UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES FACULTE DE PHILOSOPHIE ET
LETTRES
TWINGO, VUITTON, LEXOMIL, CARAMBAR ET ROUDOUDOU ...
ETUDE DE L'UTILISATION DES NOMS DE MARQUE DANS LES ROMANS CONTEMPORAINS.
Laetitia van de Walle. Mémoire rédigé sous
la direction de
Monsieur le Professeur Albert Mingelgrün, en vue de
l'obtention du titre de licencié en langues et littératures
romanes.
ANNEE ACADEMIQUE 2004-2005.
Remerciements
Je tiens tout particulièrement à remercier Monsieur
le Professeur Albert Mingelgrün pour son soutien et ses connaissances
pointues qui m'ont été d'une grande aide. Je tiens
également à remercier Monsieur Alain Berenboom, pour l'entretien
qu'il m'a accordé et les lumières qu'il m'a apportées dans
son domaine. Je suis reconnaissante envers toutes les personnes qui ont
collaboré avec une grande gentillesse à ma recherche de romans
comprenant des marques ; aux auteurs qui ont bien voulu répondre
à l'enquête que je leur ai distribuée à la Foire du
Livre de Bruxelles. Enfin cette recherche n'aurait pu être menée
à bien sans l'aide de mes proches. Merci à mes parents, Sylvie et
Arnould van de Walle pour leur soutien et leur aide précieuse, à
Agnès et Jean-Louis Franeau, à Madame Tamburo, à Anne
Sophie Close et Natacha George pour leurs conseils avisés. Merci
à tous ceux qui m'ont soutenue et supportée tout au long de ce
travail qui ne s'est pas déroulé sans peine, merci
spécialement à Julie, ma compagne dans cette épreuve et
à Sophie pour sa motivation, à Quentin pour sa patience et
à Rachel pour sa mémoire salvatrice. Je voudrais encore remercier
mes parents de m'avoir permis de suivre ces études, et le chocolat
Côte d'Or pour le courage qu'il m'a procuré.
« Je crois que la principale erreur de notre temps est
de chercher en toutes choses la vitesse [...] elle abrutit les gens qui
seront bientôt conduits par ce train des affaires à la
stupidité diligente des abeilles. [...] les yeux ne voient plus les
choses, ils ne voient que des résumés des choses, les hommes
avalent l'univers en pilules et la science en comprimés.
»
Alain, « Propos », 1969.
Table des matières.
TABLE DES MATIÈRES. 4
INTRODUCTION. 6
PREMIÈRE PARTIE : CONSIDÉRATIONS
GÉNÉRALES. 13
1. UNE CULTURE « MARQUÉE ». 13
1.1. Notion de marque. 13
1.1.1. Définition. 13
1.2. Historique 14
1.2. Modernisme et culture. 18
2. UNE LITTÉRATURE « MARQUÉE ».
20
2.1. Le roman. 20
2.3. La réalité. 20
2.3. Les marques, indices de réalité. 22
DEUXIÈME PARTIE : THÉORIE POUR UNE
ANALYSE NARRATOLOGIQUE DES NOMS DE MARQUE 25
1. INTRODUCTION. 25
2. ROLAND BARTHES : « INTRODUCTION À L'ANALYSE
STRUCTURALE DES RÉCITS » 25
2.1. Première distinction : « fonctions » et
« indices » 25
2.2. Seconde distinction : « les fonctions ».
26
2.2.1. « Fonctions cardinales » et « fonctions
catalyses ». 26
2.2.2. « Indices » et « informations
». 27
2.3. Combinaisons des différentes unités.
27
3. Pour l'analyse de marques. 27
TROISIÈME PARTIE : ANALYSE NARRATOLOGIQUE DES
MARQUES 30
1. INFORMATIONS / EMPLOI CARTE D'IDENTITÉ. 30
1.1. Espace. 30
1.2. Temps. 31
1.3. Personnage 33
1.3.1. Age. 33
1.3.2. Métier et employeur. 36
2. INDICES ET PORTRAIT / EMPLOI DE LA DOXA. 37
2.1. Indices 37
2.1.1. Espace / Atmosphère. 37
2.1.2. Personnage/ Caractère. 39
2.2. Portrait. 43
2.2.1. Critères physiques. 44
2.2.2. Critères psychologiques 45
2.2.3. Critères sociaux. 49
2.2.3.1. Lieux fréquentés 49
2.2.3.2. Les voitures. 51
2.2.3.3. Habitat 53
2.2.3.4. Habitudes alimentaires. 55
2.2.3.5. Habitudes vestimentaires 58
3. FONCTIONS « CATALYSES »/ EMPLOI MARQUE COMME
NOM. 60
3.1. Espace fixe éclaté. 60
3.2. Espace mobile ouvert. 60
3.3. Temps. 61
3.4. Personnage / routine. 62
4. FONCTIONS « CARDINALES » / EMPLOIS POUR LE
PRODUIT DE BASE 63
4.1. Sujet. 63
4.2. Destinateur 64
4.3. Destinataire. 66
4.4. Objet. 66
4.5. Opposant. 67
4.6. Adjuvant. 69
QUATRIÈME PARTIE : RÉPERCUSSION DE
L'UTILISATION DES MARQUES DANS LES ROMANS. 76
1. FIGURES DE STYLE. 76
2. LINGUISTIQUE 80
3. LÉGISLATION. 86
CONCLUSION. 89
ANNEXE 1 : RÉSUMÉS DES OEUVRES
ANALYSÉES 93
ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE DISTRIBUÉ À LA
FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES EN FÉVRIER 2005. 111
ANNEXE 3 : DOCUMENTS JURIDIQUES 112
BIBLIOGRAPHIE 120
Introduction.
Nous avons décidé du choix du sujet de notre
mémoire en partant d'une simple constatation : au fil de nos lectures,
nous avons pu nous rendre compte de l'insertion de plus en plus courante de
noms de marque au sein des textes littéraires.
A la Foire du Livre de Bruxelles, nous avons interrogé
les auteurs présents, les invitant à expliquer pour quelles
raisons ils en font usage dans leurs textes. Certains écrivains ont paru
surpris par la question. Globalement, cette pratique répond à un
souci de mimésis par rapport à notre quotidien, c'est un indice
facile, évident. En outre, cette pratique peut aussi servir à
arrimer une histoire dans un pays et/ou à une époque
précise. Certains, comme Xavier Deutch, évoquent même une
incorporation des marques pour la couleur qu'elles impliquent.
Cependant, à l'exception d'un article du magazine
Lire intitulé « Les écrivains corrompus par la pub
? »1 qui trace un rapide panorama des contrats
économiques entretenus entre la littérature et la
publicité au XXème siècle, le monde
littéraire ne semble pas s'intéresser outre mesure à ce
phénomène.
Le propos du périodique Lire est centré
sur Fay Weldon en Angleterre et Luigi Malerba en Italie, qui ont
accepté, moyennant finances, de mettre leurs plumes
célèbres au service de la publicité. Mais ces auteurs ne
sont pas pionniers. En effet, depuis quelques décennies
déjà, la publicité s'intéresse à la
littérature, les autres médias étant saturés
d'annonces publicitaires.
Ces deux écrivains représentent les deux voies
de pénétration de la publicité dans les oeuvres
littéraires, à savoir, d'une part l'insertion d'encarts
publicitaires au début, à la fin ou entre les chapitres et,
d'autre part, la compromission du texte lui-même par des valeurs
commerciales. Si la première méthode a fait ses preuves notamment
dans l'industrie des polars (Le Masque, le Fleuve Noir...) attirée par
leur large tirage, Gérard de Villiers fit de la seconde une
véritable industrie avec ses SAS.
Comme nous pouvions nous y attendre, des voix
s'élèvent, considérant ce procédé
révoltant, en hurlant haut et fort que le dernier bastion de
liberté est en train de tomber aux mains de cupides publicitaires...
Mais là n'est pas notre préoccupation puisque les auteurs
1 Marie Gobin, « Les écrivains corrompus
par la pub ? », Lire, Paris, novembre 2001, numéro 300,
pp46-55
choisissent d'écrire grâce aux subsides de qui bon
leur semble : groupe commercial, Communauté Française ou
éditeurs.
Mais d'où vient cette habitude d'utiliser des marques ?
Historiquement, l'introduction de la publicité est
liée à la vie en ville, dès le début de
l'industrialisation. Balzac, déjà, s'amusait à
rédiger le prospectus de la « double pâte des Sultanes et
eaux carminatives » dans le roman qui raconte l'ascension sociale de
« César Biroteau » (1838)2. De même, Emile
Zola dans « Au bonheur des dames » décrivait le recours
à un certain nombre de procédés « publicitaires
» tout à fait neufs utilisés lors de l'ouverture du premier
grand magasin à Paris sous le Second Empire : le « Bon
Marché ». Il apparaît que « la publicité devient
un symbole de la modernité. Apollinaire, les dadaïstes et les
surréalistes, au début du XXe siècle, n'hésitent
plus à introduire des publicités existantes dans leurs oeuvres.
»3
Outre-Atlantique, ce phénomène s'est mué
en une véritable institution, depuis Stefen King qui fut un des premiers
(sinon le premier) aux Etats-Unis à inclure dans ses textes des noms de
fast-food et de sodas4. Bret Easton Ellis s'en est également
fait une spécialité. « Dans « Glamorama » (Robert
Laffont), il enfile les marques - Donna Karan, Ralph Lauren, Gucci, Paul
Smith... - comme des perles. »5 De même, le grand
succès du moment, « Da Vinci code » de Dan Brown, regorge de
références publicitaires.
Nous pouvons rapprocher cette tendance d'une mode plus globale
qui consiste à semer à tout vent dans les textes
littéraires, des noms de journaux, de magazines, des titres de films, de
chansons, d'émissions radiophoniques ou
télévisées... dans le but de créer une certaine
connivence avec le lecteur, voire un conditionnement. Actuellement, Nicolas
Bouyssi fait état d'une polémique au sujet de « la tendance
des écrivains contemporains à référer à des
personnes existantes »6, le dénommé « name
dropping », au lieu de créer leurs propres personnages
fictionnels.
2 Paul Aron « Publicité »,
Dictionnaire du littéraire, PUF, mai 2002
3 Ibidem.
4 Daph Nobody. « Normal, sans doute, pour
quelqu'un issu de la génération Rock N' Roll dont le
cinéma (American Graffiti, Grease...) donne l'impression de constituer
un tourbillon de marques au service du new look et de la grande consommation.
Des marques dans tous les coins, et qui ne vont pas sans influencer la
personnalité des protagonistes. Cela a d'ailleurs nui à King,
dans une certaine mesure. Il fut consacré « auteur fast-food «
aux « romans-hamburgers «, ce qu'il avait, malgré tout,
lui-même encouragé en déclarant qu'il écrivait ses
romans
« dans la seule ambition de les voir consommés
à grande échelle comme des hamburgers de
prêts-à-manger ».
5 Marie Gobin, « Les écrivains corrompus
par la pub ? » Lire, Paris, novembre 2001, numéro 300.
6 Nicolas Bouyssi « Name Dropping »,
journal Particules, Paris, octobre-novembre 2004.
Nous pensons pouvoir établir une certaine analogie
entre le « name dropping » et l'emploi des marques en
littérature. En effet, ces techniques impliquent toutes deux un sens
connotatif important, renvoyant à un ensemble d'idées, de
significations. Pour un personnage, la mention de son nom renvoie à son
statut social et professionnel, sa position politique ou idéologique,
son style... et il en va de même pour une marque, qui par sa simple
mention, réfère à une classe sociale ou d'âge, un
genre de vie, une idéologie, un aspect physique... . Chaque marque
possède une identité ou, par extension, une personnalité
différente.
En effet, l'entreprise, au moment de lancer un produit sur le
marché, déploie tout son savoir de marketing afin de créer
une représentation conceptuelle qui puisse conquérir la
clientèle. Cependant l'image voulue n'est pas toujours celle que l'image
diffusée procure et nous trouvons parfois des divergences entre l'image
voulue et l'image perçue, selon l'âge des consommateurs, leurs
classes sociales, leur situation géographique... donnant naissance
à des stéréotypes dont les producteurs ont beaucoup de mal
à se débarrasser. (Golf, la voiture des voleurs ; Lacoste,
contrefaçons devenues l'apanage des jeunes des cités)
Le phénomène dont nous faisons état dans
les romans, aurait pu s'analyser aussi bien dans la poésie, dans le
théâtre, dans les chansons... Cependant, l'étude des romans
a reçu notre préférence, car aujourd'hui, ce genre
littéraire est dominant. « Il suffit de considérer le nombre
d'éditeurs, d'auteurs, de titres, les tirages et le public.
»7 Ce genre, qui contient une quantité de sous-genres,
présente l'avantage de connaître toutes les gammes de tirage ; de
quelques centaines pour les éditions à compte d'auteur, à
des centaines de milliers pour les Prix, jusqu'à des millions pour les
« best-sellers » !
« A priori sans limite, il peut dire aussi bien
l'individu (toute la littérature du Moi) que le social. Il peut encore
accaparer l'idée de progrès par son engagement ou la critique
sociale, par la production d'une vision du monde qu'il veut précise et
exhaustive (le réalisme) puis scientifique (le naturalisme). De ce point
de vue, le XIXème siècle est bien l'époque
où le roman se constitue en référence. Il se défait
de son image d'invraisemblance pour se poser en garant du réalisme.
»8
Or nous porterons notre attention sur le fait que,
majoritairement, les auteurs qui font usage des marques dans le corps de leurs
textes le font sans aucun intérêt commercial, mais par pur souci
de réalisme.
7 Yves Reuters « Introduction à l'analyse
du Roman », Bordas, Paris, 1991, p 13.
8 Ibidem. p14.
Cette pratique est observable dans un grand nombre de romans
contemporains, nous avons analysé ici aussi bien des histoires ayant
cours dans le milieu de la jet-set parisienne que dans les couches moins
aisées de la société, ou en province, ou en Belgique. De
même, les héros font partie de tranches d'âge
différentes : de l'enfance à l'âge mûr en passant par
l'adolescence et les jeunes adultes. Certains d'entre eux ont une consonance
autobiographique.
Par l'éventail des romans sélectionnés,
nous voulons montrer qu'à tous les niveaux, l'intervention des marques
est patente. Le public serait-il invariablement caractérisé ou
déterminé par les marques ? Sartre écrivait : « C'est
en choisissant son lecteur que l'écrivain décide de son sujet (p
79) » et « c'est le public qui appelle l'écrivain. (p82)
»9
Contrairement à Sartre, Taine pense qu'il est vain
d'expliquer un ouvrage de l'esprit par le public auquel il s'adresse. Il vaut
mieux prendre la condition même de l'auteur pour facteur
déterminant son oeuvre. Dans un roman comme « 99 francs »
où Beigbeder est un publicitaire qui dénonce tous les travers du
monde dans lequel il travaille, nous voyons difficilement comment
décrire son milieu sans utiliser les noms de marques. De la même
manière, Paul- Loup Sulitzer, consultant dans les affaires
internationales, expert économique et financier, dans « Le roi vert
» représente le monde des hommes d'affaires, où la mention
des marques est omniprésente. Clairement, nécessairement et
consciemment, ces auteurs ne peuvent échapper à l'intrusion des
marques, car celles-ci font partie intégrante du monde dans lequel leurs
héros évoluent.
Nous avons choisi de ne pas examiner ces deux ouvrages,
préférant l'étude des romans où la mention des
marques, moins évidente, nous donne l'opportunité d'y trouver des
fonctions originales et plus subtiles pour l'analyse narratologique.
Le corpus, que nous considérons ici, n'est pas
exhaustif. Le choix des oeuvres peut paraître arbitraire, mais il a
été dicté par le souci d'illustrer le
phénomène le plus largement et le mieux possible. Les romans
étudiés ont en commun d'appartenir à une veine
réaliste et actuelle.
Par ailleurs, nous avons compris que les marques, bien plus
que de simples indices de réalité, peuvent également avoir
des conséquences sur le sens du texte. En effet, les publicités
visent un certain type de consommateurs, des classes sociales
particulières... Elles reflètent
9 Jean Paul Sartre, « Qu'est-ce que la
littérature ? » Edition Gallimard, 1948. Pp 79 et 82
des styles de vie. Ainsi donc la marque choisie
répercute dans notre esprit un ensemble d'éléments, de
symboles, d'images, de stéréotypes que nous connaissons bien, car
nous vivons dans un monde « marqué ». Nous appellerons cet
ensemble la doxa. C'est en mesurant le sens de cette doxa que nous arrivons
à voir en quoi l'emploi de la marque est loin d'être anodin et
inutile.
Le présent travail a aussi pour objet l'étude
des « fonctions » que peuvent remplir les marques dans le
développement du texte narratif. Nous tenterons d'étudier comment
celles-ci peuvent se concevoir et/ou enrichir une analyse narratologique.
Pour concevoir le corps de notre travail, nous avons suivi les
enseignements de Roland Barthes qui, dans son article « Introduction
à l'analyse structurale des récits », distingue deux grandes
classes d'unités narratives : les unités intégratives,
d'une part, et distributionnelles, d'autre part.
Les premières comprennent ce que Barthes nomme «
indices » et « informations », tandis que les secondes sont
subdivisées en fonctions « catalyses » et « cardinales
».
Nous devons rappeler que certaines fonctions peuvent
être mixtes. Barthes cite l'exemple du portrait qui se compose d'indices
et d'informations. Nous considérerons le portrait comme une
catégorie à part entière, étant donné
l'importance des personnages dans les romans analysés.
Les catalyses, comme les indices et les informations, sont des
expansions par rapport aux fonctions cardinales lesquelles constituent les
moments risques de l'action : ce sont ces dernières que nous pouvons
véritablement nommer « fonctions narratives ».
A.J. Greimas, successeur de Roland Barthes, a
précisé les fonctions narratives désignées par R.
Barthes et accorde plus d'attention à la notion de personnage. Nous
intégrons donc le schéma actantiel de A.J. Greimas, pour
préciser les rôles que peuvent jouer les marques, en tant que
cardinales.
Pour l'étude narratologique des romans, nous avons
coutume de séparer l'analyse de l'espace, du temps et des personnages.
Donc à l'intérieur des trois classes narratives définies
par Barthes, nous avons intégré une subdivision concernant
l'apport d'un point de vue spatial, temporel et des personnages, afin de rendre
compte le plus complètement possible des structures narratives.
Nous avons procédé de manière empirique
mais détaillée. Dans chaque phrase issue d'un roman, nous nous
sommes demandé ce que la marque apportait à l'intrigue. Nous
n'avons gardé que les exemples les plus probants afin de définir
les différents types d'emplois que peuvent recouvrir les marques dans la
narration.
Afin de permettre une meilleure compréhension, nous
avons placé en annexe les résumés des oeuvres
analysées en fonction des marques.
Nous avons également remarqué que la
banalisation de l'emploi des marques aujourd'hui est telle que les
écrivains en viennent aussi à introduire ces noms à la
manière des noms communs. Nombre de figures de style sont en train de se
forger à partir des noms de marque et de l'image qu'ils impliquent dans
notre inconscient.
Nous pourrions illustrer cette habitude par les commentaires
de Benoît Heilbrunn, sémiologue, professeur de marketing à
l'ESCP-EAP, consultant en stratégies de marques. Ce dernier
écrivait en 2003 : « Qu'on le veuille ou non, la publicité
est devenue un élément marginal et complètement
périphérique d'une société post-publicitaire.
»10 En somme, notre vie est tellement jalonnée,
bombardée de messages publicitaires qu'ils en deviennent paradoxalement
insignifiants. En ce sens, un des rôles principaux joués par les
noms de marque est un enracinement profond dans la réalité.
(Pourtant certaines marques peu connues sont parfois décrites par
l'auteur lui-même comme PKO, Linhogar, BI-Bop.)
Toutefois, c'est avant tout « un choix de l'auteur
d'ancrer un récit dans un quotidien très familier pour la masse
populaire, ou au contraire de l'inscrire dans une visée plus universelle
et intemporelle. »1 1 Et ce choix, loin d'être
dépréciatif, suivrait les recommandations de J-P Sartre qui
déclarait que « Face à la « mass media », les
écrivains doivent apprendre à parler en images, à
transposer les idées de nos livres dans ces nouveaux langages »
.12
Comme nous le voyons, l'emploi des marques dans les romans
n'est pas sans conséquence. Les marques ont ceci de contradictoire que
si elles cherchent à être connues par le plus grand nombre, elles
redoutent également de perdre leur statut de marque pour prendre celui
de nom commun. Leur statut n'est décidément pas clair : en effet,
les marques sont protégées juridiquement, l'écrivain ne
peut donc pas les utiliser à tout vent sans risquer un procès.
Nous commenterons ce point avec Alain Berenboom, auteur et éminent
juriste, que nous avons rencontré et interrogé sur cette
question.
10 Benoit Heilbrunn « Du fascisme des marques
«, Le Monde, Paris, 23.04.04.
11 Daph Nobody, écrivains, réponse au
questionnaire distribué à la Foire du Livre de Bruxelles.
12 Jean Paul Sartre, « Qu'est-ce que la
littérature », Gallimard, 1948. p. 266
Etant donné qu'aujourd'hui les marques font partie
intégrante de notre langage quotidien, on remarque une certaine
confusion face à l'utilisation de la majuscule ou de la minuscule pour
les marques passées officiellement dans le langage usuel. La tendance
serait minimaliste selon le Professeur Dan Van Raemdonck.
Dans la première partie de ce travail, nous exposerons
quelques considérations sur la pénétration de la
publicité dans notre environnement journalier, à telle enseigne
que certains parlent de société « moderne », voire
« Post moderne » ou même « Post publicitaire » et
quelques remarques sur la notion de marque, d'appellation
contrôlée.
Enfin, nous avons cru utile de spécifier la distinction
entre culture de masse et culture populaire pour la clarté du discours.
En effet, les repères de la culture de masse et du pop art, lequel
introduit des objets quotidiens dans son art, sont équivalents aux
marques introduites dans le corps du texte romanesque. La littérature
cherche à se construire comme un miroir du monde réel, c'est
pourquoi les notions de crédibilité et de vraisemblance y sont
primordiales
Quels sont donc les rôles que peuvent jouer les marques
dans l'analyse narratologique du récit ? Est-ce un enrichissement pour
l'analyse ? Quels sont les avantages et les inconvénients de ce
phénomène de saupoudrage de noms de marque ?
Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de
répondre dans cette étude.
Première partie : Considérations
générales.
1. Une culture « marquée ».
Le monde dans lequel nous vivons pourrait être
qualifié de « marqué ». En effet, chaque jour, nous
sommes assaillis, consciemment ou non, par des milliers d'annonces
publicitaires. Dans les rues, le métro, à la radio, à la
télévision, dans les journaux et magazines de toutes sortes, les
logos, vecteurs de l'image des multinationales, sont omniprésents. Nous
les affichons sur notre voiture, notre portable, nos vêtements...
Concrètement, nous sommes transformés en hommes- sandwiches
évoluant dans un espace investi par les marques, il s'agit du «
branding du paysage urbain ».
En outre, aujourd'hui la mondialisation a abouti à la
création d'un univers culturel international de références
commun à la majorité des habitants de la planète, celui de
la consommation des « marques ». Dans les pays pauvres, moins
capitalistes, appelés « en voie de développement »,
certaines marques de cigarettes et Coca-Cola y sont également bien
implantées.
1.1. Notion de marque.
1.1.1. Définition.
Pour l'Organisation Mondiale de la Propriété
Industrielle (OMPI), la marque est « un signe servant à distinguer
les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.
» De cette définition, il faut retenir les deux
éléments essentiels de la marque : son caractère
distinctif et l'indication de la provenance qu'elle véhicule.
La marque se différencie :
- du nom du produit vendu (qui correspond en
général à une réglementation juridique
précise). Par exemple, le fait d'écrire « Chocolat «
garantit que ce produit est fabriqué avec du cacao et du sucre
notamment.
- des noms d'origine indiquant la provenance du produit : vins de
Bordeaux, fromages de Roquefort, pruneaux d'Agen, champagne...
- des noms de personnes : ceux du fabricant, de l'importateur, du
distributeur du produit, noms qui peuvent parfois devenir une marque.
- des signes de qualité qui attestent que le produit
correspond bien à certains critères définis par un cahier
des charges.
L'intitulé de la loi du 4 janvier 1991 (JO du 6.1.91)
distingue les marques de fabrique, de commerce et de service, toutes
obéissant aux mêmes règles.
- Les marques de fabrique garantissent une origine industrielle
du produit (Peugeot, Nestlé, Thomson).
- Les marques de commerce désignent celles qu'un
distributeur appose sur les produits qu'il fabrique lui-même ou le plus
souvent qu'il fait fabriquer. Elles peuvent reprendre le nom de l'enseigne qui
les commercialise (Casino, Monoprix) ou bien avoir des noms spécifiques
(Tissaïa, Tex). Par ailleurs, existent également les marques de
franchise qui identifient les produits d'un réseau (Jacadi, Yves
Rocher).
- Les marques de service identifient les services tous secteurs
confondus : Banque, Assurance, Transport, Restauration, etc.
Toutefois cette distinction peut se révéler
arbitraire car certaines marques peuvent être mixtes, comme c'est le cas
chez les pétroliers où les fonctions « fabrication, commerce
et service » se confondent et dans les grandes surfaces comme Delhaize,
à la fois producteur et distributeur.
NB Dans le cadre de cette étude, nous entendrons
par marque tous les éléments qui,
par la simple mention de leur nom, évoquent un
signifié « unique ». Nous considérons donc comme
marques non seulement des produits, des marchandises mais également des
chaînes d'Hôtels, des restaurants célèbres... qui
sont pourvus d'une renommée mondiale ou d'un poids symbolique important
et propre à un lieu et à une époque : le Ritz, le
café comercial.13
1.2. Historique.
Le chapitre ci-dessous est majoritairement inspiré de
l'ouvrage de Naomi Klein «No Logo - La tyrannie des marques
»14 . Ce livre a connu un immense succès
international.
13 Orthographe espagnole.
14 Naomi Klein « No Logo -La tyrannie des marques
», Acte Sud, collection Babel, 2001- 2002
· Actuellement, les industries vendent une «
manière d'être », une manière de vivre, plus que des
produits. Elles ont abandonné le discours classique sur la
qualité des produits. Dès lors que les entreprises deviennent
moins des « producteurs de produits » que des « courtiers en
signification », elles imposent à la société leur
propre système de valeurs « éthiques » et
esthétiques. Elles sortent de la sphère privée pour
imposer des représentations culturelles.
· Le sens premier de « publicité » est
de rendre publique une information. Dans ce sens, elle est un corollaire de
toute activité commerciale. « La publicité est une forme de
communication qui vise à convaincre un public des mérites d'un
produit ou d'un service et répond à une commande.
»15 « Publicité » est donc différent de
« branding » qui fabrique une différence d'image, une
manière de vivre.
· Avec l'avènement de la société
capitaliste, le but de la publicité change. Il s'agit désormais
de convaincre une clientèle de plus en plus vaste. Il faut fabriquer, en
même temps que le produit, la différence d'un produit par rapport
à un autre, élaborer une image autour de la version d'une marque
particulière d'un produit. « Le premier rôle du «
branding » fut d'accorder des noms propres à des marchandises
génériques telles le sucre, la farine, le savon... »16
· « Les premières campagnes de marketing de
masse, dans la seconde moitié du XIXème siècle,
relevaient d'avantage de la publicité que du « branding » au
sens où nous l'entendons aujourd'hui [...] les réclames devaient
informer les consommateurs de l'existence d'une nouvelle invention, puis les
convaincre du fait que l'utilisation du nouveau produit rendrait leur vie
meilleure [...] Nombre de ces nouveaux articles portaient des noms de marque,
mais la chose était presque accidentelle. Ces inventions étaient
nouvelles en soi ; ce fait était presque une publicité
suffisante. » 17
· « Les premiers produits de marque apparurent vers
la même époque que les annonces d'invention, en grande partie, en
raison d'une autre innovation relativement récente : l'usine. Lorsque
débuta la production industrielle, non seulement, on présentait
des
15 Paul Aron, « Publicité », Le
dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.
16 Naomi Klein « No Logo - La tyrannie des
marques », Acte Sud, collection Babel, 2001- 2002, p 33.
17 Ibidem p 32
produits entièrement nouveaux, mais des produits
connus - voire des articles de base - apparaissent sous des formes
remarquablement nouvelles. Ce qui rendait les premiers efforts de «
branding » différents de la vente plus simple et directe, c'est que
le marché se trouvait inondé de produits uniformes, de
fabrications massives, presque impossibles à distinguer les uns des
autres. Le « branding » concurrentiel devint une
nécessité de l'ère industrielle - dans un contexte de
monotonie manufacturée. »18
· « Dans les années 1880, on présenta
des logos commerciaux de produits de fabrication massive, dont la soupe
Campbell, les cornichons H J Heinz, les céréales Quaker Oats
(leurs logos étaient conçus de façon à
évoquer la familiarité et la vie rurale, de façon à
contrebalancer l'anonymat nouveau et troublant des marchandises
emballées) [...] Une fois établis les noms des produits et les
personnages (Uncle Ben's, Aunt Jemima...), la publicité leur attribua
une tribune pour leur permettre de s'adresser directement aux consommateurs
éventuels. La « personnalité commerciale, nommée,
emballée et annoncée d'une façon distinctive était
arrivée.»19
· « Dés la fin des années 1940, on
commença à prendre conscience qu'une marque était bien
plus qu'une mascotte, une formule ou une image imprimée sur
l'étiquette d'un produit, l'entreprise dans son ensemble pouvait avoir
une identité de marque ou une « conscience commerciale »,
ainsi qu'on désignait à l'époque cette qualité
éphémère. A mesure que cette idée évoluait,
le publicitaire cessa de se considérer comme un bonimenteur et devint
« le roi philosophe de la culture commerciale » selon l'expression du
critique publicitaire Randall Rothberg. A la recherche de la signification
véritable des marques, les agences délaissèrent
graduellement les produits et leurs attributs, en faveur de l'examen
psychologique et anthropologique du sens des marques dans la culture et la vie
des individus. Cela parut avoir une importance cruciale, car, si les
entreprises fabriquent des produits, ce sont les marques que les consommateurs
achètent. Il a fallu plusieurs décennies au monde de la
fabrication pour s'ajuster à ce changement. Il s'accrochait à
l'idée que son activité première était tout de
même la production, le branding en étant un complément
important. »20
18 Ibid. pp 32-33.
19 Ibid. pp 33- 34.
20 Ibid. p 35.
· « Puis dans les années 1980, la marque
acquit une valeur de capital, et cette obsession atteignit un moment
décisif en 1988, lorsque Philip Morris acheta Kraft pour six fois la
valeur théorique de la société. La différence de
prix provenait du poids financier du mot Kraft. [....] Il s'agissait donc
d'élargir l'envergure des ententes de sponsoring, d'imaginer de nouveaux
domaines dans lesquels « élargir » la marque, et de
perpétuellement sonder l'esprit du temps pour s'assurer que «
l'essence » choisie pour sa marque se trouvait en résonance «
karmique » avec son marché cible.[ ...] cette mutation radicale de
la philosophie commerciale frappa de boulimie les fabricants : ils
s'emparèrent du moindre coin de paysage vierge de marketing, à la
recherche de l'oxygène nécessaire pour gonfler leurs marques
[...] pratiquement rien ne fut laissé sans marque. »21
· La fin du XXème siècle
connaît une véritable réinvention de la marque.
