Plaidoyer pour le référé
commercial et de la procédure d'injonction en matière de
tribunaux de commerce
Don
José MUANDA NKOLE wa YAHVE
Avocat et Professeur à la Faculté de
Droit (UCCM)
Membre du Club OHADA
Plaidoyer pour le référé commercial
et la procédure d'injonction de payer
L'avènement des tribunaux consulaires en
République démocratique du Congo a été accueilli
avec tant de joie que tout juriste éprouve aujourd'hui le désir
d'en savoir un peu plus.
1. Le caractère de l'échévisme
des tribunaux de commerce congolais
L'échevinage apparaît à l'article 2 de la
loi du 03 juillet 2001 créant les dits tribunaux : le tribunal de
commerce est composé de juges permanents (magistrats de
carrière), et de juges consulaires (commerçants élus par
leurs pairs n'ayant à vrai dire, pas de formation appropriée en
droit). l'échevinage , c'est le fait qu'un juge de carrière
préside une chambre spécialisée de commerce de la
juridiction civile, assisté des assesseurs. Tandis qu'une juridiction de
commerce sous d'autres cieux est composée essentiellement des juges
consulaires. A la différence un peu ahurissante, en RDC, il est de
Tribunaux de commerce et non des chambres de commerce au sein des tribunaux
civils.
Cette caractéristique a des privilèges tout
comme des défauts. Mais là n'est pas notre débat (nous
pourrons y revenir plus tard), car pour les uns l'avantage principal du
système de l'échévinage : est la connaissance
technique des pratiques ; coutumes commerciales et usages commerciaux
(théorie de la technicité du juge consulaire) qui
échappent au juge de carrière. A cette thèse, il existe
une notion courante, le "parere" qui est une notion répondant aux
tenants de l'échevinage : la partie qui attend appoter la
preuve d'usage (non connu du juge de carrière), fournit un
"parere" du latin :paret qui veut dire il raraît. Le "parere" est un
avis donné par un syndicat ou un organisme professionnel de commerce
sur, une chambre de commerce sur l'existence et le contenu d'un usage.Le
problème se pose quand le juge a face à lui deux adversaires l'un
commerçant et l'autre non-commerçant. Il est admis que le
"parere" ne peut être opposé à l'adversaire
non-commerçant qui est censé ignorer les usages commerciaux.
Dans cette hypothèse ressort la notion de l'exception
"res inter alios acta". Le non-commerçant bénéficie donc
de cette exception.
2. Compétence de tribunaux de
commerce
Retenons simplement que le tribunal de commerce est
compétent pour les actes de commerce ou mixtes qualifiés tels par
la loi, et pour les litiges entre commerçants nés de l'exercice
de leur fonction,mais un non commerçant ayant posé un acte
qualifié commercial selon loi est par conséquent justiciable
devant le juge de commerce, si l'acte avait pour but un intérêt
pécuniaire répété selon la jurisprudence. Il
appartient au juge de d'interpréter les intentions de la partie
non-commerçante. C'est pour sanctionner dans la pratique, la
commercialité frauduleuse ou l'exercice du commerce clandestin.
outre les compétence d'attribution et
matérielles ( matières attribuées aux tribunaux de
commerce) données par la loi sur les tribunaux de commerce, le juge de
commerce saisi d'un litige entre un commerçant et un
non-commerçant, peut se voir sa compétence décliner par le
non commerçant ; c'est l'exception
d'incompétence dite facultative, qui doit être soulevée in
"limine litis" . C'est à dire avant toute chose
sinon le fait pour le non-commerçant de comparaître devant le juge
de commerce sans évoquer ladite exception donne (accepte)
compétence au juge de commerce "ipso jure". Le non-commerçant ne
saura être contraint à comparaître devant le juge de
commerce, son juge naturel est celui du tribunal civil. Mais un
commerçant attrait devant le juge civil par un non-commerçant ne
saura pas évoquer cette exception. Car le juge civil est un juge de
carrière à qui l'on peut arracher la compétence de
connaître un litige entre un commerçant et un
non-commerçant.
2.1. La compétence territoriale
C'est le principe du "forum rei" du domicile du
défendeur qui est pris en compte, au cas ou le défendeur n'a ni
domicile ni résidence , le demandeur l'assigne devant le tribunal de son
choix. Même cas pour la pluralité de défendeurs.
