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Twingo, Vuitton, Lexomil, Carambar et Roudoudou... étude de l'utilisation des marques de publicité dans les romans contemporain

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par Laetitia van de Walle
Université Libre de Bruxelles - Licence en Langues et Littératures Romanes 2005
  

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
FACULTE DE PHILOSOPHIE ET LETTRES

TWINGO, VUITTON, LEXOMIL, CARAMBAR ET
ROUDOUDOU ... ETUDE DE L'UTILISATION DES NOMS DE
MARQUE DANS LES ROMANS CONTEMPORAINS.

Laetitia van de Walle. Mémoire rédigé sous la direction de

Monsieur le Professeur Albert Mingelgrün,
en vue de l'obtention du titre de licencié en
langues et littératures romanes.

ANNEE ACADEMIQUE 2004-2005.

Remerciements

Je tiens tout particulièrement à remercier Monsieur le Professeur Albert Mingelgrün pour son soutien et ses connaissances pointues qui m'ont été d'une grande aide. Je tiens également à remercier Monsieur Alain Berenboom, pour l'entretien qu'il m'a accordé et les lumières qu'il m'a apportées dans son domaine. Je suis reconnaissante envers toutes les personnes qui ont collaboré avec une grande gentillesse à ma recherche de romans comprenant des marques ; aux auteurs qui ont bien voulu répondre à l'enquête que je leur ai distribuée à la Foire du Livre de Bruxelles. Enfin cette recherche n'aurait pu être menée à bien sans l'aide de mes proches. Merci à mes parents, Sylvie et Arnould van de Walle pour leur soutien et leur aide précieuse, à Agnès et Jean-Louis Franeau, à Madame Tamburo, à Anne Sophie Close et Natacha George pour leurs conseils avisés. Merci à tous ceux qui m'ont soutenue et supportée tout au long de ce travail qui ne s'est pas déroulé sans peine, merci spécialement à Julie, ma compagne dans cette épreuve et à Sophie pour sa motivation, à Quentin pour sa patience et à Rachel pour sa mémoire salvatrice. Je voudrais encore remercier mes parents de m'avoir permis de suivre ces études, et le chocolat Côte d'Or pour le courage qu'il m'a procuré.

« Je crois que la principale erreur de notre temps est de chercher en toutes
choses la vitesse [...] elle abrutit les gens qui seront bientôt conduits par ce
train des affaires à la stupidité diligente des abeilles. [...] les yeux ne voient
plus les choses, ils ne voient que des résumés des choses, les hommes avalent
l'univers en pilules et la science en comprimés. »

Alain, « Propos », 1969.

Table des matières.

TABLE DES MATIÈRES. 4

INTRODUCTION. 6

PREMIÈRE PARTIE : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 13

1. UNE CULTURE « MARQUÉE ». 13

1.1. Notion de marque. 13

1.1.1. Définition. 13

1.2. Historique 14

1.2. Modernisme et culture. 18

2. UNE LITTÉRATURE « MARQUÉE ». 20

2.1. Le roman. 20

2.3. La réalité. 20

2.3. Les marques, indices de réalité. 22

DEUXIÈME PARTIE : THÉORIE POUR UNE ANALYSE NARRATOLOGIQUE DES NOMS DE MARQUE 25

1. INTRODUCTION. 25

2. ROLAND BARTHES : « INTRODUCTION À L'ANALYSE STRUCTURALE DES RÉCITS » 25

2.1. Première distinction : « fonctions » et « indices » 25

2.2. Seconde distinction : « les fonctions ». 26

2.2.1. « Fonctions cardinales » et « fonctions catalyses ». 26

2.2.2. « Indices » et « informations ». 27

2.3. Combinaisons des différentes unités. 27

3. Pour l'analyse de marques. 27

TROISIÈME PARTIE : ANALYSE NARRATOLOGIQUE DES MARQUES 30

1. INFORMATIONS / EMPLOI CARTE D'IDENTITÉ. 30

1.1. Espace. 30

1.2. Temps. 31

1.3. Personnage 33

1.3.1. Age. 33

1.3.2. Métier et employeur. 36

2. INDICES ET PORTRAIT / EMPLOI DE LA DOXA. 37

2.1. Indices 37

2.1.1. Espace / Atmosphère. 37

2.1.2. Personnage/ Caractère. 39

2.2. Portrait. 43

2.2.1. Critères physiques. 44

2.2.2. Critères psychologiques 45

2.2.3. Critères sociaux. 49

2.2.3.1. Lieux fréquentés 49

2.2.3.2. Les voitures. 51

2.2.3.3. Habitat 53

2.2.3.4. Habitudes alimentaires. 55

2.2.3.5. Habitudes vestimentaires 58

3. FONCTIONS « CATALYSES »/ EMPLOI MARQUE COMME NOM. 60

3.1. Espace fixe éclaté. 60

3.2. Espace mobile ouvert. 60

3.3. Temps. 61

3.4. Personnage / routine. 62

4. FONCTIONS « CARDINALES » / EMPLOIS POUR LE PRODUIT DE BASE 63

4.1. Sujet. 63

4.2. Destinateur 64

4.3. Destinataire. 66

4.4. Objet. 66

4.5. Opposant. 67

4.6. Adjuvant. 69

QUATRIÈME PARTIE : RÉPERCUSSION DE L'UTILISATION DES MARQUES DANS LES ROMANS. 76

1. FIGURES DE STYLE. 76

2. LINGUISTIQUE 80

3. LÉGISLATION. 86

CONCLUSION. 89

ANNEXE 1 : RÉSUMÉS DES OEUVRES ANALYSÉES 93

ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE DISTRIBUÉ À LA FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES EN FÉVRIER 2005. 111

ANNEXE 3 : DOCUMENTS JURIDIQUES 112

BIBLIOGRAPHIE 120

Introduction.

Nous avons décidé du choix du sujet de notre mémoire en partant d'une simple constatation : au fil de nos lectures, nous avons pu nous rendre compte de l'insertion de plus en plus courante de noms de marque au sein des textes littéraires.

A la Foire du Livre de Bruxelles, nous avons interrogé les auteurs présents, les invitant à expliquer pour quelles raisons ils en font usage dans leurs textes. Certains écrivains ont paru surpris par la question. Globalement, cette pratique répond à un souci de mimésis par rapport à notre quotidien, c'est un indice facile, évident. En outre, cette pratique peut aussi servir à arrimer une histoire dans un pays et/ou à une époque précise. Certains, comme Xavier Deutch, évoquent même une incorporation des marques pour la couleur qu'elles impliquent.

Cependant, à l'exception d'un article du magazine Lire intitulé « Les écrivains corrompus par la pub ? »1 qui trace un rapide panorama des contrats économiques entretenus entre la littérature et la publicité au XXème siècle, le monde littéraire ne semble pas s'intéresser outre mesure à ce phénomène.

Le propos du périodique Lire est centré sur Fay Weldon en Angleterre et Luigi Malerba en Italie, qui ont accepté, moyennant finances, de mettre leurs plumes célèbres au service de la publicité. Mais ces auteurs ne sont pas pionniers. En effet, depuis quelques décennies déjà, la publicité s'intéresse à la littérature, les autres médias étant saturés d'annonces publicitaires.

Ces deux écrivains représentent les deux voies de pénétration de la publicité dans les oeuvres littéraires, à savoir, d'une part l'insertion d'encarts publicitaires au début, à la fin ou entre les chapitres et, d'autre part, la compromission du texte lui-même par des valeurs commerciales. Si la première méthode a fait ses preuves notamment dans l'industrie des polars (Le Masque, le Fleuve Noir...) attirée par leur large tirage, Gérard de Villiers fit de la seconde une véritable industrie avec ses SAS.

Comme nous pouvions nous y attendre, des voix s'élèvent, considérant ce procédé révoltant, en hurlant haut et fort que le dernier bastion de liberté est en train de tomber aux mains de cupides publicitaires... Mais là n'est pas notre préoccupation puisque les auteurs

1 Marie Gobin, « Les écrivains corrompus par la pub ? », Lire, Paris, novembre 2001, numéro 300, pp46-55

choisissent d'écrire grâce aux subsides de qui bon leur semble : groupe commercial, Communauté Française ou éditeurs.

Mais d'où vient cette habitude d'utiliser des marques ?

Historiquement, l'introduction de la publicité est liée à la vie en ville, dès le début de l'industrialisation. Balzac, déjà, s'amusait à rédiger le prospectus de la « double pâte des Sultanes et eaux carminatives » dans le roman qui raconte l'ascension sociale de « César Biroteau » (1838)2. De même, Emile Zola dans « Au bonheur des dames » décrivait le recours à un certain nombre de procédés « publicitaires » tout à fait neufs utilisés lors de l'ouverture du premier grand magasin à Paris sous le Second Empire : le « Bon Marché ». Il apparaît que « la publicité devient un symbole de la modernité. Apollinaire, les dadaïstes et les surréalistes, au début du XXe siècle, n'hésitent plus à introduire des publicités existantes dans leurs oeuvres. »3

Outre-Atlantique, ce phénomène s'est mué en une véritable institution, depuis Stefen King qui fut un des premiers (sinon le premier) aux Etats-Unis à inclure dans ses textes des noms de fast-food et de sodas4. Bret Easton Ellis s'en est également fait une spécialité. « Dans « Glamorama » (Robert Laffont), il enfile les marques - Donna Karan, Ralph Lauren, Gucci, Paul Smith... - comme des perles. »5 De même, le grand succès du moment, « Da Vinci code » de Dan Brown, regorge de références publicitaires.

Nous pouvons rapprocher cette tendance d'une mode plus globale qui consiste à semer à tout vent dans les textes littéraires, des noms de journaux, de magazines, des titres de films, de chansons, d'émissions radiophoniques ou télévisées... dans le but de créer une certaine connivence avec le lecteur, voire un conditionnement. Actuellement, Nicolas Bouyssi fait état d'une polémique au sujet de « la tendance des écrivains contemporains à référer à des personnes existantes »6, le dénommé « name dropping », au lieu de créer leurs propres personnages fictionnels.

2 Paul Aron « Publicité », Dictionnaire du littéraire, PUF, mai 2002

3 Ibidem.

4 Daph Nobody. « Normal, sans doute, pour quelqu'un issu de la génération Rock N' Roll dont le cinéma (American Graffiti, Grease...) donne l'impression de constituer un tourbillon de marques au service du new look et de la grande consommation. Des marques dans tous les coins, et qui ne vont pas sans influencer la personnalité des protagonistes. Cela a d'ailleurs nui à King, dans une certaine mesure. Il fut consacré « auteur fast-food « aux « romans-hamburgers «, ce qu'il avait, malgré tout, lui-même encouragé en déclarant qu'il écrivait ses romans

« dans la seule ambition de les voir consommés à grande échelle comme des hamburgers de prêts-à-manger ».

5 Marie Gobin, « Les écrivains corrompus par la pub ? » Lire, Paris, novembre 2001, numéro 300.

6 Nicolas Bouyssi « Name Dropping », journal Particules, Paris, octobre-novembre 2004.

Nous pensons pouvoir établir une certaine analogie entre le « name dropping » et l'emploi des marques en littérature. En effet, ces techniques impliquent toutes deux un sens connotatif important, renvoyant à un ensemble d'idées, de significations. Pour un personnage, la mention de son nom renvoie à son statut social et professionnel, sa position politique ou idéologique, son style... et il en va de même pour une marque, qui par sa simple mention, réfère à une classe sociale ou d'âge, un genre de vie, une idéologie, un aspect physique... . Chaque marque possède une identité ou, par extension, une personnalité différente.

En effet, l'entreprise, au moment de lancer un produit sur le marché, déploie tout son savoir de marketing afin de créer une représentation conceptuelle qui puisse conquérir la clientèle. Cependant l'image voulue n'est pas toujours celle que l'image diffusée procure et nous trouvons parfois des divergences entre l'image voulue et l'image perçue, selon l'âge des consommateurs, leurs classes sociales, leur situation géographique... donnant naissance à des stéréotypes dont les producteurs ont beaucoup de mal à se débarrasser. (Golf, la voiture des voleurs ; Lacoste, contrefaçons devenues l'apanage des jeunes des cités)

Le phénomène dont nous faisons état dans les romans, aurait pu s'analyser aussi bien dans la poésie, dans le théâtre, dans les chansons... Cependant, l'étude des romans a reçu notre préférence, car aujourd'hui, ce genre littéraire est dominant. « Il suffit de considérer le nombre d'éditeurs, d'auteurs, de titres, les tirages et le public. »7 Ce genre, qui contient une quantité de sous-genres, présente l'avantage de connaître toutes les gammes de tirage ; de quelques centaines pour les éditions à compte d'auteur, à des centaines de milliers pour les Prix, jusqu'à des millions pour les « best-sellers » !

« A priori sans limite, il peut dire aussi bien l'individu (toute la littérature du Moi) que le social. Il peut encore accaparer l'idée de progrès par son engagement ou la critique sociale, par la production d'une vision du monde qu'il veut précise et exhaustive (le réalisme) puis scientifique (le naturalisme). De ce point de vue, le XIXème siècle est bien l'époque où le roman se constitue en référence. Il se défait de son image d'invraisemblance pour se poser en garant du réalisme. »8

Or nous porterons notre attention sur le fait que, majoritairement, les auteurs qui font usage des marques dans le corps de leurs textes le font sans aucun intérêt commercial, mais par pur souci de réalisme.

7 Yves Reuters « Introduction à l'analyse du Roman », Bordas, Paris, 1991, p 13.

8 Ibidem. p14.

Cette pratique est observable dans un grand nombre de romans contemporains, nous avons analysé ici aussi bien des histoires ayant cours dans le milieu de la jet-set parisienne que dans les couches moins aisées de la société, ou en province, ou en Belgique. De même, les héros font partie de tranches d'âge différentes : de l'enfance à l'âge mûr en passant par l'adolescence et les jeunes adultes. Certains d'entre eux ont une consonance autobiographique.

Par l'éventail des romans sélectionnés, nous voulons montrer qu'à tous les niveaux, l'intervention des marques est patente. Le public serait-il invariablement caractérisé ou déterminé par les marques ? Sartre écrivait : « C'est en choisissant son lecteur que l'écrivain décide de son sujet (p 79) » et « c'est le public qui appelle l'écrivain. (p82) »9

Contrairement à Sartre, Taine pense qu'il est vain d'expliquer un ouvrage de l'esprit par le public auquel il s'adresse. Il vaut mieux prendre la condition même de l'auteur pour facteur déterminant son oeuvre. Dans un roman comme « 99 francs » où Beigbeder est un publicitaire qui dénonce tous les travers du monde dans lequel il travaille, nous voyons difficilement comment décrire son milieu sans utiliser les noms de marques. De la même manière, Paul- Loup Sulitzer, consultant dans les affaires internationales, expert économique et financier, dans « Le roi vert » représente le monde des hommes d'affaires, où la mention des marques est omniprésente. Clairement, nécessairement et consciemment, ces auteurs ne peuvent échapper à l'intrusion des marques, car celles-ci font partie intégrante du monde dans lequel leurs héros évoluent.

Nous avons choisi de ne pas examiner ces deux ouvrages, préférant l'étude des romans où la mention des marques, moins évidente, nous donne l'opportunité d'y trouver des fonctions originales et plus subtiles pour l'analyse narratologique.

Le corpus, que nous considérons ici, n'est pas exhaustif. Le choix des oeuvres peut paraître arbitraire, mais il a été dicté par le souci d'illustrer le phénomène le plus largement et le mieux possible. Les romans étudiés ont en commun d'appartenir à une veine réaliste et actuelle.

Par ailleurs, nous avons compris que les marques, bien plus que de simples indices de réalité, peuvent également avoir des conséquences sur le sens du texte. En effet, les publicités visent un certain type de consommateurs, des classes sociales particulières... Elles reflètent

9 Jean Paul Sartre, « Qu'est-ce que la littérature ? » Edition Gallimard, 1948. Pp 79 et 82

des styles de vie. Ainsi donc la marque choisie répercute dans notre esprit un ensemble d'éléments, de symboles, d'images, de stéréotypes que nous connaissons bien, car nous vivons dans un monde « marqué ». Nous appellerons cet ensemble la doxa. C'est en mesurant le sens de cette doxa que nous arrivons à voir en quoi l'emploi de la marque est loin d'être anodin et inutile.

Le présent travail a aussi pour objet l'étude des « fonctions » que peuvent remplir les marques dans le développement du texte narratif. Nous tenterons d'étudier comment celles-ci peuvent se concevoir et/ou enrichir une analyse narratologique.

Pour concevoir le corps de notre travail, nous avons suivi les enseignements de Roland Barthes qui, dans son article « Introduction à l'analyse structurale des récits », distingue deux grandes classes d'unités narratives : les unités intégratives, d'une part, et distributionnelles, d'autre part.

Les premières comprennent ce que Barthes nomme « indices » et « informations », tandis que les secondes sont subdivisées en fonctions « catalyses » et « cardinales ».

Nous devons rappeler que certaines fonctions peuvent être mixtes. Barthes cite l'exemple du portrait qui se compose d'indices et d'informations. Nous considérerons le portrait comme une catégorie à part entière, étant donné l'importance des personnages dans les romans analysés.

Les catalyses, comme les indices et les informations, sont des expansions par rapport aux fonctions cardinales lesquelles constituent les moments risques de l'action : ce sont ces dernières que nous pouvons véritablement nommer « fonctions narratives ».

A.J. Greimas, successeur de Roland Barthes, a précisé les fonctions narratives désignées par R. Barthes et accorde plus d'attention à la notion de personnage. Nous intégrons donc le schéma actantiel de A.J. Greimas, pour préciser les rôles que peuvent jouer les marques, en tant que cardinales.

Pour l'étude narratologique des romans, nous avons coutume de séparer l'analyse de l'espace, du temps et des personnages. Donc à l'intérieur des trois classes narratives définies par Barthes, nous avons intégré une subdivision concernant l'apport d'un point de vue spatial, temporel et des personnages, afin de rendre compte le plus complètement possible des structures narratives.

Nous avons procédé de manière empirique mais détaillée. Dans chaque phrase issue d'un roman, nous nous sommes demandé ce que la marque apportait à l'intrigue. Nous n'avons gardé que les exemples les plus probants afin de définir les différents types d'emplois que peuvent recouvrir les marques dans la narration.

Afin de permettre une meilleure compréhension, nous avons placé en annexe les résumés des oeuvres analysées en fonction des marques.

Nous avons également remarqué que la banalisation de l'emploi des marques aujourd'hui est telle que les écrivains en viennent aussi à introduire ces noms à la manière des noms communs. Nombre de figures de style sont en train de se forger à partir des noms de marque et de l'image qu'ils impliquent dans notre inconscient.

Nous pourrions illustrer cette habitude par les commentaires de Benoît Heilbrunn, sémiologue, professeur de marketing à l'ESCP-EAP, consultant en stratégies de marques. Ce dernier écrivait en 2003 : « Qu'on le veuille ou non, la publicité est devenue un élément marginal et complètement périphérique d'une société post-publicitaire. »10 En somme, notre vie est tellement jalonnée, bombardée de messages publicitaires qu'ils en deviennent paradoxalement insignifiants. En ce sens, un des rôles principaux joués par les noms de marque est un enracinement profond dans la réalité. (Pourtant certaines marques peu connues sont parfois décrites par l'auteur lui-même comme PKO, Linhogar, BI-Bop.)

Toutefois, c'est avant tout « un choix de l'auteur d'ancrer un récit dans un quotidien très familier pour la masse populaire, ou au contraire de l'inscrire dans une visée plus universelle et intemporelle. »1 1 Et ce choix, loin d'être dépréciatif, suivrait les recommandations de J-P Sartre qui déclarait que « Face à la « mass media », les écrivains doivent apprendre à parler en images, à transposer les idées de nos livres dans ces nouveaux langages » .12

Comme nous le voyons, l'emploi des marques dans les romans n'est pas sans conséquence. Les marques ont ceci de contradictoire que si elles cherchent à être connues par le plus grand nombre, elles redoutent également de perdre leur statut de marque pour prendre celui de nom commun. Leur statut n'est décidément pas clair : en effet, les marques sont protégées juridiquement, l'écrivain ne peut donc pas les utiliser à tout vent sans risquer un procès. Nous commenterons ce point avec Alain Berenboom, auteur et éminent juriste, que nous avons rencontré et interrogé sur cette question.

10 Benoit Heilbrunn « Du fascisme des marques «, Le Monde, Paris, 23.04.04.

11 Daph Nobody, écrivains, réponse au questionnaire distribué à la Foire du Livre de Bruxelles.

12 Jean Paul Sartre, « Qu'est-ce que la littérature », Gallimard, 1948. p. 266

Etant donné qu'aujourd'hui les marques font partie intégrante de notre langage quotidien, on remarque une certaine confusion face à l'utilisation de la majuscule ou de la minuscule pour les marques passées officiellement dans le langage usuel. La tendance serait minimaliste selon le Professeur Dan Van Raemdonck.

Dans la première partie de ce travail, nous exposerons quelques considérations sur la pénétration de la publicité dans notre environnement journalier, à telle enseigne que certains parlent de société « moderne », voire « Post moderne » ou même « Post publicitaire » et quelques remarques sur la notion de marque, d'appellation contrôlée.

Enfin, nous avons cru utile de spécifier la distinction entre culture de masse et culture populaire pour la clarté du discours. En effet, les repères de la culture de masse et du pop art, lequel introduit des objets quotidiens dans son art, sont équivalents aux marques introduites dans le corps du texte romanesque. La littérature cherche à se construire comme un miroir du monde réel, c'est pourquoi les notions de crédibilité et de vraisemblance y sont primordiales

Quels sont donc les rôles que peuvent jouer les marques dans l'analyse narratologique du récit ? Est-ce un enrichissement pour l'analyse ? Quels sont les avantages et les inconvénients de ce phénomène de saupoudrage de noms de marque ?

Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cette étude.

Première partie : Considérations générales.

1. Une culture « marquée ».

Le monde dans lequel nous vivons pourrait être qualifié de « marqué ». En effet, chaque jour, nous sommes assaillis, consciemment ou non, par des milliers d'annonces publicitaires. Dans les rues, le métro, à la radio, à la télévision, dans les journaux et magazines de toutes sortes, les logos, vecteurs de l'image des multinationales, sont omniprésents. Nous les affichons sur notre voiture, notre portable, nos vêtements... Concrètement, nous sommes transformés en hommes- sandwiches évoluant dans un espace investi par les marques, il s'agit du « branding du paysage urbain ».

En outre, aujourd'hui la mondialisation a abouti à la création d'un univers culturel international de références commun à la majorité des habitants de la planète, celui de la consommation des « marques ». Dans les pays pauvres, moins capitalistes, appelés « en voie de développement », certaines marques de cigarettes et Coca-Cola y sont également bien implantées.

1.1. Notion de marque.

1.1.1. Définition.

Pour l'Organisation Mondiale de la Propriété Industrielle (OMPI), la marque est « un signe servant à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. » De cette définition, il faut retenir les deux éléments essentiels de la marque : son caractère distinctif et l'indication de la provenance qu'elle véhicule.

La marque se différencie :

- du nom du produit vendu (qui correspond en général à une réglementation juridique précise). Par exemple, le fait d'écrire « Chocolat « garantit que ce produit est fabriqué avec du cacao et du sucre notamment.

- des noms d'origine indiquant la provenance du produit : vins de Bordeaux, fromages de Roquefort, pruneaux d'Agen, champagne...

- des noms de personnes : ceux du fabricant, de l'importateur, du distributeur du produit, noms qui peuvent parfois devenir une marque.

- des signes de qualité qui attestent que le produit correspond bien à certains critères définis par un cahier des charges.

L'intitulé de la loi du 4 janvier 1991 (JO du 6.1.91) distingue les marques de fabrique, de commerce et de service, toutes obéissant aux mêmes règles.

- Les marques de fabrique garantissent une origine industrielle du produit (Peugeot, Nestlé, Thomson).

- Les marques de commerce désignent celles qu'un distributeur appose sur les produits qu'il fabrique lui-même ou le plus souvent qu'il fait fabriquer. Elles peuvent reprendre le nom de l'enseigne qui les commercialise (Casino, Monoprix) ou bien avoir des noms spécifiques (Tissaïa, Tex). Par ailleurs, existent également les marques de franchise qui identifient les produits d'un réseau (Jacadi, Yves Rocher).

- Les marques de service identifient les services tous secteurs confondus : Banque, Assurance, Transport, Restauration, etc.

Toutefois cette distinction peut se révéler arbitraire car certaines marques peuvent être mixtes, comme c'est le cas chez les pétroliers où les fonctions « fabrication, commerce et service » se confondent et dans les grandes surfaces comme Delhaize, à la fois producteur et distributeur.

NB Dans le cadre de cette étude, nous entendrons par marque tous les éléments qui,

par la simple mention de leur nom, évoquent un signifié « unique ». Nous considérons donc comme marques non seulement des produits, des marchandises mais également des chaînes d'Hôtels, des restaurants célèbres... qui sont pourvus d'une renommée mondiale ou d'un poids symbolique important et propre à un lieu et à une époque : le Ritz, le café comercial.13

1.2. Historique.

Le chapitre ci-dessous est majoritairement inspiré de l'ouvrage de Naomi Klein «No Logo - La tyrannie des marques »14 . Ce livre a connu un immense succès international.

13 Orthographe espagnole.

14 Naomi Klein « No Logo -La tyrannie des marques », Acte Sud, collection Babel, 2001- 2002


· Actuellement, les industries vendent une « manière d'être », une manière de vivre, plus que des produits. Elles ont abandonné le discours classique sur la qualité des produits. Dès lors que les entreprises deviennent moins des « producteurs de produits » que des « courtiers en signification », elles imposent à la société leur propre système de valeurs « éthiques » et esthétiques. Elles sortent de la sphère privée pour imposer des représentations culturelles.

· Le sens premier de « publicité » est de rendre publique une information. Dans ce sens, elle est un corollaire de toute activité commerciale. « La publicité est une forme de communication qui vise à convaincre un public des mérites d'un produit ou d'un service et répond à une commande. »15 « Publicité » est donc différent de « branding » qui fabrique une différence d'image, une manière de vivre.

· Avec l'avènement de la société capitaliste, le but de la publicité change. Il s'agit désormais de convaincre une clientèle de plus en plus vaste. Il faut fabriquer, en même temps que le produit, la différence d'un produit par rapport à un autre, élaborer une image autour de la version d'une marque particulière d'un produit. « Le premier rôle du « branding » fut d'accorder des noms propres à des marchandises génériques telles le sucre, la farine, le savon... »16

· « Les premières campagnes de marketing de masse, dans la seconde moitié du XIXème siècle, relevaient d'avantage de la publicité que du « branding » au sens où nous l'entendons aujourd'hui [...] les réclames devaient informer les consommateurs de l'existence d'une nouvelle invention, puis les convaincre du fait que l'utilisation du nouveau produit rendrait leur vie meilleure [...] Nombre de ces nouveaux articles portaient des noms de marque, mais la chose était presque accidentelle. Ces inventions étaient nouvelles en soi ; ce fait était presque une publicité suffisante. » 17

· « Les premiers produits de marque apparurent vers la même époque que les annonces d'invention, en grande partie, en raison d'une autre innovation relativement récente : l'usine. Lorsque débuta la production industrielle, non seulement, on présentait des

15 Paul Aron, « Publicité », Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

16 Naomi Klein « No Logo - La tyrannie des marques », Acte Sud, collection Babel, 2001- 2002, p 33.

17 Ibidem p 32

produits entièrement nouveaux, mais des produits connus - voire des articles de base - apparaissent sous des formes remarquablement nouvelles. Ce qui rendait les premiers efforts de « branding » différents de la vente plus simple et directe, c'est que le marché se trouvait inondé de produits uniformes, de fabrications massives, presque impossibles à distinguer les uns des autres. Le « branding » concurrentiel devint une nécessité de l'ère industrielle - dans un contexte de monotonie manufacturée. »18

· « Dans les années 1880, on présenta des logos commerciaux de produits de fabrication massive, dont la soupe Campbell, les cornichons H J Heinz, les céréales Quaker Oats (leurs logos étaient conçus de façon à évoquer la familiarité et la vie rurale, de façon à contrebalancer l'anonymat nouveau et troublant des marchandises emballées) [...] Une fois établis les noms des produits et les personnages (Uncle Ben's, Aunt Jemima...), la publicité leur attribua une tribune pour leur permettre de s'adresser directement aux consommateurs éventuels. La « personnalité commerciale, nommée, emballée et annoncée d'une façon distinctive était arrivée.»19

· « Dés la fin des années 1940, on commença à prendre conscience qu'une marque était bien plus qu'une mascotte, une formule ou une image imprimée sur l'étiquette d'un produit, l'entreprise dans son ensemble pouvait avoir une identité de marque ou une « conscience commerciale », ainsi qu'on désignait à l'époque cette qualité éphémère. A mesure que cette idée évoluait, le publicitaire cessa de se considérer comme un bonimenteur et devint « le roi philosophe de la culture commerciale » selon l'expression du critique publicitaire Randall Rothberg. A la recherche de la signification véritable des marques, les agences délaissèrent graduellement les produits et leurs attributs, en faveur de l'examen psychologique et anthropologique du sens des marques dans la culture et la vie des individus. Cela parut avoir une importance cruciale, car, si les entreprises fabriquent des produits, ce sont les marques que les consommateurs achètent. Il a fallu plusieurs décennies au monde de la fabrication pour s'ajuster à ce changement. Il s'accrochait à l'idée que son activité première était tout de même la production, le branding en étant un complément important. »20

18 Ibid. pp 32-33.

19 Ibid. pp 33- 34.

20 Ibid. p 35.


· « Puis dans les années 1980, la marque acquit une valeur de capital, et cette obsession atteignit un moment décisif en 1988, lorsque Philip Morris acheta Kraft pour six fois la valeur théorique de la société. La différence de prix provenait du poids financier du mot Kraft. [....] Il s'agissait donc d'élargir l'envergure des ententes de sponsoring, d'imaginer de nouveaux domaines dans lesquels « élargir » la marque, et de perpétuellement sonder l'esprit du temps pour s'assurer que « l'essence » choisie pour sa marque se trouvait en résonance « karmique » avec son marché cible.[ ...] cette mutation radicale de la philosophie commerciale frappa de boulimie les fabricants : ils s'emparèrent du moindre coin de paysage vierge de marketing, à la recherche de l'oxygène nécessaire pour gonfler leurs marques [...] pratiquement rien ne fut laissé sans marque. »21


· La fin du XXème siècle connaît une véritable réinvention de la marque. Après la Deuxième Guerre mondiale, l'industrie publicitaire se développe de manière importante : elle doit convaincre le consommateur de ne pas acheter le moins cher mais le « mieux » car le propre de la publicité est à présent de persuader que si un article est plus coûteux, c'est incontestablement parce qu'il est en rapport avec un univers valorisant, « branché », porteur d'un « plus » incomparable qui justifie son surcoût. Ces univers trouvent leurs références dans les cultures « new age » (Général Motors), futuristes (Microsoft, Apple), sport (Nike, Gap), écologistes (Body Shop, StarBuck), ludiques (Disney, Mc Donald' s, Coke) ...

