelles, 2003- 2004, p
62.
122 Internet peut faire gagner de la place aux critiques de
théâtre ? (Ibid.)
Internet peut faire gagner de la place pour une
véritable information et pour un espace de débat, de
médiation par rapport à l'actualité culturelle. Selon les
arguments développés par les directeurs ou attachés de
presse de Belgique francophone interrogés par Jérémie
Siska, cette supposition est « intéressante, mais peu plausible
pour le moment »123 . Peu plausible car Internet n'est pas
encore entré dans tous les foyers (physiquement ou psychologiquement),
concluent les intervenants, mais très intéressant dans le
futur124. Il nous a semblé pertinant de préciser que
les forums de discussion s'installent petit à petit sur les sites
officiels. Dans le cas des sites des théâtres et des
réseaux (que nous avons consultés) mais pas uniquement, les
articles de presse et les photos de spectacles ont fait leur entrée
depuis quelque temps déjà. De plus, certains
théâtres, comme le Thalia Theater de Hambourg, proposent sur leur
site Internet des vidéos présentant des extraits du spectacle,
des interviews de participants, des explications sur les choix, l'idée,
le procédé de réalisation.... à la manière
des « making of » du cinéma.
Dans cette optique, le développement d'Internet semble
une véritable aubaine tant pour l'information promotionnelle et «
médiatique » que pour le débat d'idées, l'analyse,
l'interprétation, sans oublier le point de vue critique
développé et argumenté des journalistes sur leurs «
blogs ».
(2) les sites amateurs
A côté de ces sites officiels, Internet voit
naître des sites créés par des passionnés qui
donnent la parole aux spectateurs pour donner un point de vue critique sur la
pièce à laquelle ils viennent d'assister. Dans la même
optique, on rencontre également une multitude de « blogs »
individuels où des avis, plus ou moins argumentés et
précis, recommandent ou déconseillent une manifestation
culturelle.
Ces pratiques témoignent, entre autres, d'un certain
mécontentement par rapport aux critiques diffusées dans les
médias, d'une part. Mais le lecteur d'internet ne connaît
absolument rien de la compétence du critique à
juger125 de la qualité ou non des spectacles, d'autre part.
En effet, dans les autres médias, le nom du journaliste est connu et il
se crée au fil du temps une certaine réputation, ce qui permet
à certains lecteurs de se reconnaître dans
123 Ibid.
124 Ibid.
125 JEENER, Jean-Luc : « La critique en état »,
dans, Cassandre : Le théâtre en courant, n°3, avril
1996, p 13.
son jugement. Au demeurant, la même réputation
peut également se forger pour quelques internautes critiques amateurs
dont la compétence peut augmenter de la même manière que
celle du journaliste officiel. Il importe donc que l'avis soit signé.
Troisième partie : analyse des articles de
presse
européenne
La question qui nous intéresse dans le cadre de cette
étude est de savoir quelle forme prennent les articles de presse ayant
pour sujet les spectacles de théâtre à l'affiche, et s'il
est possible d'en déduire la réception des pièces
présentées.
Nous avons choisi de nous limiter à la presse
écrite dans les quotidiens et les hebdomadaires ainsi que quelques
articles sur Internet dont les responsables nous ont assuré du contenu
tout à fait professionnel. Nous ne ferons pas de distinction tout au
long de l'analyse, utilisant le terme général de « presse
écrite ».
La presse écrite dispose de plusieurs techniques pour
présenter un événement théâtral : agendas,
présentations de spectacles, interviews des gens du métier,
dossiers de réflexion, critiques... Toutes ces formes intéressent
les institutions théâtrales qui considèrent comme essentiel
que l'information circule, peu importe comment. En ce qui concerne les
critiques, qu'elles soient positives ou négatives, c'est toujours mieux
que rien dans la course à la diffusion.
Pourtant, tous les événements
théâtraux ne jouissent pas de la même couverture
médiatique. Stéphane Debenedetti126 considère
qu'il existe un certain consensus, chez les journalistes, qui les pousse
à aller voir une pièce plutôt qu'une autre parmi la
pléthore de spectacles à l'affiche. Les pièces
subventionnées par la ville, la région, l'Etat, ou par l'Union
européenne jouissent généralement d'une plus large
médiatisation que les troupes d'avant-garde ou débutantes. Etant
donné que la presse est soumise aux lois de rentabilité et du
lectorat, le choix des journalistes s'oriente généralement vers
des productions « valeurs sûres » consacrées. La
notoriété d'un auteur, acteur ou metteur en scène ou de
l'institution est également tributaire de cette visibilité. Il
faut souligner que l'adéquation d'un spectacle aux goûts
esthétiques et philosophiques du moment drainera facilement des subsides
et les articles de presse. La boucle est bouclée.
Avant d'aborder l'analyse du contenu des articles, nous avons
jugé opportun de rappeler au lecteur quelques éléments
concernant l'évolution de l'article de théâtre dans la
presse écrite. Nous nommons cette section «
l'évolution de la critique dramatique », car il nous semble
qu'à l'heure actuelle, la profusion d'articles d'information n'est
qu'une étape de l'évolution de la presse dont l'éthique
journalistique est aujourd'hui basée sur l'information objective. Aussi,
laissons-nous le soin au lecteur de se forger sa propre opinion.
3.1. La critique dramatique : évolution
Comme d'une manière générale, les pays du
continent européen ont suivi une évolution parallèle et
des influences convergentes tout en les intégrant à leurs
spécificités nationales, nous estimons que la critique s'y est
développée de manière équivalente. Il est
généralement admis que le critique est celui qui est apte
à juger des ouvrages de l'esprit. Dans le cas précis qui nous
occupe, nous verrons de quelle manière son jugement s'applique à
l'art théâtral.
Nous devons évidemment nous référer à
l'histoire du théâtre pour envisager la suite de transformations
du « métier » de critique.
Nous retenons que lorsque le théâtre se limitait
à des représentations religieuses, il ne pouvait s'agir de le
critiquer sous peine de se voir accuser de blasphème. Bien sûr, on
ne peut l'oublier, tout a commencé avec l'antique théâtre
grec et son culte à Dionysos. Mais la société
évolue et avec elle, le théâtre. En passant par le
théâtre profane et populaire lorsqu'acteurs et spectateurs se
confondaient dans de véritables fêtes, il était bien mal
aisé de juger. Cependant comme le pense Jacques Brenner127,
le simple fait de parler d'une pièce constituait déjà un
jugement, une information, une promotion, une critique. Il a fallu attendre que
le théâtre soit installé dans un lieu qui lui soit
réservé, que « peu à peu le public se distingue de la
foule » pour parler d'un discours critique. Nous sommes au XVIème
siècle, à la Renaissance, et avec la redécouverte des
oeuvres antiques, apparaissent aussi les théoriciens de
l'art.128 Comme l'explique encore Maurice Descotes : « C'est la
progressive constitution d'un auditoire homogène, possédant son
code et ses valeurs morales, intellectuelles et artistiques, qui va rendre
possible l'exercice d'une critique dramatique qui,
127BRENNER, Jacques: Les critiques
dramatiques, le procès des juges, Editions Flammarion,
France, 1970, p 9
128 L'art poétique d'Horace, De arte
grammatica de Diomède, De tragaedia et comaedia de Donat,
La poétique d'Aristote. Références
citées par DESCOTES, Maurice: Histoire de la critique dramatique en
France, Editions Jean- Michel Place, Paris, 1980.p 13.
A partir du XVIIème siècle, se multiplient les
correspondances, lettres ouvertes et critiques. En France, nous pouvons
évoquer la querelle du Cid, la guerre du comique131.
Simultanément, l'esprit commence à s'émanciper de la
religion, suite notamment au courant humaniste et au cartésianisme de
Descartes. En outre, le théâtre se différencie de plus en
plus nettement du culte et devient petit à petit une véritable
pratique sociale. Il faut encore attendre le XIXème siècle, pour
que nous entrions véritablement, en Europe, dans l'âge de la
presse écrite. Ainsi, la critique dramatique voit le jour au sens
d'article de jugement sur un spectacle théâtral publié dans
un journal. Il faut préciser qu' à cette époque, la presse
était essentiellement une presse d'opinion. À l'heure actuelle,
nous vivons à l'ère de la presse d'information, ce qui influence
également la manière dont les critiques rédigent leurs
articles.
Les premiers critères véritablement reconnus
remontent au XVIIème siècle lorsque le théâtre est
caractérisé, un peu partout, par des règles strictes comme
celle des trois unités : de temps, de lieu et d'action, ainsi que la
nécessité de vraisemblance et la bienséance. Nous nous
permettons de penser que la situation était la même dans de
nombreux pays d'Europe, étant donné le prestige et le rayonnement
de la civilisation française à cette époque. Comme en
témoigne R. Fayolle, en se basant sur l'usage et le bon goût
reconnus dans les spectacles, le critique prend le rôle d'un juge
esthétique. Il se donne pour tâche de relever les fautes commises
contre les règles, que ce soit pour la tragédie ou la
comédie. 132
Les oeuvres qui rompaient avec ces normes dramatiques
étaient dès lors largement critiquées. Certains critiques
essaient cependant de montrer que nombre de démarches
théâtrales sont innovantes et partant, très riches.
129 Ibid.
130 Ibid.
131 Ces deux exemples sont issus de l'ouvrage de Jacques Brenner.
Op. Cit. pp 48- 65.
132 FAYOLLE, Roger : la Critique. Editions A. Colin,
Collection «U», 1964, p 35.
Parallèlement, l'art théâtral se
popularise, touche un nouveau public, se développe et doit par
conséquent faire face à la concurrence. Le rôle du critique
s'affirme ainsi au XIXème siècle, au moment même où
on assiste en Europe à la naissance d'une véritable presse, toute
disposée à accueillir les articles culturels rendus
indispensables devant l'offre théâtrale grandissante. Logiquement,
le théâtre cherche d'autres options esthétiques :
réalisme, naturalisme, symbolisme... engendrant un éclatement de
la doctrine et emportant ainsi ce que Jean Duvignaud nomme « le confort
intellectuel du critique »133 . Dans ce foisonnement et cette
diversification de spectacles, le rôle du critique est à son
comble. En effet, le lecteur s'identifie avec tel ou tel critique car il
considère que ses goûts sont proches des siens. Cependant, vers la
fin du XIXème siècle, la presse d'opinion est petit à
petit dépassée par la presse d'information, qui s'affirme
véritablement au début du XXème siècle. A cause des
bouleversements que la première guerre a engendrés dans les
mentalités, les valeurs de référence et en
conséquence, le milieu théâtral évoluent : les
artistes qui rejettent tout, proposent des choses étonnantes. C'est
l'heure de gloire des avant-gardistes : dadaïstes, surréalistes...
.Chaque création est différente de tout ce que l'on avait vu
auparavant tant du point de vue du texte, que de la scénographie ou du
jeu des acteurs.... Quelques critiques se sont montrés suffisamment
ouverts pour découvrir et faire connaître ces artistes novateurs
dans le champ culturel du XXème siècle. Comme elle avait
déjà dû le faire au XIXème siècle, la
critique a dû une nouvelle fois s'adapter au théâtre et
trouver de nouveaux critères de jugement. Deux données sont
essentielles à cette époque : tout d'abord, la découverte
d'oeuvres étrangères : les troupes de théâtre
partent en tournée en Europe. Elles vont jouer dans d'autres pays et
invitent des étrangers à venir chez eux ; ensuite, le critique se
pose des questions quant à l'émergence du metteur en scène
en tant qu'artiste.
De nos jours, il est devenu très difficile que le
critique ne donne son avis en fonction de son goût personnel. Pas de
grille d'évaluation, peu de formation en école. Dans ces
conditions, le critique favorise également l'émotion. D'aucuns
prétendent que l'originalité est le critère des nouveaux
critiques.
Ce changement de cap se reflète dans les articles
« critiques » qui, rédigés à la hâte, pour
respecter les impératifs éditoriaux, se contentent de
présenter quelques impressions sommaires au détriment d'une
véritable analyse en profondeur. On pourrait conclure avec Dominique
Mathieu que dans la presse écrite, nous pouvons constater « la
collusion entre le
rédactionnel et le promotionnel, l'uniformisation de
l'information, le manque de presse d'opinion, l'accent mis sur
l'événementiel... »134.
Les pièces que nous analyserons dans la
troisième partie de ce travail ont vu le jour à
l'intérieur du réseau de la CTE. Learning Europa et
Gurs, une tragédie européenne ont été
créées dans le cadre du programme « Théâtre en
Europe : miroir des populations déplacées »,
subventionnées par le programme Culture 2000.
Avant de nous plonger dans l'analyse des articles de presse
à propos des deux pièces, nous avons jugé
intéressant de rendre compte de la visibilité de la CTE dans les
médias.
3.2. La visibilité de la Convention
Théâtrale Européenne dans la presse écrite
européenne
Pour dessiner les contours d'une réponse, à la
question de savoir de quelle visibilité la CTE jouit dans la presse,
nous avons d'une part, interrogé la Déléguée
générale de la CTE, Patricia Canellis, d'autre part, nous avons
demandé aux théâtres membres de la Convention
Théâtrale Européenne, quelle est dans leurs pays, la
visibilité de la CTE dans les médias.
3.2.1. Situation générale de la
visibilité de la CTE et de ses activités
Patricia Canellis135 estime que la
visibilité de la CTE dans les médias européens «
n'est pas à la mesure de ses actions. Elle est mauvaise, en fait ! Si
visibilité il y a, elle est locale/nationale et suivant nos actions et
surtout suivant nos membres et leur bonne volonté ».
En effet, la CTE ne disposant pas d'attaché de presse,
chaque théâtre, dont la responsabilité est de faire
connaître le réseau dans sa ville, son pays, organise sa propre
promotion. À ce propos, Patricia Canellis déclare : «
même dans leur propre théâtre, je suis sûre que
certaines personnes ne savent pas que le théâtre fait partie d'un
réseau (pas de logo dans leur brochure, sur leur site... etc.) ».
Quand des conférences de presse sont organisées, Patricia
Canellis explique qu'elles sont le résultat d' « l'initiative
locale de nos théâtres
134 MATHIEU, Dominique: « La pression commerciale »
dans La critique d'art aujourd'hui dans la presse, dans Culture
Europe : Revue de presse internationale des professionnels de l'art et de la
médiation culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la
presse européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, p 6.
135 Interview avec Patricia Canellis réalisée
à Paris, au Centre National du Théâtre, le 31 mai 2007
membres, lors de l'organisation d'assemblées
générales ». Elle ajoute que ces conférences
rassemblent une vingtaine de personnes : « les personnels des
théâtres et certains journalistes, travaillant, le plus souvent,
pour des quotidiens généralistes.»
Sur le site Internet de la CTE, plusieurs articles de presse
sont présentés, concernant une assemblée
générale, le changement de président, le prix
européen du théâtre, le lancement d'un nouveau projet d'
« observatoire européen du théâtre ». Nous avons
également trouvé un article sur une production de Daniel Benoin,
ancien président de la CTE, lors de la clôture de
l'Assemblée Générale de la CTE à Luxembourg, ainsi
qu'un article en rapport avec des manifestations à propos du
dixième anniversaire de la CTE, fêté à Nice en
1995.
Le premier article, publié dans Le
Soir136 est différent des autres. Il s'agit
véritablement d'un article critique concernant une production de
l'ancien président de la CTE, Daniel Benoin, par ailleurs très
positive.
Tous les autres articles sont totalement informatifs. Le premier
article, issu du
l 'Humanité137 renseigne les
spectacles représentés à l'occasion du dixième
anniversaire de la CTE au Théâtre National de Nice. Le nouveau
président est Jean-Claude Berutti, codirecteur de la Comédie de
Saint-Etienne. Tous les articles le concernant en tant que président de
la CTE élu lors d'une assemblée générale à
Saint-Etienne, sont publiés dans la presse locale : La
Tribune-Le Progrès, Le Journal de
Saint-Etienne138. Dans le même ordre d'idées, le
fait que Gisèle Salin soit élue comme membre du bureau de la CTE,
est relayé par le journal Le Courrier139,
basé à Genève. L'aire géographique est donc plus
large par rapport à celle dont jouit J-C Berutti. Concernant
l'assemblée générale de Barcelone, l'information est
diffusée au niveau national avec El País140,
le second article paraît dans AVUI141 qui est le
journal de la Catalogne. La CTE lance lors de l'Assemblée
Générale de
136 DE DECKER, Jacques : « Clôture de la Convention
Théâtrale Européenne de Luxembourg dans les coulisses de
l'exploit politique », Le Soir, Edition Bruxelles, mercredi 24
mai 1995, N° 121, page 10.
137 S.n. « La part belle au théâtre nouveau
d'Europe de l'Est », l'Humanité, Les archives
intégrales de l'Humanité, 20 novembre 1999.
138 DUPAIN, Nicolas : « Convention Théâtrale
Européenne, Jean-Claude Berutti nouveau président », «
Un théâtre européen se construit » et «
Jean-Claude Berutti : les enjeux actuels », La Tribune-Le
Progrès, Le journal de Saint-Etienne, 24 décembre 2005.
139 MEUNIER, Lou « Grâce au Théâtre des
Osses, la Suisse entre dans l'Europe », Le Courrier, 27 mars
2007.
140 B.G. « La Convención Teatral Europea celebra su
asambla general en Barcelona », El País, 4 juin 2004.
141 MONEDERO, Marta : « La CTE impulsarà un programa
sobre llegües minoritàries », AVUI, le 4 juin
2004.
Saint-Etienne en décembre 2006142, un
nouveau projet, réaliser un « observatoire du théâtre
européen »143, comme de coutume, La Tribune-Le
Progrès, relaye l'événement.
Ces informations ont pour fonction de renforcer la puissance
symbolique de la CTE, mais également la réputation des personnes
comme Daniel Benoin, Jean-Claude Berutti, Gisèle Salin... qui jouissent
déjà d'une renommée nationale. Ils souhaitent par leur
implication au sein de celle-ci faire passer une image d'ouverture et
d'implication européenne.
Les articles sur le prix européen du
théâtre sont quelque peu différents. La CTE en est le
partenaire et le subventionne. Au nombre de quatre, l'un est
dédié au Free Theater de Minsk, nominé pour le prix
européen l'an prochain (Anna Makovskaya - site Internet du Free
Theater), un autre est français (Odile Quirot- article issu de son
blog), deux sont norvégiens (Idalou Larsen - journal on line). Ces
articles sont présentés par ordre décroissant du plus
informatif au moins informatif. Vient d'abord celui rédigé par
Anna Makovskaya144 qui précise les noms des lauréats
insistant surtout sur le fait que la troupe de Free Theater de Minsk est
nominée pour le prix 2007-2008. Ensuite, l'article d'Odile
Quirot145 est plus critique. Militante en faveur des auteurs qu'elle
nomme, elle ouvre timidement le débat sur l'art et la
société, à propos de l'Europe et sur le fait de donner un
prix européen à un auteur canadien. Enfin, les deux articles
d'Idalou Larsen146 présentent également les
lauréats de façon engagée. Elle y développe sa
verve critique à propos de l'organisation du « prix européen
du théâtre » (et sa non attribution à Peter Zadek,
parce qu'il n'était pas présent). Elle se pose des questions sur
ce qu'il advient de l'argent qui devait lui être remis, ce qui a
entraîné des débats au sein de la CTE147.
En tant qu'événement européen, reconnu
par les institutions européennes, les réactions sont « assez
nombreuses » et européennes. Il faut préciser que lors de
cette
142 N.D. : « Le théâtre en Europe »,
La Tribune-Le Progrès, Le Journal de Saint-Etienne, samedi 16
décembre 2006.
143 N.D. : « Créer un observatoire du
théâtre européen », La Tribune-Le Progrès,
Le Journal de Saint-Etienne, samedi 21 décembre 2006.
