GRAND SEMINAIRE SAINT AUGUSTIN DE MAROUA
EXTREME - NORD CAMEROUN
Année académique 2004/2005
IMPERIALISME CULTURELE OCCIDENTAL
ET DEVENIR DE LA CULTURE AFRICAINE :
DEFIS ET PERSPECTIVES
Mémoire de fin de cycle de PhilosophieCette
partie ne fait pas partie du mémoire, mais n'est que comme
PRELUDE
Éminents membres du jury
Chers formateurs et professeurs
Chers camarades et amis Séminaristes
Chers invités
Nous vous souhaitons la bienvenue dans cette salle où
se déroule les séances de soutenances de mémoire de fin de
cycle de Philosophie.
Impérialisme culturel occidental et devenir de
la culture africaine : Défis et perspectives. Tel est le
thème de soutenance que nous avons choisi pour notre recherche.
Le vertigineux progrès que connaît le monde
présent semble avoir pour toile de fond le brassage culturel. Toutes les
entreprises humaines se dessinent sur la base de la culture devenue
pluridimensionnelle. Toutes fois, dans leurs diversités, les cultures
cherchent à se compléter et à se phagocyter les unes les
autres. La dimension sociale de la réalisation humaine a fait
qu'aujourd'hui aucune culture ne peut vivre en autarcie.
Cependant, au rendez-vous du donner et du recevoir
culturel, celle-ci revêt un nouveau visage. Le choc culturel, ce
« sentiment de profonde désorientation qu'éprouvent
les personnes et les groupes mis soudainement en contact avec un milieu
culturel dont les traits se révèlent inconnus,
incompréhensibles, menaçants »1(*), a provoqué dans nos
sociétés modernes des grandes mutations laissant place à
l'érosion des valeurs morales, à la perte d'identité
culturelle et au déséquilibre interne.
Au rythme du brassage culturel, on est porté à
croire qu'à la longue, la culture des peuples africains risquerait de
disparaître du fait de sa marginalisation, de son abandon par la
complicité des Africains eux-mêmes au profit d'une culture pseudo
occidentale. En effet, le choc cultuel a apporté un déplacement
de sens : les Africains ne sont plus eux-mêmes parce que victimes
d'une aliénation culturelle causée par un regard tourné
vers l'extérieur qui a fini par endormir les consciences et par jouer le
rôle de « l'opium du peuple » au point de
constater avec Emmanuel MOUNIER que « la plupart des Noirs ont
honte d'être noirs, une honte secrète qu'ils ne font pas la leur,
mais qui hante jusqu'à leur fierté. »2(*) Ce constat est pertinent
à plus d'un titre ; car nombre d'Africains fuient aujourd'hui leur
identité, leur réalité culturelle. Nombre sont ceux qui ne
savent rien de leur culture, de leur langue maternelle. La
société africaine d'aujourd'hui nous fabrique des
déracinés, des aliénés et acculturés de
toute sorte autant que nous les voudrions.
Dans une Afrique duale qui a encore la nostalgie du
passée et qui embrasse le modernisme dans toutes ses dimensions sans
esprit critique, avec parfois l'apparition des élites
déracinés, assimilés, extraverties, et coupées de
leur peuple, plongée dans « une vision
déformée et déformante des réalités
culturelles du continent »3(*), des inquiétudes planent sur le devenir
socio-culturel africain. L'entrée de l'Afrique dans le nouveau village
planétaire est perplexe. La rencontre avec la prochaine histoire est un
marché où l'Afrique ne sera qu'une pure consommatrice portant sur
son dos une culture amoindrie. Dans cette Afrique se dessine un paradoxe qui
fait qu'on ne sait plus quelle voie emprunter. Car « à ne
pas vouloir sortir des sentiers battus, à ne pas oser plonger dans les
eaux profondes, pour y jeter nos filets (Lc5, 4), nous nous contenterons des
fretins du rivage et demeurerons des pêcheurs infirmes, tournant sur
nous-mêmes, sans jamais affronter les courants contraires et les vents du
large. »4(*)
Devant cette crise d'identité culturelle qui jonche nos
rapports sociaux, une question attire notre attention. Que deviendra la
culture africaine face à cette influence imposante de la culture
occidentale ? Faudrait-il rester bouche close devant cette
désorientation totale qu'a engendrée le choc culturel dans nos
familles ? Comment donc passer les yeux fermés quand, sur nos
routes quotidiennes, nous rencontrons nombre d'Africains, tant de jeunes et
adultes déracinés et quand nous sommes en face des gens qui ne
veulent même pas entendre parler une quelconque langue africaine pour se
réclamer d'une culture dont les tenants et les aboutissants leur sont
inconnus ? N'est-il pas temps pour le continent noir de réviser sa
politique culturelle comme l'ont fait les nouveaux pays industrialisés
d'Asie et d'orienter autrement la question de son développement qui ne
saurait passer de sa culture ? N'est-il pas temps pour elle de repenser sa
culture pour son insertion dans la modernité, de faire une analyse
objective de son passé, une critique rigoureuse de son présent
pour déterminer la voie de l'avenir, de faire un retour à sa
source culturelle pour y puiser les valeurs humaines, ultimes et passer au
modernisme sans s'aliéner ? Voici tant de questions qui ont
attiré notre attention et qui nous ont orienté vers ce
thème inspiré des réalités quotidiennes.
Face à l'assaut direct et brutal des schèmes
culturels différents, l'Africain se trouve aujourd'hui pris au
piège de tant de pseudo-valeurs qui le dépersonnalisent ; il
y a une nécessité de prendre une part importante au réveil
des consciences pour une révolution culturelle africaine humanisante. Ce
projet vise en effet à détruire les pseudo-valeurs culturelles
qui détruisent le tissu culturel du contient noir en saccageant son
insertion dans l'histoire de l'humanité. C'est en cela que consiste
notre intitulé : Impérialisme culturel
occidental et devenir de la culture africaine : Défis et
perspectives. Et pour examiner en profondeur cette question,
nous nous grimpons sur l'épaule du géant William ETEKI'A MBUMUA
dans son oeuvre : Un certain humanisme.
Fin du prélude
INTRODUCTION GENERALE
Le vertigineux progrès que connaît le monde
présent semble avoir pour toile de fond le brassage culturel. Toutes les
entreprises humaines se dessinent sur la base de la culture à telle
enseigne que cette dernière est devenue pluridimensionnelle. Toutefois,
dans leurs diversités, les cultures cherchent à se
compléter les unes les autres. La dimension sociale de la
réalisation de l'homme fait qu'aujourd'hui aucune culture ne peut
prétendre vivre en autarcie.
Cependant, au rendez-vous du donner et du recevoir
culturel, les choses semblent ne plus marcher comme elles se doivent. Le
choc culturel, ce « sentiment de profonde désorientation
qu'éprouvent les personnes et les groupes mis soudainement en contact
avec un milieu culturel dont les traits se révèlent inconnus,
incompréhensibles, menaçants »5(*), a provoqué dans nos
sociétés modernes des grandes mutations laissant place soit
à l'érosion des valeurs morales, soit au perte d'identité
culturelle, à la dépersonnalisation et au
déséquilibre interne qui rendent difficilement maîtrisable
l'avenir culturel de certains peuples.
Au rythme du brassage culturel, on est porté à
croire qu'à la longue, la culture des peuples africains en particulier
risquera de disparaître du fait de sa marginalisation, de son abandon
par la complicité des Africains eux-mêmes au profit de la culture
occidentale. Le choc culturel a apporté un déplacement de
sens : les Africains ne sont plus eux-mêmes parce que victimes d'une
aliénation culturelle causée par la culture
étrangère qui a fini par endormir les consciences et par jouer
le rôle de « l'opium du peuple » au point de
constater avec Emmanuel MOUNIER que : « La plupart des Noirs
ont honte d'être noirs, une honte secrète qu'ils ne font pas leur,
mais qui hante jusqu'à leur fierté. »6(*) Ce constat est pertinent ;
car nombre d'Africains se réclament Français ou Anglais et fuient
leur identité culturelle.
Dans une Afrique duale qui a encore la nostalgie du
passé et qui embrasse le modernisme dans toutes ses dimensions sans
esprit critique, avec l'apparition des élites assimilées,
extraverties et coupées de leur peuple avec « une vision
déformée et déformante des réalités
culturelles du continent »7(*), des inquiétudes planent sur le devenir
socio-culturel africain. L'entrée de l'Afrique dans le nouveau village
planétaire est perplexe car l'apparition de ces élites
aliénées ne permet pas un dialogue d'égal à
égal. La rencontre avec la prochaine histoire est un marché
où l'Afrique ne sera qu'une pure consommatrice car portant sur son dos
une culture amoindrie. Dans cette Afrique se dessine un paradoxe qui fait qu'on
ne sait plus quelle voie emprunter. Car, « à ne pas
vouloir sortir des sentiers battus, à ne pas oser plonger dans les eaux
profondes, pour y jeter nos filets (Lc 5,4), nous nous contenterons des fretins
du rivage et demeurerons des pêcheurs infirmes, tournant sur
nous-mêmes, sans jamais affronter les courants contraires et les vents du
large. »8(*)
Descendant encore plus bas dans nos traditions, nous sommes appelés
à confronter nos valeurs traditionnelles avec la modernité et non
à les rejeter par un pur snobisme au nom d'une quelconque
modernité.
Devant cette crise d'identité culturelle et du sens
d'appartenance sociale qui jonchent nos rapports sociaux, une question attire
notre attention. Que deviendra la culture africaine ? En d'autres termes,
qu'attendons-nous de l'avenir de la culture africaine? En effet, l'Afrique
se trouve plus que jamais divisée, désorientée ou alors
« mal partie » comme le notait René DUMONT. Il est
temps pour elle de repenser sa culture pour son insertion dans la
modernité, de faire une analyse objective de son passé, une
critique rigoureuse de son présent, de déterminer la voie de
l'avenir pour son plein accomplissement, de faire un retour à sa source
culturelle pour y puiser les valeurs humaines, ultimes et passer au modernisme
sans s'aliéner. L'urgence d'une révolution culturelle aboutissant
à l'avènement « d'hommes nouveaux, totalement
désaliénés, comprenant la nécessité pour eux
de se libérer, de transformer la nature humaine, prêts à
participer à la révolution des esprits et à organiser le
progrès, par l'accès aux techniques et à la science, pour
la maîtrise consciente et total de nos destins »9(*) pour l'avenir des Africains et
de leur culture nous interpelle. La promotion de la culture africaine avec
ses problèmes d'aujourd'hui s'impose à nous, Africains, pour la
sauvegarder des impasses, de l'oubli et pour nous permettre d'être ce que
nous sommes et de devenir ce que nous devons être. L'inquiétude
que provoque cette situation nous a orienté vers ce thème
intitulé : Impérialisme culturel occidental et
devenir de la culture africaine : Défi et perspectives. La
complexité de ce thème nous conduit à la première
partie passera en revue la physionomie d'ensemble des relations
interculturelles. La deuxième partie consacrée
à la culture africaine, nous fera découvrir ce qu'est la culture
africaine, sa nature, son essence et ses caractéristiques, puis les
différents problèmes auxquels elle fait face aujourd'hui :
aliénation culturelle, l'ethnocentrisme, le phénomène
d'acculturation. Enfin, la troisième partie mettra en relief les
différentes voies et perspectives pour la promotion de la culture
africaine. A la lumière de Un certain Humanisme, oeuvre de
William ETEKI'A MBUMUA dans lequel ce dernier saisit avec pertinence la
problématique du devenir la culture africaine et suivant une
méthode analytico-descriptive, nous cernerons ce thème,
aujourd'hui d'actualité et plus que jamais.
I. PARTIE
PHYSIONOMIE D'ENSEMBLE DES
RELATIONS CULTURELLES
I-1. Les concepts :
Culture et Cultures
La culture touche tous les domaines de la vie humaine. Sa
définition est contextuelle. Voilà pourquoi on parle de
culture comme connaissance ou sagesse, comme production agricole ou
mieux comme civilisation d'un peuple. Instance spirituelle et normative de la
société, la culture fait de l'être humain un être
historique, le détermine dans son expression fondamentale de l'humain,
dans ses actes, sa singularité et dans sa vision du monde. On ne
pourrait dans cette dynamique considérée une personne sans
culture. Et selon les termes d'Achiel PEELMAN « chacun de nous
baigne dans sa culture comme un poisson dans l'eau. »10(*) Et celle-ci, dans ses
manifestations que sont la morale, la religion, l'art, la tradition nous suit
comme une ombre dans tout notre passé et notre quotidien. Nous ne
pouvons en aucun jour nous en séparer puisque regroupant toutes les
sphères de notre vie et de notre être. Il y a donc lieu de
définir l'homme comme un animal culturel. Ce n'est donc pas surprenant
que soucieux de leur avenir, du devenir de leur être, tous les hommes
« parlent d'identité culturelle, de dialogue des cultures,
de développement culturel, de révolution culturelle,
d'évangélisation des cultures. »11(*) Le dynamisme culturel de nos
jours n'est que l'expression de la culture comme base fondamentale de tout
être humain. La culture est ainsi dans son expression profonde le reflet
de tout l'univers de l'homme dans son milieu de vie car elle surgit dans ce que
nous sommes, dans nos connaissances, nos Us, nos moeurs, nos traditions et nos
croyances. On pourrait dire que nous sommes ce que notre culture a fait de
nous. Et rejoignant Achiel PEELMAN, nous disons que « chacun de
nous, dès le premier jour de sa vie, a été
programmé, éduqué ou endoctriné dans une seule
façon d'être humain »12(*) selon les normes et les
valeurs de sa société capable de lui procurer vie et
liberté en rapport avec son milieu ambiant.
Et si la culture est le signe, la mentalité et
l'être vital d'un peuple donné, il y a lieu d'utiliser le mot
culture avec diversités des valeurs. Il faut noter ainsi qu'il
n'y a pas des peuples sans culture car chaque peuple essaie suivant ses
possibilités de se rendre la vie plus facile dans son milieu ambiant en
essayant de dominer celui-ci au risque de se faire écraser. Entendons
par cultures, la diversité des sociétés ayant
chacune sa façon d'être et de résister à la
domination de son milieu. Et comme les problèmes ne sont jamais les
mêmes pour toutes les sociétés, il y a lieu de parler des
diversités culturelles. On emploie ainsi le terme cultures au
niveau des groupes, des ethnies et des tribus comme ce qui crée des
particularités et des différences les unes des autres. La culture
est alors conçue comme la façon de chaque peuple à
s'adapter à son environnement. Tous les peuples du monde se
différencient par leur façon d'être et de faire. Il est
important de dire avec MBUMUA que :
« Les hommes ont inventé des cultures
différentes en fonction de leurs préoccupations conjoncturelles,
de leur subjectivité, de leurs goûts et de leur tempérament
respectifs qui sont par essence, insuperposables. Les cultures humaines sont
donc soumises au principe de la relativité et de pluralisme. Et
comprendre une culture, c'est trouver le motif prédominant qui l'a fait
naître et a pu lui permettre de se développer
efficacement. » 13(*)
La culture est comprise dans cette optique comme tout
génie du genre humain qui permettra à chaque peuple
d'éclairer le jour au jour ses dimensions proprement humanistes tant
pour l'individu que pour la société.
