Notre travail a pour objectif, celui d'étudier les
facteurs de risque qui sont à la base de la survenue de
l'épidémie de cholera à Lubumbashi et proposer une
stratégie adéquate de lutte afin de contribuer à
l'amélioration de l'état de santé de notre population.
En ce qui concerne l'âge des patients (Tableau III), il
s'observe que l'âge moyen des sujets affectes par le cholera est de
21,9#177;16,5 ans. Pour certains auteurs, l'âge moyen était de 27
ans et 8 mois à Madagascar en 2001(28). Cependant, une étude sur
les facteurs de propagation de l'épidémie de choléra au
Mali en 2003, l'épidémie a touché tous les âges
à partir de 1 an avec une prédominance de la tranche d'âge
de 20 ans qui semble être la plus mobile dans ces régions.
L'âge médian est de 24 ans (26). De même notre étude
a montré que l'âge minimal est de 1 an et que l'âge le plus
touché est celui des enfants de 10 ans et l'âge médian est
de 19 ans. Dans une étude effectuée en Inde, la moitié des
cas étaient des enfants des moins de 10 ans (50). En 2004, une
étude réalisée à Dakar a montré que
l'âge moyen était de 30 ans (30). Il découle de ces
constatations que l' 'âge des sujets susceptibles d'être
frappés par le cholera est variable d'un pays à un autre.
S'agissant du sexe (Figure 2), les études
précédentes de Madagascar et de Dakar ont donné
respectivement les sex ratio de 1 et 1,33 .Notre étude a trouvé
un sex ratio de 1,43. Cela traduit que les hommes ont 1,43 fois plus de risque
de contracter le cholera que les femmes (28,30). Dao et coll. ont trouvé
que le sex ratio est de 1,03 en faveur des hommes dans une étude
effectuée au Mali en 2005 (26). Dans tous les cas, nous avons
trouvé qu'il y a une surreprésentation des hommes sauf au
Madagascar qui peut également faire l'objet d'une étude
ultérieure.
Concernant la provenance des sujets des malades, Diop et ses
collaborateurs ont décrit, dans une étude réalisée
en 1991 sur le choléra à Dakar, que cette maladie du péril
fécal, s'est toujours développée dans les quartiers
densément peuplés avec d'importants problèmes
d'hygiène, d'eau et d'assainissement entretenant des relations
commerciales avec des espaces « sources » (45,49). Cela a
été également décrit au Bengladesh et à
Douala (29,37). Au regard de l'allure de la tendance de la fréquence des
cas observée dans les zones de santé de Katuba,
Kampemba et Kenya, le nombre des cas de cholera est
proportionnel à l'importance démographique (Tableau I et figure
3).
Concernant la source d'approvisionnement en eau de
consommation et en analysant les mesures d'association, nous avons retenu des
facteurs de risque sur base de l'interprétation de l'OR, l'IC à
95% et le p value. La source d'approvisionnement montre dans notre étude
que L'OR= 1,37. Cela traduit que la probabilité d'être
exposé au cholera est 1,37 fois plus élevée chez les
personnes qui boivent l'eau de puits que chez celles qui boivent l'eau du
robinet. L'IC ne contient pas 1 d'où le test est significatif. Le KHI
carré est significatif car p est inférieur à 0,05. Nous
rejetons l'hypothèse nulle (H0) d'indépendance au profit de
l'hypothèse alternative (H1).
Le seul fait d'être relié au réseau de
distribution d'eau ne suffit pas à enrayer un processus
épidémique (28). Ceci notamment, compte tenu du
phénomène « KISHIMPO » (41). Il s'agit d'un puits
creusé aux dépens d'une fuite créée sur le trajet
de la tuyauterie du réseau de distribution d'eau pour desservir certains
quartiers privés d'eau. Ceci a pour conséquence de drainer en
aval de microbes du fait que cette source artificielle n'est pas
aménagée pour donner de l'eau potable. Cela a pour
conséquence de perturber la régularité de la distribution
d'eau et la détérioration de la qualité de cette
dernière.