144 MAKOVSKAYA, Anna : « Belarus Free Theater becomes a
member of European Theatrical Convention (ETC) and is nominated for Europe
Award - the most prestigious European theatrical prize »,
http://dramaturg.org/?lang=en&menu=expand
article&article id=8886876472 , 5 mai 2007.
145 QUIROT, Odile, « Et l'Europe ? Un prix pour le
québécois Robert Lepage »,
http://odilequirot.blogs.nouvelobs.com/ , 2 mai 2007.
146 LARSEN, IdaLou : « Inge pris til Peter Zadek »,
http://idalou.orgdot.no/pub/idalou/2007
5 3 16.0.3.shtml?cat=artikle , 4 mai 2007.
147 ID: « En Utfordring til norske ETC-medlemmer »,
http://idalou.orgdot.no/pub/idalou/2007
5 10 10.59.39.shtml?cat=artikler, 10 mai 2007.
rencontre, de nombreuses personnalités du monde du
théâtre sont présentes : Robert Lepage, Alvis Hermanis,
Georges Banu, Thomas Ostermeier, Roger Planshon, Anatoly Vasiliev, Michael
Billington, Alvis Hermanis, Manfred Beilharz, Bilj ana Srbljanovich, Ian
Herbert.... De plus, les deux réseaux de théâtres
partenaires du « Premio Europa » étaient
représentés par tous leurs membres car chacun organisait, les
jours précédents son assemblée générale.
Certains journalistes, comme Odile Quirot, évoquent aussi les possibles
collaborations entre l'UTE et la CTE. Les autres articles font également
mention des réunions de ces associations.
3.2.2. Les répercussions dans la presse de
l'adhésion d'un théâtre à la CTE
Le 27 avril 2007, huit nouveaux membres ont
adhéré à la CTE. C'était l'occasion
rêvée d'observer les retombées de cette information dans
les médias. Nous avons donc envoyé un e-mail aux
intéressés, leur demandant s'ils avaient annoncé
publiquement, à travers les médias, leur adhésion au
réseau de la CTE. Cependant, comme certains restaient injoignables ou
indisponibles et que d'autres (qui n'avaient pas encore payé leur
cotisation), considéraient que le moment n'était pas encore venu
d'annoncer le fait, nous avons décidé d'élargir notre
enquête à tous les membres actuels, disposés à nous
répondre. Au total, dix réponses nous parviennent : de la
Comédie de Genève (Suisse- 2007), du Free Theater of Minsk
(Minsk, Biélorussie- 2007), du Staatsschauspiel Dresden (Dresden,
Allemagne- 2007), du Teatr Nowy im. Tadeusza £omnickiego w Poznaniu
(Poznan, Pologne- 2007), Theater Mladinsko de Ljibjana (Slovénie- 2007),
THOC- Cyprus Theatre Organisation (Theatrikos Organismos Kyprou)
(Nicosia,Chypre- 2005), de la Comédie de Valence (France- 1999), du
Théâtre des Osses - Centre dramatique fribourgeois ( Givisiez,
Suisse- 2005), Helsingin Kaupunginteatteri (Helsinki, Finlande- 1995), du
Théâtre national de la Communauté Wallonie-Bruxelles
(Belgique- 1988).
Parmi ces dix réponses, quatre théâtres
n'ont donné aucune visibilité médiatique à leur
adhésion. Henna Piirto, assistante administrative du
théâtre d'Helsinki, explique que la participation de celui-ci avec
la CTE n'est pas présentée dans les médias, mais seulement
mentionnée sur le site Internet du théâtre avec un lien
vers celui de la CTE. D'après Henna Piirto, seules quelques personnes
connaissent la CTE en Finlande, et généralement pas le public
amateur. A la Comédie de Valence, un responsable nous explique par
téléphone que
l'information a uniquement circulé de bouche à
oreille. Ursula Cetinski, responsable du théâtre Mladinsko,
reconnaît également ne pas avoir diffusé l'information dans
la presse. Et à la Comédie de Genève, Stéphanie
Chassot, responsable de la communication et de la diffusion, nous confie que le
fait a été mentionné lors de la conférence de
presse du lancement de la nouvelle saison 2007-2008, le 9 mai 2007, mais il n'y
a pas eu d'articles de presse..
Dans les six autres pays, l'information a relativement bien
circulé. Cependant, pour les deux premiers, nous n'avons pu lire
personnellement les articles pour des raisons linguistiques. Nous nous en
sommes remise à la bonne volonté de nos interlocuteurs.
En Pologne, Magdalena Biernacka, responsable des relations
publiques au théâtre Nowi de Poznan, commente que son
équipe a tout fait pour que l'information soit visible. Elle
déplore le désintéressement des médias polonais
pour la « haute culture ». La diffusion de l'information est bonne :
Le directeur du théâtre, Janusz Wi~niewski évoque
l'adhésion à la CTE dès qu'il en a l'occasion. Un bulletin
(contenant des informations sur les conditions d'adhésion, des extraits
du discours prononcé par Janusz Wi~niewski à cette occasion, les
activités de la CTE et son site Internet), a immédiatement
été envoyé à tous les médias et journalistes
de théâtre. L'information est apparue sur des sites Internet
importants (quatre services de théâtre sur Internet et onze
services d'information Internet) et dans les médias locaux (trois
presses écrites et quatre radios) dont le grand quotidien local Glos
Wielkopolski qui suivra certainement l'avancement de cette collaboration
européenne ; mais également, et c'est très important, dans
le plus grand quotidien national. Bien que le journaliste n'ait demandé
aucun détail supplémentaire, ni interrogé Janusz
Wi~niewski, l'information a été diffusée reprenant le
contenu du bulletin. Aucune conférence de presse n'a été
organisée, mais ce sera fait avant le premier événement
organisé avec la CTE.
A Chypre, une communication de presse a été
envoyée aux médias lors de l'adhésion du
théâtre. Un rapport d'activités est diffusé à
la presse régulièrement. D'après Marina Maleni, les
informations sur la Convention Théâtrale Européenne sont
visibles dans la presse écrite.
A Minsk, la situation du Free Theater est différente
car aucun média libre n'existe en Biélorussie, excepté
Internet. Nous avons relevé deux articles, en anglais, l'un
évoquant le prix du théâtre européen, et l'autre,
l'adhésion du théâtre au réseau de la CTE paru sur
le principal site Internet public et politique :
www.belapan.by que nous n'avons
malheureusement pas pu nous procurer.
En Allemagne, Wim Heinrich, chargé des relations avec
la presse au théâtre de Dresde, explique qu'un communiqué
de presse a été diffusé et repris dans le journal
régional. Le porte-parole du théâtre de Dresde n'est pas
très optimiste sur les répercussions de l'adhésion
à la CTE dans la presse ou dans d'autres médias. Il nous explique
que pour les médias régionaux, ce thème ne semble pas
être très porteur. Pourtant un deuxième article est paru.
Ces deux articles évoquent le nombre de théâtres membres du
réseau et, en quelques mots, précisent certains buts et projets
de la CTE. Ils insistent principalement sur l'ouverture à l'Europe, la
volonté de la CTE de construire une Europe des peuples. Le programme
d'échange de public est également évoqué dans
l'article de Dresdner Neueste Nachrichten148 du 25 juin
2007. Il reprend, outre cette information, l'article du 11 juin 2007
publié dans Mopo149. Les deux articles s'inspirent
du communiqué de presse.
En Suisse, pour le théâtre des Osses,
Gisèle Salin mentionne qu'un communiqué de presse a
été émis et que les médias ont réagi
positivement. La directrice du théâtre a été
interviewée à trois reprises à la radio, à propos
de l'adhésion du théâtre à la CTE (Radio Fribourg,
Radio Suisse Romande la première, RSR Espace 2), et deux articles ont
été publiés dans la presse quotidienne : La Tribune de
Genève150 et La Liberté151.
Nous pouvons émettre le même constat que pour Dresde. Les articles
se contentent de reprendre le communiqué de presse, mot pour mot.
Le Théâtre national de la Communauté
Wallonie-Bruxelles est un des membres fondateurs de la CTE.
L'article le plus ancien que nous avons pu nous procurer sur
la naissance de la CTE paraît le 8 juin 1989 dans la Libre
Belgique. Rédigé par Jacques Hermans, il commence par
l'annonce des préoccupations européennes quant aux arts de la
scène de deux théâtres belges : le Koninklijke Nederlandse
Schouwburg (KVS) et le Théâtre national de Belgique (TNB).
Ensuite, selon des informations rendues publiques par Ivonne Lex, directrice du
KNS à cette époque, le journaliste explique que
l'idée (de la CTE) est née d'une collaboration entre
le KNS et la Comédie de Saint -Etienne. Il ajoute que plusieurs
échanges, improvisés pour la plupart, ont donné lieu,
ultérieurement, à des rencontres fréquentes à
Anvers et ailleurs. D'autres théâtres européens leur ont
immédiatement
148 S.n. : « Staatsschauspiel in der Theater Convention
», Dresdner Neueste Nachrichten, 25 juin 2007.
149 S.n. : « Staatsschauspiel in ETC aufgenommen »,
Mopo, 11 juin 2007.
150 Lch : « Convention Le théâtre des Osses
signe la CTE », Tribune de Genève, 28 novembre 2005.
151 MICHEL, Florence « Les Osses entrent dans la Convention
européenne », La Liberté, 29 novembre 2005.
emboîté le pas : une structure
légère s'est ainsi créée au fil des contacts,
débouchant sur la Convention qui s'est fixé une dizaine
d'objectifs152.
Pour le lecteur, il ne fait aucun doute que le KNS est
véritablement à la base de ce projet ambitieux dont on ignore la
date de naissance exacte ainsi que le nom des signataires de la Convention.
Le même journal publie quelques mois plus tard, le 9
septembre 1989, un article de Serge Vanmaercke intitulé : « douze
théâtres annoncent à La Haye un festival européen
». L'auteur nous y précise que la CTE est créée
officiellement par douze théâtres et compagnies de dix pays en
mars dernier à Luxembourg153 (...). Le journaliste
interroge Jean-Claude Drouot et lui demande comment est née
l'idée de la CTE. Ce dernier répond que l'idée est venue
d'une collaboration entre lui-même et Daniel Benoin qui oeuvrait
également avec d'autres théâtres européens comme par
exemple le Schiller Theater de Berlin. Il déclare : nous avons eu
envie de continuer à coopérer et à coproduire (...)
l'idée est née ainsi d'une bonne pratique et de la bonne
collaboration qui ont précédé la décision de
créer la Convention154.
A la lecture de ces deux articles, on ne peut s'empêcher
de penser que les directeurs du TNB et du KNS tentent de s'attribuer chacun
tout le mérite de l'action! Mais où est la
vérité?
Il est évident que la décision de créer
une association européenne comme la CTE (dont nous avons
déjà évoqué les objectifs) ne se fait pas du jour
au lendemain. Cette idée s'est profilée petit à petit dans
le chef de Daniel Benoin, véritable fondateur de la CTE, depuis
longtemps, friand des coproductions et des collaborations à
l'étranger.
Raymonde Temkine explique le cheminement de cette association
dans la revue de théâtre l'Actualité de la
scénographie155 (n° 44). En 1985, Daniel Benoin
directeur de la Compagnie de Saint-Etienne, créait « Ghetto »
de l'Israélien Sobol, en coproduction avec le Centre dramatique national
de Reims dirigé par Jean-Claude Drouot, interprète du rôle
principal. (...) Un an plus tard, J-C Drouot ayant été
nommé à la direction du Théâtre national de la
Communauté française de Belgique, une avancée
européenne s'amorçait, d'autant que D. Benoin avait noué
déjà des liens d'amitié et de travail avec Heribert
Sasse,
152 HERMANS, Jacques : « Des théâtres ouverts
sur l'Europe », La Libre Belgique, 8 juin 1989.
153 VANMAECKER, Serge : « Douze théâtres
annoncent à La Haye un festival européen », La Libre
Belgique, 12 septembre 1989.
154 Ibid.
155 Raymonde Temkine : « Carnet de voyage : Première
manifestation festivalière de la Convention Théâtrale
Européenne », Actualité de la scénographie,
Belgique, N°44, 1989.
directeur du Staatliche Schauspielbühnen de Berlin.
Ces trois institutions constituent le noyau de cette Convention
Théâtrale Européenne. Raymonde Temkine ajoute que ce
noyau fondateur est rejoint en 1987 par La Cooperativa Nuova Scena de Bologne
et le Koninklijke Nederlandse Schouwburg d'Anvers, et par les six autres lors
de la signature de la Convention en mars 1989 : le Théâtre des
Capucins de Luxembourg, el Teatro de Pasquisa à Lisbonne, le Centre
dramatique Generalitat de Catalunya à Barcelone, l'Abbey Theater de
Dublin, le Lyric Theater à Londres et le Koninklijke Schouwburg de La
Haye.
Nous pouvons donc constater que dans cet article, l'auteur
recense onze théâtres membres de la CTE et non douze. Nous
considérons la parole du président du réseau à
cette époque comme étant digne de foi et insistons sur le fait
qu'en se basant sur des interviews, les journalistes ont de grandes chances de
relayer un avis orienté. Excepté ces divergences, les
informations présentées dans les articles sont
équivalentes, reprises vraisemblablement d'un communiqué de
presse préalable.
Dans tous les cas, les quelques articles sont majoritairement
informatifs et fortement influencés par le contenu du communiqué
de presse. Aucune place n'est réservée à une
réflexion du journaliste sur ce que ce type d'association peut apporter,
sur l'existence d'une culture européenne tissée à partir
de diversités nationales ou régionales. Pas un mot non plus sur
le rôle que le théâtre peut jouer d'un point de vue social,
pédagogique, sur la circulation des spectacles et des praticiens en
Europe alors que le théâtre est généralement
considéré comme local... .Rien !
3.2.3. Répercussion, dans la presse, du festival
« Mejni fest » de Nova Gorica sur le thème des populations
déplacées
Les spectacles que nous analyserons sont organisés dans
le cadre du programme « Théâtre en Europe: miroir des
populations déplacées », subventionné par le
programme européen « Culture 2000 ». Nous avons demandé
à Patricia Canellis, si les projets soutenus par l'Union
européenne sont plus visibles que les actions traditionnelles de la CTE.
Il semblerait que non. Cela rejoint l'avis des praticiens qui déplorent
encore le caractère intimiste des actions culturelles
européennes. En effet, quand on réalise l'étroitesse de
l'espace médiatique réservé aux
réseaux subventionnés par l'Union européenne, on peut
regretter, avec Anne-Marie Autissier, le « caractère clandestin de
ces initiatives »156.
Martina Mharh du théâtre de Nova Gorica
considère que la couverture médiatique du festival a
été très bonne, exception faite de la
télévision nationale qui continue de le traiter comme un
théâtre provincial bien qu'il ait le statut de
théâtre national. Tous les médias slovènes ont bien
relayé l'événement : STA, l'agence de presse
slovène, DELO (le journal principal de Slovénie),
Radio Koper, Primorske novice (journal régional), TV
Primorka et TV Vitel (télévision régionale).
Nous n'avons malheureusement pas pu les comprendre et avons choisi de les
mettre de côté. En raison de la proximité de la Ville de
Nova Gorica avec sa soeur italienne Gorzia, l'événement fut
également bien diffusé en Italie, plutôt d'un point de vue
régional. À propos des autres journalistes européens,
seuls deux français, un grec et une journaliste espagnole étaient
présents. Nous sommes loin de la trentaine de journalistes
européens réputés, escomptée par les organisateurs
qui avaient pourtant diffusé l'information.
Les deux journalistes français évoquent
l'idéologie du festival, les subsides européens, le projet
porté par la CTE, le fait que le Festival « Mejni fest »
prenne place en Slovénie lors de son entrée dans l'Europe, dans
une ville coupée en deux (entre l'Italie et la Slovénie), Gorica.
Chantal Boiron, pour UBU, mentionne deux pièces dont celle
d'Armin Petras : Learning Europe, son principe original, les «
tensions » qu'elle a provoquées.... Gilles Costaz pour
l'Avant-Scène et Politis présente les
pièces Learning Europa et America, mais
également Gurs, une tragédie européenne qu'il n'a
pas vue, mais qui a ouvert le festival. Il insiste sur le fait que le texte est
écrit par Jorge Semprún. À propos de Learning
Europa, il évoque les mêmes éléments que
Chantal Boiron. Leur point de vue est critique, mais peu argumenté.
Notons qu'étant donné l'originalité du spectacle, il ne
peut être mis en relation avec aucun des travaux précédents
de l'auteur ou des metteurs en scène. Pourtant concernant une autre
pièce, America de l'auteur serbe Biljana Srbljanovic, Gilles
Constaz met en parallèle cette oeuvre avec ses créations
précédentes (Histoire de Famille, Supermarket).
Chantal Boiron évoque simplement cette mise en perspective en affirmant
« comme toujours, il y a beaucoup d'humour dans les pièces de
Biljana Srbljanovic ». Gilles Constaz relève un
élément important pour le poids symbolique de cet
événement
156 Anne- Marie Autissier : Op. Cit. p 21.
culturel européen : la présence de Romano Prodi
« venu fêter ce changement historique en compagnie des maires
des deux villes ». Dans la presse espagnole, un écho du
festival est présenté dans le supplément culturel de
El Mundo « El cultural ». Liz Perales y présente les
mêmes éléments contextuels que les deux journalistes
précédents. Cependant, elle ne mentionne dans son article que
Gurs, en encensant l'auteur Jorge Semprún et le thème
très important pour les Européens. Mais de critique, point ! Nous
pouvons considérer cet article comme une présentation du
spectacle proposé à Séville la semaine suivante.
3.3. Analyse des articles critiques de la presse
européenne pour Gurs, une tragédie européenne et Learning
Europa
Nous avons choisi deux pièces européennes
présentées lors du Festival de Nova Gorica. Il s'agit de
Gurs, une tragédie européenne et de Learning
Europa. Les points communs de ces deux spectacles sont peu nombreux, mais
il s'agit de coproductions créées dans le cadre du projet de la
CTE « Théâtre en Europe : miroir des populations
déplacées », subventionnées par le programme Culture
2000 de l'Union européenne. Elles ont été
présentées au festival « Mejni Fest » de Nova Gorica.
Tous les autres éléments sont dissemblables.
3.3.1. Présentation des coproductions
Ci-dessous, nous évoquerons brièvement les
pièces, en fonction des personnes qui ont contribués à la
création des spectacles et de la fable. Nous avons
préféré ne pas émettre d'avis personnel quant aux
pièces. Ces informations sont donc d'ordre « technique ».
Gurs se base sur un texte écrit par
Jorge Semprún qui jouit d'une certaine aura
intellectuelle et culturelle en Europe et particulièrement en Espagne,
en France et en Allemagne. Learning Europa se fonde sur un texte
d'Armin Petras, auteur et metteur en scène
réputé surtout en Allemagne. Ce texte tient davantage d'un
scénario, d'un canevas autour duquel les metteurs en scène et les
acteurs organisent la matière à présenter.
André Turnhein- Francfort, et
Adolfas Ve~erskis- Vilnius) des pays
participants. L'auteur a distribué le scénario aux metteurs en
scène, chacun devant préparer ses « devoirs », selon
les mots d'Armin Petras, dans son propre théâtre, avec deux
comédiens. Au moment de la représentation, le metteur en
scène du théâtre d'accueil dirige les acteurs des six
autres pays. Il est libre d'organiser comme il le veut la matière. Ainsi
donc, la représentation prend une coloration chaque fois
différente.
Pour Gurs, Daniel Benoin est le metteur
en scène, avec Paul Chariéras et
Cécile Mathieu comme assistants, tous issus du
Théâtre national de Nice.
Pour Gurs, les acteurs viennent de trois pays : trois
acteurs espagnols (Anne Rebolleda, José Manuel
Seda et Ignacio Andreù), une actrice
française (Sophie Duez) et deux acteurs luxembourgeois
(Germain Wagner et Patrick Hastert).
