« L'Université Cheikh Anta Diop (UCAD)
n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises
dans les mémoires et thèses. Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leurs auteurs ».
A ma mère,
A toute la famille Bayor,
A Yayah Zakariya et à son épouse,
A la famille Gakou et en la personne de Sadio
Diokhané
Et à tous mes condisciples,
Je dédie ce mémoire.
REMERCIEMENTS
Je remercie tous ceux qui, à titre individuel ou
dans le cadre de leurs organismes, ont apporté leur précieuse
contribution au rassemblement de la documentation et à la
rédaction de ce mémoire.
Mes remerciements vont particulièrement
à :
· M. NGOM Ngor, Directeur du présent
mémoire, qui m'a efficacement encadré dans mes recherches et a
activement participé au perfectionnement du style
rédactionnel.
· Mon Papa, artisan de ma réussite, qui m'a
vivement encouragé à entreprendre les études de Droit.
Envers lui, ma reconnaissance est d'autant plus grande qu'il a mis à ma
disposition les moyens techniques nécessaires à
l'élaboration de ce document.
· Mme GAKOU Sadio Diokhané, qui m'a moralement
et financièrement soutenu dans mes études.
SOMMAIRE
Introduction
Première partie :
Les innovations constitutionnelles de 2001
Chapitre I :
L'adoption d'une nouvelle Constitution
Chapitre II :
L'étendue matérielle des innovations
Deuxième partie :
Une continuité constitutionnelle
Chapitre I :
Continuité du régime politique
Chapitre II :
Continuité du régime de la justice
Conclusion
Introduction
Annonce du sujet
L'histoire constitutionnelle du Sénégal est
sans conteste riche et complexe. Cette richesse se manifeste quantitativement
par l'importance en nombre de Constitutions et lois constitutionnelles
produites de 1959 à nos jours et, qualitativement, par les
différents régimes constitutionnels expérimentés
par ce pays très tôt préoccupé par l'exigence de
construction de l'Etat et de la démocratie. Les particularités
politiques, sociales et culturelles du contexte qui a dicté
l'expérimentation successive de régimes politiques
différents rendent l'évolution constitutionnelle également
complexe 1(*).
Le cadre temporel compris entre 1959 et 2001 est
marqué par l'adoption de plusieurs Constitutions qui ont,
elles-mêmes, fait l'objet de multiples modifications. La première
Constitution de la République du Sénégal, qui est
restée en vigueur jusqu'à l'accession à
l'indépendance en 1960, a été adoptée le 24 janvier
1959. La deuxième Constitution, quant à elle, fut mise en place
par la loi n°60-045 du 26 août 1960 portant révision de la
Constitution de la République du Sénégal ; elle
n'aura régi le fonctionnement des institutions et subordonné
toutes les autres normes de l'Etat à sa suprématie que jusqu'en
décembre 1962. Après une transition politique de quelques mois,
une nouvelle ère constitutionnelle, qui prend fin en janvier 2001 avec
l'entrée en vigueur de l'actuelle Constitution, fut inaugurée par
la loi n°63-22 du 7 mars 1963 portant révision de la Constitution
de la République.
L'alternance politique survenue au Sénégal le 19
mars 2000 a, en effet, très certainement constitué un grand
événement démocratique . Ce changement de
personnel dirigeant a été perçu comme une
opportunité historique de mise en place d'un nouveau régime
politique plus parlementariste que présidentialiste, d'une nouvelle
République et, au-delà, d'un nouvel ordre politique et social. Il
s'agit plus précisément de mettre fin au régime
constitutionnel institué depuis 1963 par le Président SENGHOR, et
consolidé pendant près de deux décennies par Abdou DIOUF.
Cette volonté des nouveaux dirigeants, ou plutôt la promesse
qu'ils ont faite au peuple de rompre avec l'ancien régime pour asseoir
un nouvel ordre politique et social a été à l'origine de
la révision constitutionnelle, objet de notre réflexion, qui a
consacré la nouvelle Constitution sénégalaise,
adoptée par le référendum du 7 janvier 2001 et
entrée en vigueur quinze jours plus tard.
Mais, aussi claire que puisse paraître la formulation
d'ensemble d'un tel sujet, la nécessité d'une rigueur
dédoublée de cohérence, en vue de rendre à notre
analyse toute sa validité, nous impose un effort de définition
des différents termes du sujet.
Définition des termes du sujet
La révision de la Constitution du 22 janvier 2001 n'est
qu'une étape, sans doute très importante, dans l'évolution
du constitutionnalisme sénégalais. Aussi, le souci de bien
rendre compte de cette phase de l'histoire constitutionnelle du
Sénégal est révélateur de la
nécessité de maîtriser, au préalable, les termes
« Constitution » et
« révision ».
Le terme « Constitution » est la
dénomination courante et classique de ce que d'aucuns désignent
par « loi fondamentale », avec la particularité,
cependant, pour cette dernière expression synonyme d'être
davantage utilisée par les Etats socialistes comme la Pologne et par les
Etats à orientation socialiste comme le Bénin. Dans ces pays, les
textes portent loi fondamentale. L'accent est mis davantage sur la fonction
idéologique et sociale de la Constitution. Celle-ci peut être
soit descriptive, soit normative. Descriptive, elle se borne à traduire
les rapports de force « spontanément établis entre les
divers éléments de l'Etat » . Normative, la
Constitution est porteuse d'un idéal, d'un programme politico-social qui
sous-tend, structure et informe l'Etat. C'est dans cette optique que le terme
loi fondamentale est préféré à celui de
Constitution. En fait, toute Constitution est descriptive et
normative ; elle se fonde sur une idéologie (démocratie
libérale, démocratie populaire) et formule un projet de
société, plus ou moins explicite. La Constitution est dite loi
fondamentale parce qu'elle est l'acte qui crée, fonde et structure
l'Etat. Elle est la structure organisatrice fondamentale de l'institution
étatique. Tout Etat est fondé sur une Constitution qui est sa loi
fondamentale, son statut organique. Telle est la conception
héritée des grands penseurs et législateurs comme Minos,
Lycurgue, Solon, Platon (Les lois) et Aristote (La Constitution
d'Athènes). Cette acception a été valorisée et
synthétisée par les juristes qui n'entendent la Constitution que
dans deux sens : matériel et formel 2(*).