Au-delà de toutes ces diversités culturelles,
l'aspiration de toutes les sociétés reste la même :
parvenir à créer des conditions d'épanouissement de chaque
individu. La culture devient pour tout homme ou toute société
« un plan de vie à réaliser qu'un produit
déjà fini. »14(*) Elle incorpore la dimension ontologique et
anthropologique de l'homme. Elle apparaît ainsi comme force de
libération d'un soi transcendant à tout l'ordre du
spatio-temporel dans une vision globale de la croissance humaine, une
croissance d'un monde vital mis en ses différents membres. Elle est
aussi la « réalisation suprême de l'homme,
appelé à se dépasser sans cesse intellectuellement,
moralement, dans une vie individuelle et
communautaire. »15(*)
C'est à ce niveau
qu'intervienne la définition moderne de la culture à laquelle
tout le monde aspire. La culture se saisit dans ces conditions comme fonction
de la réalisation humaine, d'où le devoir de chaque personne
d'appartenir à une culture sans laquelle elle ne peut atteindre son
plein accomplissement. Il modèlera ainsi sa nature et trouvera sa raison
d'être humain dans sa culture. Le sens d'appartenance culturelle se veut
un « impératif catégorique »
à ne jamais perdre de vue. C'est dans cette dynamique que le pape
Jean-Paul II pense qu'être homme, « signifie
nécessairement exister dans une culture
déterminée. »16(*) Il est donc nécessaire que l'homme soit
situé dans le réseau de ses appartenances culturelles. La culture
est le propre d'un homme ou d'une société. Edouard HERRIOT
l'identifie à l'érudition en affirmant que la culture est
« ce qui reste quand on a tout
oublié. »17(*) Elle reste ce que nous procure l'éducation.
Chez Ralph LINTON elle est « le mode de vie d'une
société »18(*) c'est-à-dire la manière d'être et
de faire propre à cette société. Loin d'être une
connaissance inconsciente, la culture est une transformation consciente de la
nature.
La culture, au sens de la pensée africaine, doit
contenir une force de libération capable de conduire aux valeurs
essentielles. Chez le négro africain, elle est la conscience d'un peuple
matérialisée par l'une des activités sociales. Il
s'avère donc nécessaire et même indispensable de
créer de nouvelles dimensions et de nouveaux critères à la
culture humaine dans le processus de la réalisation de l'individu et de
toute la communauté planétaire ; car
« l'élément moteur de la possibilité
même du développement humain d'un peuple pouvant le conduire
à un niveau de vie plus digne de sa noblesse ont été,
toujours et partout, et demeurent la valeur et la consistance de sa
culture. »19(*)
I-2. Historicité des
relations interculturelles
Les rencontres des peuples de civilisations différentes
au cours de l'histoire ont donné lieu à des mutations profondes
sur le marché culturel. Ces contacts ont fait naître aux yeux des
différents peuples des besoins de relations culturelles ethniques,
nationales et internationales qui, de nos jours, ont abouti au
phénomène du village planétaire. De ces relations
multiraciales sont nées également des crises sociales
générales et les peuples sont désormais appelés
à réviser leur façon de faire et d'être. Aucune
culture n'est épargnée. Toutes sont interdépendantes et
complémentaires car chacune tire dans l'autre des
éléments qui l'enrichissent et la revalorisent.
Datant des décennies, ces relations culturelles se sont
multipliées de nos jours avec l'éclosion de toutes les structures
sociales par le commerce d'idées, d'oeuvres artistiques et
littéraires, les voyages et le phénomène de la
mondialisation. L'avènement de l'Internet n'est pas à perdre de
vue. L'entrée en scène de toutes les valeurs culturelles stimule
la pensée et l'ébranlement des esprits. C'est surtout la soif de
se compléter, de connaître la culture de l'autre et l'esprit de
curiosité qui a donné naissance à de telles relations.
Dès lors, « la situation d'autarcie se trouve
altérée lorsque les communautés entrent en contact avec
d'autres sociétés disposant d'un produit de grande utilité
qu'elles ne possèdent pas
elles-mêmes. »20(*) La mutation radicale de la structure sociale devient
ainsi fonction des nouveaux éléments dans la culture d'accueil.
Ces échanges présentent des intérêts aux yeux de
toutes les sociétés. Raison pour laquelle une aspiration commune
se crée au milieu de tout le genre humain :
« développer les échanges culturels entre les
peuples, faciliter une connaissance et une compréhension
réciproque sur le plan culturel. »21(*) Ainsi, l'isolement culturel
n'est plus possible et sur le marché culturel, reculent les
frontières des États les unes après les autres. Ces
relations culturelles sont des contacts volontiers entre différents
peuples sans souci d'annexions des groupes sociales. Ces relations de
premières heures demeurent-elles aujourd'hui les mêmes?
De nos jours, ces relations sont tellement
développées que la culture est devenue une arme politique, une
force d'affirmation de soi. Face à ce nouveau visage, l'identité
culturelle devient une question de survie qu'il faut chercher à
défendre, à conquérir dans ce métissage de styles,
des modes et de croyances enracinées dans des cultures. La
multiculturalisation, processus d'une émergence des identités
culturelles diverses et prise en considération de celles-ci, se fait
sentir. L'identité culturelle, « expression qui
déclenche, selon les tempéraments et les tendances, des torrents
d'affectivité et de passion, quand ce n'est pas une véritable
allergie »22(*), tient une place de choix dans ces relations
culturelles. Les relations de coopération, les échanges culturels
sont souvent fortement liées et associées à des
inégalités sociales, à une exploitation poussée qui
fragmente la culture en une pluralité de forteresses. Dans une telle
relation, les minorités ont du pain sur la planche. Les
particularités spécifiques culturelles ne sont plus
respectées. Les échanges, les emprunts et les influences prennent
d'autres formes.
L'Afrique n'est pas épargnée de ces rides
culturelles. Elle est d'ailleurs la plus concernée vue qu'elle se
présente comme le dépotoir de la culture occidentale.
Exposée au monde et appelée à rejoindre l'universel, elle
a à s'enraciner dans un lieu et dans une histoire pour faire partie de
la culture métissée de demain, riche en identités et en
appartenances multiples. Mais le pari n'est pas facile. Elle doit se donner
sens dans le nouveau village planétaire. Pour y arriver, Jules ATANGANA
propose un retour aux sources des valeurs humanistes :
« Sur une planète chaque jour
interdépendante, où les peuples ont de plus en plus besoin les
uns les autres, l'Afrique a le devoir de faire un retour sur ses valeurs les
plus humanistes, qui lui permettent d'apporter au monde sa contribution
positive à la recherche d'une paix qui réponde aux aspirations
légitimes de tous les hommes à la liberté, au
progrès et à la fraternité. »23(*)
La saisie de soi comme être existant dans le monde doit
battre de l'aile au niveau africain. La nécessité de croire en
soi et en ses valeurs culturelles pour s'arracher de la psychose qu'on a
vis-à-vis de sa culture n'est pas à démontrer. Une
invitation du fond du coeur et un vibrant appel sont lancés aux
Africains pour faire face aux défis d'être actuel, pour devenir ce
qu'ils doivent être, garder à coeur leur dignité
anthropologique et faire face à l'histoire.
Pour échapper à cette influence négative
des cultures étrangères, les Africains doivent s'inculturer. Ils
doivent mettre en valeur leur culture et s'y enraciner pour être
identifiés au rendez-vous du donner et du recevoir. Pour ce
fait, le retour aux sources est incontournable et l'inculturation est une
condition sine qua none.
I.3. LES TYPES DE RELATIONS CULTURELLES
I.3.1. LE DYNAMISME CULTUREL
Les cultures vivent et se
« promènent » avec les hommes. Les
différentes cultures que nous rencontrons sont des organismes vivants,
dynamiques qui se communiquent et se transforment. Lamine DIAKHATE le note
fortement : « Ces cultures nationales continuent de vivre et
de se développer au sein du peuple... »24(*) Les cultures ne sont jamais
statiques, mais par leurs contacts quotidiens et permanents, elles sont en
perpétuelle évolution d'enrichissement. De ces contacts naissent
des changements intérieurs des cultures.
La transformation culturelle donne d'ailleurs son sens
plénier à la culture qui est l'effort d'une personne ou d'une
société à sortir du nuage de son ignorance. MBUMUA l'a si
bien remarqué, que dans la culture, un dynamisme d'avenir est
possible :
« ...même si la culture populaire est le
souvenir réconfortant des rêves et des espoirs communs, elle ne
peut, ne doit se figer. Elle doit évoluer avec le temps et les
transformations que les hommes et les événements impriment au
milieu. De se figer elle se momifie en culture de musée, en objet de
curiosité, en sous-culture, et ne joue plus le rôle dynamique de
dépassement, son rôle de « grande réserve de foi
et de force, où les hommes puisent, dans les moments critiques, le
courage d'assumer et de forcer
l'avenir ».»25(*)
Ce dynamisme culturel produit aussi des mutations sociales
tant positives que négatives car au sens d'Achiel PEELMAN, les cultures
naissent et disparaissent, connaissent des périodes d'apogée, de
déclin, de stagnation et de renaissance 26(*) dans leurs parcours.
L'avènement de nouvelles cultures que connaissent aujourd'hui toutes les
sociétés humaines, qui s'encrent dans les mentalités et
les moeurs, n'est que le résultat de ce dynamisme culturel auquel aucune
société ne peut résister. C'est dans cette situation que
prend place le « conflit des
générations » où les parents deviennent de
plus en plus des étrangers à leurs enfants, des immigrants dans
leur propre famille. Dans ce contexte quelques fois, l'anormalité
devient la normalité, l'immoralité la morale,
phénomène aigu auquel fait face aujourd'hui les
sociétés. Dans un tel défi, s'opèrent les
mutations. Évidemment, dans leur déplacement et transformation,
les cultures s'originalisent, se particularisent les unes envers les autres. Le
phénomène des rencontres culturelles reste selon Jules ATANGANA,
la capacité intérieure de façonner les données
culturelles. Même si la personnalité d'une culture doit se former
et s'affermir en fonction des contacts avec les autres :
« il faut se rendre compte, en effet, qu'une culture n'atteint sa
dimension véritable à l'intérieur de ses frontières
nationales. Sa valeur et sa pérennité se mesurent à sa
capacité d'expansion, c'est-à-dire à l'importance de ses
composantes susceptibles d'avoir un impact dans d'autres
pays. »27(*) Ainsi, les cultures mesurent leur puissance dans leur
dynamisme.
Bien que permettant de découvrir la richesse de
l'histoire, de la joie de vivre, les valeurs nouvelles, les relations
culturelles sont souvent source d'incompréhension, de conflit,
d'ambiguïté. Dans les contacts et les mutations de la structure
sociale se produit une crise générale conduisant soit au
progrès, soit à l'oppression de l'un des peuples en
présence. C'est de ces relations que prend naissance le
phénomène d'impérialisme culturel produit par le contact
de deux ou de plusieurs cultures différentes.
I-3.2. L'IMPERIALISME CULTUREL
La rencontre avec « l'autre » n'a jamais
été à priori positif. Elle a souvent créé un
esprit de domination. Le monde culturel n'est pas épargné de ce
phénomène de domination parce que c'est l'homme qui
véhicule la culture. Cependant, il n'existe pas jusqu'aujourd'hui un
étalon du jugement de valeur. Toutes les cultures se valent dans la
mesure où chacune d'elle répond à une des
préoccupations d'un peuple donné. Avec la montée
vertigineuse de la volonté de puissance de trois
mondes aujourd'hui: l'Amérique, l'Europe et l'Asie, l'on ne cesse
de s'interroger sur le devenir de la culture des minorités.
En Afrique, l'impérialisme culturel occidental demeure
l'opium du peuple28(*). Il
impose ses conceptions, ses formes de vie et ses jugements. Cette ambition
impérialiste est de plus en plus aiguë et fait de la culture une
arme offensive et défensive masquée par l'essor des mass
médias, des nouvelles technologies qui séduit de milliers de
peuples aux cultures « pauvres ».
L'impérialisme culturel occidental en Afrique place dans une incertitude
sur l'avenir des peuples minoritaires dans le « village
planétaire ». C'est une forme d'asservissement,
d'assujettissement des minorités, une pieuvre à mille tentacules
qui pénètre allègrement nos âmes.
Ce phénomène de domination s'exprime dans
l'abandon de sa propre culture pour s'approprier celle de l'autre. Dans une
telle circonstance, on ne cherche plus à être soi-même. Il y
a là une fuite de la réalité de soi. Être comme
l'autre si on ne peut pas devenir lui, tel est l'idéal ou la
pensée qui ne cesse de hanter en ce moment les esprits des
minorités. Réfléchir, penser, être, parler, vivre
n'est plus le fruit de ce qu'on est, mais celui de l'autre, du dominant qui
reste tout de même périlleux. Les médias sensés
informer et sensibiliser le peuple sur sa situation l'ont fait plutôt
endormir en Afrique. Et comme le dit si bien René DUMONT, l'Africain
cherche « à raisonner comme Descartes ou
Bacon, se sert des biens de consommation européens. Il vivra
bientôt en admiration irraisonnée, et plus que jamais depuis
l'indépendance, devant ce qui vient du Royaume-Uni, en Afrique
anglophone ; de Belgique, au Zaïre ; de France, en Afrique
francophone. »29(*) Ce propos illustre bien notre situation d'hommes
africains divisés au-dedans de nous-mêmes et surtout
tournés vers l'autre.
Il est vrai que la rencontre avec l'autre peut être
enrichissante dans le cas où nous sachions tirer profit de ce qu'il nous
présente. À cet effet, nous devons marier la nouvelle
façon de faire avec les circonstances de notre milieu social. Pour
preuve, le Japon nous en dit mieux à ce niveau. Car ce pays a su
s'ouvrir au monde, aux nouvelles valeurs apportées par l'autre sans se
nier. La rencontre avec l'autre ne doit pas non plus nous amener à nous
recroqueviller sur nous-mêmes, à nous enfermer dans un ghetto
culturel ancestral pour nous gaver de l'obscurantisme, de la superstition. Mais
elle doit nous amener à nous ouvrir et à coopérer avec
l'autre avec sagesse et discernement dans le partage d'expériences
culturelles.
Fasciné, ébahi et attiré de part et
d'autre, divisé au plus profond de lui-même par la culture
étrangère, voici l'homme africain qui embrasse sans scrupule tout
ce qui se présente à lui et de nouveau sous les cieux en se
reniant. Dans une telle situation inujambiste, il n'est plus question du
dialogue et du pluralisme culturel, mais plutôt du génocide
culturel. Marcel GONÇALVES n'en dit pas moins quand il pense que
« si une culture en « digère » une
autre, non seulement il y a destruction d'éléments culturels et
même d'un système culturel, mais on tue jusqu'à l'âme
d'un peuple, on pratique une certaine forme
d'ethnocide. »30(*)
L'impérialisme culturel n'est ainsi qu'une forme
d'étouffement, un processus de déracinement et
d'étranglement des peuples dominés.
Coupé de sa source, le dominé présente un
vide culturel car sa vie ne sera qu'une copie de celle de son maître qui
jugera pour lui. Ce type d'homme aura une répugnance vis-à-vis de
sa culture. L'expansion des cultures étrangères lui fait endormir
la conscience par des nouveautés éblouissantes, fascinantes de
loin, mais périlleuses.
Aujourd'hui, dans un monde où les ambitions de l'homme
sont de plus en plus démesurées, l'entrée en scène
de l'impérialisme culturel est de taille. Démultipliée par
les médias, la culture occidentale présente un impact
néfaste sur l'Afrique. Et comme la culture se veut une manifestation de
soi, affirmation de la différence ontologique, reconnaissance de la
puissance de soi à l'étranger, la pensée des pays
occidentaux est tournée vers la recherche de la puissance et non plus
vers un respect mutuel, un dialogue culturel avec l'autre et la recherche de
l'harmonie planétaire. Si bien que bon gré ou mal gré,
l'Africain s'est trouvé pris au piège de la nouvelle face du
monde. Jules ATANGANA le note si bien :
« Qu'on le veuille ou non, la pensée des
pays techniquement plus avancés que nous, tend à faire accepter
par des manoeuvres subtiles, et par l'intermédiaire d'objets d'usage
courant comme les journaux, la radio ou la télévision, des modes
de vie qui, s'ils ne contribuent pas positivement à l'appauvrissement
mental de nos peuples, n'en sont pas moins des instruments qui favorisent plus
vite que nous le croyons, l'altération progressive de nos cultures
nationales. »31(*)
Le cas patent reste celui de nombre d'Africains qui ne jurent
que par la culture occidentale en prenant la leur pour dépassée,
superstitieuse, pour celle du bon vieux temps qui n'attend qu'à
être foulée aux pieds. Nous assistons dans ce contexte, à
la naissance d'un phénomène qui est celui d'un nouveau type
d'homme incapable de se définir et de se fixer puisque coupé de
sa racine. Ce type d'homme est celui d'un Latin, d'un Français ou
Anglais renforcé, un Africain déboussolé dont fait mention
Frantz FANON dans l'intitulé de son célèbre ouvrage
Peau Noire, Masques Blancs32(*).