L'ensemble de l'équipe artistique a, traditionnellement,
répété ensemble durant deux mois au total (un mois
à Nice et un mois à Luxembourg).
Pour Learning Europe, on compte au total douze
acteurs : Valérie Bodson et Josiane
Peiffer (Luxembourg), Alexander Brill et
Seweryn Zelazny (Francfort), Monika
Hilmerovà et Marko Igonda (Bratislava),
Jurga Kalvaityte et Vytautas Rumsas (Vilnius)
et Jörg Kleenmann et Xenia Snagowski
(Hambourg). Les répétitions se sont déroulées
également de manière originale. Chaque metteur en scène a
travaillé chez lui avec ses acteurs durant six semaines pour
préparer les « devoirs », c'est-à-dire la composition
des rôles et des actions mais aussi les décors, les
vidéos... .Une fois les « devoirs » accomplis par les metteurs
en scène et les acteurs, ils se sont rassemblés durant deux
jours, au théâtre de Hambourg, afin d'organiser la première
représentation.
L'équipe technique de Learning Europa est
majoritairement originaire de Hambourg, théâtre porteur du projet
(vidéo et son : Tim Maier et directeur de production :
Christa Müller). Pour la scénographie,
l'équipe hambourgeoise (Juliane Koepp et
Patricia Talacko) est augmentée de Claus
Cäsar de Francfort et de Peter Pavlac de
Bratislava.
En revanche, pour Gurs, Daniel
Benoin signe la scénographie et le design. Les costumes sont
réalisés par un autre Français du Théâtre de
Nice, Jean-Pierre Laporte. L'assistante de direction,
Emmanuelle Duverger, est également niçoise.
La composition de l'équipe artistique de Gurs
se prête peut-être plus facilement au déplacement. Les deux
coproductions ont tourné dans les pays participants. Gurs a eu,
deux
ans plus tard, l'opportunité d'être jouée
à Paris et à Berlin. Pour des raisons techniques (principalement,
les acteurs), Learning Europa n'a pas eu cette chance.
Pour pallier les difficultés de compréhension
dues à l'utilisation de plusieurs langues, Gurs est
surtitré. Ce n'est pas le cas de Learning Europa pour lequel,
lors de la représentation dans leur théâtre, les acteurs du
théâtre d'accueil ne jouent pas, endossant un rôle de
médiateurs par rapport au public.
Concernant la barrière linguistique pour la
compréhension d'une oeuvre, nos lectures nous ont fourni un exemple
très intéressant présenté dans l'article «
The Audience of Popular Theatre in Africa »157. Ingrid
Björkman y a analysé un énorme succès
théâtral écrit en plusieurs langues : « No, Mother
Sing for me ». Elle explique que tous les membres des différentes
ethnies ont tout à fait bien compris la majorité de l'intrigue,
même si aucun d'entre eux n'a été capable d'en comprendre
la totalité. La barrière de la compréhension linguistique
est, dans ce cas précis, brisée par la connaissance populaire du
passé historique commun, l'insertion de chants et de danses. Ces
caractéristiques se retrouvent, dans les deux créations de la
CTE, bien que chacune accentue l'un ou l'autre aspect.
Gurs, évoque, « une troupe de
comédiens de plusieurs pays, en train de répéter une
pièce évoquant le camp de Gurs dans le sud de la France, entre
1939 et 1944. Dans ce camp sous administration française se sont
succédés Républicains espagnols et membres des Brigades
Internationales, puis de nombreux Juifs allemands et français, enfin des
résistants. La pièce joue sans arrêt sur une triple mise en
abîme où les comédiens d'aujourd'hui jouent des prisonniers
d'hier, qui, eux-mêmes interprètent des rôles dans une revue
qui doit être donnée le 14 juillet. Parmi Eux, Ernest Bush,
compagnon de Brecht avant et après la guerre, chanteur et
résistant, mène le spectacle.
C'est ainsi qu'est résumée la pièce dans
le fascicule réalisé par la CTE pour la présentation des
pièces du programme « Théâtre en Europe: miroir des
populations déplacées ». Pour Learning Europa, la
même source d'information ne nous parle pas de fable.
Armin Petras a rédigé un scénario
précis regroupant dix-neuf tâches. L'auteur nous parle des «
sujets : l'amour et la haine, être chez soi, être un
étranger. Que savez-vous de l'Europe ? Que savons-nous de
nous-mêmes, de notre pays, de nos racines ? De nos peurs ?
157 BJERKMAN, Ingrid: « The Audience of Popular Theatre
in Africa, Experiencing a Tribal Language Play by Means of Non-verbal
Communication » dans New Direction in Audience Research.
Instituut voor Theaterwetenschap, Editions de l' Instituut voor
Theaterwetenschap, Utrecht, 1988, pp 85 - 97.
De nos désirs ? Les tâches doivent être
transformées en théâtre, danse et vidéo. » A
chaque représentation, les scènes sont agencées d'une
manière différente.
Les thèmes sont très opposés aussi.
Gurs traite du passé commun à tous les peuples
européens ayant connu la Première Guerre mondiale et ses
horreurs. Par son caractère didactique, il constitue une
véritable leçon d'histoire. De manière moins
évidente et moins traditionnelle, Learning Europa entreprend de
partir à la découverte de ses voisins, en se basant sur des
activités, des comportements communs à tous les peuples. D'un
point de vue « pédagogique », la pièce nous permet
d'apprendre à les connaître. Nous pouvons affirmer sans crainte
que les émotions dégagées par les deux pièces se
situent à des niveaux distincts, sans aucun jugement
hiérarchique.
Il apparaît évident que ces créations
originales appartiennent à deux types de théâtre que nous
différencions en fonction de la théâtralité dont
nous avons évoqué les nombreux aspects
précédemment. En tant qu'oeuvre basée sur un texte, nous
dirons que dans Gurs, le travail théâtral est important
bien que le texte reste l'élément principal. Dans Learning
Europa, nous avons véritablement affaire à un spectacle de
recherche, d'expérimentation où la primauté va à la
mise en scène.
Nous avons demandé aux responsables des
théâtres ayant produit ou accueilli les coproductions que nous
avons choisies, de bien vouloir nous communiquer tous les articles de presse
publiés en regard de l'événement.
3.3.2. Démarche d'analyse.
Pour l'étude des articles de presse, nous avons
réalisé un tableau comparatif qui se trouve en annexe. Pour sa
constitution, nous nous sommes inspirée des catégories
proposées par Patrice Pavis dans un questionnaire pour l'analyse de la
mise en scène (rédigé pour des étudiants à
l'Institut d'Etudes théâtrales). On considère, en effet,
que nous sommes, à l'heure actuelle, dans une période
caractérisée par le règne de la mise en scène. Ces
catégories ont été remaniées et leur nombre
augmenté par deux étudiants, Pascale Palmers et
Jérémie Siska. Ils ont cherché à analyser des
articles de presse en Belgique avant nous. Nous y avons également
apporté quelques modifications, principalement dans l'ordre des
catégories, pour plus de facilité158. Pour les
conclusions de cette partie informative sur le spectacle, nous nous
référons bien sûr aux schémas de W. Sauter.
Il est important de rappeler encore que les réactions
que nous analysons sont fournies par les journalistes critiques. En
théorie, ils ont une large connaissance du théâtre, des
différents genres et types de représentations, comme une certaine
habitude d'exprimer leur avis et de le justifier (même s'il existe
très peu de formations spécialisées en journalisme
critique). Les catégories sont parfois précises et quelque peu
théoriques, mais nous avons la prétention de penser que les
journalistes critiques devraient pouvoir y répondre.
Nous avons tout d'abord compté le nombre de lignes pour
chaque article. Cette manière de procéder nous est apparue la
plus propice pour réaliser des pourcentages. Nous cherchons à
quantifier l'espace consacré aux diverses informations, bien que dans
les articles, les lignes ne soient pas de la même largeur, ni
rédigées avec les même caractères (taille et
police). Nous attirons l'attention du lecteur sur la composition des tableaux :
nous avons souvent été confrontée au
phénomène de double comptage : certaines phrases se
référant à plusieurs catégories. De plus, pour des
facilités de calcul, nous avons considéré que chaque
mention des éléments comme le nom de l'auteur, des acteurs...
équivalait à une ligne, le nombre augmentant avec le
développement de l'élément. Pour toutes ces raisons, nous
insistons sur le fait que ces pourcentages sont à considérer
à titre indicatif enfin, nous devons préciser que nous n'avons
certainement pas eu en notre possession « tous » les articles parus
lors de représentations des coproductions. Nous avons cependant
estimé que
les soixante-six articles rassemblés étaient tout
de même relativement représentatifs pour notre étude.
Nous avons ensuite voulu distinguer les articles d'information
des articles critiques et nous nous sommes engagée sur la voie de
l'analyse du leur contenu. Nous avons considéré tous les types
d'information, concernant tant la production de l'oeuvre que la
présentation et la perception. Tous ces éléments sont
importants pour la réception. Pour plus de précisions dans les
résultats, quand un élément était
développé, nous avons vérifié le nombre de
lignes.
Les résultats de l'analyse nous permettront tout
d'abord de compter, parmi les articles de presse que les théâtres
nous ont procurés, le nombre d'articles qui se limitent à un
rôle d'information. Pour la suite du travail, nous n'avons gardé
que les articles dans lesquels l'auteur formule son point de vue, que ce soit
en peu de mots, quelques lignes ou de manière clairement
argumentée. Nous nous intéresserons principalement à cet
aspect, mais nous évoquerons également l'espace
réservé, dans ces articles, aux autres informations.
Bien que les deux pièces que nous avons choisies soient
très différentes, nous avons préféré les
analyser en parallèle afin de pouvoir émettre les conclusions les
plus pertinentes possibles. En effet, alors que Gurs est une
pièce plus ou moins traditionnelle basée sur un texte,
Learning Europa est une forme expérimentale de
théâtre, fondée sur un scénario précis. Elle
ne présente pas d'intrigue suivie mais plutôt une suite de
tableaux dont tout l'intérêt réside dans la mise en
scène. Nous tenterons de voir si cette spécificité se
retrouve à travers les critiques.
3.3.3. Analyse du contenu de la presse écrite dans
ses articles concernant les manifestations théâtrales
Quand nous avons demandé aux responsables des
théâtres de nous faire parvenir les articles de presse, nous
pensions inconsciemment aux articles critiques. Pourtant aucun
théâtre ne nous a envoyé que des articles critiques. Il
semble que les responsables de presse dans les théâtres aient
retenu chaque article paru, quel qu'il soit.
L'article d'information a-t-il supplanté l'article
critique ? C'est ce que pense François Roche qui se demandait, dans le
cadre des rencontres du Grand Jardin, s'il y avait
« encore une place, aujourd'hui, dans la presse
écrite, pour un commentaire critique sur la création artistique ?
»159
Parmi tous ceux qui nous ont été transmis, dans
leur majorité, les articles développent un point de vue critique.
Mais il est évident que nous ne disposons pas de
l'intégralité de tous ceux parus pour Gurs et
Learning Europa dans les sept villes de représentation.
Cependant, pour Gurs, sur quarante-sept articles publiés dans
les journaux à Séville, Nice, Luxembourg, Paris et Berlin,
vingt-quatre proposent un point de vue critique sur le spectacle, si minime
soit-il. Et pour Learning Europa à Hambourg et à
Francfort, sur dix-neuf articles, seuls cinq sont uniquement informatifs.
Comme, nous l'avons déjà expliqué
ci-dessus, pour la suite nous relèverons les critères repris dans
nos analyses en tableaux (selon Patrice Pavis) et nous terminerons par
l'application du schéma de W. Sauter.
3.3.3.1. Informations concernant le « contexte
culturel », la « théâtralité en contexte »
et la « culture du jeu »
D'une manière plus générale, nous
présentons ci-dessous quelques graphiques rendant compte de la place
réservée dans le contenu des articles, à l'information sur
les conditions de production de l'oeuvre. Ils se rapportent à ce que W.
Sauter nomme « le contexte culture ». Nous y montrons aussi l'espace
réservé à l'auteur, au metteur en scène et aux
acteurs, donc à « la théâtralité en contexte
». Nous prenons la mesure de l'information sur le texte (thème,
langue, forme) et sur la fable (contexte, personnages, résumé),
partie intégrante de notre histoire commune, relevant de nos habitudes
en matière de jeu. Tous deux s'intègrent donc dans « la
culture du jeu ».
Pour commencer, fort heureusement, pour Gurs et
Learning Europa, le titre du spectacle et le lieu de
représentation sont formulés dans 100% des cas160.
Dans ces articles d'opinion, il est très important, de
l'avis général, que le journaliste critique signe son texte. Si
c'est le cas, pour Gurs, à Séville, Nice et Berlin,
seuls 75% des
159 ROCHE, François dans Culture Europe : Revue de
presse internationale des professionnels de l'art et de la médiation
culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la presse
européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, page 1.
160 Dans le tableau, pour l'article du Pac Hebdo
à Paris, le nom de l'auteur n'est pas pris en compte dans les calculs
car cette information ne se trouve pas dans l'article critique mais bien dans
l'interview le précédant (dans le même journal). Nous
pouvons établir la même remarque pour le lieu qui n'est pas
mentionné dans l'article du Luxemburger Wort du 17
décembre 2004, mais cet élément est renseigné dans
l'information publiée le jour précédent.
articles sont signés à Luxembourg et 43%
à Paris. Pour Learning Europa, à Hambourg, seul un avis
n'est pas signé, 57% portent la signature du journaliste et 29%
uniquement ses initiales. A Strasbourg, 75% des articles sont signés et
25% présentés par des initiales. À Wiesbaden, l'article
est signé mais pas à Luxembourg.
La question du titre de l'article nous a paru également
digne d'intérêt. En effet, le journaliste annonce souvent son avis
dans le titre. Pour Gurs, à Berlin, dans 100% des cas, les
titres sont originaux. À notre avis, les journalistes sont souvent
ouverts à la discussion sur un point particulier, sans oser
émettre un véritable jugement de valeur. En revanche, à
Luxembourg, 50% des articles proposent un titre original. Ils y annoncent un
avis, dans ce cas négatif. A Paris comme à Nice, dans la
majorité des articles, le titre de la pièce est
intégré systématiquement : Gurs ou
tragédie européenne, voire les deux, parfois suivi d'un
sous-titre annonçant le thème. Seul l'article Internet
Avoir-alire évoque un avis, négatif encore, dans son
titre. A Séville, trois articles sur quatre affichent un titre original
annonçant le thème ou un avis positif, négatif ou
nuancé.
Pour Learning Europa, 86% des articles de Hambourg
présentent un titre original qui se rapporte à un avis, favorable
ou non ; à un thème de réflexion sur la pièce
(« Les cris insupportables du voisin », « Dérangement
fort » « Le coeur du continent » « Ensemble » ; et un
sous-titre : « un agrandissement de l'est artistique ») , 100% des
titres à Francfort reprennent véritablement des
éléments marquants, des impressions générales sur
le spectacle (« La blague, la satire, sans signification plus haute »
, « Un petit pays de dormeurs heureux », « Une Europe sauvage
», « Nous construisons une cabane », « Un désordre
organisé »). L'article luxembourgeois se nomme, modestement «
Learning Europa ».
(1) Informations concernant la production de
l'oeuvre
Dans cette catégorie, nous verrons quels sont les
éléments concernant la production qui sont diffusés dans
la presse : les subventions accordées par Culture 2000, au programme
« Réfugiés », sur le thème «
Théâtre en Europe: miroir des populations déplacées
», organisé par le réseau de la CTE. Ces pièces (sur
commande) sont réalisées en coproduction avec plusieurs
théâtres membres de la CTE, ce qui permet de mettre en commun des
moyens financiers et artistiques. Les deux pièces ont été
jouées lors du septième Festival de la CTE à Nova Gorica
et sont ensuite parties en tournée dans les théâtres
producteurs, parfois invitées par d'autres.
+ Gurs, une tragédie
européenne
Il convient de rappeler que Gurs a été
jouée deux ans après sa création, à Paris et
Berlin. Il semble, en effet, que les informations concernant la production de
l'oeuvre se soient diluées au cours du temps. A Berlin, aucun article
critique ne mentionne les trois théâtres coproducteurs, omettant
même de préciser qu'il s'agit d'une coproduction, en passant sous
silence des actions de la CTE et de l'UE. A Paris, la situation n'est pas plus
glorieuse, puisque seul un article mentionne la CTE et le programme particulier
: « Théâtre en Europe: miroir des populations
déplacées », et deux (sur sept) précisent que le
texte de Jorge Semprún est une oeuvre de commande. Dans les trois autres
pays, la situation est plus homogène, bien que les informations les plus
complètes se trouvent à Séville, première ville de
représentation après Nova Gorica et seule ville où ce
festival est mentionné dans 25% des cas161. Séville
est aussi la seule qui précise que ce projet est en lien avec les
activités de l'Union européenne (dans 50% des articles). Nous
remarquons que le rôle de la CTE dans la production de cette
pièce, à travers un programme particulier, est mentionné
uniquement dans les pays membres du réseau (à Paris, un article
sur sept l'évoque). Il est également opportun de signaler
qu'à Séville, 50% des articles annoncent la tournée future
de la pièce dans les autres pays producteurs. Cette information est
réduite de moitié à Nice et atteint 0% à
Luxembourg.
Le tableau ci-dessous représente, en moyenne pour chaque
ville, l'espace occupé par ces informations dans les articles
critiques.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% 16% 18% 20%
0%
1,6%
Informations sur la production de
GURS
4,5%
3,0%
9,2%
+ Learning Europa
Cette pièce a été jouée uniquement
dans les six pays coproducteurs. Il est frappant de constater le fait que la
pièce est une coproduction entre six metteurs en scène de six
161 Aucune des autres villes ne le mentionne.
théâtres européens, chacun
accompagné de deux acteurs, est présenté dans 100% des cas
dans toutes les villes. Le nom des institutions théâtrales
participant au projet est uniquement mentionné à Luxembourg. Ces
théâtres font tous partie de la CTE. Pourtant ce réseau qui
a permis au spectacle d'exister n'est renseigné que dans 100% des cas
à Luxembourg, 71% à Hambourg et 25% à Francfort. Aucun
journaliste n'évoque le programme « Théâtre en Europe,
miroir des populations déplacées ». De plus, les subventions
accordées par l'Union européenne pour ce projet sont
signalées dans 14% des journaux à Hambourg et 25% à
Francfort, 0% à Luxembourg et Wiesbaden. Après la
représentation de Hambourg, la future tournée du spectacle, dans
les cinq autres villes, n'est annoncée que dans 29% des articles
à Hambourg, 50% à Francfort et 100% à Wiesbaden et
Luxembourg.
Dans le graphique ci-dessous, il apparaît clairement que
les journalistes luxembourgeois sont ceux qui réservent le plus d'espace
aux informations sur la production.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0% 10% 20% 30% 40% 50%
Informations sur la production de LEARNIG
EUROPA
10%
15%
46%
(2) L'auteur, le metteur en scène et les
acteurs
Dans cette section, nous regroupons les informations concernant
les personnes ayant participé à la création de la
pièce : les données biographiques, bibliographiques,
scénographiques, rôles précédents, leurs
réputations, leurs styles particuliers.
+ Gurs, une tragédie européenne
o Le nom de l'auteur
Jorge Semprún est inscrit partout. L'écrivain a,
en outre, l'honneur de voir apparaître quelques renseignements sur sa
biographie, ses oeuvres et sa réputation162. Comme nous le
visualisons dans le graphique, ceux-ci occupent en moyenne 15% de l'espace
à Séville dont il est originaire. Vient ensuite Paris, son lieu
de résidence actuel.
162 Sauf dans la presse parisienne.
C'est à Luxembourg que l'auteur semble le moins
populaire. A Nice, cette information est assez bien représentée.