Après la Deuxième Guerre mondiale, l'industrie publicitaire se
développe de manière importante : elle doit convaincre le
consommateur de ne pas acheter le moins cher mais le « mieux » car le
propre de la publicité est à présent de persuader que si
un article est plus coûteux, c'est incontestablement parce qu'il est en
rapport avec un univers valorisant, « branché », porteur d'un
« plus » incomparable qui justifie son surcoût. Ces univers
trouvent leurs références dans les cultures « new age »
(Général Motors), futuristes (Microsoft, Apple), sport (Nike,
Gap), écologistes (Body Shop, StarBuck), ludiques (Disney, Mc Donald' s,
Coke) ...
« C'est le branding : la marque X n'est plus un produit
mais un style de vie, une attitude, un ensemble de valeurs, un look, une
idée. »22 Même les marques « Produit Blanc
» qui ne sont pas supposées être des marques, le deviennent
car elles correspondent à une philosophie de vie.
21 Ibid. pp 35-36.
22 Ibid. p57.
1.2. Modernisme et culture.
« Adorno observe les premiers signes de la
modernité culturelle autour de 1850, en particulier dans l'oeuvre de
Baudelaire, mais selon lui elle n'atteint son apogée que dans les
premières décennies du XXe siècle [...] les oeuvres
modernes rassemblent plusieurs traits : la rupture par rapport aux traditions ;
le thème récurrent de la crise du sens ; l'accent sur le
présent, le nouveau et le sujet ; la non-unité de l'unité
(le collage, le montage), le rapport avec la ville, l'industrie et la
technologie. »23
« F. Jameson et J. Baudrillard établissent une
relation causale entre l'émergence du capitalisme multinational depuis
1945 et l'essor du postmoderne. Pour le premier, la réalité se
transforme en images, le temps se fragmente en un présent
perpétuel. Pour le second, la publicité et la
télévision ont envahi l'espace public et le contact avec le
réel est perdu dans ce monde hyper réel de simulation, sujet
à la technologie électronique. »24
Selon, Benoît Heilbrunnn, sémiologue, professeur
de marketing à l'école de management de Lyon (EM Lyon), nous
sommes rentrés dans une société post publicitaire.
«Les marques ont, depuis une quinzaine d'années, quitté les
médias traditionnels pour entrer dans notre vie quotidienne et intime
par d'incessants dispositifs «hors média» (produits
dérivés, opérations promotionnelles, marketing
relationnel...). A la publicité, qui suppose toujours un
caractère d'extériorité et de médiatisation, s'est
subrepticement substituée une économie des marques fondée
sur l'immédiateté et l'omniprésence. Un individu,
manipulant aujourd'hui plusieurs centaines de produits marqués par jour,
est exposé quotidiennement à plus de 2 000 logos et connaît
environ 5 000 noms de marque. Il n'est plus aujourd'hui possible de faire 50
mètres dans le moindre espace urbain, sans croiser un logo Nike, un
distributeur de Coca-Cola ou un McDonald's. [...] les marques sont devenues
d'incontournables partenaires de la vie quotidienne et un puissant ferment du
lien social.»25
En 2005, nous pouvons différencier trois types de
culture dominante dans notre société moderne : la culture
d'élite ou grande culture qui fait appel à tous les classiques et
qui est éventuellement la seule qui forme le sens critique; la culture
de masse, celle de « Star Academy » qui est créée pour
le plus grand nombre et dont la valeur esthétique et intellectuelle est
douteuse et qui a pour but, selon un haut responsable de TF1, de « rendre
le
23 Barbara Havercroft, « Modernité »,
Le dictionnaire du littéraire, Puf, 2002
24 ibidem
25 Benoît Heilbrunn, « Du fascisme des
marques », Le Monde, 23 avril 2004.
cerveau du public disponible pour la pub de coca-cola
»26 et de favoriser la manipulation culturelle en faveur du
statu quo; et la culture populaire qui est issue de la population, comme le
jazz, le blues, le rap ou le rock, les pièces de Shakespeare et les
comédies grecques de l'antiquité qui n'ont pas été
à leur époque des produits d'élite mais bien des armes
pour critiquer les sociétés.
Aucune de ces trois catégories n'inclut ou n'exclut le
pop art, mot forgé en Grande-Bretagne, en 1958 par Lawrence Alloway et
qui est caractérisé par l'intérêt porté
à l'objet quotidien (dans la lignée des
néodadaïstes). « Toutes les images envisageables, des
graffitis aux tableaux célèbres et aux extraits de films peuvent
être utilisés comme base de travail, [le pop art] invite à
renouveler une imagerie porteuse de sens, nourrie de références
familières au public »27, tels que les affiches, les BD,
les publicités dans les magazines et les produits du supermarché.
Le pop art apparaît comme un art des métropoles, produit de la
culture urbaine. Parmi les artistes les plus connus figurent Richard Hamilton,
Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Claes Oldenburg, Jasper Johns, et Robert
Rauschenberg. 28
Quoi d'étonnant dès lors que les
écrivains contemporains utilisent des marques de manière
régulière. Publicité et marques constituent un langage
spécifique, un lien avec la société et une part
fondamentale de notre imagerie. Les marques et leurs logos imprègnent
notre subconscient, forment une nouvelle culture.
26 Pacheco de Souza et Silva
Frédérico culture de masse et culture populaire «
élitisme culturel ou culture de masse : les transformations
contemporaines de la culture. » Deuxième journée
d'étude doctorale en philosophie morale et politique du 4 janvier 2005
Paris Sorbonne (Paris IV) p 34 des actes de la journée.
27 Richard, Lionel « L'aventure de l'art
contemporain de 1945 à nos jours », Editions du Chêne,
Hachette Livre 2002, p 92
28
http://www.artlex.com/ArtLex/p/popart.html
2. Une littérature « marquée
».
2.1. Le roman.
La notion de littérature a fait l'objet de nombreuses
études. Elle désigne, dans son sens le plus
général, l'ensemble des textes, l'art verbal. Mais cet ensemble
se subdivisera à l'époque de la Renaissance entre les Lettres
saintes, les Lettres scientifiques et les Belles Lettres. C'est parmi cette
dernière catégorie que se « classent » le roman, la
poésie et le théâtre. À l'exception de la
poésie, le roman et le théâtre sont des oeuvres
fictionnelles.
Les oeuvres que nous allons analyser au cours de cette
étude appartiennent au genre du roman, genre populaire par excellence.
À l'origine, il désigne un récit en langue vulgaire, en
roman; il n'a cessé de se développer et de se diversifier au
cours des siècles. Au XVIème siècle, le roman
se définit comme une oeuvre d'imagination, en prose, assez longue, qui
présente et fait vivre dans un milieu des personnages
présumés réels, qui fait connaître leur psychologie,
destin et aventures. C'est particulièrement au XIXème
siècle que le roman accède à la place dominante. Genre
protéiforme, il contient quantité de sous-genres : roman noir,
policier, historique, fantastique, feuilleton.... et peut traiter des sujets
les plus divers.
Si le but du roman est avant tout de distraire, il peut aussi
avoir une ambition didactique, historique, sociale... Au
XXème siècle, « le roman devient cette langue,
universelle et polyglotte, de la littérature et s'impose en offrant
au public la version fictionnelle de
l' « univers de reportage » que Mallarmé
condamne dès 1897 et dont le journalisme est la forme documentaire.
»29
2.3. La réalité.
Imiter la réalité, tel est le propre du roman.
Les anciens développaient déjà ce concept nommé
mimésis. Platon dans « La République » «
considère que le fondement des arts tient à leur capacité
de représenter le réel »30 et Aristote fait de la
mimésis le fondement de sa « Poétique ». Selon lui,
« l'imitation ou faculté de représentation est
inhérente à la nature humaine et [qu'elle] est un moyen de
communiquer les connaissances. »31 Roland Barthes analyse la
notion de réalisme en mettant l'accent sur « l'effet de réel
»32. « Dans cette
29 Alain Viala, « Roman », Le
dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.
30 Alain Viala « Mimésis », Le
dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.
31 Ibidem.
32 Roland Barthes, « L'effet de réel
», dans Littérature et réalité »,
Editions du Seuil 1982.
conception, le texte littéraire ne saurait être
pur reflet, mais il contient des ressemblances avec le réel, sous forme
de « petits détails concrets » ; ils produisent l'illusion qui
fonde l'esthétique de la vraisemblance. »33
La vraisemblance est corollaire de la
crédibilité. « Selon Aristote, le propre du poète
n'est pas de raconter ce qui est arrivé, mais ce qui pourrait arriver,
c'est-à-dire des événements imaginaires mais
crédibles : ainsi le vrai- semblable, tel que « la Poétique
» le définit, est lié à la fois à la fiction,
à la mimésis ou imitation du réel, et à un enjeu de
réception, « au croyable » »34. Ainsi donc la
fiction serait « une exploration d'un vrai supérieur au réel
ordinaire. »35
La vraisemblance peut s'envisager aussi bien d'un point de vue
interne (pas de place abusive au hasard dans l'intrigue) qu'externe
(liée à la doxa). Ce qui est essentiel, selon Boileau dans son
« Art poétique » (1674), c'est que le lecteur « y croie
» afin que soit possible la catharsis.
Pour que le lecteur puisse y croire, il faut donc qu'il y ait
illusion de la réalité. La vraisemblance avec l'oeuvre est
ressentie quand les lieux, les faits et les personnages correspondent aux
événements possibles de la civilisation contemporaine. Les
sociétés sont régies par un ensemble de règles, de
croyances, d'idées qui leur sont propres : nous appellerons cela la
doxa.
La doxa est une forme efficace de l'idéologie
dominante, elle s'apparente à la mémoire collective, à un
fond discursif commun. Il s'agit de tout ce qui est préjugés,
stéréotypes, etc. « Tout ce qui est figé dans la
langue, ce qu'on ne prend pas la peine d'énoncer avec précision
parce que cela va de soi »36, Barthes nomme cela les «
masques de l'idéologie ». Pour être vraisemblable, le roman
doit être en concordance avec les « mentalités » de son
époque.
Cependant, comme le rappelle Philippe Hamon, quoi que l'on
fasse, l'on n'atteint jamais le réel strict dans un roman, mais
seulement sa textualisation37. En littérature, le réel
« est pensé comme l'univers d'expériences (objets,
êtres, manières d'être, valeurs...) auquel un texte
33 Constanze Beathge, « Réalisme »,
Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.
34 Denis Pernot « Vraisemblance » Le
dictionnaire du littéraire, PUF, 2002
35 Ibidem
36 Jean- François Chassay, « Doxa »,
Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.
37 Philippe Hamon, « Un discours contraint
», dans Littérature et réalité, Edition du
Seuil, 1982.
renvoie.»38 La littérature romanesque
« fictionnalise la référence pour construire un simulacre
cohérent et crédible du monde. »39
Nous pouvons donc conclure que le roman se doit par nature
d'intégrer la réalité de sorte que « l'oeuvre de
fiction renvoie à un monde posé hors langage, elle n'est rendue
intelligible que par la perception des mises en relations qu'elle fait jouer
entre le monde qu'elle représente et le savoir que le lecteur
possède du monde où il vit. »40
Nous emploierons le terme réaliste pour répertorier
ces romans. Cependant, le terme réalisme renvoie également
à l'école réaliste du XIXème
siècle.
La question de savoir si le terme réalisme s'applique
exclusivement à cette école ou si l'on peut l'étendre
à une certaine production aussi bien antérieure que
postérieure a fait l'objet de nombreuses études. Nous suivrons
Auerbach, pour dire que « le réalisme devient une catégorie
universelle de la littérature, un mode fondamental de son rapport au
monde, et tend à se confondre avec l'application du « vrai -
semblable vrai ».»41 Nous le retrouvons déjà
entre autres dans la comédie de moeurs, la satire sociale, le
burlesque... Le terme, utilisé pour la première fois dans Le
Mercure de France en 1826, désignait « la littérature du
vrai ».
2.3. Les marques, indices de réalité.
Si nous suivons les théories qu'expose Jean-Paul Sartre
dans « Qu'est-ce que la littérature ? » : «
L'écrivain parle à ses contemporains, à ses frères
de race ou de classe [...], les gens d'une même époque et d'une
même collectivité, qui ont vécu les mêmes
événements [...] ils ont les uns avec les autres une même
complicité [...] c'est pourquoi, il ne faut pas tant écrire : il
y a des mots-clés. »42
Les marques de publicité pourraient en effet être
des repères pour le lecteur. Comme le dit Grégoire Polet,
écrivain, notre monde est « marqué ». « Nous
affichons un nombre incalculable de marques : les logos de nos
vêtements, notre voiture... le vocabulaire commun
38 Denis Pernot, « Réel », Le
dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.
39 Denis Pernot, « Référent,
référence », Le dictionnaire du littéraire,
PUF, 2002.
40 Ibidem
41 Constanze Baethge, «Réalisme »,
Le dictionnaire du littéraire, Baethge Constanze, «
Réalisme »
42 Jean-Paul Sartre « Qu'est-ce que la
littérature ? », Gallimard, 1948, p 76.
est devenu trop flou. En citant une Mercedes ou un t-shirt
Lacoste, le lecteur peut tout de suite se figurer le niveau social du
personnage.43
Pour le Professeur Olivier Soutet, linguiste, les auteurs qui
enfilent des marques comme des perles, répondent à « un
pur effet de mode, indéfiniment utilisable. C'est un tic de langage.
»44
Le Professeur Vincent Nyckees, linguiste et spécialiste
de la sémantique, nuance ce propos : « En utilisant des noms de
marque, l'écrivain se réfère à une
expérience partagée avec le lecteur. C'est aussi une
manière de positionner son oeuvre dans la littérature du futur.
Il donne immédiatement une patine à celle-ci. »45
Par souci de réalité, « certains
écrivains peuvent souhaiter intégrer dans leurs écrits, et
tout particulièrement dans leurs romans, des signes de leur temps,
signes de la vie humaine de leur époque, pour en faire une des
composantes de la «poésie» de leur oeuvre, la nôtre,
comme chacun sait, étant particulièrement marquée par la
prolifération des marchandises et des appels de toutes sortes à
la consommation. »46
Cette opinion est relayée par certains auteurs, comme
Xavier Deutch qui déclare : « Si j'utilise des marques, dans mes
romans, c'est sans raison particulière. Au moment d'évoquer une
réalité, la situation d'un personnage dans un environnement
donné, les marques viennent toutes seules, comme des
éléments de la réalité. »47 Sophie
Jabes renchérit : « Il m'arrive d'utiliser des marques dans mes
romans, c'est souvent par souci de précision, et dans le contexte d'un
quotidien, ici et maintenant. »48
Cependant, le Professeur Vincent Nykees nuance : « Je ne
voulais pas dire pour autant que l'infiltration du roman par les noms de marque
représente un pari toujours gagnant, car il faut aussi faire la part des
tics et des connivences trop faciles.» Il ajoute que l'écrivain
s'expose aussi, par cette pratique, à créer « une oeuvre qui
peut devenir hermétique pour les générations
4 3 Grégoire Polet, entretien à la Foire du Livre
de Bruxelles le 5 février 2005.
4 4 Olivier Soutet, propos recueillis par Marie Gobin dans
Lire « les écrivains corrompus par la pub », novembre
2001, numéro 300, p 49.
4 5 Vincent Nykees, propos recueillis par Marie Gobin dans
Lire « les écrivains corrompus par la pub », novembre
2001, numéro 300, p 49.
46 Vicent Nyckees, correspondance internet.
47 Xavier Deutch, réponse au questionnaire
distribué à la Foire du Livre de Bruxelles, mars 2005.
48 Sophie Jabes, réponse au questionnaire
distribué à la Foire du Livre de Bruxelles, mars 2005.
ultérieures. »49 Or, en tant
qu'artiste, l'auteur ne peut ignorer que son oeuvre, idéalement,
s'inscrit à la fois dans une époque et dans le long terme, sinon
dans l'éternité, et ne saurait perdurer si elle n'est pas apte
à «bien vieillir» tel un grand millésime.
En effet, il ne faut pas oublier que de nos jours
l'actualité des marques peut parfois être très
éphémère.
49 Vincent Nykees, propos recueillis par Marie Gobin
dans Lire « les écrivains corrompus par la pub »,
Novembre 2001, numéro 300, p 50.
Deuxième partie : Théorie pour une
analyse
narratologique des noms de marque.
1. Introduction.
Comme nous l'avons vu, le fait de donner une impression de
réel dans un roman, oeuvre de fiction par excellence, est très
important. Dans ce sens, insérer des marques au fil du texte arrime de
manière définitive le récit à une époque et
aux marques qui y correspondent. Ces « indices d'actualité »
peuvent avoir différentes fonctions au sein du roman.
Nous chercherons à dégager de l'anarchie apparente
un principe de classement et un foyer de description.
2. Roland Barthes : « Introduction à
l'analyse structurale des récits ».
Dans son «Introduction à l'analyse structurale du
récit », Roland Barthes préconise - pour « trouver les
structures du roman » - d'analyser les différentes « fonctions
» à la suite de V. Propp.
Les fonctions sont des unités de contenu, c'est ce que
veut dire un énoncé qui le constitue en unités
fonctionnelles. Ce signifié peut renvoyer à des concepts
différents. Roland Barthes distingue deux grandes classes de fonctions
narratives : « les fonctions » et les « indices »,
elles-mêmes subdivisées en sous-classes : les « fonctions
cardinales » et les « fonctions catalyses », les « indices
» et les « informations ».
2.1. Première distinction : « fonctions »
et « indices ».
Nous distinguerons « fonctions » et « indices
» selon que leur fonction au sein du récit est distributionnelle ou
intégrative. Nous nommerons les premières « fonctions
».
Le modèle est classique depuis l'analyse de Tomachevski
: l'achat d'un revolver a pour corrélat le moment où l'on s' en
servira (et si l'on ne s' en sert pas, la notation est retournée en
signe de velléitarisme) ; décrocher le téléphone a
pour corrélat le moment où on le
raccrochera ; l'intrusion du perroquet dans la maison de
Félicité a pour corrélat l'épisode de l'empaillage,
de l'adoration...
Les secondes, « indices », renvoient à un
concept plus ou moins diffus, nécessaire cependant au sens de l'histoire
: indices caractériels (concernant les personnages), informations
relatives à l'identité, notations d'atmosphère... Une
notation indicielle est intégrative car elle se dénoue à
un niveau supérieur : celle de l'action des personnages ou de la
narration. Les indices sont des unités véritablement
sémantiques car ils renvoient à un signifié, non à
une opération. La sanction des indices est paradigmatique, au contraire,
la sanction des fonctions est syntagmatique. Cette distinction entre «
indices » et « fonctions » recouvre une autre distinction
classique : les « fonctions » impliquent des relations
métonymiques, les « indices » des relations
métaphoriques ; les unes correspondent à une
fonctionnalité du faire, les autres à une fonctionnalité
de l'être. Cependant, certaines actions sont indicielles, étant
signes d'un caractère ou d'une atmosphère.
2.2. Seconde distinction : « les fonctions ».
À l'intérieur de ces deux classes, Barthes
définit deux sous-classes. En effet, il apparaît clairement que
toutes les « fonctions » n'ont pas toutes la même importance,
de même que certains « indices » en ont plus que d'autres.
2.2.1. « Fonctions cardinales » et «
fonctions catalyses ».
Nous distinguons les « fonctions cardinales » ou
noyaux et les « fonctions catalyses ». Les « fonctions
cardinales » constituent les moments risques du récit, elles
inaugurent ou concluent un incertitude. À l'inverse, « les
fonctions catalyses » représentent des zones de
sécurité, des repos, des luxes. Cependant, même si leur
fonctionnalité est atténuée, unilatérale, parasite,
elles n'en restent pas moins des fonctions. En effet, une
notation en apparence explétive a toujours une fonction discursive :
elle accélère, retarde, relance le discours, anticipe, parfois
même déroute. « Les catalyses » sont des unités
consécutives, les « fonctions cardinales » sont à la
fois consécutives et conséquentes.
2.2.2. « Indices » et « informations
».
De même, parmi les éléments qui ne peuvent
être saturés qu'au niveau des personnages ou de la narration, nous
pouvons distinguer les « indices » proprement dits, renvoyant
à un caractère, une atmosphère, à une philosophie,
et les « informations » qui servent à identifier, à
situer dans le temps et dans l'espace. Les « informations » font
partie d'une relation paramétrique.
Pour différencier indices et informations, nous dirons
que les indices ont toujours des signifiés implicites, contrairement aux
informants qui n'en ont pas, du moins au niveau de l'histoire : ce sont des
données pures, immédiatement signifiantes. Les indices impliquent
une activité de déchiffrement, les informants apportent une
connaissance toute faite, immédiate ; leur fonctionnalité, comme
celle des catalyses, est donc faible, mais elle n'en est pas pour autant nulle
: l'informant (par exemple, l'âge précis d'un personnage) sert
à authentifier la réalité du référent,
à amarrer la fiction dans le réel : c'est un opérateur
réaliste, et à ce titre, il possède une
fonctionnalité incontestable au niveau du discours.
2.3. Combinaisons des différentes unités.
Nous devons préciser que certaines unités
peuvent être mixtes, c'est-à-dire qu'elles peuvent appartenir en
même temps à deux classes différentes. Les «
informations » et les « indices » peuvent se combiner entre eux.
En revanche, une « catalyse » est dépendante de sa «
cardinale ».
Les « catalyses », les « indices » et les
« informations » sont des expansions par rapport aux «
cardinales ». Les « cardinales » sont peu nombreuses, elles sont
nécessaires et suffisantes, on ne peut les supprimer sans altérer
le sens de l'histoire, contrairement aux expansions.
3. Pour l'analyse de marques.
Afin d'analyser les fonctions que peuvent occuper les marques
dans les romans, nous devons modifier quelque peu la théorie de Roland
Barthes.
Tout d'abord, là où R. Barthes confère
aux « indices » et aux « informations » une sanction
paradigmatique, et aux « fonctions », une sanction syntagmatique,
nous sommes dans l'obligation de constater l'incapacité pour les marques
d'occuper un rôle de fonction au sens où R. Barthes l'entend. Il
va de soi qu'aucune marque ne renvoie à une opération. En effet,
nous nous sommes rendu compte que cette incompatibilité venait du fait
que R. Barthes, dans ce qu'il nomme « fonctions », analyse des
phrases, là où nous étudions des noms propres. Nous
maintiendrons la distinction entre fonctions « catalyses » et
fonctions « cardinales ». Pour l'étude de fonctions «
catalyses », nous intégrerons les marques dans la phrase et pour
les fonctions « cardinales », nous rendrons compte du rôle que
les marques peuvent jouer dans la narration, à partir du schéma
actantiel de A.J. Greimas.
Ensuite, R. Barthes assimile les « fonctions »
à une relation métonymique, à une fonctionnalité du
faire, et les « indices », à une relation métaphorique,
à une fonctionnalité de l'être. En pratique, dans une
phrase comme « À la sortie du Ritz, ils montèrent dans leur
Mercedes », Mercedes peut être considérée comme une
métonymie car la marque de voiture est une partie des
éléments qui représentent la richesse des gens, leur
statut.
Au contraire, dans le roman « Le silence de
Médéa », la phrase « Ils étaient ivres au volant
de leur Mercedes » (p 19), la marque de voiture a une valeur
métaphorique, car Mercedes renvoie par métaphore à la
richesse, au luxe, à l'Europe capitaliste. Pourtant, nous classerons ces
deux exemples dans la catégorie « indices », car dans le
premier exemple, le statut des gens ne fait nullement avancer l'histoire. Cette
distinction n'est pas pertinente pour l'analyse des marques car les marques ont
un poids symbolique très important.
Enfin, à propos des « informations », R.
Barthes déclare qu'il s'agit de données pures qui apportent une
connaissance immédiate. Or il va de soi qu'aucune marque ne peut
être qualifiée ainsi, étant donné la palette de
connotations dont elle est porteuse. Toutefois, les informations sont, en
parlant des marques, les données les plus élémentaires que
nous pouvons leur attribuer.
Pour structurer notre analyse, nous dirons que, selon leurs
fonctions dans le roman, l'auteur exploite différemment la palette de
sens que lui offre la marque. Ainsi, pour les « informations », il
fait appel à « la carte d'identité » de la marque :
époque et lieu de production, données civiles des personnes
visées. Pour les informations et les composantes du portrait, l'auteur a
recours au « branding » de la marque; pour les actants, à
l'objet auquel la marque renvoie, et pour les catalyses, simplement, à
la marque en tant que nom marqué.
Nous pouvons ajouter à ces quatre types d'emplois, un
cinquième qui témoigne de l'ancrage des noms de marque dans le
langage courant. Il s'agit de figures de style intégrant des marques.
Troisième partie : Analyse narratologique des
marques.
1. Information / emploi carte d'identité.
1.1. Espace.
En tant qu'information, la marque peut avoir un rôle non
négligeable dans l'histoire car elle permet de localiser une intrigue.
En effet, si à l'heure actuelle, certaines marques sont mondialement
connues, d'autres ont gardé un impact local, national ou continental.
Étant donné que nous avons traité
majoritairement des romans dont l'histoire se déroule en France, les
marques propres à ce pays sont nombreuses, plus particulièrement
dans le domaine des magasins comme le Monoprix, le Bon Marché, Le
Printemps, Leclerc, Continent... que nous ne trouvons que dans l'Hexagone. Nous
n'avons pas jugé nécessaire d'en faire le détail puisque
ces établissements contribuent d'une autre manière à la
trame narrative.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier
Adam, l'héroïne, Claire, travaille chez Shopi. Les
magasins Shopi font partie du groupe Carrefour mais sont uniquement
présents en France où on en compte environ six
cents50. L'intrigue pourrait donc se dérouler dans n'importe
quelle ville de France, mais, avant de partir en vacances, Claire
s'arrête dans un Franprix, ces magasins sont typiquement
parisiens.51
Dans le roman, nous savons que Claire part en vacances, le
fait que ses voisins sortent un « pack de Kro » nous
rappelle qu'elle est toujours en France. (p 71)
De la même manière, dans « Madrid ne dort
pas », Grégoire Polet décide d'ancrer son roman à
Madrid, pourtant l'histoire n'a rien d'espagnol. Elle pourrait se
dérouler dans n'importe quelle métropole. Mais les protagonistes
fument des Nobel (p 68) ou des Ducados
(p 13), ce qui place irrévocablement le roman dans la
sphère hispanique. De plus, on y boit de l'anis del
Mono (p 199), on y fréquente la librairie du Corte
Ingles (p 22) et la casa del Libro (p127), on descend
à l'hôtel Senator (p 187), on boit un verre au
Gallo (p 187). Une des protagonistes fait des photos notamment
pour la publicité de Linhogar (p 74), marque de linge
de maison.
50
www.shopi.fr
51
www.franprix.fr
Si dans le second exemple, la mention des cigarettes
espagnoles donne un certain cachet exotique à l'ouvrage, dans d'autres
livres, l'évocation de supermarchés français est, si pas
inconnue à un lecteur qui n'est pas autochtone, du moins floue ou
stéréotypée. De la même manière, dans de
nombreux romans français, les jeunes boivent de la Kronenbourg,
typiquement française, fabriquée en Alsace d'où
une consonance allemande qui peut prêter à confusion alors que les
« vieux », préfèrent le vin.
Une difficulté de cette pratique réside dans le
fait qu'il existe des « marques ombrelles » telles que Danone, par
exemple : « Danone est une marque ombrelle, voire une marque mère.
L'image de sa marque varie d'un pays à l'autre parce que ses produits
les plus typiques n'y sont pas les mêmes : desserts crémeux en
Allemagne, yaourts nature en France, yaourts aux fruits en Grande-Bretagne.
»52 Quand on sait que les produits typiques d'une marque sont
le premier vecteur de son image, on mesure la difficulté de la
globalisation des marques ombrelles qui regroupent quantité de produits.
Si Danone évoque les yaourts chez nous, il possède des
spécificités différentes selon le continent. « Danone
est porté par l'ultra frais en Europe, par la biscuiterie LU
-débaptisée- en Asie, et sera porté demain par l'eau
minérale en Chine. »53
1 .2Temps.
La vie des marques est aujourd'hui assez passagère. Les
marques désuètes sont utiles pour mentionner une
époque.
Dominique Barbéris a notamment recours à ce
procédé dans son roman « Le temps des Dieux ». Elle
nous y conte son enfance que nous situons facilement dans les années
'60, grâce aux marques citées. En effet, c'était « les
années des collants DD bleu marine, les années
des DS et des talons aiguilles... » (p 95). De
même, elle décrit le trajet en tram qui l'emmène ....
« Ils voyaient des publicités pour le chocolat
Banania, et pour les frites à la
Végétaline (« les frites dansaient avec des
bouches rouges, des cils voluptueux, le torse scindé en deux jambes
»). (p 47)
Les publicités pour Banania devaient être
nombreuses en 1960 car Banania reçoit l'Oscar de la Publicité.
Il n'est pas besoin de la décrire, tout un chacun se représente
encore ce bon noir
52
http://www.lesechos.fr/formations/entreprise
globale/articles/article 1 7.htm
53
http://www.lesechos.fr/formations/entreprise
globale/articles/article 1 7.htm
souriant et le slogan « petit nègre » qui
l'accompagne. Par contre, la publicité pour Végétaline est
fort heureusement décrite, car cette marque dépassée n'est
plus présente dans les esprits. De plus, à cette époque,
le sigle du magasin Delhaize était « un lion blanc
sur un fond orange qui ressemblait vaguement au lion de Venise » (p
47).
