Institut d'enseignement à distance (IED) de
l'Université Paris 8
Evaluation des effets d'un programme
de
réhabilitation et de remédiation cognitive
sur des patients
schizophrènes.
Master 2 de psychologie clinique, psychopathologie et
psychothérapies
Charlotte Mouillerac
N° d'étudiant : 171696
Année 2007-2008
Remerciements
Merci à tous ceux qui ont rendu ce travail possible,
grâce à leurs conseils et leur soutien bienveillant.
Merci avant tout aux patients qui ont accepté de
participer à mes entretiens et qui m'ont fait partager leur
expérience et leurs ressentis.
Je remercie particulièrement le personnel du CRESOP, M.
Alain Cochet, psychologue clinicien et neuropsychologue pour son encadrement et
sa confiance et les infirmiers pour leur accueil et leur professionnalisme.
Merci encore à M. Patrick Thomassin pour ses
encouragements et sa patience.
SOMMAIRE
1. INTRODUCTION
4
2. SCHIZOPHRÉNIE, PERTE D'AUTONOMIE
ET RÉHABILITATION
6
2-1. SCHIZOPHRÉNIE ET PERTE D'AUTONOMIE
6
2.1.1. Les troubles cognitifs
6
2.1.2. Etre patient en psychiatrie
7
2.1.3. Motivation et alliance
thérapeutique
8
2.2. CE QUI EST EN TRAIN DE CHANGER...
10
2.2.1. La notion de handicap psychique
10
a) Les Groupes d'Entraide Mutuelle (GEM)
11
b) Les Maisons des Usagers
11
2.2.2. La réhabilitation
psychosociale
12
3. PROBLÉMATIQUE ET
OPÉRATIONNALISATION
16
3.1. PROBLÉMATIQUE
16
3.2. PRÉSENTATION DU LIEU DE RECHERCHE
18
3.2.1. Le CRESOP :
18
3.2.2. Soins dispensés au
CRESOP :
19
3.2.3. Le programme de remédiation
cognitive
20
3.3. OPÉRATIONNALISATION
24
3.3.1. Population étudiée
24
3.3.2. Les entretiens
25
3.3.3. Le programme PACT d'information sur la
maladie (groupe psycho-éducatif)
26
4. RÉSULTATS ET ANALYSE
28
4.1 NOTION DE PROGRÈS ET DE CHANGEMENT
29
4.1.1. Progrès en lien avec les
soins
30
4.1.2. Progrès en lien avec les
compétences
34
4.1.3. Progrès en lien avec la
qualité de vie
36
4.2. PRÉSENCE DE PROJETS
37
4.2.1. Projets en lien avec les soins
38
4.2.2. Projets en dehors des soins
40
4.3. POINTS DE VUE FAVORABLES
42
4.3.1. Notion de satisfaction
43
4.3.2. Intérêts du programme
46
4.3.3. Estime de soi
47
4.3.4. Contacts humains
48
4.4. CRITIQUES ET REMARQUES
50
4.4.1. Critiques sur les programmes de
soins
52
4.4.2. Autres critiques
56
4.5. DISCUSSION :
59
5. CONCLUSION :
61
6. BIBLIOGRAPHIE :
63
6.1. LIVRES
63
6.2. ARTICLES
63
6.3. SITES INTERNET
64
6.4. TEXTES DE LOI
64
7. ANNEXES
65
1. Introduction
Le concept de réhabilitation psychosociale, bien
qu'utilisé depuis environ 20 ans, reste relativement nouveau et encore
méconnu dans bien des services de psychiatrie. Il regroupe deux autres
concepts : réinsertion et réadaptation.
La réhabilitation donne lieu à de nombreux
espoirs de renouveau de la psychiatrie. Espoirs accompagnés de
frustrations dans une période de restrictions budgétaires, de
suppressions de postes et de fermetures de lits... Que ne pourrait-on faire si
on en avait les moyens !
Ce mémoire a pour cadre le CRESOP (Centre de recherche,
d'évaluation, de soins et d'orientations pour les psychoses), un service
intersectoriel de réhabilitation novateur, ouvert depuis bientôt 3
ans au sein du Centre hospitalier du Vinatier de Bron (69), où j'ai
effectué mon stage de Master 2 au printemps 2008.
A l'occasion de ce stage, j'ai eu la chance de m'apercevoir
que la psychiatrie pouvait être tout autre chose que ce que j'avais
jusque-là appris à connaître au travers de ma pratique
professionnelle (je travaille en effet déjà en psychiatrie depuis
8 ans, en tant qu'infirmière.)
Le CRESOP est un service hospitalo-universitaire qui accueille
principalement des patients schizophrènes. Une part de son
activité est consacrée à la recherche.
Je m'appliquerai dans ce mémoire à
décrire l'expérience qui a été la mienne au contact
des patients schizophrènes que j'ai eu la chance de rencontrer dans
l'unité.
Mon travail s'est centré sur deux types
d'activités thérapeutiques proposées dans
l'unité : d'une part un programme de remédiation cognitive
assisté par ordinateur sur lequel est basée une recherche en
cours et pour lequel les patients revenaient à distance pour des
séries de re-tests ; d'autre part un groupe d'information sur la
maladie (programme PACT).
Mon objectif était de décrire l'effet de ce
programme de réhabilitation sur les patients schizophrènes.
Dans un premier temps, je ferai un bref rappel des
conséquences de la schizophrénie sur l'autonomie des patients
puis un point sur certains des changements en cours dans le champ de la
psychiatrie, notamment en matière de réhabilitation.
J'exposerai dans un deuxième temps la
problématique de ce travail ainsi que son opérationnalisation.
Je présenterai dans un troisième temps les
résultats et leur analyse, en enrichissant mes propos de vignettes
illustrant le travail effectué par les patients du groupe PACT
d'information sur la maladie, dont j'ai co-animé une session de 12
séances.
Je discuterai ensuite de ces résultats avant de
conclure en présentant les apports et limites de ce travail, ainsi que
ses prolongements possibles.
2. Schizophrénie,
perte d'autonomie et réhabilitation
2-1. Schizophrénie et
perte d'autonomie
La perte d'autonomie est un problème central dans la
schizophrénie.
Même si les symptômes positifs, comme les
hallucinations ou le délire, sont souvent au premier plan dans les
périodes de décompensation aiguës, ils ne sont souvent que
la partie émergée de l'iceberg. Après la crise, quand le
patient reprend contact avec la réalité, sa plainte principale
est souvent la perte d'autonomie qu'a entraîné la maladie et la
difficulté qu'il a à reprendre une place dans la
société.
Les symptômes négatifs, que les neuroleptiques
peinent à soulager, provoquent un handicap notable : repli sur soi,
apragmatisme, aboulie, anergie, anhédonie sont autant d'obstacles
à la reprise d'une vie normale.
En plus des symptômes eux-mêmes, la maladie a des
conséquences sur la confiance en soi et l'estime de soi. Les patients
restent fragilisés et ont souvent tendance à demeurer en
retrait.
Le fait d'avoir souffert de délire ou d'hallucinations
modifie aussi l'image du patient auprès de son entourage familial et/ou
social qui peut réagir de différentes manières :
rejet, incompréhension, ou au contraire surprotection.
2.1.1. Les troubles
cognitifs
Près de 70% des patients présentent des troubles
cognitifs. Décrits par Kraepelin dès la fin du XIXème
siècle, ils connaissent un regain d'intérêt depuis quelques
décennies.
M. Saoud nous dit1(*) que « ces déficits cognitifs touchent
environ 85% des patients atteints de schizophrénie (Palmer et coll.,
1997) et sont présents dès le premier épisode (Saykin et
coll., 1994). Certains de ces déficits sont présents avant
même le début de la maladie et seraient responsables du
déclin fonctionnel prodromique (Cornblatt et coll., 1985 ; Bilder
et coll., 2000). Les fonctions cognitives sont altérées de
façon variable, les plus perturbées étant
généralement l'attention, la mémoire et les fonctions
exécutives. »
Les fonctions cognitives ne sont pas altérées de
façon uniforme. Alain Cochet, psychologue au CRESOP, emploie d'ailleurs
à ce sujet l'expression « dysharmonie
cognitive ». Il apparaît ainsi que certaines
capacités peuvent être conservées tandis que d'autres sont
plus largement déficitaires.
Les principaux troubles cognitifs sont :
Ø Les troubles de l'attention,
Ø Les troubles de la mémoire et plus
précisément de la mémoire qui requiert « un
maintien à l'esprit et une manipulation consciente de l'information
(faire un calcul mental par exemple) ou qui nécessitent une recherche
consciente, intentionnelle, de l'information mémorisée à
long terme.2(*) »
Ø Les troubles des fonctions exécutives.
« Les patients schizophrènes sont incapables d'exercer et
de maintenir un contrôle volontaire sur leur comportement, de formuler,
d'initier et d'éxécuter des plans d'action, et de s'adapter en
fonction de la situation présente et à venir.3(*) »
Quand les déficits sont importants, ils peuvent
constituer un véritable handicap, empêchant les patients de
fonctionner de manière véritablement autonome.
2.1.2. Etre patient en
psychiatrie
Historiquement, l'asile précède l'hôpital
psychiatrique. Les patients ont derrière eux une longue histoire de
dépendance à l'institution qui est encore souvent loin
d'être éteinte.
L'hôpital peut apparaître souvent comme une grande
« fabrique de chroniques ».
Le risque de chronicisation apparaît en effet rapidement
dès lors que l'hospitalisation se prolonge en dehors de la crise.
L'inactivité, la perte de responsabilité dans les actes de la vie
quotidienne, la coupure d'avec le monde extérieur, la perte des liens
sociaux... sont autant de faits qui consolident une perte d'autonomie que la
maladie avait déjà bien entamée.
Le soin en psychiatrie, même s'il s'en défend,
peut entretenir une position infantilisante par rapport aux malades qui sont
totalement pris en charge sur un temps plus ou moins long.
Tutelles, curatelles sont alors les mesures mises en place
dans le but d'apporter un soutien et une aide aux personnes en
difficulté d'autonomie, le risque étant néanmoins, par
manque de temps et de moyens, de faire « à la
place » des malades, qui restent ainsi en position de
dépendance.
2.1.3. Motivation et alliance
thérapeutique
Face aux difficultés que rencontrent les patients, la
question de la motivation ne saurait être négligée.
La schizophrénie apparaît parfois comme un poids
sur les épaules des patients, qui les empêche de se mobiliser.
Néanmoins, c'est bien en les rendant acteurs de leurs soins que l'on
peut prétendre à une véritable alliance
thérapeutique, nécessaire à un bon suivi des soins.
Il existe de nombreuses théories de la motivation,
résumées dans un tableau disponible sur le site de
l'Université Pierre Mendès France de Grenoble4(*).
La motivation dépend de divers facteurs :
probabilité de succès, sentiment d'auto-efficacité,
actions qui améliorent la perception de l'estime de soi...
Parmi celles-ci, je retiendrai la théorie de
l'auto-efficacité de Bandura5(*) qui soutient que la perception qu'a un individu de ses
capacités à exécuter une activité influence et
détermine son mode de penser, son niveau de motivation et son
comportement. Selon lui, les personnes cherchent à éviter les
situations et les activités qu'elles perçoivent comme
menaçantes, mais s'engagent à exécuter les
activités qu'elles se sentent capables d'accomplir.
L'implication englobe à la fois engagement à
collaborer au processus thérapeutique et action. La bonne
volonté, les efforts consentis et l'ouverture d'esprit sont
déterminants. Une étude d'Ambuhl et Grawe6(*) a d'ailleurs
démontré la forte corrélation entre
« l'ouverture » initiale du patient et le succès
à court et à long terme de la thérapie.
Dans leur synthèse d'études7(*), Ackerman et Hilsenroth
constatent que le rôle du patient est déterminant dans la
réalisation d'une bonne alliance thérapeutique. Le
thérapeute doit de son côté faire preuve de confiance et
d'esprit de collaboration. Il faudra aussi qu'il explique clairement au patient
que le processus exigera, de part et d'autre, de travailler avec vigueur et
détermination.
Les objectifs de la thérapie doivent être clairs,
bien compris et endossés par les deux parties.
Le patient et le thérapeute doivent travailler dans un
esprit de collaboration, s'entendre sur leurs tâches respectives, et les
considérer comme importantes et pertinentes.
2.2. Ce qui est en train de
changer...
La psychiatrie a connu plusieurs
« révolutions » : le traitement moral de
Pinel,
la psychanalyse, l'invention des neuroleptiques en 1952, l'ouverture
des services...
La notion de handicap psychique et l'avènement de la
réhabilitation psychosociale pourraient bien constituer de nouveaux
tournants dans la prise en charge des malades.
Il s'agit avant tout de redonner aux patients une position
d'adulte face aux soins.
2.2.1. La notion de handicap
psychique
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour
l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, affirme pour la
première fois la notion de handicap psychique :«
Constitue un handicap, au sens de la présente loi,
toute
limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en
société subie dans son environnement par une personne en raison
d'une altération substantielle, durable
ou définitive d'une ou
plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou
psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant
».