Il faut ajouter que dans cette ville, deux articles sont
précédés d'une interview entièrement
consacrée à l'auteur163. A Berlin, l'auteur est
cité. On ne développe pas vraiment sa biographie mais les
journalistes insistent sur sa réputation européenne, ses
capacités à se mesurer au maître, Bertolt Brecht.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 5% 10% 15% 20%
Informations sur l'auteur: JORGE SEMPRUN
5%
7%
9%
10%
15%
+ Learning Europa
Armin Petras est à la base du scénario original
de Learning Europa. Son nom est présent dans tous les articles,
sans exception. En tant que metteur en scène, il est affilié au
théâtre de Hambourg, mais il est également auteur
dramatique, sous le pseudonyme de Fritz Kate. La presse locale (de Hambourg)
mentionne des éléments bibliographiques dans 14% des cas. 29% des
journalistes évoquent la réputation de cet homme de
théâtre. Aucune information de ce type n'est
développée dans les autres villes, les journalistes se contentant
de citer le nom du responsable du projet.
Luxembourg
4%
Francfort
1,3%
Hambourg
4%
0% 2% 4% 6% 8%
Informations sur l'auteur: ARMIN PET RAS
163 Le Pac Hebdo et Art jonction sont
précédés d'une interview.
o Le metteur en scène
+ Gurs, une tragédie
européenne
Daniel Benoin est uniquement mentionné à 100%
à Nice, sa ville d'origine, à 86% à Paris164,
67% à Berlin. Au Luxembourg, seul un article y fait allusion. A
Séville, le metteur en scène est cité dans les
informations générales, en début ou fin d'article. De
plus, aucun écrit ne fait mention de sa biographie, de sa
scénographie, sa réputation 165 ou de son
style166. La situation des assistants du metteur en scène,
est encore plus triste (75% à Séville, 25% à Nice -dont
ils sont originaires - mais seulement 14% à Paris et 0% à
Luxembourg comme à Berlin). Le plus souvent, ils sont cités dans
un cadre informatif reprenant tous les artistes ayant participé à
l'événement.
Le tableau ci-dessous nous permet de remarquer que, si le
metteur en scène et ses assistants sont plus populaires à Nice et
souvent mentionnés, c'est à Paris que les journalistes leur
accordent le plus d'espace. Notons également que deux articles
niçois éditent une photo du metteur en scène, l'un pour la
représentation de Nice, l'autre avant celle de Paris, où l'on
voit le metteur en scène en compagnie de l'auteur, Jorge Semprún.
La visibilité de l'artiste, dans les journaux français, est sans
doute à mettre en relation avec le fait que les critiques
s'intéressent principalement aux artistes locaux.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 1% 2% 3% 4% 5%
informations sur le metteur en scème: DANIEL
BENOUIN
1,2%
1,4%
1,6%
3,0%
4%
+ Learning Europa
La particularité du projet Learning Europa est
que le metteur en scène est différent dans chaque ville. Pour
Hambourg, il s'agit d'Annette Pullen. Son nom est cité seulement
164 Seul un article de l'Impact Medecin omet cette
information.
165 Seul un article du Pac Hebdo à Nice
évoque sa réputation en parlant du « vrai metteur en
scène ».
166 Mis à part un article du Lëtzebuerger
land qui parle de la « griffe du metteur en scène ».
dans 43% des articles critiques, mais ils ne
développent aucunement sa biographie, ni ses travaux
précédents. Seul un article informatif mentionne trois mises en
scène antérieures. A Francfort, le metteur en scène est
Turneim qui n'est évoqué que par un journaliste, sans aucun
détail supplémentaire. A Luxembourg, le critique épingle
le nom du metteur en scène, Beryl Koltz, mais sans plus, comme à
Francfort. Notons que dans Die Tageszeitung, une photo
présentant les six metteurs en scène accompagne l'article.
Le tableau ci-dessous se passe de commentaires. Signalons
toutefois, que de nombreux journalistes allemands connaissant Armin Petras et
son originalité se méprennent et annoncent ce dernier comme
metteur en scène de la pièce. Nous n'avons pas
comptabilisé cette information erronée.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0% 1% 2% 3% 4% 5%
Informations sur les metteurs en scène Annette
Pullen, André Turheim et Beryl Kolz
0,3%
0,6%
2%
o Les acteurs
+ Gurs, une tragédie
européenne
Parmi tous les articles critiques dont nous disposons, aucune
ville ne cite dans 100% des articles les six acteurs167 et quand ils
y sont, c'est souvent dans un cadre informatif situé en début ou
fin d'article. La Française Sophie Duez est nommée à Nice
et à Paris, alors que les Luxembourgeois parlent de leurs acteurs,
Germain Wagner et Patrick Hastert. Les Espagnols n'épinglent, parmi
leurs trois acteurs enrôlés dans le projet, que Manuel Seda.
Notons cependant, que la réputation de Sophie Duez semble un petit peu
plus européenne puisqu'elle est également mentionnée
à Séville et à Luxembourg. Nous n'avons rencontré
aucun article présentant brièvement la carrière d'un ou
des comédiens. Seuls deux articles sur vingt-deux annoncent la
distribution dans la pièce.
167 Les acteurs sont tous cité dans 75% des cas à
Séville, 50% à Nice, 25% à Luxembourg, 14% à Paris
et 0% à Luxembourg et à Berlin, souvent dans le cadre
informatif.
Le tableau ci-dessous permet de se rendre compte du faible
espace consacré uniquement à la mention du nom des acteurs. Et de
nouveau, les autochtones sont cités dans quelques journaux
régionaux.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 1% 2% 3% 4% 5% 6%
Informations sur les acteurs dans
GURS
0,6%
1,9%
2,0%
2,8%
5,3%
+ Learning Europa
A Francfort et Luxembourg, tous les articles évoquent
les comédiens. Ils sont douze et tous issus, par couple, des
théâtres participant au projet. En revanche, cette information
n'est visible que dans 57% des articles hambourgeois. Le nom des acteurs est
encore moins visible que pour Gurs : quelques noms (entre deux et
cinq) apparaissent dans 29% des articles de Hambourg, 50% à Francfort et
100% à Luxembourg. Notons que le nom des acteurs locaux est souvent
mentionné dans les articles de la même ville, d'autant que le
projet leur accorde un rôle de médiateurs entre la scène
multilingue et la salle. L'identité des autres acteurs est écrite
en légende des photos, (et il s'agit, le plus souvent, d'acteurs «
étrangers »)168 ou s'ils ont particulièrement
séduit le journaliste. Comme pour Gurs, aucun article ne fait
référence à la carrière des acteurs, à leurs
formations....
Dans le tableau ci-dessous, nous constatons que c'est au
Luxembourg que l'information sur les acteurs est la plus précise. Nous
devons nuancer cette observation car tous les acteurs sont cités dans le
texte, avec entre parenthèses le théâtre auquel ils sont
affiliés. Cette description succincte occupe, en effet, une place
importante dans l'article.
168 Notons que dans deux journaux de Francfort, la
légende qui accompagne la photo des acteurs ne donne pas leur nom, mais
seulement leur nationalité : Frankfurter Rundschau Kultur
RheinMain et Frankfurter Neue Presse Kultur.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
Infomations sur les acteurs dans LEARNING
EUROPA
0% 2% 4% 6% 8% 10%
2,3%
3%
6%
(3) Le texte dramatique
Nous chercherons si les principales caractéristiques se
retrouvent dans les articles. A savoir, s'il y a plusieurs langues, un
thème spécifique, un genre particulier, la forme de texte.
+ Gurs, une tragédie
européenne
Quant au texte dramatique, le thème
est développé partout, seul l'article du « Berliner Zeitung
» fait l'impasse. Que le texte soit en plusieurs langues est
également bien représenté (100% à Séville,
75% à Nice, 71% à Paris, 50% à Luxembourg), sauf en
Allemagne où cette spécificité n'est reprise que dans le
Tagesspiegel.
Les commentaires sur la forme dramatique que Semprún a
donnée à son texte sont assez confus. A Séville, les
journalistes critiques qualifient l'oeuvre de pédagogique, de
pièce à thèse. Les Français évoquent son
didactisme. Seul l'article du Pac Hebdo développe largement le
genre du Lehrstück, forme officielle du texte. Au Luxembourg, cette
particularité n'est pas évoquée. A Berlin, la pièce
a été donnée dans le cadre de la Fête de Brecht
à qui Semprún emprunte la forme de son texte, et ce fait est
évoqué dans 67% des cas. Il nous semble évident que cette
forme est mieux connue en Allemagne qu'ailleurs, mais cela ne
mérite-t-il pas justement une information plus importante ? Les
journalistes ne semblent pas de cet avis. La mention du genre de la
pièce est assez imprécise. En effet, certains journalistes
semblent confondre le sous-titre de la pièce « tragédie
européenne » avec le genre de la tragédie. Cependant,
d'autres considèrent que Gurs est une tragédie par
rapport au sujet sombre qu'elle évoque.
Nous devons spécifier que le graphique ci-dessous rend
compte des trois catégories précédentes globalement.
Nous pouvons affirmer qu'en Allemagne, où cette section est
majoritairement représentée, c'est l'information
sur la forme dramatique brechtienne qui est la plus
développée.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 5% 10% 15% 20% 25%
Informations sur le texte de JORGE SEMPRUN
2%
8,1 %
14%
14%
21%
+ Learning Europa
Comme pour Gurs, le thème est
l'élément le plus souvent invoqué dans les commentaires :
100% à Hambourg, à Wiesbaden et Luxembourg, et 50% à
Francfort. Contrairement à Gurs, la particularité d'un
spectacle en plusieurs langues est très peu mise en évidence dans
la presse critique : seulement deux journalistes, l'un de Hambourg et l'autre
de Luxembourg signalent que les langues utilisées sont celles des
acteurs issus de six pays européens. De plus, celles-ci sont
plutôt inhabituelles puisqu'il s'agit du slovène, slovaque,
lituanien, et bien sûr, de l'allemand. La pièce est jouée
sans surtitrage. Les Allemands seraient-ils plus ouverts à ce genre de
pratique, au point qu'en faire la remarque ne les effleure même pas?
C'est à approfondir.
Par contre, la mention d'une forme dramatique
particulière est beaucoup plus présente que dans les articles
consacrés à Gurs. N'oublions pas que Learning Europa
est une approche expérimentale et chacun, quelle que soit sa
culture, peut s' en rendre compte. En effet, on apprend que la pièce est
constituée de dix-neuf tâches pour lesquelles Armin Petras a
prescrit le matériel multidisciplinaire à utiliser : danse,
vidéo, jeu de théâtre, chant. Toutes les scènes sont
minutées. Dans chaque ville, les acteurs du théâtre
hôte endossent un rôle de médiateur. Cette information est
relayée dans 100% des cas à Luxembourg et Wiesbaden, 75% à
Francfort et 86% à Hambourg. Le genre du texte est également
assez bien précisé. De l'avis des journalistes, il s'agit d'une
pièce expérimentale, une non pièce, un jeu
international... Cette information est diffusée par le journaliste de
Wiesbaden, par 50% des journalistes de Francfort et par 43% de ceux de
Hambourg.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0% 5% 10% 15% 20%
Informations sur le texte de ARMIN PETRAS
7%
9%
13%
(4) La fable
Pour ce qui concerne la fable, nous retiendrons la mise en
contexte, la présence d'un résumé général,
la présentation des personnages... .Cependant, pour Learing Europa,
seul existe le résumé de l'oeuvre.
+ Gurs, une tragédie
européenne
Concernant la fable, le contexte général est
donné partout, dans 100% des articles, seul celui du Berliner
Zeitung fait l'impasse, intégrant cet élément dans le
résumé de l'histoire. Les journalistes allemands
développent très largement et précisément
l'intrigue. Au contraire, à Séville, les articles évoquent
tous le contexte historique, de manière plus ou moins précise
mais ne donnent aucune explication relative à l'intrigue. Entre le 0%
espagnol et le 100% allemand, Nice et Paris consacrent un espace variable au
développement de la fable (entre 1 et 23 lignes dans Pac
hebdo), soit 71% des articles parisiens et 75% des niçois. Les
Luxembourgeois évoquent la fable à 50%, occupant entre 6 et 14
lignes. La présentation des personnages fictifs est un peu plus
homogène : elle s'échelonne de 100% à Séville
à 43% à Paris. Nice et Luxembourg diffusent cette information
à 75% et Berlin à 67%.
En somme, comme le montre clairement le graphique ci-dessous,
l'espace consacré à la présentation de la fable est
important partout.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 10% 20% 30% 40% 50%
Informations sur la fable de GURS
11%
24%
32%
46%
42%
Luxembourg
Hambourg
Francfort
Informations sur la FABLE pour LEARNING
EUROPA
0% 20% 40% 60% 80% 100%
24%
62%
79%
+ Learning Europa
Nous ne pouvons pas aborder « la fable » de
Learning Europa de la même manière que celle de
Gurs étant donné sa forme dramatique. Il n'existe pas
véritablement d'histoire dans ce spectacle. Nous n'avons donc aucun
élément de contexte ou de présentation des personnages.
Cela est imputable à la forme de la pièce et non à une
omission du journaliste. Cependant, nous avons considéré la
description des nombreuses tâches composant le spectacle comme un certain
type de fable. Nous avons donc comptabilisé ces informations dans le
résumé de l'oeuvre. Cette dernière est d'ailleurs
représentée à 100% à Wiesbaden et Luxembourg, 75%
à Francfort et 71% à Hambourg et occupe une place de choix dans
les articles comme en témoigne le graphique.
(5) « Contexte culture », «
théâtralité en contexte » et « culture des jeux
»
50%
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Production des oeuvres
Tableau récapitulatif des informations
générales sur GURS
Auteur Metteur en scène Les acteurs Le texte La fable
Séville
Nice Luxembourg Paris
Berlin
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
La production des oeuvres
Tableau récapitulatif des informations
générales pour LEARNING EUROPA
Auteur Metteur en scène Les acteurs Le texte La fable
Hambourg Francfort Luxembourg
Dans les articles d'information mais aussi dans les critiques,
nous trouvons les mêmes éléments informatifs: fable, texte
dramatique, auteur, metteurs en scène, acteurs. Ils sont souvent issus
des communiqués de presse, d'interviews données par les
organisateurs, l'auteur, les comédiens ou des responsables politiques
soutenant l'événement. Nous retrouvons souvent, à peu de
choses près, les mêmes que sur les affiches et les papillons
publicitaires. Ces constatations poussent d'ailleurs Fabrice Larceneux à
dénoncer, en 2001,
« la participation directe de plus en plus fréquente
des critiques au système promotionnel des oeuvres
»169.
La « hiérarchie » des informations est
également la même dans les articles critiques et d'information :
en tête, l'auteur, la fable et le texte, à la fin, le metteur en
scène et les acteurs170. De plus, il est intéressant
de noter que, bien que notre démarche comme notre matériel soient
différents, Pascale Palmer et Jérémie Siska, arrivaient
aux mêmes conclusions171.
Notons que l'information dispensée par les articles
n'est pas toujours à considérer comme une valeur sûre. En
effet, nous avons rencontré au fil de nos analyses quelques erreurs.
Ainsi les Espagnols considèrent parfois Daniel Benoin comme le metteur
en scène affilié au théâtre de Luxembourg au lieu de
Nice. Mieux encore, ils ont rebaptisé le protagoniste historique de
Gurs, Hans Gunde au lieu d'Ernst Bush ! Pour Learning Europa,
comme nous l'avons déjà expliqué, la principale erreur des
journalistes est de considérer Armin Petras comme metteur en
scène alors qu'il n'est que le concepteur du projet et son
coordinateur.
Tous ces éléments, extérieurs à la
communication théâtrale, influencent la réception du
spectateur, la compréhension de l'intrigue, son jugement du spectacle.
Ils sont bien représentés. De plus, de nombreux articles leur
consacrent un petit cadre particulier reprenant ces informations et
également les points pratiques.
À Séville, notamment, trois articles sur cinq
offrent, avant le texte, l'équipe artistique et l'information pratique
élémentaire : le lieu de la représentation.
À Nice, la tendance est inversée : sur quatre
articles, trois ont recours au cadre informatif (que seul un journaliste ne
pratique pas172), avant le début du texte. Le dernier article
est quelque peu particulier. Publié dans un hebdomadaire (on line), il
apparaît après la fin des représentations niçoises
de Gurs et annonce la pièce à Luxembourg, en
précisant, et c'est le seul, le nom des acteurs. De plus, contrairement
aux autres articles, ces données sont indiquées en bas de
page.
169 DEBENEDETTI, Loc. Cit. p 3.
170 Les tableaux d'analyse concernant les articles d'information
se trouvent en annexe.
171 Nous joignons les résultats de leurs analyses en
annexe.
172 Le journaliste du Pac Hebdo.
À Luxembourg, la pratique des cadres informatifs n'est
pas courante. Seul le journaliste du Lëtzebuerger Land (1/4)
présente, en fin d'article, les membres de l'équipe artistique,
ainsi que le lieu de représentation. Et à Berlin, aucun
n'insère de cadre informatif.
A l'opposé, la pratique du cadre informatif est
pratiquement généralisée à Paris. Seul l'article
niçois consacré à la représentation parisienne fait
l'impasse. Plus étonnant encore, dans cette ville, seuls deux
journalistes y joignent des informations d'ordre « artistique ».
3.3.3.2. L'espace dédié à la critique
dans les articles de presse
+ Gurs, une tragédie
européenne
Sur vingt-deux des articles que nous avons classés
comme critiques, vingt et un sont précédés d'un article
d'information dans les éditions antérieures ou d'interviews
présentées dans le même numéro. Cela permet de
justifier le faible espace consacré à l'information dans les
articles critiques qui, nous l'espérons, augmenteront leur part
critique.
A Séville, El Mundo du 20 mai 2004 contient un
article d'information et celui de l'édition du 23 mai 2004 est critique.
De plus, ce journal consacrait déjà deux pages à
l'événement, lors de sa présentation au Festival de Nova
Gorica. De même, dans El País, l'article du 15 mai est
informatif, suivi le 20 mai 2004, d'un article très centré sur
les références à l'actualité, à l'histoire
et au rôle du théâtre. Finalement, l'édition du 22
mai 2004 d'El País contient un article véritablement
critique. Et le quotidien ABC n'échappe pas à cette
tendance. Il publie, le 20 mai 2004, un article d'information suivi, le 22 mai
2004, d'un article critique. Notons, en passant, qu'à Séville, la
pièce est bien visible dans les grands tirages nationaux. Nous observons
la même pratique à Luxembourg, dans le Lëtzebuerger
Land (12/04 et 24/12/04), le Luxemburger Wort (1/12/04 et
17/12/04), la Voix du Luxembourg (le 2/12/04, le 14/12/04 et le
18/12/04) et le Tageblatt (8/12/04 dans l'agenda « Kulturissimo
» et le 20/12/04). Dans ces deux pays, il nous paraît, pour le
corpus que nous possédons, que les informations générales
occupent peu d'espace car elles ont déjà été
annoncées précédemment.
Le journal Nice-Matin adopte également cette
technique qui semble peu utilisée en France. Il publie d'abord une
interview de Jorge Semprún (3/12/04) et puis deux articles sur
Gurs (1/12/04 et 9/12/04) et encore un article avant la
première parisienne (12/3/2006). Il
semble que Daniel Benoin et son projet soient vraiment
soutenus par ce journal. A Nice toujours, deux articles sont
précédés d'interviews de Jorge Semprún : le Pac
Hebdo et Art Jonction. Ici, l'article critique se permet de ne
pas répéter les informations ayant trait au contexte
général de production de l'oeuvre.
Pour les articles en notre possession sur Paris et Berlin, la
situation n'est pas comparable. Nous avons recueilli uniquement des articles
issus de journaux différents, aucun ne se suivant.