« C'est le branding : la marque X n'est plus un produit mais un style de vie, une attitude, un ensemble de valeurs, un look, une idée. »22 Même les marques « Produit Blanc » qui ne sont pas supposées être des marques, le deviennent car elles correspondent à une philosophie de vie.

21 Ibid. pp 35-36.

22 Ibid. p57.

1.2. Modernisme et culture.

« Adorno observe les premiers signes de la modernité culturelle autour de 1850, en particulier dans l'oeuvre de Baudelaire, mais selon lui elle n'atteint son apogée que dans les premières décennies du XXe siècle [...] les oeuvres modernes rassemblent plusieurs traits : la rupture par rapport aux traditions ; le thème récurrent de la crise du sens ; l'accent sur le présent, le nouveau et le sujet ; la non-unité de l'unité (le collage, le montage), le rapport avec la ville, l'industrie et la technologie. »23

« F. Jameson et J. Baudrillard établissent une relation causale entre l'émergence du capitalisme multinational depuis 1945 et l'essor du postmoderne. Pour le premier, la réalité se transforme en images, le temps se fragmente en un présent perpétuel. Pour le second, la publicité et la télévision ont envahi l'espace public et le contact avec le réel est perdu dans ce monde hyper réel de simulation, sujet à la technologie électronique. »24

Selon, Benoît Heilbrunnn, sémiologue, professeur de marketing à l'école de management de Lyon (EM Lyon), nous sommes rentrés dans une société post publicitaire. «Les marques ont, depuis une quinzaine d'années, quitté les médias traditionnels pour entrer dans notre vie quotidienne et intime par d'incessants dispositifs «hors média» (produits dérivés, opérations promotionnelles, marketing relationnel...). A la publicité, qui suppose toujours un caractère d'extériorité et de médiatisation, s'est subrepticement substituée une économie des marques fondée sur l'immédiateté et l'omniprésence. Un individu, manipulant aujourd'hui plusieurs centaines de produits marqués par jour, est exposé quotidiennement à plus de 2 000 logos et connaît environ 5 000 noms de marque. Il n'est plus aujourd'hui possible de faire 50 mètres dans le moindre espace urbain, sans croiser un logo Nike, un distributeur de Coca-Cola ou un McDonald's. [...] les marques sont devenues d'incontournables partenaires de la vie quotidienne et un puissant ferment du lien social.»25

En 2005, nous pouvons différencier trois types de culture dominante dans notre société moderne : la culture d'élite ou grande culture qui fait appel à tous les classiques et qui est éventuellement la seule qui forme le sens critique; la culture de masse, celle de « Star Academy » qui est créée pour le plus grand nombre et dont la valeur esthétique et intellectuelle est douteuse et qui a pour but, selon un haut responsable de TF1, de « rendre le

23 Barbara Havercroft, « Modernité », Le dictionnaire du littéraire, Puf, 2002

24 ibidem

25 Benoît Heilbrunn, « Du fascisme des marques », Le Monde, 23 avril 2004.

cerveau du public disponible pour la pub de coca-cola »26 et de favoriser la manipulation culturelle en faveur du statu quo; et la culture populaire qui est issue de la population, comme le jazz, le blues, le rap ou le rock, les pièces de Shakespeare et les comédies grecques de l'antiquité qui n'ont pas été à leur époque des produits d'élite mais bien des armes pour critiquer les sociétés.

Aucune de ces trois catégories n'inclut ou n'exclut le pop art, mot forgé en Grande-Bretagne, en 1958 par Lawrence Alloway et qui est caractérisé par l'intérêt porté à l'objet quotidien (dans la lignée des néodadaïstes). « Toutes les images envisageables, des graffitis aux tableaux célèbres et aux extraits de films peuvent être utilisés comme base de travail, [le pop art] invite à renouveler une imagerie porteuse de sens, nourrie de références familières au public »27, tels que les affiches, les BD, les publicités dans les magazines et les produits du supermarché. Le pop art apparaît comme un art des métropoles, produit de la culture urbaine. Parmi les artistes les plus connus figurent Richard Hamilton, Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Claes Oldenburg, Jasper Johns, et Robert Rauschenberg. 28

Quoi d'étonnant dès lors que les écrivains contemporains utilisent des marques de manière régulière. Publicité et marques constituent un langage spécifique, un lien avec la société et une part fondamentale de notre imagerie. Les marques et leurs logos imprègnent notre subconscient, forment une nouvelle culture.

26 Pacheco de Souza et Silva Frédérico culture de masse et culture populaire « élitisme culturel ou culture de masse : les transformations contemporaines de la culture. » Deuxième journée d'étude doctorale en philosophie morale et politique du 4 janvier 2005 Paris Sorbonne (Paris IV) p 34 des actes de la journée.

27 Richard, Lionel « L'aventure de l'art contemporain de 1945 à nos jours », Editions du Chêne, Hachette Livre 2002, p 92

28 http://www.artlex.com/ArtLex/p/popart.html

2. Une littérature « marquée ».

2.1. Le roman.

La notion de littérature a fait l'objet de nombreuses études. Elle désigne, dans son sens le plus général, l'ensemble des textes, l'art verbal. Mais cet ensemble se subdivisera à l'époque de la Renaissance entre les Lettres saintes, les Lettres scientifiques et les Belles Lettres. C'est parmi cette dernière catégorie que se « classent » le roman, la poésie et le théâtre. À l'exception de la poésie, le roman et le théâtre sont des oeuvres fictionnelles.

Les oeuvres que nous allons analyser au cours de cette étude appartiennent au genre du roman, genre populaire par excellence. À l'origine, il désigne un récit en langue vulgaire, en roman; il n'a cessé de se développer et de se diversifier au cours des siècles. Au XVIème siècle, le roman se définit comme une oeuvre d'imagination, en prose, assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages présumés réels, qui fait connaître leur psychologie, destin et aventures. C'est particulièrement au XIXème siècle que le roman accède à la place dominante. Genre protéiforme, il contient quantité de sous-genres : roman noir, policier, historique, fantastique, feuilleton.... et peut traiter des sujets les plus divers.

Si le but du roman est avant tout de distraire, il peut aussi avoir une ambition didactique,
historique, sociale... Au XXème siècle, « le roman devient cette langue, universelle et
polyglotte, de la littérature et s'impose en offrant au public la version fictionnelle de

l' « univers de reportage » que Mallarmé condamne dès 1897 et dont le journalisme est la forme documentaire. »29

2.3. La réalité.

Imiter la réalité, tel est le propre du roman. Les anciens développaient déjà ce concept nommé mimésis. Platon dans « La République » « considère que le fondement des arts tient à leur capacité de représenter le réel »30 et Aristote fait de la mimésis le fondement de sa « Poétique ». Selon lui, « l'imitation ou faculté de représentation est inhérente à la nature humaine et [qu'elle] est un moyen de communiquer les connaissances. »31 Roland Barthes analyse la notion de réalisme en mettant l'accent sur « l'effet de réel »32. « Dans cette

29 Alain Viala, « Roman », Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

30 Alain Viala « Mimésis », Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

31 Ibidem.

32 Roland Barthes, « L'effet de réel », dans Littérature et réalité », Editions du Seuil 1982.

conception, le texte littéraire ne saurait être pur reflet, mais il contient des ressemblances avec le réel, sous forme de « petits détails concrets » ; ils produisent l'illusion qui fonde l'esthétique de la vraisemblance. »33

La vraisemblance est corollaire de la crédibilité. « Selon Aristote, le propre du poète n'est pas de raconter ce qui est arrivé, mais ce qui pourrait arriver, c'est-à-dire des événements imaginaires mais crédibles : ainsi le vrai- semblable, tel que « la Poétique » le définit, est lié à la fois à la fiction, à la mimésis ou imitation du réel, et à un enjeu de réception, « au croyable » »34. Ainsi donc la fiction serait « une exploration d'un vrai supérieur au réel ordinaire. »35

La vraisemblance peut s'envisager aussi bien d'un point de vue interne (pas de place abusive au hasard dans l'intrigue) qu'externe (liée à la doxa). Ce qui est essentiel, selon Boileau dans son « Art poétique » (1674), c'est que le lecteur « y croie » afin que soit possible la catharsis.

Pour que le lecteur puisse y croire, il faut donc qu'il y ait illusion de la réalité. La vraisemblance avec l'oeuvre est ressentie quand les lieux, les faits et les personnages correspondent aux événements possibles de la civilisation contemporaine. Les sociétés sont régies par un ensemble de règles, de croyances, d'idées qui leur sont propres : nous appellerons cela la doxa.

La doxa est une forme efficace de l'idéologie dominante, elle s'apparente à la mémoire collective, à un fond discursif commun. Il s'agit de tout ce qui est préjugés, stéréotypes, etc. « Tout ce qui est figé dans la langue, ce qu'on ne prend pas la peine d'énoncer avec précision parce que cela va de soi »36, Barthes nomme cela les « masques de l'idéologie ». Pour être vraisemblable, le roman doit être en concordance avec les « mentalités » de son époque.

Cependant, comme le rappelle Philippe Hamon, quoi que l'on fasse, l'on n'atteint jamais le
réel strict dans un roman, mais seulement sa textualisation37. En littérature, le réel « est pensé
comme l'univers d'expériences (objets, êtres, manières d'être, valeurs...) auquel un texte

33 Constanze Beathge, « Réalisme », Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

34 Denis Pernot « Vraisemblance » Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002

35 Ibidem

36 Jean- François Chassay, « Doxa », Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

37 Philippe Hamon, « Un discours contraint », dans Littérature et réalité, Edition du Seuil, 1982.

renvoie.»38 La littérature romanesque « fictionnalise la référence pour construire un simulacre cohérent et crédible du monde. »39

Nous pouvons donc conclure que le roman se doit par nature d'intégrer la réalité de sorte que « l'oeuvre de fiction renvoie à un monde posé hors langage, elle n'est rendue intelligible que par la perception des mises en relations qu'elle fait jouer entre le monde qu'elle représente et le savoir que le lecteur possède du monde où il vit. »40

Nous emploierons le terme réaliste pour répertorier ces romans. Cependant, le terme réalisme renvoie également à l'école réaliste du XIXème siècle.

La question de savoir si le terme réalisme s'applique exclusivement à cette école ou si l'on peut l'étendre à une certaine production aussi bien antérieure que postérieure a fait l'objet de nombreuses études. Nous suivrons Auerbach, pour dire que « le réalisme devient une catégorie universelle de la littérature, un mode fondamental de son rapport au monde, et tend à se confondre avec l'application du « vrai - semblable vrai ».»41 Nous le retrouvons déjà entre autres dans la comédie de moeurs, la satire sociale, le burlesque... Le terme, utilisé pour la première fois dans Le Mercure de France en 1826, désignait « la littérature du vrai ».

2.3. Les marques, indices de réalité.

Si nous suivons les théories qu'expose Jean-Paul Sartre dans « Qu'est-ce que la littérature ? » : « L'écrivain parle à ses contemporains, à ses frères de race ou de classe [...], les gens d'une même époque et d'une même collectivité, qui ont vécu les mêmes événements [...] ils ont les uns avec les autres une même complicité [...] c'est pourquoi, il ne faut pas tant écrire : il y a des mots-clés. »42

Les marques de publicité pourraient en effet être des repères pour le lecteur. Comme le dit
Grégoire Polet, écrivain, notre monde est « marqué ». « Nous affichons un nombre
incalculable de marques : les logos de nos vêtements, notre voiture... le vocabulaire commun

38 Denis Pernot, « Réel », Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

39 Denis Pernot, « Référent, référence », Le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

40 Ibidem

41 Constanze Baethge, «Réalisme », Le dictionnaire du littéraire, Baethge Constanze, « Réalisme »

42 Jean-Paul Sartre « Qu'est-ce que la littérature ? », Gallimard, 1948, p 76.

est devenu trop flou. En citant une Mercedes ou un t-shirt Lacoste, le lecteur peut tout de suite se figurer le niveau social du personnage.43

Pour le Professeur Olivier Soutet, linguiste, les auteurs qui enfilent des marques comme des
perles, répondent à « un pur effet de mode, indéfiniment utilisable. C'est un tic de langage. »44

Le Professeur Vincent Nyckees, linguiste et spécialiste de la sémantique, nuance ce propos : « En utilisant des noms de marque, l'écrivain se réfère à une expérience partagée avec le lecteur. C'est aussi une manière de positionner son oeuvre dans la littérature du futur. Il donne immédiatement une patine à celle-ci. »45

Par souci de réalité, « certains écrivains peuvent souhaiter intégrer dans leurs écrits, et tout particulièrement dans leurs romans, des signes de leur temps, signes de la vie humaine de leur époque, pour en faire une des composantes de la «poésie» de leur oeuvre, la nôtre, comme chacun sait, étant particulièrement marquée par la prolifération des marchandises et des appels de toutes sortes à la consommation. »46

Cette opinion est relayée par certains auteurs, comme Xavier Deutch qui déclare : « Si j'utilise des marques, dans mes romans, c'est sans raison particulière. Au moment d'évoquer une réalité, la situation d'un personnage dans un environnement donné, les marques viennent toutes seules, comme des éléments de la réalité. »47 Sophie Jabes renchérit : « Il m'arrive d'utiliser des marques dans mes romans, c'est souvent par souci de précision, et dans le contexte d'un quotidien, ici et maintenant. »48

Cependant, le Professeur Vincent Nykees nuance : « Je ne voulais pas dire pour autant que l'infiltration du roman par les noms de marque représente un pari toujours gagnant, car il faut aussi faire la part des tics et des connivences trop faciles.» Il ajoute que l'écrivain s'expose aussi, par cette pratique, à créer « une oeuvre qui peut devenir hermétique pour les générations

4 3 Grégoire Polet, entretien à la Foire du Livre de Bruxelles le 5 février 2005.

4 4 Olivier Soutet, propos recueillis par Marie Gobin dans Lire « les écrivains corrompus par la pub », novembre 2001, numéro 300, p 49.

4 5 Vincent Nykees, propos recueillis par Marie Gobin dans Lire « les écrivains corrompus par la pub », novembre 2001, numéro 300, p 49.

46 Vicent Nyckees, correspondance internet.

47 Xavier Deutch, réponse au questionnaire distribué à la Foire du Livre de Bruxelles, mars 2005.

48 Sophie Jabes, réponse au questionnaire distribué à la Foire du Livre de Bruxelles, mars 2005.

ultérieures. »49 Or, en tant qu'artiste, l'auteur ne peut ignorer que son oeuvre, idéalement, s'inscrit à la fois dans une époque et dans le long terme, sinon dans l'éternité, et ne saurait perdurer si elle n'est pas apte à «bien vieillir» tel un grand millésime.

En effet, il ne faut pas oublier que de nos jours l'actualité des marques peut parfois être très éphémère.

49 Vincent Nykees, propos recueillis par Marie Gobin dans Lire « les écrivains corrompus par la pub », Novembre 2001, numéro 300, p 50.

Deuxième partie : Théorie pour une analyse

narratologique des noms de marque.

1. Introduction.

Comme nous l'avons vu, le fait de donner une impression de réel dans un roman, oeuvre de fiction par excellence, est très important. Dans ce sens, insérer des marques au fil du texte arrime de manière définitive le récit à une époque et aux marques qui y correspondent. Ces « indices d'actualité » peuvent avoir différentes fonctions au sein du roman.

Nous chercherons à dégager de l'anarchie apparente un principe de classement et un foyer de description.

2. Roland Barthes : « Introduction à l'analyse structurale des récits ».

Dans son «Introduction à l'analyse structurale du récit », Roland Barthes préconise - pour « trouver les structures du roman » - d'analyser les différentes « fonctions » à la suite de V. Propp.

Les fonctions sont des unités de contenu, c'est ce que veut dire un énoncé qui le constitue en unités fonctionnelles. Ce signifié peut renvoyer à des concepts différents. Roland Barthes distingue deux grandes classes de fonctions narratives : « les fonctions » et les « indices », elles-mêmes subdivisées en sous-classes : les « fonctions cardinales » et les « fonctions catalyses », les « indices » et les « informations ».

2.1. Première distinction : « fonctions » et « indices ».

Nous distinguerons « fonctions » et « indices » selon que leur fonction au sein du récit est distributionnelle ou intégrative. Nous nommerons les premières « fonctions ».

Le modèle est classique depuis l'analyse de Tomachevski : l'achat d'un revolver a pour corrélat le moment où l'on s' en servira (et si l'on ne s' en sert pas, la notation est retournée en signe de velléitarisme) ; décrocher le téléphone a pour corrélat le moment où on le

raccrochera ; l'intrusion du perroquet dans la maison de Félicité a pour corrélat l'épisode de l'empaillage, de l'adoration...

Les secondes, « indices », renvoient à un concept plus ou moins diffus, nécessaire cependant au sens de l'histoire : indices caractériels (concernant les personnages), informations relatives à l'identité, notations d'atmosphère... Une notation indicielle est intégrative car elle se dénoue à un niveau supérieur : celle de l'action des personnages ou de la narration. Les indices sont des unités véritablement sémantiques car ils renvoient à un signifié, non à une opération. La sanction des indices est paradigmatique, au contraire, la sanction des fonctions est syntagmatique. Cette distinction entre « indices » et « fonctions » recouvre une autre distinction classique : les « fonctions » impliquent des relations métonymiques, les « indices » des relations métaphoriques ; les unes correspondent à une fonctionnalité du faire, les autres à une fonctionnalité de l'être. Cependant, certaines actions sont indicielles, étant signes d'un caractère ou d'une atmosphère.

2.2. Seconde distinction : « les fonctions ».

À l'intérieur de ces deux classes, Barthes définit deux sous-classes. En effet, il apparaît clairement que toutes les « fonctions » n'ont pas toutes la même importance, de même que certains « indices » en ont plus que d'autres.

2.2.1. « Fonctions cardinales » et « fonctions catalyses ».

Nous distinguons les « fonctions cardinales » ou noyaux et les « fonctions catalyses ». Les « fonctions cardinales » constituent les moments risques du récit, elles inaugurent ou concluent un incertitude. À l'inverse, « les fonctions catalyses » représentent des zones de sécurité, des repos, des luxes. Cependant, même si leur fonctionnalité est atténuée, unilatérale, parasite, elles n'en restent pas moins des fonctions. En effet, une notation en apparence explétive a toujours une fonction discursive : elle accélère, retarde, relance le discours, anticipe, parfois même déroute. « Les catalyses » sont des unités consécutives, les « fonctions cardinales » sont à la fois consécutives et conséquentes.

2.2.2. « Indices » et « informations ».

De même, parmi les éléments qui ne peuvent être saturés qu'au niveau des personnages ou de la narration, nous pouvons distinguer les « indices » proprement dits, renvoyant à un caractère, une atmosphère, à une philosophie, et les « informations » qui servent à identifier, à situer dans le temps et dans l'espace. Les « informations » font partie d'une relation paramétrique.

Pour différencier indices et informations, nous dirons que les indices ont toujours des signifiés implicites, contrairement aux informants qui n'en ont pas, du moins au niveau de l'histoire : ce sont des données pures, immédiatement signifiantes. Les indices impliquent une activité de déchiffrement, les informants apportent une connaissance toute faite, immédiate ; leur fonctionnalité, comme celle des catalyses, est donc faible, mais elle n'en est pas pour autant nulle : l'informant (par exemple, l'âge précis d'un personnage) sert à authentifier la réalité du référent, à amarrer la fiction dans le réel : c'est un opérateur réaliste, et à ce titre, il possède une fonctionnalité incontestable au niveau du discours.

2.3. Combinaisons des différentes unités.

Nous devons préciser que certaines unités peuvent être mixtes, c'est-à-dire qu'elles peuvent appartenir en même temps à deux classes différentes. Les « informations » et les « indices » peuvent se combiner entre eux. En revanche, une « catalyse » est dépendante de sa « cardinale ».

Les « catalyses », les « indices » et les « informations » sont des expansions par rapport aux « cardinales ». Les « cardinales » sont peu nombreuses, elles sont nécessaires et suffisantes, on ne peut les supprimer sans altérer le sens de l'histoire, contrairement aux expansions.

3. Pour l'analyse de marques.

Afin d'analyser les fonctions que peuvent occuper les marques dans les romans, nous devons modifier quelque peu la théorie de Roland Barthes.

Tout d'abord, là où R. Barthes confère aux « indices » et aux « informations » une sanction paradigmatique, et aux « fonctions », une sanction syntagmatique, nous sommes dans l'obligation de constater l'incapacité pour les marques d'occuper un rôle de fonction au sens où R. Barthes l'entend. Il va de soi qu'aucune marque ne renvoie à une opération. En effet, nous nous sommes rendu compte que cette incompatibilité venait du fait que R. Barthes, dans ce qu'il nomme « fonctions », analyse des phrases, là où nous étudions des noms propres. Nous maintiendrons la distinction entre fonctions « catalyses » et fonctions « cardinales ». Pour l'étude de fonctions « catalyses », nous intégrerons les marques dans la phrase et pour les fonctions « cardinales », nous rendrons compte du rôle que les marques peuvent jouer dans la narration, à partir du schéma actantiel de A.J. Greimas.

Ensuite, R. Barthes assimile les « fonctions » à une relation métonymique, à une fonctionnalité du faire, et les « indices », à une relation métaphorique, à une fonctionnalité de l'être. En pratique, dans une phrase comme « À la sortie du Ritz, ils montèrent dans leur Mercedes », Mercedes peut être considérée comme une métonymie car la marque de voiture est une partie des éléments qui représentent la richesse des gens, leur statut.

Au contraire, dans le roman « Le silence de Médéa », la phrase « Ils étaient ivres au volant de leur Mercedes » (p 19), la marque de voiture a une valeur métaphorique, car Mercedes renvoie par métaphore à la richesse, au luxe, à l'Europe capitaliste. Pourtant, nous classerons ces deux exemples dans la catégorie « indices », car dans le premier exemple, le statut des gens ne fait nullement avancer l'histoire. Cette distinction n'est pas pertinente pour l'analyse des marques car les marques ont un poids symbolique très important.

Enfin, à propos des « informations », R. Barthes déclare qu'il s'agit de données pures qui apportent une connaissance immédiate. Or il va de soi qu'aucune marque ne peut être qualifiée ainsi, étant donné la palette de connotations dont elle est porteuse. Toutefois, les informations sont, en parlant des marques, les données les plus élémentaires que nous pouvons leur attribuer.

Pour structurer notre analyse, nous dirons que, selon leurs fonctions dans le roman, l'auteur exploite différemment la palette de sens que lui offre la marque. Ainsi, pour les « informations », il fait appel à « la carte d'identité » de la marque : époque et lieu de production, données civiles des personnes visées. Pour les informations et les composantes du portrait, l'auteur a recours au « branding » de la marque; pour les actants, à l'objet auquel la marque renvoie, et pour les catalyses, simplement, à la marque en tant que nom marqué.

Nous pouvons ajouter à ces quatre types d'emplois, un cinquième qui témoigne de l'ancrage des noms de marque dans le langage courant. Il s'agit de figures de style intégrant des marques.

Troisième partie : Analyse narratologique des marques.

1. Information / emploi carte d'identité.

1.1. Espace.

En tant qu'information, la marque peut avoir un rôle non négligeable dans l'histoire car elle permet de localiser une intrigue. En effet, si à l'heure actuelle, certaines marques sont mondialement connues, d'autres ont gardé un impact local, national ou continental.

Étant donné que nous avons traité majoritairement des romans dont l'histoire se déroule en France, les marques propres à ce pays sont nombreuses, plus particulièrement dans le domaine des magasins comme le Monoprix, le Bon Marché, Le Printemps, Leclerc, Continent... que nous ne trouvons que dans l'Hexagone. Nous n'avons pas jugé nécessaire d'en faire le détail puisque ces établissements contribuent d'une autre manière à la trame narrative.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, l'héroïne, Claire, travaille chez Shopi. Les magasins Shopi font partie du groupe Carrefour mais sont uniquement présents en France où on en compte environ six cents50. L'intrigue pourrait donc se dérouler dans n'importe quelle ville de France, mais, avant de partir en vacances, Claire s'arrête dans un Franprix, ces magasins sont typiquement parisiens.51

Dans le roman, nous savons que Claire part en vacances, le fait que ses voisins sortent un « pack de Kro » nous rappelle qu'elle est toujours en France. (p 71)

De la même manière, dans « Madrid ne dort pas », Grégoire Polet décide d'ancrer son roman à Madrid, pourtant l'histoire n'a rien d'espagnol. Elle pourrait se dérouler dans n'importe quelle métropole. Mais les protagonistes fument des Nobel (p 68) ou des Ducados

(p 13), ce qui place irrévocablement le roman dans la sphère hispanique. De plus, on y boit de l'anis del Mono (p 199), on y fréquente la librairie du Corte Ingles (p 22) et la casa del Libro (p127), on descend à l'hôtel Senator (p 187), on boit un verre au Gallo (p 187). Une des protagonistes fait des photos notamment pour la publicité de Linhogar (p 74), marque de linge de maison.

50 www.shopi.fr

51 www.franprix.fr

Si dans le second exemple, la mention des cigarettes espagnoles donne un certain cachet exotique à l'ouvrage, dans d'autres livres, l'évocation de supermarchés français est, si pas inconnue à un lecteur qui n'est pas autochtone, du moins floue ou stéréotypée. De la même manière, dans de nombreux romans français, les jeunes boivent de la Kronenbourg, typiquement française, fabriquée en Alsace d'où une consonance allemande qui peut prêter à confusion alors que les « vieux », préfèrent le vin.

Une difficulté de cette pratique réside dans le fait qu'il existe des « marques ombrelles » telles que Danone, par exemple : « Danone est une marque ombrelle, voire une marque mère. L'image de sa marque varie d'un pays à l'autre parce que ses produits les plus typiques n'y sont pas les mêmes : desserts crémeux en Allemagne, yaourts nature en France, yaourts aux fruits en Grande-Bretagne. »52 Quand on sait que les produits typiques d'une marque sont le premier vecteur de son image, on mesure la difficulté de la globalisation des marques ombrelles qui regroupent quantité de produits. Si Danone évoque les yaourts chez nous, il possède des spécificités différentes selon le continent. « Danone est porté par l'ultra frais en Europe, par la biscuiterie LU -débaptisée- en Asie, et sera porté demain par l'eau minérale en Chine. »53

1 .2Temps.

La vie des marques est aujourd'hui assez passagère. Les marques désuètes sont utiles pour mentionner une époque.

Dominique Barbéris a notamment recours à ce procédé dans son roman « Le temps des Dieux ». Elle nous y conte son enfance que nous situons facilement dans les années '60, grâce aux marques citées. En effet, c'était « les années des collants DD bleu marine, les années des DS et des talons aiguilles... » (p 95). De même, elle décrit le trajet en tram qui l'emmène .... « Ils voyaient des publicités pour le chocolat Banania, et pour les frites à la Végétaline (« les frites dansaient avec des bouches rouges, des cils voluptueux, le torse scindé en deux jambes »). (p 47)

Les publicités pour Banania devaient être nombreuses en 1960 car Banania reçoit l'Oscar de la
Publicité. Il n'est pas besoin de la décrire, tout un chacun se représente encore ce bon noir

52 http://www.lesechos.fr/formations/entreprise globale/articles/article 1 7.htm

53 http://www.lesechos.fr/formations/entreprise globale/articles/article 1 7.htm

souriant et le slogan « petit nègre » qui l'accompagne. Par contre, la publicité pour Végétaline est fort heureusement décrite, car cette marque dépassée n'est plus présente dans les esprits. De plus, à cette époque, le sigle du magasin Delhaize était « un lion blanc sur un fond orange qui ressemblait vaguement au lion de Venise » (p 47).

Dans « L'amour dure trois ans », Marc Marronnier se plaint de ne plus recevoir de nouvelles de sa maîtresse : « Plus de coups de fil, plus de messages sur la boîte vocale 3672, ni de numéros de chambres d'hôtel sur le répondeur du Bi Bop. (p 70). Frédéric Beigbeder a eu, pour ainsi dire, la présence d'esprit de définir, à sa façon, ce Bi Bop, dont le succès a été occulté par celui du GSM. « Le Bi Bop et le 3672 Memophone furent des inventions technologiques de la société France Télécom, exclusivement destinées à favoriser l'adultère, dans le but de se faire pardonner la cafteuse touche « Bis» et les nombreux deals de drogues effectués grâce au « Tatoo ». » (p70)

Nous pouvons encore citer un autre cas de figure car, dans « Belle mère » de Claude Pujade-Renaud, bien que l'intrigue se déroule entre les deux guerres, les marques citées : Singer, Godin, Citroën, Peugeot existent toujours aujourd'hui. C'est pourquoi, pour celles de voitures, préciser les modèles est non négligeable ; pour ce qui concerne Singer et Godin, il n'est fait mention d'aucun modèle, mais si nous prenons en compte le fait que la famille d'Eudoxie n'a pas beaucoup de moyens, eu égard au prix d'une machine à coudre Singer ou d'un poêle Godin actuellement, nous pouvons aisément penser que l'histoire doit se dérouler aux alentours de la naissance de cette marque ou en tout cas, bien avant l'explosion des produits concurrents bon marché. La Citroën Quinze date d'avant la Deuxième Guerre mondiale et la Peugeot 204 des années '70.