Cette notion de handicap psychique n'est pas neutre. Elle
introduit un changement de perspective en obligeant à considérer
les malades psychiatriques comme devant bénéficier des
mêmes droits que les personnes souffrant de handicap physique. Cette
notion est un pas important dans la longue marche qui fait peu à peu
sortir les malades psychiatriques du statut d'aliéné qui, s'il
n'existe plus depuis longtemps dans la loi, persiste encore dans l'imaginaire
collectif. Les malades mentaux sont évoqués comme des citoyens.
Il devient même possible d'imaginer qu'ils puissent se regrouper en
associations.
« La notion de handicap psychique n'a pas
résolu le problème de la stigmatisation mais elle a le
mérite d'avoir apporté et mis en évidence les besoins
spécifiques d'une population que l'on avait jusqu'alors oubliée
sous le couvert du soin, ce qui allait de pair avec la résignation
largement partagée à la voir littéralement passer sa vie
à l'hôpital ou, plus récemment, dans les structures
ambulatoires. »8(*)
Deux dispositifs novateurs découlent en effet de la loi
du 11 février 2005 :
a) Les Groupes
d'Entraide Mutuelle (GEM)
Les GEM sont encadrés par la circulaire DGAS/3B n°
2005-418 du 29 août 2005 relative aux
modalités de conventionnement et de financement des groupes d'entraide
mutuelle pour personnes souffrant de troubles psychiques.
Ils proposent des lieux d'accueil, hors du milieu
médical, des activités culturelles et de loisirs, un soutien dans
les actes de la vie quotidienne...
Une particularité notable : la circulaire
recommande que ces groupements d'usagers fassent l'objet d'un parrainage par
d'autres associations. « Compte tenu du besoin d'appui des
personnes accueillies qui peuvent se trouver en situation de fragilité,
il est souhaitable que ces groupes et les associations d'usagers qui les
forment fassent l'objet d'un parrainage par une autre association (de familles,
de patients et d'ex-patients, ou oeuvrant dans le champ de la santé
mentale) ou tout autre organisme reconnu, en capacité d'apporter un
appui aux usagers adhérents en particulier dans la gestion de la
structure et l'accompagnement de son évolution. »
b) Les Maisons des
Usagers
La circulaire N° DHOS/E1/2006/550 du 28 décembre
2006 relative à la mise en place des maisons des usagers au sein des
établissements de santé recommande la mise en place de Maisons
des Usagers dans le plus grand nombre d'établissements. Ces lieux,
gérés par les établissements mais ouvrant des temps de
permanence aux associations, permettent en premier lieu d'obtenir une
information sur la maladie et les soins mais aussi de renforcer les liens avec
le milieu associatif à l'intérieur et à l'extérieur
de l'hôpital.
« Les usagers et leurs familles ont pris la
parole et l'impact de leur expérience vécue ne peut être
contourné. Ils demandent la qualité des soins psychiatriques qui
leur sont délivrés mais aussi de considérer la
qualité de la vie avec la maladie »9(*).
2.2.2. La réhabilitation
psychosociale
Le plan Santé Mentale 2005-2008, publié en 2005,
met l'accent sur la réhabilitation ce qui constitue une évolution
notable dans le champ de la psychiatrie.
Cette évolution se fait au moment où la notion
de réhabilitation se développe et fait peu à peu son
chemin dans les établissements.
Cette technique de soins vise à restaurer l'autonomie
des patients et à renforcer leur capacité de participation
active. Il s'agit en fait de considérer les capacités
préservées là où l'on avait tendance à
cibler plutôt les déficits.
« La réhabilitation psychiatrique -
pratiquée par des psychiatres, des psychologues, des travailleurs
sociaux, des infirmiers, des rééducateurs et les patients
eux-mêmes et leurs familles - vise à améliorer autant que
possible les capacités des personnes présentant un handicap dans
la vie, l'apprentissage, le travail, les relations sociales et l'adaptation.
Son postulat est que, si les usagers reçoivent suffisamment de soins et
d'accompagnement dans la communauté, ils peuvent vivre librement avec
des conditions de vie suffisamment satisfaisantes, l'hospitalisation
psychiatrique ne prenant plus qu'une place minime dans leur existence (au
moment des périodes de crise...). »10(*)
La Réhabilitation Psychiatrique est une tentative
d'intégration de deux approches : l'approche sociale de la
Réhabilitation Psychosociale et l'approche médicale de
la
Psychiatrie
La Réhabilitation Psychosociale, qui s'est
développée aux USA après la 2ème guerre mondiale
comme une alternative sociale au modèle médical dominant dans le
traitement des patients psychiatriques, met l'accent sur
l'intégrité et les forces de l'individu plutôt que sur sa
maladie et propose une approche globale incluant la réadaptation au
travail, le logement, les loisirs sociaux, l'éducation et l'adaptation
personnelle (Cnaan et al.11(*)).
Même si le concept de réhabilitation est
désormais reconnu, son utilisation reste encore très marginale
dans de nombreux services de psychiatrie.
Pour beaucoup de patients la prise en charge se limite encore
à la gestion de la crise. Dans certaines structures
extra-hospitalières (CMP, CATTP, HDJ), les activités
proposées tiennent parfois de l'occupationnel, d'autant que les moyens
en personnel et en budget sont souvent très limités.
Les patients ayant entendu parler de réhabilitation
sont vraisemblablement une minorité.
« Si sont maintenant reconnus et acceptés
les objectifs de la réhabilitation psychosociale, permettre à la
personne souffrant de troubles psychiatriques d'accéder au meilleur
fonctionnement possible dans le milieu de son choix, ainsi que les moyens d'y
parvenir (psychoéducation, entraînement aux habiletés
sociales, remédiation cognitive, militantisme, soutien social et
familial, emploi et logement aidés), le consensus n'est pas atteint sur
une question essentielle : la délimitation du champ de cette
pratique au sein de la santé mentale. Et tout se passe comme si
l'émergence de la réhabilitation psychosociale devait être
plus difficile en France qu'ailleurs.»12(*)
Si la préoccupation de réadapter et de
réinsérer les patients atteints de troubles psychiatriques a
été énoncée dès l'avènement du
secteur en France (1960), la pratique de la réhabilitation psychosociale
a des difficultés en France à émerger des soins
« généralistes ».
R. Cnaan propose en 1988
treize grands principes de la réhabilitation
psychosociale1 :
1) « L'utilisation maximale des
capacités humaines (Full Human Capacity) Chaque personne est capable
d'améliorer son niveau de fonctionnement. La vie est un processus de
croissance et de changement et chaque individu, même
sévèrement handicapé, est capable de croissance et de
changement. C'est de la responsabilité des professionnels de
développer le niveau d'attentes que les patients ont pour
eux-mêmes, de les aider à se percevoir comme capable de
progrès et de les soutenir dans ce processus de croissance. Il convient
pour cela d'exploiter les forces de la personne, de travailler avec les parties
saines de son Moi.
2) Doter les personnes d'habiletés
(Equipping People with Skills) C'est la présence ou l'absence
d'habiletés (sociales et instrumentales), et non la disparition des
symptômes cliniques, qui est le facteur déterminant dans le
succès de la réhabilitation. Apprendre ou réapprendre les
habiletés élémentaires pour agir dans un environnement
social, vivre de façon indépendante, garder un emploi, etc., vont
être les objectifs du traitement. Les difficultés sont dès
lors appréhendées sous l'angle comportemental, en terme de
déficits ou d'excès comportementaux.
3) L'auto-détermination (Self-Determination)
Les personnes ont le droit et la capacité de participer à la
prise de décisions concernant leur vie. Il ne s'agit donc pas de faire
les choses dans le meilleur intérêt de la personne, mais de lui
permettre de prendre ses décisions et d'apprendre au travers des
conséquences de ses choix. L'autodétermination des personnes
devrait concerner également la gestion des programmes de
réhabilitation auxquels elles participent. L'autodétermination
implique également que la personne soit pleinement informée sur
sa maladie, ses conséquences et sur les possibilités de
traitement.
4) La normalisation (Normalization) Il s'agit de
permettre aux personnes souffrant de maladie mentale de vivre et de fonctionner
dans les mêmes lieux que les autres (logements, loisirs,
éducation, travail) ou en tout cas dans les lieux les moins restrictifs
possibles. Ce principe s'oppose à la ségrégation.
L'objectif idéal de la réhabilitation psychosociale est une vie
indépendante dans la communauté avec le minimum de soutien
professionnel.
5) L'individualisation des besoins et des services
(Differential Needs and Care) Chaque personne a des besoins propres. En
conséquence, le processus de réhabilitation doit être
individualisé pour ce qui est des services, de leur durée, de
leur fréquence, etc. C'est du sur-mesure et non pas une action
globalisante pour l'ensemble des patients au long court.
6) L'engagement des intervenants (Commitment of
Staff) Engagement personnel des intervenants qui sont soucieux du
bien-être de la personne et qui ont foi dans ses capacités de
progresser. Les intervenants prennent l'initiative de garder le contact avec
les personnes (coup de téléphone, visite à domicile) pour
limiter les abandons et montrer qu'ils se soucient d'elles.
7) La déprofessionnalisation de la relation
d'aide (Deprofessionnalization of Service) Les intervenants ne doivent pas
se cacher derrière une couverture professionnelle. Les barrières
artificielles doivent être enlevées. L'élément
humain de la personne de l'intervenant est crucial dans le processus de
réhabilitation. De même les intervenants doivent
appréhender la personne comme un être humain avec toutes ses
dimensions plutôt que sous l'angle d'un seul type de service. Une
attitude de "neutralité" ne convient pas. L'intervenant répond,
de façon positive ou négative, à ce que la personne dit ou
fait, même au sujet de problèmes
non-thérapeutiques.
8) Intervenir précocement (Early
Intervention) Il est essentiel d'intervenir le plus précocement possible
dès les premiers signes avant-coureurs de rechute ou de
dysfonctionnement. Le but est d'éviter les rechutes et les
réhospitalisations et de préserver les acquis en
compétences et en liens sociaux (travail, logement, contacts
sociaux,...).
9) Structurer l'environnement immédiat
(Environnemental Approach) Les interventions doivent viser à structurer
l'environnement immédiat de la personne (la famille, réseau
social, milieu de vie, de travail,...) pour qu'elle puisse en obtenir un
maximum de soutien.
10) Changer l'environnement plus large (Changing
the Environment) Une partie des interventions doit viser à changer
l'environnement plus large de la personne, c'est-à-dire les attitudes et
les modes de fonctionnement d'une société qui peuvent nuire
à l'adaptation de personnes souffrant de maladie mentale
sévère (informer le public, modifier les services
médicaux, les structures d'accueil,...).
11) Pas de limite à la participation (No
limits on participation)
La réhabilitation psychosociale est un processus
continue qui nécessite continuité des soins et du soutien et qui
doit être constamment revu en fonction de l'évolution. Il importe
de ne pas suspendre les services de réhabilitation en cas
d'hospitalisation. S'il n'y a pas de limite de temps, il convient aussi de
mettre le moins possible de critères de sélection pour
l'entrée dans un programme.
12) La valeur du travail (Work-Centered Process) La
Réhabilitation Psychiatrique soutient la conviction que le travail, et
spécialement l'opportunité d'aspirer et de se réaliser
dans un emploi rémunéré, est un besoin et une force
d'intégration pour tout être humain. Il faut garder une foi dans
le potentiel de productivité des personnes même lourdement
handicapée par la maladie mentale. Il s'agit d'envisager un travail
intégré dans la réalité sociale, pas
forcément un emploi temps plein, mais des emplois souples,
diversifiés tout en restant compatibles avec les besoins des
employeurs.
13) Priorité au social par rapport au
médical (Social Rather Than Medical Supremacy) Il s'agit de
dépasser le modèle médical traditionnel: maladie,
diagnostic, réduction des symptômes par les médicaments, le
savoir médical qui sait ce qui est juste pour le patient, etc, pour
favoriser une approche globale de la personne centrée sur son
autodétermination, sur ses capacités, sur l'apprentissage
d'habiletés, sur la mobilisation de son environnement social propre.
Dans cette dynamique, le médical doit pouvoir s'effacer tout en restant
disponible, pour laisser la place à d'autres acteurs
sociaux. »
13
Extrait du séminaire de réhabilitation
psychiatrique niveau théorique, " Généralités sur
la réhabilitation psychiatrique ", sept 98, Guy M. Deleu,
Socrate-Réhabilitation, Belgique
|
3. Problématique et
opérationnalisation
3.1.
Problématique
Alors que débutait le stage, différents points
m'intéressaient particulièrement :
Ø La participation active des patients à leur
programme de soins permettant une meilleure compliance, voire une réelle
mobilisation des patients et de leurs familles, allait-on pouvoir noter une
amélioration de la compliance aux soins en général, dans
le prolongement du programme ?
Ø Pourrait-on imaginer qu'une participation plus active
des patients à leur prise en charge puisse changer les différents
positionnements des intervenants (des soignants, des patients, de
l'entourage) ?
Ø Comment sensibiliser les équipes des
unités classiques d'hospitalisation aux nouvelles pistes de recherche et
de traitement ?
Ø Comment intégrer ce type d'approche et de
soins à ma future pratique de psychologue clinicienne ?