Dans « L'amour dure trois ans », Marc Marronnier se
plaint de ne plus recevoir de nouvelles de sa maîtresse : « Plus de
coups de fil, plus de messages sur la boîte vocale 3672,
ni de numéros de chambres d'hôtel sur le répondeur du
Bi Bop. (p 70). Frédéric Beigbeder a eu, pour
ainsi dire, la présence d'esprit de définir, à sa
façon, ce Bi Bop, dont le succès a été
occulté par celui du GSM. « Le Bi Bop et le 3672 Memophone furent
des inventions technologiques de la société France
Télécom, exclusivement destinées à
favoriser l'adultère, dans le but de se faire pardonner la cafteuse
touche « Bis» et les nombreux deals de drogues effectués
grâce au « Tatoo ». » (p70)
Nous pouvons encore citer un autre cas de figure car, dans
« Belle mère » de Claude Pujade-Renaud, bien que l'intrigue se
déroule entre les deux guerres, les marques citées :
Singer, Godin, Citroën, Peugeot existent toujours
aujourd'hui. C'est pourquoi, pour celles de voitures, préciser les
modèles est non négligeable ; pour ce qui concerne Singer et
Godin, il n'est fait mention d'aucun modèle, mais si nous prenons en
compte le fait que la famille d'Eudoxie n'a pas beaucoup de moyens, eu
égard au prix d'une machine à coudre Singer ou d'un poêle
Godin actuellement, nous pouvons aisément penser que l'histoire doit se
dérouler aux alentours de la naissance de cette marque ou en tout cas,
bien avant l'explosion des produits concurrents bon marché. La
Citroën Quinze date d'avant la Deuxième Guerre
mondiale et la Peugeot 204 des années '70.
Eudoxie se fait vieille, elle perd la mémoire, elle
note sur un carnet ce qu'elle achète : Sanogyl
(dentifrice contre le tartre), Insecticide
Tupic, Huile Lessieur... (p 111- 112)
Dans « Ensemble, c'est tout » d' Anne Gavalda, le
grand-père de Franck roule en Simca (p 354). Cette
marque de voiture montre le niveau social des grands-parents : petits
employés, modestes mais plus particulièrement, la Simca
témoigne de l'époque où vivait le grand-père de
Franck. En effet, les dernières Simca ont été construites
dans les années '70.
1.3. Personnage.
Dans leur rapport avec le personnage, les informations peuvent
apporter des précisions quant à l'état civil du
personnage.
1.3.1. Age.
« Peu de variables sont aussi segmentantes que
l'âge. Chaque tranche d'âge a une unité
façonnée par le fait qu'elle a vécu les mêmes
événements historiques, les mêmes joies. Elle est
liée par les mêmes préoccupations. Or, la transmission des
us et coutumes se fait de plus en plus par les pairs et non par la famille. La
conséquence est que, désormais, c'est aux marques
elles-mêmes d'assurer l'apprentissage transgénérationnel.
Mais il est délicat [pour un produit] d'avoir été
consommé par ses aînés : chaque génération se
crée ses propres marques.»54
Dans cette optique, les marques que nous pourrions qualifier
« de l'enfance » sont largement présentes. Nous pouvons le
comprendre dans le sens où les enfants sont les plus facilement
perméables aux stratégies publicitaires.
Ainsi dans « Le temps de Dieux » de Dominique
Barbéris, les marques remontent à la mémoire de l'auteur
« un air passé de cette enfance de la petite fille, un air de
toutes ces choses exquises, de toutes ces choses perdues, [...] les
Carambar, les bonbons à la menthe fondants La
Pie qui chante » (p 95). Tout au long de l'histoire l'auteur fait
état de l'âge de la petite fille en fonction des marques. Toute
petite, elle prenait du sirop Rosvissé (p 24) comme
fortifiant. Ensuite, ce fut l'âge où avec d'autres enfants, ils
poussaient des voitures Dinky Toys,
habillaient les Barbie, montaient des murs de Lego
(p39). Le temps passe et la petite fille grandit, à
présent, « ils se donnaient la communion avec des bonbons
Kréma » (p 40), raffolaient des
Vache-qui-rit (p58), des petits suisses
(p60) (Gervais). Pendant les vacances, on les a
bernés, en leur donnant des bols d'Ovomaltine (p70),
elle pensait être devenue une femme, « Ovomaltine lui donne de
l'énergie pour déplacer les montagnes », mais elle devait
encore aller à l'école. À cette époque, ils
s'offraient des bubble-gums et des Carambar
(p 81).
54
http://www.lesechos.fr/formations/marketing/articles/article
4 1 .htm
Les Carambars ont comme signes distinctifs la gourmandise,
l'humour et le partage.55 La Pie qui chante, évoque la
simplicité et l'optimisme56. Les Bonbons Kréma
rappellent la tendresse et le partage.57 Ce n'est pas
étonnant de les utiliser pour exprimer la communion. Tout le monde sait
bien que des marques comme Barbie, Dinky toys et Lego sont des marques
associées inéluctablement au monde de l'enfance..
Dominique Barbéris évoque la fugacité des
marques, en même temps que la différence d'âge entre les
frère et soeur. En effet, la petit fille parle de son frère en
disant : « C'était la nouvelle vague des adeptes du lait
Guigoz [...] les vieux s'en allaient [...] ils mangeaient
leurs chocos BN. » (p 53)
« Le Choco BN, le goûter complet, le goûter
tout prêt. »58 Le lait Guigoz est « adapté
aux besoins nutritionnels de bébé et idéal si
bébé manifeste sa préférence pour une alimentation
au goût plus doux.»59 Il est recommandé pour les
enfants de cinq mois à un an.
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès,
Caroline est une petite fille de sept ans; tout ce qu'elle possède,
toute sa richesse se conte en carambars et roudoudous. Alors que sa mère
a jeté dans les toilettes, les « Misérables »,
loué à la bibliothèque, Caroline se dit que même si
elle se privait de ses bonbons favoris (carambars et roudoudous) pendant un
mois, elle ne pourrait pas rembourser. Ensuite, elle prend la décision
de tuer sa mère et se demande si des malfrats accepteraient de se faire
payer en carambars et roudoudous (p 11).
Finalement, Caroline tentera de faire le sale boulot elle-même.
Tout ce que Caroline possède se compte en carambars et
roudoudous, comme nous l'avons déjà dit. Les carambars mettent
l'accent sur la notion d'humour par le mot, d'abord et sans doute, aussi, par
les blagues qui sont inscrites sur le papier d'emballage de ces friandises.
Quant aux roudoudous, il s'agit d' « une espèce de bonbon, à
l'origine pris dans une coque en bois (comme les camemberts), puis dans un faux
coquillage en plastique. »60 Même si ces sucreries sont
aussi appréciées des grands, les publicités visent
clairement les enfants. Nous pouvons noter l'absence de majuscule qui est un
choix de l'auteur, car nous pouvons supposer que dans son esprit, ces marques
sont des noms communs. Quand elle veut tuer sa mère, Caroline se dit
qu'elle veut « recueillir son oeil gauche dans un papier de carambar.
» (p 129)
55 http://www.cadburyfrance.com/
56 ibidem.
57 Ibid.
58
http://www.public-histoire.com/saga/bn/chocobn.html
59
http://www.nestle-baby.be/Content/nestlebaby/produits/lait/alternatives/guigoz/1/index.asp
60
http://lalaith.canalblog.com/archives/2005/05/28/531597.htmlMistral
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B » de
Sylvie Medvedowsky, le fils de l'héroïne, Arthur, voudrait recevoir
pour son anniversaire : « des smarties, des fraises
tagada, des dragibus ... les malabars
et les marshmallows, des
carambars... » (p 74).
Nous pouvons de nouveau remarquer l'absence de majuscule. Nous
ne définirons pas ces marques, car il nous semble que l'important, dans
ce cas ci, est le rapport avec l'âge du protagoniste ; il est clairement
question d'enfant qui raffole des bonbons comme tous ceux de son âge et
qui en veut beaucoup.
L'année précédente, ses parents lui
avaient organisé une « Fiesta au MacDo, avec
hôtesse maquillage, jeux et agitation infernale... Coca
à gogo. » (p 72) Les anniversaires organisés au MacDo sont
de véritables fêtes pour les enfants avec Ronald MacDonald, les
jeux avec les boules... le paradis.
Dans « Belle mère », Claude Pujade-Renaud
nous donne l'âge des personnages. Pourtant, grâce à
l'information « Eudoxie prend du Lasilix, c'est son seul
problème de santé »
(p 117), l'auteur insiste sur le fait qu'elle est
âgée et commence à avoir des problèmes
d'hypertension. Lasilix est en effet utilisé dans le traitement de
l'hypertension et dans celui des oedèmes d'origine rénale,
hépatique ou cardiaque61.
Dans « Ensemble, c'est tout » d' Anna Gavalda,
Mémé utilise du Polident (p 586). Il s'agit
d'une colle pour les dentiers et son slogan est « Croquez la vie à
pleines dents.»62 Ce détail nous donne une information
sur le fait que Paulette n'est plus toute jeune.
Dans « En toute impunité » de Jacqueline
Harpman, les filles demandent à leur mère si elles doivent faire
prescrire du Viagra à son futur mari. (p 186) ; ce
commentaire indiscret indique l'âge avancé du fiancé.
« Les hommes traités ont, en général, plus de 50 ans
; 42 % sont âgés de 61 ans et plus et 96 % des patients utilisant
du Viagra® sont satisfaits.»63 Viagra traite des troubles
de l'érection.
61
http://www.doctissimo.fr
62 Ibidem.
63
http://www.doctissimo.fr/html/sexualite/mag
2000/mag0906/se 1789 point viagra.htm
1.3.2. Métier et employeur.
Le métier des personnages donne une information sur
leur niveau de vie. La profession exercée par les protagonistes des
romans est évocatrice car de celle-ci dépend le salaire et du
salaire le pouvoir d'achat, donc la sphère sociale du personnage.
Dans le «Le châtiment de Narcisse » de Bruno
de Stabenrath, l'héroïne, Annabel, est mannequin chez
PKO. Malgré nos recherches, nous n'avons rien
trouvé de précis sur cette marque de lingerie, c'est
l'abréviation de « Puzzi Kate Original » (p 23), mais quand on
sait que sa directrice, Katarina Puzzi « avait débuté sa
carrière chez Versace », on peut s'imaginer la ligne de
sous-vêtements qu'elle peut présenter. En effet, l'auteur nous
précise qu'il s'agit de « lingerie et déshabillés
sexy, haut de gamme. » (p 23) Son futur mari, Hugo, est organisateur
d'événements, il dirige sa propre société «
Baracuda prod ». Il travaille pour Bulgari, Lexus,
Chanel... (p 65, p 56, p 154) qui suggèrent un monde où
l'argent n'est pas un problème. Leurs collègues font partie du
même monde. Dans ce premier roman, les noms de marque ont uniquement pour
but de montrer le rang social des personnages ; de leur métier ne
découle aucune action conséquente.
Par opposition, dans « Je vais bien, ne t'en fais pas
» d'Olivier Adam, dans les rapports que Claire, l'héroïne,
essaye d'entretenir avec les autres, son métier l' handicape :
lorsqu'elle sort le soir et qu'on lui demande ce qu'elle fait dans la vie, elle
répond « Caissière chez Shopi ». Ses
interlocuteurs ont l'air surpris. Les stéréotypes de Shopi ne
sont pas flatteurs. Elle travaille dans ce grand magasin depuis que son
frère a disparu, elle y rencontre des hommes qui la draguent, des «
amies », c'est là que Julien la remarque... Julien, lui,
évolue dans le monde de la culture, il est dans un bureau et
écrit sur un ordinateur Makintoch (p 134). Ces
ordinateurs présentent un net avantage pour tout ce qui est le
métier de la création.
Dans « Madrid ne dort pas » de Grégoire
Polet, les policiers de la guardia civil circulent en Land
Rover (p 129). Ce type de véhicule est très utile pour
la police. Les alentours de Madrid sont campagnards ou montagneux et les
policiers doivent donc pouvoir
se déplacer sur tous les terrains. Ces véhicules
sont « capables d'affronter des terrains extrêmement variés
et les environnements les plus hostiles »64.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, la responsable de OrneImmo-plus, conduit une « Vitara
noire » (p 49). Ces voitures, de petites jeeps Suzuki à
l'allure robuste, aux dimensions compactes, à la ligne
épurée se sentent partout chez elles65. Elles sont
appropriées pour la visite des biens à louer dans les campagnes,
parfois des endroits reculés. Toutefois, cette voiture s'adapte
également parfaitement en ville.
2. Indices et Portrait /emploi de la doxa.
2.1. Indices.
2.1.1. Espace / Atmosphère.
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès,
la petite fille cherche un lieu calme pour lire. L'atmosphère qui
règne dans la maison est pesante. Nous sommes en hiver, « la maison
empestait le Vix » et le bruit était incessant.
Caroline cherche le calme : mais sa mère avait invité ses
copines, son grand-père écoutait la radio à
tue-tête, « Solange avait envahi la salle de bain, elle essayait son
nouveau babyliss » (p 17), bref pas de place pour
Caroline. Elle décide alors de s'enfermer dans les toilettes. «
Elle ne sentait plus ses jambes, ni ses bras ni sa tête. Plus rien
n'existait. Ni les piaillements de sa mère, ni les ronflements de la
grand-mère, ni le poste du grand-père, ni le zézaiement du
babyliss et les hurlements de son frère. »
(p19)
Le roman « Le châtiment de Narcisse » de Bruno
de Stabenrath commence par une fête somptueuse organisée pour le
demi-siècle du parrain d'Annabel : « sur des combos de verre
s'érigeaient des pyramides de fruits exotiques et, sur un socle de
glace, une fontaine de Dom Pérignon s'écoulait
en cascade dans des coupes en cristal » (p 18). Le Dom Pérignon est
un champagne prestigieux. Ici, il coule à flots, en fontaine, nous
sommes plongés dans une ambiance d'ivresse de la « jet set »
parisienne.
Jean-Claude Bazette travaille chez un concessionnaire
American Car, il est entouré
de Hummer, de Cadillac (p 113), de
Chevrolet (p 117), dans ces conditions, il ne peut
pas s'habiller n'importe comment. Il porte « un costume en lin
crème Cerruti et des mocassins
64
http://www.landrover.com
65
www.suzuki.fr
John Lobb » (p 113). John Lobb est une
marque de chaussures de luxe, filiale d'Hermès66. Et Cerruti
fait partie du prêt-à-porter de luxe67.
De même dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, Marc nous explique dans quel type de lieux
tous ses amis divorcés passent leurs soirées : « dans des
endroits pourtant très gais, comme ici, à la Voile Rouge, une
plage tropézienne où il fait très chaud, eurodance
debout sur le bar, pour rafraîchir les lumpenpétasses en
bikini, on les douche avec du Cristal Roederer à une
brique les 75 cl avant de leur sucer le nombril » (p23). Nous assistons
bien ici à une soirée de société jet set bien
décidée à oublier ses problèmes. Champagne Roederer
: avec un vignoble de cent quatre-vingt-dix hectares, dont plus des deux tiers
sont classés en grand cru, Roederer est devenu, en une dizaine
d'années, une maison incontournable dans le monde. « La
cuvée Cristal promène son élégance et sa race sur
toutes les grandes tables de la restauration68. » Dans les deux
cas, nous sommes dans une ambiance de richesse et d'ivresse.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier
Adam, Claire est invitée par Nadia, étudiante en sciences
politiques, à une soirée avec des amis de l'université.
Claire s'y sent mal, c'est une ambiance dépravée. Elle «
ressort de la piste de danse où règne une odeur de transpiration
et de parfum Calvin Klein. Tout le monde est très beau
là dedans. » (p 23) Calvin Klein est un parfum assez sexy qui
donnerait à un homme le droit de disposer du corps d'une
femme69. Peu après son retour de vacances, elle est
invitée dans une soirée à l'ambiance bon enfant, «
assis sur la moquette, on parle entre deux Chipster. On rit
entre deux verres... » (p 140). Les Chipster sont des petits biscuits
salés de Belin conçus pour les ambiances très
détendues et agréables70.
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda,
Franck, doit se résigner à faire entrer sa grand-mère,
dans une maison de repos. Celle-ci est coincée entre un Buffalo
Grill et une déchetterie industrielle (p 173), là, au
lieu des fleurs de son jardin, elle pouvait voir un roadster
Porsche, une Ducati... Bref, tout sauf une ambiance
calme. Le Buffalo Grill est un restaurant qui a la particularité
d'être proche des axes routiers. En outre, on peut y organiser
66
http://www.observatoiredelafranchise.fr/V2/cgi-bin/home/indiscretions.php?franchise=4425
John lobb
67
http://www.evene.fr/celebre/biographie/cerruti-6036.php
68
http://www.1855.com/champagne/vin/2000030/champagne-louis-roederer-cristal/
69
http://www.calvinklein.com
70
http://www.consuvote.com/les
chipsters sales 66-av-557382.html
des soirées d'anniversaires... Il s'agit d'un endroit
plutôt bruyant, mais qui rencontre beaucoup de succès. C'est un
lieu à la mode, pour tous. On pourrait même suggérer que
les gens de la haute société y viennent par groupes, à
bord de Porsche ou de Ducati.
Camille, Franck et Philibert habitent dans un quartier chic de
Paris. Par la fenêtre on peut voir des caniches en manteau
Burberry (p 421) et des marathoniens en
Mephisto (p 465). Les chaussures Mephisto sont
terminées à la main, leur étiquette est la preuve de leur
authenticité. Elles allient technique et confort. 71 Burberry
est une marque de manteaux très snob, qui conçoit
également des vêtements pour les chiens afin qu'ils puissent
être assortis à leur maître.
Vers la fin du roman, Philibert tente de briser sa
timidité et de donner un spectacle de théâtre. Le lieu de
la représentation « sentait les Fanta
tièdes et les rêves de gloire mal aboutis » (p 554,
555). Le slogan de Fanta est « Vis ta vie maintenant »72,
Philibert qui n'osait jamais rien faire, se lance, c'est un grand pas pour
lui.
Dans « En toute impunité » de Jacqueline
Harpman, Albertine La Diguière avait dû résister à
la haute couture : « tu me voyais ici en tailleur Armani
? -S'il allait jusqu'au bout de ses fantaisies, le tailleur Armani ne serait
plus en dissonance » (p 255). Nous pouvons nous imaginer
l'atmosphère de luxe qui aurait pu régner dans cette maison au
point de s'accorder avec l'élégance d'un tailleur Armani.
«Il existe aujourd'hui une clientèle, même restreinte, qui
recherche les sommets du luxe.»73
2.1.2. Personnage/ Caractère.
En tant qu'indice, les marques nous donnent un aperçu du
caractère des personnages.
Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Annabel est comparée à un «
Spoutnik invraisemblable ». (p 30) Un Spoutnik est «
un satellite artificiel lancé par l'Union soviétique
»74. Or Annabel est très superficielle, elle vit dans le
paraître : elle est mannequin, riche, et belle, et l'apparence est pour
elle essentielle. De plus, ses souhaits ne font qu'affirmer sa qualification de
Spoutnik : « Elle voulait le dernier cabriolet Aston
Martin pour la sortie de la célébration. Un cocktail au
Crillon, suivi d'un dîner placé de cinq cents
invités. » (p59) « Elle voulait se faire attraper dans les
toilettes du Boeing... . » (p 60) «
71
http://www.mephisto.com
72 http://www.fanta.fr/
73
http://www.lexpress.fr/mag/tendances/dossier/modeind/dossier.asp?ida=431029
74 « Le Petit Robert, dictionnaire de la langue
française », Paris, 2004.
Une sortie d'église cacophonique et assourdissante ...
avec en prime, sur le parvis, des hooligans en Smalto et des
hystériques en tailleur Gucci qui vous balancent des
tonnes de riz. » (p 61) Artificielle jusqu' au bout des ongles, elle ne
souhaite que du chic, du grand, des nantis et des preuves ostentatoires de sa
richesse. Sans oublier son côté femme fatale et bête de
sexe. De plus, c'est une petite fille gâtée et capricieuse.
«Pour qu'elle se retrouve plantée dans la Cordillère des
Andes, il faudrait que son jet Falcon atterrisse en
catastrophe ou qu'elle soit retenue en otage par le Sentier lumineux... «
L' emmerdées se » suprême foutrait un tel souk au campement,
en renvoyant les plats, en exigeant le câble, le Guide du
Routard cossu..., une penderie Conran Shop pour
accrocher son dernier shopping : robe longue camouflage Ralph
Lauren, saharienne de combat Dolce & Gabbana,
bracelet-menottes or et diamants de chez Bulgari, canif
Christofle avec étui-ceinture
Vuitton... . » (p 298)
Hugo, héros du roman, a une collection de
Berluti. Tout au long du roman, la mention des chaussures
Berluti, comme éléments propres à Hugo, revient à
plusieurs reprises (p 155) La secrétaire se jette non pas à ses
pieds, mais sur ses Berluti en pécari pour lui déclarer son amour
(p 159) : « il eut offert la totalité de sa collection de
chaussures Berluti à l'Abbé Pierre, juste le temps de se
transformer en souris planquée sur le divan », autrement dit, il
aurait donné n'importe quoi pour entendre ce que sa fiancée
raconte à sa psychologue ; enfin pour son mariage il vérifie
qu'il a tout, « boutons de manchette Hermès en
nacre... housse à chaussures Berluti, nickel ! »
(p 313) Les Berluti sont des mocassins en cuir souple, des nubucks et, parfois
même, ils sont fabriqués dans des peausseries précieuses et
exotiques, chaussures mythiques au dessin fin et profilé : de
véritables oeuvres d'art qui offrent également un chaussant
parfait75. La précision de la marque des chaussures nous
amène à comprendre que Hugo aime les belles choses, il tient
à cette qualité. Hugo est également surnommé «
Mr Propre » (p 110), dans ses affaires, il veut toujours
que tout soit parfait, c'est un maniaque. Mr Propre est « l'homme de
ménage préféré des Français, est toujours
à la recherche de formules «miracles» pour un nettoyage encore
plus facile et plus net .»76
Dans « Le temps des Dieux » de Dominique
Barbéris, roman à consonance autobiographique, la petite fille
apparaît par deux fois vêtue d'une culotte Petit
Bateau. Que l'on se rappelle, pour se faire une idée du
caractère de la petite fille, du spot publicitaire pour la même
marque, « A quoi ça sert d'avoir des vêtements si on peut
rien faire dedans : Petit
75
https://www.berluti.com
76
http://www.fr.pg.com/nosmarques/mrpropre.html
Bateau, des vêtements faits pour faire des choses
dedans. »77 L'auteur précise que cette culotte «
lui remontait à mi-ventre « (p 131), ce que nous nous
représentons fort bien. En plus de la simple mention du
sous-vêtement, qui n'apporte rien de particulier à la description
physique de la protagoniste, « Petit Bateau » nous laisse à
penser que la petite fille est très active, court partout, fait des
bêtises. Par exemple, elle doit écrire une rédaction au
sujet de « ses meilleurs souvenirs de vacances », » pour passer
le temps, elle en profite pour éprouver tout un ordre de sensations
interdites, le goût si rare, si savoureux, des choses incomestibles, des
plastiques. Les yeux mi-clos, comme un gourmet mange à très
petites doses le caviar, elle goûte la gélatine finement
alcoolisée, au suave goût d'éther de sa colle
Seccotine. » (p 18)
Dans « Quatrième étage » de Nicolas
Ancion, Serge doit venir réparer les toilettes de Louise, mais elle est
absente toute la journée. Ses deux voisines qui vivent ensemble depuis
le décès de leur mari, lui ouvrent la porte. Elles sont
très gentilles et lui disent de venir prendre une tasse de café
dès qu'il a terminé. Leur appartement est un vrai musée.
Ce sont deux petites vieilles tirées à quatre épingles et
qui ne laissent rien au hasard. Lorsque Serge va se laver les mains : « Le
savon sentait le chèvrefeuille, la serviette était propre et je
constatai qu'une pastille Brise, élégamment
collée à côté du siphon de l'évier,
empêcherait qui que ce soit d'être incommodé par l'odeur des
besoins que je n'avais pas faits en ces lieux. » (p 96) Tout est propre et
sent bon. Les lieux ne respirent ni la poussière, ni le renfermé,
comme chez certaines personnes âgées. « Brise offre «
des parfums de qualité, spécialement créés en
collaboration avec des parfumeurs de renommée mondiale. »78
Louise est une femme active très occupée.
Célibataire, en rentrant du boulot, elle enfourne dans le micro- ondes
un paquet de macaroni surgelés, elle en a un second à proposer
à Serge. Pour le dessert, Serge s'attend, pour rester dans la même
veine, à de « la glace Produit Blanc figée
dans son bac de givre, [...] Et quand je suis revenu des toilettes, tout fier
de mon boulot, j'avais fini par placer la Viennetta
semi-fondue au sommet de mon hit-parade des probabilités. » (p 167)
On voit que si Louise n'aime pas cuisiner le plat principal, elle adore
s'occuper des desserts et elle prépare des profiteroles au chocolat.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, Machon, est un adepte de la « malbouffe ». Par exemple, il
sait pertinemment bien que s'il s'engage par erreur dans le couloir du
MacDo drive-in, il ne pourra pas résister à la
tentation. Bien que dans cette
77
http://www.petit-bateau.com/index.asp?lang=fr
78
http://www.scjohnson.ch/fr/products/brise/index.php
catégorie, ce restaurant soit le plus renommé,
cet indice renforce l'impression d'un caractère peu gourmet. Il explique
ensuite que la seule chose qu'il se prépare dans sa cuisine, est une
tasse de Nescafé. (p 51) Tous les matins, il déjeune avec «
du Nescafé et une clope.» (p 58) A un autre
moment, Machon entre dans un bar. Le barman y est impressionnant, il porte
« un Tee-shirt noir orné d'un logo Playstation à reflets
argentés » (p 64), étant donné que le slogan
publicitaire de cette marque est « ne sous-estimez pas le pouvoir de
Playstation »79. Cette phrase rappelle le film
« le Seigneur des anneaux », avec le mythique pouvoir de la force
obscure. Conscient de sa force, ce barman prévient les gens : il frappe
à la moindre contrariété, il ne faut pas l'énerver.
Il se montre d'ailleurs violent envers Machon.
Dans « Belle mère » de Claude Pujade-Renaud,
l'étiquette d'un fromage nommé Le Bougon sert
à montrer l'état d'esprit de Lucien qui accroche la marque
à sa porte quand il ne veut pas être dérangé et l'en
retire quand il va mieux, quand il ne bougonne plus : «... il a
affiché Le Bougon sur sa porte, je le laisse tranquille. » (p 134)
Lucien est assez sauvage. De manière opposée, quand Eudoxie
revient du home pour voir Lucien, cela fait plaisir à Lucien qui
ôte le Bougon de dessus sa porte. (p 150)
Le Bougon est un fromage de chèvre au lait cru,
spécialité des Deux-Sèvres, dans le Poitou- Charentes. Il
ressemble un peu au camembert, il est emballé dans une boîte en
copeaux de bois. Sa pâte est molle mais ferme80. Nous
remarquons que dans ce cas-ci, ce n'est pas le style de vie de la marque qui
est important, mais son nom en soi permet au lecteur de mieux comprendre
l'état d'esprit de Lucien : il est bougon mais nous n'en
déduisons rien de plus précis.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier
Adam, Claire rencontre une personne qui fume des Lucky Strike
(p 140). Dans les stéréotypes, fumer ces cigarettes renvoie
à l'image des marins qui fument cette marque lors de leurs sorties avec
des filles. Il semble que cela donne une contenance au séducteur qui se
sent irrésistible. Mais Claire n'apprécie guère ce genre
de gars. Elle est victime, elle aussi, des stéréotypes : «
C'est un bourgeois, il doit avoir une Golf noire aux vitres
teintées, jouer au tennis, être très méprisant,
très libéral. » (p 142) Par la suite, son comportement
prouvera qu'il ne supporte pas qu'une fille lui résiste. L'image rendue
par la voiture Golf ici est sans doute, en partie, conforme à celle
voulue par la société VW.
79 http://
www.playstation.com/
80
http://www.recettes-et-terroirs.com/produit
detail-13-7 11-3 .html
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck
est un jeune individualiste adepte des motos Suzuki. Plus
tard, il achètera une voiture pour pouvoir transporter sa grand-
mère, mais après trente-deux jours passés sans moto, il en
achète une autre d'occasion qui fait le bruit d'une
Harley (p 535). C'est un frimeur, apparemment
égoïste.
Franck est cuisinier, il se démène devant ses
fourneaux où règne une chaleur extrême. En s'installant
dans la salle de bain, Camille déménage les affaires de Franck,
à savoir entre autres choses, un déodorant X de
Mennen (p 190). Ce déodorant est spécialement
conçu pour résister aux « conditions extrêmes de
chaleur et d'humidité, le gel X régule la transpiration
jusqu'à 48H, pour une efficacité extrême contre les odeurs
et les auréoles, même en cas d'activité intense
»81. Franck est toujours soucieux de son apparence, il n'a
sûrement pas choisi un déodorant au hasard.
Camille est une originale qui aime le style « kitch
», elle a décidé de s'acheter un poêle car elle
gèle dans sa chambre de bonne. Le vendeur lui recommande un «
Oleo de Calor » (p 79) qui est un foyer bon marché
et très efficace, mais elle déniche une cheminée
électrique Sherbone (p 79). Cet appareil coûte
six fois plus cher, mais il est totalement kitch avec de fausses bûches
et des « flammes en plastique. » Elle craque et l'achète.
Alors qu'elle quitte son travail, elle aperçoit dans le
local de rangement des femmes de ménage, un homme et son chien,
cachés, muets et immobiles. Elle ne leur parle pas non plus. Cependant
elle a perçu leur détresse et leur apporte des vivres, mais pas
n'importe lesquels : des salades Saupiquet et des
pâtées pour chien Fido. Saupiquet compose des
salades à base de thon ou saumon, garanties « dolphin save ».
Ce détail montre que Camille est attentive au respect des animaux.