Shapiro et coll. ont montré dans leur étude en
1999 que l'eau reste considérée comme un facteur fondamental de
responsabilité épidémique (40). Dans une l'étude
réalisée au Mali en 2005 par Dao et Coll. sur les facteurs de
propagation, la manque d'eau potable été retenu comme un facteur
de risque de cholera (26). De même, les maisons sans eau courante au
Brésil avaient un taux d'attaque supérieur (38).
Selon les résultats de notre étude, la
consommation des fruits, tubercules et aliments étalés au sol par
les vendeurs au bord de la route expose 7,87 fois plus au risque de contracter
le cholera. Mais à Mbuji- Mayi,le fait de manger les arachides et les
beignets vendus sur la route expose 3,26 fois plus au risque de contracter le
cholera (OR=3,26) (19). Le fait de manipuler les aliments par les vendeurs ou
les acheteurs peut être également une source de contamination.
De même, l'inexistence d'une latrine hygiénique
expose 11,65 fois plus au risque de contracter le cholera dans notre
étude. Par contre, dans l'étude réalisée à
MBUJI-MAYI, l'exposition est de 2,47 fois plus de risque de contracter le
cholera (OR=2,47) (19). Cette association serait due au rôle de vecteur
des maladies jouées par les mouches (29). Au mali, les matières
fécales sont parfois éliminées dans les fosses septiques
qui ne sont pas bien protégées ou sont carrément
déversées dans de rivières ou emportées par les
eaux de ruissellement (26). Dans les mêmes conditions de notre
étude, les « kishimpo » sont la cible de ces eaux usées
suite à la difficulté d'évacuation d'eau lors de saisons
des pluies. Cela est aussi déploré au Comores (11). Par ailleurs,
les zones d'aisance sont souvent proches des points d'eau, le risque de
contamination de la nappe phréatique est tout aussi possible (28).
Le manque de traitement de l'eau de boisson est retenu comme
facteur de risque dans notre étude. Le recours à l'utilisation de
l'eau de boisson non traitée expose 8,6 fois plus au risque de
contracter le cholera à Lubumbashi (OR=8,6).A Pohnpei, la
présence d'une solution de chlore s'est révélé
être protecteur. (OR<1)(48). Le fait de bouillir l'eau est
également une méthode pour la débarrasser des microbes
nuisibles à la santé (31).
Par ailleurs, selon notre étude, le contact avec un
cholérique expose 93,4 fois plus au risque de contracter la maladie
(OR=93,4). A Mbuji Mayi, L'OR pour ce facteur est de 5,370 (19). Shapiro et al
ont trouvé au Kenya une association entre le fait d'avoir reçu
des aliments de quelqu'un qui a une diarrhée aqueuse et le cholera (40).
Il y a également d'autres contextes au cours desquels, on peut entrer en
contact avec un cholérique notamment lors des rites funéraires,
des visites, et des soins (17,26,28) .
Le manque d'un système d'évacuation de
déchets (ordures ménagères) expose 22,84 fois plus au
risque de contracter le cholera. (OR=22,84). Ceci est souvent à
l'origine des conditions d'hygiène précaire telle que
identifiée à Madagascar et à Douala (28,29).Ipso facto,
les mouches trouvent un milieu propice pour leur développement ainsi que
toutes les conséquences qui en découlent dans un environnement
précaire. Dans l'étude effectuée à Mbuji Mayi, la
présence des mouches autour de repas expose 2,88 fois plus au risque de
contracter le cholera (OR=2,88) (19).
Le faible niveau d'étude a montré qu'il expose
à 2,29 fois plus au risque de contracter le cholera (OR=2,29). D'autres
travaux l'avaient déjà identifié comme facteur de risque,
notamment celui de Renaud Piarroux aux Comores en 1998 ainsi que celui de Ali
et al au Bengladesh en 2002 (11,37).De plus, Quick et al ont montré que
les connaissances de la population sur les moyens de prévention du
cholera est un facteur protecteur (OR=0,2 ; IC 95% = 0,1-0,8) (47).