La domination culturelle occidentale dont la mission est
d'imposer la civilisation hellénistique à la barbarie
nègre est une situation réelle et présente dont il faut
chercher à résoudre le plutôt que possible. Mais cela ne
peut se faire que par la remise en question de nos valeurs, de
nous-mêmes. Même ne sachant sur quel pied danser aujourd'hui du
fait de l'influence étrangère et de la dépendance,
l'Africain a un devoir urgent de revenir en lui, de prendre conscience de sa
situation pour s'élever aux valeurs universelles les plus humanistes de
sa culture et en puiser la source de son être. Il est question comme
montre TOWA dans Essai sur la problématique
philosophique dans l'Afrique actuelle 33(*), de conserver l'essentiel de son être
c'est-à-dire ses valeurs culturelles positives. Car pas plus
qu'ailleurs, nombre de nous s'abâtardissent, se trouvent dans une
situation d'ambiguïté et d'ambivalence sur leur propre culture,
leur nature et se sont vidés de l'intérieur d'appartenance
culturelle. Pris dans cet assaut d'aliénation, on voit l'Africain
dominé « errer, flotter entre la réalité
dont il est l'expression et les réalités étrangères
auxquelles il voudrait appartenir. Cet effort de superposer au passé
authentique, jugé sans valeur, un modèle étranger,
jugé prestigieux, donnera lieu à une philosophie de l'histoire
elle aussi extraordinaire et complexe, aux antipodes de celle qu'a produite
l'Europe. »34(*) Ce phénomène a créé en
Afrique une fuite d'identité et de responsabilité aujourd'hui
s'exprimant dans un déracinement culturel. Pensons à bon nombre
qui se battent nuit et jour pour se trouver en Occident. Pour beaucoup de ces
déracinés, l'essentiel de leur vie est de piétiner
uniquement le sol occidental, pourvu qu'ils arrivent, même s'ils doivent
y mourir. Combien parmi eux se battent encore pour signer telle ou telle
nationalité dans un pays occidental ? Qu'on nous comprenne bien.
Nous ne sommes pas contre la diversité des peuples, contre le libre
choix de déplacement, mais contre le renoncement de sa propre
identité, de sa culture, de sa famille et le mépris de son
être pour se livrer à certaines pratiques malheureuses et
inhumaines. Certains se dénaturalisent. Il serait plus noble et plus
heureux d'être ce que nous sommes. Le constat que fait Edward BLYDEN est
certain : « toutes nos traditions et nos expériences
sont liées à une race étrangère. Nous n'avons ni
poésie ni philosophie autre que celles de nos maîtres. Les chants
enregistrés par nos oreilles et qui sont souvent sur nos lèvres
sont des chants que nous avons entendus chanter par ceux qui criaient de joie
pendant que nous gémissions et nous
lamentions. »35(*) L'auteur voudrait dire qu'il faut mettre fin à
cette aliénation culturelle qui s'exprime par une telle imitation
servile.
Soutenu par la loi du plus fort, l'impérialisme
culturel devrait être pour nous une aubaine pour une critique sans
complaisance de nous-mêmes, de ce qu'apporte l'autre et de notre propre
source. Le retour de l'homme africain que nous prônons est non pas un
repli sur soi qui engendrera l'ethnocentrisme et le conservatisme, mais une
attitude révolutionnaire de sa culture consistant à la purifier
par l'emprunt des nouveaux éléments réformateurs et
progressistes. Il s'agit de puiser avec raison et intelligence les ressources
indispensables à son accomplissement ; car comme le dit le pape
Jean-Paul II en 1979, « la route de l'homme c'est la
culture. »36(*) Cette affirmation papale montre que l'homme ne peut
se réaliser véritablement que par et dans sa culture et ne peut
prétendre se réaliser dans celle de l'autre sans risque de s'y
perdre ignorant ainsi les tenants et les aboutissants.
L'homme africain doit prendre conscience de sa
« duplicité » culturelle. Cet éveil de la
conscience doit préoccuper autant les Africains que les Africanistes.
À cet effet, Emmanuel MOUNIER constate et souhaite que :
« Beaucoup d'Africains instruits se tournent
vers ces sources profondes et lointaines de l'être africain, non pour se
gaver du folklore et pour buter ensuite, désorienté sur le monde
moderne, mais pour regarder et éprouver les racines africaines de la
civilisation eurafricaine de vos enfants et dégager les valeurs
permanentes de l'héritage africain, afin que l'élite africaine ne
soit pas une élite de déracinés. »37(*)
Ce retour doit permettre à l'Africain du
21ème siècle de retrouver son identité et sa
racine culturelle qui ne doivent pas signifier pour lui contradiction,
ethnocentrisme, mais saisie de sa réalité. Libéré
de cette psychose dans laquelle il a longtemps vécu, debout et non plus
courbé sous le poids de l'impérialisme culturel
étranger ; l'homme africain contemplera librement et avec
fierté sa raison de vivre. Il décidera de ce que sera fait son
avenir, organisera sa propre vie en fonction de ses aspirations et sera
responsable des actes qu'il posera d'une façon
délibérée. C'est par-là que l'Afrique s'affirmera
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses
frontières. Maîtresse d'elle-même et de son destin, elle
forgera avec le reste du monde l'histoire de humanité et participera
à la conduite de cette humanité vers sa destination. Elle parlera
en son nom, prendra une part importante aux débats quotidiens que
mène le monde sur la direction à donner à l'histoire de la
planète et au sens à donner à l'humanité. Car, nous
sommes conscients que pas plus loin qu'hier, presque tous les pays de l'Afrique
ont été taxés des
« indécis » dans le grand conflit du
siècle (États-Unis et Irak) dans la prise des positions. D'autres
ont pris les décisions et la responsabilité de parler en leur
nom. Certes, le temps présent est le moment d'un appel sans
précédent pour l'Africain dans le processus de son
évolution. La mondialisation ne veut pas nécessairement dire
progrès, mais dans la plupart des cas, elle exprime régression,
dépersonnalisation, déshumanisation se manifestant par un
effritement de la morale. La mondialisation reste ainsi une forme moderne
d'aliénation car les cultures qu'elle livre aux jeunes africains sont
des cultures de dépravation. Les nouvelles techniques d'information
culturelle imposent une culture qui transforme les valeurs en vices et les
qualités en défauts. Il faut que les jeunes africains sachent
utiliser cet outil pour ne pas s'aliéner. Les sites pornographiques et
les déviations du sens de l'amour en parlent mieux.
En face d'un tel problème, une action de
reconstruction des valeurs humaines de nos cultures gisant sous les
décombres des ruines s'impose. Ceci permettra de palier à la
grande inquiétude sur le devenir existentiel de l'homme noir. Mais avant
tout, une étude critique de la situation actuelle de la culture
africaine nous interpelle.
II. PARTIE
LA CULTURE AFRICAINE
La culture africaine sclérosée,
marginalisée se trouve aujourd'hui dénudée. Ses valeurs
essentielles sont à priori escamotées, taxées
d'impureté, du mysticisme, d'obscurantisme et traitées de toutes
les maladies. Déprouvue de son identité, la culture africaine est
en crise d'orientation car les jeunes africains ne lui font plus confiance
parce qu'elle n'apporte plus des solutions à leurs problèmes.
Pourtant MBUMUA n'est pas de cet avis que partage Ebénézer NJOH
MOUELLE et bien d'autres philosophes. Il pense à cet effet que cette
culture est dynamique dans sa manifestation ; harmonie ;
globalité de la vie de l'homme38(*). Dans le même ordre d'idée, Alpha SOW
pense que cette : « culture négro-africaine, n'est
point ce syncrétisme folklorique qu'affectionnent et encouragent les
moyens de diffusion de masse des nouveaux
États »39(*), elle est vie pour ceux qui se laissent
pénétrer par elle, monde d'une existence vertueuse pour la pleine
réalisation de la nature humaine.
Nous nous demandons aussi ce qu'elle est effectivement. Notre
analyse portera sur la nature de cette culture, les problèmes qu'elle
connaît et les nouvelles orientations que nous lui devons pour faire face
au nouvel élan mondial et pour épanouir l'Africain contemporain.
Une telle culture mérite sans doute qu'on y lève un pan de
voile.
II.1.1 Essence et caractéristiques de la culture
africaine
Parler de la culture africaine, c'est vouloir
pénétrer la vie même de l'homme africain dans son ensemble.
Selon la Délégation guinéenne au festival culturel d'Alger
(juillet 1969) ; « la culture n'a pas d'autres fondements et
n'a pas besoin d'autres fondements que la vie concrète de l'homme
africain. Plongeant ses racines dans les couches populaires les plus profondes,
elle exprime la vie, le travail, les idéaux, les aspirations des peuples
africains. »40(*) Malheureusement, ce fondement reste un mystère
à nombre d'étrangers et d'Africains qui ne se limitent
qu'à l'aspect folklorique. Et pourtant, elle marque l'avenir et
l'histoire d'un continent dans ses réalités tant passées
qu'actuelles.
La vérité de cette culture se trouve dans ce
qu'elle a d'essentiel et non dans les préjugés. La profondeur
d'un tel dynamisme est nouménologique. Elle est « dans la
vérité de ce qu'est la culture africaine : un art
d'être qui pouvait réunir, sans tension, en une synthèse
harmonieuse le travail et la vie, le jeu et la
passion »41(*) ; un art de vivre à une seule force
téléologique : promouvoir le sens existentiel de l'homme.
Ici, est valorisé l'humain qui s'exprime dans la tradition africaine, la
représentation et la vie dans la recherche d'harmonie existentielle.
Cette culture réside dans le génie créateur de l'Africain
à communiquer avec ce qui l'entoure, à avoir un sens de la vie,
d'éthique, à faire passer le message par l'usage des images, des
fantasmes au point de dire avec MBUMUA que l'enseignement culturel se nourrit
du suc le plus précieux de la vie dans l'Afrique42(*). Notons au préalable
que l'initiation à la culture en Afrique traditionnelle est primordiale.
La manière spécifique de transmission orale et la technique de
mémorisation permettent à l'homme de mieux maîtriser sa
culture, de cultiver en lui une certaine capacité de rétention et
de véhiculer la sève nourricière de la sagesse ancestrale.
Cette façon de faire cultive et développe l'esprit, le tient en
éveil, détermine la maturité de l'homme, sa
capacité de se poser comme être existant. Les initiés sont
conviés à percer le mystère de la nature, à
s'ouvrir aux forces cosmiques, à la lumière et à communier
avec la triple relation : nature, altérité et
transcendance.
Au plus profond d'elle-même, la culture africaine se
caractérise par la vie qu'elle recèle, l'érotisme, le sens
d'abnégation, la joie qu'elle procure, la fierté,
l'agilité, l'esprit de solidarité, la sagesse et le sens
d'humanisme sans précédant qu'elle offre. La vitalité, le
courage et la gaieté devant les souffrances la traduisent. Ces
caractéristiques culturelles africaines s'incarnent dans l'art ; la
musique ; l'intelligentsia africaine ; la vie quotidienne. Ce constat
est pertinent. Les Brésiliens en savent quelque chose. Jorge AMADO
n'hésite d'ailleurs à reconnaître que :
« C'est aux Noirs que nous devons quelques unes
de nos caractéristiques populaires les plus puissantes, comme notre
capacité de résister à la misère et à
l'oppression, à survivre aux conditions les plus dures et les plus
diverses, à rire et à animer la vie. C'est à eux encore
que nous devons cette joie de vivre qui nous pousse à lutter et à
vaincre le retard, la misère, le manque de liberté et les
innombrables obstacles qui s'opposent à notre développement.
Cette capacité de résistance et de lutte, pour ne rien dire de la
musique, de la danse et de la tendance artistique générale du
Brésilien, nous la devons d'abord à ce sang noir qui circule dans
nos veines. »43(*)
C'est dire que cette culture regorge quelque chose de
précieux qu'il faut exploiter au maximum pour la réalisation de
l'homme. Reste à savoir la valeur qu'elle regorge.
II.1.2 Valeurs de la culture africaine
La valeur d'une culture se reconnaît dans les normes,
les institutions, les rites et les coutumes d'un peuple. La culture se fait
connaître à travers la constitution et les lois d'un peuple. La
diversité des valeurs culturelles est sujette aux modes de vie. Fabien
EBOUSSI BOULAGA reconnaît que toutes les cultures ont une valeur
spécifique. Ce dernier précise que : « les
cultures sont un choix de traits sur le grand are de cercle des
possibilités... Chacune s'étant constituée de la sorte,
toutes se valent, aucune n'est réductible à une autre... Toute
culture est ainsi aveugle à certaines valeurs... Les cultures qui
triomphent ne sont pas meilleures que les autres.»44(*) C'est dire que les valeurs
culturelles des uns ne sont pas automatiquement pour les autres. Cependant, la
diversité des valeurs n'empêche pas la montée d'une
universalité de valeurs communes à toutes les cultures :
celle de promouvoir l'épanouissement de l'individu dans son milieu de
vie. Du cité de Vatican, le pape JEAN-PAUL II encourage la promotion de
ces valeurs culturelles en ces termes : « Il existe des
valeurs communes à toutes les cultures, parce qu'elles sont
enracinées dans la nature de la personne. Il faut cultiver dans les
esprits la conscience de ces valeurs, pour nourrir l'humus culturel de nature
universelle qui rend possible le développement fécond d'un
dialogue constructif. »45(*) Par ce fait, l'homme doit faire de sa culture le
moyen d'épanouissement puisque les valeurs culturelles d'une
société ne viennent pas hors de sa culture. Elles
imprègnent l'univers social de cette société. Chaque
culture présente ainsi une variété des valeurs. Saisi sous
cet angle, il y a lieu de dire avec MBENGUE que : « Toutes
les cultures se valent et il n'en a pas une qui soit supérieure à
l'autre. »46(*) Dans cette optique, la culture africaine
présente, elle aussi, un certain nombre de valeurs propres à
elle. Celles-ci sont capables de « briser certains liens qui
entravaient leur évolution, lui donnant le moyens de faire face à
ses besoins nouveaux et l'aidant à mieux comprendre le sens de sa vie et
à se remettre en cause dans l'organisation de son quotidien ainsi que
dans ses relations avec la société et le
cosmos. »47(*)
Dans une approche phénoménologique, la culture
africaine présente comme valeur la solidarité fragilisée
aujourd'hui par la course à l'individualisme cynique provoqué par
l'avènement du capitalisme manoeuvrant et pédant, le sens
d'assistance, d'aide et d'attention au frère qui est mis au ban de la
société. C'est l'humanisme africain qui reste la seule et unique
chance pour le monde entier devant la déshumanisation qui menace l'homme
moderne. Cette valeur humaniste de la culture africaine est recherchée
par d'autres peuples aveuglés par l'individualisme et le
matérialisme aliénant qui réduit
désespérément tout être humain en sisyphe.
Cependant, la perte de cette valeur en Afrique laisse place aux guerres
fratricides déplorables. L'Africain a le devoir urgent de rejoindre
cette valeur culturelle et de ne plus considérer son acquis culturel
comme manifestation d'un primitivisme aride et arriéré pour
éviter le « génocide des
âmes »48(*) dont parle MBUMUA.