Ainsi, la pâtée choisie pour le chien est une nourriture
complète, mélangée avec des légumes cuits à
la vapeur, et donc d'une grande qualité.82
2.2. Portrait.
Actuellement, on ne peut se passer du personnage dans les
romans. Pourtant le statut du personnage a longtemps été
discrédité. D'ailleurs, Aristote, dans sa « Poétique
», déclarait déjà que la notion de personnage est
entièrement secondaire, soumise à la loi des actions. Mais depuis
lors, le personnage n'a cessé de se complexifier dans les romans, car
les auteurs veulent rendre compte de l'extraordinaire diversité de
l'être humain. Devenu un nom, puis
81
http://www.beaute-test.com.
82
http://www.ciao.fr/Fido patee
Saveur riche en boeuf petits legumes 1 17976/TabId/2
l'agent de l'action, il se dote au XVIIème
siècle d'une consistance psychologique : « il est devenu un
individu, une « personne », bref un « être »
pleinement constitué, alors même qu'il ne ferait rien, et avant
même d'agir, le personnage a cessé d'être subordonné
à l'action, il a incarné d'emblée une essence
psychologique »83
C'est sur la description de ces « êtres de papier
» que nous concentrons une part de notre investigation. Le portait sert
à définir les personnages selon trois critères
fondamentaux, abondamment croisés.
- Critères physiques: traits du visage, allure, pose du
corps.
-Critères psychologiques, moraux : sentiments,
pensées des héros.
- Critères sociaux: appartenance à un milieu
défini, habitat, alimentation, vêtements. Selon Roland Barthes,
« le portrait juxtapose sans contrainte des données d'état
civil et des traits caractériels. »84
2.2.1. Critères physiques.
Les caractéristiques morphologiques du personnage -
à savoir s'il est grand, petit, moustachu - ne sont pas
véritablement remplaçables, synthétisées par des
marques. Cependant, la mention d'un personnage ayant comme pseudonyme
Barbie ou Uncle Ben's comporte l'avantage
d'offrir au lecteur, la représentation immédiate et fidèle
de l'aspect physique de celui-ci puisque ces créatures commerciales sont
imprimées dans nos esprits. On pourrait argumenter que ces noms sont
à rapprocher du « name dropping ». En
réalité,
cette tendance vient de la nature double de ces produits, dont la
représentation est humanisée. Nous pouvons donc admettre
aisément que certains noms de marque sont associés à des
types de personnage. Par ailleurs, certaines allusions à des marques
rendent compte de l'aspect physique du protagoniste.
Dans « le Châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Annabel, est surnommée Barbie d'une
manière récurrente. (p 40, 88) de même dans «
l'évangile de Jimmy » de Didier van Cauwelaert, « Je me
retourne sur un vieux Black en veste grise qui me tend la main, cartable sous
le bras, sourire sympa et regard inquiet. Avec ses grosse joues et ses sourcils
blancs il ressemble aux paquets de riz Uncle ben's. » (p
107)
83 Roland Barthes, « Introduction à
l'analyse structurale des récits », Poétique du
récit, Edition du Seuil, 1977, p33.
84 Ibidem, p 25.
Dans « Oscar et la dame rose » d'Eric-Emmanuel Schmitt,
Mamie-Rose fait la description de Plum Pudding, la catcheuse énorme
qu'elle a battue. «Tiens, Plum Pudding, l'Irlandaise, cent cinquante kilos
à jeun en slip avant sa Guinness, des avant-bras comme
mes cuisses, des biceps comme des jambons, des jambes dont je ne pourrais faire
le tour. » (p 52) Boire une Guiness accentue sa force ; c'est une
bière à quinze degrés, au goût fort et sponsor de
l'équipe nationale de rugby d'Irlande : une « bière d'homme
» dans les stéréotypes.
Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban,
Idylle est tombée amoureuse d'un homme qui ne lui parle pas, qui ne veut
pas lui parler. Quand elle lui demande pourquoi ce mutisme, « il secoue la
tête, ses cheveux raides se décollent, une vraie publicité
pour l'Oréal ; ça lui va, de secouer la
tête. » (p 45). Cette indication ne nous renseigne pas
complètement. Cependant nous pouvons imaginer qu'il a des cheveux d'une
certaine longueur lui permettant de les faire voler en tout sens.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, Machon rencontre une fille qui travaille comme Disk Jockey dans un
bar miteux, tenu par un barman violent ; elle porte « de grosses
chaussures Cat » (p 66). Puisque celle-ci est en pleine
ville et que l'on ne peut pas invoquer son côté sportif, ce genre
de souliers, assimilé à des engins de chantier, laisse supposer
qu'elle est plutôt masculine, garçon manqué.
2.2.2. Critères psychologiques.
Bien plus que les autres critères, l'état
psychologique du personnage est en relation avec l'action proprement dite, avec
ce qui lui arrive et qui le met dans tel ou tel état.
Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, le héros, Hugo, se met à boire à partir du
moment où il croit voir sa future femme avec une autre dans un jacuzzi,
sous l'oeil d'un photographe qui le met dehors. Suite à cette
mésaventure, il rencontre une certaine Echo qui lui annonce qu'il ne lui
reste que cent jours à vivre. Hugo prend peur. La solidité de sa
vie, la confiance de ses amis et l'ensemble de ses projets sont
ébranlés. Avant cet épisode, Hugo ne buvait jamais,
à présent il absorbe Martini sur Martini.
La marque Martini figure dans le palmarès des grandes
marques connues mondialement et est reprise, aujourd'hui, dans le dictionnaire,
aux côtés des noms communs. Son slogan publicitaire dans les
années `50, sur les ondes de Radio Luxembourg chantait : « Avec
Martini, Martini, le monde entier chante et sourit. On en boit de New York
à Paris. Y'a rien
de tel qu'un vrai Martini. » Pour faire face à la
concurrence et refaire de Martini une marque appréciée des jeunes
adultes, l'agence McCann-Erickson s'appuie, depuis 1999, sur deux valeurs
fondatrices : l'origine italienne de la boisson, l'imaginaire de la
créativité, du design et de la mode. Le territoire de
l'élégance et de la sensualité se résume dans le
slogan
: « veramente italiano ». La botte de couturier est
choisie avec son double symbole : celui, géographique de la carte des
villes emblématiques de la créativité (Milan, Rome,
Naples), et celui, suggéré, de l'élégance de la
mode italienne. 85
Dans ce cadre, on peut penser qu'Hugo se met à boire par
tristesse, mais il boit du Martini qui le fait chanter, sourire. Il s'enivre en
pensant à l'origine italienne d'Annabel, son métier de mannequin,
à la mode et à son élégance.
L'état dépressif d'Hugo est loin de
s'améliorer, il se désespère. Jusqu'à la page 137,
Hugo se saoule au Martini, mais quelques pages plus loin (p 169), il essaye
d'oublier son chagrin avec l'aide de cachets de benzodiazépine. Il
ingurgite « un Rohypnol 2mg arrosé de Martini
» (p 169). Le Rohypnol est une benzodiazépine hypnotique. Il a
été retiré du marché et est inscrit sur la liste
des substances vénéneuses. Il était largement
utilisé par les toxicomanes. 86
Dans la suite du roman, il ne reprend pas de Rohypnol mais du
K-max et il nomme ses meilleurs amis : «
Anaframil, Lexomil, Effexor, Tercian, Arcalion et Lysanxia
». Ces médicaments sont moins forts que le Rohypnol qui,
mélangé à l'alcool, peut causer des pertes totales de
mémoire. Anaframil est un somnifère, Lexomil est
recommandé dans le traitement d'appoint de l'anxiété et
des crises d'angoisse, Effexor est utilisé pour traiter la
dépression, Tercian est prescrit dans certaines maladies psychiatriques
(psychoses aiguës ou chroniques, schizophrénies), et pour combattre
l'agressivité. Il est également utile dans les dépressions
sévères. Arcalion est réservé au traitement des
baisses d'activité physique ou psychique, souvent dans un contexte de
dépression. Lysanxia est important pour lutter contre
l'anxiété, l'angoisse, et est éventuellement
indiqué dans le sevrage alcoolique. Au lieu de nous décrire sa
santé psychologique, l'auteur nous la fait voir grâce à ces
anxiolytiques, ces paradis artificiels. Il y a une certaine gradation, «
Hugo goba un Xanax qu'il arrosa de Martini.» (p 313)
Xanax est idéal contre l'anxiété, l'angoisse, et
éventuellement prescrit dans le sevrage alcoolique. Bien entendu, le
cocktail de ces médicaments avec du Martini n'est pas recommandé
et peut même être dangereux. Le fait de prendre à la fois de
l'alcool et des médicaments est un topos de la déprime.
85
http://www.prodimarques.com/sagas
marques/martini/martini.php. Article de Jean Watin-Augouard
86
http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filcoprs/010201c.htm
De même, dans « Le fabuleux divorce de Juliette B.
» de Sylvie Medvedowsky, l'héroïne supporte son divorce
à grand renfort de Lexomil. Elle essaie de s'en passer
mais n'y arrive pas, sauf quand tout est rentré dans l'ordre. Avant
cela, elle est trop préoccupée et ne peut trouver le sommeil sans
l'aide de ce célèbre somnifère. Elle n'est cependant pas
insensible au fait que ce médicament provoque une dépendance,
elle essaye donc le Stilnox mais retourne au Lexomil : Le
Lexomil fait partie de la famille des benzodiazépines et agit au niveau
du système nerveux central en diminuant l'anxiété et la
contraction musculaire entre autres87. Alors que Stilnox, plus
léger, est repris dans les cas d'insomnie occasionnelle, transitoire ou
chronique88.
Pour fêter une avancée dans sa lutte, elle s'offre
une bouteille de Dom Pérignon avec sa complice. Elle
passe du tout au tout, de la détresse au bonheur.
Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban,
Paul peut aider Idylle car il a les poches pleines de
Di-Antalvic. (p 215) Ce médicament traite les douleurs
d'intensité modérée ou
sévère89.
Dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, suite à son étude
révolutionnaire basée sur les statistiques, la biochimie et sa
propre expérience, Marc réalise que « l'amour dure trois ans
». Pourtant l'amour éternel est un mythe bien répandu. Il ne
veut plus vivre dans l'illusion. « Assis, immobile, la tête
appuyée sur les deux mains, j'hésite entre la boîte de
Lexomil et la pendaison : et pourquoi pas les deux ? Je n'ai
pas de corde, mais plusieurs cravates Paul Smith
attachées entre elles feront bien l'affaire. Les tailleurs anglais
choisissent toujours des matières très résistantes. »
(p 58) S'il se limite au Lexomil90, peut- être oubliera-t-il
son amour angoissé et vain ; s'il se pend, il est sûr de ne jamais
rien se rappeler mais cela risque d'être dur ; s'il fait les deux, le
médicament évitera la peur de la mort et facilitera le geste. La
qualité légendaire des cravates Paul Smith, un mythe de
solidité et de grande élégance, assurera la
réussite de sa macabre entreprise. De plus, son appartement lui facilite
la tâche : « J' ai bien fait de louer un appartement avec poutres
apparentes. Il suffit de monter sur cette chaise, là, comme ceci, puis
de boire le verre de Coca-Cola contenant les anxiolytiques
écrasés ... » (p 59) Mélangé avec des
anxiolytiques, le Coca a un effet dévastateur, c'est bien connu !
87
http://www.doctissimo.fr
88 Ibidem.
89 Ibid.
90 Le Lexomil constitue un traitement d'appoint de
l'anxiété et des crises d'angoisse.
Alice lui annonce qu'elle part en vacances pour se
réconcilier avec Antoine. Marc essaye de l'oublier dans les bras de
Julie, la meilleure amie d'Alice, mais il n'y parvient pas.
Dépité, il se rend chez Jean-Georges, le café de son
meilleur ami. « Nous ne sommes pas sortis de chez Jean-George pendant
trois jours. Uniquement nourris de Chipsters et de
Four Roses. » (p 138) L'engrenage infernal, se complaire
dans le malheur, nous les imaginons très bien dans ce café,
incapables de bouger, de se faire à manger, tellement ils sont saouls.
Pourtant l'alcool ouvre l'appétit. Le Four Roses, idéal pour
l'apéritif91, se marie à merveille avec les Chipsters,
d'excellents petits gâteaux apéritifs au goût très
salé et croquants en bouche ! En revanche, ces derniers donnent soif
donc on boit...la boucle est bouclée.
Autre moyen de combattre la déprime : Claire,
héroïne de « Je vais bien, ne t' en fais pas» d'Olivier
Adam abuse quand le moral est au plus bas, de chocolat, parfois arrosé
d'un peu de Whisky. « Mais le mélange Whisky,
lait-Milka aux noisettes entières passe mal. » (p
124) Alors elle retourne au bon vieux pot de Nutella,
mangé au doigt. Le cacao est un antidépresseur naturel, c'est
avéré, mais en plus, Milka est la marque d'un produit dont le
thème est, depuis 1991, la tendresse. Que l'on se rappelle du slogan de
l'agence Young & Rubicam: « ça commence par M et ça veut
dire tendresse. » 92 Le Nutella, quant à lui, donne non seulement
le plaisir du chocolat, mais « plein d'énergie pour penser et se
dépenser ».93
Dans le même roman, Claire est partie à Portbail
pour retrouver son frère, Loïc. Elle l'a cherché dans tous
les environs de Portbail sans résultat. À présent, elle se
dirige vers Cherbourg. Elle « entre dans un tabac où elle
achète un paquet de Craven A light. » (p 87) Les
cigarettes Craven A sont légères et
douces94, en plus Claire choisit des allégées.
D'habitude, elle ne fume pas, mais en ce moment, elle est nerveuse,
inquiète, déçue de ne pas trouver son frère.
Dans « Quatrième étage » de Nicolas
Ancion, Serge joue les plombiers chez une inconnue prénommée
Louise. Il la trouve très jolie. Comme il n'a toujours pas fini de
réparer les toilettes quand elle rentre, elle lui propose de se joindre
à elle pour le repas. Serge accepte, il trouve Louise très belle,
en plus elle s'est parfumée. Il est un peu timide, nerveux. Il a dit
qu'il s'appelait Thomas, il ne sait pas pourquoi il a inventé ce
prénom. En tout cas, cela accentue sa nervosité et il dit :
« ton paquet de L&M était sur la table, et je
n'avais pas envie
91
http://www.whisky.fr/fiches/Four
Roses 20409.html
92
www.prodimarques.com/sagas
marques/milka/milka.php
93
www.nutella.fr
94
www.hc-sc.gc.ca/hecs-sesc/tabac/faits/douce/bref.html
de refuser [une cigarette]. » (p 163) Elle l'invite à
rester pour le dessert, elle le tutoie. Serge (alias Thomas) en est tout
secoué et ajoute: « j'aurais pu répondre et enchaîner
sur le coup, profiter de la faille que tu venais de révéler, mais
non. J'ai saisi la paquet de L&M et j'ai dit : je ne fume jamais
d'habitude. » (p 169)
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de
Sylvie Medvedowsky, Chloé, une des meilleures amies de Juliette, vient
de se séparer de son prince charmant. « Elle avale des fraises
tagada toute la journée » (p 238). Ayant subi une
déception amoureuse, nous pouvons penser qu'elle souhaiterait retrouver
le monde de l'enfance où tout était si simple de ce point de vue.
En effet, ces fraises Tagada, « guimauves enrobées de sucre rose
rouge et au goût délicieux de fraise, ce sont d'abord celles de
notre enfance, puis celles de nos récrés, celles de nos chagrins
et pleins d'autres moments où une sucrerie a mis un peu de bonheur ou de
douceur dans notre vie.»95
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda,
Philibert n'est pas bien dans sa peau, il est d'une timidité maladive.
Il prend du Lexo96 (p 559), car il a besoin de se
détendre pour ne pas bégayer.
2.2.3. Critères sociaux. 2.2.3.1. Lieux
fréquentés.
Nous pouvons, sans peine, évaluer l'incidence des lieux
fréquentés par les protagonistes du roman sur leur
identité, leur classe sociale.
Dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, Marc Marronnier va fêter son divorce
dans ses cinq endroits favoris, prisés par la « jet set »
parisienne : Castel, Buddha, Bus, Cabaret, Queen. (p 17)
Dans « le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, les protagonistes ont également coutume de se retrouver chez
Castel (p 102) rue Princesse à Paris ou au
Fouquet's. Tous deux sont des lieux de prestige réservés
à la plus haute société parisienne.
95
http://victoriathesite.free.fr/gourmandise.html
96 Le Lexomil constitue un traitement d'appoint de
l'anxiété et des crises d'angoisse
Dans « Madrid ne dort pas » de Grégoire
Polet, le « Café Comercial »97 est
un lieu très important. Le roman s'ouvre au « Café Comercial
» et s'y termine. C'est de là que le narrateur observe la plupart
des protagonistes. Il est intéressant de constater que dans cette
taverne se tient une fois par mois un atelier littéraire98.
Or trois des protagonistes, écrivains, le fréquentent.
Dans « Quatrième étage », Nicolas Ancion
distingue les clients du GB de ceux du
Delhaize. Il convient en effet de faire une distinction entre la
clientèle du GB, plus modeste que celle du Delhaize qui a un goût
plus prononcé pour les produits de luxe, bien que le groupe alimentaire
ait également créé une sous-marque bon marché:
Derby.
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, la famille
de Caroline est cliente chez Monoprix, un grand magasin
populaire, qui vend de tout à bas prix dans le domaine de la mode, de
l'alimentation et de la maison. Monoprix prétend contribuer activement
à la qualité de vie de ses clients : « Tout ce qui passe par
la ville, passe d'abord par Monoprix et Prisunic.99 »
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam,
Claire s'arrête chez Franprix pour s'acheter une pomme.
Les magasins Franprix, dont le slogan est « franchement accessible »
sont typiquement parisiens. « Franprix propose un assortiment de produits
de marques nationales, complété par 30 % de produits
labellisés Leader Price. Centrés sur le meilleur rapport
qualité/prix, ils axent également leur positionnement sur des
surfaces avant tout pratiques, n'excédant pas 400 à 500 m2.
»100
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda,
Mémé avait coutume d'aller à l'Inter.
Nous supposons qu'il s'agit de l'Intermaché. Elle s'y
rend avec son amie Yvonne. Si elles arrivent trop tard, elles n'ont plus de
Caddies (de chariots). Les « Mousquetaires
Intermarché » ont fait un pacte avec le consommateur
: celui-ci s'articule autour de cinq principes, énoncés
dès les origines, par les fondateurs d'Intermarché en ces termes
: « Nous nous engageons :1 - à nous battre toute l'année
pour pratiquer les prix les plus bas ; 2 - à être vigilants sur la
qualité et la fraîcheur ; 3 - à vous garantir un large
choix dans tous les rayons ;
97 Orthographe Espagnole
98
http://www.margencero.com/taller
literario/taller dcha.htm
99
http://www.monoprix.fr
100
http://www.groupe-casino.fr/legroupe/?id
art=90012013&lang=fr&sr=2
4 - à vous assurer une information claire, loyale et
complète pour respecter votre liberté d'achat ; 5 - à vous
recevoir dans un Intermarché accueillant, pratique et de dimension
humaine. »101Paulette a une petite pension, mais ne roule pas
sur l'or. Elle aime la qualité surtout pour la nourriture, comme son
petit-fils Franck, cuisinier. Ensuite, avec Camille, elle ira au
Franprix, mais comme ce type de magasin est petit, elles en
ont vite fait le tour. Elles décident de fréquenter le
Monoprix (p 416, 418, 422) avec leur Caddie à roulettes
(p 416). La famille de Philibert, qui vit dans un château, n'a plus le
sou, elle fait ses courses chez Leader Price. (p 543). Ces
magasins vendent une marchandise mono-marque jusqu'à trente pour cent
moins chère. 102
2.2.3.2. Les voitures.
Un moyen assez efficace pour décrire le niveau social d'un
personnage est de le faire rouler dans une voiture de marque bien
particulière. Déjà dans la « Distinction », en
1979, Pierre Bourdieu distinguait les différentes classes sociales en
fonction des marques de voiture. Ainsi, selon lui, les électeurs de
l'homme politique G. Marchais roulaient majoritairement en 2CV, ceux de F.
Mitterrand en R5, de J.J. Servan-Schreiber en Porsche ou en Simca, de J.Chirac
en Porsche, ceux de M. Poniatowski en Peugeot 504 et ceux de V. Giscard
d'Estaing en Rolls-Royce103. Même si cette enquête est
largement dépassée, elle présente l'avantage de nous
montrer que les marques de voiture correspondent bien à un milieu
défini. Il s'agit d'un constat qui ne date pas d'hier,
évidemment. Nous avons remarqué que les marques de voiture sont
de loin les plus citées dans les romans.
Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Hugo démolit son cabriolet Porsche 1971.
Hugo a vraisemblablement un niveau de vie très élevé. Non
seulement, il se déplace en Porsche, marque prestigieuse104,
mais en plus, il s'agit d'un cabriolet de 1971. On pourrait donc dire qu'il
fait partie d'une collection. Cependant, le genre de la voiture ne semble pas
essentiel pour lui car, à propos de ce véhicule, il dit
simplement : « Récupère ma Porsche, [...]
jette-la à la casse et loue-moi une bagnole. » (p 48) Sa femme
Annabel reçoit, elle, comme cadeau de mariage, le dernier cabriolet
Lexus. (p 296) Lexus est un véhicule japonais de luxe.
Manifestement, le milieu social des personnages est imprégné de
faste.
101
http://www.intermarche.com/intermarche
esprit.aspx
102
http://www.leader-price-int.com/france/concept.htm
103 Pierre Bourdieu « La distinction », les
éditions de minuit, 1979, p 628.
104
http://www.porsche.be/company/philosophy/default.htm
Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban,
après avoir rencontré son amant et sa femme au restaurant, Idylle
se dit que de toute façon elle ne veut pas se marier. « Cette
vie-là ne m'intéresse pas. Je ne veux pas terminer dans une
Range Rover, assise à côté d'un conducteur
qui serait mon mari, le mot me fait rire, à tourner le bouton de la
radio, à faire taire des gosses hurlants aux doigts pleins de confiture
à l'arrière, à prier pour que le labrador n'avale pas le
rôti prédécoupé en fines tranches rangé dans
le coffre. » (p 79) La Range Rover est une « familiale », de
standing. Idylle ne veut pas d'une vie de famille avec tout le confort, la
belle voiture, les enfants et le chien si son mari ne parle pas.
Dans « Belle mère » de Claude Pujade-Renaud,
Lucien s'achète une Quinze Citroën avec l'argent
hérité de sa tante. Il compte bien trouver une fiancée
grâce à cette « belle carrosserie », mais cela
échoue. Pourtant, c'est un modèle de haut de gamme, avec un
moteur six cylindres. A cause de sa consommation élevée en
carburant, il la revend à un collectionneur et achète une
Peugeot 204.
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de
Sylvie Medvedowsky, Marco, le futur mari de Juliette, se prépare pour
son premier rendez-vous avec Juliette. Il se demande ce qui pourrait l'attirer
chez lui et il se dit « qu'il faut avoir les atouts du macho : la belle
bagnole (ça j'ai une Porsche, ça impressionne
toujours).» (p 111) Cette marque séduit par son statut de voiture
de prestige. Grâce à celle-ci, il va, pense-t-il, conquérir
le coeur de Juliette.
Juliette explique qu'au début de son mariage, son mari et
elle roulaient en GTI, elle précise qu' « à
l'époque, c'était la voiture de tous les jeunes couples
branchés. » (p28)
Juliette a reçu comme cadeau de divorce une
Twingo, très fonctionnelle. « Pratique,
sympathique et élégante, Twingo est votre complice au quotidien.
» De plus, elle symbolise l'esprit d'ouverture. 105
Dans « Le temps des Dieux » de Dominique
Barbéris, le père de la petite fille roule dans une
DS noire (p 22). C'était la voiture des nantis de
l'époque. En effet, selon Pierre Bourdieu, la Citroën DS,
déesse, peut être associée aux riches commerçants et
aux patrons des industries106.
105
http://www.renault.fr/RenaultSITe/puma/FR/PROD
FR/MEL PROD/fr/Twingo
106 Pierre Bourdieu « la distinction », Paris, Les
éditions de minuit, 1979, p 628.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, Machond possède une Renault 5 espagnole avec
un coffre énorme. Il l'a achetée à un prix
extrêmement bas. Les gens la trouvent énigmatique. A
l'opposé, le docteur Fouasse se déplace dans une Jaguar
Berline peu récente (p 87) dans laquelle règne une
atmosphère de luxe.
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès, la
mère de cette dernière possède une vieille 404
solide, classique.
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, le grand
-père de Franck roule en Simca (p 354). Celle-ci montre
le statut social des grands-parents : petits employés modestes.
2.2.3.3. Habitat.
L'intérieur de l'endroit où vivent les personnages
est également suggéré au moyen de marques qui peuvent
aussi mettre en évidence un style de vie déterminé.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam,
peu après son retour de vacances, Claire est invitée dans une
soirée à l'ambiance bon enfant, les invités sont
affalés sur le canapé noir ou sur les chaises
Habitat. (p 140) Les meubles Habitat représentent la
volonté de créer son univers, ce sont des meubles pratiques,
luxueux et raffinés, tout comme leurs
propriétaires107.
Dans « Quatrième étage » de Nicolas
Ancion, Serge effectue des travaux de plomberie dans l'appartement de Louise.
Cette dernière est absente lors de son arrivée, il ne peut
s'empêcher d'inspecter les lieux afin de se faire une idée de la
personnalité de l'occupante. Il remarque « une
étagère Billy du catalogue Ikea. » Le
concept Ikea implique un ameublement ingénieux pour le rangement, solide
et bon marché. « La vocation d'Ikea consiste à marier
design, fonction et petits prix pour offrir au grand public l'accès
à un chez soi agréable et harmonieux - avec des économies
pour d'autres plaisirs de la vie... »108 Ikea permet de
démarrer dans la vie grâce à des meubles économiques
et malins. En effet, Louise vient de se lancer dans la vie active.
107
www.habitat.com
108
www.ikea.com
Dans « Belle mère » de Claude Poujade-Renaud, la
salle à manger est la seule pièce chauffée à l'aide
d'un poêle Godin. Lucien reste collé au Godin
pendant qu'Eudoxie travaille et son inertie l'agace. Le Godin était un
mode de chauffage largement répandu et bon marché avant la
guerre.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, le docteur Fouasse possède une chaîne Bang et
Olufsen au design très pointu, d'un prix élevé
dû à la production en petit nombre d'un matériel hors du
commun109.
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck,
Camille et Philibert finissent par se retrouver dans l'appartement de
l'arrière grand-mère de Philibert, la plus coquette des
parisiennes de la Belle Epoque. Ce dernier est très « vieille
France » et son appartement est à son image. Il y a un antique
Frigidaire (p 127) qui fait beaucoup de bruit, une salle de
bain des établissements Porcher110 de 1894
(p 190), des flacons vides : Shocking de Schiaparelli, Transparent
d'Houbigant ou le Chic de Molneux, des boîtes
de poudre de riz de La Diaphane (p 191). Ce sont des marques
créées il y bien longtemps, elles montrent bien le
côté vieux et chic de l'appartement de Philibert qui
lui-même travaille dans un musée. Par exemple, la poudre de riz de
La Diaphane a été commercialisée en 1892, à
l'effigie de Sarah Bernhardt, « la poudre élégante par
excellence »111, le parfum Shoking de Schiaparelli date de 1936
: « le ruban en forme de décolleté en V est attaché
avec le « S » en forme de coeur symbole de la marque ; le flacon en
cristal de Bohême est dessiné par Leonor Fini et habillé
par un bouquet de fleurs ; broche dorée à l'or fin.
»112 De même, dans la buanderie, Camille découvre
« la cire Saint-Wandrille, l'amidon
Rémy... .» (p 305) La cire était
utilisée pour l'entretien des meubles anciens et des parquets. «
Les Produits Monastiques, Saint-Wandrille, présentent, sous la marque
Zohar, une gamme complète de produits d'entretien professionnels qui
répondront à l'ensemble de vos besoins pour le nettoyage de vos
sols et cuisines, pour la désinfection et le lavage du linge.
»113 Ce sont des produits naturels. L'amidon Rémy
servait vraisemblablement à empeser les piles de linge de maison qui se
trouvaient également rangées là.
109
http://www.bang-olufsen.com/sw24423.asp
110 http://www.porcher.com/
111
http://www.19e.org/documents/economie/publicites/beaute/diaphane.htm
112
http://www.aquitaweb.com/page24d6.html
113
http://www.st-wandrille.com/fr/ascendi/pm/
En guise d'aspirateur, les colocataires de Philibert emploient
« un balai Bissel de la guerre 14. » (p 324) Ces
balais mécaniques étaient fabriqués depuis
1870114. Ils décident de le remplacer par un aspirateur.
Avant d'emménager dans l'appartement de Philibert, Camille
logeait dans une chambre de bonne où il faisait très froid en
hiver. Cet inconvénient majeur est dû à un vasistas pas
très hermétique et qui n'est pas un Vélux
(p 78). Nous devons rappeler que le propre de Vélux est que « les
raccordements font le lien entre la fenêtre et votre toiture en assurant
une étanchéité totale à l'ensemble. »115
Dans « En toute impunité »de Jacqueline Harpman,
les dames de la Diguière n'ont plus aucun meuble, elles ont dû
tout vendre. Il reste une vieille Underwood (p 23). Ces
machines, performantes et témoins d'une avancée technologique
notoire à l'époque, sont aujourd'hui des antiquités.
L'auteur nous montre que la famille était en son temps suffisamment
fortunée pour s'acheter une des premières machines à
écrire116.
Fontanin fait installer « du mobilier de cuisine en bois et
acier inoxydable, Pogenpohl ou Mobalpa,
admirable et qui coûte les yeux de la tête. (p 155) L'ensemble
était d'une parfaite élégance. » « Poggenpohl
est devenue en plus de 110 ans la marque de cuisine la plus connue au monde,
son slogan célèbre est: qualité, exclusivité et
innovation. »117 « Les cuisines Mobalpa dénotent un
art de vivre, elles sont allégées, épurées,
débarrassées des références rustiques trop
marquées. Sans jamais perdre leur âme et authenticité.
Chaque modèle exalte une personnalité. »118 Nous
voyons que Fontanin fait preuve de bon goût, jamais au rabais. Mais il a
une fâcheuse tendance à imposer ses idées.