Au sens matériel, la Constitution est l'ensemble des
règles établies selon une procédure particulière,
spéciale, définissant les principes et les conditions d'exercice
du pouvoir et fixant les modalités de modification ou de révision
de ces règles. La Constitution est la loi suprême ; elle est
au-dessus de toutes les lois. Elle est le référent-type par
excellence.
Dans le constitutionnalisme moderne, la Constitution s'entend
dans les deux sens, matériel et formel ; il est vrai que la
quasi-totalité des Etats contemporains, dont le Sénégal,
possèdent une Constitution écrite . Formel ou
organique, le deuxième sens envisage la Constitution comme un acte
juridique contenant des règles édictées et
révisables par un organe spécifique et selon une procédure
particulière. La définition formelle comporte des
conséquences juridiques véritables et présente, au regard
de notre étude, un intérêt certain.
Quant au concept de « révision »,
il apparaît comme le substantif de
« réviser », du latin
« revisere » qui, étymologiquement, renvoie
à l'idée de revoir ou de voir à nouveau dans le but de
modifier ou d'opérer d'éventuels changements.
Réviser une Constitution, c'est donc procéder
à des modifications, au moyen de suppression ou d'ajout, de certaines de
ses dispositions. Ce peut aussi consister en un changement de la Constitution
dans sa globalité, ce qui a pour conséquence juridique l'adoption
d'une nouvelle Constitution qui doit, au préalable, abroger sa
devancière. C'est ce dernier sens que revêt l'opération
constitutionnelle qui a donné naissance à la Constitution de
2001.
Délimitation du sujet
Il ne sera donc pas question, dans le cadre de cette
étude, de rechercher et d'analyser isolément les disposions qui,
autrefois contenues dans la Constitution de1963, auraient été
modifiées puis réécrites dans la nouvelle
Constitution ; car il y aurait, le cas échéant, subsistance
de la Constitution qui fait l'objet de révision. Il ne s'agira pas non
plus d'étudier les différentes révisions qui sont
intervenues après l'adoption et l'entrée en vigueur de la
nouvelle Constitution, même si l'on peut éventuellement s'y
référer à titre illustratif.
L'étude du sujet portant sur la révision
constitutionnelle de 2001 impose, pour des raisons heuristiques, que la
Constitution issue d'une telle révision soit analysée dans sa
globalité, par rapport au contexte qui a déterminé son
élaboration et son adoption.
L'intérêt du sujet
Une telle étude, qui n'élude pas le contexte
d'émergence de la Constitution de 2001, a l'avantage de permettre une
meilleure compréhension des innovations, des changements ou des
réformes politiques et surtout juridiques, constitutionnelles ; de
fournir des bases juridiques ou constitutionnelles permettant de juger du
degré de démocratisation de l'Etat. Enfin, l'intérêt
historique, que revêt la révision constitutionnelle de 2001,
réside dans le fait que le produit de cette révision fixe des
bases qui permettent de se repérer dans l'histoire constitutionnelle du
Sénégal. Ainsi, la portée d'une révision
constitutionnelle (simple modification des dispositions ou changement de
Constitution) peut-elle déterminer un changement de
République.
Au Sénégal, nul doute que la révision de
2001 instaure un changement de Constitution ; car, la promesse des
autorités de rompre avec l'ancien régime pour instaurer un nouvel
ordre politique, social et constitutionnel s'est concrétisée par
un projet de Constitution qui fut adopté par voie
référendaire.
Problème juridique
Dès lors que le texte constitutionnel du 22 janvier
2001 apparaît, de par les procédures utilisées pour son
adoption, comme une nouvelle Constitution, la question de droit qu'il sied de
se poser est la suivante : la nouvelle Constitution
sénégalaise en vigueur depuis le 22 janvier 2001 s'inscrit-elle
dans une mouvance de rupture avec sa devancière ?
Justification et annonce du plan
Au regard des autorités qui ont initié la
révision constitutionnelle, la réponse est claire : cette
révision inaugure une nouvelle ère constitutionnelle ;
mieux, ont-elles pu proclamer, elle a permis l'instauration d'un nouveau
régime, le « régime parlementaire ».
Mais, si l'idée d'une nouvelle Constitution ne
soulève juridiquement aucun problème majeur -- parce que
consacrée par les règles de procédure qui sous-tendent la
révision et confirmée par quelques importantes innovations
réalisées par la Constitution de 2001-- l'argument d'un
régime parlementaire, quant à lui, souffre de preuve. Car, une
lecture comparée de la nouvelle Constitution et de celle qu'elle abroge
offre d'importantes similitudes, sinon une quasi-identité, au niveau des
grands principes qu'elles dégagent toutes les deux.
Or, la promesse d'instaurer un régime parlementariste,
important élément pouvant justifier un changement
constitutionnel, n'a débouché, dans le cadre de la nouvelle
Constitution, que sur la reconduction de la primauté
présidentielle.
Ainsi, la révision de 2001 aura, certes, permis de
réaliser d'importantes innovations constitutionnelles (Partie I) ;
mais ces innovations restent largement insuffisantes pour justifier la rupture
visée par ladite révision, d'où la thèse d'une
continuité constitutionnelle (Partie II).
1ere partie : les innovations constitutionnelles
de 2001
Le changement politique intervenu au Sénégal le
19 mars 2000 n'a très certainement pas démérité le
qualificatif de grand événement démocratique. Le parti
socialiste (PS), parti qui a sans conteste gouverné les
sénégalais pendant les quarante premières années
de leur indépendance, a fini par être déraciné,
laissant ainsi la place à une toute nouvelle équipe dirigeante.
Ce changement de personnel dirigeant apparut alors comme une opportunité
historique tant attendue de procéder à des réformes
politiques en mettant en place un nouveau régime politique, une nouvelle
République, et même un nouvel ordre politique, social et
éthique. C'est en somme une mise à mort du régime
constitutionnel en vigueur depuis 1963 qui fut envisagée ; car,
avait-on pensé, le changement de personnel politique doit
impérativement, du moins dans le contexte particulier qui a
déterminé ce changement, entraîner un changement de
régime du fait que les dysfonctionnements institutionnels, les tares
politiques, et les contre-performances enregistrées dans le secteur de
l'économie ne pouvaient être que des résultantes de
l'ancien mode de gouvernement. Ce sont en effet ces crises - perceptibles dans
presque tous les secteurs de la vie politique et économique, et
jugées imputables à la nature du régime politique - qui
ont conduit les sénégalais à se débarrasser en
2000, par la voie des urnes, du régime socialiste et confier, par la
même occasion, leur destinée commune à la formation
libérale. Ce besoin, tacitement formulé par le peuple, de
procéder à un changement de régime fut par ailleurs
transformé en une obligation morale et politique du fait de multiples
promesses électorales - dont celle de réinstaurer le
régime parlementaire -- faites par la coalition soutenant le nouvel
élu au peuple sénégalais.
