CONCLUSION GÉNÉRALE
Conçue comme un bilan des recherches
présentées dans ce travail, cette conclusion en reprendra les
points essentiels. Elle se propose également d'envisager les
perspectives et les développements de notre recherche après le
DEA. A cet effet, il était question de l'étude des
procédés de modalisation dans Michel Strogoff. Nous
sommes partie du constat selon lequel la définition de la modalisation
pose problème au regard de la plupart des études menées
sur celle-ci. La modalisation est souvent confondue à la
modalité, et elle est même généralement
considérée comme présente dans tout énoncé.
Nous avons ainsi posé comme hypothèse de départ que la
modalisation est un phénomène occasionnel
caractérisé par un dédoublement énonciatif dans
lequel l'une des énonciations se présente comme un commentaire
porté sur l'autre, les deux énonciations étant à la
charge d'un même locuteur. De ce fait, nous nous sommes posé
plusieurs questions: que recouvre exactement la notion de modalisation? Comment
se manifeste t-elle dans notre corpus? N'est-elle pas une stratégie de
mise en valeur et d'argumentation employée par Jules Verne? Pour essayer
de répondre à toutes ces interrogations, nous avons fait appel
à la stylistique de l'expression de Bally (1951). En effet, cette
dernière analyse les procédés, les caractères
affectifs des faits d'expression, les moyens mis en oeuvre par la langue pour
les produire. En clair, la stylistique de l'expression prend en compte non
seulement l'expression linguistique des sentiments, mais aussi la
réception du message. Ce concept opératoire nous a permis
d'établir un plan en trois parties comportant chacune deux chapitres.
Pour mener à bien notre étude, il nous a fallu
nous situer parmi les différentes approches possibles de la
modalisation. L'inventaire, non exhaustif, de diverses conceptions et leur
commentaire, a permis de déterminer l'approche qui a été
la nôtre tout au long de ce travail. Nous avons ainsi constaté que
Le Querler (1996) par exemple, pose l'existence d'une modalité
objective; ce qui paraît inacceptable lorsqu'on sait que le simple fait
de nommer passe par les filtres de l'interprétation, de la
catégorisation. Nous avons reproché également à
Galatanu (2002) de considérer la modalité déontique comme
une valeur ontologique dans la mesure où cette notion renvoie surtout
aux notions d'obligation et de permis et non de l'être. Culioli (1984),
pour sa part, estime que tout énoncé comporte un
procédé de modalisation, alors que la modalisation est un
phénomène occasionnel. Cela étant, nous avons opté
pour la classification des procédés de modalisation de
Gardes-Tamine et Pelliza (1998) puisqu'elle nous a semblé mieux
structurée et plus cohérente.
Cette mise au point a été nécessaire non
seulement pour l'élaboration d'un échantillon d'occurrences
à étudier, mais aussi pour l'analyse qui a été
menée par la suite. Un accent a été mis sur les points
suivants: l'explication des concepts employés dans les travaux de
modalisation, la détermination de la fonction exacte des
modalités d'énonciation, l'analyse des jugements de fait et de
valeur dans notre corpus, l'intentionnalité à l'origine de
l'emploi des procédés de modalisation dans Michel
Strogoff. A cet égard, nous souhaitons insister sur certains
points. Les procédés de modalisation dans Michel
Strogoff, notamment certains marqueurs aléthiques, donnent la
possibilité aux supports modaux de nuancer leurs propos pour ne pas
donner un caractère péremptoire à leurs discours. Nous
avons vu de ce fait avec Fromilhague et Sancier (1991) que ces marqueurs
dénotent implicitement une volonté des supports modaux d'imposer
leur point de vue. Ainsi, il n'est pas rare de voir dans Michel Strogoff des
supports modaux employer des marqueurs tels sans doute,
peut-être dans leurs affirmations. Par contre, il existe des
modalisateurs épistémiques tels que évidemment,
en vérité qui n'augmentent pas nécessairement le
degré de certitude des faits exprimés. Tout au contraire, ces
modalisateurs inscrivent ces faits dans un ordre de probabilité plus
faible. On voit ainsi que les modalisateurs dans notre corpus ont une grande
valeur pragmatique.
Pour ce qui est de notre hypothèse de départ,
au regard des recherches effectuées, nous remarquons qu'elle se
vérifie presque dans tous les cas. Ainsi, on observe un
dédoublement énonciatif aussi bien dans les modalités
d'énoncé, la modalisation axiologique que dans la modalisation
autonymique. Toutefois, il est important de mentionner que c'est surtout avec
la modalisation autonymique que le dédoublement énonciatif est
nettement perçu.
Notre travail nous a, par ailleurs, permis de constater que
le commentaire modalisateur contribue à donner du locuteur l'image d'un
sujet qui n'est pas dominé par l'exercice du langage, dans la mesure
où il l'accompagne de commentaire. Il ressort également de cette
étude que les procédés de modalisation illustrent les
problèmes que rencontrent les locuteurs aux prises avec la langue
essayant de maîtriser un outil dont ils sentent confusément
l'inadéquation par rapport à ce qu'ils pensent devoir
communiquer. On l'a vu notamment avec les figures de l'inadéquation de
la nomination dans le cadre de la modalisation autonymique où le
locuteur recourt à des expressions telles que on pourrait dire
quand il n'est pas sûr de ce qu'il avance. Par ailleurs, nous voulons
également insister sur le fait que les procédés de
modalisation permettent à Jules Verne de véhiculer son
idéologie. Il y a chez cet auteur comme un idéal d'un monde
empreint de valeurs morales. Il met en scène dans son oeuvre un
héros du devoir, Michel Strogoff qui est altruiste et respectueux des
valeurs morales. Verne crée un cadre enchanteur à travers son
oeuvre où le mal et la méchanceté semblent ne pas avoir de
place. Michel Strogoff apparaît ainsi comme un message de paix
et d'amour de Jules Verne à l'égard de ses lecteurs.
Il apparaît indéniable au terme de notre
étude que les procédés de modalisation
étudiés se conjuguent dans notre support d'étude pour
mieux véhiculer les systèmes de croyance de Jules Verne. En
outre, ce travail sur les procédés de modalisation permet de
mieux appréhender les relations entre un locuteur et son discours ainsi
que les intentions liées à la profération d'un
énoncé.
Sur un tout autre plan, une étude
ultérieure pourrait s'appesantir davantage sur les effets pragmatiques
de la modalisation dans quelques oeuvres de Jules Verne. Etant donné que
dans le travail actuel, nous avons surtout mis un accent sur les
problèmes définitionnels que connaît la modalisation.
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