2.2.3.4. Habitudes alimentaires.
En visionnant le film « Mensonges et trahison », un
film de Laurent Tirard, Raphaël nous déclare : « Il n' y a
qu'une seule façon de savoir qui on a réellement en face de soi :
c'est le
114
http://membres.lycos.fr/agauvin/historique
aspirateur.htm
115 http://www.velux.fr/
116
http://magneb.club.fr/lexperec/u/underwood.html
117
http://www.poggenpohl.de/index
fra.htm
118
http://www.mobalpa.fr/v3/catalogue/metier
1/index.html
test du supermarché ». A ce moment-là, les
images nous amènent à la caisse d'un supermarché et
Raphaël nous décrit la personnalité des gens en faisant
l'inventaire de leur caddie. « Prenez cette femme par exemple », dans
son caddie il y a des Kronembourg (« elle est mariée »), un
pot de Nutella (« pas franchement heureuse »), des yaourts Taillefine
(« elle envisage d'aller voir ailleurs »). Autre exemple : une
célibataire endurcie, légèrement maniaque, met dans son
chariot de supermarché, des boîtes pour chat et quantité de
produits de nettoyage. Nous pourrions dire aussi « dis-moi ce que tu
manges, je te dirai qui tu es ». Même si le cadre du roman ne nous
permet pas toujours d'inspecter le contenu des chariots de supermarchés,
nous pouvons néanmoins nous faire une idée des personnages en
analysant ce qu'ils consomment.
Ainsi, dans « Je vais bien, ne t'en fais pas »
d'Olivier Adam, Julien achète sa bouteille de Jameson
et son rouleau de Pringles, des pots de tarama et ses
Chipster.
Jameson est la première marque de whisky irlandais
consommé en France aujourd'hui et la neuvième dans le
monde119. Les rouleaux de Pringles, des snacks salés
présentés sous forme de tuiles, sont nettement plus
onéreux que des chips. Ils sont complètement
irrésistibles. Les Pringles peuvent être consommés à
n'importe quel moment de la journée, seuls, en apéritif ou en
accompagnement des repas. Dans ce spot publicitaire, on peut voir
majoritairement des jeunes insouciants et dynamiques (des jeunes qui bougent
tout le temps), avec la devise
« once you pop, you can't stop »120. Tube
pratique que l'on peut emmener partout. Et les Chipster ne sont pas comme les
autres : « Un délicieux pétale de pomme de terre
soufflé et doré, tellement fondant et croustillant que vous n'y
résisterez pas ! »121
Si nous suivons les déductions de Raphaël dans le
film de Laurent Tirard, nous pouvons dire que Julien est un célibataire
qui ne cuisine pas, il mange des chips, il est peut-être un peu
déprimé car il achète du whisky. Mais il a sûrement
les moyens de se payer de bons produits, pas vraiment bon marché.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier
Adam, Claire débarque dans un camping et on l'installe près
des occupants de son âge. L'auteur indique qu'ils sont jeunes et nous
en avons la confirmation parce qu'ils sortent de la tente avec un « pack
de Kro » (p 71). La Kronenbourg est
la bière française par excellence. Elle n'est pas très
coûteuse, et la boire
119
http://www.ricard-sa.com/ricard/jameson
whisky irlandais.html 120
http:// www.pringles.co.kr
121
http://www.consuvote.com/les
chipsters sales 66-av-5573 82.html
permet de ne pas consommer de mauvais vin, c'est donc
également une question d'argent. Kronenbourg est la plus vendue en
France (plus d'une sur cinq)122.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, quand Machon se rend à Paris, chez les amis de Mme de
Mauprès, il y a dans le frigo des bières
Sapporo. Il se serait contenté d'une Kronenbourg mais
il n'y en avait pas. Les Kronenbourg banales ne sont pas assez bien pour ces
Parisiens prétentieux. Sapporo est une Pils japonaise, harmonieuse et
équilibrée, très agréable123. Les
bières japonaises sont particulières parce qu'elles n'ont pas le
goût attendu de ce breuvage. Nous pouvons remarquer la volonté du
personnage de se distinguer de la majorité des Français.
De même dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna
Gavalda, Franck, le cuisinier a coutume de boire de la Kro. (p 167)
(Kronenbourg)
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès,
Bertrand se mitonne une mixture exquise et saupoudre le tout de
malabars pilés (p 18), cela ajoute une touche
colorée à la préparation, tenant à la couleur rose
fluo des malabars124. Pour racheter les Misérables, Caroline
s'imagine se priver « de carambars et de
roudoudous (p 11) pendant un mois mais cela ne suffirait pas
« et une fois son crime accompli, elle repense avec tristesse aux tartines
au Nutella que lui préparait sa mère. »
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Philibert
est d'une timidité excessive qui l'empêche de faire quoi que ce
soit. Il boit du Nesquick tous les matins. Cela montre une
envie de retourner dans le monde de l'enfance où il n'avait aucune
responsabilité. La publicité de cette boisson a pour cible
majeure les enfants. 125 Philibert est vraiment
caractérisé par ce breuvage, au point que Camille et Franck le
qualifient de Super Nesquick venu du ciel. (p 560)
Camille, elle, ne mange pas beaucoup, mais aime le bon vin. Elle
boit du Mouton Rothschild
(p 129) et du Bourgogne aligoté (p 294).
Quant à Franck, c'est un fin cuisinier et il ne met pas n'importe quoi
dans ses préparations. Lorsqu'il utilise du rhum, ce n'est pas du
Old Nick
122 http://www.brasseries-kronenbourg.com/
corporate/marques/index.htm
123
http://www.epicurien.be/epicurien/biere.asp?bid=662
124 http://www.cadburyfrance.com/
125 http://www.nesquik.com/
(p 299) de chez Monoprix. Il boit de la Kro (p
167), des Heineken (p 328) ou du Perrier
citron. (p 590)
2.2.3.5. Habitudes vestimentaires.
Il est aisé de se figurer le niveau social du personnage
grâce aux logos qu'il affiche sur ses vêtements. Mais attention les
stéréotypes changent : par exemple, les habits de la marque
Lacoste, traditionnellement attribués aux gens aisés, sont
portés de nos jours par la racaille, à moins que ce ne soient des
contrefaçons !
Dans « La dilution de l'artiste », Jean-Philippe
Delhomme dépeint le fossé qui sépare les artistes de
province et ceux de Paris. Il se moque du clivage Paris/Province,
branché/ ringard. Ainsi, le producteur de cinéma Th. Alexandre et
ses assistants sont chaussés de Nike... Nike apporte
« plus d'énergie, plus d'options, plus d'opportunités.
»126 Cette marque symbolise le sport et la culture, la
performance et la créativité. La déesse grecque
Niké, symbole de la victoire, invite les jeunes à se surpasser.
Contraste évident, le vieux poissonnier Duloup est «
étriqué dans un vieux Tricomer bleu marine
» (p 206), genre marin, alors que l'ami parisien très à la
mode de Cécile de Mauprès porte « des chaussures de sport
d'une marque que l'artiste [Machon] n'avait jamais vue. » (p 234) Tricomer
conçoit des vêtements marins traditionnels pour le plaisir des
petits et des grands, dans un style intemporel, indémodable, confortable
et très résistant.127 L' on voit bien la
différence entre les artistes parisiens qui se parent de marques
prestigieuses, et les artistes de province qui préfèrent la
tradition et la qualité.
Dans le même roman, Cécile de Mauprès, femme
d'un mécène provincial, fait ses emplettes chez « Colette
Cabane de Zuccat BeauryBy. » (p 239) Nous voyons sa volonté de
s'habiller avec les marques huppées de la capitale pour affirmer son
rang social. Pour la marche, elle opte pour les Prada de
sport. Elle a donc les moyens de s'en acheter d'une part et d'autre part, elle
aime être chic. Les Prada sont les chaussures de rêve, celles que
vous pourrez porter en toutes occasions.128
Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Annabel s'habille chez Dolce & Gabana,
Thierry Mugler, John Galliano, LaPerla pour les
sous-vêtements ou
126
http://www.nike.com
127
http://www.tricomer.tm.fr/trico.asp
128
http://www.prada.com
PKO, se chausse de tennis Marc
Jacobs, de spartiates Gucci, de talons aiguilles
Giuseppe Zanotti. En tant que mannequin, elle porte les
vêtements les plus élégants mais aussi les plus sexy. Le
nom des marques, seul, laisse supposer son rang social. Mais les descriptions
de la « minirobe mousseline Dolce Gabana », ou d'
« une minirobe bustier John Galliano en satin violet et
noir à franges et lacets bicolores » et les chaussures «
talons aiguilles python fluo Giuseppe Zanotti » sont bien
plus éloquentes que la simple mention de la marque. Par contre, ces
marques prestigieuses nous rappellent que nous sommes dans le monde de la jet-
set et dans celui de l'industrie de luxe.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam,
Claire porte un tee-shirt Naf Naf (p 20), « marque
féminine grand public évoluant dans l'univers du « City wear
- Sportswear », s'adressant aux femmes de 20 à 35 ans. Naf Naf est
l'une des marques de prêt- à-porter les plus connues. Innovante,
performante, dynamique, c'est aussi l'une des rares marques françaises
à disposer d'une véritable notoriété
internationale129 ». Nous pouvons donc penser que Claire,
malgré son emploi de caissière, se paye de temps en temps des
petites folies, mais ce tee-shirt est « trop grand et usé » (p
20), ce qui nous laisse croire qu'elle l'a acheté en seconde main ou
qu'il est tellement vieux qu'il s'est élargi. Elle change ce tee-shirt
« pour un Petit Bateau, taille 16 ans, résolument
petit et collé à sa peau très pâle ». (p 20)
Porter des tee-shirts Petit Bateau fait partie d'un certain style vestimentaire
en vogue mais celui là est trop petit, elle n'a pas les moyens de s' en
payer de nouveaux.
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck
est le seul qui s'habille avec des marques. Il porte un pull Ralph
Lauren (p 340) et un blouson en cuir Lucky Strike (p
320).
Camille, à cause des allusions sexuelles constantes de
Franck, pense qu'il porte des boxers shorts Hom (p 242),
marque de même standing que Ralph Lauren ou Lacoste. C'est une marque de
sous-vêtements prestigieuse, signe de virilité à la limite
du macho très porté sur la chose. Elle vise la sensualité
et la séduction130. Or, en réalité, il porte
des Dim. (p 298) Ce sont des caleçons de grande
distribution mais que la publicité les qualifie « d'objets de
séduction »131 . Plus tard, pour séduire Camille,
Franck s'achète un Hom.
129
http://www.nafnafgroup.com/vf/identite
marques/ident marq NAF activite.html
130
http://www.hom.fr/hom.php
131
http://www.dim.fr
Philibert rencontre une fille. Elle porte des
Converses roses « customisées new look. »
(p
555) Les Converse sont des baskets très à la
mode.132 Suzy est très à la mode, contrairement
à Philibert qui est hors du temps, ou en tout cas, dans une autre
époque. Cependant, ses chaussures « customisées » lui
permettent d'être dans le vent sans pour autant être comme tout le
monde.
3. Fonctions « catalyses »/ emploi marque
comme nom.
Dans cette catégorie d'actions, nous n'avons pas
trouvé de marques, véritablement actives dans l'histoire. En
revanche, elles sont importantes dans la description car elles accentuent
l'effet de réel.
3.1. Espace fixe éclaté.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam,
Julien se rend au Shopi. Il a décidé de
déclarer sa flamme à Claire mais il est très timide. Pas
de chance, à ce moment là, elle pleurait. Alors il décide
d'attendre et il attend ...longtemps. Aussi, pour tuer le temps, descend-il
l'escalier. « Rayon cornichons, papier-toilette, shampooings et
casseroles. Le vigile le suit. Lui flâne, touche du bout des doigts les
flacons, les bouteilles [....] Le type l'observe d'un air étrange, comme
s'il le suspectait de vouloir subtiliser un grand paquet de
Moltonel à Monsieur Shopi. » (p 127) Après
un petit temps, « Julien en a marre d'Ariel,
Bonux, Vizir et toute la bande. Il remonte.
Le vigile a l'air de le prendre pour un fou, pense qu'il joue un drôle de
jeu, qu'il prépare un sale coup. Le genre de type à donner un
rendez-vous à un mec pour lui refiler de la coke devant le rayon des
Moltonel. Julien repose tout. » (p 128) Il n'est plus en état de
parler à Claire, et elle ne serait même pas capable de
l'écouter.
Cette description de l'espace des rayons du Shopi
présente l'avantage de retarder la décision de Julien. Va-t-il
lui parler, se faire arrêter par le vigile, être défendu par
Claire ? Une infinité de solutions s'ouvre à lui, mais lui
renonce et rentre chez lui.
3.2. Espace mobile ouvert.
Dans « Je vais bien, ne t' en fais pas », d'Olivier
Adam, Claire quitte Paris pour les vacances. Nous suivons son
déplacement. Nous sommes devant un véritable exemple de
132
http://www.converse.com
description à travers un milieu transparent : « les
Champs Elysées, la Pizza di Roma, le Gaumont
Ambassade avec le grand écran, les Tuileries, les bateaux dans
le bassin. » (p 36) ... « On longe des magasins alignés. Halle
aux chaussures, Cuir Center, Centre Leclerc, Luminaires,
Lapeyre, Saint-Maclou, Conforama... des McDonald' s,
des Quick, des concessionnaires Renault,
Peugeot, Honda, des enseignes Midas. » (p 37)
... « Les rues sont désertes et Claire traverse la forêt de
Sénart, passe devant la zone d'activités, cubes de tôle,
architectures de métal ; puis devant le supernarché
Atac, un hard-discounter. » (p 38) Elle se rend chez ses
parents.
Ces marques nous donnent une impression de réalité.
Elles situent très précisément dans l'espace, mais elles
n'ont pas de rôle dans l'action. En tant que fonction catalyse, cette
description du paysage industriel joue un rôle dans
l'accélération du temps, c'est comme si l'auteur nous donnait
à voir l'entrée et la sortie de l'autoroute, exactement comme
Thomas Gunzig dans « Carbowaterstoemp »133, quand il
décrit la sortie de l'autoroute à Drogenbos : Leroy
Merlin, Massive, Carrefour,
Di Sport, Carpetland, Pizza Hut .(p
165)
3.3. Temps.
Dans « Le Châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Hugo est réveillé en pleine nuit par un coup de
téléphone alors qu'il venait de s'assommer avec des
somnifères et du Martini. Il ne se sent pas bien. « Sur la commode,
une bouteille d'Evian évoquait le temps heureux de sa
sobriété. » (p 170) « Evian réveille la jeunesse
qui est en vous. »134Dans ce cas- ci, c'est clairement la
marque Evian qui évoque chez Hugo un souvenir de
sérénité contrairement à l'état dans lequel
il est après s'être enivré de Martini.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, Machon pénètre dans la demeure des Fouasse. « En
approchant le nez, Machon crut percevoir une bouffée de Johnson
spécial cuivre qui lui rappela son enfance ». (p 90)
Johnson est actuellement une marque ombrelle suisse qui comprend
quantité de produits d'entretien. 135
Dans ces deux situations, nous sommes dans un cas de figure
comparable à la célèbre « Madeleine de Proust »
Toutefois, dans le premier exemple, c'est la vue qui ouvre le
133 Thomas Gunzig « Carbowaterstoemp et autres
spécialités », Bruxelles,, Editions Labor, 2005, collection
Espace Nord.
134 www.evian.fr/
135
http://www.scjohnson.ch/fr/products/special/index.php
processus de rappel, et dans le deuxième, c'est
grâce à l'odeur d'un produit de nettoyage qu'il revit des
souvenirs d'enfance.
3.4. Personnage / routine.
Claire, l'héroïne de « Je vais bien, ne t'en
fais pas » d'Olivier Adam, est caissière chez
Shopi. Par la force des choses, elle évolue dans un
environnement où les marques sont omniprésentes. Elles font
partie de son quotidien, de sa routine. Ses heures s'écoulent au rythme
des produits : « Pommes golden, Décap' Four, un
paquet d'Ariel petit format, papier- toilette
Moltonel, gel douche Ushuaïa, pâte
à tarte feuilletée Herta, jus de pomme
Pampryl, pistaches Bahlsen, tomates en
grappe, fourme d'Ambert, lardons, une bouteille de
Ballantine's, deux aubergines, un sachet de gruyère
râpé, des crèmes à la noix de coco Gervais
(les crèmes renversantes, nouveau ), voilà, ça
vous fera deux cent soixante-trois francs et trente centimes, vous pouvez taper
votre code, merci, au revoir, merci, bonne journée à vous aussi.
» (p 13- 14) « Bonjour madame. Six oeufs, un paquet de pommes de
terre à
frites, beurre Elle & Vire. Trois bouteilles
de Coca. Huile tournesol, trois paquets de spaghettis
Panzani, un paquet de riz Uncle Ben's, un
rosbif, un grand pot de crème fraîche
Bridélice, trois Yabon grand format,
deux Danette familiales, à la vanille, trois riz au
lait La Laitière, quatre paquets de chips
Vico, un saucisson Justin Bridou.
Voilà, deux cent quatre- vingt-treize francs et cinq centimes, vous
n'avez pas trois francs, c'est pas grave, au revoir madame, bonne
journée. » (p 14) « Quatre bouteilles de bordeaux
recommandées par Jean- Luc Pouteau, meilleur sommelier du monde, viande
des Grisons Reflets de France, un sachet de Mini
Babybel, une bouteille de Mr. Propre,
Vizir et sa Vizirette, un gratin de courgettes surgelé
Findus, deux concombres, un pot de cannelle, un paquet de
papier-toilette parfum lavande, un sachet de noix, trois plaques de chocolat
noir soixante-dix pour cent de cacao Lindt, deux paquets de
glace Gervais, un vanille un pistache, un paquet de
Dragibus, deux paquets de cookies Hello ! de
LU, voilà, trois cent un francs et vingt centimes. Oui
je finis vers vingt heures, non désolée, ce soir je suis prise
.... » (p 28) « Trois packs de Kro, des rillettes
Reflets de France, un paquet de pain de mie
Harry's, quatre tranches de jambon blanc
Herta, de la margarine tournesol. » (p 118)
Les marques sont ici utilisées avec insistance et ironie.
La saturation est là pour marquer la routine et l'enfermement : la
caissière dans son boulot décérébrant, les clients
dans
la consommation. En même temps, c'est aussi une petite
musique amusante, une poésie un rien surréaliste parfois, le
plaisir dans le décalage.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, Machond est un artiste. Il passe la majeure partie de ses
journées à essayer d'inventer des nouveaux concepts
révolutionnaires d'art contemporain. Donc, il se doit de trouver des
sponsors : « Il écrivait à Appel
France..... Pourquoi pas ? Et même à des marques de PC :
Fujitsu, Intel, Compaq. ... De loin Microsoft
avait l'air décourageant, mais qu'est-ce qui prouvait qu'un tel
projet ne les intéresserait pas ? ... . Enfin, la langue
brûlée, l'artiste décidait de solliciter également
La Poste, LVMH, des fondations de compagnies
pétrolières et quelques banques. » (p 60) Cette
démarche est pour le moins originale, pourtant, il a un doute en
écoutant une émission d'art contemporain à la radio : son
projet est-il banal ? Malgré tout, en sirotant son cocktail, il se dit
que la nouvelle génération d'artistes multimédias est
remplie d'ex-informaticiens : « Machond reprit courage, il allait
reprendre ses courriers de demande de sponsorat auprès
d'Apple, d'Intel, de Compaq,
de Fujitsu, d'IBM,
héhéhé ! » (p 66)
4. Fonctions « Cardinales » / emplois pour le
produit de base.
Pour l'étude des fonctions cardinales, qui constituent
les moments-clés du récit, les actions, nous avons la
théorie de Roland Barthes. Nous y avons substitué le
schéma actantiel de A.J. Greimas.
Dans ce schéma, il est évident que les
différents actants ne sont pas des personnes, puisqu'il s'agit de
marques. Nous devons préciser qu'un actant peut avoir plusieurs
fonctions, et un même rôle peut être tenu par plusieurs
actants. Pourtant, « Selon Greimas, les participants (actants), sujets ou
objets, vivront le récit selon les modalités du vouloir, sur
l'axe du désir, par rapport à la nature. Les destinateurs et
destinataires fonctionneront selon la modalité du savoir, dans l'axe de
la communication (ou de l'absence de communication). Les adjuvants et les
opposants fonctionnent sur l'axe de l'action, mais aussi sur le vouloir et le
savoir. »136 Ce n'est ici bien évidemment pas tout
à fait le cas étant donné que les actant sont des objets
marqués.
4.1. Sujet.
136 Cours de Narratologie du Professeur Albert
Mingelgrün.
Le sujet est l'actant qui porte l'action. Il peut en
être le héros ou l'anti- héros. L'exemple que nous
présentons ci-dessous est unique. Et pour cause, dans les romans
contemporains, l'action est majoritairement portée par des
personnages137. Cependant, nous pourrions sans difficulté,
imaginer une action menée par une Barbie ou un Uncle Ben' s.
Dans « Jeanne d'arc fait tic tac », Iegor Gran consacre
une de ses nouvelles aux baskets Nike. Il n'emploie
pratiquement que cette marque, les autres étant comme « des
détails superflus. »138 Ces dernières ont
séduit P'tit Louis car lorsque le vendeur les lui a fait essayer, le
garçon a l'impression que « les Nikes rebondissent au sol comme des
demeurées et c'est tout l'intérieur de mon gars qui rebondit avec
elles. » (p 10) Mais peu à peu, elles s'emparent de son corps et
exercent sur ses déplacements leurs pouvoirs maléfiques. Pourtant
il aurait dû ouvrir l'oeil car « dans un miroir sur le mur de la
boutique, quand on regarde ces sportives et l'allure qu'elles ont dans le
reflet, on a l'impression de voir le logo Nike se dodeliner, on dirait les
sourcils noirs d'une sombre créature. » (p 11) Nous voyons bien,
par cette phrase, que la paire de Nike est personnifiée. En effet,
à peine sorti du magasin, « ce sont les maudites Nike qui le
dirigent. » (p 12) Elles l'empêchent de participer à des
manifestations altermondialistes, le poussent dans les MacDonald' s... bref
vers tout ce qui est américain et capitaliste. Il ne sait plus comment
s'en sortir, il commande un Big Mac, « alors seulement les Nike veulent
bien le laisser partir. » (p 13) « Le lendemain, il met les maudites
Nike et prend par l'avenue de la République » (p14), « les
Nike de calamité le poussent vers des modes de consommation dont il ne
veut pas. » (p 16) « Un soir, P'tit Louis se décide à
jeter ces Nike pratiquement neuves à deux cents euros la paire » (p
17), mais elles reviennent. Alors P'tit Louis les chausse, bien
décidé à ne pas se laisser faire : « P'tit Louis se
bat. Les Nike résistent. P'tit Louis met du coeur à ses jambes.
Les Nike freinent des quatre fers. Une semaine, c'est P'tit Louis, la semaine
suivante, c'est Nike. Nike - P'tit Louis. P'tit Louis - Nike. » (p 21)
Après quelques semaines, « il a l'impression que la force
magnétique des Nike a fortement diminué. » Mais finalement,
à bout de force, P'tit Louis brûle « les Nike et enterre les
restes au fond du jardin » (p 22). P'tit Louis a quand même appris
à résister.
4.2. Destinateur.
137 Ibidem.
138 Rolland Barthes « Introduction à l'analyse
structurales des récits », Edition Seuil, 1982, p81.
Le destinateur a coutume de représenter le personnage ou
la force qui commande l'action. D'une certaine manière, les marques
peuvent endosser ce rôle quand elles provoquent véritablement les
événements, l'action. Elles jouent un rôle de
déclencheur.
Dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, Marc aurait voulu vivre heureux avec sa
femme, mais il ne parvient pas à rester amoureux plus de trois ans. Il
essaye de déceler le moment où il a cessé d'être
amoureux. C'est bien net dans son esprit : un jour, il s'est mis à
refuser que sa femme lui prenne la main, qu'elle le touche, il ne voyait plus
sa main, mais « une main molle, blanchâtre, avec la consistance d'un
gant Mappa. » (p 54) Il s'agit de gants en caoutchouc que
l'on utilise entre autres pour faire la vaisselle. Cette évocation
pourrait signifier qu'il ne la voit plus comme sa femme qu'il a envie de
caresser, mais davantage comme un objet qui fait partie des meubles, ou un
quidam qui s'occupe de l'appartement et de la vaisselle. Ce pourrait être
aussi une main sans vie. Cependant, la marque ne joue pas vraiment un
rôle de déclencheur, mais la comparaison de la main avec le gant
Mappa est déterminante. En effet, l'amour de Marc pour Anne
disparaît parce que la main de son épouse n'a plus de consistance.
Ce vide déclenche en lui le besoin de prendre une maîtresse.
La rupture est provoquée par un autre
élément. Quelque temps après, au cours d'un voyage, «
Anne, cherchait sa brosse à cheveux et fut décoiffée par
un Polaroïd de femme, assorti de quelques lettres d'amour
qui n'étaient pas d'elle. » (p 39) Une photo est une preuve
classique de l'adultère, mais quel pourrait être l'avantage
d'utiliser ici « le Polaroïd ». Nous notons que cette marque est
présente dans le dictionnaire, assimilée à un nom commun.
Cependant l'usage de la majuscule, lui confère ici son statut de marque.
(Nous discuterons de l'usage de la majuscule dans le chapitre consacré
à ce type d'irrégularité linguistique.)
L'emploi du terme Polaroïd pourrait signifier, soit que
Marc et cette jeune fille sont partis ensemble en vacances et qu'il a pris
cette photo d'elle à l'aide d'un appareil de cette marque, soit qu'Alice
lui a envoyé cette photo prise par quelqu'un qui possède cet
appareil. L'avantage est qu'il n'y a pas de négatif. En tout cas, la
photo Polaroïd provoque le départ d'Anne.
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B » de
Sylvie Medvedowsky, l'héroïne, bien qu'abattue par son divorce qui
s'éternise et par les diverses malhonnêtetés dont la
gratifie son mari, est bien décidée à mener une vie digne
et à ne pas se laisser faire. Elle veut que son ex-mari paye la pension
alimentaire qui lui est due. Or, un matin, au moment de partir au
bureau, elle découvre sa Twingo
vandalisée. Cette Twingo est un bien très précieux pour
Juliette : dernier cadeau de Paul, c'est son deuxième bureau, elle en a
absolument besoin, elle l'aime. La Twingo correspond assez bien au
caractère de Juliette : « sympathique et élégante.
» 139 Elle est certaine que la nouvelle femme de Paul est coupable.
Celle-ci la prend pour une faible femme, à bout de nerfs, qui va
abandonner ses desiderata. Au contraire, Juliette décide de se battre
à ce moment précis. Elle monte un commando qui va harceler et
faire craquer Paul. Finalement, il s'excuse et accepte de lui donner la pension
demandée et même de réparer la Twingo. La Twingo, en tant
que lieu catalyseur de haine et objet cher à Juliette, joue un
véritable rôle de déclencheur, dans l'entrée de
Juliette dans la bagarre.
4.3. Destinataire.
Nous n'avons pas répertorié, dans notre exemplier,
de marques correspondant à cet emploi de destinataire,
c'est-à-dire l'actant à qui bénéficie l'action. La
raison de cette absence est à chercher dans la tendance actuelle, fruit
de notre société individualiste, d'agir pour soi-même, le
sujet étant presque toujours un personnage.
4.4. Objet.
L'objet représente la quête du sujet.
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de
Sylvie Medvedowsky, Juliette, habituée à vivre dans l'opulence,
grâce à son mari, se retrouve fort dépourvue une fois que
ce dernier demande le divorce. Tout au long du roman, elle se lamente : adieu
les petites mules Prada, les sacs Vuitton,
les virées à l'espace lingerie du Bon
Marché, la lingerie La Perla. Elle rêve
d'un homme qui puisse lui offrir des « mules Gucci, des
sacs Tods, des lunettes de soleil Chanel...
». Elle ne peut s'empêcher d'acheter, elle craque et se paie «
un petit ensemble très sexy « La Perla». Mais elle n'est pas
la seule, ses enfants ont également du mal à
réfréner leurs envies, entre la dernière
Playstation et le prêt-à-porter
Nike. La vie est dure quand on n'a plus les moyens. Juliette
est au plus bas. Pour lui remonter le moral, ses enfants lui offrent un flacon
de parfum de chez Hermès. (p 158) En effet, Juliette est
également une fanatique de cosmétiques, bain moussant
spécial Guerlain, et autres élixirs de
Lancôme ou L'Oréal. Sans oublier
les parfums : « Ce soir ou jamais », l'avant dernier
Goutal, « Nu » de YSL...
139
http://www.renault.fr
Nous pouvons dire que dans ce roman, l'évocation de
vêtements de haut standing et de cosmétiques de marque
répétés à maintes reprises, occupe une fonction
à la fois
consécutive (elle dénote les rapports
d'interdépendance dynamique entre les somptueux cadeaux de Paul à
Juliette et à leurs enfants et la sujétion de Juliette aux
marques) et conséquente ( depuis le divorce, toute la famille est
privée de luxe, donc, le « besoin » de Juliette pour ces
marques la pousse à demander une pension alimentaire
élevée, de 1200 euros car elle sait que son mari a assez
d'argent.) Au tribunal, elle explique au juge qu'elle a besoin de cet argent
pour ses enfants ; pour leurs études, leurs loisirs... mais en
réalité, on pourrait dire que la quête de Juliette est de
retrouver une vie aisée. Pourtant, Paul refuse de payer cette somme.
Juliette se lance alors dans une bataille, longue et difficile, elle finira par
obtenir gain de cause et « une nuée de strings de toutes marques -
Dolce & Gabana, Prada,
Dior...- s'est envolée. » (p 287)
4.5. Opposant.
Les opposants mettent en péril la quête du
personnage.
Dans « Belle mère » de Claude Pujade-Renaud, la
marque Citroën, dans son sens d'entreprise, tient lieu
d'opposant car elle a enregistré un modèle de moteur à
cylindre tournant, un an avant que Lucien ne se présente au bureau des
inventions pour faire breveter. Cette découverte devait le faire devenir
riche et lui permettre de quitter son père avec sa mère.