Eudoxie se fait vieille, elle perd la mémoire, elle note sur un carnet ce qu'elle achète : Sanogyl (dentifrice contre le tartre), Insecticide Tupic, Huile Lessieur... (p 111- 112)

Dans « Ensemble, c'est tout » d' Anne Gavalda, le grand-père de Franck roule en Simca (p 354). Cette marque de voiture montre le niveau social des grands-parents : petits employés, modestes mais plus particulièrement, la Simca témoigne de l'époque où vivait le grand-père de Franck. En effet, les dernières Simca ont été construites dans les années '70.

1.3. Personnage.

Dans leur rapport avec le personnage, les informations peuvent apporter des précisions quant à l'état civil du personnage.

1.3.1. Age.

« Peu de variables sont aussi segmentantes que l'âge. Chaque tranche d'âge a une unité façonnée par le fait qu'elle a vécu les mêmes événements historiques, les mêmes joies. Elle est liée par les mêmes préoccupations. Or, la transmission des us et coutumes se fait de plus en plus par les pairs et non par la famille. La conséquence est que, désormais, c'est aux marques elles-mêmes d'assurer l'apprentissage transgénérationnel. Mais il est délicat [pour un produit] d'avoir été consommé par ses aînés : chaque génération se crée ses propres marques.»54

Dans cette optique, les marques que nous pourrions qualifier « de l'enfance » sont largement présentes. Nous pouvons le comprendre dans le sens où les enfants sont les plus facilement perméables aux stratégies publicitaires.

Ainsi dans « Le temps de Dieux » de Dominique Barbéris, les marques remontent à la mémoire de l'auteur « un air passé de cette enfance de la petite fille, un air de toutes ces choses exquises, de toutes ces choses perdues, [...] les Carambar, les bonbons à la menthe fondants La Pie qui chante » (p 95). Tout au long de l'histoire l'auteur fait état de l'âge de la petite fille en fonction des marques. Toute petite, elle prenait du sirop Rosvissé (p 24) comme fortifiant. Ensuite, ce fut l'âge où avec d'autres enfants, ils poussaient des voitures Dinky Toys, habillaient les Barbie, montaient des murs de Lego (p39). Le temps passe et la petite fille grandit, à présent, « ils se donnaient la communion avec des bonbons Kréma » (p 40), raffolaient des Vache-qui-rit (p58), des petits suisses (p60) (Gervais). Pendant les vacances, on les a bernés, en leur donnant des bols d'Ovomaltine (p70), elle pensait être devenue une femme, « Ovomaltine lui donne de l'énergie pour déplacer les montagnes », mais elle devait encore aller à l'école. À cette époque, ils s'offraient des bubble-gums et des Carambar (p 81).

54 http://www.lesechos.fr/formations/marketing/articles/article 4 1 .htm

Les Carambars ont comme signes distinctifs la gourmandise, l'humour et le partage.55 La Pie qui chante, évoque la simplicité et l'optimisme56. Les Bonbons Kréma rappellent la tendresse et le partage.57 Ce n'est pas étonnant de les utiliser pour exprimer la communion. Tout le monde sait bien que des marques comme Barbie, Dinky toys et Lego sont des marques associées inéluctablement au monde de l'enfance..

Dominique Barbéris évoque la fugacité des marques, en même temps que la différence d'âge entre les frère et soeur. En effet, la petit fille parle de son frère en disant : « C'était la nouvelle vague des adeptes du lait Guigoz [...] les vieux s'en allaient [...] ils mangeaient leurs chocos BN. » (p 53)

« Le Choco BN, le goûter complet, le goûter tout prêt. »58 Le lait Guigoz est « adapté aux besoins nutritionnels de bébé et idéal si bébé manifeste sa préférence pour une alimentation au goût plus doux.»59 Il est recommandé pour les enfants de cinq mois à un an.

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès, Caroline est une petite fille de sept ans; tout ce qu'elle possède, toute sa richesse se conte en carambars et roudoudous. Alors que sa mère a jeté dans les toilettes, les « Misérables », loué à la bibliothèque, Caroline se dit que même si elle se privait de ses bonbons favoris (carambars et roudoudous) pendant un mois, elle ne pourrait pas rembourser. Ensuite, elle prend la décision de tuer sa mère et se demande si des malfrats accepteraient de se faire payer en carambars et roudoudous (p 11). Finalement, Caroline tentera de faire le sale boulot elle-même.

Tout ce que Caroline possède se compte en carambars et roudoudous, comme nous l'avons déjà dit. Les carambars mettent l'accent sur la notion d'humour par le mot, d'abord et sans doute, aussi, par les blagues qui sont inscrites sur le papier d'emballage de ces friandises. Quant aux roudoudous, il s'agit d' « une espèce de bonbon, à l'origine pris dans une coque en bois (comme les camemberts), puis dans un faux coquillage en plastique. »60 Même si ces sucreries sont aussi appréciées des grands, les publicités visent clairement les enfants. Nous pouvons noter l'absence de majuscule qui est un choix de l'auteur, car nous pouvons supposer que dans son esprit, ces marques sont des noms communs. Quand elle veut tuer sa mère, Caroline se dit qu'elle veut « recueillir son oeil gauche dans un papier de carambar. » (p 129)

55 http://www.cadburyfrance.com/

56 ibidem.

57 Ibid.

58 http://www.public-histoire.com/saga/bn/chocobn.html

59 http://www.nestle-baby.be/Content/nestlebaby/produits/lait/alternatives/guigoz/1/index.asp

60 http://lalaith.canalblog.com/archives/2005/05/28/531597.htmlMistral

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B » de Sylvie Medvedowsky, le fils de l'héroïne, Arthur, voudrait recevoir pour son anniversaire : « des smarties, des fraises tagada, des dragibus ... les malabars et les marshmallows, des carambars... » (p 74).

Nous pouvons de nouveau remarquer l'absence de majuscule. Nous ne définirons pas ces marques, car il nous semble que l'important, dans ce cas ci, est le rapport avec l'âge du protagoniste ; il est clairement question d'enfant qui raffole des bonbons comme tous ceux de son âge et qui en veut beaucoup.

L'année précédente, ses parents lui avaient organisé une « Fiesta au MacDo, avec hôtesse maquillage, jeux et agitation infernale... Coca à gogo. » (p 72) Les anniversaires organisés au MacDo sont de véritables fêtes pour les enfants avec Ronald MacDonald, les jeux avec les boules... le paradis.

Dans « Belle mère », Claude Pujade-Renaud nous donne l'âge des personnages. Pourtant, grâce à l'information « Eudoxie prend du Lasilix, c'est son seul problème de santé »

(p 117), l'auteur insiste sur le fait qu'elle est âgée et commence à avoir des problèmes d'hypertension. Lasilix est en effet utilisé dans le traitement de l'hypertension et dans celui des oedèmes d'origine rénale, hépatique ou cardiaque61.

Dans « Ensemble, c'est tout » d' Anna Gavalda, Mémé utilise du Polident (p 586). Il s'agit d'une colle pour les dentiers et son slogan est « Croquez la vie à pleines dents.»62 Ce détail nous donne une information sur le fait que Paulette n'est plus toute jeune.

Dans « En toute impunité » de Jacqueline Harpman, les filles demandent à leur mère si elles doivent faire prescrire du Viagra à son futur mari. (p 186) ; ce commentaire indiscret indique l'âge avancé du fiancé. « Les hommes traités ont, en général, plus de 50 ans ; 42 % sont âgés de 61 ans et plus et 96 % des patients utilisant du Viagra® sont satisfaits.»63 Viagra traite des troubles de l'érection.

61 http://www.doctissimo.fr

62 Ibidem.

63 http://www.doctissimo.fr/html/sexualite/mag 2000/mag0906/se 1789 point viagra.htm

1.3.2. Métier et employeur.

Le métier des personnages donne une information sur leur niveau de vie. La profession exercée par les protagonistes des romans est évocatrice car de celle-ci dépend le salaire et du salaire le pouvoir d'achat, donc la sphère sociale du personnage.

Dans le «Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, l'héroïne, Annabel, est mannequin chez PKO. Malgré nos recherches, nous n'avons rien trouvé de précis sur cette marque de lingerie, c'est l'abréviation de « Puzzi Kate Original » (p 23), mais quand on sait que sa directrice, Katarina Puzzi « avait débuté sa carrière chez Versace », on peut s'imaginer la ligne de sous-vêtements qu'elle peut présenter. En effet, l'auteur nous précise qu'il s'agit de « lingerie et déshabillés sexy, haut de gamme. » (p 23) Son futur mari, Hugo, est organisateur d'événements, il dirige sa propre société « Baracuda prod ». Il travaille pour Bulgari, Lexus, Chanel... (p 65, p 56, p 154) qui suggèrent un monde où l'argent n'est pas un problème. Leurs collègues font partie du même monde. Dans ce premier roman, les noms de marque ont uniquement pour but de montrer le rang social des personnages ; de leur métier ne découle aucune action conséquente.

Par opposition, dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, dans les rapports que Claire, l'héroïne, essaye d'entretenir avec les autres, son métier l' handicape : lorsqu'elle sort le soir et qu'on lui demande ce qu'elle fait dans la vie, elle répond « Caissière chez Shopi ». Ses interlocuteurs ont l'air surpris. Les stéréotypes de Shopi ne sont pas flatteurs. Elle travaille dans ce grand magasin depuis que son frère a disparu, elle y rencontre des hommes qui la draguent, des « amies », c'est là que Julien la remarque... Julien, lui, évolue dans le monde de la culture, il est dans un bureau et écrit sur un ordinateur Makintoch (p 134). Ces ordinateurs présentent un net avantage pour tout ce qui est le métier de la création.

Dans « Madrid ne dort pas » de Grégoire Polet, les policiers de la guardia civil circulent en Land Rover (p 129). Ce type de véhicule est très utile pour la police. Les alentours de Madrid sont campagnards ou montagneux et les policiers doivent donc pouvoir

se déplacer sur tous les terrains. Ces véhicules sont « capables d'affronter des terrains extrêmement variés et les environnements les plus hostiles »64.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, la responsable de OrneImmo-plus, conduit une « Vitara noire » (p 49). Ces voitures, de petites jeeps Suzuki à l'allure robuste, aux dimensions compactes, à la ligne épurée se sentent partout chez elles65. Elles sont appropriées pour la visite des biens à louer dans les campagnes, parfois des endroits reculés. Toutefois, cette voiture s'adapte également parfaitement en ville.

2. Indices et Portrait /emploi de la doxa.

2.1. Indices.

2.1.1. Espace / Atmosphère.

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès, la petite fille cherche un lieu calme pour lire. L'atmosphère qui règne dans la maison est pesante. Nous sommes en hiver, « la maison empestait le Vix » et le bruit était incessant. Caroline cherche le calme : mais sa mère avait invité ses copines, son grand-père écoutait la radio à tue-tête, « Solange avait envahi la salle de bain, elle essayait son nouveau babyliss » (p 17), bref pas de place pour Caroline. Elle décide alors de s'enfermer dans les toilettes. « Elle ne sentait plus ses jambes, ni ses bras ni sa tête. Plus rien n'existait. Ni les piaillements de sa mère, ni les ronflements de la grand-mère, ni le poste du grand-père, ni le zézaiement du babyliss et les hurlements de son frère. » (p19)

Le roman « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath commence par une fête somptueuse organisée pour le demi-siècle du parrain d'Annabel : « sur des combos de verre s'érigeaient des pyramides de fruits exotiques et, sur un socle de glace, une fontaine de Dom Pérignon s'écoulait en cascade dans des coupes en cristal » (p 18). Le Dom Pérignon est un champagne prestigieux. Ici, il coule à flots, en fontaine, nous sommes plongés dans une ambiance d'ivresse de la « jet set » parisienne.

Jean-Claude Bazette travaille chez un concessionnaire American Car, il est entouré de
Hummer, de Cadillac (p 113), de Chevrolet (p 117), dans ces conditions, il ne peut pas
s'habiller n'importe comment. Il porte « un costume en lin crème Cerruti et des mocassins

64 http://www.landrover.com

65 www.suzuki.fr

John Lobb » (p 113). John Lobb est une marque de chaussures de luxe, filiale d'Hermès66. Et Cerruti fait partie du prêt-à-porter de luxe67.

De même dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc nous explique dans quel type de lieux tous ses amis divorcés passent leurs soirées : « dans des endroits pourtant très gais, comme ici, à la Voile Rouge, une plage tropézienne où il fait très chaud, eurodance debout sur le bar, pour rafraîchir les lumpenpétasses en bikini, on les douche avec du Cristal Roederer à une brique les 75 cl avant de leur sucer le nombril » (p23). Nous assistons bien ici à une soirée de société jet set bien décidée à oublier ses problèmes. Champagne Roederer : avec un vignoble de cent quatre-vingt-dix hectares, dont plus des deux tiers sont classés en grand cru, Roederer est devenu, en une dizaine d'années, une maison incontournable dans le monde. « La cuvée Cristal promène son élégance et sa race sur toutes les grandes tables de la restauration68. » Dans les deux cas, nous sommes dans une ambiance de richesse et d'ivresse.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire est invitée par Nadia, étudiante en sciences politiques, à une soirée avec des amis de l'université. Claire s'y sent mal, c'est une ambiance dépravée. Elle « ressort de la piste de danse où règne une odeur de transpiration et de parfum Calvin Klein. Tout le monde est très beau là dedans. » (p 23) Calvin Klein est un parfum assez sexy qui donnerait à un homme le droit de disposer du corps d'une femme69. Peu après son retour de vacances, elle est invitée dans une soirée à l'ambiance bon enfant, « assis sur la moquette, on parle entre deux Chipster. On rit entre deux verres... » (p 140). Les Chipster sont des petits biscuits salés de Belin conçus pour les ambiances très détendues et agréables70.

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck, doit se résigner à faire entrer sa grand-mère, dans une maison de repos. Celle-ci est coincée entre un Buffalo Grill et une déchetterie industrielle (p 173), là, au lieu des fleurs de son jardin, elle pouvait voir un roadster Porsche, une Ducati... Bref, tout sauf une ambiance calme. Le Buffalo Grill est un restaurant qui a la particularité d'être proche des axes routiers. En outre, on peut y organiser

66 http://www.observatoiredelafranchise.fr/V2/cgi-bin/home/indiscretions.php?franchise=4425 John lobb

67 http://www.evene.fr/celebre/biographie/cerruti-6036.php

68 http://www.1855.com/champagne/vin/2000030/champagne-louis-roederer-cristal/

69 http://www.calvinklein.com

70 http://www.consuvote.com/les chipsters sales 66-av-557382.html

des soirées d'anniversaires... Il s'agit d'un endroit plutôt bruyant, mais qui rencontre beaucoup de succès. C'est un lieu à la mode, pour tous. On pourrait même suggérer que les gens de la haute société y viennent par groupes, à bord de Porsche ou de Ducati.

Camille, Franck et Philibert habitent dans un quartier chic de Paris. Par la fenêtre on peut voir des caniches en manteau Burberry (p 421) et des marathoniens en Mephisto (p 465). Les chaussures Mephisto sont terminées à la main, leur étiquette est la preuve de leur authenticité. Elles allient technique et confort. 71 Burberry est une marque de manteaux très snob, qui conçoit également des vêtements pour les chiens afin qu'ils puissent être assortis à leur maître.

Vers la fin du roman, Philibert tente de briser sa timidité et de donner un spectacle de théâtre. Le lieu de la représentation « sentait les Fanta tièdes et les rêves de gloire mal aboutis » (p 554, 555). Le slogan de Fanta est « Vis ta vie maintenant »72, Philibert qui n'osait jamais rien faire, se lance, c'est un grand pas pour lui.

Dans « En toute impunité » de Jacqueline Harpman, Albertine La Diguière avait dû résister à la haute couture : « tu me voyais ici en tailleur Armani ? -S'il allait jusqu'au bout de ses fantaisies, le tailleur Armani ne serait plus en dissonance » (p 255). Nous pouvons nous imaginer l'atmosphère de luxe qui aurait pu régner dans cette maison au point de s'accorder avec l'élégance d'un tailleur Armani. «Il existe aujourd'hui une clientèle, même restreinte, qui recherche les sommets du luxe.»73

2.1.2. Personnage/ Caractère.

En tant qu'indice, les marques nous donnent un aperçu du caractère des personnages.

Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Annabel est comparée à un « Spoutnik invraisemblable ». (p 30) Un Spoutnik est « un satellite artificiel lancé par l'Union soviétique »74. Or Annabel est très superficielle, elle vit dans le paraître : elle est mannequin, riche, et belle, et l'apparence est pour elle essentielle. De plus, ses souhaits ne font qu'affirmer sa qualification de Spoutnik : « Elle voulait le dernier cabriolet Aston Martin pour la sortie de la célébration. Un cocktail au Crillon, suivi d'un dîner placé de cinq cents invités. » (p59) « Elle voulait se faire attraper dans les toilettes du Boeing... . » (p 60) «

71 http://www.mephisto.com

72 http://www.fanta.fr/

73 http://www.lexpress.fr/mag/tendances/dossier/modeind/dossier.asp?ida=431029

74 « Le Petit Robert, dictionnaire de la langue française », Paris, 2004.

Une sortie d'église cacophonique et assourdissante ... avec en prime, sur le parvis, des hooligans en Smalto et des hystériques en tailleur Gucci qui vous balancent des tonnes de riz. » (p 61) Artificielle jusqu' au bout des ongles, elle ne souhaite que du chic, du grand, des nantis et des preuves ostentatoires de sa richesse. Sans oublier son côté femme fatale et bête de sexe. De plus, c'est une petite fille gâtée et capricieuse. «Pour qu'elle se retrouve plantée dans la Cordillère des Andes, il faudrait que son jet Falcon atterrisse en catastrophe ou qu'elle soit retenue en otage par le Sentier lumineux... « L' emmerdées se » suprême foutrait un tel souk au campement, en renvoyant les plats, en exigeant le câble, le Guide du Routard cossu..., une penderie Conran Shop pour accrocher son dernier shopping : robe longue camouflage Ralph Lauren, saharienne de combat Dolce & Gabbana, bracelet-menottes or et diamants de chez Bulgari, canif Christofle avec étui-ceinture Vuitton... . » (p 298)

Hugo, héros du roman, a une collection de Berluti. Tout au long du roman, la mention des chaussures Berluti, comme éléments propres à Hugo, revient à plusieurs reprises (p 155) La secrétaire se jette non pas à ses pieds, mais sur ses Berluti en pécari pour lui déclarer son amour (p 159) : « il eut offert la totalité de sa collection de chaussures Berluti à l'Abbé Pierre, juste le temps de se transformer en souris planquée sur le divan », autrement dit, il aurait donné n'importe quoi pour entendre ce que sa fiancée raconte à sa psychologue ; enfin pour son mariage il vérifie qu'il a tout, « boutons de manchette Hermès en nacre... housse à chaussures Berluti, nickel ! » (p 313) Les Berluti sont des mocassins en cuir souple, des nubucks et, parfois même, ils sont fabriqués dans des peausseries précieuses et exotiques, chaussures mythiques au dessin fin et profilé : de véritables oeuvres d'art qui offrent également un chaussant parfait75. La précision de la marque des chaussures nous amène à comprendre que Hugo aime les belles choses, il tient à cette qualité. Hugo est également surnommé « Mr Propre » (p 110), dans ses affaires, il veut toujours que tout soit parfait, c'est un maniaque. Mr Propre est « l'homme de ménage préféré des Français, est toujours à la recherche de formules «miracles» pour un nettoyage encore plus facile et plus net .»76

Dans « Le temps des Dieux » de Dominique Barbéris, roman à consonance autobiographique, la petite fille apparaît par deux fois vêtue d'une culotte Petit Bateau. Que l'on se rappelle, pour se faire une idée du caractère de la petite fille, du spot publicitaire pour la même marque, « A quoi ça sert d'avoir des vêtements si on peut rien faire dedans : Petit

75 https://www.berluti.com

76 http://www.fr.pg.com/nosmarques/mrpropre.html

Bateau, des vêtements faits pour faire des choses dedans. »77 L'auteur précise que cette culotte « lui remontait à mi-ventre « (p 131), ce que nous nous représentons fort bien. En plus de la simple mention du sous-vêtement, qui n'apporte rien de particulier à la description physique de la protagoniste, « Petit Bateau » nous laisse à penser que la petite fille est très active, court partout, fait des bêtises. Par exemple, elle doit écrire une rédaction au sujet de « ses meilleurs souvenirs de vacances », » pour passer le temps, elle en profite pour éprouver tout un ordre de sensations interdites, le goût si rare, si savoureux, des choses incomestibles, des plastiques. Les yeux mi-clos, comme un gourmet mange à très petites doses le caviar, elle goûte la gélatine finement alcoolisée, au suave goût d'éther de sa colle Seccotine. » (p 18)

Dans « Quatrième étage » de Nicolas Ancion, Serge doit venir réparer les toilettes de Louise, mais elle est absente toute la journée. Ses deux voisines qui vivent ensemble depuis le décès de leur mari, lui ouvrent la porte. Elles sont très gentilles et lui disent de venir prendre une tasse de café dès qu'il a terminé. Leur appartement est un vrai musée. Ce sont deux petites vieilles tirées à quatre épingles et qui ne laissent rien au hasard. Lorsque Serge va se laver les mains : « Le savon sentait le chèvrefeuille, la serviette était propre et je constatai qu'une pastille Brise, élégamment collée à côté du siphon de l'évier, empêcherait qui que ce soit d'être incommodé par l'odeur des besoins que je n'avais pas faits en ces lieux. » (p 96) Tout est propre et sent bon. Les lieux ne respirent ni la poussière, ni le renfermé, comme chez certaines personnes âgées. « Brise offre « des parfums de qualité, spécialement créés en collaboration avec des parfumeurs de renommée mondiale. »78

Louise est une femme active très occupée. Célibataire, en rentrant du boulot, elle enfourne dans le micro- ondes un paquet de macaroni surgelés, elle en a un second à proposer à Serge. Pour le dessert, Serge s'attend, pour rester dans la même veine, à de « la glace Produit Blanc figée dans son bac de givre, [...] Et quand je suis revenu des toilettes, tout fier de mon boulot, j'avais fini par placer la Viennetta semi-fondue au sommet de mon hit-parade des probabilités. » (p 167) On voit que si Louise n'aime pas cuisiner le plat principal, elle adore s'occuper des desserts et elle prépare des profiteroles au chocolat.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, Machon, est un adepte de la « malbouffe ». Par exemple, il sait pertinemment bien que s'il s'engage par erreur dans le couloir du MacDo drive-in, il ne pourra pas résister à la tentation. Bien que dans cette

77 http://www.petit-bateau.com/index.asp?lang=fr

78 http://www.scjohnson.ch/fr/products/brise/index.php

catégorie, ce restaurant soit le plus renommé, cet indice renforce l'impression d'un caractère peu gourmet. Il explique ensuite que la seule chose qu'il se prépare dans sa cuisine, est une tasse de Nescafé. (p 51) Tous les matins, il déjeune avec « du Nescafé et une clope.» (p 58) A un autre moment, Machon entre dans un bar. Le barman y est impressionnant, il porte « un Tee-shirt noir orné d'un logo Playstation à reflets argentés » (p 64), étant donné que le slogan publicitaire de cette marque est « ne sous-estimez pas le pouvoir de Playstation »79. Cette phrase rappelle le film « le Seigneur des anneaux », avec le mythique pouvoir de la force obscure. Conscient de sa force, ce barman prévient les gens : il frappe à la moindre contrariété, il ne faut pas l'énerver. Il se montre d'ailleurs violent envers Machon.

Dans « Belle mère » de Claude Pujade-Renaud, l'étiquette d'un fromage nommé Le Bougon sert à montrer l'état d'esprit de Lucien qui accroche la marque à sa porte quand il ne veut pas être dérangé et l'en retire quand il va mieux, quand il ne bougonne plus : «... il a affiché Le Bougon sur sa porte, je le laisse tranquille. » (p 134) Lucien est assez sauvage. De manière opposée, quand Eudoxie revient du home pour voir Lucien, cela fait plaisir à Lucien qui ôte le Bougon de dessus sa porte. (p 150)

Le Bougon est un fromage de chèvre au lait cru, spécialité des Deux-Sèvres, dans le Poitou- Charentes. Il ressemble un peu au camembert, il est emballé dans une boîte en copeaux de bois. Sa pâte est molle mais ferme80. Nous remarquons que dans ce cas-ci, ce n'est pas le style de vie de la marque qui est important, mais son nom en soi permet au lecteur de mieux comprendre l'état d'esprit de Lucien : il est bougon mais nous n'en déduisons rien de plus précis.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire rencontre une personne qui fume des Lucky Strike (p 140). Dans les stéréotypes, fumer ces cigarettes renvoie à l'image des marins qui fument cette marque lors de leurs sorties avec des filles. Il semble que cela donne une contenance au séducteur qui se sent irrésistible. Mais Claire n'apprécie guère ce genre de gars. Elle est victime, elle aussi, des stéréotypes : « C'est un bourgeois, il doit avoir une Golf noire aux vitres teintées, jouer au tennis, être très méprisant, très libéral. » (p 142) Par la suite, son comportement prouvera qu'il ne supporte pas qu'une fille lui résiste. L'image rendue par la voiture Golf ici est sans doute, en partie, conforme à celle voulue par la société VW.

79 http:// www.playstation.com/

80 http://www.recettes-et-terroirs.com/produit detail-13-7 11-3 .html

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck est un jeune individualiste adepte des motos Suzuki. Plus tard, il achètera une voiture pour pouvoir transporter sa grand- mère, mais après trente-deux jours passés sans moto, il en achète une autre d'occasion qui fait le bruit d'une Harley (p 535). C'est un frimeur, apparemment égoïste.

Franck est cuisinier, il se démène devant ses fourneaux où règne une chaleur extrême. En s'installant dans la salle de bain, Camille déménage les affaires de Franck, à savoir entre autres choses, un déodorant X de Mennen (p 190). Ce déodorant est spécialement conçu pour résister aux « conditions extrêmes de chaleur et d'humidité, le gel X régule la transpiration jusqu'à 48H, pour une efficacité extrême contre les odeurs et les auréoles, même en cas d'activité intense »81. Franck est toujours soucieux de son apparence, il n'a sûrement pas choisi un déodorant au hasard.

Camille est une originale qui aime le style « kitch », elle a décidé de s'acheter un poêle car elle gèle dans sa chambre de bonne. Le vendeur lui recommande un « Oleo de Calor » (p 79) qui est un foyer bon marché et très efficace, mais elle déniche une cheminée électrique Sherbone (p 79). Cet appareil coûte six fois plus cher, mais il est totalement kitch avec de fausses bûches et des « flammes en plastique. » Elle craque et l'achète.

Alors qu'elle quitte son travail, elle aperçoit dans le local de rangement des femmes de ménage, un homme et son chien, cachés, muets et immobiles. Elle ne leur parle pas non plus. Cependant elle a perçu leur détresse et leur apporte des vivres, mais pas n'importe lesquels : des salades Saupiquet et des pâtées pour chien Fido. Saupiquet compose des salades à base de thon ou saumon, garanties « dolphin save ». Ce détail montre que Camille est attentive au respect des animaux. Ainsi, la pâtée choisie pour le chien est une nourriture complète, mélangée avec des légumes cuits à la vapeur, et donc d'une grande qualité.82

2.2. Portrait.

Actuellement, on ne peut se passer du personnage dans les romans. Pourtant le statut du personnage a longtemps été discrédité. D'ailleurs, Aristote, dans sa « Poétique », déclarait déjà que la notion de personnage est entièrement secondaire, soumise à la loi des actions. Mais depuis lors, le personnage n'a cessé de se complexifier dans les romans, car les auteurs veulent rendre compte de l'extraordinaire diversité de l'être humain. Devenu un nom, puis

81 http://www.beaute-test.com.

82 http://www.ciao.fr/Fido patee Saveur riche en boeuf petits legumes 1 17976/TabId/2

l'agent de l'action, il se dote au XVIIème siècle d'une consistance psychologique : « il est devenu un individu, une « personne », bref un « être » pleinement constitué, alors même qu'il ne ferait rien, et avant même d'agir, le personnage a cessé d'être subordonné à l'action, il a incarné d'emblée une essence psychologique »83

C'est sur la description de ces « êtres de papier » que nous concentrons une part de notre investigation. Le portait sert à définir les personnages selon trois critères fondamentaux, abondamment croisés.

- Critères physiques: traits du visage, allure, pose du corps.

-Critères psychologiques, moraux : sentiments, pensées des héros.

- Critères sociaux: appartenance à un milieu défini, habitat, alimentation, vêtements. Selon Roland Barthes, « le portrait juxtapose sans contrainte des données d'état civil et des traits caractériels. »84

2.2.1. Critères physiques.

Les caractéristiques morphologiques du personnage - à savoir s'il est grand, petit, moustachu - ne sont pas véritablement remplaçables, synthétisées par des marques. Cependant, la mention d'un personnage ayant comme pseudonyme Barbie ou Uncle Ben's comporte l'avantage d'offrir au lecteur, la représentation immédiate et fidèle de l'aspect physique de celui-ci puisque ces créatures commerciales sont imprimées dans nos esprits. On pourrait argumenter que ces noms sont à rapprocher du « name dropping ». En réalité,

cette tendance vient de la nature double de ces produits, dont la représentation est humanisée. Nous pouvons donc admettre aisément que certains noms de marque sont associés à des types de personnage. Par ailleurs, certaines allusions à des marques rendent compte de l'aspect physique du protagoniste.