Mécanisé, aveuglé par les nouvelles valeurs de la
culture occidentale, l'homme africain a de quoi retourner à sa source.
Face à cette aliénation culturelle sur tous les plans d'une
façon subtile, il y a « nécessité
impérieuse, urgente, d'une véritable révolution culturelle
pour extirper toutes les manifestations du néo-colonialisme culturel
nocif, pour secouer la tendance à l'imitation sans discernement ou le
passéisme aveugle. Cette révolution implique à la fois
révolution de la pensée, de la mentalité, et de
l'action. »49(*) C'est l'urgence d'un retour à la source
pour percer le mystère de cette valeur culturelle cachée dans les
décombres de la ruine, de la crise des valeurs provoquée par la
destruction cynique des cultures africaines qu'il prône. Frantz FANON
n'est pas le seul à comprendre l'utilité de ces valeurs
aujourd'hui quand il pense que : « les Nègres (...)
constituent en quelque sorte l'assurance sur l'humanité. Quand les
Blancs se sentent par trop mécanisés, ils se tournent vers les
hommes de couleur et leur demandent un peu de nourriture
humaine.»50(*)
Evidemment, l'Afrique est le creuset des cultures car, toutes, elles partent
d'elle et reviennent vers elle. Les recherches de Cheikh ANTA DIOP et de
Théophile OBENGA l'attestent. Avec l'avènement de l'Internet,
toutes les cultures du monde se trouvent en Afrique. Peuple ensoleillé
où naquit la première civilisation, l'Afrique demeure une
mosaïque des cultures grâce à la pléiade d'artistes,
d'intellectuels et de chercheurs qu'elle met au service des peuples
contemporains. Ce n'est pas un mauvais choix pour la France de désigner
en 1998 Youssou N'DAW, un des chanteurs africains pour composer une
mélodie adaptée à la finale de la Coupe du Monde de
football de cette édition.
Les valeurs culturelles africaines sont loin d'être
exhaustives. Le sens du respect, mis de côté par la
perversité de la génération présente ;
l'éthique et l'amour du prochain sont des vertus que la tradition
africaine considère comme priorité des priorités.
Avons-nous raison de tourner le dos à cette culture
qui exprime notre identité ? Non. Sinon nous serons perdus comme
SAMBA DIALLO dont parle CHEICK HAMIDOU Kane dans L'Aventure
ambiguë51(*).
Comment sortir de notre léthargie d'homme aliéné
culturellement quand nous savons qu'en Afrique, on méprise encore les
richesses culturelles nationales et l'on demeure indifférent à
leur égard en attendant que le public occidental reconnaisse certaines
d'entre elles et qu'on se hâte alors de consacrer et d'aduler52(*) ? La tâche est
longue et difficile, mais croyons d'abord en nous-mêmes et restons ce que
nous sommes. Et avec Willon DILLON, disons : Africain,
« Deviens ce que tu es »53(*) même si ta
culture est menacée par des problèmes actuels dont elle ne peut
se passer. L'essentiel est de les maîtriser afin de mieux les contourner.
II - 2 Les
problèmes culturels africains
Le contact avec l'extérieur a placé l'Afrique
dans un abîme d'aliénation culturelle et a engendré
l'incroyable poids de résignation et de fatalisme dans toutes ses
sociétés déshéritées. Celle-ci est devenue
un creuset où s'affrontent, se fondent et s'effondrent des
« valeurs » multiples. Ceci a pour conséquence la
perte de repères culturels, personnels, familiaux et sociaux.
Étourdi et sourd dans un nuage culturel, l'Africain ne sait plus quelle
direction prendre. MUDIMBE décrit cette situation comme une mouche dans
une toile d'araignée :
« Lancée dans la modernité d'une
histoire mondiale où elle a brusquement été
projetée presque malgré elle, l'Afrique essaie aujourd'hui de
relier son passé et son histoire aux impératifs encore obscurs
pour elle de la dépendance économique ; cette
dépendance qui la relie aux anciens colonisateurs. Des idéologies
de développement l'enchaînent à des modèles
étrangers dont l'application se fait selon les grilles qui ne tiennent
compte ni de ses contradictions propres ni de ses problèmes
réels.»54(*)
L'entrée dans le nouveau mode d'existence, dans la
modernité fragilise, fragmente toute la société africaine.
Les Africains restent divisés et partagés entre l'ethnocentrisme
et le modernisme temporel et nécessaire. Séduits par les
avantages de la civilisation occidentale, les Africains cherchent à
s'adapter aux nouvelles formes d'existence. Inexpérimentés et
ignorants, certains finissent par confondre la modernisation à
l'occidentalisation, le progrès à la déculturation. TRAN
VAN KHÊ décrit cette situation : « Les peuples
colonisés cherchent à imiter ceux qui les ont dominés,
persuadés de la supériorité des cultures de ceux qui les
ont vaincus par la supériorité de leurs techniques. Ils
finissent par confondre le progrès, la modernisation, avec
l'occidentalisation. »55(*)
Les mutations que provoque ce contact avec l'extérieur
placent les Africains devant une alternative inéluctable et provoquent
la montée de trois types d'homme. D'une part, des conservateurs qui ont
la nostalgie très poussée du passé ancestral et demeurent
accrochés à la culture primitive ; d'autre part, une
élite des intellectuels aliénés qui transforment leur
culture en un simple objet de musée qu'ils regardent tantôt par
curiosité, tantôt par moquerie du dehors et cherchent à la
combattre par tous les moyens. Enfin, le troisième type, reste celui de
la synthèse, cet Africain qui a su s'ouvrir aux nouvelles valeurs tout
en demeurant lui-même sans s'assimiler et sans être
assimilé. C'est ce type dont l'Afrique a besoin.
Nous notons, ici et là, que les traumatismes sociaux
ont transformé nos mentalités et nous ont livrés à
d'innombrables complexes qui sont des principaux symptômes de la myopie
intellectuelle et dont souffrent les jeunes africains aujourd'hui. Devant ce
phénomène d'acculturation, l'Africain désespère
parce qu'il est entraîné et tiraillé par des courants
multiples. Il ne rêve plus qu'à devenir
`` civilisé `', à
`` s'européaniser''. « Il s'assimile, on
l'assimile. »56(*) Les faits sociaux actuels, les besoins et les
goûts quotidiens l'expriment mieux. Devant cette fuite d'identité
de son être profond, l'Africain a à s'interroger sur son devenir
dans le contexte présent pour se façonner une personnalité
responsable et frayer des assises culturelles libératrices.
II.2.1. Aliénation culturelle.
Le contact de l'Afrique avec l'extérieur a
transformé, déformé et détruit totalement la
culture africaine authentique pour laisser place à une culture hybride
qualifiée de chauve-souris. La culture à laquelle est lié
fortement et étroitement l'avenir de l'Afrique est affectée et
fait face à moult problèmes aujourd'hui. Ne pouvant s'en sortir
sans une véritable autonomie vis-à-vis de l'extérieur, la
culture africaine négocie pour son indépendance parce qu'elle se
voit avalée, noyée par les nouvelles valeurs importées.
Devant le déferlement de la culture occidentale,
l'homme africain se déculturalise. Cette transformation lui fait perdre
son âme et ses origines. Ainsi, les efforts du modernisme et de la
mondialisation se présentent chez l'Africain sous forme de complexes et
divisent le continent en deux : d'une part l'Afrique des minorités
représentée par un groupe de conservateurs qui se
réclament gardiens de la tradition africaine. D'autre part, se hisse un
groupe de modernistes véreux optant pour le changement radical de la
culture africaine. Ce groupe est constitué des intellectuels africains
aliénés par l'occidentalisation dans les façons de voir,
d'être, de faire et de penser le monde. Ces pensées qui sont si
souvent incompatibles avec les réalités africaines. Et là,
se joue la crise d'une identité indéfinie.
Cette aliénation est tellement aiguë aujourd'hui
qu'il suffit de jeter un regard critique sur nos États et gouvernements
en place, sur le comportement de nos prétendues élites
intellectuelles et guides du peuple pour s'en rendre compte. Tout reste
calqué sur le modèle occidental au point de croire avec Jahn
JANHEINZ que « l'Europe fournirait le modèle, l'Afrique
une bonne copie ; l'une serait spirituellement dispensatrice, l'autre
simple partie prenante. »57(*) Malheureusement, cette copie ne résout pas les
problèmes liés à l'univers africain.
Nos chances d'épanouissement et de réalisation
doivent être extraites de notre culture car les problèmes auxquels
nous faisons face résultent presque tous de notre milieu vital. C'est
sans doute cette aberration qui a amené René DUMONT à
lancer un cri d'alarme l'Afrique noire est mal partie ;
oeuvre dans laquelle il pense que : « copier l'Europe
actuelle plus développée, et précisément dans un
domaine où elle paraît rarement exemplaire et se cherche
péniblement, serait une erreur. »58(*) Dans ces contextes, planent
l'inquiétude et l'incertitude sur le devenir culturel de l'Afrique si
l'importance n'est pas accordée à ce problème
d'aliénation. Dans le cas contraire comme l'a pensée Félix
HOUPHOUET-BOIGNY, « nous serons loin d'être à
la veille d'une autonomie culturelle tant que les gouvernements n'attacheront
pas à la question l'importance nationale qu'elle
mérite. »59(*) Cette question n'est pas uniquement celle
de nos États, mais de tout Africain. Nous nous interrogeons alors si la
résolution de ce problème d'aliénation doit passer par
l'ethnocentrisme.
II- 2.2. L'ethnocentrisme
Sentiment de repli sur soi, sur son ethnie, son groupe social,
l'ethnocentrisme est l'une des tendances engendrées par le contact avec
l'extérieur. Cette attitude de la prise de son ethnie comme centre du
monde et de toute vérité n'épargne personne ; car
toute rencontre avec ``l'autre'' nécessite une méfiance.
Cette doctrine d'égocentrisme qu'organisent les cultures ou mieux les
hommes de culture vis-à-vis d'un autre différent d'eux prend de
plus en plus d'ampleur dans les sociétés minoritaires. Elle se
justifie par la crainte de perdre les habitudes propres à soi.
L'ethnocentrisme se manifeste par les rivalités
ethniques et trouve le tribalisme comme force centrifuge. Cet enfermement dans
un ghetto culturel ethnique n'épargne pas le monde culturel africain.
Par crainte d'être absorbés par la culture de
l'autre, d'abandonner les anciennes pratiques et traditions, nombreux sont ceux
qui se plaisent aujourd'hui dans un ghetto culturel en Afrique. Mais comment
l'Afrique peut-elle éviter le phénomène de la
mondialisation où le monde est devenu un gros village ? Pour combien de
temps vivra-t-on dans cet ethnocentrisme très vieux à notre
goût et à notre temps si l'on doit participer à la
réalisation de l'humanité ? Le repli sur soi appelle
l'aliénation par des habitus considérés comme lois
immuables. Là, il y a plus de dangers que d'avantages car la monotonie
ne permet pas l'élaboration d'un esprit critique et synthétique.
Et comme le remarquent LABURTBE-TOLRA et René BUREAU,
« Le risque de stagnation est accru par
l'influence de la mentalité traditionnelle qui évite de remettre
en question ce que la société a une fois pour toutes admis :
La sanction sociale a l'autorité de la chose jugée. Les
réputations usurpées, l'importance accordée aux titres, le
« fétichisme » des diplômes, mettent et
maintiennent ainsi en place de vastes nullités rayonnantes.
»60(*)
Il y a ici risque pour l'Afrique traditionnelle de prendre
pour idéal sa sagesse traditionnelle en rejetant les techniques
nouvelles et la science pour produits étrangers. Le repli sur soi et le
refus de toute ouverture aux nouvelles valeurs sont plus des dangers que des
voies du progrès. L'enfermement sur soi n'est-il pas risque de
mort ? Le risque est trop grand pour un peuple de s'enfermer sur lui. Et
comme l'a remarqué Ebénézer NJOH MOUELLE, il y a risque de
prendre sa culture comme parole de vérité et
qu'« au fond, il y a de naïveté pour un peuple
à penser que parce qu'il a toujours été d'une certaine
façon, cette façon est bonne éternellement. C'est une
attitude qui tourne le dos à l'idéal de
créativité. »61(*) Plongé dans l'éternelle contemplation
de son groupe d'appartenance, il est difficile à l'homme de
s'élever à l'universel, de porter un regard critique et
interrogatif tant sur ses coutumes, ses traditions qui pèsent sur lui
que sur son devenir. Or l'épanouissement demande une remise quotidienne
en question de la manière d'être et de faire de soi
vis-à-vis de celle de l'autre. Or la tradition interdit toute critique
à l'endroit des moeurs établis par la société.
C'est ce qui est contraire au progrès et à la liberté
humaine. Lamine DIAKHATE n'en dira pas moins dans ses propos :
« S'il n'y a point d'esprit critique, il n'y a pas de
progrès. Et l'on se complait facilement dans le confort paresseux de
l'opinion, de l'à-peu près. L'on se complaît dans la
stagnation. Or la stagnation est contraire à toute vie. Le lot de la
vie humaine est le progrès. Or le progrès est contraire de
désintégration. »62(*) Le progrès a toujours été le
résultat des crises engendrées par le choc des civilisations.
L'ethnocentrisme demeure ainsi un frein, voire un obstacle à
l'accomplissement total de l'humain. Car, il ne permet pas à l'homme de
sortir de son groupe pour contempler, emprunter et intégrer dans ses
manières de faire les bonnes habitudes de l'autre. Immergé dans
cette situation d'atrophiement, d'avilissement et de soumission aux tabous,
l'homme perd les repères du bon sens et de son existence en se
complaisant dans la misère objective dont fait état NJOH MOUELLE.
Cette tendance égoïste d'ethnocentrisme émiette et
particularise les groupes. Dans ces circonstances, l'homme devient
prédateur de son semblable. Au lieu que les diversités
culturelles demeurent une source d'enrichissement et de progrès des
peuples, l'ethnocentrisme les transforme en une organisation tribale. La
culture, loin d'être une force libératrice de l'homme devient
par-là même une servitude.
De tels systèmes sont appelés à
disparaître. Nous ne sommes pas sans ignorer les valeurs culturelles
traditionnelles nécessaires à notre épanouissement,
à notre devenir existentiel dans ce monde où tout se
déshumanise, mais nous nous attaquons aux pratiques asservissantes de
nos cultures. Ainsi, l'ethnocentrisme est un mal social que l'Africain doit
combattre à tout prix s'il veut entrer de plein pied dans l'histoire du
monde et faire route avec le reste de l'humanité. De cette
manière, il doit considérer la culture comme un
élément réformateur comme l'a pensée Joseph
KI-ZERBO : « La culture n'est pas une compte en banque qui
serait immobilisée, mais une sorte de tissu vivant qui comporte des
éléments qui sont des fleurs et des fruits. Il nous appartient
d'ELAGUER ces éléments sclérosés pour mettre en
valeur tous les éléments sains qui peuvent être
côtés honorablement dans la bourse internationale des valeurs
humaines. »63(*) C'est un appel à tous ceux qui
considèrent la culture comme une panacée. L'ouverture et la
collaboration interculturelles sont une richesse et un gain
bénéfique pour les peuples concernés. On ne perd rien
à apprendre des autres ni même à leur offrir ce qui nous a
déjà servi. La charité est une vertu tandis que
l'égoïsme et l'avarice sont des vices. Aucun peuple ne peut
prétendre avoir le monopole de la sagesse. Toute culture qui s'enferme
sur elle-même est appelée à mourir. Pour survivre, la
culture africaine doit se nourrir uniquement des valeurs positives provenant
d'elle-même et des autres cultures qu'elle côtoie et admire.