C'est donc dans le souci de se conformer à son
programme et de tenir ses promesses électorales que le Président
WADE, une fois élu, s'est engagé à travers son projet de
Constitution, au demeurant adopté par référendum (Chapitre
I), à réaliser d'importantes innovations constitutionnelles
(Chapitre II).
Chapitre I
L'adoption d'une nouvelle Constitution
Une lecture comparative de la Constitution de 2001 et de
celle de 1963 permet de constater la rupture manifestement formelle : la
Constitution du 22 janvier 2001 constitue très certainement un nouvel
ordre constitutionnel qui abroge tacitement sa devancière. De
nombreuses raisons peuvent bien expliquer ce changement de Constitution. Ainsi,
l'ambition des autorités de prouver qu'elles sont capables de respecter
leur promesse relative aux réformes institutionnelles et la
particularité de la procédure à laquelle lesdites
autorités ont dû recourir pour faire adopter le nouveau texte
constitutionnel sont, respectivement, une explication politique (Section I) et
un fondement juridique de ce changement constitutionnel (Section II).
Section I
Une exigence politique
Au lendemain de son élection à la
présidence de la République, le leader de la coalition SOPI, Son
Excellence Maître Abdoulaye Wade a initié un projet de
Constitution qui fut adopté par référendum le 22 janvier
2001. La préférence pour ce nouveau texte constitutionnel au
détriment de la procédure normale de révision
constitutionnelle matérialise, d'une part, la volonté du nouveau
personnel dirigeant de tenir ses engagements électoraux (Paragraphe I)
et témoigne, d'autre part, de la nécessité d'éviter
l'opposition des parlementaires majoritairement issus de la formation du
régime sortant (Paragraphe II).
Paragraphe I
Une concrétisation de la promesse
électorale
Suite à l'alternance politique qu'a
connue le Sénégal en mars 2000, très grand fut l'accueil
réservé par le peuple à la volonté et aux
engagements qu'ont fortement exprimés les nouvelles autorités de
doter le Sénégal d'une nouvelle Constitution ; un nouveau
texte constitutionnel qui consacre un nouveau régime politique, de
préférence un régime parlementaire. Le challenge
était alors de mettre en pratique les propositions de réformes
institutionnelles vaguement déclarées depuis des années et
réitérées par la voie de multiples promesses
électorales faites par la nouvelle équipe dirigeante au peuple.
En un mot, il était question, pour les forces politiques triomphantes en
général et pour le nouveau Président de la
République en particulier de respecter une promesse électorale et
d'administrer, à l'intention du peuple, la preuve de leur bonne foi. Une
entreprise politique qui est censée avoir pour intérêt de
permettre aux nouveaux dirigeants de mobiliser les populations pour l'oeuvre de
construction et de redressements nationaux sur la base d'un nouveau
« contrat social3(*) » qui devait alors être
matérialisé par une nouvelle Constitution. Cette dernière
est alors censée opérer une tabula rasa et poser les
jalons d'un nouveau style de gouvernement différent de celui qui avait
fini par décevoir les sénégalais. C'est l'ère de
la rhétorique du changement constitutionnel, condition, proclame - t -
on volontiers, du changement politique.
Mais, parallèlement à la confusion qui planait
sur le contenu véritable du « régime
parlementaire » souhaité, naquit puis se développa peu
à peu l'idée selon laquelle il est nécessaire de doter le
Président d'une Constitution et d'une majorité parlementaire lui
permettant de travailler pour le pays. Ainsi, l'idée d'une Constitution
au sens du nouveau contrat social fut progressivement substituée par
celle d'une Constitution-instrument de gouvernement pour le
Président.
Quoi qu'il en soit, il y eut une volonté politique
manifeste d'avoir une nouvelle Constitution qui porte la marque et les
préférences présidentielles. L'ambition de
réalisation d'une rupture s'est formellement concrétisée.
La Constitution de 2001 est une nouvelle Constitution sans lien juridique avec
sa devancière, même si elle a omis expressément de
l'abroger. Car, la Loi n°2001-03 du 22 janvier portant Constitution
exprime clairement la volonté d'avoir une nouvelle Constitution en
rupture avec la précédente, qu'elle abroge et remplace d'une
manière tacite. D'ailleurs, c'est la première fois depuis 1959
qu'est expressément proclamé l'avènement d'une nouvelle
Constitution au sens formel. En effet, les libellés des lois
constitutionnelles de 1960 et de1963 ne faisaient état que de simple
révision constitutionnelle. En 1960 et 1963, il a été
procédé à des révisions constitutionnelles qui ont
fini par déboucher sur de nouvelles Constitutions.
En 2001, le défi a été de fonder un
nouvel ordre juridico-politique rompant avec l'ordre ancien et
matérialisant l'une des plus grandes promesses faites par les nouveaux
dirigeants au peuple sénégalais. Mais l'abandon du
procédé de révision constitutionnelle au profit d'un
changement de Constitution est tout aussi un moyen pour la nouvelle
équipe gouvernementale d'éviter d'avoir à essuyer une
opposition des Parlementaires alors à majorité socialistes.
Paragraphe II
Une solution à l'obstacle parlementaire
La volonté des nouveaux dirigeants de passer d'un
régime politique jugé responsable de tous les maux de la
société sénégalaise à un nouvel ordre
politique n'est sans doute plus à démontrer ; et, une telle
volonté ne pouvait se concrétiser que suivant des les voies
juridiques préalablement tracées pour assurer une certaine
légalité de l'action politique. Le nouveau personnel dirigeant
d'une manière générale, le Président de la
République plus particulièrement disposait ainsi de deux voies
pour réaliser ce qui fut considéré comme la principale
promesse électorale formulée en2000 ou, si on veut, la plus
grande exigence du peuple pendant ladite période. L'une d'elles
consistait à opérer une révision, mineure ou majeure, de
la Constitution de 1963, elle-même ayant déjà fait l'objet
de multiples révisions ; l'autre, jugée plus radicale,
prônait un changement total qui devait se matérialiser par
l'adoption d'un tout nouveau texte, d'une nouvelle Constitution.
