La participation des diasporas camerounaises de France et de Grande-Bretagne à la vie politique nationale: émergence et consolidation de la citoyenneté à distance( Télécharger le fichier original )par Ruth Mireille Manga Edimo Université Yaoundé II - DEA en science politique 2008 |
A. Le RDPC en France et Grande-BretagneLe RDPC, parti politique de la majorité présidentielle au Cameroun, a succédé à l'Union Nationale Camerounaise (UNC). Cette dernière résulta de la fusion en 1966, de l'Union camerounaise, parti du président Ahidjo (dominant massivement la vie de l'Etat fédéré francophone) et des trois partis politiques anglophones (KNDP, KNC, KPP). La fondation de l'UNC avait pour principal objectif d'affermir le contrôle du régime sur ses populations, notamment sur les intellectuels et les exilés politiques. Encore que, l'ambition principale des partis uniques est le monopole de la vie politique. La « perception de soi comme parti d'avant-garde entraîne un certain nombre d'implications : le langage du parti qui se réfère souvent à une doctrine ferme, sinon rigide, qui légitime la prétention à se considérer comme le porte-parole exclusif d'une dynamique sociale ; l'imposition d'une image de puissance et de cohésion autour d'un projet de société »114(*). Ainsi donc la création de l'UNC en France dans les années 1960, 1970 a eu comme conséquence « la faillite de l'opposition radicale et l'augmentation des soutiens d'Ahidjo »115(*). D'après J-F. Bayart, les pouvoirs publics camerounais « ne s'étaient jamais sentis à l'aise dans un gouvernement sévèrement jugé par la gauche internationale »116(*). Né à Bamenda le 24 mars 1985, en remplacement de l'Union Nationale Camerounaise, le RDPC remplace les structures existantes de l'UNC en France et en Grande-Bretagne en excroissance de ses structures à l'extérieur des frontières nationales. Le Parti est ainsi apparu comme un réseau d'individus (dirigeants, militants actifs, simples adhérents, exilés politiques) liés entre eux par des rapports d'interactions et disposant dans ces relations des ressources psychologiques, matérielles nécessaires, etc.
1. L'organisation du Parti en France et en Grande-Bretagne
L'organisation du RDPC en France et en Grande-Bretagne suit pratiquement la même logique que celle de sa structuration interne. Cependant, on distingue en France et en Grande-Bretagne une grande section locale, des sous-sections et des cellules. Pour la France, on a la section RDPC/France et la Grande-Bretagne, la section RDPC/Royaume-Uni. La section est dirigée par un bureau élu en conférence de Section. Ce bureau comprend : « un président, un vice-président, un secrétaire, un secrétaire adjoint, un trésorier, un trésorier adjoint, un délégué à l'éducation et à la propagande, un délégué au développement, un délégué aux organisations spécialisées, un délégué aux activités des organes inférieures, deux délégués aux conflits, deux commissaires aux comptes, un conseiller »117(*). La même structuration est respectée par les sous-sections dont les membres du bureau sont élus en conférence de sous-section118(*). La cellule est dirigée quant à elle, par un bureau élu en Assemblée générale des membres de la cellule. Ce bureau comprend : « un président, un secrétaire, deux délégués à l'éducation, à la propagande et au développement ; un trésorier ; un commissaire à l'organisation des femmes ; un commissaire à la jeunesse ; et un délégué aux conflits »119(*). Le bureau RDPC/Royaume-Uni a à sa tête Atogho Paul Enyi, tandis que le bureau RDPC /France est présidé par Armand Mbarga. Tableau n° 2 -Bureau France RDPC tel que tiré du site Web du parti en 2003
Source : www.rdpc9.fr
La section France du parti compte quatorze sous-sections, également subdivisées en cellules. Il s'agit de :
Tableau n° 3 -Sous-sections RDPC/France en 2003