II.2.3. Le
phénomène d'acculturation
L'acculturation est l'un des phénomènes
engendrés par le contact des cultures évoluant sous l'effet des
mutations, des transformations causées ça et là par des
emprunts réciproques. Parodiant Achiel PEELMAN, disons que
l'acculturation, processus dynamique dans lequel s'engagent les cultures,
provoque des conséquences importantes, variées dans nos
sociétés avec : emprunts réciproques des
éléments nouveaux, imitation, transferts symboliques, nouveaux
développements et syncrétisme64(*).
Cependant, ce phénomène laisse malheureusement
autant d'impasses ou de déviations des routes fécondes conduisant
au génocide culturel et laisse, par ce fait, libre cour à
l'ethnocide.
Le fait est présentement réel. Le pape
JEAN-PAUL II y voit un phénomène de déracinement, de
déstabilisation des structures sociales, de vastes proportions, soutenu
par de puissantes campagnes médiatiques véhiculant des styles de
vie, des projets sociaux et économiques, une vision d'ensemble de la
réalité qui rongent de l'intérieur divers fondements
culturels et de très nobles civilisations. Puis en raison de leur forte
connotation scientifique et technique, les modèles culturels de
l'Occident apparaissent fascinants et séduisants, mais
révèlent malheureusement, avec une évidence toujours plus
grande, un appauvrissement progressif dans les domaines humaniste, spirituel et
moral65(*).
Demeurant d'une part une occasion pour la purification de la
culture africaine à la lumière des nouvelles valeurs,
l'acculturation est d'autre part une pieuvre qui a vidé la culture
africaine de sa substance grise. Elle a fait que pour l'élite africaine
« la référence à la culture nègre,
au-delà de l'alibi, l'expression d'un remord sincère, mais c'est
aussi, par réaction d'orgueil, la revanche du
petit. »66(*) Ce phénomène déstabilisateur des
couches sociales africaines traite aujourd'hui la culture africaine de
dérobade psychologique et de drogue. Quelques unes de ces instances
culturelles dénaturées et vouées à la perdition
restent les langues et l'art en Afrique. Au sens d'Alpha SOW, les
méthodes occidentales transférées en Afrique et
incompatibles avec l'univers social africain font de l'Afrique,
« l'esclave d'une pensée et d'une vision
étrangère du monde. »67(*) Ce phénomène
d'acculturation est manifeste en Afrique parce que nos modes de vie et nos
habitudes d'aujourd'hui sont importés. Jetons un regard critique sur
l'usage de nos langues afin de comprendre s'il y a lieu d'espérer.
II.2.3.1. Les langues
africaines
Élément fondamental, pilier de la culture, la
langue reste la manifestation la plus haute de la culture d'un peuple
donné. La diversité ethnique et culturelle est d'ordre
linguistique car c'est à travers sa langue qu'un peuple ou un ethnie se
définit, s'identifie et se reconnaît comme tel par rapport aux
autres. Toute diversité humaine se joue à ce niveau
élémentaire de la culture.
Avec des forums aujourd'hui démultipliés de la
francophonie ou mieux « francophobie » et du
Commonwealth, cette dimension linguistique culturelle semble s'effriter de plus
en plus en Afrique laissant place à la naissance des petits africains
français ou anglais coupés de leur source linguistique. Le
constat est réel et passe presque inaperçue. Au milieu d'une
mosaïque des peuples africains le phénomène d'extinction des
langues est fort palpable. Ce qui entraîne la réduction des
Africains dignes de ce nom à l'apathie des peuples en voie d'extinction.
Sous l'effet de la déculturation, l'abandon des
langues africaines est inquiétant. Car la disparition des langues
s'accompagne de la perte de la vision du monde de tout un peuple
c'est-à-dire de sa sagesse. « L'abandon des langues
équivaut [...] à une perte de la culture
(...). »68(*) Il suffit qu'un regard se promène
sur nos jeunes africains pour toucher ce fait du bout de doigt. Les citadins en
sont les grandes victimes. Combien d'eux connaissent quelque chose de leur
culture, leur langue maternelle ? Combien en parlent, combien de
déracinés en fabriquons-nous toutes les fois où nous
n'avons pas voulu faire acquérir la connaissance de nos langues à
nos enfants?
À l'école, le fait est encore aigu et crucial.
L'abandon actuel que subissent nos langues laisse surprises, frustrations et
anxiété aux générations futures qui
étudieront l'histoire de leur peuple en d'autres langues. La surprise
sera grande. V.Y. MUDIMBE constate et souligne que :
« Le jeune africain va apprendre une
langue étrangère qui lui permettra, selon les normes
intellectuelles consacrées, de communier aux valeurs d'une tradition et
d'une culture insigne, certes, mais étrangers. Et lorsqu'un jour, il
sortira du Lycée, il s'interroge sur sa propre histoire et le
passé de son milieu, c'est avec regard fortement marqué qu'il
lira, le plus souvent en langue étrangère, le destin passé
des siens, sa propre condition dans le présent et les perspectives
futures de sa terre et de sa culture. »69(*)
Et comment leur demandera-t-on d'être ce
qu'ils doivent être quand, dans la situation actuelle, nous avons fait
d'eux des acculturés, des aliénés et des
dépersonnalisés prêts à ingurgiter le patrimoine
culturel de l'autre au détriment du leur ?
L'éducation aux langues étrangères
à savoir le français, l'anglais, l'allemand ou l'espagnol
imposée à nos enfants est un risque pour l'avenir de la culture
africaine. Pendant l'enfance, l'acquisition de la langue maternelle et autres
langues est d'une grande importance. C'est à partir de là que se
formera en lui le sens de son appartenance à un groupe social,
l'acquisition de sa racine et de la formation de son identité
culturelle. Nul n'ignore en effet que « pour l'enfant, apprendre
la langue maternelle, c'est à la fois se constituer comme personne
distincte et s'identifier à une culture. »70(*) Connaissant sa langue
en profondeur, on serait heureux de pouvoir connaître plus la
signification et les extensions de certaines notions philosophiques en les
explicitant davantage en sa langue. Savoir que
« Abeng » traduit le beau dans toute sa dimension
en Ewondo ; « mehele », la morale en
kapsiki et « Wud », l'amour vrai en Guiziga, ... est une
grande richesse pour les peuples qui liront et comprendront ces notions en leur
langue. L'urgence de la reconquête de notre identité culturelle
à ce niveau doit passer « par une étude
épistémologique et historique de nos
langues [...] toutes nos langues font
référence à des formes littéraires, des symbolismes
et des techniques de production de biens et services. »71(*) L'apprentissage de ce qui
constitue le suc culturel est une richesse pour notre devenir ; ce qui
éviterait la production des déracinés et des
défroqués. Et si aujourd'hui Albert TEVOEDJRE a pu dire avec
regret que : « si j'étudie avec intérêt
une langue aussi parfaite que le français, je regretterai toujours
d'avoir été obligé d'apprendre d'abord le français,
de penser en français, d'ignorer ma langue maternelle ; je
déplorerai toujours qu'on ait voulu faire de moi, un étranger
dans ma propre patrie !»72(*), c'est qu'il a découvert par la suite la
richesse de sa langue maternelle et qu'il a trouvé une
nécessité d'apprendre cette langue. Dans ces situations, on peut
espérer que le génie africain saura s'exprimer librement et
imposer sa marque à travers quelque langue que ce soit comme la
pensée occidentale a su trouver son originalité à travers
la forme latine imposée par le colonisateur romain.73(*) On accédera
ainsi à une richesse universelle par ces langues africaines par la
saisie en elles de l'universel et à une assise d'envol pour la
réalisation de l'homme africain. Car, éléments moteurs et
essentiels de notre culture, nos langues africaines nous permettent
d'accéder à l'héritage de ce que nous a
légué le passé, de ce que compose pour nous le
présent et de ce que sera fait notre avenir74(*). La pérennité de
nos cultures dépend d'elle. Elle nous lie et reste un fil conducteur sur
lequel nous devons nous accrocher pour notre épanouissement total.
La réhabilitation des langues africaines doit
interpeller chacun. La révolution culturelle doit avoir pour but
principal cette tâche dans l'élaboration de l'homme total,
désaliéné, libre de toute contrainte, prêt à
participer à la révolution des esprits et capable d'organiser sa
vie pour le progrès par l'accès aux techniques. Conscients de
cette nécessité de conservation des multiples langues africaines
(environ 1500) qui disparaissent sous nos yeux, bon nombre des pays du
continent noir, au moyen de l'Internet, se sont évertués à
créer des sites d'apprentissage de ces langues : le lingala, le
swahili, le wolof,...Certaines universités occidentales en ont fait des
filières. Un exemple qu'il faut copier dans nos propres
universités. Paradoxalement, c'est en parlant français que nous
nous sentons vraiment des Africains75(*).
L'Afrique est appelée sans doute à s'ouvrir,
à échanger avec les autres continents sous peine de périr
dans l'isolement. Elle doit apprendre aussi d'autres langues qui lui sont
étrangères. Cependant, l'apprentissage de ces langues
étrangères ne doit pas la conduire au mépris de ses
langues maternelles qui, du reste, constituent sa fierté et sa richesse
culturelle.
II. 2.3.2. L'art africain
Tout comme la religion et la langue, l'art reste une des
expressions les plus hautes de la culture d'un peuple. Il exprime la vie du
peuple, sa manière d'être, sa vision du monde.
En Afrique, l'art symbolise la vie concrète de
l'univers cosmique. De manière traditionnelle, il excelle dans la
musique, la danse et la sculpture sous toutes les formes. Il remplit une
fonction symbolique et ne reste pas une simple copie du cosmos. Il est
étroitement lié à la vie. L'art africain traditionnel est
vie, langage et ne connaît pas tout ce qu'accorde le monde moderne
à l'art au sujet du goût, de l'esthétique. La question de
son esthétique est une question de vie et non de l'ornement et de la
beauté simple ou de divertissement. Il va au-delà des simples
représentations. L'essentiel dans l'art africain est non la forme, mais
ce qu'il représente et transmet comme message aux yeux des Africains.
Comme l'ont remarqué LABURTHE-T. P. et BUREAU René,
« Ce qui est essentiel est le nom ou la fonction
que l'on donne à l'objet, son sens, ce qu'il représente;
même faite de bois (matière la plus noble parce que vivant) une
chose ne peut que désigner un être sans jamais s'identifier
à lui. C'est pourquoi l'art africain est éminemment symbolique,
bien que l'accent mis sur les symboles le rende en même temps
expressionniste. »76(*)
Cette dimension où s'exprime l'essentiel de l'art
africain se trouve aujourd'hui escamotée et a rendu cet art incompris.
Dans l'ancienne Afrique, encore pleine de ses richesses,
l'art servait de lien entre le sacré et le profane, entre les vivants et
les ancêtres, entre l'homme et le Transcendant. Il devient ainsi
l'existence générale tant d'ici-bas que de l'au-delà.
Aujourd'hui, considéré comme objet des
fétiches, l'art traditionnel telle la sculpture se dénature, perd
sa signification profonde. Il s'en va en lambeau avec la vision du monde
africain, la sagesse, les langues et les religions. On n'y accorde plus
d'importance sinon quelques amateurs touristes venus de l'autre bout du monde.
Au plan sculptural, l'art traditionnel est rangé en objets de
musée et d'ornement. Et combien d'Africains l'utilisent même pour
ces buts ?
Le contact avec l'extérieur a dépouillé
l'art africain traditionnel de son prestige, de sa valeur et de ses fonctions.
Le fait est très palpable dans nos danses traditionnelles
modernisées, nos musiques traditionnelles vidées de leur sens
pour laisser place aux bruits pédants. La danse traditionnelle est
devenue un simple folklore ou même un classicisme mal assimilé
alors qu'il y a quelques laps de temps, elle exprimait la vie quotidienne de
l'homme noir. Aujourd'hui, la question de survie a pris le devant sur le
génie créateur de l'artiste africain. Or tout ce qui est
lié à l'art comme moyens de subsistance le dévalorise
davantage lorsqu'il faut créer une oeuvre d'art simplement pour se faire
de sous. Le phénomène bat son plein dans tout le Tiers-Monde. Et
TRAN VAN KHE l'a si bien remarqué en ce qui concerne la musique :
« L'acculturation, véritable
``épidémie'' pour les traditions musicales des
sociétés non industrielles, a provoqué beaucoup de
désastres parce que les Asiatiques et les Africains se tournent vers
l'occident et y puisent des éléments, non pas nouveaux et
constructifs, susceptibles de revigorer leurs propres musiques, mais surtout
les éléments incompatibles avec les principes fondamentaux des
musiques traditionnelles de l'Asie et de l'Afrique. »77(*)
L'art africain s'abâtardit pour devenir simple
exaltation de la subjectivité. Cet art n'est plus engagé. Il est
donc nécessaire que nous puissions revenir aux significations les plus
profondes de ces arts africains. Avec LABURTHE-T.P. et René BUREAU,
l'espoir renaît car « la musique et la danse africaines
relayées par l'Amérique du Sud et du Nord, apportent une
contribution capitale à la civilisation moderne. Non seulement au niveau
populaire, mais aussi dans la musique savante (la création du monde de
DARIUS MILHAUD ; recherches polyrythmiques d'Olivier MESSIAEN,
etc....). »78(*) Aussi, nombre d'artistes africains ne destinent-ils
pas leurs arts tant dans la peinture, la sculpture, la littérature que
dans la musique au service du peuple pour la liberté,
l'épanouissement de l'univers humain ?
L'oeuvre artistique ne doit nullement demeurer en marge des
luttes que mènent les Africains pour leur indépendance
culturelle. Artistes de toutes sortes : écrivains, musiciens,
sculpteurs doivent exprimer leur génie créateur pour les
intérêts du peuple, la conscientisation et la moralisation du
peuple. Ces artistes doivent cesser d'être des griots et des mendiants en
quête de survie. L'art africain ne doit pas se réduire au plagiat
ni même au mimétisme. Pour remédier à cette
situation, les artistes africains doivent s'inspirer des réalités
africaines et puiser dans leurs traditions ce qu'il y a d'original et de
marque. La seule clé du succès d'un artiste est le travail
quotidien. Les jeunes talents doivent s'inspirer des anciens tout en cherchant
à les dépasser. Un vieil adage africain précise bien
« Qui ne sait pas tailler un piquet, doit s'inspirer de l'oreille
du chien. »
II-3. Synthétisme culturel
L'homme contemporain tant en Afrique que dans le reste du
monde se veut être un produit de synthèse culturel. Il veut
être assorti du nihilisme moral de la modernisation. Il doit être
l'homme qui sait aller à la rencontre de l'autre. Comment un tel projet
est-il réalisable ? Dans la poussée vertigineuse du
matérialisme et du scientisme parfois avilissante, en face de laquelle
« les consciences sont comme obscurcies, incapables de
distinguer le vrai du faux, le juste de l'injuste, le bien du
mal »79(*),
il appartient à l'homme moderne et surtout à l'Africain de
prendre du recul, de se placer sur l'orbite des valeurs culturelles des peuples
afin de sélectionner les traits culturels constructifs tant dans sa
culture que dans celle de l'autre. Une prise de conscience s'impose alors sur
les différentes « valeurs » culturelles de notre
temps. C'est conscient de cette nécessité que le pape Pie XII
interpelle chacun en ces termes : « Il vous appartient,
Messieurs de discerner parmi les influences innombrables et tellement
mêlées, qui vont et viennent, entre l'Europe et l'Amérique,
celles qui sont vraiment constructives et se révèlent, utiles au
progrès moral et spirituel des peuples en
présence. »80(*) Un tel esprit de discernement permettra
l'avènement d'un visage authentique de l'homme avec l'apparition d'une
personnalité vraie et non falsifiée. Sachant les valeurs
culturelles dépersonnalisantes et aliénantes, l'homme nouveau
cherchera à décoloniser sa mentalité pour aspirer aux
valeurs absolues.