Dans le contexte politique où baignait le
Sénégal au lendemain de l'alternance, la
déconsidération dont a fait l'objet l'alternative
révisionniste ou la préférence à la seconde option
de changement constitutionnel se justifie, dans une large mesure, par une
nécessité pour la nouvelle formation politique au pouvoir de
trouver une solution rapide et imparable à l'inévitable rejet
qu'aurait reçu de la part des parlementaires toute réforme
constitutionnelle. En effet, face à la majorité parlementaire
composée d'adversaires politiques, le Président de la
République a pu valablement avoir des appréhensions sur la
disposition des socialistes à entériner une révision faite
par la voie parlementaire.
Dans cette situation politiquement complexe de cohabitation
entre une majorité présidentielle fraîchement mise en place
et une majorité parlementaire issue du parti sortant, les
inquiétudes ne pouvaient qu'être fondées ; car une
tentative de révision constitutionnelle qui voudrait s'opérer sur
la base de la procédure normale définie par l'article 89 n'aurait
pu aboutir à son terme qu'avec le consentement de la majorité
parlementaire. L'article 89 issu de la révision du 2 mars 1998
prévoyait substantiellement que l'initiative de la révision de la
Constitution appartient concurremment au Président de la
République, aux députés et aux sénateurs ; que
le projet ou la proposition de révision sont adoptés par les
assemblées selon la procédure prévue à l'article
60 ; que la révision est définitive après avoir
été approuvée par référendum ; que
toutefois, le projet ou la proposition ne sont pas présentés au
référendum lorsque le Président de la République
décide de les soumettre au Parlement convoqué en
Congrès.
La conduite d'une révision qui passe par cette voie
était aléatoire dès lors que ladite révision
menaçait les intérêts de ceux qui devaient soit l'approuver
ou l'adopter. L'adoption d'une nouvelle Constitution dans un contexte de
changement démocratique4(*) nécessite, en principe, l'accord des instances
de l'ordre constitutionnel, notamment celui du Parlement. Le Parlement peut
alors s'ériger en Assemblée constituante, comme ce fut le cas en
1959, pour procéder à l'adoption en bonne et due forme de la
nouvelle Constitution. Une autre possibilité offerte à elle est
d'adopter la loi portant révision de la Constitution, comme en 1960, ou
encore de voter les pleins pouvoirs au Président de la
République, tel en 1962, pour l'habiliter à déclencher un
processus constituant devant engendrer une nouvelle Constitution. En tout
état de cause, le Parlement reste toujours au centre d'un processus
constituant.
Face à cette adversité politique latente du
Parti Socialiste, le Président Wade choisit d'écarter la voie de
la révision de la Constitution et opta pour l'adoption d'une nouvelle
Constitution. A cet effet, il nomma une commission chargée de la
rédaction d'une nouvelle Constitution qui a travaillé sous son
étroite supervision. Les procédures d'adoption d'un tel texte
confirment, quoi qu'il en soit, que la Constitution de 2001 est bien un nouveau
texte constitutionnel, une nouvelle Constitution de la République du
Sénégal.
Section II
La procédure d'adoption
Le contournement de la procédure
normale de révision constitutionnelle définie par l'article 89
précité a amené l'initiateur du nouveau texte
constitutionnel à recourir à une toute autre procédure
pour faire adopter la Constitution de 2001. Cette procédure, dite
référendaire, fut celle mise en branle sur la base de l'article
46 de la Constitution tacitement abrogée (Paragraphe I). Par ailleurs,
le recours à une telle procédure a été perçu
comme une pratique irrégulière dont il convient de
déterminer la portée (Paragraphe II).
Paragraphe I
Le recours à la procédure
référendaire de l'article 46
Une fois l'oeuvre de la commission
chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution
achevée, le Président eut recours à l'article 46 pour
faire adopter le projet de Constitution par le peuple, et donc sans passer par
l'Assemblée nationale. Il convient de ce fait de rappeler, avant toute
autre considération, le contenu d'un tel article. Aux termes de cet
article, « le Président de la République peut, sur la
proposition du Premier Ministre et après avoir consulté les
présidents des assemblées et recueilli l'avis du Conseil
Constitutionnel, soumettre tout projet de loi au
référendum5(*) ». Une lecture analytique d'une telle
disposition appelle un certain nombre d'observations.
D'abord, sur l'intervention du Premier Ministre dans cette
procédure, il convient de retenir que la réalisation de la
proposition qui pourrait émaner de lui ne soulève pas de
difficulté dans la mesure où il est nommé par le
Président avec qui il n'y a pas, en principe de risque de
mésentente.
Ensuite, la consultation du Président de
l'Assemblée nationale étant une simple consultation, de
même que l'avis du Conseil Constitutionnel qui ne lie pas le
Président de la République, aucun véritable obstacle ne se
dressait devant la volonté présidentielle.
La question de droit qu'il est cependant nécessaire de
poser à la lumière de ce dispositif est de savoir si le
Président de la République peut valablement considérer un
projet de Constitution comme tout « projet de loi » au sens
de l'article 46 et le soumettre au peuple pour adoption ? Cette question
est d'autant plus pertinente qu'au regard de la tradition
sénégalaise, le terme de Constitution est utilisé pour
poser l'acte fondateur d'un nouveau régime politique comme ce fut le cas
en 1959 et en 2001 ; le terme de loi constitutionnel visant, quant
à lui, une révision-fondation d'une nouvelle
Constitution ou une révision-modification de la Constitution
existante. Parallèlement, la loi organique vise les matières pour
lesquelles le constituant a expressément renvoyé au
législateur organique ; alors même que l'emploi du terme de
loi tout court sert, dans la tradition constitutionnelle
sénégalaise, à désigner une loi ordinaire.