Source : www.rdpc9.fr La section RDPC/Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ne possède quant à elle que deux sous-sections. Il s'agit des sous-sections Grande-Bretagne Sud et Grande-Bretagne Nord. La sous-section Grande-Bretagne Sud a à sa tête Jacob Tché. Les sections extérieures du RDPC se donnent pour objectif majeur le rassemblement et la mobilisation des Camerounais de l'étranger. Et ceci, comme l'a déclaré un membre extérieur du parti ne peut qu'être le résultat de diverses stratégies mises en place. 3. Modes d'action du parti à l'étranger a. Les activités menées par le parti en France et en Grande-Bretagne L'international est un « champ depuis toujours sollicité et investi par les partis politiques (...) qui influencent largement la politique étrangère des Etats »120(*). Aussi, le cadre international est davantage sollicité aujourd'hui dans une conjoncture mondiale de la « fin des territoires » 121(*) et de l'émergence d'une civilité politique internationale122(*). En effet, dans un contexte où l'environnement international à travers les réseaux et les différentes configurations qui le structurent, fournit aux groupements politiques des moyens et des ressources leur permettant de s'organiser parallèlement en vue de multiplier leurs pôles de représentation et de mobilisation, on mesure l'enjeu de l'exportation du RDPC en France et en Grande-Bretagne en tant que dynamique et stratégie de mobilisation par celui-ci, des ressources matérielles et symboliques extérieures nécessaires à son positionnement politique. Les activités peuvent se réduire aux manifestations, célébrations de journées nationales, réception ou échanges avec les autorités en visites sur les questions nationales, organisation de colloques et de conférences-débats sur l'actualité du pays, etc. Il s'agit en d'autres termes de l'intégration des Camerounais de la diaspora dans le jeu politique national à travers l'usage des canaux officiels. Pour ce qui est des manifestations, elles vont dans le sens de la communion des patriotes de l'étranger, membres du RDPC avec leurs compatriotes de l'intérieur généralement lors de : la célébration des journées nationales, anniversaires du parti, anniversaire de l'ascension du président de la République Paul Biya au pouvoir. A cela, nous pouvons ajouter les mobilisations lors : de la descente sur le terrain d'une autorité (visite du chef de l'Etat) ; d'une réjouissance collective à l'occasion de certaines victoires sportives. A titre d'illustration, nous pouvons mentionner le rassemblement des Camerounais de Londres le 14 février 2004 à l'occasion de la célébration de la fête nationale de la jeunesse célébrée au plan national le 11février. C'est une manifestation qui a, selon un membre du parti en Grande-Bretagne, « permis de mettre en valeur la diversité culturelle du Cameroun »123(*). Toujours en ce qui concerne les Camerounais de Londres, ils se sont également mobilisés le 24 mars de la même année en vue de la célébration du dix-neuvième anniversaire du parti. Ce jour-là, plusieurs manifestations à caractères politique, social, culturel et sportif étaient prévues. Les mobilisations sont également très nombreuses en périodes électorales. A titre d'illustration, nous pouvons citer la « Grande Journée RDPC » organisée en Allemagne en août 2004 qui a connu la participation des Camerounais venus de France, et de Grande-Bretagne. C'est une journée qui fut consacrée à des meetings et marches de soutien au Président Paul Biya. Ces marches et meetings ont vibré au rythme de chants patriotiques en présence de Mme Fogning : l'on pouvait lire sur des pancartes : ''we are decided to follow Paul Biya'' ; ''Paul Biya for 2004'' ; '' Paul Biya our candidate'' ; ''Paul Biya pour un nouveau septennat''. Sous la conduite de certains Camerounais résidents d'Allemagne (Thomas Fomekong, J-P. Ntédé Etaba, et Nkwetta Natty), les marcheurs sont entrés dans les locaux de l'ambassade en chantant : Vive Paul Biya, notre président ! Pour les organisateurs, cette journée avait un seul objectif : « manifester un soutien à la candidature de Paul Biya à la présidentielle à venir ». Françoise Fogning présente au meeting, a offert une centaine de pagnes du RDPC aux militants et une aide financière à toutes les sections extérieures du RDPC qui étaient présentes. ''Votre engagement et votre détermination derrière Paul Biya sont visibles. Vous aurez toujours mon soutien'', a déclaré la dame124(*). Très souvent les diasporas camerounaises de France et de Grande-Bretagne, actives au sein du RDPC, apprécient l'action gouvernementale à travers l'élaboration de motions de soutien adressées à certaines autorités publiques. A titre de d'illustration, nous pouvons citer la communication adressée par Amvouna Atemengué à www.ici.cemac.com, le 08 mai de l'année 2005, sur la gestion de la crise dans les universités d'Etat au Cameroun par le ministre Fame Ndongo et le Premier ministre Inoni Ephraïm.