L'héroïne de « Je vais bien, ne t'en fais pas
» d'Olivier Adam, Claire, travaille chez Shopi, elle se
trouve largement défavorisée à cause des
stéréotypes sociaux indissociables du travail de caissière
chez Shopi. Dans les soirées où l'emmène Nadia, Claire ne
se sent pas à l'aise. Dès qu'elle dit qu'elle est
caissière, les gens ne prêtent plus attention à elle,
où alors, ils essayent d'abuser d'elle. Les stéréotypes ne
jouent pas en sa faveur : les gens « ne peuvent s'empêcher de penser
que la petite caissière de chez Shopi, c'est une fille facile, une
écervelée qui aime la bite, qui sera fière de se
trimballer quelques jours au bras d'un type à gourmette, à vaste
appartement, à week-ends à Deauville. » (p 143)
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, la
quête de Caroline, sept ans, est de tuer sa mère. Elle a de bonnes
raisons de lui en vouloir et sa décision est irrévocable. «
Pourquoi était-ce aussi dur ? Aussi compliqué ? Caroline se
rappela les tartines au Nutella, laissa couler une larme.
» (p 131) Caroline reçoit déjà de la Nutella
lorsqu'elle est malade. En effet, sa
mère veut qu'elle guérisse vite, elle se plaint
: « Avec tout ce que j'ai fait pour toi : tes jupes, tes chemisiers, les
poupées pour tes anniversaires, les tartines de Nutella pour le
goûter. Tu veux de la Nutella ? Tu ne réponds pas. » (p 54)
Nutella, c'est la pâte à tartiner idéale pour les enfants,
« c'est plein d'énergie pour penser et se dépenser
»140. La mère de Caroline veut le meilleur pour ses
enfants. Sa mère, « après tout, s'occupait si bien d'elle,
la veillait quand elle tombait malade, lui achetait des vêtements, lui
préparait des tartines de Nutella, 1'envoyait à l'école
» (p 63). Bien que cette famille ait un budget serré, la Nutella
fait partie de ses achats, alors qu'on peut en trouver de nombreuses
imitations, par exemple chez Monoprix (qui est le lieu d'approvisionnement de
la famille). Mais la mère offre de la Nutella à ses enfants, la
preuve qu'elle fait un effort pour eux. Caroline s'en rend compte. La Nutella
correspond à un aspect maternel positif et cause des remords à
Caroline. La douceur de la Nutella l'empêche de passer à
l'action.
Dans « En toute impunité » de Jacqueline
Harpman, les filles de la Diguière souhaitent envoyer leur mère
à Vichy, à la recherche d'un mari suffisamment fortuné
pour subvenir aux besoins de la maison. Mais Albertine refuse d'aller
séduire un millionnaire « en vêtements Trois
Suisses ». La marque Trois Suisses ne sert pas directement
d'opposant. Nous trouvons l'opposant plus particulièrement, dans le
stéréotype du catalogue de vêtements pour le plus grand
nombre. Cette mode n'est absolument pas comparable en raffinement aux tenues
que portent les dames de la haute société.
Dans « Dis voir, Maminette » de Claude Sarraute,
Anne est très embêtée, elle a toujours fait confiance
à son mari, elle ne s'est jamais contrariée de ses retards, elle
souhaite juste être heureuse. Mais là, sa fille, Lola, lui a dit
qu'il fréquentait une certaine Sylvie. « Elle les a vus aux
Champs-Elysées. Ils sortaient de chez Virgin en se
tenant par la main. » (p 45) Virgin est une compagnie de voyage à
bas prix141 qui propose des City trips, le rêve pour les
amants. En plus, comme les prix sont raisonnables, les escapades passent
inaperçues sur le compte en banque. Cependant, le rôle important
d'opposant endossé par la compagnie Virgin, c'est de permettre des
projets de vacances, déjà lourds de conséquences. C'est
une preuve irréfutable d'un malaise dans le couple. Anne en parle
à son mari et l'ambiance devient difficile. Elle rencontre ensuite
quelqu'un d'autre avec qui elle sera heureuse.
140
http://www.nutella.fr
141
http://www.virgin-express.com
4.6. Adjuvant.
L'adjuvant a pour fonction d'aider le sujet dans la quête
de son objet.
Dans « Belle mère », la quête de Lucien
est de trouver une femme. Il avait déjà demandé sa main
à Melle Rentier mais celle-ci l'avait repoussé. Avec l'argent de
l'héritage de sa tante, il s'achète une Quinze
Citroën. « Il considère que la Quinze Citroën
est un argument éloquent » (p 35), ainsi, il réitère
sa demande auprès de Melle Rentier. Sans succès. Plus tard,
Pierrette, dont la « deux chevaux » (2CV) a les pneus continuellement
crevés, demande à Lucien de bien vouloir sortir son antique
Citroën. Lucien rouspète mais finit par obtempérer.
Cependant, il laisse ostensiblement la Quinze dans le jardin. Pierrette
s'extasie sur la ligne superbe de la Quinze Citroën. Elle est
fascinée, elle rêve de l'essayer. Lucien saute sur l'occasion pour
tenter sa chance, mais c'est malvenu. Découragé et touché
par les problèmes d'argent évoqués par Eudoxie, qu'il
commence à apprécier, il revend la Quinze
Citroën.
La Quinze Citroën joue le rôle d'adjuvant dans le sens
où une « belle limousine » impressionne toujours les femmes.
En effet, surtout à l'époque où se déroule le
roman, la Quinze Citroën (1937) peut apparaître comme une voiture
prestigieuse. Pour Melle Rentier, peu de gens avaient la possibilité de
s'en offrir une, et pour Pierrette, la Quinze a acquis une valeur de vieille
voiture d'avant-guerre.
Dans le même roman, la quête d'Eudoxie est de gagner
la confiance de Lucien, homme sauvage. Elle a tout essayé : les petits
plats, la gentillesse, mais il est farouche et craintif. Cependant,
après la mort d'Armand, elle doit gagner sa vie et décide de
reprendre son métier de couturière, abandonné pour Armand.
Elle installe donc la Singer dans la salle à manger,
seule pièce chauffée. Elle se met à travailler. Petit
à petit, elle sent que Lucien s'approche, avec beaucoup de
circonspection. « La plupart du temps, il ne s'assoit pas, elle le devine
planté là entre le Godin et la Singer.» (p 54) La machine
est vieille, la mécanique est rouillée. Lucien la répare,
puis il installe de la lumière pour faciliter le travail d' Eudoxie. Et
enfin il déclare qu'il préfère travailler avec elle, sur
sa machine. Il écrira dans son carnet que la femme à la machine
n'est pas si méchante, et qu'il aime bien le ronron. Amis des chats, ou
chat lui-même, Lucien a été attendri grâce à
la machine à coudre Singer. Nous pouvons tous entendre
le bruit régulier d'une machine à coudre que nous pouvons
rapprocher du ronronnement des chats dont la maison de Lucien est envahie. Le
fait que la machine soit une Singer n'est pas anodin. À cette
époque, c'était probablement l'une des machines les plus
performantes.
Lucien est de plus en plus gentil, compréhensif et aidant.
Il a revendu le pavillon de la tante Firmine ce qui leur donne des finances
pour vivre. A présent, Lucien et Eudoxie se promènent dans la
campagne à bord de la Peugeot 204. Un jour, en feuilletant La Redoute,
Lucien déclare qu'il aimerait lui offrir une robe noire, car le
drapé lui irait bien (p 137), elle refuse en disant qu'elle s'habille
avec modestie. En réalité, il voulait qu'elle soit assortie
à son costume noir. Alors pour son anniversaire, il lui donne un
châle en laine des Pyrénées très chaud,
commandé chez La Redoute. (p 138)
La mention du catalogue a pour but de montrer l'évolution
des sentiments de Lucien à l'égard d'Eudoxie. A ce stade du
roman, les proches d'Eudoxie commencent à la presser de rentrer en
maison de retraite. Lucien fait tout son possible pour montrer à Eudoxie
qu'il tient à elle et qu'il ne veut pas la perdre. Il ne lui dit pas en
ces termes, mais l'envie de lui faire un cadeau, montre son attachement. La
Redoute est le magazine idéal pour un homme comme lui car cela lui
permet de choisir des vêtements sans aller dans les boutiques, sans
oublier que la présentation des vêtements permet de se faire plus
facilement une idée de la tenue.
Nous constatons aussi l'évolution du sentiment de Lucien
envers Eudoxie à travers ses voitures. Alors qu'Eudoxie n'avait pas le
droit de monter dans la Quinze Citroën, Lucien se fait à
présent une joie de promener Eudoxie à bord de la Peugeot
204. (p 99) Il l'emmène faire ses courses, ce qui est
uniquement utilitaire, mais ils ont également coutume de se promener
dans les environs, ou même, Lucien emmène Eudoxie à la
Délivrance, c'est-à-dire là où elle a passé
son enfance. Une certaine complicité est née entre eux lors de
ces promenades.
Néanmoins, Eudoxie est partie en maison de retraite,
Lucien le vit mal. Lorsqu'il la retrouve pour un week-end, pour être
sûr de rester en sa compagnie, il lui propose de faire un tour en
voiture. La Peugeot a ici la signification d'un lieu de détente. Mais,
soit, volontairement pour ne pas être séparé d'Eudoxie,
soit, par accident, leur vie prend fin au fond d'un lac, dans la Peugeot. Elle
pourrait représenter leur union dans la mort. (p153)
Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban,
Idylle veut séduire Jean. A sa deuxième visite, Idylle lui
propose du jus d'orange mais il refuse, il dit qu'il aime le café. Elle
n'en a pas mais lui propose ce qui accompagne souvent le café : le
chocolat, des After Eight, ou des Kinder
Surprise. (p 44) Il ne répond pas mais claque la langue, il
n'aime pas le chocolat. Les After Eight appellent la convivialité entre
adultes142 et les Kinder Surprise ont la
142
http://www.chocolat.nestle.fr/index.asp?Target=az/saga/aftereight.html
prétention de resserrer les liens entre enfants et
parents, grâce aux constructions des jouets offerts avec le
Kinder143. Le chocolat ne fonctionne pas, mais elle l'a
séduit quand même. Il revient, il appelle. Cependant, le plus dur
reste encore à venir : le faire parler. Il lui a également dit
qu'il ne buvait que du café mais que le sien n'était pas bon.
Elle a donc acheté une machine Magimix chez
Darty. « Darty, c'est le contrat de confiance.
»144 Avec un peu de chance, ça va lui délier la
langue. Le slogan de Darty n'est pas innocent, Idylle voudrait que Jean lui
fasse confiance elle espère aussi que la magie de Magimix fera son
effet. Elle fait des efforts, elle aussi, pour lui plaire, le faire succomber :
elle s'enduit de crème de soin de grande qualité « la
crème à l'abricot Christian Dior, la
crème à l'avocat Sisley pour la douceur »
(p 125). En désespoir de cause, elle lui dit qu'ils peuvent rester amis,
mais même cette phrase insidieuse ne réveille aucune
réaction. « J'ai envie d'aller chercher dans ma cuisine les
brochettes en ferraille rouillée achetées au Maroc, les
fourchettes Puiforcat héritées de ma tante et de
lui transpercer les mollets puis d'en menacer sa langue s'il ne l'utilise pas
immédiatement pour parler et qu'enfin réchauffé le moteur
ne s'arrête plus de tourner ! » (p 99). Les fourchettes Puiforcat,
oeuvre d'un des plus grands orfèvres de Paris, ont la
particularité de ne posséder que trois dents et d'être
très solides145, ce qui est nécessaire pour
transpercer un mollet d'homme.
Ce n'est plus possible, elle doit désormais
résister à Jean, à tout prix mais son amour pour lui est
si fort qu'elle a peur de ne pas y arriver. Elle se dit : « deux
comprimés de Stilnox m'aideront à passer le
cap.» (p 209) Mais elle se demande : « Ma volonté sera assez
forte pour triompher ; si en cours d'opération, alors que je me serai
déjà administré le sédatif, les regrets ne vont pas
m'assaillir et m'entraîner à lui ouvrir la porte, à me
prosterner, à lui demander, la bouche pâteuse, pardon pour le
pantalon de jogging, pardon pour le Stilnox qui me rend gâteuse, pardon
d'avoir douté, pardon de m'être un peu moquée, pardon de
mon impatience. » (p 210) Enfin elle avale les comprimés. Mais le
médicament ne fait pas
vraiment d'effet sur la pauvre Idylle éplorée :
elle a envie de lui ouvrir. Elle se dit : « ...grâce au Stilnox, moi
aussi je vais devenir énigmatique. [Pourtant] je pleure, je sanglote,
les larmes m'étouffent. Le Stilnox n'atteint que mes jambes, pas mon
cerveau, mon cerveau est toujours vif, plein de lui. » (p 214) «
Stilnox est indiqué dans l'insomnie occasionnelle, transitoire ou
chronique. »146 Elle croit en la magie de ce médicament
mais son amour est trop fort. Nous
143
www.kindersurprise.com
144
http://www.darty.com
145
http://www.art-rivedroite.com/gal
pres.php?ID=80
146
www.doctissimo.com
nous sommes demandé pourquoi l'auteur a choisi
d'utiliser précisément cette marque de somnifère. Nous
pourrions faire appel à l'étymologie, en anglais, « Still
» peut signifier « encore » ou « calme » et « nox
» veut dire « nuit » en latin. Nous pourrions expliciter le
paradoxe devant lequel se trouve Idylle : elle voudrait passer une nuit
tranquille mais elle voudrait aussi être encore avec Jean. Elle lui
laisserait bien encore une dernière chance.
Dans « le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Hugo vient de recevoir un message de mort d'Echo. Il se rend chez
American Car, il y voit « une machine de guerre, noire
comme le diable, énorme, monstrueuse, provocante » (p 119) et
décide de se protéger dans ce genre de véhicule « un
Hummer H2. » C'est un énorme quatre-quatre noir,
carrossage blindé, vitres teintées, jantes et chromes rutilants.
(p 105) Il coûte une petite fortune mais Hugo est prêt à
tout pour sauver sa peau. C'est donc à bord de ce Hummer qu'il
entreprend son enquête. Cependant, Hugo n'est pas habitué à
ce genre de voiture : « Au volant du Hummer il roulait à la vitesse
d'un vélo. » (p 120) « Le moteur du Hummer, solidaire de sa
désolation, cala. » (p 122) C'est grâce au Hummer qu'il
rencontre Lubna qui l'aide beaucoup dans ses affaires professionnelles, de
plus, elle sait conduire le Hummer. Annabel, la future femme d'Hugo, n'en croit
pas ses yeux -Hugo est d'habitude plutôt discret- quand elle voit ce
monstre. Elle appelle le mobile d'Hugo et il se met effectivement à
sonner à l'intérieur du Hummer. (p 130) Annabel fait une
scène. Alors, il lui explique tout du jacuzzi jusque au Hummer. Hugo est
exténué, les menaces se multiplient. Il fait tout dans son Hummer
: il y mange (p 156), y dort (p 221). Il ne le quitte plus (p 180, 207, 233).
C'est une voiture puissante (p 170), elle lui permet de filer à un
rendez-vous urgent que lui fixe
Klostoff, l'agent secret qui l'aide dans son investigation, au
milieu de la nuit. C'est dans ce véhicule qu'il part avec Lubna et
Charlie conclure une affaire en Normandie. Par la même occasion, il rend
visite à un vieil ami. C'est là qu'Hugo découvre que
Marcus a eu une liaison avec Annabel, sa future femme. C'est aussi en Hummer
qu'il va chez sa tante pour découvrir qui se cache derrière Echo
(p 255, 257,259, 266). Il réalise également que quelqu'un avait
posé un « car spy box » sous le Hummer (p 273). Hugo a peur,
il abandonne le Hummer, trop voyant et se cache (p 318).
Le Hummer a dans ce cas un rôle d'adjuvant évident.
Non seulement, il rassure Hugo mais en plus, il lui permet, lors de son
escapade en Normandie, de trouver des preuves pour dénouer le complot
dont il est le centre. « Filiale du groupe General
Motors, Hummer est le
fournisseur de l'armée américaine en matière
de 4x4, c'est un véhicule militaire reconverti en 4x4 de luxe.
»147
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Paulette,
alias mémé, veut continuer à vivre dans sa maison de
campagne. Or, elle a des pertes d'équilibre et pour cacher ses bleus,
elle se badigeonne de Synthol (p 11). « Ce
désinfectant est un remède pour les maux du quotidien, dont les
ecchymoses. Cette marque a traversé les générations et
reste encore très tendance aujourd'hui. C'est une marque mythique pour
un antiseptique. »148 Son entourage trouve qu'il est prudent
qu'elle aille s'installer dans une maison de retraite, mais Paulette ne veut
pas. Un jour, après un malaise, inconsciente, elle est
transportée à l'hôpital puis en convalescence, dans un
home.
Paulette ne restera pas très longtemps dans « ce
mouroir ». En effet, Franck échange sa moto contre une Golf
(p 520). Grâce à la voiture, il peut désormais
faire voyager sa Mémé avec lui. C'est à son bord qu'avec
ses amis parisiens, ils se rendent à la campagne le week- end. Pour
Mémé, c'est inespéré de retrouver sa petite maison.
C'est d'ailleurs là qu'elle finira sa vie, dans son jardin, comme elle
le voulait. Nous pourrions également considérer cette voiture
comme un adjuvant qui permet à Mémé de mourir là
où elle le souhaitait.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier
Adam, Claire quitte Paris pour partir deux semaines en vacances. Elle loue une
voiture : « On lui fait faire le tour de la Clio bordeaux. C'est un
modèle de série limitée : Clio Chipie. Claire aime bien
ça comme nom de voiture : Clio Chipie. » (p 35) La
marque Chipie lui rappelle chaque rentrée, lorsque
Claire demandait un agenda Chipie mais que ses parents ne pouvaient pas le lui
payer. C'est donc à bord de cette voiture qu'elle se rend chez ses
parents. Le slogan de cette Clio interrogeait : « Mais que reste-t il aux
grandes ? »149 Là, elle reçoit une lettre de son
frère, expédiée de Portbail. Sans rien dire à ses
parents, elle se dirige vers Portbail pour une semaine de vacances dans le but
surtout de retrouver son frère, c'est son voeu le plus cher. Au cours de
ses recherches, elle finit par croiser son père, expéditeur des
lettres. C'est la désillusion. Ensuite, elle rencontre un garçon,
et comme elle sait qu'elle ne trouvera plus Loïc, elle lui propose de le
raccompagner à Paris. Une histoire naît entre eux. Tout va
bien.
147
http://www.webcarcenter.com/guide/hummer/h3/G2112.html
148
www.doctissimo.com
149
http://aebergon.club.fr/Renault/page
Renault Clio Chipie.htm
Cette voiture est un lieu mobile fermé. A bord de sa Clio,
elle voyage de Paris à Porbail, et retour.
En quittant Paris, Claire est remplie de l'espoir de retrouver
son frère. La Clio Chipie qu'elle a louée lui donne le moyen de
sillonner les environs de Portbail à sa recherche. Peine perdue, Claire
y découvre qu'il a bel et bien disparu.
Dans le même roman, l'espace marqué joue un
rôle assez conséquent. En effet, Claire, l'héroïne est
caissière chez Shopi. Cet emploi est une bouée
de secours pour elle car après la disparition de son frère, elle
se sent au plus mal. En effet, son frère était tout pour elle :
son ami, son seul ami. Shopi est devenu son centre de sociabilité. Elle
y rencontre Nadia, étudiante en sociologie, engagée pour les
vacances, avec qui elle s'entend bien et qui l'emmène dans des
soirées. Ce lieu est primordial pour l'action car si elle n'y
travaillait pas, l'histoire aurait été tout autre. Grâce
à Shopi, notamment, elle rencontre Julien, qui fréquente ce
magasin pour Claire de laquelle il est amoureux sans oser se
déclarer.
Dans « En toute impunité » de Jacqueline
Harpman, les dames propriétaires de la Diguiére n'ont plus un sou
pour vivre. Elles revendent alors petit à petit leurs meubles, dont une
bibliothèque et un secrétaire Serrurier-Bovy (p
109) qui permettent à Madame la Diguière de partir pour Vichy
habillée en princesse afin d'y dénicher un milliardaire. En
effet, cette marque de meuble, datant de 1896, est très prisée
à Paris auprès des antiquaires.
La venue de ce sauveur bien nanti est accueillie avec joie.
Pourtant, après un certain temps, la communauté de la
Diguière trouve que Louis prend manifestement trop de place, il veut
tout décider, contrôler. Alors qu'elles déménagent
leurs affaires de toilette pour les ranger dans la nouvelle salle de bain que
Louis a fait aménager, elles découvrent une boîte de
Léponex. L'intérêt suscité par ce
médicament est proportionnel à l'exaspération des filles.
Elles décident alors de se renseigner plus avant. Elles
découvrent que le Léponex traite les troubles du
métabolisme de la dopamine, liés à l'âge. En outre,
le Léponex, associé à un autre médicament, peut
devenir toxique et provoquer une septicémie. Un ami médecin
interrogé plus tard, déclare qu'il espère que
l'intéressé n'a pas « de parent traité au
Léponex, dont elle souhaite hériter car ce serait une excellente
recette pour un crime parfait. » Un jour, les filles la Diguière
découvrent que si leur mère décède, Fontanin aura
l'usufruit de la propriété. C'en était trop, « le
verdict fut prononcé. Il ne comportait qu'un mot qui devint tranchant
comme une guillotine : Léponex. » (p 270) Toutefois, « un
contrôle régulier du dosage de Léponex aurait sauvé
Fontanin. On sut par la suite qu'il avait toujours été
négligent. » (p 273)
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes,
l'héroïne éponyme veut tuer sa mère. Elle a
envisagé plusieurs solutions, elle a réfléchi. Finalement,
« la petite fille [qui] consciencieusement, tous les soirs, ajoutait au
tilleul, à la verveine ou à l'anis, un comprimé
Vespérax, un somnifère qu'avait prescrit le
dentiste. » (p 123) Chaque jour, elle augmentait la dose. Donc, elle a
choisi le Vespérax. Dans l'esprit de Caroline, le Vespérax est
censé endormir suffisamment sa mère pour qu'elle puisse
l'assassiner, son but avoué depuis le début du roman. Ce
somnifère est composé de l'association d'un barbiturique et
d'hydroxyzine. Cette molécule est à la base de la mort de Jimmy
Hendrix150.
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, la
grand-mère de Franck, Paulette, ne peut plus marcher, elle ne fait que
quelques pas dans le quartier. Parfois, aussi, Camille lui décrit ce qui
se passe dehors. Comme Camille en a assez de ne pas pouvoir bouger, elle
persuade Franck d'acheter un fauteuil roulant. L'acquisition d'un fauteuil
roulant classic 160 de Sunrise va changer
leurs habitudes. En effet, elles peuvent se promener plus loin, leur espace
quotidien s'agrandit. C'est ainsi qu'elles découvriront le restaurant
où s'installera Franck après la mort de sa grand-mère.
Dans cet endroit, les trois amis seront de nouveau ensemble.
150
www.parl.gc.ca/english/senate/
com-f/euth-f/rep-f/lad-a3-f.htm
Quatrième partie : Répercussion de
l'utilisation des
marques dans les romans.
1. Figures de style.
Nous trouvons dans les romans contemporains quantité de
marques. Outre la fonction narrative qu'elles peuvent occuper dans le roman,
nous les rencontrons également dans les figures de la substitution
(l'expression attendue est remplacée par une autre) ou dans des
expressions que nous pourrions rapprocher des proverbes. C'est une preuve de
popularité des marques, elles participent à l'imagerie du
lecteur, ce sont des fenêtres ouvertes sur la société.
- Comparaison : Figure de style qui consiste à
rapprocher un comparé et un comparant, par l'intermédiaire d'un
comparatif. Ce procédé établit un parallèle entre
deux réalités.
Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, quand Hugo et Annabel se disputent à propos du mariage,
Hugo, partisan de l'intimité, décrit Annabel comme
« romantique incurable, aussi snob, qu'un sac de golf
Vuitton» (p59). Le golf est déjà un sport
qui, dans les stéréotypes, est synonyme de la haute
société, mais imaginer un sac de golf Vuitton représente
un summum du snobisme.
Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Jean
a peur des mots. « Il pense qu'aucun d'entre eux ne peut rivaliser avec
l'infini, la grandeur, la liberté, la sagesse, la perfection du silence.
Et surtout pas ce malheureux verbe aimer, universellement galvaudé et
utilisé comme le bouillon Kub à toutes les
sauces et même au chocolat. » (p 158) En effet, le bouillon Kub, est
un produit devenu banal, c'est comme le dit le slogan : « la cuisine
d'aujourd'hui.» 151 Elle lui téléphone, mais il
ne dit rien, pourtant Idylle attend ses mots,
« rassurée par le fil France
Télécom comme un chien par sa laisse.» (p 169)
France Télécom représente la communication, Idylle
espère que cette société permettra à Jean de
s'exprimer. Pour oublier Jean, qu'elle considère comme : « un homme
craquant comme un petit LU » (p 158),
Idylle avale « les comprimés [de
Stilnox] lisses comme des Smarties. » (p
210) Nous pourrions envisager une correspondance entre petit Lu et Smarties :
tous deux sont des
151
http://www.museedelapub.org/virt/mp/maggi/
douceurs. Les biscuits petit Lu croquent et quand on en mange un
on ne peut plus s'arrêter. D'autre part, la comparaison des
comprimés de Stilnox avec les Smarties est évidente : ils sont
lisses, petits et de même forme. Ces dragées passent sans
problème, Idylle ne les sent pas. Tout un chacun se représente
bien les Smarties, ces petits chocolats de toutes les couleurs. D'ailleurs, le
chocolat aussi est un antidépresseur.
Dans « Ensemble, c'est tout » d' Anna Gavalda, les
minets au visage blindé comparent « les chèques de leur
bonne-maman en retenant pas la taille des filles ravissantes,
léchées comme des poupées Barbie. »
(p 226) Nous pouvons sans peine nous figurer ces filles blondes, au corps
parfait.
La grand-mère de Frank décline, et il
considère comme absurde l'idée de Camille de lui offrir un
fauteuil roulant pour voir du pays. Frank estime que Camille veut «
secouer sa grand-mère comme une bouteille d'Orangina.
» (p 469) Cette comparaison rappelle le spot publicitaire pour cette
boisson, où les bouteilles doivent impérativement être
secouées énergiquement avant consommation.
Dans « Madrid en dort pas » de Grégoire
Polet, « ... les sombres immeubles sur les trottoirs d'en face qui
semblent un design Bang & Olufsen monté en
béton. » (p 160) Bang & Olufsen est une marque au design
magnifique et à la qualité exceptionnelle.
Dans « L'amour dure trois ans », Marc essaye d'oublier
Alice dans les bras de sa meilleure amie, Julie. Elle est très bien
faite, mais elle ne l'intéresse pas. « Pauvre créature, je
comprends pourquoi les mecs la traitent comme un rasoir Bic.
» (p 137) Un rasoir Bic est par essence un rasoir jetable.
- Métaphore : Figure de style qui rapproche un
comparé et un comparant, sans comparatif.
Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Klostoff, le détective chargé de l'affaire d'Hugo,
enchaîne les interrogations. Selon les mots d'Hugo « les questions
fusaient à la vitesse d'un Uzi » (p 92),
c'est-à-dire très rapidement. Un Uzi est un fusil mitrailleur.
Cette métaphore montre bien le sentiment d' Hugo face à cet
interrogatoire. Il est abattu, Klostoff ne lui laisse pas le temps de respirer,
de se reprendre.
Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban,
Idylle décide d'appeler Jean à son bureau. Elle prend une «
voix de pastille Valda. » (p
167) Les pastilles Valda, les célèbres gommes vertes, ont pour
spécialité de désencombrer le système respiratoire.
152 Nous interprétons ici une voix de pastille Valda comme
une voix claire, sans aucune trace d'angoisse ou de nervosité, une voix
mielleuse.
- Métonymie : Elle remplace un terme par un autre qui est
lié au premier par un rapport logique: Ex: le contenant pour le contenu
(Boire un verre) ; le symbole pour la chose (Les lauriers, pour la gloire) ;
l'écrivain pour son oeuvre (Lire un Zola)
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam,
Claire, au cours d'une discussion avec Nadia, dit qu'elle voudrait un
bébé, Nadia lui répond : « C'est vachement
égoïste, en fait, tu veux faire un gosse parce que ça te
fait plaisir. Tu penses même pas à lui. Si ça se trouve tu
vas faire un petit névrosé de plus, gonflé au
Prozac. » (p.118) Autant lui
dire tout de suite qu'elle n'est pas capable de s'occuper d'un enfant et qu'il
deviendrait dépressif. Le Prozac représente la dépression
alors que ce n'est que le médicament le plus connu pour la soigner.
De la même manière, dans « L'amour dure
trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc critique les riches
qui ont oublié que l'argent n'est pas une fin en soi, juste un moyen.
Selon lui, « quand on est riche, on n'a plus d'excuses. C'est pour
ça que tous les milliardaires sont sous Prozac : parce
qu'ils ne font plus rêver personne, pas même eux. » (p 128)
Dans « Dis voir Maminette... » de Claude Sarraute,
Maminette monologue sur l'évolution des valeurs liées au sexe.
Autrefois, la virginité avant le mariage était sacrée, et
ce n'est d'ailleurs pas tout à fait perdu. Par exemple, « ce genre
de réflexion, «je ne vois pas l'intérêt d'acheter un
paquet de cigarettes déjà entamé », vous l'entendrez
bien plus volontiers accoudé au zinc d'un café-tabac de village
qu'au bar du Ritz. » (p 31) Le Ritz désigne, par métonymie,
la haute société, où apparemment, les moeurs sont plus
libres.
152
http://www.glaxosmithkline.fr/gsk/actu/140405.htm
- Stéréotype :
Dans « Ensemble c'est tout » d'Anna Gavalda, afin
d'amadouer le chien de la concierge, pour qu'il n'aboie pas au passage de sa
moto bruyante, Franck promet à celui-ci « un polo Lacoste pour
aller draguer les pékinoises. » (p 499) Nous sommes dans les
stéréotypes de Lacoste qui, par son aura, permet de courtiser
plus facilement.
- Expression :
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de
Sylvie Medvedowsky, alors que la Twingo de Juliette a été
vandalisée, elle essaye de convaincre ses enfants que « ça
fait Smart bariolée » (p 99). Comparer sa voiture vandalisée
à une Smart est largement ironique vis-à- vis de cette marque de
voiture, qui signifie élégance, très nouvelle vague.