Dans « le Châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Annabel, est surnommée Barbie d'une manière récurrente. (p 40, 88) de même dans « l'évangile de Jimmy » de Didier van Cauwelaert, « Je me retourne sur un vieux Black en veste grise qui me tend la main, cartable sous le bras, sourire sympa et regard inquiet. Avec ses grosse joues et ses sourcils blancs il ressemble aux paquets de riz Uncle ben's. » (p 107)

83 Roland Barthes, « Introduction à l'analyse structurale des récits », Poétique du récit, Edition du Seuil, 1977, p33.

84 Ibidem, p 25.

Dans « Oscar et la dame rose » d'Eric-Emmanuel Schmitt, Mamie-Rose fait la description de Plum Pudding, la catcheuse énorme qu'elle a battue. «Tiens, Plum Pudding, l'Irlandaise, cent cinquante kilos à jeun en slip avant sa Guinness, des avant-bras comme mes cuisses, des biceps comme des jambons, des jambes dont je ne pourrais faire le tour. » (p 52) Boire une Guiness accentue sa force ; c'est une bière à quinze degrés, au goût fort et sponsor de l'équipe nationale de rugby d'Irlande : une « bière d'homme » dans les stéréotypes.

Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Idylle est tombée amoureuse d'un homme qui ne lui parle pas, qui ne veut pas lui parler. Quand elle lui demande pourquoi ce mutisme, « il secoue la tête, ses cheveux raides se décollent, une vraie publicité pour l'Oréal ; ça lui va, de secouer la tête. » (p 45). Cette indication ne nous renseigne pas complètement. Cependant nous pouvons imaginer qu'il a des cheveux d'une certaine longueur lui permettant de les faire voler en tout sens.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, Machon rencontre une fille qui travaille comme Disk Jockey dans un bar miteux, tenu par un barman violent ; elle porte « de grosses chaussures Cat » (p 66). Puisque celle-ci est en pleine ville et que l'on ne peut pas invoquer son côté sportif, ce genre de souliers, assimilé à des engins de chantier, laisse supposer qu'elle est plutôt masculine, garçon manqué.

2.2.2. Critères psychologiques.

Bien plus que les autres critères, l'état psychologique du personnage est en relation avec l'action proprement dite, avec ce qui lui arrive et qui le met dans tel ou tel état.

Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, le héros, Hugo, se met à boire à partir du moment où il croit voir sa future femme avec une autre dans un jacuzzi, sous l'oeil d'un photographe qui le met dehors. Suite à cette mésaventure, il rencontre une certaine Echo qui lui annonce qu'il ne lui reste que cent jours à vivre. Hugo prend peur. La solidité de sa vie, la confiance de ses amis et l'ensemble de ses projets sont ébranlés. Avant cet épisode, Hugo ne buvait jamais, à présent il absorbe Martini sur Martini.

La marque Martini figure dans le palmarès des grandes marques connues mondialement et est reprise, aujourd'hui, dans le dictionnaire, aux côtés des noms communs. Son slogan publicitaire dans les années `50, sur les ondes de Radio Luxembourg chantait : « Avec Martini, Martini, le monde entier chante et sourit. On en boit de New York à Paris. Y'a rien

de tel qu'un vrai Martini. » Pour faire face à la concurrence et refaire de Martini une marque appréciée des jeunes adultes, l'agence McCann-Erickson s'appuie, depuis 1999, sur deux valeurs fondatrices : l'origine italienne de la boisson, l'imaginaire de la créativité, du design et de la mode. Le territoire de l'élégance et de la sensualité se résume dans le slogan

: « veramente italiano ». La botte de couturier est choisie avec son double symbole : celui, géographique de la carte des villes emblématiques de la créativité (Milan, Rome, Naples), et celui, suggéré, de l'élégance de la mode italienne. 85

Dans ce cadre, on peut penser qu'Hugo se met à boire par tristesse, mais il boit du Martini qui le fait chanter, sourire. Il s'enivre en pensant à l'origine italienne d'Annabel, son métier de mannequin, à la mode et à son élégance.

L'état dépressif d'Hugo est loin de s'améliorer, il se désespère. Jusqu'à la page 137, Hugo se saoule au Martini, mais quelques pages plus loin (p 169), il essaye d'oublier son chagrin avec l'aide de cachets de benzodiazépine. Il ingurgite « un Rohypnol 2mg arrosé de Martini » (p 169). Le Rohypnol est une benzodiazépine hypnotique. Il a été retiré du marché et est inscrit sur la liste des substances vénéneuses. Il était largement utilisé par les toxicomanes. 86

Dans la suite du roman, il ne reprend pas de Rohypnol mais du K-max et il nomme ses meilleurs amis : « Anaframil, Lexomil, Effexor, Tercian, Arcalion et Lysanxia ». Ces médicaments sont moins forts que le Rohypnol qui, mélangé à l'alcool, peut causer des pertes totales de mémoire. Anaframil est un somnifère, Lexomil est recommandé dans le traitement d'appoint de l'anxiété et des crises d'angoisse, Effexor est utilisé pour traiter la dépression, Tercian est prescrit dans certaines maladies psychiatriques (psychoses aiguës ou chroniques, schizophrénies), et pour combattre l'agressivité. Il est également utile dans les dépressions sévères. Arcalion est réservé au traitement des baisses d'activité physique ou psychique, souvent dans un contexte de dépression. Lysanxia est important pour lutter contre l'anxiété, l'angoisse, et est éventuellement indiqué dans le sevrage alcoolique. Au lieu de nous décrire sa santé psychologique, l'auteur nous la fait voir grâce à ces anxiolytiques, ces paradis artificiels. Il y a une certaine gradation, « Hugo goba un Xanax qu'il arrosa de Martini.» (p 313) Xanax est idéal contre l'anxiété, l'angoisse, et éventuellement prescrit dans le sevrage alcoolique. Bien entendu, le cocktail de ces médicaments avec du Martini n'est pas recommandé et peut même être dangereux. Le fait de prendre à la fois de l'alcool et des médicaments est un topos de la déprime.

85 http://www.prodimarques.com/sagas marques/martini/martini.php. Article de Jean Watin-Augouard

86 http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filcoprs/010201c.htm

De même, dans « Le fabuleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky, l'héroïne supporte son divorce à grand renfort de Lexomil. Elle essaie de s'en passer mais n'y arrive pas, sauf quand tout est rentré dans l'ordre. Avant cela, elle est trop préoccupée et ne peut trouver le sommeil sans l'aide de ce célèbre somnifère. Elle n'est cependant pas insensible au fait que ce médicament provoque une dépendance, elle essaye donc le Stilnox mais retourne au Lexomil : Le Lexomil fait partie de la famille des benzodiazépines et agit au niveau du système nerveux central en diminuant l'anxiété et la contraction musculaire entre autres87. Alors que Stilnox, plus léger, est repris dans les cas d'insomnie occasionnelle, transitoire ou chronique88.

Pour fêter une avancée dans sa lutte, elle s'offre une bouteille de Dom Pérignon avec sa complice. Elle passe du tout au tout, de la détresse au bonheur.

Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Paul peut aider Idylle car il a les poches pleines de Di-Antalvic. (p 215) Ce médicament traite les douleurs d'intensité modérée ou sévère89.

Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, suite à son étude révolutionnaire basée sur les statistiques, la biochimie et sa propre expérience, Marc réalise que « l'amour dure trois ans ». Pourtant l'amour éternel est un mythe bien répandu. Il ne veut plus vivre dans l'illusion. « Assis, immobile, la tête appuyée sur les deux mains, j'hésite entre la boîte de Lexomil et la pendaison : et pourquoi pas les deux ? Je n'ai pas de corde, mais plusieurs cravates Paul Smith attachées entre elles feront bien l'affaire. Les tailleurs anglais choisissent toujours des matières très résistantes. » (p 58) S'il se limite au Lexomil90, peut- être oubliera-t-il son amour angoissé et vain ; s'il se pend, il est sûr de ne jamais rien se rappeler mais cela risque d'être dur ; s'il fait les deux, le médicament évitera la peur de la mort et facilitera le geste. La qualité légendaire des cravates Paul Smith, un mythe de solidité et de grande élégance, assurera la réussite de sa macabre entreprise. De plus, son appartement lui facilite la tâche : « J' ai bien fait de louer un appartement avec poutres apparentes. Il suffit de monter sur cette chaise, là, comme ceci, puis de boire le verre de Coca-Cola contenant les anxiolytiques écrasés ... » (p 59) Mélangé avec des anxiolytiques, le Coca a un effet dévastateur, c'est bien connu !

87 http://www.doctissimo.fr

88 Ibidem.

89 Ibid.

90 Le Lexomil constitue un traitement d'appoint de l'anxiété et des crises d'angoisse.

Alice lui annonce qu'elle part en vacances pour se réconcilier avec Antoine. Marc essaye de l'oublier dans les bras de Julie, la meilleure amie d'Alice, mais il n'y parvient pas. Dépité, il se rend chez Jean-Georges, le café de son meilleur ami. « Nous ne sommes pas sortis de chez Jean-George pendant trois jours. Uniquement nourris de Chipsters et de Four Roses. » (p 138) L'engrenage infernal, se complaire dans le malheur, nous les imaginons très bien dans ce café, incapables de bouger, de se faire à manger, tellement ils sont saouls. Pourtant l'alcool ouvre l'appétit. Le Four Roses, idéal pour l'apéritif91, se marie à merveille avec les Chipsters, d'excellents petits gâteaux apéritifs au goût très salé et croquants en bouche ! En revanche, ces derniers donnent soif donc on boit...la boucle est bouclée.

Autre moyen de combattre la déprime : Claire, héroïne de « Je vais bien, ne t' en fais pas» d'Olivier Adam abuse quand le moral est au plus bas, de chocolat, parfois arrosé d'un peu de Whisky. « Mais le mélange Whisky, lait-Milka aux noisettes entières passe mal. » (p 124) Alors elle retourne au bon vieux pot de Nutella, mangé au doigt. Le cacao est un antidépresseur naturel, c'est avéré, mais en plus, Milka est la marque d'un produit dont le thème est, depuis 1991, la tendresse. Que l'on se rappelle du slogan de l'agence Young & Rubicam: « ça commence par M et ça veut dire tendresse. » 92 Le Nutella, quant à lui, donne non seulement le plaisir du chocolat, mais « plein d'énergie pour penser et se dépenser ».93

Dans le même roman, Claire est partie à Portbail pour retrouver son frère, Loïc. Elle l'a cherché dans tous les environs de Portbail sans résultat. À présent, elle se dirige vers Cherbourg. Elle « entre dans un tabac où elle achète un paquet de Craven A light. » (p 87) Les cigarettes Craven A sont légères et douces94, en plus Claire choisit des allégées. D'habitude, elle ne fume pas, mais en ce moment, elle est nerveuse, inquiète, déçue de ne pas trouver son frère.

Dans « Quatrième étage » de Nicolas Ancion, Serge joue les plombiers chez une inconnue prénommée Louise. Il la trouve très jolie. Comme il n'a toujours pas fini de réparer les toilettes quand elle rentre, elle lui propose de se joindre à elle pour le repas. Serge accepte, il trouve Louise très belle, en plus elle s'est parfumée. Il est un peu timide, nerveux. Il a dit qu'il s'appelait Thomas, il ne sait pas pourquoi il a inventé ce prénom. En tout cas, cela accentue sa nervosité et il dit : « ton paquet de L&M était sur la table, et je n'avais pas envie

91 http://www.whisky.fr/fiches/Four Roses 20409.html

92 www.prodimarques.com/sagas marques/milka/milka.php

93 www.nutella.fr

94 www.hc-sc.gc.ca/hecs-sesc/tabac/faits/douce/bref.html

de refuser [une cigarette]. » (p 163) Elle l'invite à rester pour le dessert, elle le tutoie. Serge (alias Thomas) en est tout secoué et ajoute: « j'aurais pu répondre et enchaîner sur le coup, profiter de la faille que tu venais de révéler, mais non. J'ai saisi la paquet de L&M et j'ai dit : je ne fume jamais d'habitude. » (p 169)

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky, Chloé, une des meilleures amies de Juliette, vient de se séparer de son prince charmant. « Elle avale des fraises tagada toute la journée » (p 238). Ayant subi une déception amoureuse, nous pouvons penser qu'elle souhaiterait retrouver le monde de l'enfance où tout était si simple de ce point de vue. En effet, ces fraises Tagada, « guimauves enrobées de sucre rose rouge et au goût délicieux de fraise, ce sont d'abord celles de notre enfance, puis celles de nos récrés, celles de nos chagrins et pleins d'autres moments où une sucrerie a mis un peu de bonheur ou de douceur dans notre vie.»95

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Philibert n'est pas bien dans sa peau, il est d'une timidité maladive. Il prend du Lexo96 (p 559), car il a besoin de se détendre pour ne pas bégayer.

2.2.3. Critères sociaux. 2.2.3.1. Lieux fréquentés.

Nous pouvons, sans peine, évaluer l'incidence des lieux fréquentés par les protagonistes du roman sur leur identité, leur classe sociale.

Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc Marronnier va fêter son divorce dans ses cinq endroits favoris, prisés par la « jet set » parisienne : Castel, Buddha, Bus, Cabaret, Queen. (p 17)

Dans « le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, les protagonistes ont également coutume de se retrouver chez Castel (p 102) rue Princesse à Paris ou au Fouquet's. Tous deux sont des lieux de prestige réservés à la plus haute société parisienne.

95 http://victoriathesite.free.fr/gourmandise.html

96 Le Lexomil constitue un traitement d'appoint de l'anxiété et des crises d'angoisse

Dans « Madrid ne dort pas » de Grégoire Polet, le « Café Comercial »97 est un lieu très important. Le roman s'ouvre au « Café Comercial » et s'y termine. C'est de là que le narrateur observe la plupart des protagonistes. Il est intéressant de constater que dans cette taverne se tient une fois par mois un atelier littéraire98. Or trois des protagonistes, écrivains, le fréquentent.

Dans « Quatrième étage », Nicolas Ancion distingue les clients du GB de ceux du Delhaize. Il convient en effet de faire une distinction entre la clientèle du GB, plus modeste que celle du Delhaize qui a un goût plus prononcé pour les produits de luxe, bien que le groupe alimentaire ait également créé une sous-marque bon marché: Derby.

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, la famille de Caroline est cliente chez Monoprix, un grand magasin populaire, qui vend de tout à bas prix dans le domaine de la mode, de l'alimentation et de la maison. Monoprix prétend contribuer activement à la qualité de vie de ses clients : « Tout ce qui passe par la ville, passe d'abord par Monoprix et Prisunic.99 »

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire s'arrête chez Franprix pour s'acheter une pomme. Les magasins Franprix, dont le slogan est « franchement accessible » sont typiquement parisiens. « Franprix propose un assortiment de produits de marques nationales, complété par 30 % de produits labellisés Leader Price. Centrés sur le meilleur rapport qualité/prix, ils axent également leur positionnement sur des surfaces avant tout pratiques, n'excédant pas 400 à 500 m2. »100

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Mémé avait coutume d'aller à l'Inter. Nous supposons qu'il s'agit de l'Intermaché. Elle s'y rend avec son amie Yvonne. Si elles arrivent trop tard, elles n'ont plus de Caddies (de chariots). Les « Mousquetaires

Intermarché » ont fait un pacte avec le consommateur : celui-ci s'articule autour de cinq principes, énoncés dès les origines, par les fondateurs d'Intermarché en ces termes : « Nous nous engageons :1 - à nous battre toute l'année pour pratiquer les prix les plus bas ; 2 - à être vigilants sur la qualité et la fraîcheur ; 3 - à vous garantir un large choix dans tous les rayons ;

97 Orthographe Espagnole

98 http://www.margencero.com/taller literario/taller dcha.htm

99 http://www.monoprix.fr

100 http://www.groupe-casino.fr/legroupe/?id art=90012013&lang=fr&sr=2

4 - à vous assurer une information claire, loyale et complète pour respecter votre liberté d'achat ; 5 - à vous recevoir dans un Intermarché accueillant, pratique et de dimension humaine. »101Paulette a une petite pension, mais ne roule pas sur l'or. Elle aime la qualité surtout pour la nourriture, comme son petit-fils Franck, cuisinier. Ensuite, avec Camille, elle ira au Franprix, mais comme ce type de magasin est petit, elles en ont vite fait le tour. Elles décident de fréquenter le Monoprix (p 416, 418, 422) avec leur Caddie à roulettes (p 416). La famille de Philibert, qui vit dans un château, n'a plus le sou, elle fait ses courses chez Leader Price. (p 543). Ces magasins vendent une marchandise mono-marque jusqu'à trente pour cent moins chère. 102

2.2.3.2. Les voitures.

Un moyen assez efficace pour décrire le niveau social d'un personnage est de le faire rouler dans une voiture de marque bien particulière. Déjà dans la « Distinction », en 1979, Pierre Bourdieu distinguait les différentes classes sociales en fonction des marques de voiture. Ainsi, selon lui, les électeurs de l'homme politique G. Marchais roulaient majoritairement en 2CV, ceux de F. Mitterrand en R5, de J.J. Servan-Schreiber en Porsche ou en Simca, de J.Chirac en Porsche, ceux de M. Poniatowski en Peugeot 504 et ceux de V. Giscard d'Estaing en Rolls-Royce103. Même si cette enquête est largement dépassée, elle présente l'avantage de nous montrer que les marques de voiture correspondent bien à un milieu défini. Il s'agit d'un constat qui ne date pas d'hier, évidemment. Nous avons remarqué que les marques de voiture sont de loin les plus citées dans les romans.

Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Hugo démolit son cabriolet Porsche 1971. Hugo a vraisemblablement un niveau de vie très élevé. Non seulement, il se déplace en Porsche, marque prestigieuse104, mais en plus, il s'agit d'un cabriolet de 1971. On pourrait donc dire qu'il fait partie d'une collection. Cependant, le genre de la voiture ne semble pas essentiel pour lui car, à propos de ce véhicule, il dit

simplement : « Récupère ma Porsche, [...] jette-la à la casse et loue-moi une bagnole. » (p 48) Sa femme Annabel reçoit, elle, comme cadeau de mariage, le dernier cabriolet Lexus. (p 296) Lexus est un véhicule japonais de luxe. Manifestement, le milieu social des personnages est imprégné de faste.

101 http://www.intermarche.com/intermarche esprit.aspx

102 http://www.leader-price-int.com/france/concept.htm

103 Pierre Bourdieu « La distinction », les éditions de minuit, 1979, p 628.

104 http://www.porsche.be/company/philosophy/default.htm

Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, après avoir rencontré son amant et sa femme au restaurant, Idylle se dit que de toute façon elle ne veut pas se marier. « Cette vie-là ne m'intéresse pas. Je ne veux pas terminer dans une Range Rover, assise à côté d'un conducteur qui serait mon mari, le mot me fait rire, à tourner le bouton de la radio, à faire taire des gosses hurlants aux doigts pleins de confiture à l'arrière, à prier pour que le labrador n'avale pas le rôti prédécoupé en fines tranches rangé dans le coffre. » (p 79) La Range Rover est une « familiale », de standing. Idylle ne veut pas d'une vie de famille avec tout le confort, la belle voiture, les enfants et le chien si son mari ne parle pas.

Dans « Belle mère » de Claude Pujade-Renaud, Lucien s'achète une Quinze Citroën avec l'argent hérité de sa tante. Il compte bien trouver une fiancée grâce à cette « belle carrosserie », mais cela échoue. Pourtant, c'est un modèle de haut de gamme, avec un moteur six cylindres. A cause de sa consommation élevée en carburant, il la revend à un collectionneur et achète une Peugeot 204.

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky, Marco, le futur mari de Juliette, se prépare pour son premier rendez-vous avec Juliette. Il se demande ce qui pourrait l'attirer chez lui et il se dit « qu'il faut avoir les atouts du macho : la belle bagnole (ça j'ai une Porsche, ça impressionne toujours).» (p 111) Cette marque séduit par son statut de voiture de prestige. Grâce à celle-ci, il va, pense-t-il, conquérir le coeur de Juliette.

Juliette explique qu'au début de son mariage, son mari et elle roulaient en GTI, elle précise qu' « à l'époque, c'était la voiture de tous les jeunes couples branchés. » (p28)

Juliette a reçu comme cadeau de divorce une Twingo, très fonctionnelle. « Pratique, sympathique et élégante, Twingo est votre complice au quotidien. » De plus, elle symbolise l'esprit d'ouverture. 105

Dans « Le temps des Dieux » de Dominique Barbéris, le père de la petite fille roule dans une DS noire (p 22). C'était la voiture des nantis de l'époque. En effet, selon Pierre Bourdieu, la Citroën DS, déesse, peut être associée aux riches commerçants et aux patrons des industries106.

105 http://www.renault.fr/RenaultSITe/puma/FR/PROD FR/MEL PROD/fr/Twingo

106 Pierre Bourdieu « la distinction », Paris, Les éditions de minuit, 1979, p 628.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, Machond possède une Renault 5 espagnole avec un coffre énorme. Il l'a achetée à un prix extrêmement bas. Les gens la trouvent énigmatique. A l'opposé, le docteur Fouasse se déplace dans une Jaguar Berline peu récente (p 87) dans laquelle règne une atmosphère de luxe.

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès, la mère de cette dernière possède une vieille 404 solide, classique.

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, le grand -père de Franck roule en Simca (p 354). Celle-ci montre le statut social des grands-parents : petits employés modestes.

2.2.3.3. Habitat.

L'intérieur de l'endroit où vivent les personnages est également suggéré au moyen de marques qui peuvent aussi mettre en évidence un style de vie déterminé.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, peu après son retour de vacances, Claire est invitée dans une soirée à l'ambiance bon enfant, les invités sont affalés sur le canapé noir ou sur les chaises Habitat. (p 140) Les meubles Habitat représentent la volonté de créer son univers, ce sont des meubles pratiques, luxueux et raffinés, tout comme leurs propriétaires107.

Dans « Quatrième étage » de Nicolas Ancion, Serge effectue des travaux de plomberie dans l'appartement de Louise. Cette dernière est absente lors de son arrivée, il ne peut s'empêcher d'inspecter les lieux afin de se faire une idée de la personnalité de l'occupante. Il remarque « une étagère Billy du catalogue Ikea. » Le concept Ikea implique un ameublement ingénieux pour le rangement, solide et bon marché. « La vocation d'Ikea consiste à marier design, fonction et petits prix pour offrir au grand public l'accès à un chez soi agréable et harmonieux - avec des économies pour d'autres plaisirs de la vie... »108 Ikea permet de démarrer dans la vie grâce à des meubles économiques et malins. En effet, Louise vient de se lancer dans la vie active.

107 www.habitat.com

108 www.ikea.com

Dans « Belle mère » de Claude Poujade-Renaud, la salle à manger est la seule pièce chauffée à l'aide d'un poêle Godin. Lucien reste collé au Godin pendant qu'Eudoxie travaille et son inertie l'agace. Le Godin était un mode de chauffage largement répandu et bon marché avant la guerre.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, le docteur Fouasse possède une chaîne Bang et Olufsen au design très pointu, d'un prix élevé dû à la production en petit nombre d'un matériel hors du commun109.

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck, Camille et Philibert finissent par se retrouver dans l'appartement de l'arrière grand-mère de Philibert, la plus coquette des parisiennes de la Belle Epoque. Ce dernier est très « vieille France » et son appartement est à son image. Il y a un antique Frigidaire (p 127) qui fait beaucoup de bruit, une salle de bain des établissements Porcher110 de 1894 (p 190), des flacons vides : Shocking de Schiaparelli, Transparent d'Houbigant ou le Chic de Molneux, des boîtes de poudre de riz de La Diaphane (p 191). Ce sont des marques créées il y bien longtemps, elles montrent bien le côté vieux et chic de l'appartement de Philibert qui lui-même travaille dans un musée. Par exemple, la poudre de riz de La Diaphane a été commercialisée en 1892, à l'effigie de Sarah Bernhardt, « la poudre élégante par excellence »111, le parfum Shoking de Schiaparelli date de 1936 : « le ruban en forme de décolleté en V est attaché avec le « S » en forme de coeur symbole de la marque ; le flacon en cristal de Bohême est dessiné par Leonor Fini et habillé par un bouquet de fleurs ; broche dorée à l'or fin. »112 De même, dans la buanderie, Camille découvre « la cire Saint-Wandrille, l'amidon Rémy... .» (p 305) La cire était utilisée pour l'entretien des meubles anciens et des parquets. « Les Produits Monastiques, Saint-Wandrille, présentent, sous la marque Zohar, une gamme complète de produits d'entretien professionnels qui répondront à l'ensemble de vos besoins pour le nettoyage de vos sols et cuisines, pour la désinfection et le lavage du linge. »113 Ce sont des produits naturels. L'amidon Rémy servait vraisemblablement à empeser les piles de linge de maison qui se trouvaient également rangées là.

109 http://www.bang-olufsen.com/sw24423.asp

110 http://www.porcher.com/

111 http://www.19e.org/documents/economie/publicites/beaute/diaphane.htm

112 http://www.aquitaweb.com/page24d6.html

113 http://www.st-wandrille.com/fr/ascendi/pm/

En guise d'aspirateur, les colocataires de Philibert emploient « un balai Bissel de la guerre 14. » (p 324) Ces balais mécaniques étaient fabriqués depuis 1870114. Ils décident de le remplacer par un aspirateur.

Avant d'emménager dans l'appartement de Philibert, Camille logeait dans une chambre de bonne où il faisait très froid en hiver. Cet inconvénient majeur est dû à un vasistas pas très hermétique et qui n'est pas un Vélux (p 78). Nous devons rappeler que le propre de Vélux est que « les raccordements font le lien entre la fenêtre et votre toiture en assurant une étanchéité totale à l'ensemble. »115

Dans « En toute impunité »de Jacqueline Harpman, les dames de la Diguière n'ont plus aucun meuble, elles ont dû tout vendre. Il reste une vieille Underwood (p 23). Ces machines, performantes et témoins d'une avancée technologique notoire à l'époque, sont aujourd'hui des antiquités. L'auteur nous montre que la famille était en son temps suffisamment fortunée pour s'acheter une des premières machines à écrire116.

Fontanin fait installer « du mobilier de cuisine en bois et acier inoxydable, Pogenpohl ou Mobalpa, admirable et qui coûte les yeux de la tête. (p 155) L'ensemble était d'une parfaite élégance. » « Poggenpohl est devenue en plus de 110 ans la marque de cuisine la plus connue au monde, son slogan célèbre est: qualité, exclusivité et innovation. »117 « Les cuisines Mobalpa dénotent un art de vivre, elles sont allégées, épurées, débarrassées des références rustiques trop marquées. Sans jamais perdre leur âme et authenticité. Chaque modèle exalte une personnalité. »118 Nous voyons que Fontanin fait preuve de bon goût, jamais au rabais. Mais il a une fâcheuse tendance à imposer ses idées.

2.2.3.4. Habitudes alimentaires.

En visionnant le film « Mensonges et trahison », un film de Laurent Tirard, Raphaël nous déclare : « Il n' y a qu'une seule façon de savoir qui on a réellement en face de soi : c'est le

114 http://membres.lycos.fr/agauvin/historique aspirateur.htm

115 http://www.velux.fr/

116 http://magneb.club.fr/lexperec/u/underwood.html

117 http://www.poggenpohl.de/index fra.htm

118 http://www.mobalpa.fr/v3/catalogue/metier 1/index.html

test du supermarché ». A ce moment-là, les images nous amènent à la caisse d'un supermarché et Raphaël nous décrit la personnalité des gens en faisant l'inventaire de leur caddie. « Prenez cette femme par exemple », dans son caddie il y a des Kronembourg (« elle est mariée »), un pot de Nutella (« pas franchement heureuse »), des yaourts Taillefine (« elle envisage d'aller voir ailleurs »). Autre exemple : une célibataire endurcie, légèrement maniaque, met dans son chariot de supermarché, des boîtes pour chat et quantité de produits de nettoyage. Nous pourrions dire aussi « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ». Même si le cadre du roman ne nous permet pas toujours d'inspecter le contenu des chariots de supermarchés, nous pouvons néanmoins nous faire une idée des personnages en analysant ce qu'ils consomment.

Ainsi, dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Julien achète sa bouteille de Jameson et son rouleau de Pringles, des pots de tarama et ses Chipster.

Jameson est la première marque de whisky irlandais consommé en France aujourd'hui et la neuvième dans le monde119. Les rouleaux de Pringles, des snacks salés présentés sous forme de tuiles, sont nettement plus onéreux que des chips. Ils sont complètement irrésistibles. Les Pringles peuvent être consommés à n'importe quel moment de la journée, seuls, en apéritif ou en accompagnement des repas. Dans ce spot publicitaire, on peut voir majoritairement des jeunes insouciants et dynamiques (des jeunes qui bougent tout le temps), avec la devise

« once you pop, you can't stop »120. Tube pratique que l'on peut emmener partout. Et les Chipster ne sont pas comme les autres : « Un délicieux pétale de pomme de terre soufflé et doré, tellement fondant et croustillant que vous n'y résisterez pas ! »121

Si nous suivons les déductions de Raphaël dans le film de Laurent Tirard, nous pouvons dire que Julien est un célibataire qui ne cuisine pas, il mange des chips, il est peut-être un peu déprimé car il achète du whisky. Mais il a sûrement les moyens de se payer de bons produits, pas vraiment bon marché.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire débarque dans un
camping et on l'installe près des occupants de son âge. L'auteur indique qu'ils sont jeunes et
nous en avons la confirmation parce qu'ils sortent de la tente avec un « pack de Kro » (p 71).
La Kronenbourg est la bière française par excellence. Elle n'est pas très coûteuse, et la boire

119 http://www.ricard-sa.com/ricard/jameson whisky irlandais.html 120 http:// www.pringles.co.kr

121 http://www.consuvote.com/les chipsters sales 66-av-5573 82.html

permet de ne pas consommer de mauvais vin, c'est donc également une question d'argent. Kronenbourg est la plus vendue en France (plus d'une sur cinq)122.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, quand Machon se rend à Paris, chez les amis de Mme de Mauprès, il y a dans le frigo des bières Sapporo. Il se serait contenté d'une Kronenbourg mais il n'y en avait pas. Les Kronenbourg banales ne sont pas assez bien pour ces Parisiens prétentieux. Sapporo est une Pils japonaise, harmonieuse et équilibrée, très agréable123. Les bières japonaises sont particulières parce qu'elles n'ont pas le goût attendu de ce breuvage. Nous pouvons remarquer la volonté du personnage de se distinguer de la majorité des Français.