J'ai résumé toutes ces questions en une seule,
plus globale : quel peut être l'effet du programme de
réhabilitation sur les patients schizophrènes que reçoit
le CRESOP ?
.
Pensant tout d'abord baser cet écrit sur la recherche
de marqueurs langagiers, j'ai élaboré un guide d'entretien dont
j'espérais qu'il me fournirait une base de travail facilement
utilisable.
Les circonstances ont fait que ce projet s'est
compliqué puisque je n'ai pas obtenu l'autorisation d'enregistrer. J'ai
cependant commencé à rencontrer les patients et à mener
les entretiens, que je prenais en note rapide, le plus fidèlement
possible, pensant trouver le moyen d'utiliser ces notes d'une façon ou
d'une autre.
Peu à peu les obstacles que rencontrait mon projet de
départ se sont révélés une chance : ils me
permettaient de réorienter cette recherche dans un sens qui
m'intéressait bien davantage. Je ne pensais pas en effet que ces
entretiens seraient aussi riches, ni que ce que j'allais observer dans ce temps
de stage serait aussi chargé d'enseignements.
Dans le cadre de l'étude en cours, les patients sont
soumis à des re-tests à distance (6 mois après la TRC).
C'est à l'occasion de ces tests que je les ai rencontrés et que
j'ai pu les interroger.
En plus des résultats attendus (amélioration des
fonctions cognitives visées et amélioration clinique), il
apparaît que les patients font preuve d'une grande assiduité au
programme. Ils acceptent également volontiers de revenir à 6 mois
d'intervalle pour les re-tests, ce qui n'apparaissait pas comme évident
au départ.
Plus habituée à une forme d'apathie
fréquemment rencontrée dans les couloirs des hôpitaux
psychiatriques, je fus tout de suite sensible à une tonalité
particulière dans l'attitude des patients que je croisais au CRESOP, que
je qualifierais volontiers de « dynamisme ».
Le programme de soins proposé par le CRESOP demande un
investissement personnel important, en terme de temps consenti mais aussi de
fatigue physique. Comme le souligne un patient que j'ai interrogé :
« déjà il faut beaucoup marcher pour venir
jusqu'ici, c'est pas évident pour trouver les
locaux... »
Les patients se plient de bonne grâce à des
démarches relativement lourdes et possiblement angoissantes :
nombreux tests et échelles, entretiens cliniques avec un médecin
puis un psychologue, EEG, IRM fonctionnelle, séances de
remédiation de 40 minutes 2 fois par semaine sur 7 semaines... et
reviennent encore 6 mois après pour une réévaluation.
Le programme de réhabilitation proposé par le
CRESOP a vraisemblablement un impact sur la motivation des patients.
L'investissement des patients dans le programme modifie leur positionnement et
celui des soignants avec lesquels ils sont en interaction. Parallèlement
à l'amélioration de l'autonomie et des capacités
cognitives qui est visée par le programme de soins du CRESOP, les
patients regagnent en confiance en eux et en leur capacité à se
prendre en charge.
Il s'agira d'observer d'une part l'implication des patients
dans le programme proposé par le CRESOP et d'autre part les interactions
dans le groupe PACT d'information à la maladie. Il s'agit donc d'une
étude descriptive, à un moment T.
Il ne s'agit pas d'évaluer l'efficacité du
programme mais plutôt de proposer un aperçu du point de vue qu'en
ont les patients à un moment donné de leur prise en charge. Ce
point de vue, bien que subjectif, est fondamental puisque c'est cette
perception qui déterminera en grande partie la suite du parcours de soin
de ces patients.
3.2. Présentation du
lieu de recherche
3.2.1. Le CRESOP :
Le CRESOP (Centre de recherche, d'évaluation, de soins
et d'orientations pour les psychoses) est une unité universitaire au
sein du centre hospitalier le Vinatier de Lyon. Il est rattaché au
Pôle Est13(*). Le
CRESOP est ouvert depuis novembre 2005.
Les méthodes thérapeutiques mises en oeuvre dans
cette unité sont évaluées dans le cadre de projets de
recherche clinique.
La philosophie est claire : il s'agit de combiner des
pratiques comme les neurosciences, les TCC, les thérapies d'orientation
psychodynamiques... dont la pertinence thérapeutique est
avérée et qui, loin d'être contradictoires comme on semble
parfois le penser, sont complémentaires.
Responsable du pôle est : professeur Alain
Dalery
Chef de service : professeur Thierry D'Amato
Médecin responsable du CRESOP : docteur
Mohammed Saoud
Cadre de santé : Frédérique
Cataud (0,40 ETP)
Médecin assistant : Julien Eche
Médecin : Muriel Senn
Psychologue : Alain Cochet (0,50 ETP)
Psychologue neuropsychologue : poste vacant au moment
de ce travail
Secrétaire : Françoise Comte
Infirmiers : 2,75 temps plein composés de 2
mi-temps et de 7 quarts de temps.
Tous les infirmiers occupent des temps partiels dans
d'autres unités extra ou intra-hospitalières.
|
3.2.2. Soins dispensés
au CRESOP :
Un document présentant le CRESOP reprend les
définitions du concept de réhabilitation proposées par
l'OMS:
Ø « Actions développées
pour optimiser les capacités persistantes d'un sujet malade et
atténuer les difficultés résultantes de conduites
déficitaires ou anormales»
Ø La réhabilitation a pour objectifs
l'amélioration du fonctionnement de la personne et lui permettre de
vivre de la satisfaction et du succès dans le milieu de son choix avec
le moins d'interventions professionnelles possibles »
Ø « La réhabilitation s'appuie sur
une approche globale, biopsychosociale, de la maladie mentale et est largement
sous-tendue par le modèle dit de
vulnérabilité-stress.
Ø Elle est de fait vouée à la
pluridisciplinarité dans un travail de coordination entre de multiples
intervenants pour répondre à l'ensemble des besoins du
patient. »
L'objectif posé est bien de rendre le patient acteur de
ses soins. En découlent les buts suivants :
ü Réduction des symptômes,
ü Connaissance de la pathologie,
ü Amélioration des compétences sociales,
ü Soutien des familles et/ou de l'entourage proche,
ü Participation des usagers.
Les soins proposés au CRESOP sont les
suivants :
Ø Groupes psychoéducatifs (avec protocole
de recherche) : Programmes Pact (Janssen) et Programme Equilibre
Ø Entraînement aux habiletés
sociales (avec grille d'évaluation avant et après les
soins)
Ø Groupe Affirmation de soi
Ø Résolution de problèmes
interpersonnels
Ø Jeu compétence
Ø Remédiation cognitive (avec protocole
de recherche) / Logiciel Rehacom
3.2.3. Le programme de
remédiation cognitive
Le logiciel REHACOM, utilisé par Alain Cochet dans le
cadre de la remédiation cognitive (TRC EHAO, ou thérapie de
remédiation cognitive assistée par ordinateur), a cette
particularité qu'il n'est pas indispensable qu'un soignant intervienne.
Il est cependant intéressant d'accompagner le patient dans son
entraînement. Cela permet de créer un lien thérapeutique,
mais aussi de lui proposer une aide, un encouragement et des stratégies
alternatives lorsqu'il se trouve en difficulté.
L'objectif annoncé est de renforcer l'autonomie du
patient. Il s'agit de proposer des outils au patient pour qu'il se prenne en
charge.
Le logiciel REHACOM
Le programme se compose de 14 séances individuelles
à raison de 2 séances de 40 minutes par semaine (2 modules
d'entraînement par séance).
Le logiciel REHACOM® est un programme
d'entraînement de divers domaines cognitifs élaboré par
l'équipe autrichienne du Docteur Schuhfried, initialement
dédié aux patients cérébro-lésés. Le
matériel utilisé consiste en un ordinateur, un écran
tactile et un pupitre spécialement conçu, disposant de touches
ergonomiques et d'une manette, limitant les risques d'erreurs liés aux
difficultés de manipulation d'un clavier standard.
Les différents modules REHACOM®
proposés sont indépendants les uns des autres et possèdent
leurs propres consignes. Chaque module comprend des objets animés et/ou
inanimés, de niveau de complexité croissante, adapté aux
capacités du sujet.
Un curseur discret apparaissant à l'écran
indique le niveau de difficulté atteint, l'effort fourni ainsi que les
éventuelles erreurs commises, permettant d'initialiser des processus
d'apprentissage et de soutenir le développement de stratégies
spécifiques. L'ensemble des données est ensuite enregistré
et visualisable sous forme graphique, afin d'obtenir une analyse
personnalisée et multidimensionnelle du niveau actuel de performances de
chaque patient, et de ses progrès au cours des séances.
A l'origine développé pour être
utilisé auprès de patients
cérébro-lésés, ce logiciel comptait 14 modules.
Alain Cochet a adapté cet outil au travail
auprès de patients schizophrènes et a réduit le programme
à 4 modules :
Ø Attention-concentration
Ø Mémoire topologique
Ø Raisonnement logique
Ø Fonctions exécutives
Les quatre modules de cette batterie informatisée
retenus entraînent les fonctions cognitives impliquées dans les
différentes étapes du processus de traitement de l'information.
Pour chacun d'entre eux, les résultats sont exprimés en niveau
atteint au terme de l'entraînement.
Le premier module, REHA-AUFM, permet un
entraînement de l'attention et de la concentration, basé sur le
principe de la comparaison de patterns. Le sujet doit retrouver parmi une
matrice de différentes images celle qui correspond exactement à
l'image-modèle présentée à droite de
l'écran.
Le deuxième module, REHA-MEMO, permet
un entraînement de la mémoire topologique, à partir d'un
contenu verbalisable et non verbalisable. Le sujet dispose d'un temps
limité pour mémoriser une série de cartes sur lesquelles
figurent des objets ou des symboles. Puis, celles-ci sont retournées ne
laissant apparaître que leur verso, avant que l'une d'entre elles soit
présentée à droite de l'écran. Le sujet doit alors
retrouver la place de cette carte dans la série mémorisée.
Le troisième module, REHA-LODE, permet
un entraînement des fonctions exécutives au travers d'exercices de
raisonnement logique par déduction, à partir de matériel
figural. Le sujet doit compléter une suite logique de symboles à
l'aide d'une matrice de différentes propositions en dessous de la
séquence, en tenant compte de la couleur, de la forme et de la taille
des éléments.
Le dernier module, REHA-EINK, permet
également un entraînement des fonctions exécutives, mais
cette fois, au travers d'un exercice de shopping virtuel, afin
d'améliorer les stratégies de planification et la formation de
concepts simples dans des situations concrètes et écologiques.
Cet entraînement est également lié
à amélioration des différentes fonctions mnésiques
et de l'attention sélective. Le sujet doit réaliser ses courses
dans un magasin, à partir d'une liste préétablie
d'articles à acheter et d'une somme d'argent
prédéterminée. Il faut alors que le sujet achète
les articles de la liste en tenant compte à la fois de leur emplacement
dans les rayons et du budget disponible.
Les apports de la remédiation cognitive
Une première étude exploratoire14(*) a été conduite
en 2005 auprès de 30 patients schizophrènes. Les patients
étaient âgés de 18 à 50 ans et ils étaient
stabilisés sur les plans clinique, thérapeutique et fonctionnel.
Tous ont bénéficié de 14 séances
d'entraînement des fonctions cognitives (attention/concentration,
mémoire topologique, raisonnement logique, fonctions exécutives)
sur ces 4 modules du logiciel REHACOM.
Cette étude a montré une amélioration
significative des capacités de résolution de problèmes
interpersonnels et de l'autonomie sociale. Une amélioration clinique
significative a également été constatée.
Une nouvelle étude est en cours, sur 3 lieux :
Lyon, Clermont Ferrand et Grenoble, dans l'objectif de vérifier les
résultats obtenus dans cette étude exploratoire.
L'étude en cours :
Après un entretien d'accueil qui permet de
vérifier les critères d'éligibilité, chaque patient
est reçu pour un bilan clinique en consultation d'admission. Ces
entretiens sont médico-infirmiers et comportent une évaluation
clinique et une évaluation.
Les échelles utilisées sont les suivantes :
PANSS15(*), SUMD16(*), SARS17(*), Echelle d'autonomie
sociale18(*) (EAS),
Activités cognitives Test (ACT) et une échelle de qualité
de vie.
Un bilan neuropsychologique est ensuite effectué par le
psychologue et une infirmière notamment au moyen d'une batterie de tests
informatisés (Cogtest19(*) / 2h), permettant d'évaluer les
différentes dimensions cognitives perturbées dans la
schizophrénie.
Mis au point par une équipe de spécialistes
américains et anglais sur le fonctionnement cérébral,
Cogtest est un logiciel entièrement automatisé, qui mesure les
fonctions cognitives, telles que l'attention, la mémoire, les fonctions
exécutives, la vitesse de traitement, ou encore le jugement
émotionnel. Il constitue un système d'étude
individualisé, avec enregistrement et accès direct aux
résultats. Il est utilisé sur un ordinateur équipé
d'un écran tactile.
L'ensemble de ce bilan est à nouveau
réalisé après la TRC.