Dans le même roman, Chloé « porte un
Tee-shirt rose Barbie » (p 101). Nous comprenons exactement à
quel rose cela fait allusion, il s'agit de la couleur du logo Mattel.
Dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, Marc se livre à quelques
réflexions sur le mariage. Selon lui, « Notre
génération est trop superficielle pour le mariage. On se marie
comme on va au MacDo. » (p 51) Nous pourrions rapprocher cette expression
de la vielle rengaine « on dit merci comme on dit passe- moi le sel
», comme quelque chose que l'on fait machinalement, sans se soucier des
conséquences.
Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, alors
que Caroline veut exécuter sa mère, elle perd de son aplomb :
elle se sent « si petite, si impuissante. Minuscule. Une tâche
d'encre sur une page de cahier Clairfontaine. » (p 132) Nous pouvons
rapprocher cette expression de « elle se sent minuscule, une goutte d'eau
dans l'océan ».
Dans « En toute impunité» de Jacqueline Harpman,
les habitantes de la Diguière sont pauvres au point de changer «
les citrouilles en Rolls-Royces (p 69), les chats en princes et la
pauvreté en fantaisie. » Normalement, Cendrillon change les
citrouilles en carrosses. Rolls- Royces et carrosses sont mis ici sur un pied
d'égalité.
2. Linguistique.
«La marque sert à garantir au consommateur
l'identité d'origine du produit. »153 De ce fait,
l'usage de la majuscule est obligatoire, même pour les marques
présentes dans le dictionnaire des noms communs, d'ordinaire suivies de
la mention « nom déposé » ou
« marque déposée » avec la date de
déposition. Pourtant, comme le dit Vincent Nyckees : « les noms de
marque ont un statut très particulier et une certaine effervescence
néologique les entoure à notre époque. L'« oubli
» de la majuscule nous semble d'ailleurs une illustration de ce statut
particulier : l'objet participe à la fois du nom commun, en vertu d'une
logique de production de série (en l'occurrence industrielle) et du nom
propre, en vertu d'une logique de propriété marchande (puisqu'on
vend un concept, parfois breveté, ainsi qu'une image de marque), d'une
logique publicitaire et «mercatique» (visibilité d'un produit
qui doit être fortement identifiable sur le marché), d'une logique
sociologique de «distinction», etc. »154
L'usage de la majuscule découle de cette inaptitude
à définir le caractère commun ou propre d'une marque. S'il
est vrai que pour certaines marques récentes, le problème ne se
pose pas ; en revanche, des noms comme bic, kleenex , coca-cola, vélux,
martini, polaroïd, caddie... présents dans le Robert des noms
communs, avec mention de la date de déposition, sont utilisés
dans les exemples du dictionnaire sans majuscule. Pourtant, s'il nous
paraît limpide que bic et kleenex aient remplacé stylo à
bille et mouchoir en papier, sans apporter de réelle précision
quant à l'objet décrit, étant donné leur statut d'
« invention » ; le vocable coca-cola, supposé s'appliquer
à toutes boissons gazeuses à base de coca et de cola,
évoque encore le logo rouge mondialement connu de Coca-Cola. Ces «
marques-noms » n'ont donc pas tous le même statut. Certaines
prennent la marque du pluriel, d'autres pas.
Les grands succès commerciaux de certaines marques ont
parfois, pour contrepartie fâcheuse, une véritable
«banalisation» qui finirait par transformer la marque
déposée en un nom commun ou générique si son
titulaire ne réagissait pas périodiquement. Exemples:
réfrigérateur /Frigidaire, fibre
artificielle/Nylon, avertisseur
sonore/Klaxon, allumeur /Delco,
colle/Superglue, bouteille isolante/Thermos,
mélange en solution de désinfectant/de l'eau de
153 CJCE 22 juin 1976, affaire 119/75 ; arrêt Terrapin.
154 Entretien internet avec Vincent Nyckees.
Javel etc. Les producteurs et distributeurs ne
devraient pas manquer de le rappeler par les nombreux médias : presse,
radio, télévision, cinéma, affiches etc.155
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Camille
va vivre dans une chambre de bonne où il n'y a rien. Pour l'aider, le
couple de galeristes lui donne le minimum pour s'installer dont un minuscule
Frigidaire (p 36). A première vue, nous sommes
tentés de dire que le nom « frigidaire » est entré dans
le langage courant et que la majuscule ne se justifie pas. Pourtant la marque
Frigidaire existe encore et a pour slogan : « Solution for real life
»156. Camille, après s'être fait berner, pourrait
très bien décider que dorénavant elle ouvrira les yeux et
ne se fera plus abuser. Elle entre dans la vie réelle. En revanche,
quand on utilise l'abréviation « frigo », nous entendons
actuellement qu'il s'agit d'un réfrigérateur, sans marque
précise.
Il est intéressant de remarquer que même si
certaines marques font aujourd'hui partie du langage courant, rien
n'empêche l'auteur de les écrire avec une majuscule. Parfois nous
pouvons le comprendre car le nom renvoie réellement à la marque.
Nous verrons les différents cas de figure par rapport aux noms
communs-marques que nous avons le plus souvent rencontrées au sein de
notre corpus. À savoir : Kleenex, Polaroïd, Coca-Cola, Bic,
Post-it, Caddie.
-Kleenex : marque déposée en 1925,
nom masculin qui signifie mouchoir en papier jetable. Les mouchoirs de marque
Kleenex existent toujours aujourd'hui, ce sont « des mouchoirs de
qualité qui offrent à la fois confort, soin et prestige, douceur
et résistance. »157 Produit de Kimberky Klarc, Kleenex
est aujourd'hui leader dans le
monde, en Europe, et numéro 2 en France. Nonante-cinq pour
cent des Français connaissent cette marque, première marque de
mouchoirs en papier au monde.158
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B » de Sylvie
Medvedowsky, Juliette dit : « Pour bloquer la fontaine, j'ai
attrapé la boîte de Kleenex . » (p 28)
Juliette se compare à une fontaine à cause de son chagrin
d'amour. Alors elle pleure toutes les larmes de son corps.
155
http://www.progexpi.com/htm43.php3
156 http://www.frigidaire.com/
157
http://www.kcprofessional.com/fr/washroom/kleenex.asp
158
http://www.superbrands.org
Les Kleenex ont la particularité de se vendre en
boîte. Cependant, aujourd'hui ce ne sont plus les seuls à
être présentés dans ce type d'emballage. Nous pourrions
donc croire que malgré la majuscule, ces mouchoirs ne sont pas de vrais
Kleenex, d'autant plus que peu de temps après, en évoquant une
aventure qu'elle a eue avec un artiste fauché, elle se lamente : «
Il n'aurait
même pas lâché cinq euros pour m'offrir un
paquet de Kleenex de chez Hermès. » (p 33) Dans ce
cas-ci, l'usage de la majuscule ne se justifie pas du tout, il s'agit
vraisemblablement d'une erreur de l'auteur, et plus flagrante encore dans le
second cas, car il est absurde de parler de Kleenex Hermes.
Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban,
Idylle utilise les Kleenex pour leur qualité absorbante. « Son
sperme coule le long de mes jambes. J'attrape la boîte de
Kleenex sur ma table de nuit pour m'essuyer. » (p 149) En
effet, les Kleenex sont connus pour leur résistance.« Je me
lève, évite de m'approcher de la porte, me dirige vers la salle
de bains, mon Kleenex à la main, le jette dans les toilettes et tire la
chasse d'eau. Je ne possède plus rien de lui. » (p 212) «
J'aurais aimé remplir ma boîte en porcelaine, la remplir à
ras bord et plus encore, j'aurais voulu collectionner les Kleenex, en avoir dix
mille pleins de lui. » (p 216) Il est impossible ici de savoir si
l'héroïne utilise des Kleenex ou des kleenex.
Dans le « Châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Bazette, après s'être fait frapper, gémit :
« Apportez-moi des Kleenex. » (p 117) Cette action
se situe chez un concessionnaire American Car. Bazette est habillé en
Cerruti, nous sommes dans la haute société, il est probable que
ce soit de véritables Kleenex.
-Polaroïd : marque déposée en
1963, nom masculin désigne un appareil photographique de la marque de ce
nom utilisant le procédé et permettant d'obtenir très vite
une épreuve positive, dans l'appareil même. Abusivement, tout
appareil photo de ce type. Photo obtenue à l'aide de cet appareil. Nous
pourrions considérer
également que ce terme est employé actuellement
pour toutes sortes de photos.
Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de
Stabenrath, Hugo croit voir Annabel dans une baignoire avec une autre fille
tandis qu'un photographe les mitraillait au flash. Hugo se dit que le lendemain
Annabel va se réveiller et découvrir « des dizaines de
Polaroïds froissés dans sa culotte. » Nous
sommes ici dans un cas de dilemme : bien qu'il nous paraisse peu probable qu'un
photographe professionnel fasse des photos à l'aide d'un Polaroïd,
c'est la
seule possibilité pour qu'Annabel ait des Polaroids dans
sa culotte. Mais elle n'en a pas. Cette scène est-elle une hallucination
d'Hugo, ou le photographe ne les a-t-il pas encore
révélées ? Quoi qu'il en soit, ici les Polaroïds ne
sont certainement pas des appareils photos de la marque. Les photos sont-elles
prises avec cet appareil, ou un appareil du même type, mais alors
pourquoi mettre une majuscule ? Cet usage reste mystérieux.
Dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, nous sommes dans le même cas de figure
que dans le roman précédent. « Anne cherchait sa brosse
à cheveux et fut décoiffée par un
Polaroïd de femme assorti de quelques lettres d'amour qui
n'étaient pas d'elle. » (p 39) A la fin du roman, Marc et Alice
sont heureux et amoureux, « ils prennent des Polaroïds comme celui
qu'Anne avait découvert » (p 166). Nous avons déjà
analysé ces Polaroïds pour leur fonction de destinataire dans
l'intrigue. Il se pourrait que ce soit des photos issues d'un Polaroïd,
mais le nom ne mérite pas de majuscule.
Dans « Je vais bien ne t'en fais pas » d'Olivier Adam,
Claire regarde un album de photos, elle se rend compte qu'il y a peu de
clichés son père, « sauf les tout premiers, avec les photos
en noir et blanc, les Polaroïds ». (p 112) Nous
pouvons croire que les Polaroïds sont ici véritablement issus d'un
appareil du même nom. Les tous premiers étaient en effet en noir
et blanc, de plus elle utilise tout d'abord le nom « photo » avant de
préciser qu'il s'agit de Polaroïds. Cependant, même si le nom
est devenu commun, si la marque continue d'exister, l'emploi de la majuscule
pose toujours un problème pour ce qui concerne le produit d'une
marque.
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, Machond se rend à un casting. Il prend des photos de lui pour
vérifier s' il a bien l'air d'un peintre : « Il avait pris quelques
polaroïds pour juger de l'effet qu'il produisait : les
polaroïds l'avaient mis au désespoir. » (p
8)
-Post-it : nom masculin invariable,
déposé en 1985. Nous dirons même que c'est le seul terme
qui existe pour décrire ces petits morceaux de papier partiellement
adhésifs, repositionnables à volonté.
Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de
Sylvie Medvedowsky, Juliette met des Post-it dans sa cuisine.
(p 175) Ce pourrait être n'importe quelle sorte de post-it.
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, les amis
de Camille lui laisse un Postit pour lui signifier que son
compte est toujours ouvert. Ils ont assez de délicatesse pour lui dire
qu'ils vont l'aider financièrement, mais pas de vive voix. Le post-it
ici, malgré sa majuscule, n'est peut-être pas de marque.
Dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, suite à son constat consternant,
l'auteur « colle un Post-it sur la télé :
TOUT HOMME ENCORE EN VIE APRÈS 30 ANS EST UN CON.» (p 58) Autrement
dit, il laisse un mot. Nous n'avons aucun moyen de savoir s'il s'agit de la
marque ou du terme générique.
-Coca-Cola : marque déposé en 1886
pour coca et cola. Nom masculin invariable qui veut dire boisson
gazéifiée à base de coca et de noix de cola. Le
dictionnaire précise que le terme « un coca-cola »
désigne une bouteille, une canette, un verre de cette boisson. Il
mentionne aussi l'abréviation courante un coca. Le dictionnaire
ne donne pas le pluriel de « coca » mais l'usage tend à lui
donner la marque du pluriel.
Il est assez déroutant de constater que Coca-Cola est
encore très présent en tant que marque dans nos esprits.
Dans « L'amour dure trois ans » de
Frédéric Beigbeder, Marc décide de se suicider. Pour ce
faire, entre autres choses, il avale « le verre de
Coca-Cola contenant les anxiolytiques
écrasés.» (p 59) Il est bien connu que ce mélange est
efficace pour sombrer. Nous pouvons déduire, par l'utilisation de la
majuscule, que le cocktail ne fonctionne pas avec une autre marque que
Coca-Cola. En revanche, plus tard, l'auteur utilise le terme avec une minuscule
: « À l'heure des repas, Marc mélange les chips au fromage
et le chocolat au lait, le coca-cola et le vin » (p 180),
nous pouvons penser que dans ce cas-ci l'auteur boit un ersatz de Coca-Cola.
Dans « le merveilleux divorce de Juliette B. » de
Sylvie Medvedowsky , Juliette et Paul ont offert à Arthur un
anniversaire au MacDo. A cette fête, le Coca coule à flots. La
marque Coca étant en partenariat avec MacDo, la mention de Coca ne peut
renvoyer qu'à la marque.
Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam,
juste avant de prendre la route des vacances, Claire rentre chez elle, «
prend ses lunettes de soleil, avale une gorgée de Coca,
prend le sac et repart. » (p 34) Cette abréviation de la marque est
considérée comme boisson rafraîchissante,
énergisante, qui contient de la caféine, idéale avant une
longue route et après une journée de travail. Claire prend des
forces. Bien que cela puisse également être l'apanage d'une autre
marque. Ces boissons contiennent toutes beaucoup de sucre et de la
caféine. Claire est jeune et c'est particulièrement cette classe
de gens que vise la marque Coca-Cola.
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, à
l'hôpital, Franck va prendre « un coca au
distributeur. » (p 49) Nous sommes ici dans un emploi
indéterminé de la marque.
-Bic est une marque déposée en
1960. C'est un nom masculin qui signifie stylo à bille de cette marque,
et abusivement, stylo à bille en général. Bic est le
premier fabricant
mondial de stylos à bille et un des leaders dans les
articles de papeterie. En décembre 1950, Mr Bich lance son propre
stylo-bille, pratique et d'un prix abordable, auquel il donne le nom de «
Bic», version raccourcie et facilement mémorisable de son propre
nom. La fameuse pointe Bic était née !159
Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe
Delhomme, on tend à Machond un Bic pour signer. (p 36) Il pourrait
s'agir de n'importe quelle marque de stylo bille, la majuscule ne se justifie
pas. Par contre quand Machond compare le cinéma aux autres arts, il
demande entre autres au réalisateur s'il trouve que ses films pourraient
égaler « un texte de Beckett, écrit à la pointe
Bic.» (p 121) L'époque de Beckett semble plus propice à
l'utilisation d'un bic de la marque Bic. La construction de la phrase confirme
ce sens. Nous pensons que pour un bic commun, il aurait été plus
correct de dire « à la pointe d'un bic ».
Dans « Le temps des Dieux » de Dominique
Barbéris, la petite fille se rappelle les rentrées scolaires.
« On avait des gommes bicolores et des Bics, des compas
en inox, des beaux buvards.... » (p 71). Impossible de savoir avec
certitude s'il s'agit ou non de la marque.
-Caddie : nom masculin qui prend la marque du
pluriel. Ce mot est entré dans le dictionnaire en 1952. Il s'agit d'un
petit chariot métallique pour transporter les denrées
159
http://www.bicworld.com/inter
fr/stationery/product history/index.asp
dans les libres-services et les bagages dans les gares ou les
aéroports. C'est aussi une poussette pour faire le marché.
La marque Caddie est née en 1928 en Alsace et est
aujourd'hui internationale. Cette société produit toutes sortes
de chariots et s'est également diversifiée dans le stockage et la
manutention logistique.160
Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Yvonne et
Paulette vont faire des courses à l'Inter (p 13 et 16), si elles
arrivent trop tard, elles ne trouvent plus de Caddies
près des caisses. Il s'agit de chariots de supermarché
en métal, probablement avec un logo des Mousquetaires.
En revanche, à Paris, Camille et Paulette vont au
supermarché en traînant leur Caddie à
roulettes. (p 416) Il s'agit d'une poussette pour faire ses courses.
3. Législation.
Les marques sont protégées par le droit d'auteur.
Les grandes entreprises livrent une guerre résolue aux homonymes tout
comme aux emprunts, même allusifs (dans les chansons, par exemple).
Dans le magasine Lire, le juriste Emmanuel Pierrat
déclarait : « Les marques sont assez sourcilleuses car elles ne
sont protégées que si elles ne dégénèrent
pas. Cela signifie que si le grand public utilise une marque pour
désigner toute une catégorie de produits, la marque tombe. C'est
ce qui est arrivé à Frigo et à Pédalo. C'est
pourquoi les marques cherchent à la fois à être
citées par le maximum de gens, mais veillent farouchement à ne
pas l'être trop. »161
Existe-t-il des cas de procès où le titulaire d'une
marque se plaint de son utilisation dans un roman ? Selon l'avocat Alain
Berenboom, les attaques des produits de marque, contre des
« artistes » ou contre des revues sont
fréquentes. Lors d'un entretien qu'il nous a accordé, il a
cité notamment la chanteuse Lio attaquée par Mattel suite
à sa chanson « Barbie ». L'attaquant (Mattel) a perdu, tout
comme la firme Coca-Cola contre le magazine
« Playboy ». Les firmes ont peur de la banalisation.
Pourtant, la loi est assez vague à ce sujet. Toutefois, l'article 13 de
la CONVENTION Benelux, datant du 19 mars 1962, nous donne quelques
précisions. Il stipule que le droit exclusif à la marque permet
au titulaire de
160
http://www.caddie.fr
161 «Les écrivains corrompus par la pub»,
Lire, novembre 2001, numéro 300.
s'opposer dans un contexte économique. Le monde
littéraire étant hors des affaires, la confusion n'est pas
possible. Cependant, comme pour le nom propre, un nom de marque, cité
dans un contexte négatif, d'injure ou de diffamation, peut
entraîner des poursuites judiciaires selon le droit commun et de la
responsabilité civile. 162
Inutile donc d'évoquer autre chose qu'une «
voiture », un « cabriolet » ou un « coupé »
lorsqu'on décide dans son roman d'évoquer un accident de la
circulation épouvantable, ironise Emmanuel Pierrat.163
Dans les bureaux de la collection Série noire, Odile Lagay
(qui travailla longtemps avec Marcel Duhamel, directeur de cette collection) ne
manque pas de se rappeler les colères de la marque de lessive Saint-Marc
après avoir lu dans un Série noire que ce produit n'était
« pas terrible pour la propreté des commissariats. »164
Alain Berenboom nous a relaté avoir bien failli
être confronté à ce problème à cause de son
roman « La position du missionnaire roux ». Le héros, jeune
cadre dynamique de la société Nestlé, se rend au Congo
dans les années `80, en pleine période de scandale au sujet du
lait en poudre. En effet, l'auteur prend comme point de départ, le
procès qu'a intenté en 1974, la société
Nestlé contre le groupe de travail « Tiers Monde » au sujet
d'une brochure intitulée
« Nestlé tue les bébés » et qui a
dû être changée en « Nestlé contre les
bébés ». L'auteur avait rendez-vous pour un débat
télévisé avec un représentant de Nestlé mais
ce dernier s'est désisté. 165
La Cour d'Appel de Bruxelles, dans l'affaire Thermos, de 1951
124, nous éclaire un peu sur le moment à partir duquel un nom de
marque devient un nom commun. « Pour accepter la validité d'une
marque, c'est au moment du dépôt qu'il faut se placer. »
Pour reprendre le cas de « Thermos », la cour examine
d'abord si l'usage du mot « Thermos » comme terme courant
était antérieur à son dépôt. Si elle
décide qu'à ce moment-là, il est constant que la
dénomination « Thermos » constituait une nouveauté pour
qualifier des bouteilles isolantes, le caractère usuel a posteriori ne
peut lui enlever sa validité. La vulgarisation ultérieure d'un
mot ne peut affaiblir son usage exclusif comme marque de fabrique, lequel est
précisément garanti par son enregistrement.
162 Entretien avec Alain Berenboom, juriste.
163 «Les écrivains corrompus par la pub»,
Lire, novembre 2001, numéro 300
164 «Les écrivains corrompus par la pub»,
Lire, novembre 2001, numéro 300
165 Entretien avec Alain Berenboom, juriste.
Cet arrêt de la Cour d'Appel de Bruxelles note très
justement que lorsque le vocable d'une marque s'emploie comme terme
générique, cette vogue n'est pas l'indice de sa faiblesse
« c'est plutôt la preuve de son succès ».
Le fait est qu'une marque ne tombe pas à cause de son caractère
usuel a posteriori mais parce que son titulaire y a renoncé tacitement.
Pour que pareille renonciation existe, trois conditions sont requises. Il faut
d'abord un usage notoire de la marque sous forme d'un terme
générique. Ensuite et surtout, il faut que ce mot usuel serve
à désigner des produits similaires provenant de concurrents.
Enfin, le titulaire de la marque doit avoir toléré cet usage
d'une façon non équivoque. Il est à remarquer que parmi
ces trois éléments, celui qui est décisif n'est pas
l'usage courant par le public, l'arrêt le dit expressément: «
cet usage, le propriétaire ne peut l'empêcher ». Ce qui est
déterminant c'est que la marque générique serve à
la désignation d'objets identiques provenant de concurrents ; ce que le
titulaire laisse faire. La caducité n'est pas due alors à la
faiblesse du vocable en tant que marque, sa véritable cause c'est la
tolérante faiblesse du titulaire. »
Conclusion.
Notre sujet se situe clairement dans la modernité qui
n'est pas un vain mot. Comme l'écrit Baudelaire : « La
modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la
moitié de l'art dont l'autre moitié est l'éternel et
l'immuable »166
En ce sens l'utilisation des marques dans la
littérature est probante, car la simple mention du nom de marque
évoque instantanément une image, faisant ainsi l'économie
d'une description. Dans les habitudes de lecture du plus grand nombre, la
description ennuie. L'usage du nom de marque offre ainsi à l'auteur un
raccourci séduisant : « L'audio-visuel joue sur les
émotions, encourage la participation aux événement ou aux
actions montrées, et nous impose les idées en nous en
imprégnant. L'écrit [au contraire] parce qu'il tend à une
certaine asensorialité, est bien propre à l'expression de la
pensée, est un bon outil pour le raisonnement.»167 L'art
de l'écrit est bien l'art dont Marcel Proust se réclamait. Il
comparait sa création littéraire à l'édification
d'une cathédrale : « une église où les fidèles
sauraient peu à peu apprendre des vérités et
découvrir des harmonies. »168 L'image est significative,
car l'oeuvre s'élève comme un édifice «
merveilleusement étagé jusqu'à l'apothéose finale
»169.
La pratique du saupoudrage de marques témoigne de la
déliquescence du genre romanesque. En effet les marques font partie d'un
langage que nous pourrions qualifier
d' « audiovisualisé ». En outre, si le nom de
marque « transparaît dans les oeuvres comme il transparaît
dans nos moeurs, c'est qu'il n'y a rien de plus facile pour faire entendre
d'où l'on vient et qui l'on veut paraître que de citer des noms :
le discours n'a plus à être construit ; car les noms que je cite,
ce sont essentiellement des arguments d'autorité. Cette culture du
catalogue permettrait d'abord de se placer et d'être situé ;
ensuite d'en imposer aux autres [...] Notre culture serait donc devenue
virtuelle, équivalente à la somme de noms propres que je connais,
et la qualité de ma culture s'identifierait à celle des noms
propres que je convoque. »170
166 Baudelaire « Les curiosités esthétiques
».
167 Gabriel Thoveron « Le pouvoir médiatique de la
langue », dans Le français et les Belges, Bruxelles,
Editions de l'Université de Bruxelles, 1989, p53.
168 Marcel Proust cité par Lagarde et Michard, p 224.
169 Marcel Proust cité par Lagarde et Michard, p 224.
170 Nicolas Bouyessi « Name dropping », Journal
Particules, Paris, octobre -novembre 2004.
Pour rendre compte de cette pratique, nous avons
étudié la fonction des noms de marque dans plusieurs romans
contemporains. Nous y avons distingué quatre types d'emploi,
témoins de Modernité, en fonction du sens ou des sens de la
marque que l'auteur convie.
L'usage des marques en tant qu'« informations »,
sert le souci d'ancrer le récit dans une région du monde ou
à une époque précise, mais également de
présenter les données civiles sur le personnage. Ce sont des
repères, au même titre qu'un édifice architectural ou un
événement historique, l'âge ou le métier du
héros.
L'utilisation des marques engendre donc un certain
hermétisme. En effet, s'il existe des étiquettes comme Coca-Cola,
connues par toutes les classes sociales du monde, et même passées
dans le langage courant, il en est d'autres qui visent plus
particulièrement un groupe de personnes, par exemple, certaines marques,
comme Burton (marque de surf) ou Sapporo (marque de bière), qui sont
loin d'être unanimement connues ou plutôt incapables
d'éveiller dans l'esprit de tous les lecteurs potentiels la même
image. En fonction de son milieu, le lecteur interprétera le signe d'une
manière différente, parfois, il ne la remarquera même pas.
De plus, les marques sont de plus en plus éphémères car
chaque génération possède les siennes, sans oublier le
facteur spatial : chaque pays possède des marques spécifiques, et
une même marque ombrelle peut offrir des produits phares
différents selon le pays.
Nous sommes bien loin de l'intemporalité et
l'universalité d'une oeuvre telle que « À la recherche temps
perdu » ou autre classique que nous lisons encore aujourd'hui sans
problème de compréhension. Nous sommes en droit de nous demander
si les romans de la modernité seront encore compris par le grand public
dans cent cinquante ans. Il est indéniable que si le
référent n'est pas présent dans l'esprit du lecteur, ce
dernier peut ne pas saisir toutes les subtilités de l'oeuvre. « Tu
es de mon milieu si tu connais mes noms propres. Tu peux aimer mon livre si tu
es de mon milieu. »171
Dans la classe des « indices » et les
différentes sections du portrait, la marque est utilisée pour son
pouvoir connotatif, pour l'image qu'elle évoque en nous. Elle facilite
la représentation mentale du personnage, de son caractère ou de
l'atmosphère d'un lieu. Dans cet emploi, nous pourrions qualifier les
marques de mythes. Il s'agit en effet, d'une « image
171 Nicolas Bouyassi. « Name dropping », dans
journal Particules, Paris, Octobre- Novembre 2004.
simplifiée, souvent illusoire, que des groupes humains
élaborent où acceptent au sujet d'un individu ou d'un fait [ou de
marques] et qui joue une rôle déterminant dans leur comportement
ou leur appréciation. »172
Ce type d'utilisation, réduit considérablement
l'imagination du lecteur. L'auteur apporte à son lecteur ses personnages
et ses espaces romanesques sur un plateau, prêts à la consommation
comme un plateau de fast food. D'après Nicolas Bouyassi, « les
écrivains contemporains [...] ne surplombent pas ce qu'ils
évoquent, ils demeurent dans un rapport de soumission fascinée ou
méprisante à l'autorité qu'ils citent: [...] or c'est
l'éternel présent dont parlaient déjà les
situationnistes, [eux qui ne dissèquent pas leur espace]: on est sans
recul, on crée comme ça vient; d'ailleurs on ne crée pas.
On fétichise sa vie, parce qu'on la croit captivante. »173
Dans « Mythologie », R.Barthes écrit, en
traitant de la critique idéologique portant sur le langage de la culture
de masse, être convaincu qu'en « traitant les «
représentations collectives » comme des systèmes de signes,
on pouvait espérer sortir de la dénonciation pieuse et rendre
compte en détail de la mystification qui transforme la culture petite
bourgeoise en nature universelle. »174
Il est navrant de constater que le romancier
délègue à la publicité et aux marques le soin de
faire passer une partie de son message. De plus, il nous soumet à sa
subjectivité qui limite l'interprétation et nous expose
même à l'introduction insidieuse de la publicité.
Les marques font partie de notre quotidien, de notre culture
urbaine. Elles sont des objets de consommation. À l'intérieur des
fonctions « catalyses », elles sont utilisées dans un souci de
réalité par rapport à la situation présentée
dans le roman. Leur pouvoir évocateur est sans incidence, elles font
simplement partie de la description du paysage, du souvenir ou de la routine du
personnage.
Pour les fonctions « cardinales », la marque n'est
évidemment pas une véritable action. Cependant, dans le
schéma actantiel, elles sont parfois élevées au rang
d'actants,
172 Petit Robert.
173 Nicolas Bouyassi, ibidem.
174 Roland Barthes, « Mythologies », Editions du Seuil,
Paris, 1957, p 7.
éventuellement, à l'intérieur d'une
comparaison, d'une métonymie, en faisant référence
à l'essence du produit générique.
Nous avons attiré l'attention sur l'utilisation des
noms de marque comme noms communs. En témoigne notamment, l'utilisation
de ces marques dans les figures de style. De plus, nous décelons une
désinvolture généralisée, doublée d'une
méconnaissance du statut de marque ou de nom commun. Cette
défaillance a des conséquences dans le domaine du droit, comme
nous l'avons souligné précédemment.
Il nous semble que l'emploi le plus pertinent des marques se
trouve dans la catégorie « indices » et « portrait
», car elles peuvent éviter à l'écrivain des
périphrases qui alourdissent le style175. Utilisées
à bon escient, elles lui offrent des ressources intéressantes.
Mais certains d'entre eux en abusent, mentionnant systématiquement des
noms de marque, comme un tic de langage, qui entraîne une saturation
rapide, un appauvrissement esthétique et artistique. Nous assistons
alors à une « liquidation » de l'art au profit du
réel.
Certes, Baudelaire préconise d'être en accord
avec le génie de son temps, et de faire oeuvre d'art du réel.
Mais, « il s'agit de dégager de la mode ce qu'elle peut contenir de
poétique dans l'historique, de tirer l'éternel du transitoire.
»176
Le temps nous dira ce que les générations
futures retiendront de ces romans aux marques fugaces. S'effaceront-ils de nos
mémoires comme une bulle de savon Simba éclate
sous le souffle d'un enfant ?