La consommation des aliments crus a pu être
identifiée comme exposant 4,45 fois plus au risque de contracter le
cholera dans notre étude (OR= 4,45). Quick et coll. ont identifié
ce facteur au Salvador avec un OR de 7,0 et un IC à 95% de 1,4 à
35,0. Le vibrio cholerae peut survivre à la surface des aliments pendant
5 jours à la température ambiante et jusqu'à 10 jours
à 5-10°C (47). Dans une étude réalisée en
Colombie- britannique, la consommation des fruits de mer crus ou insuffisamment
cuits a été identifiée comme facteur de risque (27). KIRK
et AL ont identifié comme facteur de risque le fait de garder les repas
non couverts (OR>1) (48).
Exceptionnellement, le sexe n'a pas d'effets sur la survenue
du cholera à cause du fait que l'OR est de 1 d'après notre
étude. Nous n'avons pas trouvé dans la littérature
d'autres études à ce sujet. Les facteurs tels que la ration
journalière, le nombre de pièce par maison, le nombre de
personnes par pièce se sont révélés comme facteurs
protecteurs car leur OR est inférieure à 1.
Cependant, le manque d'utilisation de lave-mains,
c'est-à-dire la non utilisation, de l'eau courante, du savon ou de
bassins différents, avant de manger ou après les selles expose
11,71 fois plus au risque de contracter la maladie. D'autres études
l'ont également attesté. En effet :
> Rodrigue et coll. ont montré que :
o Avoir un savon dans la maison (OR=0,3 ; IC=0,1-0,8) ;
o Ne pas manger avec les doigts (OR<1),
Constituent ainsi des facteurs protecteurs (17).
> Michael et coll. ont décrit en le fait que se
laver les mains avec du savon avant le repas
familial est un facteur
protecteur en Afrique de l'ouest (OR=0,2 ; IC=0,02-0,96) (46).
> Kirk et coll. ont trouvé que le fait de se laver
les mains après avoir été à la toilette et avant de
manger, la disponibilité du savon dans la cuisine ainsi que
l'utilisation de 2 ou plus de bassins pour se laver les mains sont des facteurs
protecteurs (OR <1) (48). Paradoxalement, une étude
réalisée à Mbuji Mayi a montré que le fait de ne
pas se laver après avoir été à la toilette est
facteur protecteur (OR=0,3 1). Ce qui est contraire à la
littérature (19).
Abordant le système de conservation de l'eau, notre
étude a montré que la conservation de l'eau dans un seau ou
bassin ou encore dans un récipient à collet non étroit
expose 3,36 fois plus au risque de contracter la maladie (OR : 3,36).Cette
forme du récipient présente une susceptibilité à
une contamination chaque fois qu'on y trempe les doigts pour tenter de puiser
de l'eau. A Mbuji Mayi, ce même facteur a eu un OR de 2,53 contre un OR
de 3,7 en Guinée Bissau (17,19).D'où l'utilisation d'un
récipient à collet étroit tel qu'un bidon ou un fût
constitue un facteur protecteur. C'est le cas pour l'étude
réalisée à Pohnpei (48). A Salvador, boire de l'eau en
dehors du ménage expose 8,8 fois plus au risque de contracter le
cholera. C'est un facteur de risque (OR=8,8 ; IC à 95%= 1,7-44,6) (47).
Ceci est justifié par le fait qu'on ne sait pas les habitudes de chaque
maison en matière de conservation de l'eau. Pire encore l'eau du lac ou
d'une rivière ne présenterait aucune garantie car ces
réserves constituent les espaces « sources » qui jouent le
rôle de foyers de départ des épidémies mais aussi de
« sanctuaires » de la maladie en période d'accalmie (45).