La possibilité -- qu'est celle du Président de
soumettre directement au peuple une loi -- ouverte par l'article 46 semble donc
être une fenêtre juridique devant permettre au Président de
faire adopter ou faire rejeter directement par le peuple souverain un projet de
loi portant sur un aspect de sa politique ou de son programme présentant
un aspect particulier dans un contexte singulier mais ressortissant du domaine
de la loi ordinaire. Mieux, il s'agit là d'une technique de
démocratie directe aménagée pour consulter le peuple sur
une question de société, avec pour dessein de valoriser la
souveraineté populaire.
Il nous paraît donc aberrent, étant donné
que la tradition constitutionnelle ne l'a jamais fait, que la formule
« tout projet de loi » puisse recevoir une
interprétation englobant une loi portant Constitution. En outre, si la
disposition de l'article 46 pouvait permettre de mettre incontestablement
à mort la Constitution qui la contenait, cela impliquerait que celle-ci
renfermait en elle les germes de sa propre destruction. Ce qui, qui plus est,
serait un précédent dangereux consistant à permettre
à tout Président, qui le désirerait, de se doter d'une
Constitution qui serait de nature à lui donner les pleins pouvoirs dont
il aurait besoin pour gouverner avec toutes les latitudes. D'ailleurs, la
grande réforme constitutionnelle réalisée en 1963
à l'initiative de l'Exécutif n'a été juridiquement
irréprochable que parce qu'il y a eu une loi de pleins pouvoirs, loi du
18 décembre 1962, qui a donné autorisation, ou plutôt
« carte blanche », au Président Senghor pour
conduire ladite réforme. Dans la sphère française, c'est
une loi adoptée quatre ans plus tôt (loi du 3 juin 1958) qui
confia au Général de Gaulle le mandat de piloter une
réforme d'une envergure identique.
Toutes ces observations permettent de dire sans lieu de
contestation que « le processus constituant de 2001 a marqué
le passage d'un régime constitutionnel à un autre régime
constitutionnel » mais « sans la base juridique qui aurait
dû permettre de jeter un pont qui assure la jonction entre les deux
régime6(*) » même si l'avis de la juridiction
compétente en cette matière est plutôt favorable à
l'emploi qui a été fait de l'article 46.
Saisi en effet par le Président de la République
par lettre en date du 3 novembre 2000, conformément à l'article
46 de la Constitution, le Conseil a estimé que
« considérant que l'article 46 de la Constitution dispose
que le Président de la République peut, sur proposition du
Premier Ministre et après avoir consulté les présidents
des assemblées et recueilli l'avis du Conseil Constitutionnel, soumettre
tout projet de loi au référendum (...), que le Président
de la République tient de cette disposition constitutionnelle le droit
d'initiative au référendum sans distinction entre la
matière constitutionnelle et la matière législative
ordinaire » est d'avis « que le Président
de la République peut, sur proposition du Premier Ministre et
après avoir consulté les présidents de l'Assemblée
nationale et du Sénat, soumettre au référendum le projet
de Constitution »7(*).
Quoi qu'il en soit, un tel point de vue ne peut ni autoriser,
ni interdire, encore moins couvrir une irrégularité ; ceci,
en raison de la valeur que revêt, en droit, un avis.
L'irrégularité procédurale qui entacherait le recours au
référendum en matière constitutionnelle -- et
conformément à la tradition constitutionnelle, qui distingue
entre loi constitutionnelle et loi ordinaire -- devra conduire à en
analyser sa portée.
Paragraphe II
Portée juridique de cette procédure
La mise en branle de l'article 46, quoique
ayant reçu l'avis favorable du Conseil Constitutionnel, ne devrait
même pas sous-tendre une opération de révision
constitutionnelle mineure, encore moins pour l'adoption d'une nouvelle
Constitution, entendue au sens de loi fondamentale et suprême. En effet,
même utilisé comme voie de révision de la Constitution, le
recours à cette procédure demeure contestable du fait que la
procédure normale de révision de la Constitution était
expressément prévue au X et à l'article 89 de la
Constitution intitulée « De la révision ».
L'article litigieux avait pour pendant l'article 11 de la Constitution
française de 1958. Ce dernier prévoit que « le
Président de la République, sur proposition du Gouvernement
pendant les sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées,
peut soumettre à l'approbation du peuple tout projet de loi portant sur
l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à
la politique économique ou sociale de la nation et aux services, ou
tendant à autoriser la ratification des traités qui, sans
être contraires à la Constitution, aurait des incidences sur le
fonctionnement des institutions ». Un tel article a
été utilisé avec succès par le
Général de Gaulle pour réviser la Constitution
française en 1962. Ce n'est qu'à la deuxième tentative de
révision constitutionnelle sur la base d'une même disposition
--celle de l'article 11 -- qu'une telle pratique manifestement
irrégulière a rencontré un échec sans
précédent.
Cette déconvenue devant le suffrage universel a
été à l'origine de la démission du fondateur de la
Ve République de la Présidence. A ce propos, la
doctrine avait presque unanimement considéré que le recours
à l'article 11 pour réviser la Constitution n'est qu' une forme
de contournement de la procédure normale de révision de la
Constitution. Ce point de vue fut confirmé par le Conseil d'Etat
français, dans son arrêt Sarran du 30 octobre 1998.
Il est vrai que ni la doctrine, ni la jurisprudence
française ne peuvent primer sur la décision d'une juridiction
sénégalaise, en l'occurrence sur l'avis du Conseil
Constitutionnel sénégalais (voir infra). Mais la seule
situation de non-conformité du recours à l'article 46 avec la
tradition devrait largement suffire pour déclarer cette pratique
irrégulière et d'en tirer les conséquences qui s'en
suivent : le non respect des lois régissant le genre fait
subsister -- quant au fond -- la Constitution de 1963 ; la rupture ne
s'étant véritablement réalisée que du point de vue
de la forme.
Somme toute, pour répondre aux exigences du peuple,
s'offrir un cadre juridique meilleur propice à l'exécution de son
programme, ou s'assurer une réélection -- ce qui n'est plus
à rechercher de nos jours, puisque cette reconduction de l'équipe
présidentielle a été réalisée depuis
Février 2007-- le personnel dirigeant issu de l'alternance du mars 2000
a initié un projet de Constitution qu'il soumit avec succès au
peuple pour adoption. La nouvelle Constitution ainsi obtenue a pu se justifier
aussi bien politiquement que par la procédure qui a sous-tendu son
adoption. Mais, c'est aussi à ses importantes innovations que la
nouvelle Constitution de 2001 doit son qualificatif.