De même dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck, le cuisinier a coutume de boire de la Kro. (p 167) (Kronenbourg)

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabès, Bertrand se mitonne une mixture exquise et saupoudre le tout de malabars pilés (p 18), cela ajoute une touche colorée à la préparation, tenant à la couleur rose fluo des malabars124. Pour racheter les Misérables, Caroline s'imagine se priver « de carambars et de roudoudous (p 11) pendant un mois mais cela ne suffirait pas « et une fois son crime accompli, elle repense avec tristesse aux tartines au Nutella que lui préparait sa mère. »

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Philibert est d'une timidité excessive qui l'empêche de faire quoi que ce soit. Il boit du Nesquick tous les matins. Cela montre une envie de retourner dans le monde de l'enfance où il n'avait aucune responsabilité. La publicité de cette boisson a pour cible majeure les enfants. 125 Philibert est vraiment caractérisé par ce breuvage, au point que Camille et Franck le qualifient de Super Nesquick venu du ciel. (p 560)

Camille, elle, ne mange pas beaucoup, mais aime le bon vin. Elle boit du Mouton Rothschild

(p 129) et du Bourgogne aligoté (p 294). Quant à Franck, c'est un fin cuisinier et il ne met pas n'importe quoi dans ses préparations. Lorsqu'il utilise du rhum, ce n'est pas du Old Nick

122 http://www.brasseries-kronenbourg.com/ corporate/marques/index.htm

123 http://www.epicurien.be/epicurien/biere.asp?bid=662

124 http://www.cadburyfrance.com/

125 http://www.nesquik.com/

(p 299) de chez Monoprix. Il boit de la Kro (p 167), des Heineken (p 328) ou du Perrier citron. (p 590)

2.2.3.5. Habitudes vestimentaires.

Il est aisé de se figurer le niveau social du personnage grâce aux logos qu'il affiche sur ses vêtements. Mais attention les stéréotypes changent : par exemple, les habits de la marque Lacoste, traditionnellement attribués aux gens aisés, sont portés de nos jours par la racaille, à moins que ce ne soient des contrefaçons !

Dans « La dilution de l'artiste », Jean-Philippe Delhomme dépeint le fossé qui sépare les artistes de province et ceux de Paris. Il se moque du clivage Paris/Province, branché/ ringard. Ainsi, le producteur de cinéma Th. Alexandre et ses assistants sont chaussés de Nike... Nike apporte « plus d'énergie, plus d'options, plus d'opportunités. »126 Cette marque symbolise le sport et la culture, la performance et la créativité. La déesse grecque Niké, symbole de la victoire, invite les jeunes à se surpasser. Contraste évident, le vieux poissonnier Duloup est « étriqué dans un vieux Tricomer bleu marine » (p 206), genre marin, alors que l'ami parisien très à la mode de Cécile de Mauprès porte « des chaussures de sport d'une marque que l'artiste [Machon] n'avait jamais vue. » (p 234) Tricomer conçoit des vêtements marins traditionnels pour le plaisir des petits et des grands, dans un style intemporel, indémodable, confortable et très résistant.127 L' on voit bien la différence entre les artistes parisiens qui se parent de marques prestigieuses, et les artistes de province qui préfèrent la tradition et la qualité.

Dans le même roman, Cécile de Mauprès, femme d'un mécène provincial, fait ses emplettes chez « Colette Cabane de Zuccat BeauryBy. » (p 239) Nous voyons sa volonté de s'habiller avec les marques huppées de la capitale pour affirmer son rang social. Pour la marche, elle opte pour les Prada de sport. Elle a donc les moyens de s'en acheter d'une part et d'autre part, elle aime être chic. Les Prada sont les chaussures de rêve, celles que vous pourrez porter en toutes occasions.128

Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Annabel s'habille chez Dolce & Gabana, Thierry Mugler, John Galliano, LaPerla pour les sous-vêtements ou

126 http://www.nike.com

127 http://www.tricomer.tm.fr/trico.asp

128 http://www.prada.com

PKO, se chausse de tennis Marc Jacobs, de spartiates Gucci, de talons aiguilles Giuseppe Zanotti. En tant que mannequin, elle porte les vêtements les plus élégants mais aussi les plus sexy. Le nom des marques, seul, laisse supposer son rang social. Mais les descriptions de la « minirobe mousseline Dolce Gabana », ou d' « une minirobe bustier John Galliano en satin violet et noir à franges et lacets bicolores » et les chaussures « talons aiguilles python fluo Giuseppe Zanotti » sont bien plus éloquentes que la simple mention de la marque. Par contre, ces marques prestigieuses nous rappellent que nous sommes dans le monde de la jet- set et dans celui de l'industrie de luxe.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire porte un tee-shirt Naf Naf (p 20), « marque féminine grand public évoluant dans l'univers du « City wear - Sportswear », s'adressant aux femmes de 20 à 35 ans. Naf Naf est l'une des marques de prêt- à-porter les plus connues. Innovante, performante, dynamique, c'est aussi l'une des rares marques françaises à disposer d'une véritable notoriété internationale129 ». Nous pouvons donc penser que Claire, malgré son emploi de caissière, se paye de temps en temps des petites folies, mais ce tee-shirt est « trop grand et usé » (p 20), ce qui nous laisse croire qu'elle l'a acheté en seconde main ou qu'il est tellement vieux qu'il s'est élargi. Elle change ce tee-shirt « pour un Petit Bateau, taille 16 ans, résolument petit et collé à sa peau très pâle ». (p 20) Porter des tee-shirts Petit Bateau fait partie d'un certain style vestimentaire en vogue mais celui là est trop petit, elle n'a pas les moyens de s' en payer de nouveaux.

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Franck est le seul qui s'habille avec des marques. Il porte un pull Ralph Lauren (p 340) et un blouson en cuir Lucky Strike (p 320).

Camille, à cause des allusions sexuelles constantes de Franck, pense qu'il porte des boxers shorts Hom (p 242), marque de même standing que Ralph Lauren ou Lacoste. C'est une marque de sous-vêtements prestigieuse, signe de virilité à la limite du macho très porté sur la chose. Elle vise la sensualité et la séduction130. Or, en réalité, il porte des Dim. (p 298) Ce sont des caleçons de grande distribution mais que la publicité les qualifie « d'objets de séduction »131 . Plus tard, pour séduire Camille, Franck s'achète un Hom.

129 http://www.nafnafgroup.com/vf/identite marques/ident marq NAF activite.html

130 http://www.hom.fr/hom.php

131 http://www.dim.fr

Philibert rencontre une fille. Elle porte des Converses roses « customisées new look. » (p

555) Les Converse sont des baskets très à la mode.132 Suzy est très à la mode, contrairement à Philibert qui est hors du temps, ou en tout cas, dans une autre époque. Cependant, ses chaussures « customisées » lui permettent d'être dans le vent sans pour autant être comme tout le monde.

3. Fonctions « catalyses »/ emploi marque comme nom.

Dans cette catégorie d'actions, nous n'avons pas trouvé de marques, véritablement actives dans l'histoire. En revanche, elles sont importantes dans la description car elles accentuent l'effet de réel.

3.1. Espace fixe éclaté.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Julien se rend au Shopi. Il a décidé de déclarer sa flamme à Claire mais il est très timide. Pas de chance, à ce moment là, elle pleurait. Alors il décide d'attendre et il attend ...longtemps. Aussi, pour tuer le temps, descend-il l'escalier. « Rayon cornichons, papier-toilette, shampooings et casseroles. Le vigile le suit. Lui flâne, touche du bout des doigts les flacons, les bouteilles [....] Le type l'observe d'un air étrange, comme s'il le suspectait de vouloir subtiliser un grand paquet de Moltonel à Monsieur Shopi. » (p 127) Après un petit temps, « Julien en a marre d'Ariel, Bonux, Vizir et toute la bande. Il remonte. Le vigile a l'air de le prendre pour un fou, pense qu'il joue un drôle de jeu, qu'il prépare un sale coup. Le genre de type à donner un rendez-vous à un mec pour lui refiler de la coke devant le rayon des Moltonel. Julien repose tout. » (p 128) Il n'est plus en état de parler à Claire, et elle ne serait même pas capable de l'écouter.

Cette description de l'espace des rayons du Shopi présente l'avantage de retarder la décision de Julien. Va-t-il lui parler, se faire arrêter par le vigile, être défendu par Claire ? Une infinité de solutions s'ouvre à lui, mais lui renonce et rentre chez lui.

3.2. Espace mobile ouvert.

Dans « Je vais bien, ne t' en fais pas », d'Olivier Adam, Claire quitte Paris pour les vacances. Nous suivons son déplacement. Nous sommes devant un véritable exemple de

132 http://www.converse.com

description à travers un milieu transparent : « les Champs Elysées, la Pizza di Roma, le Gaumont Ambassade avec le grand écran, les Tuileries, les bateaux dans le bassin. » (p 36) ... « On longe des magasins alignés. Halle aux chaussures, Cuir Center, Centre Leclerc, Luminaires, Lapeyre, Saint-Maclou, Conforama... des McDonald' s, des Quick, des concessionnaires Renault, Peugeot, Honda, des enseignes Midas. » (p 37) ... « Les rues sont désertes et Claire traverse la forêt de Sénart, passe devant la zone d'activités, cubes de tôle, architectures de métal ; puis devant le supernarché Atac, un hard-discounter. » (p 38) Elle se rend chez ses parents.

Ces marques nous donnent une impression de réalité. Elles situent très précisément dans l'espace, mais elles n'ont pas de rôle dans l'action. En tant que fonction catalyse, cette description du paysage industriel joue un rôle dans l'accélération du temps, c'est comme si l'auteur nous donnait à voir l'entrée et la sortie de l'autoroute, exactement comme Thomas Gunzig dans « Carbowaterstoemp »133, quand il décrit la sortie de l'autoroute à Drogenbos : Leroy Merlin, Massive, Carrefour, Di Sport, Carpetland, Pizza Hut .(p 165)

3.3. Temps.

Dans « Le Châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Hugo est réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone alors qu'il venait de s'assommer avec des somnifères et du Martini. Il ne se sent pas bien. « Sur la commode, une bouteille d'Evian évoquait le temps heureux de sa sobriété. » (p 170) « Evian réveille la jeunesse qui est en vous. »134Dans ce cas- ci, c'est clairement la marque Evian qui évoque chez Hugo un souvenir de sérénité contrairement à l'état dans lequel il est après s'être enivré de Martini.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, Machon pénètre dans la demeure des Fouasse. « En approchant le nez, Machon crut percevoir une bouffée de Johnson spécial cuivre qui lui rappela son enfance ». (p 90) Johnson est actuellement une marque ombrelle suisse qui comprend quantité de produits d'entretien. 135

Dans ces deux situations, nous sommes dans un cas de figure comparable à la célèbre « Madeleine de Proust » Toutefois, dans le premier exemple, c'est la vue qui ouvre le

133 Thomas Gunzig « Carbowaterstoemp et autres spécialités », Bruxelles,, Editions Labor, 2005, collection Espace Nord.

134 www.evian.fr/

135 http://www.scjohnson.ch/fr/products/special/index.php

processus de rappel, et dans le deuxième, c'est grâce à l'odeur d'un produit de nettoyage qu'il revit des souvenirs d'enfance.

3.4. Personnage / routine.

Claire, l'héroïne de « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, est caissière chez Shopi. Par la force des choses, elle évolue dans un environnement où les marques sont omniprésentes. Elles font partie de son quotidien, de sa routine. Ses heures s'écoulent au rythme des produits : « Pommes golden, Décap' Four, un paquet d'Ariel petit format, papier- toilette Moltonel, gel douche Ushuaïa, pâte à tarte feuilletée Herta, jus de pomme Pampryl, pistaches Bahlsen, tomates en grappe, fourme d'Ambert, lardons, une bouteille de Ballantine's, deux aubergines, un sachet de gruyère râpé, des crèmes à la noix de coco Gervais (les crèmes renversantes, nouveau ), voilà, ça vous fera deux cent soixante-trois francs et trente centimes, vous pouvez taper votre code, merci, au revoir, merci, bonne journée à vous aussi. » (p 13- 14) « Bonjour madame. Six oeufs, un paquet de pommes de terre à

frites, beurre Elle & Vire. Trois bouteilles de Coca. Huile tournesol, trois paquets de spaghettis Panzani, un paquet de riz Uncle Ben's, un rosbif, un grand pot de crème fraîche Bridélice, trois Yabon grand format, deux Danette familiales, à la vanille, trois riz au lait La Laitière, quatre paquets de chips Vico, un saucisson Justin Bridou. Voilà, deux cent quatre- vingt-treize francs et cinq centimes, vous n'avez pas trois francs, c'est pas grave, au revoir madame, bonne journée. » (p 14) « Quatre bouteilles de bordeaux recommandées par Jean- Luc Pouteau, meilleur sommelier du monde, viande des Grisons Reflets de France, un sachet de Mini Babybel, une bouteille de Mr. Propre, Vizir et sa Vizirette, un gratin de courgettes surgelé Findus, deux concombres, un pot de cannelle, un paquet de papier-toilette parfum lavande, un sachet de noix, trois plaques de chocolat noir soixante-dix pour cent de cacao Lindt, deux paquets de glace Gervais, un vanille un pistache, un paquet de Dragibus, deux paquets de cookies Hello ! de LU, voilà, trois cent un francs et vingt centimes. Oui je finis vers vingt heures, non désolée, ce soir je suis prise .... » (p 28) « Trois packs de Kro, des rillettes Reflets de France, un paquet de pain de mie Harry's, quatre tranches de jambon blanc Herta, de la margarine tournesol. » (p 118)

Les marques sont ici utilisées avec insistance et ironie. La saturation est là pour marquer la routine et l'enfermement : la caissière dans son boulot décérébrant, les clients dans

la consommation. En même temps, c'est aussi une petite musique amusante, une poésie un rien surréaliste parfois, le plaisir dans le décalage.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, Machond est un artiste. Il passe la majeure partie de ses journées à essayer d'inventer des nouveaux concepts révolutionnaires d'art contemporain. Donc, il se doit de trouver des sponsors : « Il écrivait à Appel France..... Pourquoi pas ? Et même à des marques de PC : Fujitsu, Intel, Compaq. ... De loin Microsoft avait l'air décourageant, mais qu'est-ce qui prouvait qu'un tel projet ne les intéresserait pas ? ... . Enfin, la langue brûlée, l'artiste décidait de solliciter également La Poste, LVMH, des fondations de compagnies pétrolières et quelques banques. » (p 60) Cette démarche est pour le moins originale, pourtant, il a un doute en écoutant une émission d'art contemporain à la radio : son projet est-il banal ? Malgré tout, en sirotant son cocktail, il se dit que la nouvelle génération d'artistes multimédias est remplie d'ex-informaticiens : « Machond reprit courage, il allait reprendre ses courriers de demande de sponsorat auprès d'Apple, d'Intel, de Compaq, de Fujitsu, d'IBM, héhéhé ! » (p 66)

4. Fonctions « Cardinales » / emplois pour le produit de base.

Pour l'étude des fonctions cardinales, qui constituent les moments-clés du récit, les actions, nous avons la théorie de Roland Barthes. Nous y avons substitué le schéma actantiel de A.J. Greimas.

Dans ce schéma, il est évident que les différents actants ne sont pas des personnes, puisqu'il s'agit de marques. Nous devons préciser qu'un actant peut avoir plusieurs fonctions, et un même rôle peut être tenu par plusieurs actants. Pourtant, « Selon Greimas, les participants (actants), sujets ou objets, vivront le récit selon les modalités du vouloir, sur l'axe du désir, par rapport à la nature. Les destinateurs et destinataires fonctionneront selon la modalité du savoir, dans l'axe de la communication (ou de l'absence de communication). Les adjuvants et les opposants fonctionnent sur l'axe de l'action, mais aussi sur le vouloir et le savoir. »136 Ce n'est ici bien évidemment pas tout à fait le cas étant donné que les actant sont des objets marqués.

4.1. Sujet.

136 Cours de Narratologie du Professeur Albert Mingelgrün.

Le sujet est l'actant qui porte l'action. Il peut en être le héros ou l'anti- héros. L'exemple que nous présentons ci-dessous est unique. Et pour cause, dans les romans contemporains, l'action est majoritairement portée par des personnages137. Cependant, nous pourrions sans difficulté, imaginer une action menée par une Barbie ou un Uncle Ben' s.

Dans « Jeanne d'arc fait tic tac », Iegor Gran consacre une de ses nouvelles aux baskets Nike. Il n'emploie pratiquement que cette marque, les autres étant comme « des détails superflus. »138 Ces dernières ont séduit P'tit Louis car lorsque le vendeur les lui a fait essayer, le garçon a l'impression que « les Nikes rebondissent au sol comme des demeurées et c'est tout l'intérieur de mon gars qui rebondit avec elles. » (p 10) Mais peu à peu, elles s'emparent de son corps et exercent sur ses déplacements leurs pouvoirs maléfiques. Pourtant il aurait dû ouvrir l'oeil car « dans un miroir sur le mur de la boutique, quand on regarde ces sportives et l'allure qu'elles ont dans le reflet, on a l'impression de voir le logo Nike se dodeliner, on dirait les sourcils noirs d'une sombre créature. » (p 11) Nous voyons bien, par cette phrase, que la paire de Nike est personnifiée. En effet, à peine sorti du magasin, « ce sont les maudites Nike qui le dirigent. » (p 12) Elles l'empêchent de participer à des manifestations altermondialistes, le poussent dans les MacDonald' s... bref vers tout ce qui est américain et capitaliste. Il ne sait plus comment s'en sortir, il commande un Big Mac, « alors seulement les Nike veulent bien le laisser partir. » (p 13) « Le lendemain, il met les maudites Nike et prend par l'avenue de la République » (p14), « les Nike de calamité le poussent vers des modes de consommation dont il ne veut pas. » (p 16) « Un soir, P'tit Louis se décide à jeter ces Nike pratiquement neuves à deux cents euros la paire » (p 17), mais elles reviennent. Alors P'tit Louis les chausse, bien décidé à ne pas se laisser faire : « P'tit Louis se bat. Les Nike résistent. P'tit Louis met du coeur à ses jambes. Les Nike freinent des quatre fers. Une semaine, c'est P'tit Louis, la semaine suivante, c'est Nike. Nike - P'tit Louis. P'tit Louis - Nike. » (p 21) Après quelques semaines, « il a l'impression que la force magnétique des Nike a fortement diminué. » Mais finalement, à bout de force, P'tit Louis brûle « les Nike et enterre les restes au fond du jardin » (p 22). P'tit Louis a quand même appris à résister.

4.2. Destinateur.

137 Ibidem.

138 Rolland Barthes « Introduction à l'analyse structurales des récits », Edition Seuil, 1982, p81.

Le destinateur a coutume de représenter le personnage ou la force qui commande l'action. D'une certaine manière, les marques peuvent endosser ce rôle quand elles provoquent véritablement les événements, l'action. Elles jouent un rôle de déclencheur.

Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc aurait voulu vivre heureux avec sa femme, mais il ne parvient pas à rester amoureux plus de trois ans. Il essaye de déceler le moment où il a cessé d'être amoureux. C'est bien net dans son esprit : un jour, il s'est mis à refuser que sa femme lui prenne la main, qu'elle le touche, il ne voyait plus sa main, mais « une main molle, blanchâtre, avec la consistance d'un gant Mappa. » (p 54) Il s'agit de gants en caoutchouc que l'on utilise entre autres pour faire la vaisselle. Cette évocation pourrait signifier qu'il ne la voit plus comme sa femme qu'il a envie de caresser, mais davantage comme un objet qui fait partie des meubles, ou un quidam qui s'occupe de l'appartement et de la vaisselle. Ce pourrait être aussi une main sans vie. Cependant, la marque ne joue pas vraiment un rôle de déclencheur, mais la comparaison de la main avec le gant Mappa est déterminante. En effet, l'amour de Marc pour Anne disparaît parce que la main de son épouse n'a plus de consistance. Ce vide déclenche en lui le besoin de prendre une maîtresse.

La rupture est provoquée par un autre élément. Quelque temps après, au cours d'un voyage, « Anne, cherchait sa brosse à cheveux et fut décoiffée par un Polaroïd de femme, assorti de quelques lettres d'amour qui n'étaient pas d'elle. » (p 39) Une photo est une preuve classique de l'adultère, mais quel pourrait être l'avantage d'utiliser ici « le Polaroïd ». Nous notons que cette marque est présente dans le dictionnaire, assimilée à un nom commun. Cependant l'usage de la majuscule, lui confère ici son statut de marque. (Nous discuterons de l'usage de la majuscule dans le chapitre consacré à ce type d'irrégularité linguistique.)

L'emploi du terme Polaroïd pourrait signifier, soit que Marc et cette jeune fille sont partis ensemble en vacances et qu'il a pris cette photo d'elle à l'aide d'un appareil de cette marque, soit qu'Alice lui a envoyé cette photo prise par quelqu'un qui possède cet appareil. L'avantage est qu'il n'y a pas de négatif. En tout cas, la photo Polaroïd provoque le départ d'Anne.

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B » de Sylvie Medvedowsky, l'héroïne, bien qu'abattue par son divorce qui s'éternise et par les diverses malhonnêtetés dont la gratifie son mari, est bien décidée à mener une vie digne et à ne pas se laisser faire. Elle veut que son ex-mari paye la pension alimentaire qui lui est due. Or, un matin, au moment de partir au

bureau, elle découvre sa Twingo vandalisée. Cette Twingo est un bien très précieux pour Juliette : dernier cadeau de Paul, c'est son deuxième bureau, elle en a absolument besoin, elle l'aime. La Twingo correspond assez bien au caractère de Juliette : « sympathique et élégante. » 139 Elle est certaine que la nouvelle femme de Paul est coupable. Celle-ci la prend pour une faible femme, à bout de nerfs, qui va abandonner ses desiderata. Au contraire, Juliette décide de se battre à ce moment précis. Elle monte un commando qui va harceler et faire craquer Paul. Finalement, il s'excuse et accepte de lui donner la pension demandée et même de réparer la Twingo. La Twingo, en tant que lieu catalyseur de haine et objet cher à Juliette, joue un véritable rôle de déclencheur, dans l'entrée de Juliette dans la bagarre.

4.3. Destinataire.

Nous n'avons pas répertorié, dans notre exemplier, de marques correspondant à cet emploi de destinataire, c'est-à-dire l'actant à qui bénéficie l'action. La raison de cette absence est à chercher dans la tendance actuelle, fruit de notre société individualiste, d'agir pour soi-même, le sujet étant presque toujours un personnage.

4.4. Objet.

L'objet représente la quête du sujet.

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky, Juliette, habituée à vivre dans l'opulence, grâce à son mari, se retrouve fort dépourvue une fois que ce dernier demande le divorce. Tout au long du roman, elle se lamente : adieu les petites mules Prada, les sacs Vuitton, les virées à l'espace lingerie du Bon Marché, la lingerie La Perla. Elle rêve d'un homme qui puisse lui offrir des « mules Gucci, des sacs Tods, des lunettes de soleil Chanel... ». Elle ne peut s'empêcher d'acheter, elle craque et se paie « un petit ensemble très sexy « La Perla». Mais elle n'est pas la seule, ses enfants ont également du mal à réfréner leurs envies, entre la dernière Playstation et le prêt-à-porter Nike. La vie est dure quand on n'a plus les moyens. Juliette est au plus bas. Pour lui remonter le moral, ses enfants lui offrent un flacon de parfum de chez Hermès. (p 158) En effet, Juliette est également une fanatique de cosmétiques, bain moussant spécial Guerlain, et autres élixirs de Lancôme ou L'Oréal. Sans oublier les parfums : « Ce soir ou jamais », l'avant dernier Goutal, « Nu » de YSL...

139 http://www.renault.fr

Nous pouvons dire que dans ce roman, l'évocation de vêtements de haut standing et de cosmétiques de marque répétés à maintes reprises, occupe une fonction à la fois

consécutive (elle dénote les rapports d'interdépendance dynamique entre les somptueux cadeaux de Paul à Juliette et à leurs enfants et la sujétion de Juliette aux marques) et conséquente ( depuis le divorce, toute la famille est privée de luxe, donc, le « besoin » de Juliette pour ces marques la pousse à demander une pension alimentaire élevée, de 1200 euros car elle sait que son mari a assez d'argent.) Au tribunal, elle explique au juge qu'elle a besoin de cet argent pour ses enfants ; pour leurs études, leurs loisirs... mais en réalité, on pourrait dire que la quête de Juliette est de retrouver une vie aisée. Pourtant, Paul refuse de payer cette somme. Juliette se lance alors dans une bataille, longue et difficile, elle finira par obtenir gain de cause et « une nuée de strings de toutes marques - Dolce & Gabana, Prada, Dior...- s'est envolée. » (p 287)

4.5. Opposant.

Les opposants mettent en péril la quête du personnage.

Dans « Belle mère » de Claude Pujade-Renaud, la marque Citroën, dans son sens d'entreprise, tient lieu d'opposant car elle a enregistré un modèle de moteur à cylindre tournant, un an avant que Lucien ne se présente au bureau des inventions pour faire breveter. Cette découverte devait le faire devenir riche et lui permettre de quitter son père avec sa mère.

L'héroïne de « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire, travaille chez Shopi, elle se trouve largement défavorisée à cause des stéréotypes sociaux indissociables du travail de caissière chez Shopi. Dans les soirées où l'emmène Nadia, Claire ne se sent pas à l'aise. Dès qu'elle dit qu'elle est caissière, les gens ne prêtent plus attention à elle, où alors, ils essayent d'abuser d'elle. Les stéréotypes ne jouent pas en sa faveur : les gens « ne peuvent s'empêcher de penser que la petite caissière de chez Shopi, c'est une fille facile, une écervelée qui aime la bite, qui sera fière de se trimballer quelques jours au bras d'un type à gourmette, à vaste appartement, à week-ends à Deauville. » (p 143)

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, la quête de Caroline, sept ans, est de tuer sa mère. Elle a de bonnes raisons de lui en vouloir et sa décision est irrévocable. « Pourquoi était-ce aussi dur ? Aussi compliqué ? Caroline se rappela les tartines au Nutella, laissa couler une larme. » (p 131) Caroline reçoit déjà de la Nutella lorsqu'elle est malade. En effet, sa

mère veut qu'elle guérisse vite, elle se plaint : « Avec tout ce que j'ai fait pour toi : tes jupes, tes chemisiers, les poupées pour tes anniversaires, les tartines de Nutella pour le goûter. Tu veux de la Nutella ? Tu ne réponds pas. » (p 54) Nutella, c'est la pâte à tartiner idéale pour les enfants, « c'est plein d'énergie pour penser et se dépenser »140. La mère de Caroline veut le meilleur pour ses enfants. Sa mère, « après tout, s'occupait si bien d'elle, la veillait quand elle tombait malade, lui achetait des vêtements, lui préparait des tartines de Nutella, 1'envoyait à l'école » (p 63). Bien que cette famille ait un budget serré, la Nutella fait partie de ses achats, alors qu'on peut en trouver de nombreuses imitations, par exemple chez Monoprix (qui est le lieu d'approvisionnement de la famille). Mais la mère offre de la Nutella à ses enfants, la preuve qu'elle fait un effort pour eux. Caroline s'en rend compte. La Nutella correspond à un aspect maternel positif et cause des remords à Caroline. La douceur de la Nutella l'empêche de passer à l'action.

Dans « En toute impunité » de Jacqueline Harpman, les filles de la Diguière souhaitent envoyer leur mère à Vichy, à la recherche d'un mari suffisamment fortuné pour subvenir aux besoins de la maison. Mais Albertine refuse d'aller séduire un millionnaire « en vêtements Trois Suisses ». La marque Trois Suisses ne sert pas directement d'opposant. Nous trouvons l'opposant plus particulièrement, dans le stéréotype du catalogue de vêtements pour le plus grand nombre. Cette mode n'est absolument pas comparable en raffinement aux tenues que portent les dames de la haute société.

Dans « Dis voir, Maminette » de Claude Sarraute, Anne est très embêtée, elle a toujours fait confiance à son mari, elle ne s'est jamais contrariée de ses retards, elle souhaite juste être heureuse. Mais là, sa fille, Lola, lui a dit qu'il fréquentait une certaine Sylvie. « Elle les a vus aux Champs-Elysées. Ils sortaient de chez Virgin en se tenant par la main. » (p 45) Virgin est une compagnie de voyage à bas prix141 qui propose des City trips, le rêve pour les amants. En plus, comme les prix sont raisonnables, les escapades passent inaperçues sur le compte en banque. Cependant, le rôle important d'opposant endossé par la compagnie Virgin, c'est de permettre des projets de vacances, déjà lourds de conséquences. C'est une preuve irréfutable d'un malaise dans le couple. Anne en parle à son mari et l'ambiance devient difficile. Elle rencontre ensuite quelqu'un d'autre avec qui elle sera heureuse.