3 groupes ont été constitués :
Ø patients schizophrènes
bénéficiant de la TRC,
Ø patients schizophrènes n'en
bénéficiant pas (les patients sont affectés de
manière aléatoire dans l'un ou l'autre des groupes),
Ø volontaires sains.
D'autre part, deux IRM sont réalisées à 3
mois d'intervalle chez 15 patients bénéficiant de la TRC, 15
patients n'en bénéficiant pas et 15 volontaires sains.
Critères d'éligibilité :
1. Patient adressé avec un courrier/mail
médical
2. Schizophrénie
3. Patient informé du diagnostic
4. Patient stabilisé sur le plan clinique
5. Évolution de la maladie inférieure à
15 ans
6. Age inférieur à 45 ans
Les patients non éligibles pour cette étude
peuvent néanmoins bénéficier de la TRC ou être
orientés vers d'autres soins proposés dans l'unité.
Au terme du suivi engagé, une consultation de fin de
programme (médico-infirmière) est effectuée avec une
nouvelle évaluation clinique et psychométrique, une
évaluation de la satisfaction de l'usager et la détermination de
nouvelles indications. Un feed-back est également fait au service
adresseur.
Dans le cadre de l'étude longitudinale, les patients
sont également conviés à revenir au CRESOP 6 mois à
1 an après la remédiation cognitive pour un nouveau bilan
d'évaluation.
3.3.
Opérationnalisation
3.3.1. Population
étudiée
Pour tous les sujets que j'ai pu rencontrer dans le cadre de
ce travail, un diagnostic de schizophrénie avait donc été
posé, annoncé et expliqué au patient.
Les patients revenaient au CRESOP 6 mois à 1 an
après la remédiation cognitive pour un nouveau bilan
d'évaluation. C'est à cette occasion que j'ai pu les recevoir
pour un entretien semi directif de quelques minutes.
J'ai ainsi pu interroger 11 patients. Tous avaient
bénéficié des séances de remédiation
cognitive.
7 d'entre eux avaient également participé au
groupe PACT d'information sur la maladie.
Tous recevaient un traitement par neuroleptiques et
étaient dans une période de relative stabilisation de leurs
symptômes.
La moyenne d'âge était de 29 ans, le plus jeune
ayant 21 ans et le plus âgé 42 ans.
Le groupe était composé de 5 femmes pour 6
hommes.
3.3.2. Les entretiens
Je les ai informés du cadre de ces entretiens et leur
ai assuré les garanties d'anonymat. (Des pseudonymes ont
également été utilisés dans les vignettes
illustratives.)
N'ayant pu obtenir l'autorisation d'enregistrer ces
entretiens, j'ai utilisé une méthode de prise de notes rapides
qui m'a permis de transcrire les propos des patients avec une relative
fidélité20(*).
Guide d'entretien :
Consigne générale :
J'aimerais que vous me donniez votre avis sur le programme que
vous avez suivi au CRESOP
Précisions :
- ce que vous en attendiez
- si le programme a répondu à vos attentes
- ce que ça a changé pour vous, dans votre vie
quotidienne, dans votre rapport aux soins, dans votre rapport aux soignants.
- si vous le recommanderiez à d'autres personnes
- ce que vous envisagez pour la suite.
|
3.3.3. Le programme PACT
d'information sur la maladie (groupe psycho-éducatif)
Le groupe se déroule sur 12 séances, à
raison d'une séance de 2 heures par semaine.
Il utilise comme support les DVD élaborés par le
laboratoire Janssen-Cilag : PACT (Psychose Aider Comprendre Traiter).
Les DVD abordent les points suivants :
Ø Dire la maladie
Ø La vulnérabilité
Ø Les traitements
Ø Rechutes et évolution vers la stabilisation.
Le montage fait alterner des séquences jouées
par des acteurs, des témoignages de patients et de familles et des
explications plus théoriques.
Après chaque séquence, le film est mis sur pause
afin de permettre la discussion et les échanges.
Pour cette session, le groupe se compose de 9 patients, pour
lesquels il s'agit de la première prise en charge au CRESOP.
Chacun a été reçu en entretien la semaine
précédente. Le groupe leur a été
présenté, ainsi que les indications. Ils ont également
reçu un programme détaillé avec dates et
thématiques des séances. Le groupe est animé par deux
infirmières référentes et moi-même, stagiaire
psychologue. Un infirmier vient en observateur mais prend rapidement une place
d'animateur à part entière.
Certaines séances prévoient des interventions
exceptionnelles :
Ø Pour la première séance, le
médecin et la cadre de santé sont présents pour les
présentations. Le médecin introduit la séance, en
présentant les objectifs et les modalités du groupe :
présence requise à toutes les séances, secret des
échanges (ce qui est dit dans le groupe reste dans le groupe),
programme...
Ø La 3ème et la dernière
séance sont ouvertes aux familles et se déroulent en
soirée, avec la participation du médecin, le choix étant
laissé aux patients d'inviter les personnes qu'ils désirent.
Ø Sur les 3 séances consacrées aux
traitements, une séance est consacrée à des questions au
médecin.
Ø Une séance comprend également
l'intervention d'un GEM.
La demande première des patients correspond à
l'intitulé du groupe : il s'agit avant tout de recevoir une
information sur la schizophrénie, ses origines, ses traitements...
Mais, plus qu'un groupe d'information, la séance
évolue rapidement vers un groupe de parole et d'échange sur la
maladie, ses symptômes, les difficultés rencontrées par les
uns et les autres. Les patients témoignent en confiance, certains avec
plus ou moins de réserves que d'autres.
Une chose est claire pour les soignants : les seuls vrais
spécialistes de la schizophrénie, ce sont les patients.
« Alors, tout le monde est schizophrène,
ici ? »
« Je me sens plus libre de parler ici qu'avec
des proches. »
« Je ne suis pas encore prêt à
accepter l'idée que je suis malade. »
« C'est pareil pour moi. »
« Est-ce que c'est un groupe qui va nous rendre
plus autonome ? »
|
4. Résultats et
analyse
Au vu des 11 entretiens réalisés, il
apparaît que les patients investissent réellement les soins
proposés au CRESOP.
Tous ont accepté volontiers de répondre à
mes questions.
Les re-tests venaient conclure leur participation à
l'étude sur la remédiation cognitive et les entretiens leur
permettaient de s'exprimer sur leur vécu de cette expérience.
Les patients s'impliquent visiblement dans leur discours. Ils
parlent à la première personne du singulier. Sur le plan non
verbal, ils font montre d'enthousiasme (sourires, gestes appuyant le
discours...)
Ils manifestent un enthousiasme et un dynamisme que l'on
n'attend pas a priori de la part de malades schizophrènes.
Le verbe permettre revient dans tous les entretiens.
Les patients trouvent que le programme leur a
« permis » beaucoup de choses : aller mieux,
progresser, faire confiance aux soignants...
4 points ressortent plus particulièrement des 11
entretiens :
Ø une notion de progrès et de changement
Ø la présence de projets
Ø des motifs de satisfaction
Ø des critiques et/ou remarques par rapport au
programme
4.1 Notion de
progrès et de changement
Les patients dans leur ensemble (100%) évoquent un
progrès lié au programme du CRESOP.
Parmi eux, 8 (73%) évoquent une amélioration de
leurs compétences, qui est le domaine directement visé par le
programme et 8 parlent d'une amélioration de leur qualité de
vie.
6 patients (54,5%) parlent d'un progrès en lien avec
les soins.
Soins
|
Nb de patients
|
Compétences
|
Nb de patients
|
Qualité de vie
|
Nb de patients
|
Meilleure connaissance de la maladie
|
4
(36%)
|
Amélioration des fonctions cognitives
|
7
(63%)
|
Amélioration de l'autonomie
|
5
(45%)
|
Meilleure adhésion aux soins
|
5
(45%)
|
Amélioration des compétences sociales et de
communication
|
2
(18%)
|
Amélioration de la qualité de vie
|
6
(54,5%)
|
Meilleure acceptation de la maladie
|
3
(27%)
|
|
Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès
en lien avec le soin
|
6 (54,5%)
|
Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès
en lien avec les compétences
|
8
(73%)
|
Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès
en lien avec la qualité de vie
|
8
(73%)
|
Nombre total de patients évoquant un
progrès
|
11
(100%)
|
4.1.1. Progrès en lien
avec les soins
Parmi les 6 patients qui parlent d'un progrès en lien
avec les soins, 4 pensent mieux connaître leur maladie. Le patient 4 dit
par exemple : « En fait j'ai eu un changement de
médicaments qui n'a pas abouti parce que j'ai eu une rechute et j'en ai
tout de suite parlé au médecin. Ca m'a aidé à
prendre conscience que c'était la maladie, que ce n'était pas la
réalité. »
La connaissance de la maladie est une étape majeure
dans la prévention des rechutes. Permettre aux patients d'être
capable de repérer les signes qui précèdent une nouvelle
décompensation et d'en faire part à un médecin ou à
ses proches est la meilleure façon de leur rendre la maîtrise de
leur maladie. C'est non seulement un moyen d'améliorer la qualité
de la prise en charge mais aussi une façon de redonner aux malades une
place active et responsable.
Même si 4 patients seulement sur les 11 parlent de cette
meilleure connaissance de la maladie, tous étaient capables d'aborder
ouvertement la question de leur diagnostic et de leurs symptômes. Avant
de commencer les re-tests, un patient m'a par exemple interrogée sur une
sensation qui l'inquiétait, et de laquelle nous avons pu parler sans
tabou. Un autre patient s'inquiétait des risques de rechute qu'il
encourait, alors qu'il venait de rompre avec sa petite amie, et des mesures
qu'il aurait intérêt à mettre en place pour se
protéger.
Programme PACT d'information sur la maladie
Repérer les signes
Pour Faridah, Alain ou Bertrand, le premier symptôme
est toujours le repli sur soi. Ils n'y avaient jamais réfléchi
jusqu'à cette séance où l'on évoque la rechute et
les moyens de l'éviter.
Pour Farid et Romain, c'est le contraire : temps de
sommeil raccourcis, impression de toute puissance...
Romain a bien repéré aussi le fait que ses
rechutes ont toujours eu lieu en novembre.
La discussion s'oriente la prévention. Quelles
actions mettre en oeuvre, comment lutter contre le stress, que faire face
à des impondérables comme une maladie ou un deuil, auprès
de qui trouver de l'aide... ?
|
Pour 5 patients, le programme a permis de créer un
meilleur lien avec les soignants et les soins : « Je vois
plus la réalité des choses en face, je me rends compte que j'ai
besoin de soins » (7) ; « En fait j'ai eu un
changement de médicaments qui n'a pas abouti parce que j'ai eu une
rechute et j'en ai tout de suite parlé au médecin. Ca m'a
aidé à prendre conscience que c'était la maladie, que ce
n'était pas la réalité.» (5) » ;
« Je me suis vraiment rendu compte que c'était très
important d'être régulier dans la prise du
traitement ». (9)
Programme PACT d'information sur la maladie
Roger
Roger n'a jamais été hospitalisé.
Lors des pré-tests d'admission au CRESOP, il se montre
décidé à garder la face, en dépit de
résultats à l'évidence perturbés, et ne se
reconnaît aucun trouble. Tout va bien pour lui, même s'il ne fait
rien de ses journées (à part du jardinage), ne sort pas de chez
lui (il vit chez ses parents) et n'a aucune relation sociale.
Lors des deux premières séances, Roger joue
le rôle du sceptique et la carte de l'ironie. On note cependant qu'il
reste attentif tout au long des séances, qu'il pose des questions
pendant les poses (bien que sans se départir de son ironie), et qu'il
n'est jamais absent.
Il a aussi le sens de la synthèse :
« Alors, si je comprends bien, tout le monde est schizophrène
ici ? » dira-t-il par exemple en fin de première
séance.
C'est après la 3ème séance
que la transformation s'opère. Roger commence à dire
« je », quand il pose des questions. Il apporte son
témoignage. « Nous, qui sommes schizophrènes,
... », dit-il même une fois. En entretien individuel avec son
médecin, il a, pour la première fois, parlé de ses
hallucinations auditives.
A la 7ème séance, il explique même
comment il a un jour été trouvé par sa mère en
train de tenir une conversation à ses voix dans le garage de la maison.
|
La question de l'alliance thérapeutique est ici assez
centrale.
Avoir participé au groupe PACT ou à la
remédiation cognitive a permis d'évoquer la maladie et ses
symptômes de manière concrète. Les patients peuvent parler
de leur expérience, ils savent repérer leurs moments de plus
grande fragilité, les risques de rechute. Certains demandent des
conseils, nous interrogent sur la meilleure façon de traverser certaines
épreuves de la vie.
Tout change pour le soignant quand il a en face de lui
quelqu'un à qui un diagnostic a été annoncé et qui
a eu une information digne de ce nom sur sa maladie. Tout est simplifié.
Les questions sont franches et les réponses facilitées. Plus
besoin de circonvolutions de langage pour évoquer la
schizophrénie et ses symptômes. Nous parlons enfin d'adulte
à adulte et les patients, véritablement experts d'une maladie
dont je ne peux quand à moi saisir que des bribes, ont tout à
nous apprendre.
