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L'impérialisme culture occidental et devenir de la culture africaine: Défis et perspectives

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par Bernard ZRA DELI
Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua - Fin de cycle de Philosophie (Licence) 2008
  

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II.2.3.1. Les langues africaines

Élément fondamental, pilier de la culture, la langue reste la manifestation la plus haute de la culture d'un peuple donné. La diversité ethnique et culturelle est d'ordre linguistique car c'est à travers sa langue qu'un peuple ou un ethnie se définit, s'identifie et se reconnaît comme tel par rapport aux autres. Toute diversité humaine se joue à ce niveau élémentaire de la culture.

Avec des forums aujourd'hui démultipliés de la francophonie ou mieux « francophobie » et du Commonwealth, cette dimension linguistique culturelle semble s'effriter de plus en plus en Afrique laissant place à la naissance des petits africains français ou anglais coupés de leur source linguistique. Le constat est réel et passe presque inaperçue. Au milieu d'une mosaïque des peuples africains le phénomène d'extinction des langues est fort palpable. Ce qui entraîne la réduction des Africains dignes de ce nom à l'apathie des peuples en voie d'extinction.

Sous l'effet de la déculturation, l'abandon des langues africaines est inquiétant. Car la disparition des langues s'accompagne de la perte de la vision du monde de tout un peuple c'est-à-dire de sa sagesse. « L'abandon des langues équivaut [...] à une perte de la culture (...). »68(*) Il suffit qu'un regard se promène sur nos jeunes africains pour toucher ce fait du bout de doigt. Les citadins en sont les grandes victimes. Combien d'eux connaissent quelque chose de leur culture, leur langue maternelle ? Combien en parlent, combien de déracinés en fabriquons-nous toutes les fois où nous n'avons pas voulu faire acquérir la connaissance de nos langues à nos enfants?

À l'école, le fait est encore aigu et crucial. L'abandon actuel que subissent nos langues laisse surprises, frustrations et anxiété aux générations futures qui étudieront l'histoire de leur peuple en d'autres langues. La surprise sera grande. V.Y. MUDIMBE constate et souligne que :

« Le jeune africain va apprendre une langue étrangère qui lui permettra, selon les normes intellectuelles consacrées, de communier aux valeurs d'une tradition et d'une culture insigne, certes, mais étrangers. Et lorsqu'un jour, il sortira du Lycée, il s'interroge sur sa propre histoire et le passé de son milieu, c'est avec regard fortement marqué qu'il lira, le plus souvent en langue étrangère, le destin passé des siens, sa propre condition dans le présent et les perspectives futures de sa terre et de sa culture. »69(*)

Et comment leur demandera-t-on d'être ce qu'ils doivent être quand, dans la situation actuelle, nous avons fait d'eux des acculturés, des aliénés et des dépersonnalisés prêts à ingurgiter le patrimoine culturel de l'autre au détriment du leur ?

L'éducation aux langues étrangères à savoir le français, l'anglais, l'allemand ou l'espagnol imposée à nos enfants est un risque pour l'avenir de la culture africaine. Pendant l'enfance, l'acquisition de la langue maternelle et autres langues est d'une grande importance. C'est à partir de là que se formera en lui le sens de son appartenance à un groupe social, l'acquisition de sa racine et de la formation de son identité culturelle. Nul n'ignore en effet que « pour l'enfant, apprendre la langue maternelle, c'est à la fois se constituer comme personne distincte et s'identifier à une culture. »70(*) Connaissant sa langue en profondeur, on serait heureux de pouvoir connaître plus la signification et les extensions de certaines notions philosophiques en les explicitant davantage en sa langue. Savoir que « Abeng » traduit le beau dans toute sa dimension en Ewondo ; « mehele », la morale en kapsiki et « Wud », l'amour vrai en Guiziga, ... est une grande richesse pour les peuples qui liront et comprendront ces notions en leur langue. L'urgence de la reconquête de notre identité culturelle à ce niveau doit passer « par une étude épistémologique et historique de nos langues [...] toutes nos langues font référence à des formes littéraires, des symbolismes et des techniques de production de biens et services. »71(*) L'apprentissage de ce qui constitue le suc culturel est une richesse pour notre devenir ; ce qui éviterait la production des déracinés et des défroqués. Et si aujourd'hui Albert TEVOEDJRE a pu dire avec regret que : « si j'étudie avec intérêt une langue aussi parfaite que le français, je regretterai toujours d'avoir été obligé d'apprendre d'abord le français, de penser en français, d'ignorer ma langue maternelle ; je déplorerai toujours qu'on ait voulu faire de moi, un étranger dans ma propre patrie !»72(*), c'est qu'il a découvert par la suite la richesse de sa langue maternelle et qu'il a trouvé une nécessité d'apprendre cette langue. Dans ces situations, on peut espérer que le génie africain saura s'exprimer librement et imposer sa marque à travers quelque langue que ce soit comme la pensée occidentale a su trouver son originalité à travers la forme latine imposée par le colonisateur romain.73(*) On accédera ainsi à une richesse universelle par ces langues africaines par la saisie en elles de l'universel et à une assise d'envol pour la réalisation de l'homme africain. Car, éléments moteurs et essentiels de notre culture, nos langues africaines nous permettent d'accéder à l'héritage de ce que nous a légué le passé, de ce que compose pour nous le présent et de ce que sera fait notre avenir74(*). La pérennité de nos cultures dépend d'elle. Elle nous lie et reste un fil conducteur sur lequel nous devons nous accrocher pour notre épanouissement total.

La réhabilitation des langues africaines doit interpeller chacun. La révolution culturelle doit avoir pour but principal cette tâche dans l'élaboration de l'homme total, désaliéné, libre de toute contrainte, prêt à participer à la révolution des esprits et capable d'organiser sa vie pour le progrès par l'accès aux techniques. Conscients de cette nécessité de conservation des multiples langues africaines (environ 1500) qui disparaissent sous nos yeux, bon nombre des pays du continent noir, au moyen de l'Internet, se sont évertués à créer des sites d'apprentissage de ces langues : le lingala, le swahili, le wolof,...Certaines universités occidentales en ont fait des filières. Un exemple qu'il faut copier dans nos propres universités. Paradoxalement, c'est en parlant français que nous nous sentons vraiment des Africains75(*).

L'Afrique est appelée sans doute à s'ouvrir, à échanger avec les autres continents sous peine de périr dans l'isolement. Elle doit apprendre aussi d'autres langues qui lui sont étrangères. Cependant, l'apprentissage de ces langues étrangères ne doit pas la conduire au mépris de ses langues maternelles qui, du reste, constituent sa fierté et sa richesse culturelle.

* 68LABURTHE-T.P., -BUREAU R, Op. Cit., p. 112.

* 69 MUDIMHE V. Y., Op. Cit., pp. 110-111.

* 70 PAULME D., Dictionnaire de la philosophie africaine, Paris, Fernand Hazan, 1968, p. 218.

* 71 KEVIN WATKINS, « Identité culturelle », (PNUD), Site Internet

* 72 TEVOEDJRE A., cité par SOW I A., Op. Cit., p. 45.

* 73 Cf.LABURTHE-T.P, -BUREAU R., Op. Cit., p. 113.

* 74 Cf. SEYDOU B. K., cité par KEVIN WATKINS, (PNUD), Site Internet

* 75 Cf. HOUPHET-BOIGNY F., Op. Cit. , p.135.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry