Première alternance politique au Sénégal en 2000: Regard sur la démocratie sénégalaise( Télécharger le fichier original )par Abdou Khadre LO Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - DEA Science Politique (Sociologie Politique) 2001 |
Le multipartisme des « trois courants de pensée »En 1976, lorsque Cheikh Anta DIOP crée le Rassemblement National Démocratique (RND), en s'appuyant sur l'enthousiasme grandissant des ouvriers et de la jeunesse, Senghor proclame une loi sur mesure, dite des « trois courants de pensée »8(*). Ce qu'on a appelé le multipartisme limité venait donc de prendre forme et il faut attendre 1976-1977 pour voir les choses se préciser, Senghor choisissant trois courants de pensée, censés incarner la vie politique du pays. Il fallu pour cela la loi numéro 76-01 du 19 mars 1976 portant révision constitutionnelle qui modifie en conséquence l'article 3 de la constitution. Ces trois courants sont : 1°) Le courant social-démocrate que s'attribue l'Union Progressiste Sénégalaise en se rebaptisant Parti Socialiste (PS). 2°) Le courant libéral-démocrate sous la rubrique duquel le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de maître Abdoulaye Wade, crée en 1974, consent tant bien que mal à se ranger. En effet, à l'article 1 de ses statuts, le PDS annonce qu'il représente l'idéologie du libéralisme démocratique tandis que l'article 2 considère que l'objectif du parti est la mise en place d'une société socialiste. Wade considérait que le découpage de Senghor était purement théorique, ne correspondant aucunement à la réalité politique du Sénégal. 3°) Enfin, le courant marxiste-léniniste était censé être attribué au RND. Mais Cheikh Anta DIOP ne voulait pas accepter cette dernière étiquette dans un pays musulman à plus de 90%. Aussi, ce courant sera finalement incarné par le Parti Africain de l'Indépendance (PAI) de Majhmout Diop. Face à cette mesure d'ingéniosité, de nombreuses formations restaient interdites pour n'avoir pas voulu de l'étiquette imposée par le pouvoir. En tête de ces formations, le RND ; Senghor allégua comme raison que ce parti qui refusait aussi bien le marxisme-léninisme que le libéralisme ne pouvait entrer dans aucune catégorie prévue par la nouvelle législation d'autant plus que l'adversité de son leader était vue comme une « opposition crypto-personnelle ». En 1978, une révision constitutionnelle permit au Sénégal de se doter d'un quatrième courant de pensée. Le courant conservateur représenté par le Mouvement Républicain Sénégalais (MRS) de Boubacar Guèye complétait ainsi le paysage politique dessiné par Senghor. Officiellement, le législateur voulait par ce découpage stricte, éviter une anarchie qui découlerait d'un trop plein de partis ne poursuivant qu'un but électoraliste ou pire d'intérêts particularistes. Mais il n'échappera pas aux personnes avisées que le président-poète, grand admirateur de la France et de la langue française, voulait un paysage politique qui ressemblait le plus possible au modèle français. C'était donc là, la vraie image de ce qu'on a appelé « l'ouverture démocratique », orchestrée par Senghor. Malgré cela le régime de Senghor proclamait surtout à l'étranger, qu'il adhérait aux principes de la démocratie, mais « à l'africaine ». Il faudrait peut être plus parler d'une démocratie tournée vers l'extérieur ou de propagande. Néanmoins, Senghor apparaissait aux yeux de l'opinion internationale comme un démocrate et un chef d'Etat modéré, qui n'avait rien à voir avec la réputation dictatoriale de la plupart de ses pairs africains. * 8Ce pluralisme limité n'aurait été que « le mystère de la sainte trinité (3 en 1 et 1 en 3) », selon l'expression de P -F Gonidec, les systèmes politiques africains, LGDJ, Paris, 1978, p. 166. Voir aussi F. Zucarelli, « L'évolution récente de la vie politique au Sénégal », Revue française d'études politiques africaines, juillet 1976, pp. 85-102, voir aussi, Ibrahima Fall, sous-développement et démocratie multipartisane : l'expérience sénégalaise, Nouvelles Editions Africaines, Dakar-Abidjan, 1977. |
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