140 http://www.nutella.fr

141 http://www.virgin-express.com

4.6. Adjuvant.

L'adjuvant a pour fonction d'aider le sujet dans la quête de son objet.

Dans « Belle mère », la quête de Lucien est de trouver une femme. Il avait déjà demandé sa main à Melle Rentier mais celle-ci l'avait repoussé. Avec l'argent de l'héritage de sa tante, il s'achète une Quinze Citroën. « Il considère que la Quinze Citroën est un argument éloquent » (p 35), ainsi, il réitère sa demande auprès de Melle Rentier. Sans succès. Plus tard, Pierrette, dont la « deux chevaux » (2CV) a les pneus continuellement crevés, demande à Lucien de bien vouloir sortir son antique Citroën. Lucien rouspète mais finit par obtempérer. Cependant, il laisse ostensiblement la Quinze dans le jardin. Pierrette s'extasie sur la ligne superbe de la Quinze Citroën. Elle est fascinée, elle rêve de l'essayer. Lucien saute sur l'occasion pour tenter sa chance, mais c'est malvenu. Découragé et touché par les problèmes d'argent évoqués par Eudoxie, qu'il commence à apprécier, il revend la Quinze Citroën.

La Quinze Citroën joue le rôle d'adjuvant dans le sens où une « belle limousine » impressionne toujours les femmes. En effet, surtout à l'époque où se déroule le roman, la Quinze Citroën (1937) peut apparaître comme une voiture prestigieuse. Pour Melle Rentier, peu de gens avaient la possibilité de s'en offrir une, et pour Pierrette, la Quinze a acquis une valeur de vieille voiture d'avant-guerre.

Dans le même roman, la quête d'Eudoxie est de gagner la confiance de Lucien, homme sauvage. Elle a tout essayé : les petits plats, la gentillesse, mais il est farouche et craintif. Cependant, après la mort d'Armand, elle doit gagner sa vie et décide de reprendre son métier de couturière, abandonné pour Armand. Elle installe donc la Singer dans la salle à manger, seule pièce chauffée. Elle se met à travailler. Petit à petit, elle sent que Lucien s'approche, avec beaucoup de circonspection. « La plupart du temps, il ne s'assoit pas, elle le devine planté là entre le Godin et la Singer.» (p 54) La machine est vieille, la mécanique est rouillée. Lucien la répare, puis il installe de la lumière pour faciliter le travail d' Eudoxie. Et enfin il déclare qu'il préfère travailler avec elle, sur sa machine. Il écrira dans son carnet que la femme à la machine n'est pas si méchante, et qu'il aime bien le ronron. Amis des chats, ou chat lui-même, Lucien a été attendri grâce à la machine à coudre Singer. Nous pouvons tous entendre le bruit régulier d'une machine à coudre que nous pouvons rapprocher du ronronnement des chats dont la maison de Lucien est envahie. Le fait que la machine soit une Singer n'est pas anodin. À cette époque, c'était probablement l'une des machines les plus performantes.

Lucien est de plus en plus gentil, compréhensif et aidant. Il a revendu le pavillon de la tante Firmine ce qui leur donne des finances pour vivre. A présent, Lucien et Eudoxie se promènent dans la campagne à bord de la Peugeot 204. Un jour, en feuilletant La Redoute, Lucien déclare qu'il aimerait lui offrir une robe noire, car le drapé lui irait bien (p 137), elle refuse en disant qu'elle s'habille avec modestie. En réalité, il voulait qu'elle soit assortie à son costume noir. Alors pour son anniversaire, il lui donne un châle en laine des Pyrénées très chaud, commandé chez La Redoute. (p 138)

La mention du catalogue a pour but de montrer l'évolution des sentiments de Lucien à l'égard d'Eudoxie. A ce stade du roman, les proches d'Eudoxie commencent à la presser de rentrer en maison de retraite. Lucien fait tout son possible pour montrer à Eudoxie qu'il tient à elle et qu'il ne veut pas la perdre. Il ne lui dit pas en ces termes, mais l'envie de lui faire un cadeau, montre son attachement. La Redoute est le magazine idéal pour un homme comme lui car cela lui permet de choisir des vêtements sans aller dans les boutiques, sans oublier que la présentation des vêtements permet de se faire plus facilement une idée de la tenue.

Nous constatons aussi l'évolution du sentiment de Lucien envers Eudoxie à travers ses voitures. Alors qu'Eudoxie n'avait pas le droit de monter dans la Quinze Citroën, Lucien se fait à présent une joie de promener Eudoxie à bord de la Peugeot 204. (p 99) Il l'emmène faire ses courses, ce qui est uniquement utilitaire, mais ils ont également coutume de se promener dans les environs, ou même, Lucien emmène Eudoxie à la Délivrance, c'est-à-dire là où elle a passé son enfance. Une certaine complicité est née entre eux lors de ces promenades.

Néanmoins, Eudoxie est partie en maison de retraite, Lucien le vit mal. Lorsqu'il la retrouve pour un week-end, pour être sûr de rester en sa compagnie, il lui propose de faire un tour en voiture. La Peugeot a ici la signification d'un lieu de détente. Mais, soit, volontairement pour ne pas être séparé d'Eudoxie, soit, par accident, leur vie prend fin au fond d'un lac, dans la Peugeot. Elle pourrait représenter leur union dans la mort. (p153)

Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Idylle veut séduire Jean. A sa deuxième visite, Idylle lui propose du jus d'orange mais il refuse, il dit qu'il aime le café. Elle n'en a pas mais lui propose ce qui accompagne souvent le café : le chocolat, des After Eight, ou des Kinder Surprise. (p 44) Il ne répond pas mais claque la langue, il n'aime pas le chocolat. Les After Eight appellent la convivialité entre adultes142 et les Kinder Surprise ont la

142 http://www.chocolat.nestle.fr/index.asp?Target=az/saga/aftereight.html

prétention de resserrer les liens entre enfants et parents, grâce aux constructions des jouets offerts avec le Kinder143. Le chocolat ne fonctionne pas, mais elle l'a séduit quand même. Il revient, il appelle. Cependant, le plus dur reste encore à venir : le faire parler. Il lui a également dit qu'il ne buvait que du café mais que le sien n'était pas bon. Elle a donc acheté une machine Magimix chez Darty. « Darty, c'est le contrat de confiance. »144 Avec un peu de chance, ça va lui délier la langue. Le slogan de Darty n'est pas innocent, Idylle voudrait que Jean lui fasse confiance elle espère aussi que la magie de Magimix fera son effet. Elle fait des efforts, elle aussi, pour lui plaire, le faire succomber : elle s'enduit de crème de soin de grande qualité « la crème à l'abricot Christian Dior, la crème à l'avocat Sisley pour la douceur » (p 125). En désespoir de cause, elle lui dit qu'ils peuvent rester amis, mais même cette phrase insidieuse ne réveille aucune réaction. « J'ai envie d'aller chercher dans ma cuisine les brochettes en ferraille rouillée achetées au Maroc, les fourchettes Puiforcat héritées de ma tante et de lui transpercer les mollets puis d'en menacer sa langue s'il ne l'utilise pas immédiatement pour parler et qu'enfin réchauffé le moteur ne s'arrête plus de tourner ! » (p 99). Les fourchettes Puiforcat, oeuvre d'un des plus grands orfèvres de Paris, ont la particularité de ne posséder que trois dents et d'être très solides145, ce qui est nécessaire pour transpercer un mollet d'homme.

Ce n'est plus possible, elle doit désormais résister à Jean, à tout prix mais son amour pour lui est si fort qu'elle a peur de ne pas y arriver. Elle se dit : « deux comprimés de Stilnox m'aideront à passer le cap.» (p 209) Mais elle se demande : « Ma volonté sera assez forte pour triompher ; si en cours d'opération, alors que je me serai déjà administré le sédatif, les regrets ne vont pas m'assaillir et m'entraîner à lui ouvrir la porte, à me prosterner, à lui demander, la bouche pâteuse, pardon pour le pantalon de jogging, pardon pour le Stilnox qui me rend gâteuse, pardon d'avoir douté, pardon de m'être un peu moquée, pardon de mon impatience. » (p 210) Enfin elle avale les comprimés. Mais le médicament ne fait pas

vraiment d'effet sur la pauvre Idylle éplorée : elle a envie de lui ouvrir. Elle se dit : « ...grâce au Stilnox, moi aussi je vais devenir énigmatique. [Pourtant] je pleure, je sanglote, les larmes m'étouffent. Le Stilnox n'atteint que mes jambes, pas mon cerveau, mon cerveau est toujours vif, plein de lui. » (p 214) « Stilnox est indiqué dans l'insomnie occasionnelle, transitoire ou chronique. »146 Elle croit en la magie de ce médicament mais son amour est trop fort. Nous

143 www.kindersurprise.com

144 http://www.darty.com

145 http://www.art-rivedroite.com/gal pres.php?ID=80

146 www.doctissimo.com

nous sommes demandé pourquoi l'auteur a choisi d'utiliser précisément cette marque de somnifère. Nous pourrions faire appel à l'étymologie, en anglais, « Still » peut signifier « encore » ou « calme » et « nox » veut dire « nuit » en latin. Nous pourrions expliciter le paradoxe devant lequel se trouve Idylle : elle voudrait passer une nuit tranquille mais elle voudrait aussi être encore avec Jean. Elle lui laisserait bien encore une dernière chance.

Dans « le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Hugo vient de recevoir un message de mort d'Echo. Il se rend chez American Car, il y voit « une machine de guerre, noire comme le diable, énorme, monstrueuse, provocante » (p 119) et décide de se protéger dans ce genre de véhicule « un Hummer H2. » C'est un énorme quatre-quatre noir, carrossage blindé, vitres teintées, jantes et chromes rutilants. (p 105) Il coûte une petite fortune mais Hugo est prêt à tout pour sauver sa peau. C'est donc à bord de ce Hummer qu'il entreprend son enquête. Cependant, Hugo n'est pas habitué à ce genre de voiture : « Au volant du Hummer il roulait à la vitesse d'un vélo. » (p 120) « Le moteur du Hummer, solidaire de sa désolation, cala. » (p 122) C'est grâce au Hummer qu'il rencontre Lubna qui l'aide beaucoup dans ses affaires professionnelles, de plus, elle sait conduire le Hummer. Annabel, la future femme d'Hugo, n'en croit pas ses yeux -Hugo est d'habitude plutôt discret- quand elle voit ce monstre. Elle appelle le mobile d'Hugo et il se met effectivement à sonner à l'intérieur du Hummer. (p 130) Annabel fait une scène. Alors, il lui explique tout du jacuzzi jusque au Hummer. Hugo est exténué, les menaces se multiplient. Il fait tout dans son Hummer : il y mange (p 156), y dort (p 221). Il ne le quitte plus (p 180, 207, 233). C'est une voiture puissante (p 170), elle lui permet de filer à un rendez-vous urgent que lui fixe

Klostoff, l'agent secret qui l'aide dans son investigation, au milieu de la nuit. C'est dans ce véhicule qu'il part avec Lubna et Charlie conclure une affaire en Normandie. Par la même occasion, il rend visite à un vieil ami. C'est là qu'Hugo découvre que Marcus a eu une liaison avec Annabel, sa future femme. C'est aussi en Hummer qu'il va chez sa tante pour découvrir qui se cache derrière Echo (p 255, 257,259, 266). Il réalise également que quelqu'un avait posé un « car spy box » sous le Hummer (p 273). Hugo a peur, il abandonne le Hummer, trop voyant et se cache (p 318).

Le Hummer a dans ce cas un rôle d'adjuvant évident. Non seulement, il rassure Hugo mais en plus, il lui permet, lors de son escapade en Normandie, de trouver des preuves pour dénouer le complot dont il est le centre. « Filiale du groupe General Motors, Hummer est le

fournisseur de l'armée américaine en matière de 4x4, c'est un véhicule militaire reconverti en 4x4 de luxe. »147

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Paulette, alias mémé, veut continuer à vivre dans sa maison de campagne. Or, elle a des pertes d'équilibre et pour cacher ses bleus, elle se badigeonne de Synthol (p 11). « Ce désinfectant est un remède pour les maux du quotidien, dont les ecchymoses. Cette marque a traversé les générations et reste encore très tendance aujourd'hui. C'est une marque mythique pour un antiseptique. »148 Son entourage trouve qu'il est prudent qu'elle aille s'installer dans une maison de retraite, mais Paulette ne veut pas. Un jour, après un malaise, inconsciente, elle est transportée à l'hôpital puis en convalescence, dans un home.

Paulette ne restera pas très longtemps dans « ce mouroir ». En effet, Franck échange sa moto contre une Golf (p 520). Grâce à la voiture, il peut désormais faire voyager sa Mémé avec lui. C'est à son bord qu'avec ses amis parisiens, ils se rendent à la campagne le week- end. Pour Mémé, c'est inespéré de retrouver sa petite maison. C'est d'ailleurs là qu'elle finira sa vie, dans son jardin, comme elle le voulait. Nous pourrions également considérer cette voiture comme un adjuvant qui permet à Mémé de mourir là où elle le souhaitait.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire quitte Paris pour partir deux semaines en vacances. Elle loue une voiture : « On lui fait faire le tour de la Clio bordeaux. C'est un modèle de série limitée : Clio Chipie. Claire aime bien ça comme nom de voiture : Clio Chipie. » (p 35) La marque Chipie lui rappelle chaque rentrée, lorsque Claire demandait un agenda Chipie mais que ses parents ne pouvaient pas le lui payer. C'est donc à bord de cette voiture qu'elle se rend chez ses parents. Le slogan de cette Clio interrogeait : « Mais que reste-t il aux grandes ? »149 Là, elle reçoit une lettre de son frère, expédiée de Portbail. Sans rien dire à ses parents, elle se dirige vers Portbail pour une semaine de vacances dans le but surtout de retrouver son frère, c'est son voeu le plus cher. Au cours de ses recherches, elle finit par croiser son père, expéditeur des lettres. C'est la désillusion. Ensuite, elle rencontre un garçon, et comme elle sait qu'elle ne trouvera plus Loïc, elle lui propose de le raccompagner à Paris. Une histoire naît entre eux. Tout va bien.

147 http://www.webcarcenter.com/guide/hummer/h3/G2112.html

148 www.doctissimo.com

149 http://aebergon.club.fr/Renault/page Renault Clio Chipie.htm

Cette voiture est un lieu mobile fermé. A bord de sa Clio, elle voyage de Paris à Porbail, et retour.

En quittant Paris, Claire est remplie de l'espoir de retrouver son frère. La Clio Chipie qu'elle a louée lui donne le moyen de sillonner les environs de Portbail à sa recherche. Peine perdue, Claire y découvre qu'il a bel et bien disparu.

Dans le même roman, l'espace marqué joue un rôle assez conséquent. En effet, Claire, l'héroïne est caissière chez Shopi. Cet emploi est une bouée de secours pour elle car après la disparition de son frère, elle se sent au plus mal. En effet, son frère était tout pour elle : son ami, son seul ami. Shopi est devenu son centre de sociabilité. Elle y rencontre Nadia, étudiante en sociologie, engagée pour les vacances, avec qui elle s'entend bien et qui l'emmène dans des soirées. Ce lieu est primordial pour l'action car si elle n'y travaillait pas, l'histoire aurait été tout autre. Grâce à Shopi, notamment, elle rencontre Julien, qui fréquente ce magasin pour Claire de laquelle il est amoureux sans oser se déclarer.

Dans « En toute impunité » de Jacqueline Harpman, les dames propriétaires de la Diguiére n'ont plus un sou pour vivre. Elles revendent alors petit à petit leurs meubles, dont une bibliothèque et un secrétaire Serrurier-Bovy (p 109) qui permettent à Madame la Diguière de partir pour Vichy habillée en princesse afin d'y dénicher un milliardaire. En effet, cette marque de meuble, datant de 1896, est très prisée à Paris auprès des antiquaires.

La venue de ce sauveur bien nanti est accueillie avec joie. Pourtant, après un certain temps, la communauté de la Diguière trouve que Louis prend manifestement trop de place, il veut tout décider, contrôler. Alors qu'elles déménagent leurs affaires de toilette pour les ranger dans la nouvelle salle de bain que Louis a fait aménager, elles découvrent une boîte de Léponex. L'intérêt suscité par ce médicament est proportionnel à l'exaspération des filles. Elles décident alors de se renseigner plus avant. Elles découvrent que le Léponex traite les troubles du métabolisme de la dopamine, liés à l'âge. En outre, le Léponex, associé à un autre médicament, peut devenir toxique et provoquer une septicémie. Un ami médecin interrogé plus tard, déclare qu'il espère que l'intéressé n'a pas « de parent traité au Léponex, dont elle souhaite hériter car ce serait une excellente recette pour un crime parfait. » Un jour, les filles la Diguière découvrent que si leur mère décède, Fontanin aura l'usufruit de la propriété. C'en était trop, « le verdict fut prononcé. Il ne comportait qu'un mot qui devint tranchant comme une guillotine : Léponex. » (p 270) Toutefois, « un contrôle régulier du dosage de Léponex aurait sauvé Fontanin. On sut par la suite qu'il avait toujours été négligent. » (p 273)

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, l'héroïne éponyme veut tuer sa mère. Elle a envisagé plusieurs solutions, elle a réfléchi. Finalement, « la petite fille [qui] consciencieusement, tous les soirs, ajoutait au tilleul, à la verveine ou à l'anis, un comprimé Vespérax, un somnifère qu'avait prescrit le dentiste. » (p 123) Chaque jour, elle augmentait la dose. Donc, elle a choisi le Vespérax. Dans l'esprit de Caroline, le Vespérax est censé endormir suffisamment sa mère pour qu'elle puisse l'assassiner, son but avoué depuis le début du roman. Ce somnifère est composé de l'association d'un barbiturique et d'hydroxyzine. Cette molécule est à la base de la mort de Jimmy Hendrix150.

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, la grand-mère de Franck, Paulette, ne peut plus marcher, elle ne fait que quelques pas dans le quartier. Parfois, aussi, Camille lui décrit ce qui se passe dehors. Comme Camille en a assez de ne pas pouvoir bouger, elle persuade Franck d'acheter un fauteuil roulant. L'acquisition d'un fauteuil roulant classic 160 de Sunrise va changer leurs habitudes. En effet, elles peuvent se promener plus loin, leur espace quotidien s'agrandit. C'est ainsi qu'elles découvriront le restaurant où s'installera Franck après la mort de sa grand-mère. Dans cet endroit, les trois amis seront de nouveau ensemble.

150 www.parl.gc.ca/english/senate/ com-f/euth-f/rep-f/lad-a3-f.htm

Quatrième partie : Répercussion de l'utilisation des

marques dans les romans.

1. Figures de style.

Nous trouvons dans les romans contemporains quantité de marques. Outre la fonction narrative qu'elles peuvent occuper dans le roman, nous les rencontrons également dans les figures de la substitution (l'expression attendue est remplacée par une autre) ou dans des expressions que nous pourrions rapprocher des proverbes. C'est une preuve de popularité des marques, elles participent à l'imagerie du lecteur, ce sont des fenêtres ouvertes sur la société.

- Comparaison : Figure de style qui consiste à rapprocher un comparé et un comparant, par l'intermédiaire d'un comparatif. Ce procédé établit un parallèle entre deux réalités.

Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, quand Hugo et Annabel se disputent à propos du mariage, Hugo, partisan de l'intimité, décrit Annabel comme

« romantique incurable, aussi snob, qu'un sac de golf Vuitton» (p59). Le golf est déjà un sport qui, dans les stéréotypes, est synonyme de la haute société, mais imaginer un sac de golf Vuitton représente un summum du snobisme.

Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Jean a peur des mots. « Il pense qu'aucun d'entre eux ne peut rivaliser avec l'infini, la grandeur, la liberté, la sagesse, la perfection du silence. Et surtout pas ce malheureux verbe aimer, universellement galvaudé et utilisé comme le bouillon Kub à toutes les sauces et même au chocolat. » (p 158) En effet, le bouillon Kub, est un produit devenu banal, c'est comme le dit le slogan : « la cuisine d'aujourd'hui.» 151 Elle lui téléphone, mais il ne dit rien, pourtant Idylle attend ses mots,

« rassurée par le fil France Télécom comme un chien par sa laisse.» (p 169) France Télécom représente la communication, Idylle espère que cette société permettra à Jean de s'exprimer. Pour oublier Jean, qu'elle considère comme : « un homme craquant comme un petit LU » (p 158),

Idylle avale « les comprimés [de Stilnox] lisses comme des Smarties. » (p 210) Nous pourrions envisager une correspondance entre petit Lu et Smarties : tous deux sont des

151 http://www.museedelapub.org/virt/mp/maggi/

douceurs. Les biscuits petit Lu croquent et quand on en mange un on ne peut plus s'arrêter. D'autre part, la comparaison des comprimés de Stilnox avec les Smarties est évidente : ils sont lisses, petits et de même forme. Ces dragées passent sans problème, Idylle ne les sent pas. Tout un chacun se représente bien les Smarties, ces petits chocolats de toutes les couleurs. D'ailleurs, le chocolat aussi est un antidépresseur.

Dans « Ensemble, c'est tout » d' Anna Gavalda, les minets au visage blindé comparent « les chèques de leur bonne-maman en retenant pas la taille des filles ravissantes, léchées comme des poupées Barbie. » (p 226) Nous pouvons sans peine nous figurer ces filles blondes, au corps parfait.

La grand-mère de Frank décline, et il considère comme absurde l'idée de Camille de lui offrir un fauteuil roulant pour voir du pays. Frank estime que Camille veut « secouer sa grand-mère comme une bouteille d'Orangina. » (p 469) Cette comparaison rappelle le spot publicitaire pour cette boisson, où les bouteilles doivent impérativement être secouées énergiquement avant consommation.

Dans « Madrid en dort pas » de Grégoire Polet, « ... les sombres immeubles sur les trottoirs d'en face qui semblent un design Bang & Olufsen monté en béton. » (p 160) Bang & Olufsen est une marque au design magnifique et à la qualité exceptionnelle.

Dans « L'amour dure trois ans », Marc essaye d'oublier Alice dans les bras de sa meilleure amie, Julie. Elle est très bien faite, mais elle ne l'intéresse pas. « Pauvre créature, je comprends pourquoi les mecs la traitent comme un rasoir Bic. » (p 137) Un rasoir Bic est par essence un rasoir jetable.

- Métaphore : Figure de style qui rapproche un comparé et un comparant, sans comparatif.

Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Klostoff, le détective chargé de l'affaire d'Hugo, enchaîne les interrogations. Selon les mots d'Hugo « les questions fusaient à la vitesse d'un Uzi » (p 92), c'est-à-dire très rapidement. Un Uzi est un fusil mitrailleur. Cette métaphore montre bien le sentiment d' Hugo face à cet interrogatoire. Il est abattu, Klostoff ne lui laisse pas le temps de respirer, de se reprendre.

Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Idylle décide d'appeler Jean à son bureau. Elle prend une « voix de pastille Valda. » (p 167) Les pastilles Valda, les célèbres gommes vertes, ont pour spécialité de désencombrer le système respiratoire. 152 Nous interprétons ici une voix de pastille Valda comme une voix claire, sans aucune trace d'angoisse ou de nervosité, une voix mielleuse.

- Métonymie : Elle remplace un terme par un autre qui est lié au premier par un rapport logique: Ex: le contenant pour le contenu (Boire un verre) ; le symbole pour la chose (Les lauriers, pour la gloire) ; l'écrivain pour son oeuvre (Lire un Zola)

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire, au cours d'une discussion avec Nadia, dit qu'elle voudrait un bébé, Nadia lui répond : « C'est vachement égoïste, en fait, tu veux faire un gosse parce que ça te fait plaisir. Tu penses même pas à lui. Si ça se trouve tu vas faire un petit névrosé de plus, gonflé au Prozac. » (p.118) Autant lui dire tout de suite qu'elle n'est pas capable de s'occuper d'un enfant et qu'il deviendrait dépressif. Le Prozac représente la dépression alors que ce n'est que le médicament le plus connu pour la soigner.

De la même manière, dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc critique les riches qui ont oublié que l'argent n'est pas une fin en soi, juste un moyen. Selon lui, « quand on est riche, on n'a plus d'excuses. C'est pour ça que tous les milliardaires sont sous Prozac : parce qu'ils ne font plus rêver personne, pas même eux. » (p 128)

Dans « Dis voir Maminette... » de Claude Sarraute, Maminette monologue sur l'évolution des valeurs liées au sexe. Autrefois, la virginité avant le mariage était sacrée, et ce n'est d'ailleurs pas tout à fait perdu. Par exemple, « ce genre de réflexion, «je ne vois pas l'intérêt d'acheter un paquet de cigarettes déjà entamé », vous l'entendrez bien plus volontiers accoudé au zinc d'un café-tabac de village qu'au bar du Ritz. » (p 31) Le Ritz désigne, par métonymie, la haute société, où apparemment, les moeurs sont plus libres.

152 http://www.glaxosmithkline.fr/gsk/actu/140405.htm

- Stéréotype :

Dans « Ensemble c'est tout » d'Anna Gavalda, afin d'amadouer le chien de la concierge, pour qu'il n'aboie pas au passage de sa moto bruyante, Franck promet à celui-ci « un polo Lacoste pour aller draguer les pékinoises. » (p 499) Nous sommes dans les stéréotypes de Lacoste qui, par son aura, permet de courtiser plus facilement.

- Expression :

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky, alors que la Twingo de Juliette a été vandalisée, elle essaye de convaincre ses enfants que « ça fait Smart bariolée » (p 99). Comparer sa voiture vandalisée à une Smart est largement ironique vis-à- vis de cette marque de voiture, qui signifie élégance, très nouvelle vague.

Dans le même roman, Chloé « porte un Tee-shirt rose Barbie » (p 101). Nous
comprenons exactement à quel rose cela fait allusion, il s'agit de la couleur du logo Mattel.

Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc se livre à quelques réflexions sur le mariage. Selon lui, « Notre génération est trop superficielle pour le mariage. On se marie comme on va au MacDo. » (p 51) Nous pourrions rapprocher cette expression de la vielle rengaine « on dit merci comme on dit passe- moi le sel », comme quelque chose que l'on fait machinalement, sans se soucier des conséquences.

Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, alors que Caroline veut exécuter sa mère, elle perd de son aplomb : elle se sent « si petite, si impuissante. Minuscule. Une tâche d'encre sur une page de cahier Clairfontaine. » (p 132) Nous pouvons rapprocher cette expression de « elle se sent minuscule, une goutte d'eau dans l'océan ».

Dans « En toute impunité» de Jacqueline Harpman, les habitantes de la Diguière sont pauvres au point de changer « les citrouilles en Rolls-Royces (p 69), les chats en princes et la pauvreté en fantaisie. » Normalement, Cendrillon change les citrouilles en carrosses. Rolls- Royces et carrosses sont mis ici sur un pied d'égalité.

2. Linguistique.

«La marque sert à garantir au consommateur l'identité d'origine du produit. »153 De ce fait, l'usage de la majuscule est obligatoire, même pour les marques présentes dans le dictionnaire des noms communs, d'ordinaire suivies de la mention « nom déposé » ou

« marque déposée » avec la date de déposition. Pourtant, comme le dit Vincent Nyckees : « les noms de marque ont un statut très particulier et une certaine effervescence néologique les entoure à notre époque. L'« oubli » de la majuscule nous semble d'ailleurs une illustration de ce statut particulier : l'objet participe à la fois du nom commun, en vertu d'une logique de production de série (en l'occurrence industrielle) et du nom propre, en vertu d'une logique de propriété marchande (puisqu'on vend un concept, parfois breveté, ainsi qu'une image de marque), d'une logique publicitaire et «mercatique» (visibilité d'un produit qui doit être fortement identifiable sur le marché), d'une logique sociologique de «distinction», etc. »154

L'usage de la majuscule découle de cette inaptitude à définir le caractère commun ou propre d'une marque. S'il est vrai que pour certaines marques récentes, le problème ne se pose pas ; en revanche, des noms comme bic, kleenex , coca-cola, vélux, martini, polaroïd, caddie... présents dans le Robert des noms communs, avec mention de la date de déposition, sont utilisés dans les exemples du dictionnaire sans majuscule. Pourtant, s'il nous paraît limpide que bic et kleenex aient remplacé stylo à bille et mouchoir en papier, sans apporter de réelle précision quant à l'objet décrit, étant donné leur statut d' « invention » ; le vocable coca-cola, supposé s'appliquer à toutes boissons gazeuses à base de coca et de cola, évoque encore le logo rouge mondialement connu de Coca-Cola. Ces « marques-noms » n'ont donc pas tous le même statut. Certaines prennent la marque du pluriel, d'autres pas.

Les grands succès commerciaux de certaines marques ont parfois, pour contrepartie fâcheuse, une véritable «banalisation» qui finirait par transformer la marque déposée en un nom commun ou générique si son titulaire ne réagissait pas périodiquement. Exemples: réfrigérateur /Frigidaire, fibre artificielle/Nylon, avertisseur sonore/Klaxon, allumeur /Delco, colle/Superglue, bouteille isolante/Thermos, mélange en solution de désinfectant/de l'eau de

153 CJCE 22 juin 1976, affaire 119/75 ; arrêt Terrapin.

154 Entretien internet avec Vincent Nyckees.

Javel etc. Les producteurs et distributeurs ne devraient pas manquer de le rappeler par les nombreux médias : presse, radio, télévision, cinéma, affiches etc.155

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Camille va vivre dans une chambre de bonne où il n'y a rien. Pour l'aider, le couple de galeristes lui donne le minimum pour s'installer dont un minuscule Frigidaire (p 36). A première vue, nous sommes tentés de dire que le nom « frigidaire » est entré dans le langage courant et que la majuscule ne se justifie pas. Pourtant la marque Frigidaire existe encore et a pour slogan : « Solution for real life »156. Camille, après s'être fait berner, pourrait très bien décider que dorénavant elle ouvrira les yeux et ne se fera plus abuser. Elle entre dans la vie réelle. En revanche, quand on utilise l'abréviation « frigo », nous entendons actuellement qu'il s'agit d'un réfrigérateur, sans marque précise.