Venons-en au notre sujet proprement dit.
3. Le référé commercial et
l'injonction de payer
Sans pour autant remettre en cause la loi sur les tribunaux de
commerce congolais, nous apportons juste une suggestion. Il s'avère
mieux pour les experts du droit commercial dans une certaine mesure,d'opter
pour la diligence pour les procès commerciaux. Car l'on saurait
s'accommoder avec l'idée d'une juridiction truffée des reproches
déjà formulés aux tribunaux civils : lenteur ;
lourdeur de procédure ; élasticité des remises
souvent dilatoires ; délais d'assignation et d'autres actes de
procédure presque longs pour certaines affaires nécessitant
célérité,etc. Voila qui justifie la
nécessité du référé commercial
malheureusement non prévu par la loi du 03 juillet 2002 portant
création et procédure devant les tribunaux de commerce.
4. L référé
commercial
C'est une procédure qui permet au demandeur qui
justifie d'une diligence et des mesures provisoires nécessaires et
urgentes, de saisir le juge de commerce qui siège en juge unique ( en
principe, le Président du tribunal). Le déroulement du
procès est diligent avec une célérité sans tenir
compte des règles normalement données par la loi.
Exemple, un commerçant qui assigne un adversaire dont
il craint le voyage imminent ou une dilapidation de son patrimoine risquant
ainsi de le rendre insolvable. Le référé permet de
résoudre des affaires urgentes qui ne sauraient pas attendre ou
être soumises à la procédure régulière (
respect du délai d'assignation et des actes de procédures).
5. la procédure d'injonction de
payer
C'est une procédure très expéditive du
recouvrement de petites créances. elle consiste par le fait que le
créancier dont la prétention apparaît manifestement
justifiée, mais faute de titre exécutoire, saisit le juge de
commerce directement sans faire assigner le débiteur et obtient du juge
une ordonnance portant injonction de payer sans délai. Si celle-ci est
signifiée au débiteur et, sauf contredit, elle donne un titre
exécutoire comme le ferait un jugement définitif. Le gain de
temps est considérable. S'il n y a pas de contredit.
Conclusion et proposition
Une étude comparée semble indispensable pour
mieux suggérer notre proposition.
Nous avons considéré le droit marocain, qui lui,
a prévu le référé commercial et la procédure
d'injonction.
Le droit marocain, outre le fait louable qu'il a
institué des tribunaux de commerce et des Cours d'Appel de commerce ( ce
qui n'est pas le cas pour la loi congolaise qui ne crée que les
tribunaux de commerce et s'en remettent aux Cours d'Appel ordinaires (
civiles), prévoit en l'article 22 de la loi sur les tribunaux de
commerce marocains que :"Le président du tribunal de commerce est
compétent pour connaître des requêtes aux fins d'injonction
de payer, fondées sur des effets de commerce et des titres authentiques
en application des dispositions du chapitre IV du code de procédure
civile.( le droit civil prévoit les deux procédures
également, dans ce cas et par dérogation aux dispositions des
articles 161 à 162 du code de procédure civile marocaine,le
délai d'appel et l'appel lui-même ne suspendent pas
l'exécution de l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le
président du tribunal de commerce, toutefois la Cour d'appel peut par
arrêté surseoir partiellement ou totalement
l'exécution".
L'article 21 du même code prévoit que les
affaires de moindre importance qui ne sont pas sujettes à de
sérieuses contestations peuvent faire l'objet de
référé ordonné par le président du tribunal
dans les limites de sa compétence.
Le but est, manifestement de prendre des mesures
conservatoires ou la remise en état ou soit pour prévenir un
dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.(
art.21 in fine).
Il ressort par conséquent à la lumière de
cet exposé, que le référé commercial voire civil (
existant en droit français, marocain et autres)et la procédure
d'injonction de payer en matière de tribunaux de commerce revêtent
une importance pratique incontestable. Que le Législateur congolais
aurait dû ou devra, puisque ce n'est jamais trop tard pour mieux faire,
songer à légiférer en ce sens par une modification ou
amendement de la Loi du 03 juillet 2001 portant création et
procédure devant les tribunaux de commerce : spécialement
pour introduire les deux notions que nous venons d'examiner.
Quitte au législateur d'en considérer
l'importance et aux experts de droit de plaider en faveur de ces deux
notions.
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