Chapitre II
L'étendue matérielle des innovations.
Au-delà des raisons politiques qui l'ont sous-tendu
et, de surcroît, des astuces juridiques qui l'ont formellement
consacré ou rendu acceptable, le changement constitutionnel -- qui s'est
opéré au Sénégal au lendemain de l'alternance --
est perceptible au niveau des innovations constitutionnelles
réalisées lors de l'opération constitutionnelle de 2001.
La Constitution de 2001 s'est en effet attribué un titre
douzième, qui porte ainsi le nombre de ses articles à 108,
là où celle qu'elle abroge et remplace n'en comptait que
91 ; ce qui se comprend aisément quand on sait la place très
importante qu'occupent, dans le dispositif constitutionnel, les droits et
libertés ou toutes les générations de droits humains. Cet
élargissement du contenu matériel de la Constitution de 2001 est
très certainement le reflet de la volonté du Constituant de
clarifier davantage, et à titre préventif, les dispositions qui
pourraient ultérieurement soulever des questions
d'interprétation, de régler définitivement certaines
questions assez délicates et récurrentes qui minent la
scène politique ou mettent en branle le pouvoir interprétatif des
juges : c'est le règlement constitutionnel de certains conflits
politiques et juridiques majeurs (Section I). A coté de cette
innovation, le Constituant a voulu restaurer des acquis démocratiques en
n'oubliant pas de codifier des pratiques et coutumes (Section II).
Section I
Règlement des conflits politiques et juridiques
Les nouveautés introduites dans le cadre de la
Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 sont assez
nombreuses. cependant, les plus importantes sont, avant tout, une
manifestation de la noble intention du Constituant de poser des
éléments de réponses à un certain nombre de
questions litigieuses ; le plus souvent relatives à la valeur
juridique du préambule constitutionnel, ou aux débats
récurrents du système politique. Avec la première
alternative, on assiste à la codification du préambule
constitutionnel (Paragraphe I), alors que la seconde consacre, dans le corpus
constitutionnel, une réponse « définitive »
à chacune des questions relatives au cumul de fonctions
présidentielle et de Chef de parti d'une part et à la
transhumance des parlementaires (Paragraphe II).
Paragraphe I
Le préambule
L'intention du Constituant de 2001 de
réaliser des innovations constitutionnelles s'est avant tout
manifestée au niveau du préambule. En effet, contrairement aux
préambules traditionnels sobre et succincts -- comme ce fut
indéniablement le cas de celui qui introduisait la Constitution de 1963
-- celui de 2001 présente un caractère assez expansif mais
surtout riche. En effet, là où son prédécesseur
rappelle brièvement l'indépendance, énumère de
façon concise quelques libertés fondamentales et réaffirme
la nécessité d'oeuvrer à la réalisation de
l'unité africaine, celui de 2001 actualise d'abord la liste des
instruments juridiques internationaux de protection de droits fondamentaux qui
n'existaient pas encore en 1963, mais que les multiples révisions
intervenues entre cette date et 2000 auraient pu intégrer ; il
invoque ensuite les termes symboles de la démocratie tels l'Etat de
droit, la transparence 8(*)
et la bonne gouvernance, l'égalité formelle, la loyauté du
jeu politique et le statut de l'opposition. Mais c'est avec la codification de
la jurisprudence française « Liberté
d'association » du 16 juillet 1971 que se manifeste
véritablement l'innovation. Car, dorénavant, le préambule
est déclaré partie intégrante de la Constitution9(*).
Une telle déclaration ne manque pas de produire une
conséquence juridique certaine. Car « le contenu du
préambule fait dès lors partie du bloc de
constitutionnalité, représentant les normes de
référence du contrôle de
constitutionnalité»,10(*) ce qui signifie que le contrôle que le
Conseil est appelé à exercer sur la base des instruments
juridiques internationaux cités dans le préambule procède
plutôt du contrôle de constitutionnalité au lieu de celui
qui s'applique aux conventions internationales visées par l'article 98
de la Constitution. Cette identité établie entre normes
internationales, contenues dans le préambule, et normes
constitutionnelles n'est qu'une résultante de l'indissociabilité
des premières par rapport à leur contenant (préambule)
qui, lui-même fait partie intégrante de la Constitution. Et cette
intégration, quoi qu'on puisse en dire, est déjà
perceptible dans la pratique11(*).
Paragraphe II
Cumul de fonctions et la transhumance parlementaire.
Une autre manifestation de la ferme
volonté du Constituant de 2001 de procéder à des
innovations importantes réside dans les réponses tranchées
à des questions contenues dans certaines dispositions de la Constitution
de 1963. Il en est ainsi de la question incontournable en matière
politique de la position du Président de la République face
à son parti. En d'autres termes, le Président de la
République peut-il être chef de parti ?
Au regard de la tradition constitutionnelle ou de la pratique
politique, l'on ne serait nullement dans le faux d'y répondre par
l'affirmative ; car aucun des trois présidents que le
Sénégal a connus depuis son indépendance n'a guère
cessé d'être chef de son parti une fois l'accession à la
magistrature suprême réalisée. Mais si la pratique
traditionnelle, sur cette question particulière de cumul de fonctions
présidentielle et de chef de parti, a jusqu'ici été
respectée pour des raisons purement politiques, elle n'en est pas
restée pour le moins une violation des règles
constitutionnelles entre 1960 et 2001 avant d'être
légalisée par la Constitution du 22 janvier 2001.
En effet, la Constitution de 1960 et celle de 1963
prévoyaient que le Président de la République ne pouvait
occuper, pendant toute la durée de sa législature, d'autres
fonctions publiques ou privées. A titre justificatif, nous pouvons citer
les dispositions des articles 23 et 32 respectivement tirées de la
première Constitution du Sénégal indépendant et de
celle de 1963 : « la charge du Président de la
République est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction
publique ou privée » ; puis, « la charge du
Président de la République est incompatible avec l'exercice de
toute autre fonction publique ou privée même
élective ».