Il est intéressant de remarquer que même si certaines marques font aujourd'hui partie du langage courant, rien n'empêche l'auteur de les écrire avec une majuscule. Parfois nous pouvons le comprendre car le nom renvoie réellement à la marque. Nous verrons les différents cas de figure par rapport aux noms communs-marques que nous avons le plus souvent rencontrées au sein de notre corpus. À savoir : Kleenex, Polaroïd, Coca-Cola, Bic, Post-it, Caddie.

-Kleenex : marque déposée en 1925, nom masculin qui signifie mouchoir en papier jetable. Les mouchoirs de marque Kleenex existent toujours aujourd'hui, ce sont « des mouchoirs de qualité qui offrent à la fois confort, soin et prestige, douceur et résistance. »157 Produit de Kimberky Klarc, Kleenex est aujourd'hui leader dans le

monde, en Europe, et numéro 2 en France. Nonante-cinq pour cent des Français connaissent cette marque, première marque de mouchoirs en papier au monde.158

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B » de Sylvie Medvedowsky, Juliette dit : « Pour bloquer la fontaine, j'ai attrapé la boîte de Kleenex . » (p 28) Juliette se compare à une fontaine à cause de son chagrin d'amour. Alors elle pleure toutes les larmes de son corps.

155 http://www.progexpi.com/htm43.php3

156 http://www.frigidaire.com/

157 http://www.kcprofessional.com/fr/washroom/kleenex.asp

158 http://www.superbrands.org

Les Kleenex ont la particularité de se vendre en boîte. Cependant, aujourd'hui ce ne sont plus les seuls à être présentés dans ce type d'emballage. Nous pourrions donc croire que malgré la majuscule, ces mouchoirs ne sont pas de vrais Kleenex, d'autant plus que peu de temps après, en évoquant une aventure qu'elle a eue avec un artiste fauché, elle se lamente : « Il n'aurait

même pas lâché cinq euros pour m'offrir un paquet de Kleenex de chez Hermès. » (p 33) Dans ce cas-ci, l'usage de la majuscule ne se justifie pas du tout, il s'agit vraisemblablement d'une erreur de l'auteur, et plus flagrante encore dans le second cas, car il est absurde de parler de Kleenex Hermes.

Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Idylle utilise les Kleenex pour leur qualité absorbante. « Son sperme coule le long de mes jambes. J'attrape la boîte de Kleenex sur ma table de nuit pour m'essuyer. » (p 149) En effet, les Kleenex sont connus pour leur résistance.« Je me lève, évite de m'approcher de la porte, me dirige vers la salle de bains, mon Kleenex à la main, le jette dans les toilettes et tire la chasse d'eau. Je ne possède plus rien de lui. » (p 212) « J'aurais aimé remplir ma boîte en porcelaine, la remplir à ras bord et plus encore, j'aurais voulu collectionner les Kleenex, en avoir dix mille pleins de lui. » (p 216) Il est impossible ici de savoir si l'héroïne utilise des Kleenex ou des kleenex.

Dans le « Châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Bazette, après s'être fait frapper, gémit : « Apportez-moi des Kleenex. » (p 117) Cette action se situe chez un concessionnaire American Car. Bazette est habillé en Cerruti, nous sommes dans la haute société, il est probable que ce soit de véritables Kleenex.

-Polaroïd : marque déposée en 1963, nom masculin désigne un appareil photographique de la marque de ce nom utilisant le procédé et permettant d'obtenir très vite une épreuve positive, dans l'appareil même. Abusivement, tout appareil photo de ce type. Photo obtenue à l'aide de cet appareil. Nous pourrions considérer

également que ce terme est employé actuellement pour toutes sortes de photos.

Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Hugo croit voir Annabel dans une baignoire avec une autre fille tandis qu'un photographe les mitraillait au flash. Hugo se dit que le lendemain Annabel va se réveiller et découvrir « des dizaines de Polaroïds froissés dans sa culotte. » Nous sommes ici dans un cas de dilemme : bien qu'il nous paraisse peu probable qu'un photographe professionnel fasse des photos à l'aide d'un Polaroïd, c'est la

seule possibilité pour qu'Annabel ait des Polaroids dans sa culotte. Mais elle n'en a pas. Cette scène est-elle une hallucination d'Hugo, ou le photographe ne les a-t-il pas encore révélées ? Quoi qu'il en soit, ici les Polaroïds ne sont certainement pas des appareils photos de la marque. Les photos sont-elles prises avec cet appareil, ou un appareil du même type, mais alors pourquoi mettre une majuscule ? Cet usage reste mystérieux.

Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, nous sommes dans le même cas de figure que dans le roman précédent. « Anne cherchait sa brosse à cheveux et fut décoiffée par un Polaroïd de femme assorti de quelques lettres d'amour qui n'étaient pas d'elle. » (p 39) A la fin du roman, Marc et Alice sont heureux et amoureux, « ils prennent des Polaroïds comme celui qu'Anne avait découvert » (p 166). Nous avons déjà analysé ces Polaroïds pour leur fonction de destinataire dans l'intrigue. Il se pourrait que ce soit des photos issues d'un Polaroïd, mais le nom ne mérite pas de majuscule.

Dans « Je vais bien ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire regarde un album de photos, elle se rend compte qu'il y a peu de clichés son père, « sauf les tout premiers, avec les photos en noir et blanc, les Polaroïds ». (p 112) Nous pouvons croire que les Polaroïds sont ici véritablement issus d'un appareil du même nom. Les tous premiers étaient en effet en noir et blanc, de plus elle utilise tout d'abord le nom « photo » avant de préciser qu'il s'agit de Polaroïds. Cependant, même si le nom est devenu commun, si la marque continue d'exister, l'emploi de la majuscule pose toujours un problème pour ce qui concerne le produit d'une marque.

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, Machond se rend à un casting. Il prend des photos de lui pour vérifier s' il a bien l'air d'un peintre : « Il avait pris quelques polaroïds pour juger de l'effet qu'il produisait : les polaroïds l'avaient mis au désespoir. » (p 8)

-Post-it : nom masculin invariable, déposé en 1985. Nous dirons même que c'est le seul terme qui existe pour décrire ces petits morceaux de papier partiellement adhésifs, repositionnables à volonté.

Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky, Juliette met des Post-it dans sa cuisine. (p 175) Ce pourrait être n'importe quelle sorte de post-it.

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, les amis de Camille lui laisse un Postit pour lui signifier que son compte est toujours ouvert. Ils ont assez de délicatesse pour lui dire qu'ils vont l'aider financièrement, mais pas de vive voix. Le post-it ici, malgré sa majuscule, n'est peut-être pas de marque.

Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, suite à son constat consternant, l'auteur « colle un Post-it sur la télé : TOUT HOMME ENCORE EN VIE APRÈS 30 ANS EST UN CON.» (p 58) Autrement dit, il laisse un mot. Nous n'avons aucun moyen de savoir s'il s'agit de la marque ou du terme générique.

-Coca-Cola : marque déposé en 1886 pour coca et cola. Nom masculin invariable qui veut dire boisson gazéifiée à base de coca et de noix de cola. Le dictionnaire précise que le terme « un coca-cola » désigne une bouteille, une canette, un verre de cette boisson. Il mentionne aussi l'abréviation courante un coca. Le dictionnaire ne donne pas le pluriel de « coca » mais l'usage tend à lui donner la marque du pluriel.

Il est assez déroutant de constater que Coca-Cola est encore très présent en tant que marque dans nos esprits.

Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc décide de se suicider. Pour ce faire, entre autres choses, il avale « le verre de Coca-Cola contenant les anxiolytiques écrasés.» (p 59) Il est bien connu que ce mélange est efficace pour sombrer. Nous pouvons déduire, par l'utilisation de la majuscule, que le cocktail ne fonctionne pas avec une autre marque que Coca-Cola. En revanche, plus tard, l'auteur utilise le terme avec une minuscule : « À l'heure des repas, Marc mélange les chips au fromage et le chocolat au lait, le coca-cola et le vin » (p 180), nous pouvons penser que dans ce cas-ci l'auteur boit un ersatz de Coca-Cola.

Dans « le merveilleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky , Juliette et Paul ont offert à Arthur un anniversaire au MacDo. A cette fête, le Coca coule à flots. La marque Coca étant en partenariat avec MacDo, la mention de Coca ne peut renvoyer qu'à la marque.

Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, juste avant de prendre la route des vacances, Claire rentre chez elle, « prend ses lunettes de soleil, avale une gorgée de Coca, prend le sac et repart. » (p 34) Cette abréviation de la marque est considérée comme boisson rafraîchissante, énergisante, qui contient de la caféine, idéale avant une longue route et après une journée de travail. Claire prend des forces. Bien que cela puisse également être l'apanage d'une autre marque. Ces boissons contiennent toutes beaucoup de sucre et de la caféine. Claire est jeune et c'est particulièrement cette classe de gens que vise la marque Coca-Cola.

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, à l'hôpital, Franck va prendre « un coca au distributeur. » (p 49) Nous sommes ici dans un emploi indéterminé de la marque.

-Bic est une marque déposée en 1960. C'est un nom masculin qui signifie stylo à bille de cette marque, et abusivement, stylo à bille en général. Bic est le premier fabricant

mondial de stylos à bille et un des leaders dans les articles de papeterie. En décembre 1950, Mr Bich lance son propre stylo-bille, pratique et d'un prix abordable, auquel il donne le nom de « Bic», version raccourcie et facilement mémorisable de son propre nom. La fameuse pointe Bic était née !159

Dans « La dilution de l'artiste » de Jean-Philippe Delhomme, on tend à Machond un Bic pour signer. (p 36) Il pourrait s'agir de n'importe quelle marque de stylo bille, la majuscule ne se justifie pas. Par contre quand Machond compare le cinéma aux autres arts, il demande entre autres au réalisateur s'il trouve que ses films pourraient égaler « un texte de Beckett, écrit à la pointe Bic.» (p 121) L'époque de Beckett semble plus propice à l'utilisation d'un bic de la marque Bic. La construction de la phrase confirme ce sens. Nous pensons que pour un bic commun, il aurait été plus correct de dire « à la pointe d'un bic ».

Dans « Le temps des Dieux » de Dominique Barbéris, la petite fille se rappelle les rentrées scolaires. « On avait des gommes bicolores et des Bics, des compas en inox, des beaux buvards.... » (p 71). Impossible de savoir avec certitude s'il s'agit ou non de la marque.

-Caddie : nom masculin qui prend la marque du pluriel. Ce mot est entré dans le dictionnaire en 1952. Il s'agit d'un petit chariot métallique pour transporter les denrées

159 http://www.bicworld.com/inter fr/stationery/product history/index.asp

dans les libres-services et les bagages dans les gares ou les aéroports. C'est aussi une poussette pour faire le marché.

La marque Caddie est née en 1928 en Alsace et est aujourd'hui internationale. Cette société produit toutes sortes de chariots et s'est également diversifiée dans le stockage et la manutention logistique.160

Dans « Ensemble, c'est tout » d'Anna Gavalda, Yvonne et Paulette vont faire des courses à l'Inter (p 13 et 16), si elles arrivent trop tard, elles ne trouvent plus de Caddies près des caisses. Il s'agit de chariots de supermarché en métal, probablement avec un logo des Mousquetaires.

En revanche, à Paris, Camille et Paulette vont au supermarché en traînant leur Caddie à roulettes. (p 416) Il s'agit d'une poussette pour faire ses courses.

3. Législation.

Les marques sont protégées par le droit d'auteur. Les grandes entreprises livrent une guerre résolue aux homonymes tout comme aux emprunts, même allusifs (dans les chansons, par exemple).

Dans le magasine Lire, le juriste Emmanuel Pierrat déclarait : « Les marques sont assez sourcilleuses car elles ne sont protégées que si elles ne dégénèrent pas. Cela signifie que si le grand public utilise une marque pour désigner toute une catégorie de produits, la marque tombe. C'est ce qui est arrivé à Frigo et à Pédalo. C'est pourquoi les marques cherchent à la fois à être citées par le maximum de gens, mais veillent farouchement à ne pas l'être trop. »161

Existe-t-il des cas de procès où le titulaire d'une marque se plaint de son utilisation dans un roman ? Selon l'avocat Alain Berenboom, les attaques des produits de marque, contre des

« artistes » ou contre des revues sont fréquentes. Lors d'un entretien qu'il nous a accordé, il a cité notamment la chanteuse Lio attaquée par Mattel suite à sa chanson « Barbie ». L'attaquant (Mattel) a perdu, tout comme la firme Coca-Cola contre le magazine

« Playboy ». Les firmes ont peur de la banalisation. Pourtant, la loi est assez vague à ce sujet. Toutefois, l'article 13 de la CONVENTION Benelux, datant du 19 mars 1962, nous donne quelques précisions. Il stipule que le droit exclusif à la marque permet au titulaire de

160 http://www.caddie.fr

161 «Les écrivains corrompus par la pub», Lire, novembre 2001, numéro 300.

s'opposer dans un contexte économique. Le monde littéraire étant hors des affaires, la confusion n'est pas possible. Cependant, comme pour le nom propre, un nom de marque, cité dans un contexte négatif, d'injure ou de diffamation, peut entraîner des poursuites judiciaires selon le droit commun et de la responsabilité civile. 162

Inutile donc d'évoquer autre chose qu'une « voiture », un « cabriolet » ou un « coupé » lorsqu'on décide dans son roman d'évoquer un accident de la circulation épouvantable, ironise Emmanuel Pierrat.163

Dans les bureaux de la collection Série noire, Odile Lagay (qui travailla longtemps avec Marcel Duhamel, directeur de cette collection) ne manque pas de se rappeler les colères de la marque de lessive Saint-Marc après avoir lu dans un Série noire que ce produit n'était « pas terrible pour la propreté des commissariats. »164

Alain Berenboom nous a relaté avoir bien failli être confronté à ce problème à cause de son roman « La position du missionnaire roux ». Le héros, jeune cadre dynamique de la société Nestlé, se rend au Congo dans les années `80, en pleine période de scandale au sujet du lait en poudre. En effet, l'auteur prend comme point de départ, le procès qu'a intenté en 1974, la société Nestlé contre le groupe de travail « Tiers Monde » au sujet d'une brochure intitulée

« Nestlé tue les bébés » et qui a dû être changée en « Nestlé contre les bébés ». L'auteur avait rendez-vous pour un débat télévisé avec un représentant de Nestlé mais ce dernier s'est désisté. 165

La Cour d'Appel de Bruxelles, dans l'affaire Thermos, de 1951 124, nous éclaire un peu sur le moment à partir duquel un nom de marque devient un nom commun. « Pour accepter la validité d'une marque, c'est au moment du dépôt qu'il faut se placer. »

Pour reprendre le cas de « Thermos », la cour examine d'abord si l'usage du mot « Thermos » comme terme courant était antérieur à son dépôt. Si elle décide qu'à ce moment-là, il est constant que la dénomination « Thermos » constituait une nouveauté pour qualifier des bouteilles isolantes, le caractère usuel a posteriori ne peut lui enlever sa validité. La vulgarisation ultérieure d'un mot ne peut affaiblir son usage exclusif comme marque de fabrique, lequel est précisément garanti par son enregistrement.

162 Entretien avec Alain Berenboom, juriste.

163 «Les écrivains corrompus par la pub», Lire, novembre 2001, numéro 300

164 «Les écrivains corrompus par la pub», Lire, novembre 2001, numéro 300

165 Entretien avec Alain Berenboom, juriste.

Cet arrêt de la Cour d'Appel de Bruxelles note très justement que lorsque le vocable d'une marque s'emploie comme terme générique, cette vogue n'est pas l'indice de sa faiblesse

« c'est plutôt la preuve de son succès ». Le fait est qu'une marque ne tombe pas à cause de son caractère usuel a posteriori mais parce que son titulaire y a renoncé tacitement. Pour que pareille renonciation existe, trois conditions sont requises. Il faut d'abord un usage notoire de la marque sous forme d'un terme générique. Ensuite et surtout, il faut que ce mot usuel serve à désigner des produits similaires provenant de concurrents. Enfin, le titulaire de la marque doit avoir toléré cet usage d'une façon non équivoque. Il est à remarquer que parmi ces trois éléments, celui qui est décisif n'est pas l'usage courant par le public, l'arrêt le dit expressément: « cet usage, le propriétaire ne peut l'empêcher ». Ce qui est déterminant c'est que la marque générique serve à la désignation d'objets identiques provenant de concurrents ; ce que le titulaire laisse faire. La caducité n'est pas due alors à la faiblesse du vocable en tant que marque, sa véritable cause c'est la tolérante faiblesse du titulaire. »

Conclusion.

Notre sujet se situe clairement dans la modernité qui n'est pas un vain mot. Comme l'écrit Baudelaire : « La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable »166

En ce sens l'utilisation des marques dans la littérature est probante, car la simple mention du nom de marque évoque instantanément une image, faisant ainsi l'économie d'une description. Dans les habitudes de lecture du plus grand nombre, la description ennuie. L'usage du nom de marque offre ainsi à l'auteur un raccourci séduisant : « L'audio-visuel joue sur les émotions, encourage la participation aux événement ou aux actions montrées, et nous impose les idées en nous en imprégnant. L'écrit [au contraire] parce qu'il tend à une certaine asensorialité, est bien propre à l'expression de la pensée, est un bon outil pour le raisonnement.»167 L'art de l'écrit est bien l'art dont Marcel Proust se réclamait. Il comparait sa création littéraire à l'édification d'une cathédrale : « une église où les fidèles sauraient peu à peu apprendre des vérités et découvrir des harmonies. »168 L'image est significative, car l'oeuvre s'élève comme un édifice « merveilleusement étagé jusqu'à l'apothéose finale »169.

La pratique du saupoudrage de marques témoigne de la déliquescence du genre romanesque. En effet les marques font partie d'un langage que nous pourrions qualifier

d' « audiovisualisé ». En outre, si le nom de marque « transparaît dans les oeuvres comme il transparaît dans nos moeurs, c'est qu'il n'y a rien de plus facile pour faire entendre d'où l'on vient et qui l'on veut paraître que de citer des noms : le discours n'a plus à être construit ; car les noms que je cite, ce sont essentiellement des arguments d'autorité. Cette culture du catalogue permettrait d'abord de se placer et d'être situé ; ensuite d'en imposer aux autres [...] Notre culture serait donc devenue virtuelle, équivalente à la somme de noms propres que je connais, et la qualité de ma culture s'identifierait à celle des noms propres que je convoque. »170

166 Baudelaire « Les curiosités esthétiques ».

167 Gabriel Thoveron « Le pouvoir médiatique de la langue », dans Le français et les Belges, Bruxelles, Editions de l'Université de Bruxelles, 1989, p53.

168 Marcel Proust cité par Lagarde et Michard, p 224.

169 Marcel Proust cité par Lagarde et Michard, p 224.

170 Nicolas Bouyessi « Name dropping », Journal Particules, Paris, octobre -novembre 2004.

Pour rendre compte de cette pratique, nous avons étudié la fonction des noms de marque dans plusieurs romans contemporains. Nous y avons distingué quatre types d'emploi, témoins de Modernité, en fonction du sens ou des sens de la marque que l'auteur convie.

L'usage des marques en tant qu'« informations », sert le souci d'ancrer le récit dans une région du monde ou à une époque précise, mais également de présenter les données civiles sur le personnage. Ce sont des repères, au même titre qu'un édifice architectural ou un événement historique, l'âge ou le métier du héros.

L'utilisation des marques engendre donc un certain hermétisme. En effet, s'il existe des étiquettes comme Coca-Cola, connues par toutes les classes sociales du monde, et même passées dans le langage courant, il en est d'autres qui visent plus particulièrement un groupe de personnes, par exemple, certaines marques, comme Burton (marque de surf) ou Sapporo (marque de bière), qui sont loin d'être unanimement connues ou plutôt incapables d'éveiller dans l'esprit de tous les lecteurs potentiels la même image. En fonction de son milieu, le lecteur interprétera le signe d'une manière différente, parfois, il ne la remarquera même pas. De plus, les marques sont de plus en plus éphémères car chaque génération possède les siennes, sans oublier le facteur spatial : chaque pays possède des marques spécifiques, et une même marque ombrelle peut offrir des produits phares différents selon le pays.

Nous sommes bien loin de l'intemporalité et l'universalité d'une oeuvre telle que « À la recherche temps perdu » ou autre classique que nous lisons encore aujourd'hui sans problème de compréhension. Nous sommes en droit de nous demander si les romans de la modernité seront encore compris par le grand public dans cent cinquante ans. Il est indéniable que si le référent n'est pas présent dans l'esprit du lecteur, ce dernier peut ne pas saisir toutes les subtilités de l'oeuvre. « Tu es de mon milieu si tu connais mes noms propres. Tu peux aimer mon livre si tu es de mon milieu. »171

Dans la classe des « indices » et les différentes sections du portrait, la marque est utilisée pour son pouvoir connotatif, pour l'image qu'elle évoque en nous. Elle facilite la représentation mentale du personnage, de son caractère ou de l'atmosphère d'un lieu. Dans cet emploi, nous pourrions qualifier les marques de mythes. Il s'agit en effet, d'une « image

171 Nicolas Bouyassi. « Name dropping », dans journal Particules, Paris, Octobre- Novembre 2004.

simplifiée, souvent illusoire, que des groupes humains élaborent où acceptent au sujet d'un individu ou d'un fait [ou de marques] et qui joue une rôle déterminant dans leur comportement ou leur appréciation. »172

Ce type d'utilisation, réduit considérablement l'imagination du lecteur. L'auteur apporte à son lecteur ses personnages et ses espaces romanesques sur un plateau, prêts à la consommation comme un plateau de fast food. D'après Nicolas Bouyassi, « les écrivains contemporains [...] ne surplombent pas ce qu'ils évoquent, ils demeurent dans un rapport de soumission fascinée ou méprisante à l'autorité qu'ils citent: [...] or c'est l'éternel présent dont parlaient déjà les situationnistes, [eux qui ne dissèquent pas leur espace]: on est sans recul, on crée comme ça vient; d'ailleurs on ne crée pas. On fétichise sa vie, parce qu'on la croit captivante. »173

Dans « Mythologie », R.Barthes écrit, en traitant de la critique idéologique portant sur le langage de la culture de masse, être convaincu qu'en « traitant les « représentations collectives » comme des systèmes de signes, on pouvait espérer sortir de la dénonciation pieuse et rendre compte en détail de la mystification qui transforme la culture petite bourgeoise en nature universelle. »174

Il est navrant de constater que le romancier délègue à la publicité et aux marques le soin de faire passer une partie de son message. De plus, il nous soumet à sa subjectivité qui limite l'interprétation et nous expose même à l'introduction insidieuse de la publicité.

Les marques font partie de notre quotidien, de notre culture urbaine. Elles sont des objets de consommation. À l'intérieur des fonctions « catalyses », elles sont utilisées dans un souci de réalité par rapport à la situation présentée dans le roman. Leur pouvoir évocateur est sans incidence, elles font simplement partie de la description du paysage, du souvenir ou de la routine du personnage.

Pour les fonctions « cardinales », la marque n'est évidemment pas une véritable action. Cependant, dans le schéma actantiel, elles sont parfois élevées au rang d'actants,

172 Petit Robert.

173 Nicolas Bouyassi, ibidem.

174 Roland Barthes, « Mythologies », Editions du Seuil, Paris, 1957, p 7.

éventuellement, à l'intérieur d'une comparaison, d'une métonymie, en faisant référence à l'essence du produit générique.

Nous avons attiré l'attention sur l'utilisation des noms de marque comme noms communs. En témoigne notamment, l'utilisation de ces marques dans les figures de style. De plus, nous décelons une désinvolture généralisée, doublée d'une méconnaissance du statut de marque ou de nom commun. Cette défaillance a des conséquences dans le domaine du droit, comme nous l'avons souligné précédemment.

Il nous semble que l'emploi le plus pertinent des marques se trouve dans la catégorie « indices » et « portrait », car elles peuvent éviter à l'écrivain des périphrases qui alourdissent le style175. Utilisées à bon escient, elles lui offrent des ressources intéressantes. Mais certains d'entre eux en abusent, mentionnant systématiquement des noms de marque, comme un tic de langage, qui entraîne une saturation rapide, un appauvrissement esthétique et artistique. Nous assistons alors à une « liquidation » de l'art au profit du réel.

Certes, Baudelaire préconise d'être en accord avec le génie de son temps, et de faire oeuvre d'art du réel. Mais, « il s'agit de dégager de la mode ce qu'elle peut contenir de poétique dans l'historique, de tirer l'éternel du transitoire. »176

Le temps nous dira ce que les générations futures retiendront de ces romans aux marques fugaces. S'effaceront-ils de nos mémoires comme une bulle de savon Simba éclate sous le souffle d'un enfant ?

175 Réponse d'Amélie Nothomb au questionnaire déstribué à la Foire du Livre de Bruxelles le 5 févier 2005.

176 Henri Benac, « Moderne » dans, Guide des idées littéraires, Paris, Editions Hachette, 1988, p 314.

Annexes 1 : Résumés des oeuvres analysées.

1. Alain Berenboom « La position du missionnaire roux ».

Un cadre suisse travaillant pour Nestlé est pris dans un sanglant détournement d'avion et reste en rade sur un aéroport africain. Lui qui s'était pourtant juré de ne jamais mettre les pieds en Afrique, depuis que sa femme s'y était installée avec un missionnaire anglais ! Comment en est-il arrivé là ? Ce jeune homme vit en Suisse avec Céline, une sociologue belge, spécialiste des problèmes de la faim. Au bout d'un moment, elle va vivre une relation avec Jim, qui milite contre les multinationales et plus particulièrement contre Nestlé. Leur groupe de travail distribue des tracs intitulés « Nestlé tue les bébés ». Soucieux de préserver son image, la direction de Nestlé commande à Céline un rapport objectif sur la mission de Nestlé en Afrique. Nestlé finance cette étude, elle en fait profiter Jim : grâce à Nestlé, elle s'est rendue avec lui au Nigeria, en Tanzanie, au Kenya ainsi qu'aux Etats-Unis ... Sans l'argent de Céline et donc de Nestlé, jamais Jim n'aurait pu accumuler un tel dossier contre Nestlé et publier sa brochure « Nestlé tue les bébés ».

2. Anna Gavalda « Ensemble, c'est tout ».

Le temps d'une année à Paris, quatre personnes, Franck,Camille, Mémé et Philibert, vivent sous un même toit, celui d'un immense appartement haussmannien, conservé tel qu'il était, aménagé dans le style fin XIXème. Quatre individualités qui n'avaient pas grand-chose en commun et qui n'auraient jamais dû s'entendre, jamais pu se comprendre. Un aristocrate bègue, une jeune femme pas plus lourde qu'un moineau, un cuisinier grossier et sa vieille mémé têtue. Tous sont pleins de bleus, pleins de trous et de bosses et ont un coeur très généreux, tendre et à fleur de peau. C'est l'histoire de leur rencontre, de leurs frictions, de leurs réconciliations, de la tendresse et de l'amitié qui naît entre eux. Ils sont ensemble, c'est tout !

Mémé a des problèmes liés à son âge. Elle les badigeonne au Synthol parce qu'elle voudrait éviter d'être envoyée au « mouroir »...Veuve, elle vit seule dans sa petite maison de province et adore son jardin fleuri. Avec son mari (dont on ne connaît presque rien, si ce n'est qu'il allait à la pêche et roulait en Simca), elle a élevé Franck. Auprès de ce dernier, elle finira sa vie dans un fauteuil roulant Classic 160 de Sunrise, grâce à Camille.

Franck a profité de sa vie trop calme et recluse entre ses grands-parents, mais en a aussi souffert. Par réaction, il s'est ostensiblement tourné vers la société de consommation. Il est à la fois superficiel et rustre. Il roule en Suzuki, porte un blouson Lucky Strike, des vêtements Ralph Lauren. ... Evidemment, il gagne bien sa vie parce qu'il travaille beaucoup. Il est bon cuisinier, prometteur.

Philibert se sent inutile et vit dans le passé. Il a besoin de Lexomil pour vivre. Il est raffiné et très cultivé. Assez symboliquement, à part son médicament et son Nesquick qu'il boit religieusement chaque matin, il n'est défini par aucune marque.

Camille est très fragile physiquement et psychologiquement, peut-être à cause de sa mère dépressive et de son père idéalisé qui s'est suicidé. Pour supporter ses malheurs, elle boit assez bien mais mange très peu. Elle est cultivée, fine et très généreuse. Elle décide de s'occuper de Mémé d'une manière admirable. Sa vie a été très mouvementée. C'est vraisemblablement en partie à cause de son don extraordinaire pour le dessin et la peinture. A cause de son naturel observateur et généreux, de nombreuses marques passent par ses yeux. C'est manifestement elle, le personnage clé de l'intrigue. Toutefois elle ne serait rien si à un moment désespéré de sa vie, elle n'avait pas rencontré Philibert.

3. Bruno de Stabenrath « Le châtiment de Narcisse ».

Hugo Boccara est le roi des nuits parisiennes où le Dom Pérignon coule en cascade dans des coupes en cristal. Il a deux amis en or, Charlie et Marcus, et il va bientôt épouser Annabel. Annabel, très jolie, un peu Barbie, est mannequin pour une marque italienne de lingerie et déshabillés sexy haut de gamme, PKO. Tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pourtant, une nuit, place Saint-Sulpice, il croise Écho, une fillette sortie de nulle part, qui lui annonce sa fin prochaine. Il n'aurait plus que cent jours à vivre. Ensuite, il a un accident de voiture avec sa Porsche dont le pneu a éclaté. Affolé, il n'a qu'une idée en tête : enrayer l'engrenage fatidique. Il engage même un détective qui lui pose des questions à la vitesse d'un Uzi... Mais cette obsession l'empêche de vivre. Il perd progressivement pied. Il a des hallucinations et croit voir sa fiancée dans une situation compromettante. Des Polaroïds en seront sûrement la preuve. Il consomme du Martini, notamment à la terrasse de chez Fouquet' s ou chez Castel et prend des anti-dépresseurs : Anafril, Lexomil, Effexor, Tercian, Arcalion, Lysanxia. Il s'achète un véhicule énorme et protecteur pour essayer de démêler sa destinée, un Hummer H2...