Nous pourrions penser que la place occupée par le point
de vue critique du journaliste est plus importante à Séville et
Luxembourg ou encore à Nice. C'est loin d'être le cas. L'espace
réservé au commentaire critique est de 16% à
Séville, 34% à Luxembourg et 20% à Nice. Mais la situation
est plus ou moins équivalente à Paris, où 28% des articles
sont consacrés à la critique. A Berlin, 20% de l'article sont
dédiés à la critique. Remarquons tout de même une
variante: l'espace où le journaliste justifie son point de vue. L'avis
est développé seulement à 14% à Paris et à
0% à Berlin. Dans les autres pays, l'espace consacré à la
justification oscille entre 25% à Séville et 75% à
Luxembourg. Nice, avec 50%, se situe à mi-chemin.
+ Learning Europa
L'alternance d'articles informatifs et critiques est
également pratiquée à Hambourg, avec le Hambourg
Abendblatt du 5 avril 2004, précédé d'une parution
informative le 1er avril 2004. En revanche, le Tageszeitung consacre,
dans trois éditions, un article à Learning Europa, que
nous avons considéré comme critique, chaque fois. Dans les autres
villes, ils sont tous issus de journaux différents.
Parmi ces derniers, nous notons que le pourcentage de points
de vue critiques est plus important que pour les autres. Pour le Hambourg
Abendblatt du 5 avril, la critique occupe 44% de l'espace, de même dans
les deux derniers articles du Die Tageszeitung, respectivement 41 et 51%, ce
qui est bien au-delà des 10% des autres articles publiés
individuellement pour Learning Europa.
Bien que de nombreux journalistes répètent les
informations « techniques », soit par souci pratique, soit par
méconnaissance de ce qui a précédé, cette
alternance d'articles informatifs et critiques est vérifiée pour
la moitié des articles. Il est vrai, par ailleurs, que
parfois, cette technique permet de gagner de la place pour de
véritables articles critiques. Malheureusement, un même spectacle
occupe durant deux à trois éditions un espace dont aurait pu
bénéficier un autre spectacle si l'article critique avait
été publié dès la première fois.
3.3.3.3. Répercussions sur le « jeu de
théâtre »
Dans cette section, figurent les éléments qui
composent le jeu de théâtre, c'est-à- dire : le texte
dramatique, la mise en scène et le système scénique, ainsi
que le jeu des acteurs et les réactions du spectateur. S'il nous
apparaît professionnellement logique de justifier un avis, les
statistiques que nous avons effectuées montrent que beaucoup de
journalistes omettent cette étape.
Après avoir décrit les composantes du jeu de
théâtre, en nous basant sur la teneur du commentaire du
journaliste, nous aborderons le second schéma, rendant compte de la
perception du spectateur, en tant que réactions à la
présentation des actions des comédiens. Rappelons que ce
schéma est basé, originellement sur les actions des acteurs. Lors
d'enquêtes antérieures, il est apparu à W. Sauter que les
comédiens étaient les principaux responsables de
l'appréciation d'un spectacle. Nous commencerons donc par évoquer
cet aspect. Nous avons tenté de voir si les commentaires relatifs au jeu
des acteurs, réactions du public ou interprétation du spectacle
suffisaient à évoquer la perception du spectacle
définissant la réception.
Ensuite, nous avons pensé qu'il était possible
de situer les éléments « système scénique
», « mise en scène » et « texte » sur un
même type de schéma, que nous avons imaginé ici, à
l'instar de W. Sauter.
Rappelons que le critique dramatique n'est pas un spectateur
comme les autres. Il est favorisé par ses connaissances et son habitude
des événements théâtraux. Il n'est pas au
théâtre pour son seul plaisir mais bien pour son travail qui
consiste à donner au lecteur son avis sur la pièce afin
d'aiguiller ces derniers dans leur choix.
o Communication théâtrale : les
comédiens.
Reprenons ce que W. Sauter considère comme premier
niveau de communication : la communication sensorielle qui naît de
l'exhibition de l'acteur et de la réaction des spectateurs quant
à son apparition : affection, attente, reconnaissance (cf. les
réactions des spectateurs).
Ensuite, le niveau de communication artistique qui consiste en
une appréciation des compétences artistiques que manifestent les
acteurs : plaisir et évaluation. (cf. le jeu des acteurs). Nous devons
insister sur le fait que si les participants (acteurs - spectateurs) ne
possèdent pas le même code, les même attentes dans la
réalisation du spectacle, la communication est brisée.
Enfin le troisième niveau de communication, symbolique,
ne peut exister sans les précédents et consiste en
l'interprétation de l'histoire ou l'identification aux personnages
fictifs. (cf. réflexion).
(1) Réactions du spectateur
Parfois, le rôle passif (la signification du spectacle
s'impose d'elle-même : Gurs) dans lequel est habituellement
cantonné le public est remis en cause quand des spectacles
requièrent sa participation pour la production de sens. C'est le cas de
Learning Europa et nous vérifierons si le critique y fait
allusion ou développe cet aspect. D'une manière plus
générale, nous chercherons dans nos articles des informations sur
les réactions du public (s' il rit, pleure, apprend, s'ennuie,
applaudit....).
+ Gurs, une tragédie
européenne
Concernant les conditions techniques du spectateur durant la
représentation, deux critiques, l'un espagnol, l'autre luxembourgeois,
se plaignent amèrement de la lecture « épuisante »,
« harassante », « pesante » des surtitres, empêchant
le spectateur de se concentrer sur la scène et de rentrer dans
l'émotion du spectacle.
Deux critiques luxembourgeois (75%) et deux français de
Nice (50%), et une espagnole (25%) rendent compte de ce que ressent le
spectateur durant le spectacle. Au Luxembourg, Josée Zeimes utilise le
« on » : « Une course aux idées, stimulante d'abord,
déroutante ensuite, que le spectateur écoute, au risque de s' y
perdre ; on ne se laisse pas
embarquer émotionnellement... »173. De
même, Stéphane Gillbart (qui rédige deux articles) a choisi
d'utiliser le « nous », ce qui inclut plus encore, les spectateurs
qui étaient autour de lui, le soir de la représentation : «
terrible accumulation- gavage- de faits qui nous empêche d'atteindre
à l'essentiel (....) et de nous faire l'historique et le relevé
chiffré de pareils transferts ! »174 et « le
pédagogisme de l'explication nous ennuie (...) le texte (...) nous
ensevelit sous une avalanche de faits, d'évocations et de
préoccupations (...) dont nous ne percevons que des bribes
»175. A Nice, Brigitte Chéry écrit
également : « Alors que nous rentrons progressivement dans le
sujet, un sentiment de honte du passé grandit »176.
Georges Bertoldini donne son avis personnel qui rend compte de son sentiment au
cours de la représentation : « l'émotion passe...
»177 et Josée Zeimes décrit : « dès
le début de la pièce, la pièce projette le public (...)
dans le vif de la situation.178 »
Enfin, Margot Molina reprend l'avis qu'elle a recueilli
auprès des autres spectateurs : elle explique que, lors de la
représentation à laquelle elle a assisté, le public
constitué de nombreux directeurs de théâtre et dramaturges
est d'accord pour dire que bien que belle à certains moments, cette
représentation n'est pas du théâtre179.
Parfois, quelques critiques communiquent aux spectateurs ce
qu'ils ont ressenti par rapport aux acteurs. Par exemple : « les acteurs
nous ont touchés, émus.... ». Mais les réactions
à la communication sensorielle ne se retrouvent pas dans les
articles.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% 9% 10%
0%
0%
Réactions des spectateurs dans
Gurs
3%
4%
9%
173 ZEIMES Josée : « Solidarité dans le
malheur », Lëtzebuerger Land, 24 décembre 2004.
174 GILBART, Stéphane : « Deux pages auraient suffi
», Luxemburger Wort, 17 décembre 2004.
175 Id : « Un rendez-vous manqué », La voix
du Luxembourg, 18 décembre 2004.
176 CHERY, Brigitte : « Les internés de Gurs »,
dans Art-Jonction, le journal culturel et d'art contemporain du Sud et
d'ailleurs, Bimestriel : janvier/février 2005, n°49.
177 BERTOLINO, Georges: « Théâtre national de
Nice: «Gurs», mémoire d'un camp », dans
Nice-Matin, Jeudi 9 décembre 2004.
178ZEIMES, Josée: « Solidarité dans
le malheur », Lëtzebuerger Land, 24 décembre 2004.
179 MOLINA, Margot: « Gurs », de Semprún,
decepciona en Sevilla », in El Pais, el sábado 22 de mayo de
2004.
+ Learning Europa
Les journalistes ne mentionnent aucun élément qui
pourrait parasiter la communication. La section concernant les conditions
techniques reste vide.
Les réactions des spectateurs ne sont pas largement
diffusées, mais elles sont tout de même présentes. 29% des
journalistes de Hambourg et 25% des journalistes de Francfort mentionnent
quelques éléments, ainsi que celui de Wiesbaden et de Luxembourg.
Par exemple, dans le Bild de Francfort, le journaliste explique,
à la fin de son article, « on applaudit fort, c'est que ça
va »180, ....
Comme la pièce était différente dans
chaque théâtre, nous voyons ici qu'à Francfort, les acteurs
ont tenté de faire participer le public en dansant et en chantant. 75%
des journalistes mentionnent cette particularité et précisent
qu'elle n'a pas véritablement plu aux spectateurs. C'est pourquoi nous
avons pensé que cette catégorie pouvait se joindre aux
précédentes pour occuper 6% du contenu des articles de
Francfort.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% 9% 10%
Réactions des spectateurs dans LEARNING
EUROPA
1,5%
2%
6%
(2) Le jeu des acteurs
Trouve-t-on dans les articles, des commentaires par rapport
à la voix, à la gestuelle, aux mimiques, aux compétences
artistiques ? Le critique donne-t-il une appréciation du jeu des acteurs
?
+ Gurs, une tragédie
européenne
Les informations concernant le jeu des acteurs occupe, au
maximum, 4% du contenu des articles à Luxembourg, 2% à Nice, 1.2%
à Paris et 0% à Séville et à Berlin. Rappelons
180 Ner.: « Premiere im Schauspiel: Ein Wildes Europa
», Bild, Frankfurt, 16 avril 2004
le faible taux de présentation du nom des acteurs dans
les informations générales, maximum 15% à Séville.
Il semble bien que la performance des acteurs ne soit pas le principal appui
des critiques dans la rédaction de leur avis. Nous devons nuancer cette
information car l'appréciation du jeu des acteurs revêt, comme
l'envisage W. Sauter, une caractère personnel. L'appréciation du
critique sur les acteurs est tout de même évoquée dans 75%
des cas au Luxembourg et dans 50% des cas à Nice (0% à
Séville et Berlin).
Commentaires sur le jeu des acteurs dans
GURS
0% 1 % 2% 3% 4% 5%
Berlin
Paris
Luxem bourg
Nice
Séville
0%
4%
1 ,2%
2%
0%
+ Learning Europa
Le commentaire sur la qualité des acteurs ou sur la
description du jeu de ceux-ci est encore plus insignifiant pour Learning
Europa puisque seuls 50% des journalistes de Francfort donnent quelques
éléments d'appréciation, ce qui représente 1.2% du
contenu des articles. Les autres journalistes n'épinglent pas le jeu des
acteurs.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
Commentaires sur le jeu des acteurs dans LEARNING
EUROPA
0% 1% 2% 3% 4% 5%
0%
0%
1%
Alors que les deux pièces emploient des acteurs de
plusieurs nationalités possédant une pratique du jeu
différente, bien qu' « européenne », aucun journaliste
ne fait allusion à cette originalité.
(3) Les références intra ou extra
théâtrales : interprétation et
réflexion
Comme nous l'avons précisé
précédemment, une critique dramatique devrait, idéalement,
donner des compléments d'information sur certains points afin d'assurer
une compréhension du spectacle ou ouvrir des voies de réflexion
et de discussion qui se rapportent à l'événement
théâtral. Ces références peuvent être en
rapport avec l'actualité, l'histoire, avec des représentations
antérieures d'un style analogue, du même auteur ou metteur en
scène, ou simplement sur un thème identique. Elles peuvent
être mises en relation avec d'autres arts (cinéma, musique,
littérature...). Les remarques peuvent toucher la politique du
théâtre, les choix opérés dans le répertoire
ou la programmation.... Enfin, nous pourrons trouver des
références et mises en perspective concernant le
théâtre en général. Dans le cas qui nous occupe,
nous espérons trouver dans les articles analysés quelques
réflexions concernant le théâtre européen,
l'identité commune, la politique de l'Union européenne.
Nous considérons que si le journaliste évoque
des références par rapport à l'actualité, à
l'histoire, à d'autres oeuvres ou propose une réflexion sur le
théâtre.... il donne des pistes pour l'interprétation de la
fable, pour un autre regard sur le monde. Cela se situe, sur le schéma
de Sauter, au niveau de la communication symbolique qui engendre chez le
spectateur interprétation et questionnement par rapport à
l'histoire et son contexte.
+ Gurs, une tragédie
européenne
C'est en connaissant l'Histoire que l'on peut comprendre le
présent. Cette conviction chère à nos professeurs
d'histoire justifie le fait que le sujet de Gurs entraîne des
réflexions tant sur l'Histoire que sur l'actualité. A
Séville, 50% des journalistes évoquent l'un ou l'autre
créneau ou les deux. A Nice, 75% font référence à
l'actualité et 100% à l'Histoire. Procurer au lecteur des
références historiques afin d'appréhender Gurs
semble couler de source. Ces éléments sont les seuls
présents dans les articles à Paris et Berlin.
Concernant la mise en perspective de l'oeuvre, aucun
journaliste ne dispense d'information à ce sujet, bien que d'autres
titres d'oeuvres de Semprún soient cités, comme d'autres
spectacles brechtiens, mais sans aucun développement. Cela nous a
poussée à les considérer comme des indices
bibliographiques ou rendant compte de la forme de l'oeuvre. Concernant la
catégorie «rapprochement avec d'autres oeuvres », aucune
référence n'apparaît à Paris, ni à
Luxembourg. A Nice, un journaliste mentionne une autre oeuvre artistique du
même type,
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0% 5% 10% 15% 20%
Références à propos de LEARNING
EUROPA
4%
15%
15%
mais cette information est également juste
citée. En revanche, à Luxembourg, 75% des journalistes comparent
l'oeuvre théâtrale de Semprún à d'autres. La
réflexion sur le théâtre comme moyen de sensibilisation
à l'Histoire et aux tragédies vécues dans les pays
européens, est mentionnée par 25% des journalistes
sévillans et niçois et par 50% des luxembourgeois, mais
malheureusement par aucun parisien ni berlinois.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% 16% 18% 20%
3%
1,6%
5%
Références à propos de
GURS
13%
17%
+ Learning Europa
Contrairement au cas de Gurs, c'est dans les deux
villes allemandes que les références occupent l'espace le plus
conséquent : 15% à Hambourg et 15% à Francfort, contre 4%
à Luxembourg.
Dans la majorité des cas, et étant donné
le sujet de la pièce, les références sont principalement
liées à l'actualité et particulièrement à
l'Europe. Elles sont abordées par tous les journalistes de Hambourg, par
celui de Luxembourg, et par 60% de ceux de Francfort. Nous n'avons
rencontré nulle part de réflexion par rapport à
l'histoire, ni de mise en perspective de l'oeuvre (mais cela s'explique par le
fait que cette oeuvre est unique en son genre). À Francfort, 25% des
journalistes évoquent d'autres oeuvres européennes
présentées cette année, dans le cadre du projet de la
maison de la littérature et du Köber- Stiftung « Europa
schreib », comme 14% des journalistes de Hambourg. De même, 29% des
journalistes à Hambourg et 25% à Francfort parlent du
théâtre comme moyen de connaissance entre les peuples d'Europe.
Notons que pour les deux pièces, le thème et la
réflexion sont parfois visibles dès le titre de l'article, comme
nous l'avons déjà souligné.
o Conclusion partielle.
Pour la réalisation de son schéma, W. Sauter se
fonde sur les acteurs, et particulièrement sur leur jeu. Nos
résultats indiquent que la description des qualités physiques des
acteurs, leurs compétences dans le jeu en vue de la création de
leur personnage et le déroulement de l'intrigue n'occupent pas une place
de choix dans la rédaction de l'article critique. Seul le rapport
à la fiction qui génère l'interprétation et la
réflexion possède un espace plus ou moins important.
Cependant, le jeu théâtral n'est pas uniquement
constitué par les acteurs. Nous tenterons, ci- dessous de définir
le rôle des autres éléments du jeu de théâtre
par rapport à la perception du spectateur.
o La perception à travers les autres
éléments du jeu de théâtre
Nous reprenons le même schéma de W. Sauter pour
ces éléments. Bien qu'il soit incongru de considérer que
les éléments du système scénique, de la mise en
scène et du texte vont participer à la communication
théâtrale, nous admettons qu'ils jouent un rôle certain. En
effet, si le spectateur réagit à l'exhibition des acteurs de
manière sensorielle, nous considérons qu'il réagira aussi
à la découverte de la scène et de son décor. De
même encore, la mise en scène est constituée de nombreux
choix artistiques que le spectateur décodera et appréciera ou
non. Enfin, nous avons considéré que le texte agissait au niveau
symbolique car sans lui, point de fable. D'ailleurs, la concentration du
spectateur pour la fable passe évidemment par la forme dramatique.
Le schéma est donc le même que
précédemment, mais il fait intervenir une composante
supplémentaire pour chaque niveau de communication. Nous pensons qu'il y
a bel et bien communication même si elle se produit, pour cette
exploitation du schéma, à sens unique : de la scène vers
la salle.
(1) Le système scénique
La mention et l'avis du critique sur le système
scénique : le décor, les images et vidéos, la musique et
les bruitages, l'éclairage, les objets et les costumes sont très
faiblement représentés. Nous avons choisi, comme pour les
acteurs, de considérer la description et le commentaire éventuels
sur tous les éléments du système scénique dans la
même catégorie.
La composition de la scène, son esthétique,
l'ambiance que créent le décor, les lumières, les sons...
participent pleinement à notre perception. Il s'agit, pour adapter le
terme de W. Sauter aux autres éléments du jeu, de
considérer que le système scénique correspond, en quelque
sorte, aux actions d'exhibition des acteurs. Ici, c'est la scène qui
s'offre à nous et qui évoluera tout au long du spectacle.
+ Gurs, une tragédie
européenne
Aucun journaliste parisien ne fait allusion à ces
éléments alors que 25% des articles sévillans, 33% des
berlinois et 75% des niçois et des luxembourgeois les
répertorient. Les journalistes décrivent en quelques mots la
scène, évoquent la diffusion des chansons d'Ernest Busch, le
bruit des trains lors de la dernière scène....
Remarquons que les articles berlinois sont très
descriptifs. Ils proposent au lecteur des images de la scène, car les
journalistes dépeignent souvent les actions qui s'y déroulent de
façon très minutieuse, en considérant les
éléments du système scénique.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% 9% 10%
0%
Le Système scènique de
GURS
2,2%
3%
4%
6%
+ Learning Europa
Deux articles, un de Hambourg et celui de Wiesbaden,
évoquent les décors, objets, musiques... qu'Armin Petras avait
précisément imposés aux acteurs. C'est vraisemblablement
tiré d'un communiqué de presse. Un autre article hambourgeois
mentionne l'utilisation, par les acteurs, d'un bottin de
téléphone. Ainsi donc, à Hambourg, ce type d'information
occupe 2.1% du contenu des articles et 18% à Wiesbaden. Dans les autres
villes, le résultat est nul.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0Y 1 Y 2Y 3Y 4Y 5Y
0%
Le système scènique de LEARNING
EUROPA
2,1%
2,3%
Or, la cause de cette lacune est à chercher dans le
fait que sur vingt-deux articles critiques, douze sont accompagnés d'une
photo qui représente pour Gurs, soit une scène dans le
lit, soit la scène finale où tous les artistes sont
groupés. La photographie permet au lecteur de visualiser les
éléments du décor, les costumes... et de sentir
l'atmosphère qui peut se dégager de la scène. Si les
photos qui illustrent les articles de Learning Europa sont
centrées sur les acteurs en pleine action, cela permet également
de procurer au lecteur une impression concernant le système
scénique.