Il s'agira ainsi pour l'Africain de reconquérir ses
valeurs culturelles perdues, ses attributs niés et perdus pour agir dans
la dignité et la confiance en soi. Le respect de sa culture est ainsi
pointé mais qui ne doit pas sous aucun prétexte s'ériger
en « valeurs-refuges » pour mettre la modernisation de
côté. Avec MBUMUA, il est évident que le respect de la
culture implique à coup sûr « la valorisation de la
personnalité culturelle pour que la société en voie de
modernisation n'éprouve pas de déséquilibres traumatisants
par des emprunts ou la greffe des modèles culturels dominateurs et
aliénateurs. »81(*) C'est l'avènement d'un type d'homme africain
enraciné dans sa culture, capable d'emprunter sans complexe les
modèles étrangers et les faire siens. Ce nouvel homme saura
éviter les déviations et les crises pénibles. Il
réinterprétera les traits culturels nouveaux qu'il veut
introduire dans sa culture. Il se débarrassera des adjonctions
culturelles étrangères inutiles liées à la
civilisation rétrograde82(*).
Un vibrant appel est lancé aux dirigeants africains
pour qui le développement se résume en un emprunt inconscient des
modèles étrangers, modèles qui ne répondent pas
dans la plupart des cas à l'accroissement dynamique de nos peuples.
Pour tout dire, l'Afrique a besoin aujourd'hui d'un homme de
synthèse. Pour cela, la révolution culturelle avec MBUMUA doit
nous permettre de « réinventer l'homme et son
comportement devant la vie, de créer des rapports plus harmonieux, plus
libres, plus confiants avec la jeunesse dont l'intégration au processus
de la quête collective d'un meilleur avenir doit être un souci
constant. »83(*) Pour l'élaboration d'une jeunesse qui soit
capable de prendre en compte son passé, son présent et son futur
dans son épanouissement quotidien, il faut que du passé au
présent, un fil conducteur soit établi ; lien grâce
auquel elle reconnaîtra toujours son identité et celle de la
réalité mouvante et changeante84(*). Dans ce cas, elle fera un tri des valeurs
traditionnelles et modernes propices à l'éclosion de son
être, à son accomplissement. Cette réalisation porteuse
d'espérance nécessite la promotion de la culture africaine
basée sur des réalités concrètes africaines. Le
synthétisme culturel avec la mise en oeuvre des différentes
valeurs culturelles donnera lieu à l'avènement d'un
développement efficace et sincère de l'Afrique contemporaine. Ces
différentes valeurs doivent être en étroite relation avec
les réalités endogènes du continent.
III. PARTIE
VOIES ET PERSPECTIVES DE LA
PROMOTION
DE LA CULTURE AFRICAINE
L'évolution des cultures laisse présager un
enjeu décisif pour l'avenir du monde et de toute l'humanité. La
culture semble orienter les projets de l'homme. Mais force est de constater que
ces cultures se dégradent et se vident de leur sens, de leur contenu
moelleux et de leurs valeurs chez beaucoup de peuples africains.
Provoquée par les médias qui ont endormis les consciences, cette
dépendance inquiète quant à l'avenir culturel de l'Afrique
et l'évolution morale. En ce sens, le constat de Hervé CARRIER
est pertinent : « L'une des inquiétudes les plus
fréquemment exprimées est le fait que l'importation continuelle
des programmes audio-visuels finit par créer une véritable
dépendance culturelle, engendrant une grande aliénation de la
culture propre, souvent aussi une sérieuse dégradation des
valeurs morales et un ébranlement des institutions traditionnelles,
surtout dans la famille. »85(*) Face à un tel danger, la
nécessité pour l'Afrique de promouvoir sa culture, d'orienter
autrement sa politique culturelle n'est pas à démontrer. Cette
promotion culturelle donnera lieu à une redéfinition de notre
politique culturelle et à diffuser cette culture par le moyen de
l'éducation permanente des jeunes et des adultes. Ceci permettra aux
jeunes africains de s'imprégner des valeurs humaines et ultimes de leur
culture pour éviter la situation actuelle de nos élites où
un séjour en France donne lieu à une affectation à la
capitale ou la situation d'un moniteur du Nord-Congo qui, après un seul
stage ne fait plus de tournées en brousse, ne quitte plus ni bureau, ni
veste, ni cravate qui sont gardées par des ministres et des membres du
cabinet, même quand la chaleur d'étuve les rend
insupportable86(*).
Somme toute, avec le temps, cette diffusion des cultures par
les Etats conduira probablement vers l'imprévisible qui se dessine sous
le nom d'une homogénéisation culturelle. L'attention à ce
qui constitue la matrice humaine (la culture) permettra à l'Afrique de
s'intégrer, de s'adapter comme telle, belle créature
divine ; ce qui évitera sa duplicité honteuse, sa tendance
à prostituer sa culture. Par ailleurs, l'intégration culturelle
constituera pour le continent noir une source de valeurs où peuvent
s'abreuver des nations aujourd'hui étourdies et sans humanité,
des nations perverties et que l'amour, l'hospitalité, la contemplation,
le sens de l'humain et du divin encore présents en Afrique peuvent
guérir. L'intérêt accordé à sa culture
démasquera sans doute l'homogénéisation culturelle que
prône la mondialisation.
III- 1. La nouvelle
orientation de la politique culturelle africaine
La configuration mondiale actuelle suscite de nombreuses
inquiétudes : terrorisme, homosexualité, guerre,
lesbienisme, pédophilie, surexploitation des enfants, corruption,
misère morale et dépravation de toutes sortes. Cette nouvelle
face du monde doit nous amener à veiller aux grains, à
redéfinir notre politique culturelle suivant les problèmes
prioritaires de notre milieu. Cette redéfinition doit signifier pour
nous d'abord un renoncement à nos intérêts
égoïstes. Et dans ce sens, le rôle de l'Etat sera de
faciliter la créativité et la croissance culturelle de toutes les
composantes de la société sans exclusion ou préjudice.
Cette orientation donnera à notre culture l'occasion de se mondialiser,
de trouver à travers chacun de nous « une identité
rayonnante, une identité attrayante »87(*) aux yeux des autres. Dans
cette perspective, la politique culturelle gagnerait de vastes secteurs
gouvernementaux où se revèle la culture. Cette politique touchera
ainsi à toutes les dimensions de la vie en mettant l'être humain
au centre comme valeur à réaliser et à épanouir. La
promotion de la culture africaine passera par la nôtre qui doit
témoigner de la valeur et de l'importance que nous accordons à
cette culture. C'est dans ce sens que Marcien TOWA affirme que :
« notre mode d'être, c'est nous-mêmes en tant que
nous voulons nous affirmer et nous faire reconnaître par nos
oeuvres. »88(*) La politique culturelle doit avoir pour objectif
l'encadrement des jeunes, encouragement et multiplication des rencontres, des
forums culturels des jeunes, des échanges culturels. Mais le constat
actuel est pertinent avec les gouvernements ambigus de l'Afrique. Les
démagogies quotidiennes, le détournement permanent des deniers
publics, sans perdre de vue les campagnes électorales et les
élections truquées, témoignent de la mauvaise politique de
la gestion de la chose publique. Vieux ou jeunes, nous sommes tous
responsables. Fascinés et absorbés par l'Occident, nos
élites et dirigeants doivent se vêtir de l'africanité pour
promouvoir cette culture. Félix HOUPOUET-BOIGNY dénonce ce fait
en ces termes : « Nulle part en Afrique on a encore une structure
politique tirée des réserves traditionnelles ; tout fut
calqué sur l'organisation du colonisateur. A ce jeu, on reste
intellectuellement colonisé et on peut dire que `'l'oiseau noir n'a fait
qu'occuper le nid abandonné par l'oiseau
blanc''. »89(*) Pour combler ce vide, une voie se fraye avec Alpha
SOW, pour qui « nos autorités gouvernementales devront
définir une politique culturelle et élaborer une charte nationale
de la culture garantissant le respect, la dignité,
l'égalité et la promotion des langues et cultures de toutes les
communautés nationales et précisant les modalités de mise
en valeurs de ces principes. »90(*) Mais comment y parvenir concrètement ?
Pour cela, l'école reste le lieu du jeu. Elle est le
lieu où se développe la pépinière des élites
africaines de demain. Nous proposons qu'il y ait dans nos écoles une
refonte du système éducatif et une nouvelle élaboration
des programmes adaptés aux réalités africaines. Ceci
permettra de sortir, de libérer les jeunes africains abrutis par une
mentalité figée, occultée et aveuglés par des
normes d'enseignement occidental contraires à nos réalités
et que nous prenons pour idéal et seul tremplin pour notre
réalisation.
Dans l'enseignement, des valeurs culturelles telle
l'hospitalité, la sagesse et l'humanisme donneront l'occasion aux
jeunes d'exprimer librement leur génie. La refonte de la
pédagogie du système actuel d'enseignement évitera que les
jeunes soient « en face d'un enseignement trop
général, trop désincarné, trop livresque,
n'intégrant pas suffisamment la technique, la technologie, le
scientifique et se développant sans réellement tenir compte des
réalités du milieu. »91(*) Cela donnera libre cour
à une jeunesse prête aux innovations et culturellement
libérée des complexes. De cette manière, l'art deviendra
ainsi l'expression fondée de la culture locale. Les jeunes
relèveront alors le défi, incarneront ce qui nous a
échappé. CHEICK Hamidou KANE nous apprend dans ce sens que :
« nos meilleures graines et nos champs les plus chers ce sont nos
enfants. »92(*) La réalisation de ce rêve dépend
de la révolution de nos mentalités et de nos cultures.
III-2. Des voies
inéluctables
III-2.1. L'Education permanente
L'éducation joue un rôle important dans la
réalisation de l'espèce humaine. Elle nous arrache à des
formes d'asservissement, de l'animalité et d'agressivité pour
nous donner le sens réel du pourquoi de notre existence. L'homme est
ainsi fruit de l'éducation. C'est pourquoi il faut inviter les jeunes
dès le bas âge à une véritable formation de leur
personnalité sur les valeurs essentielles de l'humanité :
élever à un haut degré le sens de l'être sur les
``valeurs'' illusoires. L'acquisition d'un esprit éclairé est un
remède à la course au matérialisme qui classe l'humain au
garage au profit d'un égoïsme exacerbé et insignifiant. Mais
comment faire pour promouvoir ces valeurs galvaudées
aujourd'hui ?
La promotion culturelle passe par une éducation
permanente tant des jeunes que des adultes. C'est la raison pour laquelle
MBUMUA W. pense que : « la révolution culturelle se
confond avec la révolution éducative, c'est-à-dire elle
aboutit nécessairement à une refonte radicale de la philosophie
et du système éducatif. »93(*) Il y a urgence de l'action
éducative pour ne pas se trouver avec des jeunes acculturés,
déracinés, coupés de leur source et emportés
totalement par la culture étrangère qui n'offre pas toujours des
valeurs dignes de ce nom. L'objectif de cette action n'est pas de
préserver l'Africain traditionnel, ni d'en faire un ``Européen'',
mais de créer l'Africain moderne capable d'intégrer tous les
éléments occidentaux qui répondent aux exigences de la vie
contemporaine dans la tradition autochtone rationnellement
thématisée au sens de JANHEINZ J.94(*). La promotion de notre culture et
l'élaboration d'un Africain digne doivent avoir pour base
l'éducation de nous-mêmes et des jeunes africains plongés
pour la plupart dans les imitations serviles, dans les errements et le
dédoublement. L'éducation culturelle doit ainsi nous permettre de
nous enraciner dans notre culture, de nous moderniser sans nous renier. Ainsi,
avec l'éveil de la conscience se formera une jeunesse africaine moderne
digne qui ne sera plus « une jeunesse falsifiée,
déracinée, dédoublée. »95(*) Seule l'éducation fera
de nous ce que nous serons, ce que sera notre culture.
Malheureusement, cette éducation est très
minée en Afrique. Le système éducatif ne répond pas
aux exigences africaines. C. HAYFORT l'a remarqué en notant que :
« Le vrai problème de l'Africain consiste à
développer ses possibilités entant qu'Africain... Les
méthodes qui sont jusqu'ici utilisées sont absurdes parce
qu'elles ont été transplantées sur le terrain sans tenir
compte de l'homme noir. »96(*) Il faut l'introduction des valeurs culturelles
humanistes dans l'enseignement scolaire. Nos systèmes éducatifs
doivent tenir compte de ces valeurs culturelles pour répondre aux
besoins et aux réalités africaines. Cette façon
arracherait le jeune africain du « ``bovarysme'' culturel qui
conduit une société à perdre confiance en elle-même
et à chercher ailleurs les éléments de son
accomplissement. »97(*)
L'éducation se veut d'abord familiale. Les parents
doivent être des pionniers de l'éducation de leurs enfants. Au
sens de Hervé CARRIER, la famille doit « dans chaque
projet de politique culturelle, être considérée comme le
fondement privilégié où se communique et s'enrichit la
sagesse populaire, où se cultivent les valeurs éthiques et
spirituelles qui confèrent toute sa dignité à la culture
vivante. »98(*) L'accent doit être mis sur l'éducation
de base qui commande et qui est responsable de notre devenir existentiel. Car
la personne dès sa naissance acquiert et intériorise les aspects
de sa culture dans sa société qui le moule.
La situation des jeunes dans nos sociétés
urbaines déstructurées, dépassées et
décontenancées par le rythme de la mondialisation nous laisse
voir une jeunesse médiocre, désorientée et éprise
d'une éducation pauvre en valeurs humaines. Cette situation doit nous
interpeller. Il y a intérêt pour toutes les sociétés
africaines à réviser leur politique culturelle pour
l'élaboration d'un type d'homme qui saura conduire l'Afrique vers sa
destinée. Lié étroitement à la culture, le
développement en Afrique a besoin de la culture africaine pour se
réaliser. Cela implique une mise à jour des valeurs culturelles
tant africaines qu'étrangères correspondant aux exigences de
l'univers africain. C'est pourquoi dans la révision de sa politique
culturelle intérieure et extérieure, l'Afrique ne doit pas
seulement promouvoir ses valeurs traditionnelles, mais aussi les nouvelles
valeurs. Il faut alors initier les jeunes africains à leur culture
dès leur jeune âge.
Dans le processus de réalisation de ce noble projet de
société, les philosophes africains doivent jouer le rôle
d'éclaireurs et d'éveilleurs de conscience et inviter la masse
à un regard critique sur les anciennes et nouvelles ``valeurs''. Pour y
parvenir, nos philosophes doivent se libérer d'abord du griotisme
encouragé par nos gouvernements malades du culte de la
personnalité. La culture cessera alors d'être un simple outil de
divertissement pour devenir la condition sine qua none de
l'épanouissement totale comme pense Hervé CARRIER :
« la culture donne à l'homme la capacité de
réflexion sur lui-même. C'est elle qui fait de nous des
êtres spécifiquement humains, rationnels, critiques et
éthiquement engagés. »99(*) C'est par la culture que
l'homme se libère de toute frustration et s'hominise réellement.
En effet, il ne faut jamais l'oublier, les jeunes sont les fers de lance, la
sève de chaque peuple. Ce sont eux qui prendront en main la
destinée de l'Afrique. La nécessité d'une réflexion
profonde sur les problèmes socio-culturels que connaît aujourd'hui
ce continent conduira à une jeunesse réussie, aguerrie face aux
enjeux du monde à venir. Cette jeunesse éclairée et mature
comprendra aisément que la science et la technologie ne sont que fille
d'un environnement donné et qu'il faut les domestiquer comme facteurs du
progrès et non d'autodestruction.