Programme PACT d'information sur la maladie
Ré-hospitalisations
A l'occasion d'un tour de table il est question de
l'hospitalisation et des expériences de chacun à ce sujet :
les témoignages vont du « cocon », dont on n'a plus
envie de partir, à l'enfermement, dont on ne veut que
s'évader.
Farid raconte comment il a été à
chaque fois hospitalisé contre son gré et en chambre d'isolement
(en cellule, dit-il d'abord), ce qui lui a fait associer hôpital et
prison. Récemment, lors d'un passage difficile, avec montée
importante de l'angoisse, il s'est rendu aux urgences du Vinatier, pour la
première fois de son plein gré. Mais voyant autour de lui dans la
salle d'attente des patients en crise, il est reparti sans attendre son
tour.
Il s'interroge : n'était-ce pas faire preuve
de faiblesse que de venir se réfugier à l'hôpital quand on
a un coup de blues ?
|
Pour 3 patients, le programme leur a permis de mieux accepter
leur maladie, ou du moins d'être rassuré à ce sujet :
« C'est vraiment fondamental dans la façon dont j'ai pu
apprendre à vivre avec ma maladie » (9). La meilleure
connaissance de la maladie dédramatise le sujet. Le CRESOP
présente la schizophrénie comme une maladie chronique, comparable
au diabète. Les hypothèses explicatives sont exposées,
sans que l'on cherche à enjoliver les choses, ni à les
simplifier. Cette façon de rationaliser est rassurante.
La maladie devient une maladie comme une autre, dont il n'est
plus question d'avoir honte et dont on peut parler à son entourage.
Programme PACT d'information sur la maladie
Phases du deuil
On retrouve chez les patients atteints de maladies graves
évolutives une alternance de phases d'espoir et de désespoir,
d'acceptation, dépression, angoisse, colère, déni de la
gravité et sidération.
Trois patients, Hervé, Farid et Romain, illustrent
parfaitement ce point.
Hervé est encore dans une phase de déni. A
la toute première séance, alors que le groupe fait la liste des
symptômes que présente le personnage présenté dans
le film, il est le seul à proposer des hypothèses alternatives au
diagnostic de schizophrénie : peut-être le personnage est-il
simplement fatigué, ou déprimé, ou en
vacances ?
Durant les poses il nous interroge sur son traitement,
qu'il oublie parfois, et sur le cannabis, qu'il n'arrive pas à
arrêter.
A mi-chemin des 12 séances il nous annonce qu'il a
arrêté son traitement et repris une consommation importante de
cannabis. Il s'est aussi remis à boire de l'alcool et c'est pour cela,
dit-il qu'il a choisi d'arrêter le traitement : on ne mélange
pas alcool et médicaments.
Dans une position très infantile, il n'ose pas en
parler ni à ses parents (qui vont le tuer !), ni à son
équipe soignante (qui va lui faire des injections !).
On sent cependant toute une part d'ambivalence dans son
discours : Hervé est préoccupé par cet arrêt de
son traitement. Il nous assure qu'il va le reprendre. Il continue d'assister
aux séances où chacun, et les autres patients en particulier,
l'exhorte à au moins en parler à son médecin.
Farid a déjà traversé plusieurs
hospitalisations sous contrainte, avec des passages en chambre d'isolement qui
lui ont laissé une image assez négative de la psychiatrie. Il est
l'un des patients qui participe le plus activement au groupe. Il pose des
questions, apporte son témoignage, donne des conseils. Il dit bien son
ambivalence actuelle : son espoir d'une guérison côtoie sa
prise de conscience de la chronicité, sa satisfaction face à
l'efficacité du traitement ne l'empêche pas de rêver de
l'arrêter au plus vite.
Romain, quant à lui, nous raconte l'entretien qu'il
a eu il y a quelques années avec un psychiatre. Le médecin lui
expliquait que la moitié des patients à qui l'on proposait,
après 5 ans de prise d'un médicament, de faire l'essai de
l'arrêter, préférait poursuivre le traitement. Romain peut
nous dire qu'à l'époque il avait pensé qu'il
arrêterait sans aucune hésitation. Désormais, il nous
explique qu'il prendrait la décision inverse. Pas question pour lui de
prendre le risque d'une rechute.
|
4.1.2. Progrès en lien
avec les compétences
8 patients (73%) évoquent une amélioration de
leurs compétences.
Pour 7 d'entre eux, il s'agit d'une amélioration des
compétences cognitives : attention, concentration et
mémoire : « Je suis plus concentrée,
quand je lis un livre je suis plus concentrée »
(3) ; « J'ai des facilités, les choses vont mieux
quoi, ça fait la 3ème fois que je passe ces tests et
je vois que les choses vont mieux au niveau de l'exécution, de
l'attention, concentration » (11).
Ce sont les domaines visés par la remédiation
cognitive. Il n'est pas anodin que 8 patients abordent ce point. Sans doute
ont-ils vraiment constaté une amélioration sur ces points, comme
le montrent d'ailleurs les résultats des re-tests et des IRM.
Mais peut-être aussi manifestent-ils par cette
affirmation une forme de reconnaissance envers le programme et les
soignants.
Cela n'enlèverait rien à la valeur de leurs
réponses, puisque la satisfaction des patients par rapport aux soins qui
leur sont proposés est déjà une forme d'alliance
thérapeutique.
2 patients repèrent une amélioration au niveau
de leurs compétences sociales, qu'ils attribuent aux groupes PACT et
Conversation : « Ça m'a permis de
réintégrer la société plus facilement et de
communiquer avec mes proches avec un esprit plus
tranquillisé. » (4) ; « Dans les
groupes j'apprends à avoir une conversation » (3).
Programme PACT d'information sur la maladie
Alain
Alain reste le plus souvent silencieux pendant les
séances. Il n'en est pas moins attentif et réagit beaucoup de
manière non verbale. Paraissant très angoissé et sombre
dans les premières séances, il se détend au fur et
à mesure que le groupe progresse, jusqu'à pouvoir faire preuve
d'humour et dire qu'il se reconnaît dans les situations
décrites.
Dans les premières séances consacrées
à la connaissance de la maladie, Alain nous parle de ses
symptômes. Il a vécu 6 mois enfermé chez lui, avec des
hallucinations terrifiantes : sa tête était
transpercée de part et d'autre par un pieu, il était
assiégé par des fauves et n'osait plus sortir de chez lui. C'est
un jeune homme qui semble être très solitaire. Sa famille n'habite
pas la région.
Ses interventions qui restent rares sont toujours
très remarquables : à une question que pose un patient sur
les façons d'éviter une rechute, c'est lui qui va
répondre, de manière tout à fait juste et
adaptée.
Vers la fin du groupe, nous apprenons d'Alain qu'avant la
maladie il jouait de la guitare rock.
|
4.1.3. Progrès en lien
avec la qualité de vie
8 patients (73%) parlent d'une amélioration de leur
qualité de vie.
Pour 5 d'entre eux, il s'agit d'une amélioration de
l'autonomie : « Je fais plein de choses, je participe aux
taches ménagères même si j'aime pas ça
... » (2) ; « La remédiation,
ça m'a permis de recommencer à prendre les transports en commun
et à me déplacer. Je me déplace toujours beaucoup en
transports en commun, je vais à la Part Dieu aussi, même quand il
y a beaucoup de monde. Ça m'a obligée à me
déplacer. » (6).
Les patients attribuent ce gain d'autonomie aux soins que leur
a proposé le CRESOP.
Le programme de remédiation cognitive, de même
que les groupes, vise à améliorer l'autonomie des patients. Comme
nous le verrons plus loin, ils repèrent aussi d'autres facteurs, comme
la confiance en soi que procure le fait d'avoir pu réussir dans des
tâches difficiles, le contact avec les soignants, les échanges
avec d'autres patients... tous ces éléments aident à une
redynamisation qui va dans le sens d'une meilleure autonomie.
6 patients évoquent ce que je qualifierai de meilleur
état psychique : « Ma vie est plus
structurée » (3) ; « Les choses
s'arrangent petit à petit » (11) ;
« Avant de pouvoir mener des projets, il faut être stable
sur la maladie et ça c'est grâce au CRESOP et à mon
médecin que ça a pu être possible. » (9)
Il est impossible d'affirmer que ce progrès est le seul
fait du programme de réhabilitation. Il est cependant intéressant
que les patients fassent cette association entre des activités de soins
et une amélioration de leur état psychique.
4.2. Présence de
projets
9 patients sur les 11 patients interrogés (82%)
évoquent des projets.
4 ont des projets en lien avec les soins et 9 ont d'autres
types de projets, sans rapport direct avec les soins.
Projets en lien avec les soins
|
Nb de patients
|
Projets en dehors des soins
|
Nb de patients
|
Nouvelle prise en charge au CRESOP
|
2 (18%)
|
Emploi
|
3 (27%)
|
Autre prise en charge
|
3 (27%)
|
Logement
|
2 (18%)
|
|
Loisirs, GEM
|
3 (27%)
|
Gestion
|
2 (18%)
|
Projets de vie
|
3 (27%)
|
Nombre total de patients ayant des projets en lien avec
les soins
|
4
(36%)
|
Nombre total de patients ayant des projets en dehors
des soins
|
9
(82%)
|
Nombre total de patients ayant des
projets
|
9
(82%)
|
4.2.1. Projets en lien avec les
soins
4 patients ont des projets en lien avec les soins, ce qui est
loin d'être insignifiant. Il est aussi notable que, parmi les patients
que nous avons contactés pour ces re-tests, très peu aient
refusé de venir. Il s'agissait pourtant de trois rendez-vous, d'une
durée de 1 à 2 h, impliquant des déplacements, de la
fatigue et des situations de tests relativement stressantes.
2 patients (18%) ont en projet une nouvelle prise en charge au
CRESOP : « J'ai demandé si je pourrais revenir au
CRESOP » (2) ; « Je voudrais faire le groupe
entraînement aux habiletés sociales aussi. Ça commence
quand le nouveau groupe ? » (7).
Programme PACT d'information sur la maladie
D'autres groupes ?
La séance consacrée à la
vulnérabilité offre l'occasion à plusieurs patients de
poser des questions sur les autres prises en charge que propose le CRESOP.
Plusieurs se disent intéressés par les groupes
« Affirmation de soi » et « Résolution de
problèmes interpersonnels ».
Le groupe Equilibre attire aussi l'attention de Faridah et
de Farid.
Au fil des séances, les questions vont se
multiplier : en quoi consistent les groupes , comment peut-on s'y
inscrire, à qui faut-il s'adresser, quand commencent les prochaines
sessions... ?
|
3 patients (27%) envisagent de s'inscrire dans d'autres types
de prise en charge ; pour deux d'entre eux, en CATTP, pour le
troisième en thérapie individuelle : « Une
thérapie individuelle pour me focaliser sur moi, pour avancer,
progresser davantage avec une personne qui s'occupe seulement de moi.
» (4)
Programme PACT d'information sur la maladie
Un suivi individuel
Au cours de la 10ème séance,
« Prévenir la rechute », Faridah nous demande s'il
est possible de rencontrer un psychologue au CRESOP. Elle a pris contact avec
les psychologues du CMP dont elle dépend mais leur file d'attente est
pleine. Plusieurs fois au fil des séances, elle avait posé des
questions sur l'intérêt d'un suivi psychologique : il s'agit
surtout pour elle de trouver un lieu où s'exprimer librement, et aussi
de trouver des moyens de prévenir une éventuelle rechute.
|
4.2.2. Projets en dehors des
soins
9 patients (82%) forment des projets en dehors des soins.
Pour 3 patients, il s'agit de reprendre un emploi, en milieu
ordinaire pour un et en milieu protégé pour les deux autres :
« Et surtout, dans l'immédiat, retour au travail, essayer
de tenir un temps complet, maintenant je commence un temps partiel. Positif,
quoi. Essayer de tenir le plus longtemps que je pourrai voire de tenir tout
court. » « Je considère le travail comme un
soin, ça permet de se réhabiliter. » (11).
Programme PACT d'information sur la maladie
Projets
10ème séance : Roger, qui se
disait au début du groupe tout à fait satisfait de ne rien faire
de ses journées, nous fait part de son projet de trouver un travail
à la rentrée. Il a déjà parlé de ce projet
à son médecin. Il pense chercher un travail dans la manutention.
|
2 patients ont le projet de trouver un logement :
« Je vais être dans un appartement avec deux autres
personnes » (9).
3 patients évoquent les loisirs et deux d'entre eux
veulent s'inscrire dans un GEM, dont ils ont entendu parler dans le groupe
PACT : « Je vais aller dans des associations, Firmament et
tout ça. Et puis l'ASSAGA. » (6).
Programme PACT d'information sur la maladie
Groupe d'entraide mutuelle
Nous accueillons deux représentants d'un GEM qui
nous expliquent le fonctionnement de leur association.
Déjà, après l'intervention des
familles, plusieurs patients nous avaient fait part de leur étonnement
d'avoir appris qu'il existait des associations en lien avec la
schizophrénie.
Aucun n'avait jamais encore entendu parler des GEM.
Hervé se montre sceptique à l'idée
qu'il n'y ait pas de soignants. Il préfère l'hôpital de
jour où il se rend régulièrement.