4. Christine Orban « Le silence des hommes ».

Elle avait un prénom banal et s'est rebaptisée Idylle. Il s'appelle Jean tout simplement. Leurs regards se sont croisés dans un jardin public. Trois ans plus tard, ils se sont revus, reconnus et aimés. Pour lui, Idylle cultive tous les sortilèges de l'amour, et se heurte pourtant à un problème qu'elle ne parvient pas à résoudre : Jean ne parle pas. Comme la plupart des hommes, il préfère le geste à la parole, l'esquive à l'affrontement, la fuite à l'engagement. Elle a beau l'enjôler, le supplier, l'entraîner dans ses plus intimes retranchements, cet homme - marié bien sûr- ne dira rien, n'avouera rien. Elle lui propose du chocolat, Kinder pour resserrer les liens ou After Eight, corollaire du café, car elle sait qu'il adore cette boisson. Elle s'achètera même une Magimix chez Darty, le spécialiste du contrat de confiance... Rien n'y fera ! Avec son amie Clémentine, maintenant installée en Angleterre, elle échange des courriels où elle constate qu'elle n'est pas seule à s'agacer, à souffrir du silence des hommes. Elle ne possèdera de lui que des Kleenex remplis de sperme et devra s'aider de Stilnox lors de leur rupture.

5. Claude Pujade-Renaud « Belle-mère ».

L'histoire se passe dans une banlieue verdoyante française, entre 1935 et 1983. Eudoxie, une couturière à domicile se remarie avec Armand, un veuf dont le grand fils, sauvage et assez bizarre, se bute totalement face à cette nouvelle présence. En outre, Eudoxie regrette de ne plus pouvoir travailler sur sa belle Singer noire et or. Elle était couturière mais Armand tient à sa tranquillité, ainsi, a t-elle dû arrêter de professer. Elle s'emploie donc à apprivoiser Lucien, son beau-fils, et après la mort d'Armand, à l'aimer.

Lucien est mécanicien dans l'âme et il s'achète une Quinze Citroën. Il croit que grâce à cette voiture, il va pouvoir séduire la voisine. Peine perdue !

La guerre éclate. Comme Lucien a juré qu'Eudoxie ne montera jamais dans sa Citroën, Eudoxie et Armand évacuent, sans lui, en train puis à pied. Armand meurt dans un bombardement aérien. Eudoxie doit dès lors s'occuper de Lucien et elle doit également recommencer à travailler. Lucien est figé entre la Singer et le Godin, il les contemple en caressant sa chatte, Nonotte. Un jour, la voisine demande à Lucien de pouvoir rentrer sa 2CV au garage. Après avoir ainsi fait sa connaissance, le dimanche, Julien emmène la voisine dans sa Quinze Citroën. Julien trouve que sa Citroën lui coûte trop cher et il la vend à un collectionneur. Il rachète une Peugeot 204 dans laquelle Lucien accepte de promener Eudoxie. Lucien est de plus en plus gentil avec Eudoxie qui perd un peu la mémoire et doit prendre du Lasilix parce qu'elle a des problèmes d'hypertension. Lorsqu'il est de mauvaise humeur ou si Eudoxie est absente, Lucien colle sur sa porte l'étiquette d'un fromage appelé le Bougon. Finalement Eudoxie doit s'installer dans une maison de retraite où elle s'ennuie. Lucien, lui, dépérit. Au cours d'un week-end, lors d'une promenade en Peugeot 204, Lucien et Eudoxie ont un accident : leur véhicule sombre dans un lac.

6. Claude Sarraute : « Dis voir, Maminette... »

Maminette est une dame plus âgée qui a pris trois jeunes femmes sous son aile. Elle les considère comme ses filles adoptives. Elles ont toutes des problèmes sentimentaux, l'une veut faire carrière, l'autre veut faire régime.... Elles se racontent et Maminette donne des conseils. Elle considère notamment qu'elles doivent résister à leur soupirant. « Je ne vois pas l'intérêt d'acheter un paquet de cigarettes déjà entamé.» Voilà ce qu'on entend plus souvent au comptoir d'un café-tabac du village qu'au bar du Ritz. En plus, ce trio se croirait presque obligé de faire la queue devant le comptoir du MacDo pour payer un hamburger à leur petit ami. Ces garçons manquent de charme. L'une des protégées est trompée par son copain qu'on a vu sortir de chez Virgin au bras d'une jolie fille...La deuxième s'est mise en ménage avec un type qui a déjà deux enfants que leur mère daigne pour une fois emmener pour une soirée MacDo - ciné...

Maminette distille ses réflexions avec humour et dérision... jusqu'au bout du roman où tout est bien qui finit bien.

7. Dominique Barbéris : « Le temps des Dieux ».

L'auteur se rappelle son enfance. Elle se remémore les journées studieuses où pour trouver de l'inspiration, elle goûtait la gélatine de sa colle Secottine, les après-midi de jeux avec ses voisins où ils poussaient des voitures Dinky Toys, habillaient des Barbies, montaient des murs de Lego, se donnaient la communion avec des bonbons Kréma. Elle se souvient également des goûters au parc et des Chocos BN, des après-midi dans le centre de Bruxelles et des bonbons La Pie qui Chante qu'elle gagnait parfois dans les machines à surprises. Elle n'a pas oublié non plus les bols d'Ovomaltine, les déjeuners où sa mère étalait de la vache qui rit sur une tartine, les desserts avec les vénérés petits-suisses. Puis vient le temps de l'école, des bubble-gums et des Carambar et des cahiers de vacances Magnard. Son père roulait dans une DS et elle portait des collants DD et des culottes Petit Bateau. L'auteur fait remonter sa mémoire et ses souvenirs d'enfance jusqu'au jour où elle devra renoncer à l'innocence.

8. Eric- Emmanuel Schmitt « Oscar et la dame rose ».

Voici les lettres adressées à Dieu par un enfant de dix ans. Celles-ci ont été trouvées par Marie Rose, la dame qui vient lui rendre visite à l'hôpital pour enfants. Oscar va mourir d'un cancer et il le sait. Pour égayer un peu les douze derniers jours de la vie d'Oscar, douze jours cocasses et poétiques, elle lui raconte des histoires et lui, lui confie ses secrets, ses peines de coeur. Elle le pousse à avoir confiance en lui. Par exemple, Oscar n'ose pas déclarer sa flamme à Peggy Blues, car elle est fiancée avec Pop Corn qui est plus fort, plus rassurant. Mamie Rose lui conte alors une de ses aventures : du temps où elle était catcheuse. Elle qui est toute fluette, a mis KO une énorme catcheuse, buveuse de Guinness : elle a gagnée par la ruse. Mamie Rose convainc Oscar qu'il peut séduire Peggy Blues. Elle le pousse à agir et grâce à elle, Oscar oublie la triste réalité, et apprend à profiter du temps de vie qui lui reste.

9. Frédéric Beigbeder « L'amour dure trois ans ».

On pourrait intituler ce roman : les boires et les déboires de Marc Marronnier. Déçu par la vie, par l'amour, par ses amis... par le monde, il ne peut supporter l'idée de divorcer d'une femme qu'il n'aimait plus vraiment et doit chaque jour se battre pour trouver un sens à son existence. Il hésite entre le Lexomil et la pendaison à l'aide de cravates Paul Smith. Certes, il n'aimait plus sa femme parce qu'il avait eu l'impression de donner la main à un gant Mappa. Par contre, celle-ci avait décidé de le quitter parce qu'elle avait trouvé un Polaroïd d'une femme en bikini et des lettres d'amour qui n'étaient pas d'elle.

L'auteur a décidé d'être son personnage. Il noie sa déception sentimentale dans l'alcool, se nourrissant de Chipsters et de Four Roses, fréquente des lieux où on douche les filles avec du Cristal Roederer. L'auteur écrit toutes sortes de considérations sur le grand amour représenté dans les films et dont rêvent les jeunes filles. Elles attendent un homme qui saura les étonner, et non un homme qui va leur offrir des étagères IKEA. Le grand amour ne peut pas se concevoir dans une société où on zappe de manière générale, où tout est facile, où les riches oublient que l'argent est un moyen et non une fin. Ils n'ont pas d'excuse s'ils sont malheureux, ils n'ont plus qu'à prendre du Prozac...

Finalement, il retrouve la jeune femme du Polaroïd et vit le grand amour pendant trois ans. Il a très peur de cette échéance et décide de retirer sa montre pour que l'amour dure toujours. Ils sont à Rome, la ville éternelle et s'y promènent en Vespa comme des amoureux... L'amour ne dure pas trois ans, l'auteur reconnaît s'être trompé et ce n'est pas parce que son livre est publié chez Grasset qu'il dit nécessairement la vérité !

10. Gégoire Polet « Madrid ne dort pas ».

G. Polet met en scène de nombreux personnages pendant une nuit. La majorité des gens qui se croisent ce soir-là sont issus du milieu intellectuel : écrivains, éditeurs, journalistes, cinéastes, traducteurs, musiciens. Le roman est ancré à Madrid et on y fume des Ducados ou des Nobel, on y boit de l'anis del Mono. On y mange des churros con chocolate. On y fréquente la librairie du Corte Inglés ou la succursale de Goya de la Casa del Libro. On y côtoie des policiers de la Guardia civil dont certains circulent en Land Rover. On descend à l'hôtel Senator, on boit un verre au Gallo, un bar ouvert 24h sur 24.

Mais l'espace du roman est essentiellement limité au « Café Comercial »177 d'où on observe une grande partie des protagonistes. Au début, Fernando Bernal, écrivain, y retrouve Santiago, un de ses vieux amis, assez en vogue. A une table voisine, un traducteur écrivain français, Philippe Couvreur, surprend la conversation sur un nouvel essai intitulé « C'est organique» de Bernal. Couvreur rencontre dans le métro une jeune fille. On apprend qu'elle est coiffeuse chez Jean-Louis David et qu'elle ravage la tête de Céline Dellau, co-auteur avec Ph. Couvreur d'un ouvrage qu'ils essaient de faire éditer. Céline Dellau est si mal coiffée qu'elle doit aller s'acheter un turban de satin chez Versace. En fait, c'est important pour elle parce que ce soir- là, elle doit rencontrer le gotha de la littérature lors de la première de Don Giovanni. Elle réussit à faire passer leur travail à Javier Miranda, un éditeur. Malheureusement, celui-ce est ivre mort à la sortie de l'Entero où ils ont dîné tous ensemble après le spectacle et il perd le précieux manuscrit ! F. Bernal réussit à faire lire son essai « C'est organique » au même éditeur, décidemment très courtisé. C'est aussi à l'Opéra que doit se rendre Letizia pour écouter son frère, soliste baryton, lors de cette première de Don Giovanni. Mais celle-ci a été retenue au commissariat de police parce qu'elle s'est fait vandaliser sa petite voiture bleue. Elle y rencontre Federico Garcia, journaliste critique à l'ABC. Il l'accompagne ensuite au concert et rédigera sa critique du spectacle. A la sortie de l'Opéra, lorsque Federico Garcia repasse à son bureau pour boucler ses critiques pour l'édition ABC du lendemain, il y trouve un de ses amis américains, cinéaste. Ce dernier compare les sombres immeubles de Madrid à « un design Bang et Olufsen monté en béton ». A la fin du concert, Letizia est abordée par un policier, Joshua, qui est chargé de la protéger d'un éventuel danger lié à la déprédation de son véhicule. Ils marchent toute la nuit dans Madrid pour finir au « Café Comercial », dès son ouverture. S'y trouve aussi Fernando Bernal. Devant son café, il s'apprête à commencer un roman.

177 Orthographe espagnole

11. Iegor Gran « Jeanne d'arc fait tic tac ».

Il s'agit d'un recueil de nouvelles ; nous n'avons traité que la première qui s'intitule « Nike ». Les Nike, prennent possession du jeune homme qui a commis l'erreur de les acheter. Il finit par s'en débarrasser alors qu'elles sont encore neuves en les brûlant. En effet, il ne peut plus supporter d'être inféodé à la mentalité capitaliste qu'elles exigent de lui.

12. Jaqueline Harpman « En toute impunité ».

Le narrateur, un architecte sexagénaire, tombe en panne de voiture non loin de La Diguière, gracieuse propriété construite au dix-huitième siècle. Il croit découvrir une famille bohème et désargentée, échangeant les travaux de la toiture contre une chambre d'hôte et de menus services. La Diguière est le seul luxe et la seule raison de vivre des trois générations de femmes qui y vivent. Quand Albertine, déjà mère et grand-mère, se fait épouser par un riche entrepreneur, la famille soupire d'aise. Cependant, quand le sauveur commence à décider de tout et à se montrer trop entreprenant dans la maison, notamment en faisant installer une cuisine Pogenpohl ou Mobalpa, très élégante au demeurant, elles sont franchement indignées. En outre, Madame la Diguière a signé un contrat de mariage qui stipule que le conjoint restant a l'usufruit de la propriété... Elles décident donc, après de longues délibérations, de le supprimer. Elles ont en fait découvert que Mr Fontenin prenait du Léponex. Elles apprennent que, combiné avec un autre médicament, le Léponex est très toxique. Elles lui administrent donc chaque jour une dose d'une autre drogue en sirop, sans qu'il s'en aperçoive. Il finit par mourir d'une grippe et d'une septicémie. Il y a à ce moment-là, une épidémie de grippe au village, sa maladie n'éveille donc aucun soupçon. De toutes façons, son corps a été incinéré. Les dames de la Diguière l'ont tué en toute impunité.

13. Jean Philippe Delhomme « La dilution de l'artiste ».

Ex-écrivain, Machond amorce à plus de quarante ans une nouvelle carrière d'artiste plasticien. D'avant-garde, forcément, il se présente à un casting pour jouer un rôle de peintre au cinéma. Il constate que ces gens du huitième art se prennent très au sérieux et il se dispute avec toute la production. Dans la salle d'attente, il fait la connaissance d'autres peintres du cru, plutôt figuratifs et réactionnaires... Il habite, quelque part dans une campagne pluvieuse, une maison-champignon de plastique blanc conçue dans les années `60 et se déplace dans une vieille Renaud 5 avec un coffre énorme. Il souhaite lancer un nouveau concept d'art contemporain pour lequel il recherche des sponsors tels qu'Appel, Fujitsu, Intel, Compac.... Il vit dans un désordre considérable. Dans sa maison, il crée uniquement, et se fait des tasses de Nescafé. Lors de sa première sortie dans la région, à un vernissage, il rencontre le docteur Fouasse et sa femme, Cécile de Mauprès, un couple de riches mécènes. Grands amateurs d'art et de belles choses, ces derniers se déplacent en Jaguar, possèdent une demeure magnifique avec une installation Bang et Olufsen. Une histoire platonique unit Machond et Cécile de Mauprès. Elle lui propose de l'accompagner pour un voyage à Paris. La veille, il est invité chez les peintres de province avec qui il s'est lié d'amitié. La soirée est bien arrosée, et la nuit courte. Le lendemain, pendant le trajet qui l'emmène à Paris aux côtés de Mme de Mauprès, Machond ne se sent pas très bien. Cécile loge chez des amis qui travaillent tous deux dans l'art contemporain. Machond est surpris de la différence entre les artistes de province et ceux de la capitale, à tous points de vue. Finalement, le voyage se termine assez mal et Machond décide de renoncer à l'art.

14. Malika Madi « Les silences de Médéa ».

Dans une Algérie gangrenée par l'extrémisme islamique, Zohra partage son temps entre le foyer familial et l'école du village où elle enseigne. Une nuit, son univers bascule dans l'horreur : assassinat du fils du patron du voisin ivre au volant d'une Mercedes, viol collectif. Comment mettre des mots sur l'innommable ? Dans un premier temps, Zohra tentera d'échapper aux questions en fuyant son pays natal pour Paris. Ce n'est qu'auprès de sa belle- fille, Anna, assistante sociale, que la jeune femme trouvera la force de revenir sur son passé.

15. Nicolas Ancion « Quatrième étage ».

Serge et Toni sont deux amis. En revenant du GB, ils parlent de la chance, ils se demandent si ça existe. Quand Toni se fait renverser par un bus et meurt, c'est Serge qui est chargé d'aller annoncer la triste nouvelle à Roger, le plombier, oncle de son ami.. Une fois à la boutique de ce dernier, il n'en a pas le courage et accepte d'aller faire un dépannage à la place de Toni. C'est ainsi qu'il arrive chez Louise et ses voisines qui sont chargées de lui ouvrir la porte en l'absence de Louise. Il remarque une étagère Ikea chez elle et une pastille Brise chez les voisines. Louise lui fait croire qu'elle s'appelle Marie et lui propose de rester dîner. Lui s'est présenté sous le prénom de Thomas. Après les macaronis surgelés, il s'attend à une glace Produit Blanc ou une Viennetta semi-fondue mais Louise fait des prouesses et se lance dans la confection de profiteroles. Elle lui offre une cigarette L&M et bien qu'il ait arrêté de fumer, il accepte. Il s'apprête à passer la nuit sur le canapé parce qu'il a trop bu. En plus, il n'a pas envie de rentrer chez lui et lui explique par le menu sa déplorable journée. Ils finissent dans le lit de Louise. Parallèlement à cette histoire, se déroule la triste vie de Thomas et Marie, un couple sans ressource.

16. Olivier Adam « Je vais bien, ne t'en fais pas ».

C'est l'histoire de Claire, de son drame : elle a perdu son frère Loïc. Au début, elle ne sait pas qu'il est mort, elle croit qu'il a disparu après une discussion avec leur père. Deux ans déjà qu'il est parti, peu après que Claire ait obtenu son bac. Claire est désespérée. Elle a commencé à travailler au Shopi. Bien sûr, la routine y est pesante. Les marques défilent toute la journée. En plus, les gens ont de nombreux préjugés sur les caissières de grands magasins. Cependant, ce supermarché est comme une bouée de sauvetage. Elle y gagne sa vie et rencontre des gens, notamment Julien, un intellectuel avec son Macintosh et Nadia, étudiante en sociologie. Grâce à Nadia, elle participera à des soirées d'étudiants (où ça sent la transpiration et le Calvin Klein) dont elle sortira dégoûtée. Pour partir en vacances, Claire loue une Clio Chipie. Elle remarque toutes les grandes surfaces qui bordent sa route. D'abord, elle retourne quelques jours chez ses parents où elle se remémore toutes sortes de bons souvenirs de son frère. Ensuite, elle part à la plage et rencontre Antoine, un photographe que Nadia séduira plus tard sans vergogne. Finalement, Claire se lie avec Julien qui semble très timide mais aussi sensible qu'elle, il ne veut que son bonheur...

17. Sylvie Medvedowski « Le merveilleux divorce de Juliette B. ».

Juliette B., la quarantaine, deux enfants, ... divorce. Son mari est d'accord. Tout se passera bien. Erreur, tout se passe mal ! Ex-mari de mauvaise foi, procédures en cascades, gamins pas faciles, gros soucis d'argent.. .Elle estime que son ex-mari doit lui assurer le train de vie qu'elle a toujours eu. Ah ! Il veut la guerre ? Il l'aura... Un acte de vandalisme perpétré sur sa Twingo déclenchera la lutte sans merci de Juliette contre son mari. En fait, Juliette a beaucoup de mal à diminuer son train de vie : elle adore la mode, les sous-vêtements chics, en un mot le luxe et tout ce que cela sous-entend de marques prestigieuses (Vuitton, La Perla, Gucci, Tods, Chanel, Lancôme, sans oublier pour ses enfants, la dernière playstation, jeux vidéo et les weekends en Irlande, les restaurants huppés...) Elle supporte son nouvel état à coup de Lexomil ou Stilnox. Mais elle rend la vie tellement impossible à son ex-mari et à sa

compagne qu'elle a gain de cause sur tout. Il paie !

18. Sophie Jabes « Caroline assassine ».

Caroline, sept ans, vit avec sa mère, ses grands-parents, sa grande soeur Solange et son petit frère Bertrand dans un deux pièces sale et délabré. C'est d'ailleurs la seule chose qu'elle partage avec sa famille : cet appartement qui sent le vieux, l'urine et le moisi. L'unique passion de Caroline, c'est la lecture. Comme elle n'a pas d'argent, elle emprunte des romans à la bibliothèque de son école. Elle ne vit que pour ces instants d'immersion littéraire qui la transportent de David Copperfield aux Malheurs de Sophie. Un jour, la mère de Caroline découvre qu'elle lit en cachette dans les toilettes, et c'est le drame : elle jette rageusement Les Misérables dans la cuvette des WC. La fillette, en quête de justice et de liberté, devrait, pour continuer à vivre, assassiner sa mère, elle accomplirait ainsi un acte de salut public en faisant payer cette femme pour sa méchanceté, pour son crime.

La cruauté des deux figures dominatrices n'a d'égale que l'indifférence d'un grand-père qui n'a plus toute sa tête et la déchéance d'un père alcoolique et incestueux. Difficile de trouver un petit coin propre et agréable dans cet univers sordide. Mais il y en a... Caroline éprouve des scrupules face à son projet au souvenir des tartines de Nutella que sa mère lui préparait quand elle était malade. Naïvement, elle pense pouvoir trouver un tueur qu'elle paierait en roudoudous et carambars. Finalement, en lui faisant ingurgiter chaque jour une dose un peu plus forte de Vesperax dans une tisane sous prétexte de la faire mieux dormir, elle tue sa mère sans s'en rendre vraiment compte, mais c'est ce qu'elle voulait...

Annexe 2 : Questionnaire distribué à la Foire du Livre de

Bruxelles en février 2005.

Madame, Monsieur,

Je m'appelle Laetitia van de Walle, je suis étudiante en langue et littérature romane à l'Université Libre de Bruxelles. Cette année, je présente mon mémoire de fin d'études dont le thème est le rapport entre la littérature et la publicité.

Plus précisément, je me suis attachée à relever les marques publicitaires citées au fil des romans pour essayer de voir pourquoi l'auteur a préféré son usage au nom commun traditionnel.

Il apparaît clairement que les raisons de son emploi varient en fonction des auteurs. Certains auteurs sont payés ; d'autres, décrivant notre réalité quotidienne, sont pour ainsi dire forcés d'utiliser des noms de marque, ce qui leur permet, en outre, de faire une économie de description. Mais il y a aussi des cas où l'utilisation de marque reste énigmatique. Parfois, quand un auteur utilise un nom de marques, il le fait car dans son esprit cette marque représente quelque chose de particulier : un souvenir de jeunesse, une connotation spécifique...Il y

a aussi des oeuvres qui ne contiennent qu'une seule marque.

Ainsi, je profite de cet événement littéraire qu'est la Foire du Livre de Bruxelles, pour vous distribuer, amis, auteurs, éditeurs, spécialistes ou amateurs de littérature, cette lettre et vous poser quelques questions.

- Pour quelles raisons, auteurs, utilisez-vous des marques ?

- Pensez-vous qu'il soit encore possible de situer une histoire dans notre quotidien sans citer de marques ?

- Saviez-vous qu'un mot comme « caddie », utilisé dans une fiction pour désigner un chariot de supermarché, peut vous créer des problèmes?

- Accepteriez-vous d'écrire un roman pour une chaîne de magasins, comme l'a fait Fay Weldon en Grande Bretagne ? Un roman sponsorisé par une grande marque d'alcool ? Ou que sais-je, accepteriez-vous d'être sponsorisé ?

- Pensez-vous que cela restreint la liberté créatrice ?

Je serais vraiment ravie de connaître votre avis sur la question. Vous pouvez me contacter par email à l' adresse lvdwalle@ulb.ac.be.

D'avance je vous remercie.

Cordialement, Laetitia van de Walle.

Bibliographie.


· Romans analysés.

- ADAM Olivier, « Je vais bien, ne t' en fais pas », Paris, Editions Le Dilettante, 1999, (Collection Pocket « Nouvelles voix » n° 11109).

- ANICION Nicolas, « Quatrième étage », Bruxelles, Editions Luc Pire, 2000.

- BARBERIS Dominique, « Le temps des dieux », Paris, Editions Gallimard, 2000.

- BEIGBEDER Frédéric, « L'amour dure trois ans », Paris, Editions Gallimard, 1997,

(Folio n° 3401).

- BERENBOOM Alain, « La position du missionnaire roux », Paris, Editions Ramsay, 1991.

- de STABENRATH Bruno, « le châtiment de Narcisse », Paris, Editions Robert Laffont, 2004.

- DELHOMME Jean-Philippe, « La dilution de l'artiste », Paris, Editions Denoël, 2001. - GAVALDA Anna, « Ensemble, c'est tout », Paris, Editions le dilettante, 2004.

- HARPMAN Jacqueline, « En toute impunité », Paris, Editions Grasset, 2005. - JABES Sophie, « Caroline assassine », Paris, Editions JC Lattès, 2004.

- MADI Malika, « Les Silences de Médéa », Bruxelles, Editions Labor, 2003.

- MEDVEDOWSKY Sylvie, « Le merveilleux divorce de Juliette B. », Paris, Editions

France Loisir, 2004, Collection Piment.

- ORBAN Christine, « le silence des hommes », Paris, Editions Albin Michel, 2003.

- PUJADE-RENAUD Claude, « Belle mère », Editions Actes Sud, 1994, (J'ai Lu n° 4538).

- POLET Grégoire, « Madrid ne dort pas », Paris, Editions Gallimard, 2005. - SARRAUTE Claude, « Dis voir, Maminette », Paris, Editions Plon, 2003. - SCHMITT Eric-Emmanuel, « Oscar et la Dame en Rose », Paris, Editions Albin

Michel, 2002.

· OEuvres citées

- ALAIN « De la vitesse », Propos, Paris, Editions Gallimard, 1969, Bibliothèque de la Pléiade.

- BEIGBEDER Frédéric, « 99 F », Paris, Editions Grasset, 2000.

- GUNZIG Thomas, « Carbowaterstoemp », Bruxelles, Editions Labor, 2005, Collection Espace Nord.

- SULITZER Paul Loup, « Le roi Vert » Paris, Editions Stock, 1983.

- VAN CAUWELAERT Didier, «L'évangile de Jimmy » Paris, Editions Albin Michel, 2004.

· Dictionnaires.

- ARON P., SAINT- JACQUES D., VIALA A. (dir) Le dictionnaire du littéraire, Presse Universitaire de France, mais 2002.

- BENAC H., Guide des idées littéraires, Paris, Editions Hachette, 1988.

- REY- DEBOVE J., REY A (dir.) Le Petit Robert, Paris, Editions dictionnaires Le Robert, 2004


· Ouvrages théoriques

- BARTHES R, BERSANI L, HAMON PH, RIAFFATERRE M, WATT I, « Littérature et réalité », Editions du Seuil, 1982.

- BARTHES R., KAYSER W., BOOTH W.C., HAMON Ph. « Poétique du récit », Editions du Seuil, 1977.

- GREIMAS, AJ, « Sémantique structurale » Larousse, 1966 (réflexions sur les modèles actantiels).

- MINGELGRUN Albert, cours d'exercices d'analyse littéraire II (narratologie). - REUTERS Yves, « Introduction à l'analyse du Roman », Bordas, Paris, 1991. - SARTRE Jean -Paul, « Qu'est ce que la littérature ? », Editions Gallimard, 1948.

· Ouvrages sur la publicité.

- CATHELAT Bernard, « Publicité et société », Editions Payot, 1968.

- Centre Pompidou, « Art & Pub », Paris, Editions du Centre Pompidou, 1990.

- KLEIN Naomi « KLEIN, Naomi "No Logo -La tyrannie des marques", la tyrannie des

marques », traduit de l'anglais par Michel Saint- Germain, Editions Acte Sud, 200 1-

2002, collection Babel.

· Ouvrages divers.

- BARTHES R, « Mythologies », Paris, Editions du Seuil, 1957.

- BOURDIEU Pierre, « la distinction », Les éditions de minuit, Paris, 1979. - LAGARDE A et MICHARD L, XXe siècle, Paris, Editions Bordas, 1968. - LEMAIRE J (dirr.), « Le français et les Belges », Bruxelles, Université de Bruxelles,

1989, La pensée et les hommes, 32èmes année, Nouvelle série, 11.

- RICHARD Lionnel, « L'aventure de l'art contemporain de 1945 à nos jours », Editions du Chêne, 2002, Hachette Livre.

· Articles de journaux.

- BOUYSSI, Nicolas, « Name Dropping » Journal Particules, Paris, octobre- novembre

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· Entretiens.

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- Demande d'information à Vincent Nykees le 20 avril 2005.

- Réponse de Sophie Jabes, par courriel, au questionnaire distribué à la Foire du Livre

de Bruxelles le 5 mars 2005.

- Réponse de Xavier Deutch, par courriel, au questionnaire distribué à la Foire du Livre

de Bruxelles le 3 mars 2005

- Réponse par courriel de Olivier Boelens (alias Daph Nobody), au questionnaire

distribué à la Foire du Livre de Bruxelles le 5 mars 2005

- Entretien à la Foire du Livre de Bruxelles avec Grégoire Polet, le 3 mars 2005.

- Réponse d'Amélie Nothomb, par téléphone, au questionnaire distribué à la Foire du Livre de Bruxelles le 6 mars 2005.

· Sites Internet pour les marques.

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- http://www.evene.fr/celebre/biographie/cerruti-6036.php

- http://www.1855.com/champagne/vin/2000030/champagne-louis-roederer-cristal/

- http://www.mephisto.com - http://www.fanta.fr/

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- http://www.bicworld.com/inter fr/stationery/product history/index.asp






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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"