III-2.2. L'Internet comme moyen de diffusion de la
culture africaine
A l'échelle mondiale, la culture africaine pour sa
promotion demande l'engagement de tout africain. Mondialiser cette culture pour
faire connaître aux autres la richesse qu'elle renferme se veut la
vocation de nous tous. Pour que cette culture soit fonctionnelle, elle doit
être l'apanage premier de nous tous. La culture africaine doit avoir pour
ambition réelle et pour vocation d'offrir aux autres un
complément des valeurs qu'ils ne possèdent pas. De ce fait,
à travers l'Internet, l'Afrique doit se tourner vers les autres
continents pour recevoir et donner ce qu'elle a de meilleur. Félix
HOUPHOUET-BOIGNY pense qu'« elle a à apporter comme tous
les autres continents, ses valeurs propres : un certain sens de la
communauté, un humanisme africain, une sagesse, ce sont là des
valeurs qui manqueraient au monde, et dont il a
besoin. »100(*)
Les Africains doivent opter pour une grande production
culturelle d'où émergera le génie africain. L'effort de
certains pays tels la Côte d'Ivoire, la République
Démocratique du Congo, le Cameroun par leurs multiples productions
artistiques des réalités du continent est encourageant. La
diffusion rapide des valeurs culturelles africaines à l'échelle
mondiale doit se faire par l'usage de l'Internet. Cet outil nous offre une
seconde chance. C'est un réseau propice pour la vulgarisation de la
culture africaine, une réelle emprise pour l'Afrique de montrer et de
présenter au monde sa vraie culture. L'Internet, même s'il a
quelques zones d'ombre, demeure un outil de promotion de la culture. C'est pour
nous Africains, une opportunité (à bon usage rationnel) d'user de
cet outil pour rejoindre sur la table de dialogue les autres cultures pour une
autocritique.
Pour y parvenir, il est judicieux de mettre en place des sites
de promotion culturelle, des vitrines culturelles qui ouvriront l'Afrique
à d'autres cultures, lui permettront d'exposer sa
« Weltanschaung » et d'entrer en contact permanent
avec d'autres sensibilités. Ces sites serviront également des
marchés de vente des produits culturels, d'exposition d'artistes
africains et de galeries culturelles. Un service est rendu ainsi à nos
frères de la diaspora. L'humanité tout entière entrera en
contact avec la richesse des vestiges culturels africains. Beaucoup d'Etats en
sont déjà conscients et ont fait quelque chose dans ce sens.
Grâce à leur esprit d'initiative, des sites comme AFRINET,
« NDEUP 1 », « TOUROU 2 »,
« GOUMBE 3 » donnent un panorama et un background de
l'Afrique. Ces sites rendent facile l'apprentissage des langues africaines.
Certains sites d'apprentissage des langues africaines suscitent d'ailleurs de
plus en plus un intérêt chez les Africains de la diaspora. Ils
sont fiers d'appartenir à un peuple au passé glorieux et qui a su
conserver ses langues malgré une histoire assombrie par la traite
négrière et de la colonisation. Grâce au progrès
technologique, on trouve sur l'Internet des dictionnaires français
wolof, des sites Web en Swahili. On lit avec gaieté sur le Web du
swahili du Xosa, de l'Ikan à côté du français et de
l'anglais. MBENGUE constate à cet effet que : « de
plus en plus les langues africaines sont enseignées dans les grandes
Universités américaines et européennes et l'Internet y est
grandement pour quelque chose. »101(*) Il reste encore beaucoup
à faire car combien de nos pays en ont pris conscience ? Combien de
nos langues autochtones sont enseignées dans nos écoles, dans nos
Universités d'Etat et combien d'entre nous, connaissons notre culture et
parler couramment notre langue maternelle ?
Malgré ce constat douloureux, il n'est pas tard. Car,
l'Internet nous offre une chance pour la promotion de nos langues, de nos
arts, bref de notre culture. Nous devons nous en réjouir et l'utiliser
à bon escient. De notre sagesse et engagement dépendra son
rôle. Car, son mauvais usage conduit à des perversions et à
la dépersonnalisation. Nombre sont ceux qui l'usent à des fins
lamentables telle la pornographie, à l'écoulement des drogues des
réseaux mafieux, certaines y apprennent le crime, la violence et le vol.
D'autres y cherchent des contacts virtuels qui aboutissent très souvent
au mariage. Le cas flagrant de nos soeurs africaines est fortement
souligné. Pour Charles ATEBA EYENE : « nos soeurs
qui, sur la base de simples photos vont en Belgique, en France, en Suisse ou
aux USA sont souvent surprises de constater quelles doivent servir de femmes
aux chiens et aux autres chevaux. D'autres sont obligées
d'épouser leur ancêtre parce que les photos reçues datent
de la jeunesse. »102(*)
III-3. L'idée d'une homogénéisation
culturelle
Les relations et les brassages internes des cultures ont
donné lieu au phénomène de l'homogénéisation
culturelle. Cette nouvelle forme culturelle semble construire une nouvelle
société humaine calquée sur l'uniformisation des traits
culturels suite aux influences des cultures les unes sur les autres. Ainsi, les
cultures se mondialisent et provoquent l'avènement d'une nouvelle
société. Les moyens de communication, les techniques modernes de
production et de distribution ont rendu plausible ce degré
évolutif de la culture. Le métissage culturel constaté
dans les comportements est autant de traits d'union entre une culture ancienne
et une culture moderne. Les aspirations sont presque les mêmes
aujourd'hui : les mêmes travaux, les mêmes règles de
comportement, les mêmes quêtes de liberté. Pour preuve, les
modes vestimentaires, les loisirs, les goûts et l'esthétique sont
copiés et produits sur les mêmes modèles.
Le surgissement de cette nouvelle société avec
une nouvelle culture mondiale, universelle n'est pas épargné des
complexes, des crises et des déviations importantes, mais
au-delà, se dessine une communauté enrichie avec des nouvelles
valeurs culturelles propices à la réalisation de l'homme. C'est
une chance pour l'épanouissement humain, un rapprochement des hommes
dans leurs diversités culturelles. Ceci entraînera une
véritable solidarité du genre humain dans la recherche du bien
commun, le dialogue social et la réalisation de la vocation humaine.
Cela s'est concrétisé dans la mobilisation mondiale contre la
guerre d'Irak et la solidarité mondiale envers les victimes des Tsunami
survenus en Asie méridionale, il y a de cela quelques jours.
L'unité homogène des cultures, surgie du
brassage culturel, permettra la révision de beaucoup des cultures. Pour
ce qui est de la culture africaine, elle lui permettra de relever ses valeurs
ultimes et ses limites dans l'invitation de « nos peuples
à envisager la culture non comme un acquis, mais comme projet qui se
réalise avec d'autres peuples, engagés dans une histoire toujours
en projet. »103(*) Engagés ainsi, les peuples du monde
trouveront ensemble les chemins de leur réalisation car ``l'union fait
la force''. L'élaboration de cette nouvelle génération
dans un synthétisme culturel n'est pas synonyme de la mort des
diversités dans leur richesse. Emile KENMOGNE le note si bien en passant
que : « l'accès à la civilisation de
l'universel ne signifie pas la fin des particularismes culturels, au contraire,
elle implique une plus grande authentification des
cultures. »104(*) Cette authenticité des cultures
combinées en une seule sera une chance pour le développement de
la société humaine. Ces nouvelles valeurs culturelles permettront
à la nouvelle génération de croître et de s'enrichir
dans une diversité uniformisée, mondialisée et
humanisée.
CONCLUSION GENERALE
Face à l'assaut direct et brutal des schèmes
culturels différents, l'Africain se trouve pris au piège de tant
de pseudo-valeurs d'une culture étrangère qui
dépersonnalisent l'être africain ; il y a
nécessité de prendre une part importante au réveil des
consciences pour une révolution culturelle africaine humanisante. Ce
projet vise en effet à contrer l'impérialisme culturel occidental
devenu plus complexe, plus tentaculaire et plus agressif que jamais,
détruisant par le fait même la culture du continent noir, en
saccageant son incarnation dans l'histoire de l'humanité. C'est en cela
qu'a consisté notre réflexion intitulée
Impérialisme culturel occidental et devenir de la culture
africaine : Défi et perspectives. Pour examiner en
profondeur cette question et fixer notre regard sur un avenir prometteur, nous
nous sommes grimpé sur l'épaule du géant qu'est William
Eteki'a MBUMUA dans son oeuvre Un certain humanisme. La méthode
analytico-descriptive nous a semblé propice à cet effet.
L'enjeu est la redéfinition de l'identité
africaine dont « la tradition ne doit pas être ni un
élément d'oppression, une espèce de refuge de refoulement,
une espèce de corset dont les dominants seraient heureux de se servir,
ni un alibi à l'usage de certaines bonnes volontés
néanmoins paternalistes ; comme dans le cas de
l'apartheid »105(*), mais comme atout de réalisation de la nature
humaine mis au service de l'humanité.
Au-delà de ces pseudo-valeurs, la culture deviendra
alors force de libération et d'accomplissement de l'homme. Les
diversités culturelles, nées avec les hommes suivant le temps et
l'espace, doivent aboutir à la culture, celle à laquelle aspire
toute l'humanité, celle faite des valeurs les plus essentielles et les
plus actives dans le processus de l'accomplissement parfait de l'espèce
humaine. Car c'est elle qui doit réaliser le projet de l'humanité
en vue de donner à l'homme le sens de sa liberté, de sa
dignité et de sa juste place d'être humain au milieu du
matérialisme envahissant.
Face à ce phénomène, on constate avec
anxiété et tristesse que l'historicité des relations
interculturelles a provoqué des mutations sociales importantes :
aliénation, acculturation, ethnocentrisme, assimilation. C'est dans ce
contexte d'impérialisme que nombre ne savent plus aujourd'hui sur quel
pied danser. Les appels lancés de toute part pour la sauvegarde de
l'identité de soi, surtout dans le Tiers-Monde dont la culture se trouve
menacée et placée au garage folklorique sont de plus en plus
aigus. L'inquiétude est grande et il faut en appeler à la
conscience universelle. Gilberto FREYRE souligne pour déplorer la
situation des Africains et des Brésiliens : « Il ne
faut pas que la modernisation les fasse entrer en lutte contre leur
environnement, soit qu'elle les coupe de leurs sources culturelles, soit
qu'elle rende artificielles les manifestations nationales de leur
culture. »106(*) La culture africaine ne peut échapper
à cet enlisement que par la révolution. Malgré la
multitude de ses valeurs capables d'assurer son avenir, elle a encore besoin de
l'apport extérieur pour s'enrichir davantage. Ce progrès ne peut
se réaliser que par le changement de mentalité et de
l'éducation. L'autocritique et le dynamisme constituent les
critères de développement de la culture africaine. La crise des
valeurs suite à la dégradation de la culture africaine constitue
le fond de notre travail de recherche. Face à ce problème,
William E. MBUMUA propose un retour aux sources pour recenser les valeurs
nécessaires à la réalisation de l'homme aboutissant
à l'avènement d'un homme synthétique dont l'Afrique a
besoin aujourd'hui. C'est pour nous, Africains, un impératif
catégorique d'intégrer dans notre propre culture sans
nous renier la rationalisation de nos modes de vie et de nos styles avec un
esprit critique et aussi de notre dynamisme culturel aux contacts avec les
autres. Pour cela, il y a lieu de revenir sur notre passé afin de mieux
nous projeter dans l'avenir. Ce retour est une prise de base d'envol et non une
exhibition de nos pseudo-valeurs culturelles toutes faites. C'est un retour en
vue d'un saut de qualité qui soit capable de redorer l'image de celui
que l'histoire a terni.
Seule une révolution culturelle en profondeur nous
permettra de réaliser l'homme total dont a besoin le continent. Et cette
« révolution culturelle ne sera pas l'avènement
d'un ghetto culturel, d'un factice retour à l'état d'un monde de
rêve et de folklore »107(*), mais l'incarnation d'une Afrique digne
d'elle-même, la réinvention d'hommes nouveaux libres, fiers
d'appartenir à leur peuple, prêts à oeuvrer pour la
réalisation du genre humain. Ainsi, on assistera à
l'avènement d'une nouvelle élite qui jouira de son
identité et non plus à celle d'aujourd'hui falsifiée,
dépersonnalisée, déracinée et aliénée
par une mentalité abrutie et colonisée. Tâche difficile car
si rien n'est fait, « l'âme africaine achèvera de se
dissoudre si les élites du continent persistent à refuser leur
propre passé, à craindre l'immersion dans la masse et à
prêcher l'exode culturel. »108(*)
En réalité, l'éducation permanente des
jeunes et des adultes dans le réveil des consciences, des âmes est
capable de donner à l'Afrique son image d'antan où ses fruits
dodus miroitaient au soleil et attiraient les abeilles des déserts
lointains. Elle prendra la famille comme cellule de base et le philosophe comme
éveilleur de conscience. L'éducation à la langue
maternelle et aux langues nationales sera l'élément moteur en
partant des réalités propres à nos peuples pour
transformer leur milieu. Et « c'est pour cette raison qu'il faut
utiliser les langues africaines par lesquelles on peut instruire les masses et
leur communiquer les méthodes culturelles et les techniques
culturelles. »109(*) Il s'avère alors nécessaire
d'apprendre nos langues à l'école et d'orienter autrement notre
politique culturelle.
Et pour un accès à un très grand nombre
à cette culture africaine, il faut procéder à sa
promotion, à sa diffusion et à la volonté d'offrir aux
autres univers sociaux ce que nous avons de plus précieux et de
particulier. Et nous l'avions remarqué que l'Internet s'est
proposé aujourd'hui pour la diffusion de cette culture. Mais dont
l'usage doit dépendre de notre bon sens. Il est important à tout
Africain de promouvoir sa culture, d'entamer une révolution culturelle
pour se libérer des contraintes des pseudo-valeurs et ne pas se laisser
occire par la nostalgie du passé ou par la mondialisation. Il est donc
nécessaire de procéder à une décolonisation de nos
mentalités arrêtées sur notre propre culture et
d'être ce que nous sommes. Et avec PINDARE, un appel est lancé
à tout Africain : « Deviens ce que tu
es »110(*) tout en sachant que : « Un
goût trop fort, c'est toujours du poison. »111(*)
Nos cultures pourront nous éclairer dans la recherche
du bonheur dont tout le monde a besoin. La révolution culturelle
africaine sera-t-elle ou ne sera-t-elle pas ?
BIBLIOGRAPHIE
OEuvre de l'auteur
1- Un certain Humanisme, Yaoundé, Clé,
1970.
2- Démocratiser la culture, Yaoundé,
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11- ZEA L., « Amérique latine, une
mosaïque de cultures », in Unesco,
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« Point de vue », n°13, Yaoundé, Clé,
1973.
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Maspero, 1962.
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Du discours à la pratique, A.M.M.-nov. 2001.
2- BLYDEN Edward, Christianity, Islam and Negro Race,
Edinburgh University Press, 1967.
3- CARRIER Hervé, Lexique de la culture. Pour
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1992.
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Paris, Juliard, 1961.
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6- DUMONT René, L'Afrique noire est mal
partie, Paris, Seuil, 1962.
7- EBOUSSI BOULAGA Fabien, La crise du Muntu, Paris,
Présence africaine, 1977.
8- HOUPHOUET-BOIGNY Félix, Tradition et Modernisme
en Afrique Noire, rencontre internationale de Bouaké, Paris, Seuil,
1965.
9- JANHEINZ Jahn, Muntu, L'homme africain et la culture
néo-africaine, Paris, Seuil, 1958.
10- KENMENGUE E., Comprendre la philosophie, tome I,
Presses Universitaires de Yaoundé, 2000.
11- LABURTH-TOLRA P. et BUREAU René, Initiation
africaine, Supplément de philosophie et de sociologie à l'usage
de l'Afrique noire, Yaoundé, Clé, 1971.