Faridah et Farid se montrent intéressés. Ils
y voient l'opportunité de rencontrer des gens, en dehors de la
psychiatrie, de faire des activités, de reprendre pied dans la vie. Ils
prennent des notes.
|
2 patients envisagent de mieux gérer leur argent :
« Je veux arriver à gérer l'argent »
(2). « Je fais attention, j'ai arrêté de fumer,
j'essaie de remettre de l'argent de côté » (7)
3 patients ont des projets d'ordre plus
général ; un changement radical pour l'un d'eux :
« J'aimerais retourner dans un monastère parce que j'ai
fait un court séjour dans un monastère. J'aimerais devenir moine,
quoi. Je ne sais pas si c'est encore possible parce que j'ai grandi depuis,
j'ai changé, mon caractère a changé... Il faudra voir,
quoi... » ; et ce que l'on pourrait qualifier d'un
changement d'attitude pour les deux autres : « Je vais
prendre les choses plus cool, prendre les choses comme elles
viennent » (2), « Améliorer mes relations
avec les autres patients, je veux dire parler plus avec les autres
patients » (3).
Etre capable de se projeter dans l'avenir est d'autant plus
important que cela marque une volonté de s'inscrire dans la vie.
La notion de temps, et surtout la nécessité de
prendre son temps, afin d'éviter autant que possible les stress, revient
beaucoup dans les groupes que propose le CRESOP.
Faire des projets implique aussi des capacités de
résolution de problèmes. On voit ici que les projets que forment
les patients sont rationnels, étayés et qu'ils sont aussi
portés par les équipes de soins.
4.3. Points de vue
favorables
L'ensemble des patients (100%) fait des retours favorables sur
le programme du CRESOP.
Tous manifestent de la satisfaction.
9 mettent en avant les intérêts du programme, 9
l'effet positif du programme sur l'estime de soi. 5 parlent de l'apport des
contacts humains au CRESOP.
Notion de satisfaction
|
Nb de patients
|
Intérêts
|
Nb de patients
|
Estime de soi
|
Nb de patients
|
Contacts humains
|
Nb de patients
|
Recomman-deraient le programme
|
9
(91%)
|
Utile
|
7 (67%)
|
Notion de réussite
(valorisant)
|
6
(55%)
|
Qualité de l'encadrement/ accueil
|
4 (36%)
|
Notion de plaisir
|
4
(36%)
|
Enrichissant
|
4 (36%)
|
Stimulant, encourageant
|
5
(45%)
|
Contacts humains enrichissants (autres patients)
|
3
(27%)
|
Nombre total de patients
|
11
(100%)
|
Nombre total de patients
|
9
(82%)
|
Nombre total de patients
|
10
(91%)
|
Nombre total de patients
|
6
(55%)
|
Nombre total de patients faisant des retours
favorables
|
11
(100%)
|
4.3.1. Notion de
satisfaction
Tous les patients (100%) évoquent des notions de
satisfaction.
Certains le disent tout simplement : « Je
suis plutôt contente. Même très contente. »
(3) ; « C'est positif comme action. Très
satisfait » (4)
9 seraient prêts à recommander le programme
à des amis : « J'en ai parlé à des amis
à l'HDJ qui s'étaient inscrits. Je leur ai dit :
« Tu vas voir, c'est bien... » (5) ;
« Pour les gens qui ont des problèmes de mémoire et
de concentration, oui, je trouve que c'est bien » (3)
« Alors là y a pas photo. Surtout à des gens plus
atteints que moi, qu'ils comprennent la maladie. J'en ai parlé à
un copain qui est malade et qui ne prend pas son traitement. J'y ai dit, il
voulait pas prendre son traitement, pourtant il a fait le groupe PACT, je lui
ai fait un peu de morale. » (7)
La patiente 9 regrette que le CRESOP ne soit pas plus
connu : « Ce que je trouve un peu dommage c'est que le
CRESOP c'est encore un centre assez jeune, je crois, et que c'est encore assez
méconnu du reste des médecins. Pourtant tout ce qui est
thérapie cognitivo-comportementale ça se pratique dans plein
d'autres hôpitaux, c'est dommage que ça ne soit pas plus connu au
Vinatier. Même dans ma relation intime avec le médecin j'aimerais
que les choses soient plus connues, qu'on puisse en discuter. Ce serait
important. »
Programme PACT d'information sur la maladie
Farid
A l'occasion du bilan clinique initial, Farid. doit
remplir une série d'échelles évaluatives dont, en
particulier, le questionnaire d'évaluation des traits schizotypiques de
A Raines. Il complète les échelles avec une grande
honnêteté.
A l'issue de cette évaluation, il fait la remarque
suivante : « C'est étrange, on dirait que ce
questionnaire a été écrit spécialement pour
moi ». Il ajoute que c'est la première fois, alors qu'il
est malade depuis 1994, qu'il doit se pencher sur certains traits de sa
personnalité et qu'il n'y avait jamais réfléchi avant.
Certains éléments lui sont revenus, auxquels il n'avait plus
repensé depuis des années (question 48. Il arrive que les
objets qui m'entourent paraissent parfois inhabituellement trop grands ou trop
petits, comme si leurs proportions avaient changé)
Il dit regretter de n'avoir jamais l'occasion
d'échanger sur ce sujet, expliquant qu'il n'a pas de temps de parole sur
la maladie à l'exception des entretiens avec son psychiatre, dont le
point central est toujours le traitement médicamenteux.
Il est enthousiaste à l'idée de participer
au groupe PACT qui lui a été proposé et qui doit
démarrer 15 jours plus tard.
|
4 patients évoquent une notion de plaisir. L'aspect
ludique des tests est souligné.
« J'ai trouvé à la fois beaucoup
de plaisir. Certains tests étaient marrants » (2)
« C'est amusant ». (5) ; « Un peu comme
un jeu. » (6) ; « Ça me faisait du
bien. Au moins je passais la journée, je m'ennuyais pas et en même
temps c'était des trucs biens. Je me sens bien au CRESOP. Même les
tests comme on a fait aujourd'hui, c'est bizarre mais j'aime bien, c'est
amusant, ça fait du bien de travailler sa
concentration. » (7)
Qu'une activité de soins soit source de plaisir est une
bonne manière de créer un lien thérapeutique. Le plaisir
est partagé par les soignants, même si, me dira une
infirmière en plaisantant « il ne faut surtout pas le
dire ! Que l'on n'aille pas penser qu'on prend du plaisir pendant notre
temps de travail ! ». Ces temps d'activités sont
véritablement des temps d'échange où l'on transmet non
seulement des informations et des compétences mais aussi une chaleur
humaine qui est d'autant plus précieuse que la schizophrénie a
pour effet d'abraser les affects. L'aspect ludique des supports est donc
très intéressant.
La remédiation cognitive utilise l'habitude qu'ont les
personnes jeunes des jeux informatiques puisque les exercices sont fait sur un
ordinateur. Le groupe PACT se sert d'un support vidéo, ainsi que le
groupe d'entraînement aux habiletés sociales. D'autre
activités utilisent des supports types jeux de société.
Programme PACT d'information sur la maladie
Plaisir
Au cours d'une séance sur la
vulnérabilité, et à propos des moyens de lutter contre les
risques de rechute, nous évoquons la question du bonheur et des petits
plaisirs de la vie.
Même si l'ambiance est souvent grave, le groupe a
ses moments de légèreté. Roger nous fait ainsi souvent
profiter de son humour et de ses remarques décalées. Les rires
fusent. Alain, dont on pouvait craindre au départ qu'il ne puisse pas
s'intégrer tant ses symptômes étaient inquiétants,
suit les débats avec le sourire. Une vraie solidarité s'est
instaurée entre les membres du groupe, qui allège une
atmosphère que la nature des discussions aurait pu rendre pesante. Les
pauses sont aussi l'occasion de parler d'autre chose que de
schizophrénie et de plaisanter avec moins de retenue.
|
4.3.2. Intérêts du
programme
9 patients parlent de l'intérêt du programme.
7 patients déclarent que le programme leur a
été utile : « Les tests me permettent une
évaluation de ma mémoire. » (3) ;
« J'ai l'impression d'avoir progressé au fur et à
mesure, en positif. [...] Ça m'a été utile c'est
sûr. » (4) ; « Je pense que ça
m'a aidé » (5) ; « C'est très
bien, ça fait travailler la mémoire, ça demande de la
concentration aussi » (8) ; « Ce qui est
vraiment bien c'est de pouvoir travailler des aspects que je ne fais pas
travailler dans le cadre de mon travail » (9)...
4 patients ont jugé le programme enrichissant :
« Les tests sur l'ordinateur étaient très
intéressants » (2), « Ça m'apprend
des choses. » (3) ; « C'est constructif, y a
plein de choses intéressantes. » (11).
Programme PACT d'information sur la maladie
Tours de table
Chaque début et fin de séance du groupe est
l'occasion d'un tour de table qui permet, d'abord, de faire le point sur
l'état d'esprit des participants, puis sur le contenu de la
séance. Les patients donnent leur avis avec sincérité,
pouvant dire par exemple s'ils ont été moins
intéressés par tel ou tel aspect de la séance. C'est en
général un avis unanime sur l'intérêt du
programme : « J'ai beaucoup appris, c'est la première
fois que j'entends parler de cela, c'était très
intéressant... »
|
4.3.3. Estime de soi
10 patients (91%) évoquent un effet du programme sur
l'estime de soi.
Pour 6 patients, avoir l'impression de réussir et de
progresser est valorisant : « Ça fait voir qu'on est
capable de progresser et de voir qu'on n'a pas perdu par rapport aux
études. » (5).
Pour 5 patients, le programme est perçu comme
encourageant et stimulant :
« Ça m'a
réveillé, principalement. Coup de boost. Ça m'a permis
de... Ça m'a encouragé à continuer, à
persévérer, à ne pas me laisser abattre. »
(4) « Ça m'a remise dans le bain. »
(6) ; « Ça motive, quoi » (8).
Les patients ont le sentiment de réussir les
tâches proposées, ce qui, en référence à la
théorie de l'auto-efficacité de Bandura21(*), influence leur niveau de
motivation et leur comportement. Face à une maladie qui a souvent mis
leurs projets en échec, avoir l'impression de retrouver une
maîtrise sur leur vie est particulièrement important.
4.3.4. Contacts humains
6 patients (55%) évoquent l'importance des rencontres
faites au CRESOP, soignants et patients, et soulignent l'importance qu'ont eu
ces contacts humains dans leur parcours dans l'unité. C'est
particulièrement le groupe d'information sur la maladie qui est
visé ici.
Pour 4 patients, la qualité de l'accueil et de
l'encadrement a été importante : « Ils posent
les bonnes questions, surtout le groupe PACT. J'ai bien aimé les
intervenants » (7) ; « Le contact avec les
gens ici, très doux, très compréhensifs, mais quand
même qui ne cherchent pas à enjoliver les choses »
(9).
Une grande part du soin en psychiatrie consiste à
créer ce lien de confiance entre patients et soignants. Ce n'est
qu'à cette condition que l'on peut espérer que les patients
fassent appel aux soins en cas de besoin.
3 patients parlent de l'intérêt d'être en
groupe et de pouvoir échanger avec d'autres patients sur la
maladie : « ...j'avais besoin de passer d'abord par
le groupe, par des activités en groupe, pour en être capable
(de faire une thérapie individuelle par la suite). »
(4) ; « On était avec des patients qui vivaient la
même chose et je me suis rendu compte que les symptômes que je
ressentais, que je trouvais vraiment étrange, j'étais pas la
seule, que c'était une maladie et que d'autres personnes pouvaient la
connaître. Ça m'a beaucoup aidé ça »
(9).
Les patients repèrent quelles peuvent être les
ressources à leur disponibilité en cas de besoin. A qui faire
appel, qu'est-ce qui pourra les soulager, avec qui parler de la maladie et
comment en parler...
Programme PACT d'information sur la maladie
Echanges en groupe
Faridah présente une symptomatologie
négative ; sa famille, et notamment son mari, ne comprend pas et
l'accuse de ne pas faire d'effort. Elle parle de ses difficultés au
quotidien, de l'énergie que lui demande chaque geste de la vie
quotidienne.
Lorsque dans le film elle entend une mère dire
à sa fille ce qu'elle vit elle aussi au quotidien :
« Fais des efforts ! », elle se met en
colère : attendrait-on d'un malade du cancer qu'il
« fasse des efforts » ?
Ce sont des paroles qui touchent plusieurs des patients
présents, en proie aux mêmes difficultés. Comment faire
comprendre à l'entourage ce qu'est la schizophrénie ? Que
peut-on dire, et à qui ? Chacun a sa façon de
présenter les choses. Faridah quant à elle préfère
dire qu'elle est « dépressive ». Romain, qui a perdu
tous ses amis après sa première décompensation,
préfère ne rien dire. Il va bien et la maladie ne se voit pas sur
son visage. Il évoque le « coup de massue »
qu'à représenté sa maladie pour sa famille, parle de
« ce qu'il leur a fait subir ». La schizophrénie a
mis un coup d'arrêt à ses projets d'avenir, ainsi qu'à ceux
que formaient pour lui ses parents.