Ainsi qu'on peut le constater sans produire de gros effort,
la formule choisie par le Constituant de 1963 ne se différencie de la
précédente que par la mention « même
élective ». Une telle précision n'est cependant pas
fortuite ; elle avait pour dessein de dissiper le doute que la
première formule laissait planer sur la question de savoir si la
fonction de chef de parti était visée par le Constituant de
1960 ; puisque la fonction de chef de parti est bien une fonction
privée élective qui rentre dans le champ d'application de
l'article 32 de la Constitution de 1963. On serait donc amené à
se demander pourquoi en dépit de cette interdiction clairement
formulée les Présidents Senghor et Diouf n'ont cessé
d'être les chefs du parti socialiste ; et ce, jusqu'à la fin
de leur règne. D'ailleurs, Seydou Madani SY écrit dans
« L'alternance politique au
Sénégal », que « l'expérience
politique au Sénégal a montré que le texte n'a pas
été respecté ni par le Président Senghor, ni par le
Président Diouf : l'un comme l'autre était resté chef
du parti socialiste alors que le texte visait également des fonctions
électives, publiques ou privées ». Mais la
réponse à une telle interrogation est ce qui a
déterminé le Constituant de 2001 à modifier le droit en
vue de le conformer au fait, à la réalité, à la
pratique ou à la tradition : dans le système politique
sénégalais, il difficile, voire impossible, au Président,
qui veut se maintenir au pouvoir, de quitter la direction d'un parti qui lui a
permis de conquérir ce pouvoir. C'est ici une réalité
presque toujours inhérente aux régimes présidentialistes.
A contrario, le régime parlementaire, dans lequel le
Président n'a nul besoin d'être chef de parti, reste
incontestablement un cadre où l'interdiction constitutionnelle du cumul
des fonctions présidentielles et partisanes garde encore sa pertinence
et ses chance d'être respectée. C'est sans doute ce qui a
justifié le choix du Constituant de 2001 qui retient dans l'article 38
de la nouvelle Constitution que « la charge de Président
de la République est incompatible avec l'appartenance à toute
assemblée élective, assemblée nationale ou
assemblées locales, et avec l'exercice de toute autre fonction,
publique ou privée, rémunérée. Toutefois, il a la
faculté d'exercer des fonctions dans un parti politique ou d'être
membre d'académies dans un des domaines du savoir ».
Parallèlement à la question du cumul
des fonctions, la Constitution du 22 janvier 2001 solutionne le problème
de transhumance des parlementaires. « C'est une question classique du
système politique depuis la restauration du pluripartisme et
l'entée de l'opposition au Parlement »12(*). Il s'agit de se demander si
le député qui démissionne de son parti conserve son mandat
ou non.
La solution consacrée par la pratique institutionnelle
sénégalaise antérieure à 2001, et confortée
par une déclaration du Président de l'Assemblée nationale
en date du 12 janvier 1980 -- solution qui, du reste, a fait jurisprudence en
la matière -- consiste à considérer que
« les députés exclus de leur parti ou
démissionnaires restent encore députés de
l'Assemblée Nationale »13(*). Cette solution s'appuie sur la
théorie de la souveraineté nationale et le mandat
représentatif, en vertu desquels « l'élu
représente le peuple et non pas un parti, une faction ou une
section »14(*) ; mais elle reste tout de même
dépourvue de toute éthique, pouvant ainsi entraîner des
glissements de majorités en cours de législature,
préjudiciables à la stabilité institutionnelle. C'est
cette éthique que restaure la Constitution de 2001 par le biais de son
article 60 qui prévoit que tout député qui
démissionne de son parti est automatiquement déchu de son mandat.
En ce sens, on peut dire que l'article 60 constitue un acquis
démocratique.
Section 2
Restauration des acquis démocratiques et
codification des coutumes
La deuxième gamme de raisons qui expliquent
l'élargissement du contenu formel de la Constitution de 2001, ou qui
mettent en évidence les innovations réalisées par le
Constituant de la période post-alternance, montre qu'il y a eu des
opérations d'intégration et de réintégration, dans
la nouvelle Constitution, d'un certain nombre de données.
Réintégration d'abord, parce qu'il y a eu une
volonté manifeste du Constituant de replacer dans le dispositif
constitutionnel nouveau des règles qui, à l'origine, avaient fait
partie de la Constitution de1963 avant de faire l'objet de suppression.
Intégration ensuite, parce que la nouvelle Constitution contient
aujourd'hui un certain nombre de règles nouvellement portées au
constitutionnel. Pourquoi une telle opération juridique ? Les
raisons en sont nombreuses. Mais une seule chose reste
inébranlable : par le biais des réintégrations, se
réalise la restauration des acquis démocratiques (Paragraphe
I) ; tandis que la seconde opération consacre la codification des
coutumes et pratiques (Paragraphe II).
Paragraphe I
Restauration des acquis démocratiques
La révision constitutionnelle intervenue au
Sénégal au lendemain de l'alternance du mars 2000
réintègre dans la sphère constitutionnelle de nombreuses
règles autrefois contenues dans la Constitution 1963, mais que des
modifications intempestives réalisées sous le régime
socialiste ont progressivement supprimées. De telles règles ont
pu être qualifiées d'acquis démocratiques parce qu'elles
participent au processus démocratique ; et leur respect par les
citoyens témoigne du degré de démocratisation atteint par
la société qui les a produites. Ainsi, la Constitution de 2001
s'intéresse-t-elle à certaines règles relatives à
l'institutionnalisation du Président de la République. On peut
à ce propos retenir, à titre principal, le principe de limitation
du nombre de mandats et, secondairement, la règle des quarts votants.
S'agissant de la limitation du nombre de mandats, il convient
de saluer la réintégration dans la Constitution de 2001 du
principe de la limitation, à deux, du nombre de mandats que le
Président peut briguer. Certes, on pourrait dire, à raison
d'ailleurs, qu'une telle limitation n'est pas une invention ou une
nouveauté dans la pratique constitutionnelle
sénégalaise ; car, cette limitation fut, avant d'être
supprimée pour permettre au Président de la République
d'exécuter pleinement le programma pour lequel il a été
élu15(*), d'abord
consacrée dans la Constitution de 1963. C'est pour cela que la nouvelle
Constitution ne se limite pas à l'affirmation d'une telle limitation.