Nous nous réjouissons de la gestion peu répressive de la crise actuelle par le ministre de l'enseignement supérieur et le premier ministre. En affirmant que «la jeunesse est l'avenir d'une nation», le président Biya a souvent voulu dire que c'est au travers des investissements qu'une société consacre collectivement et individuellement à la jeunesse qu'on lit l'idée qu'elle se fait de son avenir. Or l'esprit des réformes engagées il y a plus d'une décennie n'est pas acceptable pour tous ceux qui partagent une certaine idée de la République125(*). Sur le plan intellectuel, les conférences de sous-sections ne manquent pas d'organiser des journées tables-rondes où participent le plus souvent les militants de la région (France ou Royaume-Uni) et des sympathisants au mouvement en Europe en général, en France et en Grande-Bretagne en particulier. C'est ainsi que la conférence de sous-section de Toulouse organisée le 20 avril 2004 s'est consacrée au P.I.B. : sa définition, son but et son rôle. Au niveau des sections du parti en France et en Grande-Bretagne, le collectif des présidents de sous-sections se réunit périodiquement pour établir un rapport d'activités. C'est dans ce sens que l'on a pu voir la section RDPC/France se réunir le 22 mai 2004, celle de Grande-Bretagne en novembre 2003. La réunion de la section France portait sur l'organisation, la gestion de la section, et l'action du président de section. Il y eut également à l'ordre du jour les présidentielles 2004 au Cameroun : l'étude des stratégies de la section, et du droit de vote de la diaspora, tandis que celle de Grande-Bretagne consista plus à un grand rassemblement. De même, les conférences de sous-section, qui se déroulent à un niveau plus local, en dehors des informations instructives, structurent généralement leurs débats autour de l'actualité camerounaise. b. Les moyens de diffusion des opérations du parti Pour assurer la diffusion de leurs informations et de leurs activités, les sections et sous-sections RDPC de France font usage des sites Web ou Internet. Ces sites fonctionnent de telle manière que chaque cellule ou sous-section possède à titre individuel un espace Web. A titre d'exemple www.rdpc9.fr représente la sous-section de Toulouse, et www.rdpc.92.fr.st, celle des Hauts de Seine. On peut lire sur les sites plusieurs espaces publicitaires à caractère national et régional (Synergies africaines) ; le logo du parti ; un portrait du chef de l'Etat ; des espaces de forum de discussions ; etc. Les informations diffusées ne sont pas pour autant qu'à caractère local. A travers le même site, des internautes peuvent prendre connaissance de l'actualité venant du pays (politique générale, vie sociale, économie, vie partisane, etc.) et du globe terrestre. La création de sites Web RDPC en France (03 mai 2003) a permis à ce parti politique camerounais non seulement de s'arrimer à un monde de plus en plus global, mais aussi d'entretenir son réseau de contacts à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Elle a également eu pour conséquence d'accroître les soutiens du président Paul Biya. La section RDPC/ Grande-Bretagne dispose d'un journal local publiée par la section elle-même. Le nom du journal est ''In Touch''. Il a pour but mieux faire connaître le parti. Orientant ses actions d'abord vers le social (aide aux compatriotes en difficultés), la section RDPC de Grande-Bretagne tient à la diffusion d'une bonne image par le parti. * 114 P. Braud, op.cit., P. 433 * 115 J-François Bayart (1985), op.cit., P. 136 * 116 Ibid,. P.129 * 117 Article11, des statuts du parti. * 118 Voir article 12 des statuts du parti. * 119 Articles 15 des statuts du RDPC. * 120 J. Hagan (1993), Political opposition and foreign policy in comparative perspective, Boulder, Col. Lynne Rienner Publishers. * 121 B. Badie (1995), La fin des territoires. Essai sur le désordre international et l'utilité sociale du respect, Paris, Fayard. * 122 A. Chouala (2004,b), « L'action internationale de l'opposition : la transnationalisation de la vie internationale camerounaise » in Luc Sindjoun (2004) (dir.), Comment peut-on être opposant au Cameroun ? Politique parlementaire et politique autoritaire, Dakar, Codesria. * 123 www.cameroun21.com * 124 Cameroon Tribune, éditorial du 27 août 2004. * 125 www. ici.cemac.com |
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