Farid souffre du regard des gens dans sa cité mais
il a conservé ses amis. Sa famille forme un réseau d'aide
soudé autour de lui.
Le groupe discute, avec l'aide des soignants, de
l'intérêt d'une bonne information de l'entourage. Pourquoi par
exemple ne pas discuter en famille de ce qu'il conviendra de faire en cas de
rechute ? En suivant l'exemple de cette publicité pour les dons
d'organe qui passe alors sur les écrans de télévision,
pourquoi ne pas se mettre d'accord à l'avance de ce qui est ou non
acceptable ?
Faridah regrette que parfois les proches ne cherchent pas
suffisamment à s'informer : « ce n'est quand même
pas aux malades de faire tout le travail ! », dit-elle.
|
4.4. Critiques et
remarques
9 patients sur 11 (82%) formulent des critiques à
l'égard du CRESOP : sur le contenu du programme lui-même pour
6 patients et sur d'autres points pour 6 autres.
Cependant, comme on va le voir, ces critiques portent
plutôt sur des améliorations à faire que sur une remise en
question du programme proposé par l'unité.
Les critiques sont systématiquement assorties d'un
contrepoint sur les bénéfices ressentis :
« Ça m'a chamboulé un peu quand même parce
que c'est bien mais... ce en quoi je croyais s'est effondré plus ou
moins. Par contre ça a renforcé des fois certains sentiments, sur
le respect dans la communication. » (4) ;
« Ben c'est un peu rébarbatif, parce que c'est souvent la
même chose mais on se rend compte qu'on a des facilités à
exécuter les exercices. Et dans la vie quotidienne ça m'a
vraiment servi... » (11)
Elles sont aussi toujours adoucies avec des modalisations du
type : un peu, pas tellement... : « Sinon, dans la
remédiation il y a des trucs plus ou moins rébarbatifs, des trucs
plus intéressants que d'autres, des trucs qui sont un peu
longuets. » (5) ; « Ce qui était
peut-être un peu difficile... » (9) ; ou par des
attitudes non verbales qui neutralisent le propos : « Les
tests, ça voilà, sont un peu déroutants
(rire). » (1).
Il ressort des entretiens qu'il n'est pas question pour les
patients d'attaquer le CRESOP qui est vraiment perçu comme un lieu
ressource.
Critiques sur les programmes de soin
(remédiation, groupe PACT)
|
Nb de patients
|
Autres critiques
|
Nb de patients
|
Difficulté (remédiation, tests)
|
4
(36%)
|
Manque de feed-back
|
3
(27%)
|
Un peu simpliste (remédiation)
|
1
(9%)
|
Bouleversant (PACT)
|
2
(18%)
|
Parfois rébarbatif (remédiation)
|
2
(18%)
|
Aspect pratique
(coûteux en temps, difficile d'accès)
|
2
(18%)
|
Pas assez personnalisé, pas adapté pour tous
(PACT, remédiation)
|
2
(18%)
|
|
Nombre total de patients qui formulent une ou plusieurs
critiques sur les programmes de soin
|
6
(54,5%)
|
Nombre total de patients qui formulent d'autres
critiques
|
6
(54,5%)
|
Nombre total de patients formulant des
critiques
|
9
(82%)
|
4.4.1. Critiques sur les
programmes de soins
6 patients (55%), font des remarques sur le contenu du
programme de soins lui-même.
La remédiation cognitive (pour 3 patients) et les tests
(pour 2) sont qualifiés de difficiles par 4 patients en tout :
« Les tests étaient difficiles et
éprouvants » (9) ; « La
remédiation c'était dur. Les exercices, ça demande
beaucoup d'attention et de concentration, c'est fatigant. Mais ça m'a
été utile c'est sûr. » (4) Cette
difficulté du programme est évoquée avec l'idée que
malgré cela ils y sont arrivés, et qu'ils ont pu progresser. Loin
d'être une critique, ce point est plutôt à mettre en lien
avec la notion de valorisation soulignée plus haut.
Programme PACT d'information sur la maladie
Fatigue
Plusieurs fois, lors du premier tour de table qui permet
de savoir comment vont les uns ou les autres, des patients ont parlé de
leur fatigue. « J'ai failli ne pas venir »,
disent-ils.
Juliet nous explique que parfois, l'angoisse
l'empêche carrément de sortir de chez elle. Elle a fait l'effort
de venir autant qu'elle a pu, parce que le groupe lui plaisait et qu'elle y
était à l'aise, puis, à la 8ème
séance, elle a arrêté de venir.
|
La remédiation paraît au contraire trop simple
pour le patient 5 : « Un peu surpris par la
simplicité du truc. Je m'attendais à un peu autre chose, à
des exercices plus travaillés, à quelque chose de plus
sophistiqué. ».
Comme le fait remarquer le patient 4 :
« Tout dépend des patients avec qui on se trouve. On
n'avance pas à la même vitesse. »
Programme PACT d'information sur la maladie
Dynamique de groupe
Une bonne dynamique de groupe s'instaure dès la
première séance. Une certaine
hétérogénéité ne nuit pas, au contraire. Les
échanges sont d'autant plus riches que les vécus sont
différents. Les tours de table permettent de repérer des points
communs. Les signes d'alertes par exemple, nous font repérer deux
groupes : ceux chez qui tout commence par un repli sur soi et ceux chez
qui apparaît plutôt une accélération (insomnie,
sentiment de toute puissance...). Romain et Farid sont de ce dernier groupe.
Ils ont remarqué au fil des séances qu'ils avaient beaucoup de
symptômes en commun, puis ils ont pu se poser directement la
question : « Tu as une schizophrénie dysthymique, toi
aussi ? ». A la suite de quoi Hervé a
enchaîné : « Moi, mon médecin m'a dit que
j'avais une schizophrénie paranoïde ».
Les patients se soutiennent et s'encouragent. Ainsi, quand
Hervé annonce finalement qu'il a repris son traitement, tout le groupe
le félicite.
Presque tous (sauf Roger...) souffrent de se sentir
toujours fatigués. C'est un point sur lequel le groupe se solidarise,
d'autant plus que certains de ses membres ont vécu des
expériences difficiles : proches qui ne comprennent pas,
difficultés au travail, difficulté à simplement se lever
le matin...
Les séances qui font intervenir des intervenants
extérieurs (et notamment les familles) sont des moments sensibles dans
lesquels le groupe est fragilisé. Ce sont des temps où les
animateurs doivent déployer une grande énergie pour renforcer des
défenses qui peuvent être mises à mal.
|
2 patients parlent plutôt du groupe PACT pour regretter
l'hétérogénéité des participants et auraient
peut-être eu besoin d'un programme plus personnalisé
:
« On n'avance pas à la même vitesse. J'ai
l'impression d'être un avion et eux des escargots. Moi je veux aller trop
vite en fait. Je trouve qu'ils se complaisent dans leur souffrance :
« Je suis heureux dans ma souffrance même si ça
ne va pas. ». » (4) ; « C'est
comme à l'école, on apprend des généralités,
c'est pas du cas par cas. Chacun a sa propre expérience de la maladie,
ça n'apporte pas forcément de réponse à toutes les
questions qu'on se pose. On n'est pas enclin à parler devant tout le
monde de ses problèmes. » (11). Le patient 11
reconnaît ne pas être encore prêt à poser toutes les
questions qui le travaillent.
Il est assez intéressant que les patients puissent
être en demande de plus de personnalisation des activités. Cela
signe sans doute un investissement important de ces soins, pour lesquels ils
ont des exigences importantes. Cela permet aussi de les orienter vers des soins
plus individuels, qui sont une autre étape de la prise en charge.
Le patient 4 a par exemple fait la demande d'une prise en
charge individuelle : « Une thérapie individuelle
pour me focaliser sur moi, pour avancer, progresser davantage avec une personne
qui s'occupe seulement de moi. Mais j'avais besoin de passer d'abord par le
groupe, par des activités en groupe, pour en être
capable. »
Programme PACT d'information sur la maladie
Vulnérabilité
La question de la vulnérabilité fait l'objet
de plusieurs séances.
Le film parle de sensibilité, plutôt que de
vulnérabilité. Le mot fait écueil. Difficile de faire la
part des choses entre ce qui serait « faiblesse » et ce qui
pourrait plutôt être qualifié de « qualité
d'âme ».
Plusieurs patients évoquent leur enfance, le
sentiment d'avoir toujours été un peu différent :
plus timide, plus sensible...
La question du stress est aussi évoquée
longuement : comment reconnaître le stress, comment s'en
préserver ? Y a-t-il de bons stress ? Il s'agit en fin de
compte d'apprendre à se connaître soi-même, avec ses forces
et ses faiblesses, être capable de se faire aider dans les moments
difficiles, accepter de se faire ré-hospitaliser.
Faridah a décompensé à la naissance
de son premier enfant.
Elle pose directement cette question : « Est-ce
que je peux transmettre la maladie à mon enfant ? ». Les
soignants lui répondent avec honnêteté et avec les
réserves qu'imposent les limites de nos connaissances.
Bertrand met tout son espoir dans les découvertes
à venir de la science. Il supporte la maladie parce qu'il veut croire
qu'un traitement finira par être trouvé, même s'il doit
attendre 20 ans.
La séance de questions au médecin va
l'angoisser. Il y entend en effet que des anomalies sont retrouvées dans
la structure cérébrale. Il se rassure un peu lorsque l'on aborde
de la notion de plasticité cérébrale et de
l'intérêt des techniques de réhabilitation.
Il est en colère contre le premier médecin
qui l'a reçu et qui n'a pas posé le diagnostic de
schizophrénie, retardant d'un an la mise en place d'un traitement. Il
est envahi de questions : « et si j'avais eu ce traitement plus
tôt...? ».
|
2 patients enfin trouvent la remédiation un peu
rébarbative (dont le patient 5 qui la trouve aussi trop simple). Mais
ils reconnaissent tous les deux qu'elle leur a permis de reprendre confiance en
leurs capacités : « Ben c'est un peu
rébarbatif, parce que c'est souvent la même chose mais on se rend
compte qu'on a des facilités à exécuter les
exercices. » (11).
4.4.2. Autres critiques
6 patients (55%) émettent d'autres types de
critiques.
3 d'entre eux se plaignent d'un manque de retour sur les
résultats des évaluations (tests, IRM). Le patient 7 a mal
compris ces explications : « Ce qui m'a un peu
vexé, c'est qu'on me dise que l'IRM, j'avais pas les critères.
Ils m'ont dit c'est pas que vous avez un problème mais vous êtes
pas dans les critères. »
Cette critique nous renvoie à l'importance qu'il y a
à entretenir une bonne communication entre unités de soins. Ce
sont les médecins des unités de référence des
patients qui sont supposés leur communiquer les résultats des
tests. Il faut pour cela que le CRESOP ait fait passer ces informations, que
les médecins en aient pris connaissance, qu'ils aient pris le temps de
les expliquer au patient, que celui-ci ait compris l'information et/ou soit
capable de demander des précisions si nécessaire... Les troubles
cognitifs que présentent les patients obligent souvent à
répéter les informations plusieurs fois. Il est important de
s'assurer que les choses ont été comprises et retenues.
2 patients mettent en avant le caractère bouleversant
du programme qui renverse les certitudes et oblige à des remaniements
importants. : « Ça m'a chamboulé un peu quand
même parce que c'est bien mais... ce en quoi je croyais s'est
effondré plus ou moins. » (4) ;
« La remédiation c'est plus neutre, d'accord mais un
groupe comme PACT c'est vraiment douloureux. Ça met en cause des
éléments fondamentaux de la personne, comment on va vivre aussi
le reste de sa vie, parce que la schizophrénie c'est une pathologie
lourde, avec des rechutes, comment on va éviter les grosses
crises... » (9)
Programme PACT d'information sur la maladie
A quoi ça
sert ?
Farid me demande à quoi sert le CRESOP, finalement.
« Qu'est-ce que ça va nous
apporter ? ».
Il s'explique : Avant, il ne savait pas ce qu'il
avait et c'était plus facile. Maintenant qu'il sait que c'est une
maladie chronique, tout est remis en question. Il craint de se laisser aller et
d'utiliser la schizophrénie comme une excuse pour ne pas faire les
choses. Il a par exemple repris le travail et résiste mal à
l'envie de se remettre en arrêt maladie. Il se demande parfois s'il
n'aurait pas préféré rester dans l'ignorance...
Il est absolument nécessaire que les soignants
aient en tête que l'information sur la maladie peut entraîner des
accès de dépression, voire de désespoir. Leur rôle
est d'être à l'écoute et d'apporter le soutien
nécessaire.
L'exemple d'autres patients, comme celui de Romain, qui a
traversé les mêmes crises et s'en est sorti, est aussi un des
points forts du groupe.
|
Ces remarques concernent le groupe PACT mais aussi les
tests : « J'ai trouvé que les tests étaient
difficiles et éprouvants surtout les deux premières fois,
aujourd'hui c'était mieux. » (9)
Le patient 9 insiste sur l'importance du lien avec les
soignants dans ces moments difficiles : « Ce qui est bien
c'est que comme je suis dans un foyer où travaillent plusieurs des
infirmières du CRESOP, j'ai pu en reparler après les
séances. »
Ce sont là des points sur lesquels les soignants
doivent être extrêmement attentifs. Le risque suicidaire est
toujours à prendre en compte, notamment dans cette période de
prise de conscience des troubles et de la chronicité de la maladie. Les
patients doivent pouvoir trouver un soutien et être entendus dans ces
moments qui sont particulièrement sensibles.
