1.2. Historique.
Le chapitre ci-dessous est majoritairement inspiré de
l'ouvrage de Naomi Klein «No Logo - La tyrannie des marques
»14 . Ce livre a connu un immense succès
international.
13 Orthographe espagnole.
14 Naomi Klein « No Logo -La tyrannie des marques
», Acte Sud, collection Babel, 2001- 2002
· Actuellement, les industries vendent une «
manière d'être », une manière de vivre, plus que des
produits. Elles ont abandonné le discours classique sur la
qualité des produits. Dès lors que les entreprises deviennent
moins des « producteurs de produits » que des « courtiers en
signification », elles imposent à la société leur
propre système de valeurs « éthiques » et
esthétiques. Elles sortent de la sphère privée pour
imposer des représentations culturelles.
· Le sens premier de « publicité » est
de rendre publique une information. Dans ce sens, elle est un corollaire de
toute activité commerciale. « La publicité est une forme de
communication qui vise à convaincre un public des mérites d'un
produit ou d'un service et répond à une commande.
»15 « Publicité » est donc différent de
« branding » qui fabrique une différence d'image, une
manière de vivre.
· Avec l'avènement de la société
capitaliste, le but de la publicité change. Il s'agit désormais
de convaincre une clientèle de plus en plus vaste. Il faut fabriquer, en
même temps que le produit, la différence d'un produit par rapport
à un autre, élaborer une image autour de la version d'une marque
particulière d'un produit. « Le premier rôle du «
branding » fut d'accorder des noms propres à des marchandises
génériques telles le sucre, la farine, le savon... »16
· « Les premières campagnes de marketing de
masse, dans la seconde moitié du XIXème siècle,
relevaient d'avantage de la publicité que du « branding » au
sens où nous l'entendons aujourd'hui [...] les réclames devaient
informer les consommateurs de l'existence d'une nouvelle invention, puis les
convaincre du fait que l'utilisation du nouveau produit rendrait leur vie
meilleure [...] Nombre de ces nouveaux articles portaient des noms de marque,
mais la chose était presque accidentelle. Ces inventions étaient
nouvelles en soi ; ce fait était presque une publicité
suffisante. » 17
· « Les premiers produits de marque apparurent vers
la même époque que les annonces d'invention, en grande partie, en
raison d'une autre innovation relativement récente : l'usine. Lorsque
débuta la production industrielle, non seulement, on présentait
des
15 Paul Aron, « Publicité », Le
dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.
16 Naomi Klein « No Logo - La tyrannie des
marques », Acte Sud, collection Babel, 2001- 2002, p 33.
17 Ibidem p 32
produits entièrement nouveaux, mais des produits
connus - voire des articles de base - apparaissent sous des formes
remarquablement nouvelles. Ce qui rendait les premiers efforts de «
branding » différents de la vente plus simple et directe, c'est que
le marché se trouvait inondé de produits uniformes, de
fabrications massives, presque impossibles à distinguer les uns des
autres. Le « branding » concurrentiel devint une
nécessité de l'ère industrielle - dans un contexte de
monotonie manufacturée. »18
· « Dans les années 1880, on présenta
des logos commerciaux de produits de fabrication massive, dont la soupe
Campbell, les cornichons H J Heinz, les céréales Quaker Oats
(leurs logos étaient conçus de façon à
évoquer la familiarité et la vie rurale, de façon à
contrebalancer l'anonymat nouveau et troublant des marchandises
emballées) [...] Une fois établis les noms des produits et les
personnages (Uncle Ben's, Aunt Jemima...), la publicité leur attribua
une tribune pour leur permettre de s'adresser directement aux consommateurs
éventuels. La « personnalité commerciale, nommée,
emballée et annoncée d'une façon distinctive était
arrivée.»19
· « Dés la fin des années 1940, on
commença à prendre conscience qu'une marque était bien
plus qu'une mascotte, une formule ou une image imprimée sur
l'étiquette d'un produit, l'entreprise dans son ensemble pouvait avoir
une identité de marque ou une « conscience commerciale »,
ainsi qu'on désignait à l'époque cette qualité
éphémère. A mesure que cette idée évoluait,
le publicitaire cessa de se considérer comme un bonimenteur et devint
« le roi philosophe de la culture commerciale » selon l'expression du
critique publicitaire Randall Rothberg. A la recherche de la signification
véritable des marques, les agences délaissèrent
graduellement les produits et leurs attributs, en faveur de l'examen
psychologique et anthropologique du sens des marques dans la culture et la vie
des individus. Cela parut avoir une importance cruciale, car, si les
entreprises fabriquent des produits, ce sont les marques que les consommateurs
achètent. Il a fallu plusieurs décennies au monde de la
fabrication pour s'ajuster à ce changement. Il s'accrochait à
l'idée que son activité première était tout de
même la production, le branding en étant un complément
important. »20
18 Ibid. pp 32-33.
19 Ibid. pp 33- 34.
20 Ibid. p 35.
· « Puis dans les années 1980, la marque
acquit une valeur de capital, et cette obsession atteignit un moment
décisif en 1988, lorsque Philip Morris acheta Kraft pour six fois la
valeur théorique de la société. La différence de
prix provenait du poids financier du mot Kraft. [....] Il s'agissait donc
d'élargir l'envergure des ententes de sponsoring, d'imaginer de nouveaux
domaines dans lesquels « élargir » la marque, et de
perpétuellement sonder l'esprit du temps pour s'assurer que «
l'essence » choisie pour sa marque se trouvait en résonance «
karmique » avec son marché cible.[ ...] cette mutation radicale de
la philosophie commerciale frappa de boulimie les fabricants : ils
s'emparèrent du moindre coin de paysage vierge de marketing, à la
recherche de l'oxygène nécessaire pour gonfler leurs marques
[...] pratiquement rien ne fut laissé sans marque. »21
· La fin du XXème siècle
connaît une véritable réinvention de la marque.
Après la Deuxième Guerre mondiale, l'industrie publicitaire se
développe de manière importante : elle doit convaincre le
consommateur de ne pas acheter le moins cher mais le « mieux » car le
propre de la publicité est à présent de persuader que si
un article est plus coûteux, c'est incontestablement parce qu'il est en
rapport avec un univers valorisant, « branché », porteur d'un
« plus » incomparable qui justifie son surcoût. Ces univers
trouvent leurs références dans les cultures « new age »
(Général Motors), futuristes (Microsoft, Apple), sport (Nike,
Gap), écologistes (Body Shop, StarBuck), ludiques (Disney, Mc Donald' s,
Coke) ...
« C'est le branding : la marque X n'est plus un produit
mais un style de vie, une attitude, un ensemble de valeurs, un look, une
idée. »22 Même les marques « Produit Blanc
» qui ne sont pas supposées être des marques, le deviennent
car elles correspondent à une philosophie de vie.
21 Ibid. pp 35-36.
22 Ibid. p57.
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