(2) La mise en scène
Nous considérons, toujours en suivant les termes de W.
Sauter, que la mise en scène représente une importante
compétence artistique. En effet, une mise en scène extraordinaire
peut transformer un texte médiocre en un spectacle génial.
Pour beaucoup, comme l'explique Patrice Pavis, « la mise en
scène est la notion la plus subtile, la plus utile et centrale pour
évaluer un spectacle, non seulement l'analyser, mais aussi le juger en
termes esthétiques.181 »
Nous repèrerons si les journalistes critiques
évoquent, selon les catégories fournies par Patrice Pavis, le
statut du texte, dans la mise en scène (texte illustré ou
réduit à un des éléments de la
représentation), ainsi que la lecture de la fable par la mise en
scène ou la direction des acteurs. Nous intégrerons
également dans cette section les éléments relatifs
à la scénographie (la construction de l'espace de jeu, le rapport
entre l'espace de jeu et
181 Patrice Pavis : « La critique dramatique face à
la mise en scène », in colloque de Séoul, p1.
l'espace du public, les caractéristiques du
théâtre). Nous noterons enfin si un discours global sur la mise en
scène se retrouve dans les articles (ce qui a plu au critique, ce qui
l'a dérangé, les moments forts ou ennuyeux, les images qu'il
retient du spectacle).
+ Gurs, une tragédie
européenne
Le discours critique global sur la mise en scène est
développé par 50% des journalistes à Séville, 75%
à Nice et à Luxembourg, 25% à Paris et 0% à Berlin.
Comme nous pouvons le voir sur le graphique, l'espace occupé par le
discours global sur la mise en scène prend entre 0% et 7.8%. Nous devons
attirer l'attention du lecteur sur le fait que parmi les catégories
proposées par Patrice Pavis, certaines sont restées
systématiquement vides. C'est le cas pour le commentaire sur le statut
du texte dans la mise en scène ainsi que pour la lecture de la fable
dans la mise en scène. La direction des acteurs ne fait pas l'objet de
commentaire, non plus. Les articles espagnols mentionnent assez bien la «
scénographie ». Cependant, il nous a paru que le sens qui
était donné à ce terme n'était pas le même
que celui qui nous concerne. Le terme espagnol semble plus se rapporter au
système scénique. Enfin, l'avis du critique sur la mise en
scène est très pauvre, il se borne à annoncer que la mise
en scène sert le texte, qu'elle l'allège, qu'elle est
rythmée... sans autre commentaire.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 1 % 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% 9% 10%
0%
Discours global sur la mise en scène de
Gurs
3%
3,6%
5,7%
7,8%
Ce pourcentage est à mettre en relation avec la
description de la mise en scène et de la scénographie, car
parfois, dans les mots utilisés pour la description, l'auteur de
l'article manifeste son opinion.
Concernant la mise en scène de Daniel Benoin, les
journalistes évoquent souvent la mise en abyme durant laquelle les
comédiens discutent de la mise en scène, de la pièce
qu'ils préparent sur Gurs. Ils font également souvent mention de
l'apparition de l'auteur sur vidéo.
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% 9%
La mise en scène de Gurs
3%
4%
5%
7%
8%
Luxembourg
Hambourg
Francfort
Discours global sur la mise en scène de
LEARNING EUROPA
0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% 9% 10%
0%
0%
1,7%
+ Learning Europa
Le discours critique global sur la mise en scène n'est
affirmé que dans les articles de deux journalistes hambourgeois. Le
commentaire représente 1.7% du contenu de l'article. Alors que la mise
en scène n'est décrite que par un seul de ces deux journalistes.
Cette description occupe 2% de l'article. À Francfort, 75% des
journalistes décrivent la mise en scène, qui occupe 4% du contenu
des articles. Cet espace est le même que celui qu'accorde le journaliste
de Wiesbaden à la description de la mise en scène. Cependant,
nous n'avons trouvé aucun commentaire critique sur la mise en
scène dans une autre ville qu' Hambourg.
Si pour Gurs, les journalistes allemands avaient
tendance à décrire de façon très imagée la
scène, pour Learning Europa, ils décrivent largement ce
qui se passe sur la scène, la mise en scène. Ils évoquent
les trois plateaux de jeux simultanés, surplombés de trois
écrans vidéos et décrivent véritablement les
actions des personnages sur scène, danses, chants, jeux particuliers. Le
discours global de la mise en scène ne semble pas être l'apanage
des critiques allemands. Pour un texte qui possède une
théâtralité affirmée comme Learning Europa,
le discours aurait pu être prolixe.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0% 2% 4% 6% 8% 10%
0%
La mise en scène de LEARNING
EUROPA
2%
4%
Si nous considérons généralement que nous
sommes actuellement, à l'heure de la mise en scène, l'espace
qu'occupe cette donnée dans les articles est minime. Pourtant, Patrice
Pavis considère la mise en scène comme « un système
de sens, de choix de mise en scène » (d'un point de vue
sémiologique). Selon lui, le critique dramatique devrait s'atteler
à « décrire les options de la mise en scène, d'en
révéler le système, le Konzept (comme le disent
les Allemands), la dramaturgie (comme le formulaient les brechtiens), l' «
acting » ou le « staging style », comme on
l'emploie en anglais. »182 Aucun de nos journalistes critiques
ne rend compte de la mise en scène de la manière voulue par
Patrice Pavis.
(3) Le texte
Il peut sembler absurde de prendre en compte, pour l'analyse
d'un spectacle, le critère de qualité textuelle. Pourtant, les
articles commentent largement le sujet. En effet, si le texte est mauvais, sans
dramaturgie ... les acteurs, tout excellents qu'ils puissent être, auront
des difficultés à faire vivre le spectacle. De plus, en
règle générale, la qualité du texte ou du
scénario est importante pour celle de l'ensemble du spectacle.
N'oublions pas qu'un bon metteur en scène et des acteurs talentueux
peuvent transformer un texte médiocre en spectacle extraordinaire. Il
nous a semblé que la qualité du texte influence le fait que le
spectateur soit captivé où non par l'histoire. Pourtant, le
spectateur rentre dans ce que le texte présente, par le biais des
acteurs. Nous pouvons donc dire que le texte joue un rôle dans la
communication par son style, sa forme puisque c'est lui qui est porté
par les acteurs.
+ Gurs, une tragédie
européenne
L'avis sur le texte figure dans 100% des cas à
Séville, 50% à Nice, 25% à Luxembourg, 57% à Paris
et 100% à Berlin. En revanche, la justification de l'avis du
Luxembourg
Hambourg
Francfort
0% 1 % 2% 3% 4% 5%
Commentaires sur le texte de ARIMIN PETRAS
0,0%
0,0%
0 ,8%
journaliste est moins fréquente : 50% à
Séville, 25% à Nice, 25% à Luxembourg, 0% à Paris
et 0% à Berlin. Nous pensons que s'il donne un avis négatif sur
le texte, le journaliste explique par exemple que l'auteur emprunte
différentes formes de récits, que les personnages manquent de
profondeur, que les informations historiques sont trop nombreuses, sans mettre
en cause la mise ne scène, la scénographie ou le jeu des acteurs.
Dans le cas de Gurs, il semble que les journalistes aiment ou
détestent la forme pédagogique brechtienne du texte. Quand les
journalistes émettent un avis positif, c'est par rapport aux mots de
l'auteur, à la puissance de leur évocation...
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 4% 8% 12% 16% 20%
Commentaires sur le texte de JORGE SEMPRUN
2%
4%
5%
8%
15%
+ Learning Europa
Or, comme le texte de Learning Europa n'en est pas
véritablement un au sens traditionnel du texte dramatique
littéraire, nous ne nous étonnons pas de la déficience des
commentaires des critiques. Seuls deux journalistes hambourgeois
émettent un avis, mais il n'est pas justifié. Ainsi donc, la
place occupée par un commentaire sur le texte et une justification se
limite à 0.8% de l'espace des articles de Hambourg et est nul partout
ailleurs.
o Le spectacle dans son ensemble.
Nous envisagerons dans cette catégorie une
appréciation du spectacle en général et nous chercherons
ensuite à savoir si elle est ou non justifiée. Nous
évoquerons également dans cette section la visibilité de
l'avis dans l'organisation typologique des articles. Nous espérons
trouver dans les articles, un sentiment, une image du spectacle qui permettent
de déduire la réception du spectacle par le journaliste.
+ Gurs, une tragédie
européenne
L'appréciation sur le spectacle dans sa
globalité est assez visible dans le discours critique : 75% à
Séville, 100% à Nice, 100% à Luxembourg, 100% à
Paris et 67% à Berlin. Soulignons qu'à Berlin, aucun journaliste
ne justifie explicitement sa position, pratique à laquelle se livrent
seulement 14% des journalistes parisiens, 25% des sévillans, 50% des
niçois et 75% des luxembourgeois. De quoi est composé ce
commentaire général ?
Luxembourg
Séville
Berlin
Paris
Nice
0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% 16% 18% 20%
Commentaires sur le spectacle dans son ensemble:
GURS
5,3%
6,5%
9,8%
16,2%
18,5%
+ Learning Europa
L'appréciation du spectacle dans sa globalité
est encore mieux représentée dans les articles traitant de
Learning Europa en Allemagne. En effet, 100% des articles diffusent un
avis quant au spectacle en général. Comme dans le cas de
Gurs, la justification est plus faible : 100% à Francfort, 57%
à Hambourg, et 0% à Luxembourg.
Luxembourg
Hambourg
Francfort
Commentaires sur le spectacle dans son ensemble
de LEARNING EUROPA
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40%
6%
29%
30%
Il nous a semblé intéressant de signaler ici la
manière très différente dont sont constituées les
critiques allemandes par rapport aux autres. Nous l'avons déjà
signalé, mais il convient de nous y a attarder quelque peu. Nous
parlions plus tôt d'images de la scène, de sentiments.... Les
journalistes allemands décrivent méticuleusement la scène,
en y incluant le jeu des acteurs, le texte, la mise en scène, le
système scénique.... Il est très difficile de
séparer les éléments dépeints. Très
logiquement, en effet, le spectacle devrait avant tout être
considéré comme une unité et non disséqué en
plusieurs parties : le texte, la mise en scène, le jeu des acteurs....
Nous pensons (mais nos connaissances de la langue allemande ne sont pas assez
pointues pour l'affirmer) que les journalistes allemands font part au lecteur,
dans leurs comptes rendus, de la perception qu'ils ont eue du spectacle. Ce
n'est pas le cas dans les autres pays, les journalistes emploient un
vocabulaire propre au jargon théâtral et une structure plus
dissociée.
Lors du congrès de Séoul, Patrice Pavis
caractérisait le critique allemande par « l'absence de
réflexion sur la dramaturgie ou la mise en scène qui
étonnera un Français »183 . Pourtant, la tendance
que nous avons soulignée pour la critique allemande et qui se rapproche
de l'affirmation de Patrice Pavis, pourrait être le fait d'un autre
phénomène. Learning Europa est une pièce
expérimentale et très originale. D'après Christa
Muller184, responsable de la production du spectacle, beaucoup de
journalistes ne savaient pas comment aborder cette oeuvre. Ils étaient
décontenancés car ce travail sortait des formes dont ils ont
l'habitude. Michel Vaïs, lors du congrès de Séoul
expliquait, en prenant l'exemple de la pièce « Le regard du
sourd » de Bob Wilson, que quand un spectacle est
183PAVIS, Patrice : « La critique dramatique
face à la mise en scène », Congrès extraordinaire
de l'Association Internationale des Critique de Théâtre à
l'occasion du 50ème anniversaire de l'association sur le
thème : Nouvelle théâtralité et critique,
du 21 au 25 octobre 2006. www.aict-
iatc.org/documents/congress/colloqueseouloct.06fv.07.pdf
p 2.
184 Interview de Christa Muller le 22 juin à Paris.
trop novateur, il faut d'abord rendre compte de ce que l'on
voit et de ce que l'on entend 185, décrire son « expérience
de spectateur avec sa sensibilité, sa culture, son vécu, ses
références » afin que le lecteur en déduise un point
de vue utile. Si le critique n'a pas compris la pièce, il est inutile de
vouloir y consacrer une critique qui n'est pas réfléchie,
mûrie.
Comme l'explique Debenedetti, « en termes de management,
on aborde volontiers la critique comme un prescripteur privilégié
du marché de la culture, lequel se caractérise par l'incertitude
du consommateur à l'égard de la valeur des oeuvres et par la
difficulté de celui- ci à développer une forme
d'apprentissage utile en la matière (en raison de la singularité
de chaque production artistique)»186. De ce point de vue, il
est très important que le critique dramatique puisse rester
indépendant « à l'égard des producteurs », et
neutre par rapport « à toutes les dominations économiques,
politiques ou religieuses »187 . Il est donc essentiel qu'il
existe des critiques négatives. C'est le cas parmi notre corpus. Comme
nous l'avons déjà évoqué, si la critique est
mauvaise, la plupart du temps, le lecteur en sera averti dès le titre de
l'article. Il ressort que si les critiques sont vraiment positives ou vraiment
négatives, elles sont au moins très intéressantes.
Malheureusement, elles sont plus souvent neutres. Peut- être le
journaliste ne veut-il pas s'engager de peur de briser des projets reconnus
unanimement comme originaux et très porteurs. Dans ces cas, la majeure
partie de l'article est consacrée à des informations pratiques ;
un point de vue à peine critique se limite à quelques phrases en
fin d'article.
185VAÏS, Michel : « Décrire ou
juger ? », Congrès extraordinaire de l'Association
Internationale des Critiques de Théâtre à l'occasion du
50ème anniversaire de l'association sur le thème :
Nouvelle théâtralité et critique, du 21 au 25
octobre
2006.
www.aict-iatc.org/documents/congress/colloqueseouloct.06fv.07.pdf
p 10.
186 DEBENEDETTI, Loc. Cit. p 2
187 Ibid. p 3.
(4) La visibilité des éléments de la
communication du « jeu de théâtre » dans les articles
critiques
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Critique du texte Mise en scène Discours global
Système
scénique
Critique du texte
Composition de l'avis critique pour LEARNING
EUROPA
Composition de l'avis critique pour
GURS
Mise en scène
Hambourg Francfort Luxembourg
Discour global
Séville
Nice Luxembourg Paris
Berlin
Système scénique
Jeu des acteurs Spectateur Attitude critique
Références
Jeu des acteurs
Spectateur Attitude
critique
Références
Bien qu'il nous semble plus logique de considérer le
spectacle comme un ensemble, la critique a plutôt tendance à
émettre un avis sur les parties distinctes. Pourtant, pour
Gurs, à Séville, Nice, Luxembourg et Paris, le discours
critique se répartit entre la critique du texte, le discours global sur
la mise en scène, et, dans une moindre mesure, le jeu des
acteurs et les réactions des spectateurs. A Berlin, le
commentaire est centré sur le texte ainsi que sur le spectacle dans son
ensemble.
Pour Learning Europa, les journalistes se concentrent
sur l'impression globale du spectacle. Seuls trois journalistes de Hambourg
développent brièvement un discours sur la mise en
scène.
Le schéma de W. Sauter a pour but de décrire la
perception du journaliste à propos d'un spectacle auquel il vient
d'assister, car il considère que la perception définit la
réception.
Or, W. Sauter pense que la communication au
théâtre est basée sur la performance des acteurs. Leurs
actions d'exhibition, encodées, et incarnées provoquent chez les
spectateurs des réactions affectives, d'attente, de reconnaissance, de
plaisir, d'évaluation, d'identification ou d'interprétation. Nous
avons déjà cerné cette théorie.
Au vu des résultats que nous avons obtenus, nous
pouvons affirmer que le critique ne s'attarde pas sur la communication «
sensorielle », sur le sentiment qu'ont provoqué en lui les acteurs.
Tout au plus, il aborde cet aspect par l'utilisation d'adjectifs : les acteurs
sont « touchants », par exemple. Concernant leurs compétences,
l'appréciation du critique se borne à un commentaire
général : les acteurs sont excellents, les acteurs sont tous
doués.....La réaction la plus développée est celle
qui a rapport à l'histoire. En effet, le critique consacre souvent la
majeure partie de son article à l'explication de l'histoire qui est
portée par les comédiens et qui ouvre la voie aux
interprétations. C'est une pratique relativement répandue en
Europe.
Nous avons étendu le schéma de communication de
W. Sauter aux autres éléments du jeu de théâtre : le
système scénique, la mise en scène et le texte. Cependant,
nous arrivons aux mêmes conclusions que pour le schéma
précédent : aucune émotion sensorielle par rapport
à l'atmosphère née de l'organisation de la scène,
aucune évaluation artistique de la mise en scène. Ne parlons pas
de l'analyse du système de signes qui mène à
l'interprétation et qui est absente de toutes nos critiques.
L'élément le mieux représenté est la critique du
texte, porteur de la fiction.
Conclusion
Existe-t-il, dans la presse européenne, aujourd'hui
encore, une place pour un commentaire critique sur les oeuvres culturelles et
particulièrement théâtrales ? A cette question posée
par François Roche, nous pensons pouvoir répondre que certains
journalistes continuent de s'atteler à émettre un point de vue
critique.
Qu'avons-nous détecté parmi les commentaires de
presse écrite sur la réception des journalistes lors de
spectacles vivants européens ? Comment aborder un spectacle dans son
ensemble ? Comment attirer un spectateur qui vit dans un environnement social
donné ? Dans quelle mesure cet environnement détermine-t-il la
création d'un spectacle et sa réception ?
Généralement, on considère que la
réception est liée à l'interprétation de la fable,
au jeu des acteurs, à la mise en scène, au système
scénique... Nous avons montré que l'élément le plus
souvent développé par les critiques de théâtre
était la fable. Nous avons également trouvé des
références intra ou extra théâtrales liées
aux thèmes de la pièce qui suscitent une réflexion. Nous
avons rencontré très peu d'analyses critiques relatives à
la forme de la mise en scène, aux jeux des acteurs. Cet éclairage
est pourtant très intéressant, puisque les comédiens,
issus de différents pays, ont une façon originale d'incarner
leurs personnages et que leurs jeux sont issus de la Culture du Jeu,
elle-même, nationale.
Ainsi la manière dont les acteurs jouent, est fonction
de la perception qu'ils se font de la chose à jouer, à travers
leur manière de vivre, leur culture. Cet aspect est largement
représenté dans Learning Europe. L'autre pièce
est jouée en fonction de l'Histoire, souvent commune à de
nombreuses nations du continent européen. C'est le cas de Gurs, une
tagédie européenne. En outre, le papier du journaliste
exprime très peu de ressentis, à peine quelques émotions
primaires sont-elles évoquées. W. Sauter pense que la perception
du spectacle permet ou non au spectateur de recevoir des sensations, de vivre
des émotions théâtrales particulières qui
entraîneront une interprétation individuelle, peut-être un
questionnement salutaire.
Sans faire de généralité, dans les
articles allemands, majoritairement ceux consacrés à Learning
Europa, il semble que la description du spectacle et la réflexion
sur les thèmes soient mieux représentées. Le jugement
émis est souvent en rapport avec une impression générale
du spectacle, sans s'attarder à des justifications techniques. En
France, en Espagne
et au Luxembourg, la situation est différente. Pour la
critique de Gurs, une tragédie européenne, on peut
craindre soit une certaine compromission, soit pour les journalistes
français, une réticence à prendre position. En effet, la
majorité des articles publiés sont positifs, seuls l'article du
Monde et celui issu d' Internet émettent un jugement négatif sur
le travail artistique. Les autres articles se limitent à des
informations générales de présentation et se bornent, en
fin de texte, à donner un avis court et non argumenté sur le
spectacle. En Espagne, les textes sont assez critiques et s'accordent pour dire
que le spectacle est peu théâtral. Les plus acerbes sont les
Luxembourgeois, en s'appuyant largement sur l'ennui qu'ils ont ressenti durant
la représentation, sans argumentation digne de ce nom.
