I) Introduction
De tout temps, l'Afrique subsaharienne a connu de difficiles
moments de sécheresses ayant comme conséquences des
pénuries de denrées alimentaires. Et les systèmes de
production traditionnels ne permettaient plus de penser à une
sécurité alimentaire. La notion de sécurité
alimentaire renvoie à la capacité d'assurer que le système
alimentaire fournit à toute la population un approvisionnement
alimentaire nutritionnellement adéquat sur le long terme. Cette partie
du continent connaît également une forte pression
démographique et une baisse continue de la pluviométrie.
Cependant, comme l'avaient bien écrit Heq. J et
Dugauqier F. (1990), l'Afrique sahélienne a la chance d'être
traversée par les grands fleuves que sont le Sénégal, le
Niger, les Voltas, le Chari, etc. et afin de valoriser ces ressources en eaux
beaucoup d'Etats sahéliens, dans leurs stratégies, notamment pour
atteindre l'objectif d'autosuffisance alimentaire, ont considéré
comme panacée la réalisation de grands périmètres
irrigués (Groupe de travail, Coopération Française, 1989).
Ces derniers étaient placés sous la tutelle de
Sociétés de Développement rural tels que l'Office du Niger
au Mali, la SOMALAC à Madagascar, la SEMRY au Cameroun, la SAED au
Sénégal, etc.
Au Sénégal, c'est précisément le
Delta qui a été le site privilégié des ambitions
d'aménagement (Sarr. B 1995). L'option pour la riziculture
irriguée répondait à l'origine à un objectif
national qu'à une volonté de développement
régional, dira Jamin P.Y (1987) cité par Fall. M (1999). En effet
il s'agissait dans des grands aménagements de produire du riz pour
résorber le déficit céréalier.
Dans le Delta qui constitue notre zone d'étude, on y
trouve environ la moitié des superficies aménagées dans la
vallée sous diverses formes : grands périmètres
irrigués, périmètres intermédiaires et
périmètres irrigués villageois (Le Gal. P-Y et Dia. I
1991).
Dans ce secteur, se posent pas mal de problèmes
relatifs à l'aménagement. En effet, la gestion de beaucoup de
périmètres est maintenant du ressort d'organisations de
producteurs regroupés sous forme d'unions hydrauliques. Ces derniers
n'étant pas bien préparés dans cet exercice, il est
évident qu'ils seront confrontés à certaines
difficultés. C'est dans cette logique que nous avons choisi de
travailler sur la pratique de la maintenance des aménagements hydro
agricoles avec comme cas d'étude le périmètre de Boundoum
dont la gestion est aujourd'hui assurée par les paysans eux-mêmes.
A. Problématique
La région du Delta s'étend sur 500 km2, de
Saint-Louis à Dagana (Dia. I., LE Gal. P.Y, 1991). Cette partie du
pays, depuis l'indépendance, a retenu l'attention des autorités
sénégalaises pour être le lieu d'application des politiques
d'aménagements hydro agricoles. La création, en 1965, de la SAED
matérialise cette ferme volonté de la part des pouvoirs publics
d'assurer un développement économique et social en
général et hydro agricole, en particulier dans le Delta.
L'étude des aménagements présents dans le
delta du fleuve Sénégal révèle différents
types. On y rencontre les grands aménagements transférés,
les grands aménagements non transférés, les petits
périmètres transférés et les aménagements
intermédiaires transférés qui sont l'oeuvre de la
SAED ; les périmètres irrigués villageois (PIV), les
périmètres irrigués privés (PIP) et l'agro
industrie (CSS, SOCAS) qui sont hors SAED.
Les grands aménagements (GA) y présentent une
importance sans égal car plus de 85% des GA recensés dans la rive
gauche se trouvent dans le Delta. En terme d'investissement, ils sont
relativement onéreux et le prix à l'hectare se situe entre 5 et
6,5 millions de Fcfa (Wade.M et al. 1996).
Le mode de fonctionnement, de gestion et la maintenance des
aménagements hydro agricoles varient suivant l'évolution des
politiques étatiques en matière d'aménagement. En fait,
selon l'attitude des pouvoirs publics, deux grandes périodes marquent
l'aménagement du delta du fleuve Sénégal.
Pour la période allant des indépendances (1960)
jusqu'aux années 1980, c'est l'Etat qui assurait, par le biais de l'OAD
puis de la SAED, toutes les charges relatives au fonctionnement, à la
gestion et aux travaux d'entretien. Sa présence dans l'activité
agricole se sentait d'amont en aval puisqu'il intervenait dans l'étude
des aménagements jusqu'à l'exploitation éventuelle en
régie (Maïga.M, 1995).
Vers la fin des années 1980, la gestion étatique
qui prédominait, se heurta à des problèmes de coûts
et de charges : faible performance du système irrigué due en
grande partie à des insuffisances d'entretien.
La seconde période est caractérisée par
le désengagement de l'Etat de la gestion des aménagements
réalisés ou réhabilités sur fonds publics :
c'est l'ère du transfert des aménagements hydro agricoles et des
responsabilités aux organisations de producteurs.