2 patients font des remarques sur des aspects plus pratiques
comme les difficultés d'accès et le coût en temps :
« Il faut beaucoup marcher pour venir jusqu'ici, c'est pas
évident pour trouver les locaux » (10) ;
« Ça prend du temps » (6).
Il est vrai que les locaux sont difficiles à trouver,
mal signalés et éloignés de l'entrée de
l'hôpital, ce qui oblige à marcher beaucoup lorsque l'on n'est pas
motorisé. Pour de nombreux patients, participer aux activités
proposées par le CRESOP demande véritablement un effort et une
démarche active. Il est très frappant de voir que les patients
acceptent aussi volontiers de revenir pour des tests, 6 mois à 1 an
après la fin de la remédiation cognitive et qu'ils se montrent
aussi enthousiastes.
Sans doute ne serait-il pas inapproprié de mettre ces
critiques en lien avec les propos de la patiente 9 qui regrettait que le CRESOP
ne soit pas mieux connu.
Programme PACT d'information sur la maladie
Communiquer sur la maladie
Romain a déjà été
hospitalisé plusieurs fois. Il nous affirme pourtant qu'il n'a jamais,
jusqu'à présent, entendu parler de la maladie comme ici dans le
groupe. C'est la première fois que l'on aborde la schizophrénie
dans tous ses aspects, avec la notion de vulnérabilité, les
risques et les possibilités de prévention des rechutes.
Première fois qu'il peut échanger sérieusement sur sa
maladie.
|
4.5. Discussion :
La philosophie du CRESOP est à la croisée de
différentes théories et techniques, neurosciences,
thérapies cognitivo-comportementales, psychodynamiques ou humanistes.
L'expérience des patients est reconnue dans son unicité. Ils sont
seuls véritables experts de leur maladie.
C'est une place particulièrement active :
Ø Participation à différents programmes
de recherche, avec ce que cela implique de contraintes : IRM, multiples
tests neuropsychologiques à passer et repasser, entretiens
d'évaluation...
Ø Réentraînement des fonctions
cognitives.
Ø Participation à des groupes d'information et
d'échange sur la maladie.
Ø Entraînement aux habiletés sociales.
Visiblement les patients y trouvent leur compte.
Si les activités ont elles-mêmes une action
directe non négligeable et vérifiée, une part
considérable est probablement due au contexte.
La participation aux programmes de soins du CRESOP
entraîne un changement de perspective notable, que ce soit dans la
façon dont les patients perçoivent leur maladie, dans le regard
que les soignants portent sur eux, ou dans l'alliance thérapeutique qui
s'instaure.
Il s'agit alors de s'interroger sur le retentissement d'une
telle prise en charge sur la place et le rôle de chacun, que ce soit du
patient, du psychologue ou des différents membres de
l'équipe ?
Les patients ne présentent pas la même image
d'eux-mêmes à chaque interlocuteur. Selon qu'ils sont face au
médecin, au psychologue, à l'assistante sociale, à une
infirmière ou dans un service d'hospitalisation, face à d'autres
patients, ils n'offrent pas le même visage.
C'est la réflexion que me faisait une
infirmière, travaillant à temps partiel au CRESOP et dans un
service d'hospitalisation classique : quel étonnement de voir qu'un
patient apparemment très délirant et dépendant en service
puisse montrer tant de compétences au moment de participer au programme
de remédiation. Elle me parlait ensuite de la difficulté qu'il
pouvait y avoir à faire partager cette perception à ses
collègues, qui ne rencontraient le patient que dans l'unité
d'hospitalisation.
Lorsque les malades ne sont plus définis par leurs
déficits mais par leurs compétences, le regard change, de part et
d'autre.
De là une hypothèse que certains indices
pourraient laisser envisager : les techniques de réhabilitation
n'auraient-elles pas aussi un effet sur les soignants en changeant le regard
que ceux-ci ont sur leurs patients ? Si le patient n'est plus objet mais
sujet des soins, le soignant n'est plus en position de pouvoir mais de
coopération.
Même si, comme le remarque sans doute justement
Béatrice Benattar dans son travail sur les GEM22(*), il n'est peut-être pas
raisonnable d'espérer de la part des malades mentaux le même type
d'émancipation et de « prise du pouvoir
médical » que l'on a pu voir apparaître avec les malades
du SIDA et les actions d'Act Up, ce type de prise en charge peut
néanmoins apporter un changement dans le paysage psychiatrique :
Ø Modification du regard que les malades ont sur
eux-mêmes,
Ø Idée que la honte qui reste attachée
à ce type de pathologie pourrait être dépassée, pour
faire place à la reconnaissance du fait que la schizophrénie est
une maladie qui ne devrait pas donner lieu à un jugement de valeur,
Ø Modification des relations entre patients, entourage
et soignants,
Ø Modification du rôle des soignants.
Pour les soignants, ces changements entraînent une
re-dynamisation, l'impression d'avoir une capacité d'intervention plus
efficace.
Il est également possible de rencontrer des
résistances qui pourraient avoir à voir avec l'ambivalence du
soignant : on entend en effet parfois des injonctions paradoxales du
type : « Prenez-vous en main / faites ce que je vous
dis ».
Ce pourrait être, pourquoi pas, l'objet d'un autre
travail de recherche.
5. Conclusion :
Ce travail s'inscrit dans une perspective d'évaluation
des pratiques de soins.
Ses limites sont dans sa forme même puisqu'il s'agit de
recueillir des points de vue forcément subjectifs. C'est cependant ce
qui a rendu ces entretiens si intéressants. Les patients parlaient
très volontiers de ce qu'ils avaient expérimenté.
Plusieurs ont d'ailleurs souligné l'importance qu'avait
pour eux le fait de pouvoir discuter sans tabou de leur maladie et de leurs
difficultés.
Il aurait été possible de centrer davantage ce
travail sur la question de l'alliance thérapeutique en utilisant par
exemple une échelle comme l'échelle d'alliance aidante
d'Alexander et Luborsky.
Il me semblait que cela aurait été trop pesant,
sachant que les patients venaient de passer déjà de nombreux
tests et de remplir plusieurs échelles. Ce moment de discussion venait
conclure agréablement la période des restests et leur permettait
de s'exprimer plus librement après un parcours finalement assez
balisé.
Les résultats montrent que les patients ont une
représentation très positive du programme proposé par le
CRESOP. Leurs critiques n'en sont pas vraiment ; il s'agit plutôt de
proposer des améliorations.
Qu'ils constatent des progrès et qu'ils les attribuent
au programme va dans le sens d'une alliance thérapeutique qui est la
base d'une prise en charge réussie. La présence de projets est
également un point particulièrement encourageant.
Il apparaît bien dans les entretiens, de même que
dans les séances du groupe PACT, que les patients sont
véritablement en demande de ce type de prise en charge qui leur donne
une place active dans les soins.
J'ai été frappée par l'enthousiasme des
personnes que j'ai rencontrées au CRESOP. Le fait d'être
confronté à des perspectives d'avenir difficiles (car la question
de la chronicité de la maladie et du risque de rechute sont
abordées sans être édulcorées), entraîne
pourtant parfois des remises en question douloureuses qu'il faut savoir
entendre et accompagner.
Ce stage au CRESOP m'a permis d'entrevoir toute une gamme de
nouvelles possibilités de soins. C'est aussi une expérience qui
fait se rendre compte que les patients schizophrènes sont riches de
capacités que les services d'hospitalisation classiques ne permettent
parfois pas de suffisamment repérer. Se centrer sur les aptitudes de
patients plutôt que sur leurs déficits est une façon de
retrouver de l'espoir, que l'on soit patient ou soignant.
La maladie n'est plus cette chose figée et
irrémédiable contre laquelle on ne peut rien. Elle devient
quelque chose contre quoi il est possible de se révolter et de lutter,
de manière adulte et active.
6. Bibliographie :
6.1. Livres
ANZIEU D. / Le groupe et
l'inconscient. 1999. Paris. Ed. Dunod
BANDURA A. /
L'auto-efficacité Psychologie scientifique et développement
personnel. Paris. 2002. Ed. De Boeck-Wesmael
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Ed. Masson. Coll. Médecine et psychothérapie
CHAMBON O., MARIE-CARDINE M., PERRIS C. /
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chroniques. 1997. Paris. Ed. Masson. Coll. Médecine et
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D'AMATO T., SAOUD M. / La
schizophrénie de l'adulte. Des causes aux traitements. 2006. Paris.
Ed. Masson
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LA CECLA F. / Le malentendu. 2002.
Paris. Ed. Balland. Coll. Voix et regards
VIDON G. et al. / La
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Frison-Roche,
6.2. Articles
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AMBUHL H, GRAWE K. /
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kinésithérapie des neurones... Santé Mentale. N°
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126. Mars 2008. p 19-22
COCHET A., SAOUD M., GUYON M., SENN M., BOR J.,
BRUNELIN J., D'AMATO T. / Les Thérapies de
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3-4
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L'Information Psychiatrique. Vol 82, N° 4, Avril 2006, p 281-6
La Réhabilitation Psychosociale en France : Etat
des Lieux. Journée No1, Angers, (03/12/1998)
1999, vol. 75, no 4, p 347-412
6.3. Sites internet
http://www.la-schizophrenie.com
http://
www.club-association.ch/rehab
http://web.upmf-grenoble.fr/sciedu/fraby/tableau_psy_motivation.pdf
http://araps.free.fr/CONFERENCES/DOSSIERangers.pdf
http://www.passeportsante.net
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/mental/mental.pdf
6.4. Textes de loi
Circulaire DGAS/3B n°2005-418
Loi « pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté, des personnes
handicapées » du 11 février 2005
7. Annexes
* 1 D'AMATO T. , SAOUD
M. / La schizophrénie de l'adulte. Des causes aux
traitements. 2006. Paris. Ed. Masson. P 41
* 2 DANION
J.-M. / La schizophrénie, une maladie de la cognition.
Santé mentale n°88. mai 2004. Dossier Schizophrénie et
troubles cognitifs. p 22
* 3 Id. p 23
* 4
http://web.upmf-grenoble.fr/sciedu/fraby/tableau_psy_motivation.pdf
* 5 BANDURA A.
/ L'auto-efficacité Psychologie scientifique et développement
personnel. Paris. 2002. Ed. De Boeck-Wesmael
* 6 AMBUHL H, GRAWE
K. /
The
effects of psychotherapy as a result of the relation of therapeutic
availability and acceptance by the client. 1988. Z Klin Psychology
Psychopathology Psychotherapy. 36(4) ; p308-27.
* 7 ACKERMAN SJ,
HILSENROTH MJ. /
A
review of therapist characteristics and techniques positively impacting the
therapeutic alliance. 2003 Fevrier.Clin Psychol Rev.;23(1).
Synthèse d'études. p 1-33
* 8 GIRAUD-BARO
E. / Réhabilitation psycho-sociale en France. Annales
Médico-psychologiques, revue psychiatrique, Volume 165, Issue 3, April
2007, p 191-194
* 9 GIRAUD-BARO
E. / Réhabilitation psycho-sociale en France. Annales
Médico-psychologiques, revue psychiatrique, Volume 165, Issue 3, April
2007, p 191-194
* 10 ANTHONY W.A.,
LIBERMAN R.P. / The practice of psychiatric rehabilitation :
historical, conceptual, and research base. Schizophr Bull. 1986 ;
12 : 542-59
* 11 CNAAN R.A. et
al./ Psychosocial Rehabilitation: Toward a Definition.
Psychosocial Rehabilitation Journal. 1988. 11: 4, p.61-77.
* 12 Giraud-Baro E., Vidon G.,
Leguay D. / Le mouvement de réhabilitation psychosociale
aujourd'hui / l'Information Psychiatrique. Vol 82, N° 4, 281-6, Avril
2006
* 13 Annexe
* 14 COCHET A. /
Impact de la remédiation cognitive dans la
schizophrénie sur les stratégies de résolution de
problèmes et l'autonomie sociale : utilisation du logiciel
REHACOM / 2005
* 15 PANSS (positive and
negative symptoms scale). S.R. Kay ; L.A. Opler ; A. Fiszbein
* 16 SUMD (Echelle
d'évaluation de la conscience des troubles) .X.F. Amador et al
* 17 SARS (échelle
d'effets secondaires extra-pyramidaux). Simpson ; Angus
* 18 Echelle d'autonomie
sociale. D. Legauy ; A. Cochet ; G. Matignon ; O. Fortassin
* 19 Détails en
annexe
* 20 Entretiens reproduits en
annexe
* 21 BANDURA
A. / L'auto-efficacité Psychologie scientifique et
développement personnel. Paris. 2002. Ed. De Boeck-Wesmael
* 22 BENATTAR B. /
Actualités des clubs thérapeutiques et groupes d'entraide
mutuelle. / Vie sociale et traitements n° 95 2007/3. p.64 à 73