En revanche, les conditions de production, typiques du
Contexte Culturel, jouent également un rôle dans la
réception et sont largement citées dans les articles de presse.
Les auteurs, metteurs en scène et comédiens sont nommés,
ces éléments constituent la Théâtralité en
Contexte. Il s'agit malheureusement - nous insistons - d'une simple
énonciation et les informations concernant le nom des institutions et
des artistes ne sont que très rarement développées.
En outre, la lecture de notre corpus montre que les articles
critiques proposent majoritairement des informations promotionnelles en y
introduisant, de façon minime, une critique sur la qualité du
spectacle. L'objectif poursuivi paraît être la promotion d'un bon
spectacle au détriment d'un autre. Or ce qui nous semble le plus
intéressant n'est pas ce point de vue « commercial », mais
plutôt une réflexion sur les modes de fiction, les
différents types de jeux, les options de la mise en scène, les
intentions des artistes, les mises en perspective d'une oeuvre.
Nous regrettons que les articles réduits aux
informations soient très nombreux, trop nombreux. De même, nous
déplorons les commentaires critiques limités par des
considérations trop académiques peu utiles dans le cadre de la
réception. Rappelons le comportement combien destructeur du professeur
dans le Cercle des poètes disparus qui voulait placer la
poésie sur une échelle de valeurs. NH Kleinbaum a écrit un
hymne magnifique à la liberté de penser. Le critique dramatique
devrait véritablement prendre position, il ne peut se contenter
d'être neutre. La neutralité entraîne le conformisme et la
méconnaissance de tout un monde en constant mouvement.
A notre avis, les critiques dramatiques, par nature
indépendants des sphères d'influences politiques,
économiques et artistiques, devraient pouvoir jouer un rôle de
médiateurs
culturels, procurant aux lecteurs des clés pour comprendre
et apprécier l'oeuvre théâtrale dans sa
globalité.
De ce point de vue, le rôle du critique serait le
prolongement du choeur des tragédies antiques, espace
intermédiaire entre la scène et la salle. Ce choeur avait pour
tâche non seulement de partager avec le spectateur l'intrigue qui se
déroulait sur la scène, mais également de lui transmettre
le message des acteurs. « Il porte secours des deux côtés
» 188, comme l'explique la philosophe, Marie-José Mondazain. Le
choeur joue le rôle souvent accordé aujourd'hui aux
médiateurs culturels, envoyés dans les écoles ou
chargés de présenter une pièce sous forme de
conférence avant ou après le spectacle, dans le but de
préparer le spectateur à ce qu'il va voir, ou de le faire
réfléchir à ce qu'il a vu. Ne serait-il pas plus
intéressant que la presse critique endosse ce rôle de
médiateur, procurant au spectateur des réflexions objectives afin
de transmettre des outils d'interprétation, de réception ?
Une véritable presse d'opinion et de réflexion
nous semble indispensable pour nous faire évoluer... découvrir
des nouveautés et notamment des pratiques européennes très
riches. En effet, pour reprendre encore les paroles de Marie-José
Mondazain : « Le paradoxe de l'humain, c'est de se reconnaître dans
ce qui ne lui ressemble pas, dans son autre. Le propre de l'humain, c'est de se
rencontrer lui-même en tant qu'étranger, de son
étrangeté à soi. L'altérité
irréductible de l'autre est le fondement de la constitution de soi.
» .189 La presse a comme devoir, selon nous, de relayer cette
altérité, de la présenter.
Il nous semble que cet aspect est encore plus important pour
les spectacles européens qui demandent une certaine connaissance des
codes, des modes de jeux, de perception du monde sensible.
Lors des rencontres « Scénoscope 1#
», les animateurs du débat ont interrogé des programmateurs
friands de spectacles étrangers190. Pour Mathieu Menghini,
peu importe le spectacle, il ne considère pas que son goût est
équivalent à celui du public, mais pense que grâce à
l'accompagnement médiatique, il est possible de faire évoluer le
public. Le goût des spectateurs se transforme face à de nouveaux
types de pièce et ce changement est
188 MONDAZAIN, Marie-José : « L'hospitalité
» dans Compte rendu intégral des débats : Rencontres
européennes sur le thème « A quoi sert un
théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande. Vol 1, p 23.
189 Ibid.
190 ÉQUIP'ART & LE THEATRE NATIONAL DE LA COLLINE :
Rencontres Scénoscope #1 : Arts Vivants : Désirs d'Europe ?
Lundi 4 juin 2007. Pas de publication, notes personnelles. « Table
ronde : « programmateur et artiste : radioscopie d'un couple singulier
».
fondamental dans l'apparition d'une « réception
européenne ». L'accueil de spectacles étrangers et la
création de coproductions font vivre « la pluralité des
langues, la multiplicité des regards, la polychromie des
sensibilités, l'hybridation des pratiques, le respect des écarts,
tout cela fonde la vie commune (...). »191
De l'avis de Marie-José Mondazain, « le
théâtre est, à proprement parler, traducteur. Il traverse
transversalement toutes les langues »192 . Il est une source
intarissable pour aller à la rencontre de l'autre, de l'étranger
parfois si proche. Elle ajoute que « l'Europe a besoin des acteurs, des
écrivains et des metteurs en scène (...) elle a besoin de toutes
les forces de la création pour faire exister la vie politique. (...).
Car résistant de toutes ses forces aux sirènes de
l'intégration communautaire et mercantile, je vois un
théâtre de la marche, de l'accueil et de l'exil. Je l'appelle
traductil, un théâtre de mobilité qui n'a rien
à voir avec ce qu'on appelle la flexibilité d'un emploi
théâtral, mais, au contraire, avec la ténacité du
voyageur qui donne, qui sait recevoir, ne se laisse jamais retenir et, je
l'espère, ne se laissera jamais assigner à résidence.
»193
Pour que cette entreprise fonctionne, il faut
évidemment une information et une réflexion sur les pratiques
artistiques européennes auxquelles le citoyen moyen puisse
accèder facilement. Cette médiation et cette réflexion
existent dans les revues spécialisées qui sont malheureusement
trop peu diffusées. Nous ne pouvons qu'espérer que cette pratique
entre dans la presse généraliste. Mais cela nous semble utopique
à l'heure actuelle, étant donné les impératifs
économiques que doivent affronter les journaux. L'espoir alors serait le
développement de « blogs », animés par des
professionnels passionnés. Ces « lieux » de rencontres
offriraient la possibilité au lecteur d'émettre son avis et
d'engager une discussion. Internet semble une aubaine pour un retour à
une véritable espace public de discussions et d'informations sur
l'ensemble des paramètres qui influencent la réception du
spectateur.
Pour assurer la visibilité des coproductions
européennes dans la presse, nous regrettons principalement l'absence de
médias européens. En effet, nous déplorons que ces
pièces n'aient été annoncées que dans les pays
d'accueil, alors que les européens voyagent de plus en plus facilement
et pourraient apprécier. D'ailleurs la CTE encourage par son
programme
191 MONDAZAIN, Marie- José, Loc. Cit, p 12.
192 Ibid. p 10.
193 Ibid. p 13.
d'échanges de publics, la fréquentation des
théâtres d'autres pays afin d'assister à une
création originale.
Nous pensons également que le théâtre
européen a véritablement besoin du soutien des médias pour
présenter des documentaires et des dossiers sur les tendances
théâtrales en Europe, sur les différents caractères
de chacune, communs ou nationaux, du jeu de théâtre en Europe.
Est-ce téméraire d'appeler de nos voeux la naissance de magazines
présentant les oeuvres des grands dramaturges et des grands metteurs en
scène européens, sans oublier le jeu des acteurs et l'appoint de
tous ceux qui, en coulisses ou en amont de la représentation du
spectacle, participent à la création théâtrale
(décoristes, créateurs de costumes, etc...) ? Mais nous devons
attirer l'attention du lecteur : le point le plus important dans ce type de
média, serait d'y retrouver des confrontations d'artistes et de
théoriciens des différents pays européens.
Ce type d'information nous familiariserait avec d'autres
pratiques que les nôtres, avec d'autres formes de jeu,
étrangères ou nouvelles et participeraient indéniablement
à une ouverture d'esprit et à une tolérance par rapport
aux autres. De plus, endossant un rôle de véritable
médiateur, le journaliste encouragerait les spectateurs à aller
assister, sans crainte, à une réalisation issue d'un autre pays
européen.
Le nomadisme théâtral existe depuis bien
longtemps, il jouit cependant aujourd'hui d'aides publiques qu'elles soient
régionales, nationales ou européennes. 2008 sera une année
consacrée au dialogue interculturel, par l'Union Européenne.
Espérons que ce thème donnera naissance à de grands
projets de théâtre européen et surtout, que la presse et
les médias dans leur ensemble accordent plus de crédit aux
possibilités intrinsèques du théâtre pour la
connaissance et le rapprochement des peuples.
« Mettre théâtre et Europe ensemble, c'est
reconnaître que se pose sur les deux scènes la figure moderne du
rassemblement parce que, depuis sont origine, le théâtre est un
art politique ».194
194 MONDAZAIN, M-J, Loc. Cit. p 7.
Bibliographie.
Dictionnaires et encyclopédies
- Encyclopédie Universalis on line :
www.universalis.fr
- ROBERT, Paul : Le Nouveau Petit Robert de la langue
française 2007, Editions Le Robert, Paris, 40ème
édition, 2007.
- GUTIERREZ CUADRADO, Juan : Diccionario Salamanca de la
lengua española, Editions Santillana, universidad de Salamanca,
2002.
- THOMAS, Richard : Cobuild English Dictionary, Harper
Collins Publishers, 1995.
- GRAPPIN, Pierre (dir.) : Dictionnaire
général français-allemand, allemand- français =
Wörterbuch Französisch-Deutsch Deutsch-Französisch,
Editions Larousse, Paris, 1999.
- CORVIN, Michel : Dictionnaire encyclopédique du
théâtre, Editions Larousse- Bordas, Paris, 1998.
Monographies
- AUTISSIER, Anne-Marie : L'Europe de la culture :
histoire(s) et enjeux, Editions Babel Maison des cultures du monde,
collection « internationale de l'imaginaire », nouvelle série,
numéro 19, Paris, 2000.
- BANU Georges (dir.) : Les cités du
théâtre d'art de Stanislavski à Strehler, Editions
théâtrales académie expérimentale des
théâtres. Ouvrage publié avec le concours de l' UFR
d'études théâtrales de l'université Paris III, de
l'UTE, du Piccolo teatro de Milan et du laboratoire de recherches sur les arts
du spectacle (CNRS), s.l., 2000.
- BARTHES, Roland : « Diderot, Brecht, Eisenstein »,
dans L 'Obvie et l'Obtus, Seuil, Paris, 1982.
- BENNETTE, Susan : Theatre Audiences: A Theory of Production
and Reception, Routledge, London, 1997.
- B IET, Christian et TRIAU Christophe : Qu'est-ce que le
théâtre ?, Editions Gallimard, collection Folio essais
inédit, Paris 2006.
Direction in Audience Research. Instituut voor
Theaterwetenschap, Editions de l' Instituut voor Theaterwetenschap, Utrecht,
1988, pp 85 - 97.
- BRENNER, Jacques : Les critiques dramatiques, le
procès des juges, Editions Flammarion, France, 1970.
- DANTZIG, Charles : Dictionnaire égoïste de la
littérature française, Grasset & Fasquelle, 2005, p.
205, V° « Commentaire ».
- DESCOTES, Maurice : Histoire de la critique dramatique en
France, Editions Jean- Michel Place, Paris, 1980.
- DUVIGNAUD, Jean : Sociologie du théâtre. Essai
sur les ombres collectives, Presses Universitaires de France, Paris,
1965.
- FAYOLLE, Roger : La Critique, Editions A. Colin,
Collection «U», 1964.
- FORTIER Mark : Theory/ Theatre an Introduction,
Routledge, London, 2002.
- GOFFMAN, Erving Goffman : La mise en scène de la
vie quotidienne, vol 1 : La présentation de soi, Editions de
Minuit, Collection le sens commun, vol 1, Paris, 1973.
- GOURDON, Anne-Marie : Théâtre, Public,
Perception, Editions du Centre National de Recherches Scientifiques,
Paris, 1982.
- INSTITUUT VOOR THEATERWETENSCHAP : «Who is Who and What is
What?» dans New Direction in Audience Research, Instituut voor
Theaterwetenschap, Editions du Instituut voor Theaterwetenschap, Utrecht, 1988,
pages 5 à 17.
- KLEINBAUM, N-H : Le cercle des poètes disparus,
Editions du Livre de Poche, 1991.
- NAUGRETTE, Florence : Le plaisir du spectateur de
théâtre, Editions Bréal, collection « Le plaisir
partagé », Rosny-sous-Bois Cedex, Paris, 2002.
- PAVIS, Patrice : Voix et images de la scène: vers
une sémiologie de la réception, 2ème édition
revue et augmentée, Editions des Presses Universitaires de Lille,
Villeneuve d'Ascq, 1985.
- ROACH, Joseph R. : «Introduction: cultural
Studies» in Critical Theory and Performance, edited by Janelle G
Reinelt and Joseph R Roach, University of Michigan Press, 1992.
- SARRAZAC, Jean-Pierre (dir.) : Critique du
théâtre, de l'utopie au
désenchantement, Editions Circé,
collection Penser le Théâtre, Belfort, 2000.
- SAUTER, Willmar : « The Eye of the Theatre. The Audience
Meets the Performance- Experience, Repertoire, Habits », dans New
Direction in Audience Research, Instituut voor Theaterwetenschap, Editions
du Instituut voor Theaterwetenschap, Utrecht, 1988, pages 17 à 27.
- SAUTER, Willmar et MARTIN, Jacqueline : Understanding
Theatre, Editions Almqvist & Wiksell International, Stockholm,
1995.
- SAUTER, Willmar : Eventness: a Concept of the Theatrical
Event, Stockholm University Press, Stockholm, October 2005.
- SAUTER, Willmar: The Theatrical Event: Dynamics of
Performance and Reception, University of Iowa Press, Iowa City, 2000.
Périodiques
- AUTISSIER, Anne-Marie : « Un théâtre sans
commissaires », dans Études théâtrales : Europe,
scènes peu communes, Centre d'études
théâtrales, Louvain-laNeuve, N°37, février 2007, pages
118 à 126.
- BANU, Georges : « Vers l'acteur européen »,
dans Études théâtrales : Europe,
scènes peu communes, Centre d'études
théâtrales, Louvain-la-Neuve, N°37, février 2007,
pages 78 à 84.
- BLOCH, Maurice : « Une nouvelle théorie de l'art
: A propos d'Art and Agency d'Alfred Gell », dans Terrain : Revue
d'ethnologie de l'Europe. Numéro spécial : Le beau,
n°32, pages 119 à 128, 1999.
- BOIRON, Chantal : « La formation des acteurs
européens en mutation », dans Études
théâtrales : Europe, scènes peu
communes, Centre d'études théâtrales,
Louvain-la-Neuve, N°37, février 2007, pages 85 à 89.
- BOIRON, Chantal : « Sans visa / Colloque UBU : «
Identité, identités », dans Ubu, scènes d'Europe,
N°16-17, avril 2000, pages 97 à 101.
Sofia et la revue UBU, les 6 et 7 juin 1998 au Centre de
Congrès et des festivals de Varna (Bulgarie) dans le cadre du Festival
« l'Eté de Varna », 98. Les actes de ce colloque ont
été décryptés et traduits du bulgare et de
l'anglais, résumés par Aglika Stefanova et mis en forme par
Chantal Boiron. dans Ubu, scènes d'Europe, numéro 11,
Paris, octobre 98.
- BOIRON, Chantal : « Dossier : La mémoire du
théâtre », in Ubu, scènes d'Europe, N°1,
février 1996.
- BOURDIEU, Pierre : « Eléments d'une théorie
sociologique de la perception artistique » dans Revue Internationale
des Sciences Sociales, Vol XX (4), 1968, pp 640- 664.
- BRUNET, Pascale et DREANO, Laurent : « La raison des
réseaux », dans Études théâtrales :
Europe, scènes peu communes, Centre
d'études théâtrales, Louvain-laNeuve, N°37,
février 2007, pages 114 à 117.
- GIRAULT Alain, SADOWSKA- GUILLON, Irène, CONSOLINI,
Marco :
« Revues de théâtres, suite... », dans
Les cahiers de la Comédie française, revue trimestrielle de
la Commédie Française, Actes Sud, N°36, été
2000.
- HOURCADE, Renaud et CHEVALIER, Camille : « Presse
espagnole et débat culturel » dans Culture Europe : Revue de
presse internationale des professionnels de l'art et de la médiation
culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la presse
européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, pages 12.
- JEENER, Jean-Luc : « La critique en état »,
dans Cassandre : Le théâtre en courant, n°3, avril
1996, page 13.
- LOUVROU, Eirini : « La presse grecque est ouverte à
la culture », dans Culture Europe : Revue de presse internationale des
professionnels de l'art et de la médiation culturelle. Dossier « La
chronique culturelle dans la presse européenne », N° 45,
hiver 2005- 2006, pages 8 à 9.
- RIVIERE, Jean- Loup, Han, Jean- Pierre, et Al. :
« Des revues de théâtres », dans Les cahiers de
la Comédie Française, N°35, Hiver 1999- 2000,
février 2000.
- ROCHE, François : « Quelle place pour la culture
dans les journaux et les revues ?», dans Culture Europe : Revue de
presse internationale des professionnels de l'art et de la médiation
culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la presse
européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, page 1 à
2
- MATHIEU, Dominique: « La pression commerciale » dans
La critique d'art aujourd'hui dans la presse, dans Culture Europe
: Revue de presse internationale
des professionnels de l'art et de la médiation
culturelle. Dossier « La chronique culturelle dans la presse
européenne », N° 45, hiver 2005- 2006, p 6.
- SARRAZAC, Jean- Pierre, GIRAULT, Alain, et. Al. :
« Les revues de théâtres », dans Revue
d'étude théâtrale, Presse Sorbonne Nouvelle, Paris,
N°8, décembre 2003
- TOSCANO, Alberto : « La troisième page », dans
Culture Europe : Revue de presse internationale des professionnels de l'art
et de la médiation culturelle, Dossier « La chronique culturelle
dans la presse européenne », N° 45, hiver 2005- 2006,
pages 10 à 11.
- WALLON, Emmanuel : « Plateau continental » dans
Études théâtrales : Europe,
scènes peu communes, Centre d'études
théâtrales, Louvain-la-Neuve, N°37, février 2007,
pages 9 à 15.
Colloques et Rencontres
- DIRKS, Anje : « La périphérie au centre
ou un théâtre est le lieu de quel public ? » Compte rendu
intégral des débats : Rencontres européennes sur le
thème « A quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26
novembre 2006, au théâtre Dijon
Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document non
édité, disponible sur simple demande, vol. 2, pages 41 à
52
- ÉQUIP'ART & LE THEATRE NATIONAL DE LA COLLINE :
Rencontres Scénoscope #1 : Arts Vivants : Désirs d'Europe ?
Lundi 4 juin 2007. Pas de publication, notes personnelles.
- GRESILLON, Boris : « Le théâtre et la ville,
entre fécondation réciproque et rejet mutuel : les yeux de
l'amour et du hasard », dans Compte rendu intégral des
débats : Rencontres européennes sur le thème « A quoi
sert un théâtre en Europe ?
du 25 au 26 novembre 2006, au théâtre Dijon
Bourgogne, CANTARELLA, Robert,
dir. Document non édité, disponible sur simple
demande, vol 2, pages 21 à 33.