175 Réponse d'Amélie Nothomb au questionnaire
déstribué à la Foire du Livre de Bruxelles le 5
févier 2005.
176 Henri Benac, « Moderne » dans, Guide des
idées littéraires, Paris, Editions Hachette, 1988, p 314.
Annexes 1 : Résumés des oeuvres
analysées.
1. Alain Berenboom « La position du missionnaire roux
».
Un cadre suisse travaillant pour Nestlé est pris dans un
sanglant détournement d'avion et reste en rade sur un aéroport
africain. Lui qui s'était pourtant juré de ne jamais mettre les
pieds en Afrique, depuis que sa femme s'y était installée avec un
missionnaire anglais ! Comment en est-il arrivé là ? Ce jeune
homme vit en Suisse avec Céline, une sociologue belge,
spécialiste des problèmes de la faim. Au bout d'un moment, elle
va vivre une relation avec Jim, qui milite contre les multinationales et plus
particulièrement contre Nestlé. Leur groupe de travail distribue
des tracs intitulés « Nestlé tue les bébés
». Soucieux de préserver son image, la direction de Nestlé
commande à Céline un rapport objectif sur la mission de
Nestlé en Afrique. Nestlé finance cette étude, elle en
fait profiter Jim : grâce à Nestlé, elle s'est rendue avec
lui au Nigeria, en Tanzanie, au Kenya ainsi qu'aux Etats-Unis ... Sans l'argent
de Céline et donc de Nestlé, jamais Jim n'aurait pu accumuler un
tel dossier contre Nestlé et publier sa brochure « Nestlé
tue les bébés ».
2. Anna Gavalda « Ensemble, c'est tout ».
Le temps d'une année à Paris, quatre personnes,
Franck,Camille, Mémé et Philibert, vivent sous un même
toit, celui d'un immense appartement haussmannien, conservé tel qu'il
était, aménagé dans le style fin XIXème.
Quatre individualités qui n'avaient pas grand-chose en commun et qui
n'auraient jamais dû s'entendre, jamais pu se comprendre. Un aristocrate
bègue, une jeune femme pas plus lourde qu'un moineau, un cuisinier
grossier et sa vieille mémé têtue. Tous sont pleins de
bleus, pleins de trous et de bosses et ont un coeur très
généreux, tendre et à fleur de peau. C'est l'histoire de
leur rencontre, de leurs frictions, de leurs réconciliations, de la
tendresse et de l'amitié qui naît entre eux. Ils sont ensemble,
c'est tout !
Mémé a des problèmes liés à
son âge. Elle les badigeonne au Synthol parce qu'elle voudrait
éviter d'être envoyée au « mouroir »...Veuve,
elle vit seule dans sa petite maison de province et adore son jardin fleuri.
Avec son mari (dont on ne connaît presque rien, si ce n'est qu'il allait
à la pêche et roulait en Simca), elle a élevé
Franck. Auprès de ce dernier, elle finira sa vie dans un fauteuil
roulant Classic 160 de Sunrise, grâce à Camille.
Franck a profité de sa vie trop calme et recluse entre ses
grands-parents, mais en a aussi souffert. Par réaction, il s'est
ostensiblement tourné vers la société de consommation. Il
est à la fois superficiel et rustre. Il roule en Suzuki, porte un
blouson Lucky Strike, des vêtements Ralph Lauren. ... Evidemment, il
gagne bien sa vie parce qu'il travaille beaucoup. Il est bon cuisinier,
prometteur.
Philibert se sent inutile et vit dans le passé. Il a
besoin de Lexomil pour vivre. Il est raffiné et très
cultivé. Assez symboliquement, à part son médicament et
son Nesquick qu'il boit religieusement chaque matin, il n'est défini par
aucune marque.
Camille est très fragile physiquement et
psychologiquement, peut-être à cause de sa mère
dépressive et de son père idéalisé qui s'est
suicidé. Pour supporter ses malheurs, elle boit assez bien mais mange
très peu. Elle est cultivée, fine et très
généreuse. Elle décide de s'occuper de Mémé
d'une manière admirable. Sa vie a été très
mouvementée. C'est vraisemblablement en partie à cause de son don
extraordinaire pour le dessin et la peinture. A cause de son naturel
observateur et généreux, de nombreuses marques passent par ses
yeux. C'est manifestement elle, le personnage clé de l'intrigue.
Toutefois elle ne serait rien si à un moment
désespéré de sa vie, elle n'avait pas rencontré
Philibert.
3. Bruno de Stabenrath « Le châtiment de Narcisse
».
Hugo Boccara est le roi des nuits parisiennes où le Dom
Pérignon coule en cascade dans des coupes en cristal. Il a deux amis en
or, Charlie et Marcus, et il va bientôt épouser Annabel. Annabel,
très jolie, un peu Barbie, est mannequin pour une marque italienne de
lingerie et déshabillés sexy haut de gamme, PKO. Tout semble pour
le mieux dans le meilleur des mondes. Pourtant, une nuit, place Saint-Sulpice,
il croise Écho, une fillette sortie de nulle part, qui lui annonce sa
fin prochaine. Il n'aurait plus que cent jours à vivre. Ensuite, il a un
accident de voiture avec sa Porsche dont le pneu a éclaté.
Affolé, il n'a qu'une idée en tête : enrayer l'engrenage
fatidique. Il engage même un détective qui lui pose des questions
à la vitesse d'un Uzi... Mais cette obsession l'empêche de vivre.
Il perd progressivement pied. Il a des hallucinations et croit voir sa
fiancée dans une situation compromettante. Des Polaroïds en seront
sûrement la preuve. Il consomme du Martini, notamment à la
terrasse de chez Fouquet' s ou chez Castel et prend des anti-dépresseurs
: Anafril, Lexomil, Effexor, Tercian, Arcalion, Lysanxia. Il s'achète un
véhicule énorme et protecteur pour essayer de
démêler sa destinée, un Hummer H2...
4. Christine Orban « Le silence des hommes ».
Elle avait un prénom banal et s'est rebaptisée
Idylle. Il s'appelle Jean tout simplement. Leurs regards se sont croisés
dans un jardin public. Trois ans plus tard, ils se sont revus, reconnus et
aimés. Pour lui, Idylle cultive tous les sortilèges de l'amour,
et se heurte pourtant à un problème qu'elle ne parvient pas
à résoudre : Jean ne parle pas. Comme la plupart des hommes, il
préfère le geste à la parole, l'esquive à
l'affrontement, la fuite à l'engagement. Elle a beau l'enjôler, le
supplier, l'entraîner dans ses plus intimes retranchements, cet homme -
marié bien sûr- ne dira rien, n'avouera rien. Elle lui propose du
chocolat, Kinder pour resserrer les liens ou After Eight, corollaire du
café, car elle sait qu'il adore cette boisson. Elle s'achètera
même une Magimix chez Darty, le spécialiste du contrat de
confiance... Rien n'y fera ! Avec son amie Clémentine, maintenant
installée en Angleterre, elle échange des courriels où
elle constate qu'elle n'est pas seule à s'agacer, à souffrir du
silence des hommes. Elle ne possèdera de lui que des Kleenex remplis de
sperme et devra s'aider de Stilnox lors de leur rupture.
5. Claude Pujade-Renaud « Belle-mère ».
L'histoire se passe dans une banlieue verdoyante
française, entre 1935 et 1983. Eudoxie, une couturière à
domicile se remarie avec Armand, un veuf dont le grand fils, sauvage et assez
bizarre, se bute totalement face à cette nouvelle présence. En
outre, Eudoxie regrette de ne plus pouvoir travailler sur sa belle Singer noire
et or. Elle était couturière mais Armand tient à sa
tranquillité, ainsi, a t-elle dû arrêter de professer. Elle
s'emploie donc à apprivoiser Lucien, son beau-fils, et après la
mort d'Armand, à l'aimer.
Lucien est mécanicien dans l'âme et il
s'achète une Quinze Citroën. Il croit que grâce à
cette voiture, il va pouvoir séduire la voisine. Peine perdue !
La guerre éclate. Comme Lucien a juré qu'Eudoxie ne
montera jamais dans sa Citroën, Eudoxie et Armand évacuent, sans
lui, en train puis à pied. Armand meurt dans un bombardement
aérien. Eudoxie doit dès lors s'occuper de Lucien et elle doit
également recommencer à travailler. Lucien est figé entre
la Singer et le Godin, il les contemple en caressant sa chatte, Nonotte. Un
jour, la voisine demande à Lucien de pouvoir rentrer sa 2CV au garage.
Après avoir ainsi fait sa connaissance, le dimanche, Julien
emmène la voisine dans sa Quinze Citroën. Julien trouve que sa
Citroën lui coûte trop cher et il la vend à un
collectionneur. Il rachète une Peugeot 204 dans laquelle Lucien accepte
de promener Eudoxie. Lucien est de plus en plus gentil avec Eudoxie qui perd un
peu la mémoire et doit prendre du Lasilix parce qu'elle a des
problèmes d'hypertension. Lorsqu'il est de mauvaise humeur ou si Eudoxie
est absente, Lucien colle sur sa porte l'étiquette d'un fromage
appelé le Bougon. Finalement Eudoxie doit s'installer dans une maison de
retraite où elle s'ennuie. Lucien, lui, dépérit. Au cours
d'un week-end, lors d'une promenade en Peugeot 204, Lucien et Eudoxie ont un
accident : leur véhicule sombre dans un lac.
6. Claude Sarraute : « Dis voir, Maminette...
»
Maminette est une dame plus âgée qui a pris trois
jeunes femmes sous son aile. Elle les considère comme ses filles
adoptives. Elles ont toutes des problèmes sentimentaux, l'une veut faire
carrière, l'autre veut faire régime.... Elles se racontent et
Maminette donne des conseils. Elle considère notamment qu'elles doivent
résister à leur soupirant. « Je ne vois pas
l'intérêt d'acheter un paquet de cigarettes déjà
entamé.» Voilà ce qu'on entend plus souvent au comptoir d'un
café-tabac du village qu'au bar du Ritz. En plus, ce trio se croirait
presque obligé de faire la queue devant le comptoir du MacDo pour payer
un hamburger à leur petit ami. Ces garçons manquent de charme.
L'une des protégées est trompée par son copain qu'on a vu
sortir de chez Virgin au bras d'une jolie fille...La deuxième s'est mise
en ménage avec un type qui a déjà deux enfants que leur
mère daigne pour une fois emmener pour une soirée MacDo -
ciné...
Maminette distille ses réflexions avec humour et
dérision... jusqu'au bout du roman où tout est bien qui finit
bien.
7. Dominique Barbéris : « Le temps des Dieux
».
L'auteur se rappelle son enfance. Elle se remémore les
journées studieuses où pour trouver de l'inspiration, elle
goûtait la gélatine de sa colle Secottine, les après-midi
de jeux avec ses voisins où ils poussaient des voitures Dinky Toys,
habillaient des Barbies, montaient des murs de Lego, se donnaient la communion
avec des bonbons Kréma. Elle se souvient également des
goûters au parc et des Chocos BN, des après-midi dans le centre de
Bruxelles et des bonbons La Pie qui Chante qu'elle gagnait parfois dans les
machines à surprises. Elle n'a pas oublié non plus les bols
d'Ovomaltine, les déjeuners où sa mère étalait de
la vache qui rit sur une tartine, les desserts avec les
vénérés petits-suisses. Puis vient le temps de
l'école, des bubble-gums et des Carambar et des cahiers de vacances
Magnard. Son père roulait dans une DS et elle portait des collants DD et
des culottes Petit Bateau. L'auteur fait remonter sa mémoire et ses
souvenirs d'enfance jusqu'au jour où elle devra renoncer à
l'innocence.
8. Eric- Emmanuel Schmitt « Oscar et la dame rose ».
Voici les lettres adressées à Dieu par un enfant
de dix ans. Celles-ci ont été trouvées par Marie Rose, la
dame qui vient lui rendre visite à l'hôpital pour enfants. Oscar
va mourir d'un cancer et il le sait. Pour égayer un peu les douze
derniers jours de la vie d'Oscar, douze jours cocasses et poétiques,
elle lui raconte des histoires et lui, lui confie ses secrets, ses peines de
coeur. Elle le pousse à avoir confiance en lui. Par exemple, Oscar n'ose
pas déclarer sa flamme à Peggy Blues, car elle est fiancée
avec Pop Corn qui est plus fort, plus rassurant. Mamie Rose lui conte alors une
de ses aventures : du temps où elle était catcheuse. Elle qui est
toute fluette, a mis KO une énorme catcheuse, buveuse de Guinness : elle
a gagnée par la ruse. Mamie Rose convainc Oscar qu'il peut
séduire Peggy Blues. Elle le pousse à agir et grâce
à elle, Oscar oublie la triste réalité, et apprend
à profiter du temps de vie qui lui reste.
9. Frédéric Beigbeder « L'amour dure trois
ans ».
On pourrait intituler ce roman : les boires et les
déboires de Marc Marronnier. Déçu par la vie, par l'amour,
par ses amis... par le monde, il ne peut supporter l'idée de divorcer
d'une femme qu'il n'aimait plus vraiment et doit chaque jour se battre pour
trouver un sens à son existence. Il hésite entre le Lexomil et la
pendaison à l'aide de cravates Paul Smith. Certes, il n'aimait plus sa
femme parce qu'il avait eu l'impression de donner la main à un gant
Mappa. Par contre, celle-ci avait décidé de le quitter parce
qu'elle avait trouvé un Polaroïd d'une femme en bikini et des
lettres d'amour qui n'étaient pas d'elle.
L'auteur a décidé d'être son personnage. Il
noie sa déception sentimentale dans l'alcool, se nourrissant de
Chipsters et de Four Roses, fréquente des lieux où on douche les
filles avec du Cristal Roederer. L'auteur écrit toutes sortes de
considérations sur le grand amour représenté dans les
films et dont rêvent les jeunes filles. Elles attendent un homme qui
saura les étonner, et non un homme qui va leur offrir des
étagères IKEA. Le grand amour ne peut pas se concevoir dans une
société où on zappe de manière
générale, où tout est facile, où les riches
oublient que l'argent est un moyen et non une fin. Ils n'ont pas d'excuse s'ils
sont malheureux, ils n'ont plus qu'à prendre du Prozac...
Finalement, il retrouve la jeune femme du Polaroïd et vit le
grand amour pendant trois ans. Il a très peur de cette
échéance et décide de retirer sa montre pour que l'amour
dure toujours. Ils sont à Rome, la ville éternelle et s'y
promènent en Vespa comme des amoureux... L'amour ne dure pas trois ans,
l'auteur reconnaît s'être trompé et ce n'est pas parce que
son livre est publié chez Grasset qu'il dit nécessairement la
vérité !
10. Gégoire Polet « Madrid ne dort pas ».
G. Polet met en scène de nombreux personnages pendant une
nuit. La majorité des gens qui se croisent ce soir-là sont issus
du milieu intellectuel : écrivains, éditeurs, journalistes,
cinéastes, traducteurs, musiciens. Le roman est ancré à
Madrid et on y fume des Ducados ou des Nobel, on y boit de l'anis del Mono. On
y mange des churros con chocolate. On y fréquente la librairie du Corte
Inglés ou la succursale de Goya de la Casa del Libro. On y côtoie
des policiers de la Guardia civil dont certains circulent en Land Rover. On
descend à l'hôtel Senator, on boit un verre au Gallo, un bar
ouvert 24h sur 24.
Mais l'espace du roman est essentiellement limité au
« Café Comercial »177 d'où on observe une
grande partie des protagonistes. Au début, Fernando Bernal,
écrivain, y retrouve Santiago, un de ses vieux amis, assez en vogue. A
une table voisine, un traducteur écrivain français, Philippe
Couvreur, surprend la conversation sur un nouvel essai intitulé «
C'est organique» de Bernal. Couvreur rencontre dans le métro une
jeune fille. On apprend qu'elle est coiffeuse chez Jean-Louis David et qu'elle
ravage la tête de Céline Dellau, co-auteur avec Ph. Couvreur d'un
ouvrage qu'ils essaient de faire éditer. Céline Dellau est si mal
coiffée qu'elle doit aller s'acheter un turban de satin chez Versace. En
fait, c'est important pour elle parce que ce soir- là, elle doit
rencontrer le gotha de la littérature lors de la première de Don
Giovanni. Elle réussit à faire passer leur travail à
Javier Miranda, un éditeur. Malheureusement, celui-ce est ivre mort
à la sortie de l'Entero où ils ont dîné tous
ensemble après le spectacle et il perd le précieux manuscrit ! F.
Bernal réussit à faire lire son essai « C'est organique
» au même éditeur, décidemment très
courtisé. C'est aussi à l'Opéra que doit se rendre Letizia
pour écouter son frère, soliste baryton, lors de cette
première de Don Giovanni. Mais celle-ci a été retenue au
commissariat de police parce qu'elle s'est fait vandaliser sa petite voiture
bleue. Elle y rencontre Federico Garcia, journaliste critique à l'ABC.
Il l'accompagne ensuite au concert et rédigera sa critique du spectacle.
A la sortie de l'Opéra, lorsque Federico Garcia repasse à son
bureau pour boucler ses critiques pour l'édition ABC du lendemain, il y
trouve un de ses amis américains, cinéaste. Ce dernier compare
les sombres immeubles de Madrid à « un design Bang et Olufsen
monté en béton ». A la fin du concert, Letizia est
abordée par un policier, Joshua, qui est chargé de la
protéger d'un éventuel danger lié à la
déprédation de son véhicule. Ils marchent toute la nuit
dans Madrid pour finir au « Café Comercial », dès son
ouverture. S'y trouve aussi Fernando Bernal. Devant son café, il
s'apprête à commencer un roman.
177 Orthographe espagnole
11. Iegor Gran « Jeanne d'arc fait tic tac ».
Il s'agit d'un recueil de nouvelles ; nous n'avons
traité que la première qui s'intitule « Nike ». Les
Nike, prennent possession du jeune homme qui a commis l'erreur de les acheter.
Il finit par s'en débarrasser alors qu'elles sont encore neuves en les
brûlant. En effet, il ne peut plus supporter d'être
inféodé à la mentalité capitaliste qu'elles exigent
de lui.
12. Jaqueline Harpman « En toute impunité ».
Le narrateur, un architecte sexagénaire, tombe en panne de
voiture non loin de La Diguière, gracieuse propriété
construite au dix-huitième siècle. Il croit découvrir une
famille bohème et désargentée, échangeant les
travaux de la toiture contre une chambre d'hôte et de menus services. La
Diguière est le seul luxe et la seule raison de vivre des trois
générations de femmes qui y vivent. Quand Albertine,
déjà mère et grand-mère, se fait épouser par
un riche entrepreneur, la famille soupire d'aise. Cependant, quand le sauveur
commence à décider de tout et à se montrer trop
entreprenant dans la maison, notamment en faisant installer une cuisine
Pogenpohl ou Mobalpa, très élégante au demeurant, elles
sont franchement indignées. En outre, Madame la Diguière a
signé un contrat de mariage qui stipule que le conjoint restant a
l'usufruit de la propriété... Elles décident donc,
après de longues délibérations, de le supprimer. Elles ont
en fait découvert que Mr Fontenin prenait du Léponex. Elles
apprennent que, combiné avec un autre médicament, le
Léponex est très toxique. Elles lui administrent donc chaque jour
une dose d'une autre drogue en sirop, sans qu'il s'en aperçoive. Il
finit par mourir d'une grippe et d'une septicémie. Il y a à ce
moment-là, une épidémie de grippe au village, sa maladie
n'éveille donc aucun soupçon. De toutes façons, son corps
a été incinéré. Les dames de la Diguière
l'ont tué en toute impunité.
13. Jean Philippe Delhomme « La dilution de l'artiste
».
Ex-écrivain, Machond amorce à plus de quarante
ans une nouvelle carrière d'artiste plasticien. D'avant-garde,
forcément, il se présente à un casting pour jouer un
rôle de peintre au cinéma. Il constate que ces gens du
huitième art se prennent très au sérieux et il se dispute
avec toute la production. Dans la salle d'attente, il fait la connaissance
d'autres peintres du cru, plutôt figuratifs et réactionnaires...
Il habite, quelque part dans une campagne pluvieuse, une maison-champignon de
plastique blanc conçue dans les années `60 et se déplace
dans une vieille Renaud 5 avec un coffre énorme. Il souhaite lancer un
nouveau concept d'art contemporain pour lequel il recherche des sponsors tels
qu'Appel, Fujitsu, Intel, Compac.... Il vit dans un désordre
considérable. Dans sa maison, il crée uniquement, et se fait des
tasses de Nescafé. Lors de sa première sortie dans la
région, à un vernissage, il rencontre le docteur Fouasse et sa
femme, Cécile de Mauprès, un couple de riches
mécènes. Grands amateurs d'art et de belles choses, ces derniers
se déplacent en Jaguar, possèdent une demeure magnifique avec une
installation Bang et Olufsen. Une histoire platonique unit Machond et
Cécile de Mauprès. Elle lui propose de l'accompagner pour un
voyage à Paris. La veille, il est invité chez les peintres de
province avec qui il s'est lié d'amitié. La soirée est
bien arrosée, et la nuit courte. Le lendemain, pendant le trajet qui
l'emmène à Paris aux côtés de Mme de Mauprès,
Machond ne se sent pas très bien. Cécile loge chez des amis qui
travaillent tous deux dans l'art contemporain. Machond est surpris de la
différence entre les artistes de province et ceux de la capitale,
à tous points de vue. Finalement, le voyage se termine assez mal et
Machond décide de renoncer à l'art.
14. Malika Madi « Les silences de Médéa
».
Dans une Algérie gangrenée par l'extrémisme
islamique, Zohra partage son temps entre le foyer familial et l'école du
village où elle enseigne. Une nuit, son univers bascule dans l'horreur :
assassinat du fils du patron du voisin ivre au volant d'une Mercedes, viol
collectif. Comment mettre des mots sur l'innommable ? Dans un premier temps,
Zohra tentera d'échapper aux questions en fuyant son pays natal pour
Paris. Ce n'est qu'auprès de sa belle- fille, Anna, assistante sociale,
que la jeune femme trouvera la force de revenir sur son passé.
15. Nicolas Ancion « Quatrième étage
».
Serge et Toni sont deux amis. En revenant du GB, ils parlent de
la chance, ils se demandent si ça existe. Quand Toni se fait renverser
par un bus et meurt, c'est Serge qui est chargé d'aller annoncer la
triste nouvelle à Roger, le plombier, oncle de son ami.. Une fois
à la boutique de ce dernier, il n'en a pas le courage et accepte d'aller
faire un dépannage à la place de Toni. C'est ainsi qu'il arrive
chez Louise et ses voisines qui sont chargées de lui ouvrir la porte en
l'absence de Louise. Il remarque une étagère Ikea chez elle et
une pastille Brise chez les voisines. Louise lui fait croire qu'elle s'appelle
Marie et lui propose de rester dîner. Lui s'est présenté
sous le prénom de Thomas. Après les macaronis surgelés, il
s'attend à une glace Produit Blanc ou une Viennetta semi-fondue mais
Louise fait des prouesses et se lance dans la confection de profiteroles. Elle
lui offre une cigarette L&M et bien qu'il ait arrêté de fumer,
il accepte. Il s'apprête à passer la nuit sur le canapé
parce qu'il a trop bu. En plus, il n'a pas envie de rentrer chez lui et lui
explique par le menu sa déplorable journée. Ils finissent dans le
lit de Louise. Parallèlement à cette histoire, se déroule
la triste vie de Thomas et Marie, un couple sans ressource.
16. Olivier Adam « Je vais bien, ne t'en fais pas ».
C'est l'histoire de Claire, de son drame : elle a perdu son
frère Loïc. Au début, elle ne sait pas qu'il est mort, elle
croit qu'il a disparu après une discussion avec leur père. Deux
ans déjà qu'il est parti, peu après que Claire ait obtenu
son bac. Claire est désespérée. Elle a commencé
à travailler au Shopi. Bien sûr, la routine y est pesante. Les
marques défilent toute la journée. En plus, les gens ont de
nombreux préjugés sur les caissières de grands magasins.
Cependant, ce supermarché est comme une bouée de sauvetage. Elle
y gagne sa vie et rencontre des gens, notamment Julien, un intellectuel avec
son Macintosh et Nadia, étudiante en sociologie. Grâce à
Nadia, elle participera à des soirées d'étudiants
(où ça sent la transpiration et le Calvin Klein) dont elle
sortira dégoûtée. Pour partir en vacances, Claire loue une
Clio Chipie. Elle remarque toutes les grandes surfaces qui bordent sa route.
D'abord, elle retourne quelques jours chez ses parents où elle se
remémore toutes sortes de bons souvenirs de son frère. Ensuite,
elle part à la plage et rencontre Antoine, un photographe que Nadia
séduira plus tard sans vergogne. Finalement, Claire se lie avec Julien
qui semble très timide mais aussi sensible qu'elle, il ne veut que son
bonheur...
17. Sylvie Medvedowski « Le merveilleux divorce de
Juliette B. ».
Juliette B., la quarantaine, deux enfants, ... divorce. Son mari
est d'accord. Tout se passera bien. Erreur, tout se passe mal ! Ex-mari de
mauvaise foi, procédures en cascades, gamins pas faciles, gros soucis
d'argent.. .Elle estime que son ex-mari doit lui assurer le train de vie
qu'elle a toujours eu. Ah ! Il veut la guerre ? Il l'aura... Un acte de
vandalisme perpétré sur sa Twingo déclenchera la lutte
sans merci de Juliette contre son mari. En fait, Juliette a beaucoup de mal
à diminuer son train de vie : elle adore la mode, les
sous-vêtements chics, en un mot le luxe et tout ce que cela sous-entend
de marques prestigieuses (Vuitton, La Perla, Gucci, Tods, Chanel,
Lancôme, sans oublier pour ses enfants, la dernière playstation,
jeux vidéo et les weekends en Irlande, les restaurants huppés...)
Elle supporte son nouvel état à coup de Lexomil ou Stilnox. Mais
elle rend la vie tellement impossible à son ex-mari et à sa
compagne qu'elle a gain de cause sur tout. Il paie !
18. Sophie Jabes « Caroline assassine ».
Caroline, sept ans, vit avec sa mère, ses grands-parents,
sa grande soeur Solange et son petit frère Bertrand dans un deux
pièces sale et délabré. C'est d'ailleurs la seule chose
qu'elle partage avec sa famille : cet appartement qui sent le vieux, l'urine et
le moisi. L'unique passion de Caroline, c'est la lecture. Comme elle n'a pas
d'argent, elle emprunte des romans à la bibliothèque de son
école. Elle ne vit que pour ces instants d'immersion littéraire
qui la transportent de David Copperfield aux Malheurs de Sophie. Un jour, la
mère de Caroline découvre qu'elle lit en cachette dans les
toilettes, et c'est le drame : elle jette rageusement Les Misérables
dans la cuvette des WC. La fillette, en quête de justice et de
liberté, devrait, pour continuer à vivre, assassiner sa
mère, elle accomplirait ainsi un acte de salut public en faisant payer
cette femme pour sa méchanceté, pour son crime.
La cruauté des deux figures dominatrices n'a
d'égale que l'indifférence d'un grand-père qui n'a plus
toute sa tête et la déchéance d'un père alcoolique
et incestueux. Difficile de trouver un petit coin propre et agréable
dans cet univers sordide. Mais il y en a... Caroline éprouve des
scrupules face à son projet au souvenir des tartines de Nutella que sa
mère lui préparait quand elle était malade.
Naïvement, elle pense pouvoir trouver un tueur qu'elle paierait en
roudoudous et carambars. Finalement, en lui faisant ingurgiter chaque jour une
dose un peu plus forte de Vesperax dans une tisane sous prétexte de la
faire mieux dormir, elle tue sa mère sans s'en rendre vraiment compte,
mais c'est ce qu'elle voulait...
Annexe 2 : Questionnaire distribué à la
Foire du Livre de
Bruxelles en février 2005.
Madame, Monsieur,
Je m'appelle Laetitia van de Walle, je suis étudiante en
langue et littérature romane à l'Université Libre de
Bruxelles. Cette année, je présente mon mémoire de fin
d'études dont le thème est le rapport entre la
littérature et la publicité.
Plus précisément, je me suis attachée
à relever les marques publicitaires citées au fil des
romans pour essayer de voir pourquoi l'auteur a
préféré son usage au nom commun traditionnel.
Il apparaît clairement que les raisons de son
emploi varient en fonction des auteurs. Certains auteurs sont payés ;
d'autres, décrivant notre réalité quotidienne, sont pour
ainsi dire forcés d'utiliser des noms de marque, ce qui leur permet, en
outre, de faire une économie de description. Mais il y a aussi des cas
où l'utilisation de marque reste énigmatique. Parfois, quand un
auteur utilise un nom de marques, il le fait car dans son esprit cette marque
représente quelque chose de particulier : un souvenir de jeunesse, une
connotation spécifique...Il y
a aussi des oeuvres qui ne contiennent qu'une seule marque.
Ainsi, je profite de cet événement
littéraire qu'est la Foire du Livre de Bruxelles, pour vous
distribuer, amis, auteurs, éditeurs, spécialistes ou amateurs de
littérature, cette lettre et vous poser quelques questions.
- Pour quelles raisons, auteurs, utilisez-vous des
marques ?
- Pensez-vous qu'il soit encore possible de situer une
histoire dans notre quotidien sans citer de marques ?
- Saviez-vous qu'un mot comme « caddie »,
utilisé dans une fiction pour désigner un chariot de
supermarché, peut vous créer des problèmes?
- Accepteriez-vous d'écrire un roman pour une
chaîne de magasins, comme l'a fait Fay Weldon en Grande Bretagne ? Un
roman sponsorisé par une grande marque d'alcool ? Ou que sais-je,
accepteriez-vous d'être sponsorisé ?
- Pensez-vous que cela restreint la liberté
créatrice ?
Je serais vraiment ravie de connaître votre avis sur la
question. Vous pouvez me contacter par email à l'
adresse
lvdwalle@ulb.ac.be.
D'avance je vous remercie.
Cordialement, Laetitia van de Walle.
Bibliographie.
· Romans analysés.
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Paris, Editions Le Dilettante, 1999, (Collection Pocket « Nouvelles
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», Paris, Editions Robert Laffont, 2004.
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Grégoire Polet, le 3 mars 2005.
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