12- LANTIER Jacques, L'Afrique déchirée. De
l'anarchie à la dictature, de la magie à la technologie,
Paris, Planète, 1967.
13- MOUNIER Emmanuel, Les oeuvres complètes,
Paris, Seuil, 1962
14- MUDIMBE V.Y., L'Odeur du Père. Essai
sur des limites de la science et de la vie en Afrique Noire, Paris,
Présence africaine, 1982.
15- NJOH-MOUELLE Ebénézer, De la
médiocrité à l'excellence, Yaoundé,
Mont Cameroun, 1988.
16- PEELMAN Achiel, L'inculturation. L'Église et
les cultures, Paris, Desclée, 1988.
17- PENOUKOU EFOUE-Julien, Eglise d'Afrique, Propositions
pour l'avenir, Paris, Karthala, 1984.
18- PIE XII, L'éducation, la science et la
culture, Paris, Fleurus, 1956.
19- SOWA I Alpha, Introduction à la culture
africaine, Paris, Union générale d'éditions, 1977.
20- TOWA M., Essai sur la problématique
philosophique dans l'Afrique actuelle, Yaoundé, Clé,
1981.
21- VERGUEZ André et HUISMAN Denise, Nouveaux
Cours de Philosophie, tome II, Paris, Fernand Nathan, 1980.
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
5
I. PARTIE
8
PHYSIONOMIE D'ENSEMBLE DES RELATIONS
CULTURELLES
8
I-1. Les concepts : Culture et
Cultures
8
I-2. Historicité des relations
interculturelles
11
I.3. LES TYPES DE RELATIONS
CULTURELLES
13
I.3.1. LE DYNAMISME CULTUREL
13
I-3.2. L'IMPERIALISME CULTUREL
15
II. PARTIE
21
LA CULTURE AFRICAINE
21
II.1.1 Essence et
caractéristiques de la culture africaine
21
II.1.2 Valeurs de la culture
africaine
23
II - 2 Les problèmes culturels
africains
26
II.2.1. Aliénation
culturelle.
27
II- 2.2. L'ethnocentrisme
29
II.2.3. Le phénomène
d'acculturation
32
II.2.3.1. Les langues africaines
33
II. 2.3.2. L'art africain
36
II-3. Synthétisme culturel
38
III. PARTIE
41
VOIES ET PERSPECTIVES DE LA
PROMOTION
41
DE LA CULTURE AFRICAINE
41
III- 1. La nouvelle orientation de la
politique culturelle africaine
42
III-2. Des voies
inéluctables
44
III-2.1. L'Education permanente
44
III-2.2. L'Internet comme moyen de
diffusion de la culture africaine
47
III-3. L'idée d'une
homogénéisation culturelle
49
CONCLUSION GENERALE
51
BIBLIOGRAPHIE
55
Table des matières
57
* 1 CARRIER H., Lexique de
la culture. Pour l'analyse culturelle et l'inculturation, Paris,
Desclée, 1992, p. 70
* 2 MOUNIER E., Les oeuvres,
tome3, Paris, Seuil, 1944-1950, p. 268.
* 3 MBUMUA W. E.,
Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974, p.
9.
* 4 POUNOUKOU E. J.,
Église d'Afrique, Propositions pour l'avenir, Paris, Karthala,
1984, p. 158.
* 5 CARRIER H., Lexique de
la culture. Pour l'analyse culturelle et l'inculturation, Paris,
Desclée, 1992, p. 70.
* 6 MOUNIER E., Les
oeuvres, tome 3, Paris, Seuil, 1944-1950, p. 268.
* 7 MBUMUA W.E.,
Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974, p.
9.
* 8 POUNOUKOU E.J., Eglise
d'Afrique, Propositions pour l'avenir, Paris, Karthala, 1984, p.158.
* 9 MBUMUA W.E., Un certain
humanisme, Yaoundé, Clé, 1970, p. 17.
* 10 PEELMAN A.,
L'inculturation. L'Église et les cultures, Paris,
Desclée,1988, p. 42.
* 11 CARRIER H., Lexique de
la culture. Pour l'analyse culturelle et l'inculturation, Paris,
Desclée, 1992, page Couverture.
* 12 PEELMAN A., Op.
Cit., p. 42.
* 13 MBUMUA W.E.,
Démocratiser la culture, Clé, Yaoundé, 1974,
p. 7.
* 14 PEELMAN A., Op.
Cit., p. 46.
* 15 CARRIER H., Lexique de
la culture. Pour l'analyse culturelle et l'inculturation, Paris,
Desclée, p. 106.
* 16 JEAN-PAUL II,
« Diversité des cultures et respect
réciproque » in DC 2239, (2001), p. 2.
* 17 HERRIOT É.,
cité par KENMOGNE E., Comprendre la philosophie, Tome I,
Presses Universitaires de Yaoundé, 2000, p. 93.
* 18 LINTON R., cité par
VERGEZ A., - HUISMAN D., Nouveaux Cours de philosophie, tome II,
Paris, Fernand/Nathan, 1980, p. 5.
* 19 GALBIATI F.,
« Globalisation et mission à travers
l'éducation » in Omnis Terra 406, (2004), pp
.370.
* 20 LABOURTHE-T.P., BUREAU R.,
Initiation africaine, Supplément de philosophie et de sociologie
à l'usage de l'Afrique noire, Yaoundé, Clé, 1971,
p. 121.
* 21 DOLLOT L., Les
relations culturelles internationales, Coll. « Que
sais-je », Paris, PUF, 1968, p. 15.
* 22 MBUMUA W. E., Op.
Cit., p. 14.
* 23 ATANGANA J., Chemins
d'Afrique, Coll. « Point de vue », Yaoundé,
Clé, 1973, p.41.
* 24 DIAKHATE L. et Al.,
« Le processus d'acculturation en Afrique Noire », in
Présence africaine, 1965, p. 73.
* 25 MBUMUA, Op. Cit.,
p. 56.
* 26 PEELMAN A., Op.
Cit., p. 49.
* 27 ATANGANA J., Chemins
d'Afrique, Coll. «Point de vue», Yaoundé, Clé,
1973, p. 32.
* 28 JANHEINZ J., Muntu,
l'homme africain et la culture néo-africaine, Paris, Seuil,
1961, pp. 173-174.
* 29 Idem,
L'Afrique étranglée, Paris, Seuil, 1980, p. 33.
* 30 GONÇALVES M.,
« Angola, Métissage culturel » in Spiritus,
n° 93, Paris, 1983, p. 387.
* 31 ATANGANA J., Op.
Cit., p.30.
* 32 FANON F., Peau Noire,
Masques Blancs, Maspero, Paris, 1952.
* 33 TOWA M., Essai
sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle,
Yaoundé, Clé, 1981.
* 34 ZEA L., « Vers
l'imprévisible, Amérique latine, immense mosaïque de
cultures », in Unesco, Le Courrier, Août
septembre, 1977, p.6.
* 35 BLYDEN E.,
Christianity, Islam and Negro Race, Edinburgh University Press, 1967,
pp. 91-92.
* 36 CARRIER H.,
« Évangile, mission et inculturation », in Omnis
Terra 406, (2004), pp. 387-402.
* 37 MOUNIER E., Les
oeuvres complètes, Tome II, Paris, Seuil, 1962, p. 334.
* 38 Cf. MBUMUA W. E., Un
certain humanisme, Clé, Yaoundé, 1970, p. 19.
* 39 SOW I. A., Op. Cit.,
p. 33.
* 40 Intervention de la
Délégation guinéenne au festival culturel d'Alger (juillet
1969) citée par MBUMUA W. E., Démocratiser la
culture, Yaoundé, Clé, 1974, p. 7.
* 41 MUDIMBE V.Y., L'Odeur
du Père. Essai sur des limites de la science et de la vie en Afrique
Noire, Paris, Présence africaine, 1982, p. 96.
* 42 Cf. MBUMUA W. E., Un
certain humanisme, Yaoundé, Clé, 1970, p. 32.
* 43 AMADO J.,
« Nous, peuple de métis. Amérique latine, immense
mosaïque de cultures », in Unesco, Courrier,
Août-septembre 1977, pp. 18-20.
* 44 EBOUSSI B. F., La
crise du Muntu, Paris, Présence africaine, 1977, pp. 77-78.
* 45 JEAN-PAUL II,
« Diversité culturelle et respect
réciproque », in DC 2239, ( 2001), p. 5.
* 46 MBENGUE,
« Internet et enjeux culturels en Afrique »,
(AFRINET), Site Internet.
* 47 SOW I. A., Op.
Cit., pp. 31- 32.
* 48 Cf. MBUMUA W.E, Op.
Cit., p. 9.
* 49 Idem, p. 11.
* 50 FANON F., cité
par JANHEINZ J., Muntu, L'homme africain et la culture
néo-africaine, Paris, Seuil, 1958, pp. 130-131.
* 51 CHEIKH H. K.,
L'Aventure ambiguë, Paris, Juliard, 1961.
* 52 Cf. SOW I A., Op.
Cit., p. 37.
* 53 DILLON W., cité par
HOUPHOUET-BOIGNY F., Tradition et Modernisme en Afrique noire, Rencontre
internationale de Bouaké, Paris, Seuil, 1965, p. 313.
* 54 MUDIMBE, L'Odeur du
Père. Essai sur des limites de la science et de la vie en Afrique
Noire, Paris, Présence africaine, 1982, p. 118.
* 55 TRAN VAN KHÊ,
« les musiques d'orient malades du JULE-BOX », in
Unesco, le courrier, Juin 1973, pp. 6-13.
* 56 JANHEINZ J., Op. Cit.,
p. 7.
* 57 JANHEINZ J., Op. Cit.,
p. 7.
* 58 DUMONT R., L'Afrique
noire est mal partie, Paris, Seuil, 1962, p.210.
* 59HOUPHOUET-BOIGNY F.,
Op. Cit., p. 43.
* 60 LABURTHE-T. P., -BUREAU
R., Initiation africaine, Supplément de philosophie et de
sociologie à l'usage de l'Afrique noire, Yaoundé,
Clé, 1971, p.257.
* 61 MOUELLE N.E., De la
médiocrité à l'Excellence. Essai sur la signification
humaine de développement, Yaoundé, Clé, 1972, p.
150.
* 62 DIAKHATE L.,
« Le processus d'acculturation en Afrique Noire », in
Présence africaine, 4ème trimestre, 1965, pp.
68-81.
* 63 KI-ZERBO J., cité
par LABURTHE-T. P., -BUREAU R., Op. Cit., p. 281.
* 64 PEELMAN A., Op.
Cit., p. 114.
* 65 JEAN-PAUL II,
« Diversité de cultures et respect
réciproque » in DC, janvier 2001, n°
2239, p. 3.
* 66 LANTIER J., L'Afrique
déchirée. De l'anarchie à la dictature de la magie
à la technologie, Paris, Planète, 1961, p. 64.
* 67 SOW A., Op.
Cit., p. 253.
* 68LABURTHE-T.P., -BUREAU R,
Op. Cit., p. 112.
* 69 MUDIMHE V. Y., Op.
Cit., pp. 110-111.
* 70 PAULME D.,
Dictionnaire de la philosophie africaine, Paris, Fernand Hazan,
1968, p. 218.
* 71 KEVIN WATKINS,
« Identité culturelle », (PNUD), Site
Internet
* 72 TEVOEDJRE A., cité
par SOW I A., Op. Cit., p. 45.
* 73 Cf.LABURTHE-T.P, -BUREAU
R., Op. Cit., p. 113.
* 74 Cf. SEYDOU B. K.,
cité par KEVIN WATKINS, (PNUD), Site Internet
* 75 Cf. HOUPHET-BOIGNY F.,
Op. Cit. , p.135.
* 76 LABURTHE -T. P., -BUREAU
R., Op. Cit., p. 109.
* 77 TRAN VAN KHÊ,
Op. Cit., p.11.
* 78 LABURTHE-T. P., -BUREAU R
., Op. Cit., p. 110.
* 79 AMADOU E.,
Théisme dans la conscience de l'homme Guiziga, GSSAM,
inédit, MP 2001/2002, p. 92.
* 80 Pie XII,
L'Éducation, la science et la culture, Fleurus, Paris, 1956, p.
169.
* 81 MBUMUA W.E.,
Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974,
p. 20.
* 82 Cf., LABOURTHE-T. P.,
-BUREAU R., Op. Cit., p. 240.
* 83 MBUMUA W.E., Un
certain humanisme, Yaoundé, Clé, 1970, p. 26.
* 84 Cf. NJOH MOUELLE E.,
Op. Cit., p. 61.
* 85 CARRIER H., Lexique de
la culture. Pour l'analyse culturelle et l'inculturation, Belgique,
Desclée, 1992, p. 81.
* 86 Cf. DUMONT R.,
L'Afrique noire est mal partie, Paris, Seuil, 1962, p. 76.
* 87 TOWA M., « Le
concept d'identité culturelle », in L'identité
culturelle camerounaise, Yaoundé, 1985, p. 38.
* 88 TOWA M., Op.
Cit., p. 38.
* 89 HOUPOUET-BOIGNY F.,
Tradition et Modernisme en Afrique Noire, rencontre internationale de
Bouaké, Paris, Seuil, 1965, p. 42.
* 90Alpha SOW I A.,
Introduction à la culture africaine, Paris, Union
générale d'éditions, 1977, p. 37.
* 91 MBUMA W.E.,
Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974, p.
57.
* 92 CHEICK H. K.,
L'aventure ambiguë, Paris, Juliard, 1961, p. 41.
* 93 MBUMUA W.E., Un
certain humanisme, Yaoundé, Clé, 1970, p. 26.
* 94 Cf. JANHEINZ J, Op.
Cit., p. 13.
* 95 NJOH MOUELLE E., De
la médiocrité à l'excellence, Yaoundé,
Mont Cameroun, 1988, p. 50.
* 96 HAYFORT C., cité
par SOW I. A., Op. Cit., p. 254.
* 97 MBUMUA W.,
Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974, p.
7.
* 98 CARRIER H., Op. Cit.,
pp. 264-265.
* 99 CARRIER H., Lexique
de la culture. Pour l'analyse culturelle et l'Inculturation, Bruxelles,
Desclée, 1992,
p. 268.
* 100 HOUPHOUET-BOIGNY F.,
Tradition et Modernisme en Afrique Noire, rencontre internationale de
Bouaké, Paris, Seuil, 1965, p. 313.
* 101 MBENGUE,
« Internet et enjeux culturels en Afrique », Site
Internet (AFRINET).
* 102 ATEBA E. C.,
Comprendre l'éthique. Du discours à la pratique, Sl,
éd. A.M.M.-nov. 2001, p.80.
* 103 POUCOUTA P.,
« Afrique, quelles alternatives à la
mondialisation ? », in Spiritus, 66, (mars 2002), p.
40-53.
* 104 KENMOGNE E.,
Comprendre la philosophie, Tome I, Presses universitaires de
Yaoundé, 2000, p. 95.
* 105 MBUMUA W.E., Un
certain humanisme, Yaoundé, Clé, 1970, p. 23.
* 106 FREYRE G.,
« L'expérience afro-brésilienne »,
in Unesco. Le courrier, Août-sept., 1977, p. 18.
* 107 MBUMUA W., Op.
Cit., p. 22.
* 108 KI-ZERBO J., cité
par MUDIMBE V., L'Odeur du Père, Essai sur des limites de
la science et de la vie en Afrique Noire, Présence africaine,
Paris, 1982, p. 102.
* 109 MBUMUA W.,
Op.Cit., p. 25.
* 110 PINDARE, cité par
LABURTHE-T.P., -BUREAU R., Initiation africaine. Supplément de
philosophie et de sociologie à l'usage de l'Afrique noire,
Yaoundé, Clé, p. 283.
* 111 ATEBA E. C.,
Comprendre l'éthique. Du discours à la pratique,
A.M.M.-nov., 2001, p. 86.
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