- LAVAUDANT, Georges : « Odéon - théâtre
de l'Europe », dans Compte rendu intégral des débats :
Rencontres européennes sur le thème « A quoi sert un
théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande, vol 2, pages 52
à 62.
- MONDAZAIN, Marie-José : « L'hospitalité
» dans Compte rendu intégral des débats : Rencontres
européennes sur le thème « A quoi sert un
théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert,
dir. Document non édité, disponible sur simple
demande. Vol 1, pages 6 à 28.
- PATAKI, Jarg : « exposé » lors des
rencontres européennes : Compte rendu intégral
des débats : Rencontres européennes sur le
thème « A quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26
novembre 2006, au théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA,
Robert, dir. Document non édité, disponible sur simple demande,
vol. 2, pages 9 à 17.
- PERCEVAL, Luk : « Le besoin de théâtre »
dans Compte rendu intégral des débats : Rencontres
européennes sur le thème « A quoi sert un
théâtre en Europe ?
du 25 au 26 novembre 2006, au théâtre Dijon
Bourgogne, CANTARELLA, Robert,
dir. Document non édité, disponible sur simple
demande, vol 2, pages 17 à 21.
- PETRAS, Armin : « Evolution du théâtre
épique de Brecht à Heiner Müller
jusqu'aux recherches contemporaines qui, en Allemagne, continuent
à trouver d'autres formes de théâtre », dans
Compte rendu intégral des débats : Rencontres
européennes sur le thème « A quoi sert un
théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande, vol. 2, pages 3
à 9.
- RACH, Rudolf : « Culture industrielle ou culture
biologique ? ou quelques aspects
de ce que l'homme (de théâtre) peut ajouter à
l'homme », dans Compte rendu intégral des débats :
Rencontres européennes sur le thème « A quoi sert un
théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document
non édité, disponible sur simple demande, vol. 2, pages 33
à 41.
- SIGURJÓNSSON, Hàvar: « L'art construit des
hommes par des édifices » dans Compte rendu intégral des
débats : Rencontres européennes sur le thème « A quoi
sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au
théâtre Dijon
Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document non
édité, disponible sur simple demande, vol 2, pages 70 à
77.
Mémoires
- PALMERS, Pascale : Théâtre dans les
médias à Bruxelles : questions et réponses,
Mémoire en Journalisme et Communication sous la direction
d'André Helbo, Université Libre de Bruxelles, 1991-1992.
- SISKA, Jérémie, L'article culturel, focus sur
la critique théâtrale dans les
quotidiens "Le Soir" et "La Libre Belgique", et sur le
critique dramatique en Communauté française de Belgique.
Mémoire en Journalisme et Communication
sous la direction d'André Helbo, Université Libre
de Bruxelles, 2003- 2004.
- AUDEOUD, Olivier : Etude relative à la
mobilité et à la libre circulation des personnes et des
productions dans le secteur culturel. Université de Paris X, avril
2002,
http://ec.europa.eu/culture/eac/sources_info/pdf-word/mobility_fr.pdf
- BAER Jean-Michel : L'exception culturelle. Une règle
en quête de contenu, sur le site Internet :
http://www.lexception.org/article116.html
- Communication de la Commission au Parlement, au Conseil et
au Comité des Régions relative à la proposition de
décision du Parlement européen et du Conseil établissant
un instrument unique de financement et de programmation pour la
coopération culturelle (Programme Culture 2000), 28 mai
1998.
www.senat.fr/ue/pac/E1106.html
- Communication de la Commission au Parlement
européen, au Conseil, au Comité économique et social
européen et au Comité des Régions. Communication relative
à
un agenda européen de la culture à l'ère
de la
mondialisation.
COM (2007) 242 Final, Bruxelles, le 10 mai 2007.
http://ec.europa.eu/culture/eac/communication/pdf_word/COM_2007_242_fr.pdf
- DEBENEDETTI, Stéphane : Le rôle de la critique
de presse dans le champ de l'industrie culturelle
http://neumann.hec.ca/aimac2005/PDF_Text/Debenedetti_Stephane.pdf
- FRAISSE Geneviève : Rapport sur l'importance et le
dynamisme du théâtre et des arts du spectacle dans l'Europe
élargie (2001/2199(INI)), Rapport commandé par la Commission
de la culture, de la jeunesse, de l'éducation, des médias et des
sports. Final A5-0264/2002, 15 juillet 2002.
- GROSSER, Alfred : Histoire de l'idée
européenne dans Encyclopédie Universalis :
www.universalis.fr
- OPTEM : Les Européens, la culture et les valeurs
culturelles, étude qualitative dans 27 pays européens. Rapport de
synthèse, Commission Européenne, Direction
générale Education et Culture, Juin 2006
- PIRE, Jean-Miguel : Pour une politique culturelle
européenne, Editions de la
Fondation Robert Schuman, l'Europe en action, collection Notes de
la Fondation Robert Schuman,
Paris.
www.robert-schuman.org/notes/notes1.pdf
- PAVIS, Patrice : « La critique dramatique face à la
mise en scène », Congrès extraordinaire de l'Association
Internationale des Critiques de Théâtre à l'occasion du
50ème anniversaire de l'association sur le thème :
Nouvelle théâtralité et critique, du 21 au 25
octobre 2006.
www.aict-
iatc.org/documents/congress/colloqueseouloct.06fv.07.pdf
pages 1 à 5.
- VAÏS, Michel : « Décrire ou juger ? »,
Congrès extraordinaire de l'Association Internationale des Critiques
de Théâtre à l'occasion du 50ème
anniversaire de l'association sur le thème : Nouvelle
théâtralité et critique, du 21 au 25 octobre
2006.
www.aict-iatc.org/documents/congress/colloqueseouloct.06fv.07.pdf
pages 6 à 12.
Sites Internet
-
http://www.etc-cte.org Site
Internet de la Convention Théâtrale Européenne. -
http://www.eurozine.com Magazine
culturel européen en ligne.
-
http://www.arce.es Site Internet de
l'association ARCE qui regroupe les revues de théâtre
espagnoles.
-
http://www.arcs.be Site Internet de
l'association ARCS qui regroupe les revues de théâtre belges.
-
http://www.entrevues.org Site
Internet qui regroupe les revues de théâtre françaises.
-
http://www.kulturtidsskrifter.dk
Site Internet qui regroupe les revues de théâtre danoises.
-
http://www.katalog.czasopism.pl
Site Internet qui regroupe les revues de théâtre polonaises. Site
disponible en anglais.
-
http://www.courrierinternational.com/planetepresse/planeteP_accueil.asp
Site Internet du Courrier International, Section « Planète
Presse ».
-
http://ec.europa.eu/culture/portal/index_fr.htm
Portail européen de la culture.
Corpus :
1. Articles de presse en rapport avec la CTE, en
général
- DE DECKER, Jacques : « Clôture de la Convention
Théâtrale Européenne de Luxembourg dans les coulisses de
l'exploit politique », Le Soir, Edition Bruxelles, mercredi 24
mais 1995, N° 121, page 10.
- S.n. « La part belle au théâtre nouveau
d'Europe de l'Est », l'Humanité, Les archives
intégrales de l'Humanité, 20 novembre 1999.
- DUPAIN, Nicolas : « Convention Théâtrale
Européenne, Jean-Claude Berutti nouveau président », «
Un théâtre européen se construit » et «
Jean-Claude Berutti :
les enjeux actuels », La Tribune-Le Progrès, Le
journal de Saint-Etienne, 24 décembre 2005.
- N.D. : « Le théâtre en Europe », La
Tribune-Le Progrès, Le Journal de SaintEtienne, samedi 16
décembre 2006.
- N.D. : « Créer un observatoire du
théâtre européen », La Tribune-Le Progrès,
Le Journal de Saint-Etienne, samedi 21 décembre 2006.
- MEUNIER, Lou : « Grâce au Théâtre des
Osses, la Suisse entre dans l'Europe », Le Courrier, 27 mars
2007.
- B.G. « La Convención Teatral Europea celebra su
asamblea general en Barcelona », El País, 4 juin 2004.
- MONEDERO, Marta : « La CTE impulsarà un programa
sobre llegües minoritàries », AVUI, le 4 juin
2004.
- MAKOVSKAYA, Anna : « Belarus Free Theater becomes a member
of European Theatrical Convention (ETC) and is nominated for Europe Award - the
most prestigious European theatrical prize »,
http://dramaturg.org/?lang=en&menu=expand
article&article id=8886876472 , 5 mai 2007.
- QUIROT, Odile : « Et l'Europe ? Un prix pour le
québécois Robert Lepage »,
http://odile-quirot.blogs.nouvelobs.com
, 2 mai 2007.
- LARSEN, Idalou : « Inge pris til Peter Zadek »,
http://idalou.orgdot.no/pub/idalou/2007_5_3_16.0.3.shtml?cat=artikle
, 4 mai 2007.
- LARSEN, Idalou : « En Utfordring til norske ETC-medlemmer
»,
http://idalou.orgdot.no/pub/idalou/2007_5_10_10.59.39.shtml?cat=artikler,
10 mai 2007.
2. Articles en rapport avec l'adhésion d'un
théâtre à la CTE
- S .n.: « Staatsschauspiel in der Theater Convention
», Dresdner Neueste Nachrichten, 25 juin 2007.
- S.n.: « Staatsschauspiel in ETC aufgenommen »,
Mopo, 11 juin 2007
- Lch : « Convention Le théâtre des Osses
signe la CTE », Tribune de Genève, 28 novembre 2005.
- MICHEL, Florence : « Les Osses entrent dans la Convention
Européenne », La Liberté, 29 novembre 2005.
- HERMANS, Jacques : « Des théâtres ouverts
sur l'Europe », La Libre Belgique, 8 juin 1989.
- VANMAECKER, Serge : « Douze théâtres
annoncent à La Haye un festival européen », La Libre
Belgique, 12 septembre 1989.
- Raymonde Temkine : « Carnet de voyage :
Première manifestation festivalière de la Convention
Théâtrale Européenne », Actualité de la
scénographie, Belgique, N°44, 1989.
3. Information concernant le septième Festival
organisé par la CTE : « Mejni Fest »
- BOIRON, Chantal : « Slovénie : Meji Fest, festival
sans frontières », UBU, scènes
d'Europe, Revue théâtrale
européenne, N°32, juillet 2004, pages 98 à 99.
- G.C : « Festival de Nova Gorica en Slovénie : Un
théâtre sans frontières », L'Avant-
Scène Théâtre, 15 juin 2004, pages
106 à 107.
- COSTAZ, Gilles : « L'Europe de la scène »,
Politis, 27 mai 2007.
- PERALES, Liz : « Semprún, derriba el muro »
et « El pequeño Berlín de Italia », El Mundo,
supplément El Cultural, 28 de abril - 5 de mayo 2004.
4. Dossier de presse de Séville
Gurs
- S.n : « Semprún estrena el drama «Gurs»
sobre los campos de exterminio », El Mundo, Séville, 20
mai 2004.
- RODRIGUEZ, Juan Maria: « Otra lección de Historia
», El Mundo, 23 mai 2004. - VALLEJO, Javier : « La espada y
la pared », El País, 15 mai 2004.
- MOLINA, Margot : « «Gurs, Una tragedia europea»,
de Semprún se estrena en Sévilla », El País,
20 mai 2004.
- MOLINA, Margot : « «Gurs», de Semprún
decepciona en Sevilla », El País, 22 mai 2004.
- MARTÍNEZ, Lara : « Jorge Semprún cierra la
temporada del Teatro Central con el estreno de «Gurs» »,
ABC, 20 mai 2004.
- MARTÍNEZ, Lara : « Interesante coloquio poco
teatral», ABC, 22 mai 2004.
- FERNÁNDEZ, Blas : « Semprún reflexiona sobre
el exilio en «Gurs, una tragedia europea », Cultura y Ocio,
Diario de Sevilla, 20 mai 2004.
- GÓMEZ, Rosalía : « Materiales para una
exposición », Cultura y Ocio, Diario de Sevilla, 21 mai
2004.
- POSADAS, Maribel: « El reino de la palabra de
Semprún », El Correo de Andalucía, 20 mai 2004.
5. Dossier de presse de Nice
Gurs
- CHÂLES, Jean- Louis : « Tragédie
européenne », Semaine des spectacles, N°1680, du
mercredi 1er au mardi 7 décembre 2004.
- S.n. : « Gurs : le martyre de l'Europe »,
Nice-Matin supplément JV, le Journal de Vos loisirs, 1
décembre 2004.
- BERTOLINO, Georges : « Semprún l'Européen
», Nice-Matin, vendredi 3 décembre 2004.
- BERTOLINO, Georges : « Théâtre National de
Nice : « Gurs », mémoire d'un camp »,
Nice-Matin, jeudi 9 décembre 2004.
- O.G. : « Le devoir de mémoire », La
Strada, culture et loisirs, 15 novembre au 5 décembre 2004.
- GUIDO, Pierre : « Gurs, une tragédie
européenne », Pac Hebdo, du 10 au 16 décembre 2004,
p 10.
- BARBARIN, Jacques et CHOLLET, Denis : « Jorge
Semprún : rencontre avec un homme admirable », Pac Hebdo,
du 10 au 16 décembre p 9-10.
- CHERY, Brigitte : « Entretien avec Jorge Semprún
» et « Les Internés de Gurs »,
Art Jonction, le journal d'information culturelle et d'art
contemporain du Sud et d'ailleurs, Bimestriel N°49, Janvier/
février 2005.
6. Dossier de presse de Luxembourg
Gurs
- S.n. : « Gurs, une tragédie européenne
», Rendezvous Lëtzebuerg, décembre 2004. - ZEIMES,
Josée : « Solidarité dans le malheur »,
Lëtzebuerger Land, 24 décembre 2004.
- S.n. : « Gurs », Luxemburger Wort, 1
décembre 2004.
- GILBART, Stéphane : « Deux pages auraient suffi
», Luxemburger Wort, 17 décembre 2004.
- S.n. : « Tragédie européenne », La
voix du Luxembourg, 2 décembre 2004.
- S.n. : « les populations déplacées »,
La voix du Luxembourg, 14 décembre 2004. - GILBART,
Stéphane : « Un rendez-vous manqué », La voix du
Luxembourg, 18
décembre 2004.
- S.n. : « Gurs, une tragédie européenne
», Nico, Décembre 2004- Janvier 2005. - S.n. : «
Gurs, une tragédie européenne », Tageblatt, 4-4
décembre 2004.
- S.n. : « Evénement du mois », Tageblatt :
Kulturissimo, 8 décembre 2004. - Att. : « Une leçon
d'Histoire », Tageblatt, 20 décembre 2004.
- S.n. : « Gurs, Une tragédie européenne
», Journal, 8 décembre 2004.
- CLARINVAL, France : « Le théâtre, miroir de
l'Europe », Le Quotidien, 11/12 décembre 2004.
- S.n. : « Théâtre », Revue,
n°50, 11 décembre 2004.
7. Dossier de presse de Paris
Gurs
- BERTOLINO, Gilbert : « Paris : première de «
Gürs » créée à Nice par Jorge Semprún et
Daniel Benoin », Nice-Matin, 12 mars 2006.
- K.W. : « Gurs », L'arche, mars 2006.
- S.n. : « Au Rond- Point « Gurs, une tragédie
européenne » signée Jorge Semprún », AFP
Mondial, 5 avril 2006.
- SELLES-FISCHER, Evelyne : « Gurs, ou l'Europe
privée de liberté », Historia,
mars 2006.
- SALINO, Brigitte : « A la mémoire du camp de Gurs
», Le Monde, 16 mars 2006.
- FF. : « Gurs, une tragédie européenne
», Le Point, du 30 mars au 5 avril 2006.
- COSTAZ, Gilles : « Tragédie européenne
», Les Echos, 3 avril 2006.
- HAN, Jean-Pierre : « L'Europe, selon Semprún
», Témoignage Chrétien, 6 avril
2006.
- S.n. : « Gurs, Une tragédie européenne
», Impact Médecines, du 6 au 12 avril 2006.
- L.L. : « Gurs », L'Express Mag du 13 au 19
avril 2006.
- S.n. : « Un devoir de mémoire assommé
hélas par sa pédagogie »
avoir-alire.com 29
mars 2006.
- AUGSTEIN, Franziska : « Eine europäische
Tragödie », Süddeutsche Zeitung, 14
mars 2006.
8. Dossier de presse de Berlin Gurs
- S.n. : « Semprún-Stück aus Nizza zu Gast im
BE », BZ, 18 août 2006.
- Dpa.: « Brecht-Fest am Berliner Ensemble »,
Neues Deutschland, 19/ 20 août 2006. - SHÜTT, Hans-Dieter:
« Fluch Dialektik? » Neues Deutschland, 22 août
2006.
- MEIERHENRICH, Doris: « Anrufung als Verweigerung » ,
Berliner Zeitung, 21
août 2006.
- FUNKE, Christoph : « Gut und Börse »,
Tagesspiegel, 26 août 2006.
9. Dossier de presse de Hambourg Learning
Europa
- WITZELING, Klaus : « Die Sozialthematik ist mein Zentrum
», Hamburger Abendblatt, 30 mars 2004.
- Ino.: «Was verbindet und was trennt uns? »,
Hamburger Abendblatt, 1er avril 2004. - Asti.: « Drei Gruppen
spielen synchron », Hamburger Abendblatt, 1er avril 2004.
- SCHELLEN, Petra : « Das unerträgliche Geschrei des
Nachbarn », die tageszeitung,
1 avril 2004.
- P.S. « zwischenruf », die tageszeitung, 3
avril 2004.
- SCHELLEN, Petra : « Starke Störungen », die
tageszeitung, 6 avril 2004.
- STIEKELE, Annette: « Das Herz des Kontinents »,
Szene Hambourg, avril 2004. - S.n.: « Zusammen »,
Prinz, du 25 mars au 30 avril 2004.
- ALTMANN, Felix : « Learning Europa », Hamburg
peo, du 25 mars au 7 avril 2004.
- Stg. : « Uraufführung am Thalian dann wird inganz
Europa gespielt », Die Welt, 17 mars 2004.
- OBERACKER, Susann : « Was ist denn nun Europa »:
Hamburger morgen post, 5 avril 2004.
10. Dossier de presse de Francfort Learning
Europa
- HIERHOLZER, Michael : « Scherz, Satire ohne höhere
Bedeutung », Frankfurter Allgemeine Zeitung, Rhein-Main-Zeitung,
Frankfurt, 17 avril 2004.
- STAUDE, Sylvia : « Kleines Land mit glücklichen
Schläfern », Frankfurter Rundschau RheinMain, 17 avril
2004.
- Ner.: « Premiere im Schauspiel : Ein Wildes Europa
», Bild, Frankfurt, 16 avril 2004.
- HLADEK, Marcus : «Wir bauen uns ein Baumhaus »,
Frankfurter Neue Ppress, Kultur, 17 avril 2004.
- PROBST, Sonja : « Organisiertes Durcheinander »,
Wiesbaden Kurier- on line, 17 avril 2004.
- Ir.: « Sechs Städte, sechs Stücke »,
Frankfurter Allgemeine Zeitung, BühnenSeiten, 29 mars 2004.
11. Dossier de presse de Luxembourg Learning
Europa
- S.n. « Innovaties europäische Theaterprojekt :
Learning Europe » Tageblatt, 19 mai 2004.
12. Interview
- CANNELIS, Patricia: lors de mon stage au sein de la CTE du 7
mars 2007 au 7 juin 2007, Paris.
- MÜLLER, Christa : entretien le 22 juin 2007 au
théâtre du Vieux Colombier, Paris. - SALIN, Gisèle :
entretien le 23 juin 2007 au théâtre du Vieux Colombier, Paris.
- CORNISTEANOU, Mircea : entretien le 23 juin 2007 au
théâtre du Vieux
Colombier, Paris.
- MARCELIN, Valéria : entretien le 27 juin 2007 au
siège de l'UTE à Paris.
|
|