Le transfert de responsabilités aux producteurs
signifie aussi un transfert de charges aux producteurs (Lavigne Delville. Ph,
1991). Mais ce transfert a occasionné l'établissement de contrats
de concession et des NEG (Note d'entretien et de Gestion) entre la SAED et les
OP. Ce sont des mesures consistant à définir les
modalités de fonctionnement des réseaux et des
équipements, la nature, l'intérêt et les coûts des
travaux d'entretien à réaliser pour assurer la durabilité
des performances des aménagements.
Ainsi, l'entretien des périmètres, des stations
de pompage, des réseaux, des mailles hydrauliques et des parcelles
relève désormais de la compétence des usagers et de leurs
organisations. Concernant les aménagements structurants ou collectifs,
c'est l'Etat qui assure aussi bien leur réalisation que leur entretien.
Un aménagement structurant est un type d'aménagement hydro
agricole dont la vocation est de desservir d'autres aménagements, soit
dans un objectif unique d'adduction d'eau (exemple : l'axe Gorom-Lampsar)
soit de drainage (exemple : l'Emissaire du Delta) soit de circulation ou
de protection contre les crues (exemple : la digue de ceinture du
Delta).
Prés d'une décennie après la concession,
on s'est rendu compte que les paysans n'étaient pas en mesure d'assurer
pleinement la relève de la SAED. Les résultats que l'on
espérait obtenir étaient décevants suite à des
difficultés telles que l'insuffisance de la maintenance. Alors des
mesures d'accompagnement ne sont-elles pas à mettre en oeuvre si l'on
veut réussir totalement ce souhait de responsabiliser les paysans?
Mieux, ne doit-on pas appuyer davantage les unions concessionnaires dans
l'exercice de certaines tâches comme la maintenance afin de lever toute
inquiétude pour ce qui est de la pérennité des
infrastructures hydro agricoles?
C'est ce que l'Etat du Sénégal, secondé
par ses partenaires au développement (Banque Mondiale, KFW, AFD, etc.),
a très vite compris en prenant à bras le corps la
maintenance. Cette ferme volonté se traduira par : d'abord, la
Division Autonome de Maintenance (DAM) voit le jour en janvier 1998 et
deviendra une Direction en Mars 2002 ; ensuite, une étude relative
à la mise en place des fonds de maintenance a été
lancée pour mener à bien cette nouvelle politique de maintenance.
Les fonds créés sont les suivants : les FOMAED (Fonds de
Maintenance des Adducteurs et Emissaires de Drainage), les FOMUR (Fonds Mutuel
de Renouvellement des stations de pompage), les FOMPI (Fonds de Maintenance des
Périmètres Irrigué) et les FOMIIG (Fonds de Maintenance
des Infrastructures d'Intérêt Général).
A la suite de Moulaye.A et Almadjir.R (1996) nous pouvons
définir la maintenance « comme l'entretien de tous les
constituants complexes d'un aménagement mais aussi et surtout l'ensemble
des actions qui visent la pérennité du
fonctionnement ». Un aménagement est constitué
d'une partie équipements électromécaniques (par
exemple : station de pompage, d'exhaure) et d'une autre partie
aménagement proprement dit (par exemple : les modules à
masque, vannes, prises à parcelle, etc.). La mobilisation de ressources
financières à un niveau suffisant pour la réalisation des
travaux d'entretien et de renouvellement est à inclure dans cette
définition de la maintenance car étant une condition
indispensable pour le bon fonctionnement permanent des installations (Ponsy.P,
1998).
Nous avons choisi de travailler sur les grands
périmètres plus précisément sur le
périmètre de Boundoum pour plusieurs raisons :
- D'abord, l'aménagement de Boundoum fait partie des
réalisations les plus anciennes (1964). Donc le périmètre
est assez vieux (plus de trente ans) ;
- Ensuite, le casier a fait l'objet de plusieurs travaux de
réhabilitations ; ce qui fait qu'il constitue un cas exemplaire des
difficultés de gestion et de maintenance des grands aménagements
dans le Delta ;
- Enfin, la gestion du périmètre n'est plus
assurée par la SAED : elle est confiée aux organisations
paysannes regroupées autour de l'Union des OP et qui sont
appelées à assurer la maintenance.
Notre travail d'étude et de recherche se fixe comme
objectifs de contribuer à une meilleure compréhension de
l'importance de la maintenance et de l'entretien des aménagements hydro
agricoles mais surtout des exigences ainsi que des aspects financiers,
techniques et sociologiques rattachés à ce programme. Ce modeste
travail prétend être un complément par rapport aux
nombreuses études menées dans le Delta et se veut une
contribution en direction des chercheurs et décideurs qui y
interviendraient.
Pour mener à bien notre étude, nous avons
posé les hypothèses suivantes :
- Les potentialités naturelles ont joué un
rôle considérable dans l'artificialisation du delta du fleuve
Sénégal ;
- l'organisation actuelle de la gestion et de la maintenance
dans le périmètre de Boundoum, laissée à l'Union
des OP seulement ne permet pas d'espérer une durabilité de
l'aménagement ;
- La nouvelle politique de maintenance va servir de cadre de
dialogue entre l'Etat, les collectivités locales et les usagers.
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