L'innovation qu'elle réalise n'est remarquable sur ce point qu'au regard
de l'intangibilité qui est, du reste, attachée à la
clause limitative du nombre de mandats, en vertu de laquelle, elle ne peut
désormais faire l'objet d'une révision que par la voie
référendaire. Un tel principe -- désormais très
difficilement révisable, du fait que le référendum rend
rigides les dispositions qui ne sont modifiables qu'après consultation
du peuple -- est consacré par l'article 27 de la Constitution
sénégalaise du 22 janvier 2001 qui dispose
expressément : « la durée du mandat du
Président de la République est de cinq ans. Le mandat est
renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être
révisée que par une loi
référendaire ».
Le quart bloquant est une disposition
constitutionnelle qui conditionne l'élection du Président de la
République au premier tour à l'obtention d'une majorité
absolue des suffrages représentant au moins le quart des inscrits. Cette
clause de représentativité, que le Constituant de 2001 a
décidé de réintroduire par le biais de l'article 33, avait
été supprimée en 1998 au motif que « le
vote n'étant pas obligatoire, les électeurs inscrits ne cessant
de croître, il est évident que le franchissement du seuil de 25%
devient aléatoire pour tout candidat. [...]16(*). Mais, si pendant toute la
durée du premier mandat des libéraux l'on a pu prétendre
considérer une telle clause comme un acquis démocratique en
passe d'être élevé au rang des normes rigides, les
réalités politiques -- qui, autrefois, avaient servi de
justificatif à la suppression de cette clause -- ont conduit le parti au
pouvoir et soucieux de s'y maintenir à faire voter la modification
constitutionnelle qui visait la suppression du quart bloquant. C'est ici une
situation que résume très bien le professeur FALL lorsqu'il
écrit dans son ouvrage, Evolution Constitutionnelle du
Sénégal, que « cette clause se présente
comme une étoile filante dans le ciel constitutionnel
sénégalais qui va et revient au fil de l'histoire politique du
pays ».
En effet, la clause supplémentaire de
représentativité contenue dans l'article 28 de la Constitution de
1963, qui prévoyait que « nul n'est élu au premier
tour du scrutin s'il n'a obtenu la majorité absolue des suffrages
exprimés représentant au moins le tiers des électeurs
inscrits », fut supprimée 17(*) en 1983 -- après la
première élection de Abdou DIOUF à la présidence de
la République -- pour être réintroduite abaissée du
tiers au quart par la loi constitutionnelle n°91-46 du 6 octobre 1991
portant révision de la Constitution. Mais, de nouveau en 199818(*), cette clause
supplémentaire fut supprimée, permettant ainsi au Constituant de
2001 de « réhabiliter cette noble cause qui vise à
doter le Président d'une assise populaire »19(*).
Il convient toutefois de préciser que si la
suppression de cette clause vise à faciliter l'élection au
premier tour du Président de la République, seuls les
Présidents DIOUF et WADE s'en sont jusqu'ici servi à cette
fin ; le Président SENGHOR ayant été élu en
1963, 1968, 1973 et 1978 sur la base de la double condition posée par la
Constitution : la majorité absolue représentant le tiers des
inscrits.
L'on retiendra que la révision constitutionnelle du 3
novembre 2006, qui intervient à la veille de la présidentielle et
supprime le quart votant, aura rendu de courte durée la restauration de
la clause démocratique de représentativité
réintroduite par le Constituant de 2001. Ce dernier reste
néanmoins celui qui aura porté au rang de normes
constitutionnelles un certain nombre de pratiques.
Paragraphe II
Codification des pratiques et coutumes
Nombreuses ont été les pratiques et coutumes que
la nouvelle Constitution sénégalaise a codifiées. Parmi
ces pratiques, nous pouvons retenir à titre principal le Conseil des
ministres, qui n'avait pas de trace formelle et apparaissait plutôt comme
une institution coutumière, ainsi que la pratique relative à la
déclaration de la politique générale.
Relativement au Conseil des ministres, il convient de noter
que la nouvelle Constitution sénégalaise en vigueur depuis le 22
janvier 2001 en fait mention dans son article 42. Cet article précise,
au surplus, que « le Président de la République
(...) préside le Conseil des ministres ».
Quant à la déclaration de la politique
générale, elle était une pratique non écrite qui
incombait aux Premiers ministres une fois nommés et leur Gouvernement
formé. Cette déclaration reste très certainement l'apanage
du chef de Gouvernement consacré non plus par la pratique
coutumière, mais par la Constitution. En effet, celle-ci prévoit
en son article 55 que « après sa nomination, le Premier
Ministre fait sa déclaration de politique générale devant
l'Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie d'un
débat qui peut, à la demande du Premier Ministre, donner lieu
à un vote de confiance ». Deux conséquences
peuvent être tirées à la lecture de cette disposition. La
première tient à la forme, justifiée par l'écriture
constitutionnelle, qui fait de la déclaration de la politique
générale une obligation qui pèse sur le Premier Ministre.
La seconde, qui se fonde sur le pronom possessif
« sa », est que la politique
générale est stricto sensu l'oeuvre du chef de
Gouvernement qui la prépare, l'élabore et la présente
enfin devant l'Assemblée nationale.
Une troisième conséquence, qui pourrait en
être tirée et qui cependant reste fortement liée à
la seconde, tient au silence observé par la Constitution quant au moment
de présentation de la politique générale devant la chambre
des représentants. En l'absence d'un texte, on remarquera ainsi que
c'est ici situation qui relève de la compétence
discrétionnaire de l'Exécutif. C'est donc une faculté de
choix du moment laissée par la Constitution au Premier ministre.
En définitive, cette codification des pratiques et
coutumes présente un intérêt certain, celui de donner une
valeur constitutionnelle à des pratiques qui ne tiraient leur
légalité que de la seule coutume ; celle-ci n'ayant pas,
comme c'est généralement le cas sur la scène
internationale, valeur obligatoire. Et ce serait, tout au moins, pour
prévenir d'éventuelles contestations de ces pratiques ou, mieux
-- ce qui est plus patent étant donné que ces pratiques et
coutumes auraient pu être codifiées par d'autres textes que la
Constitution -- pour leur donner une valeur constitutionnelle que le
Constituant de 2001 a choisi de procéder à leur codification. Ce
souci du Constituant d'élever au rang constitutionnel un certain nombre
de normes est le même que celui qui l'a déterminé à
régler au sein même de la Constitution des conflits juridico
politiques (voir infra).
Quoi qu'il en soit, les responsables dirigeants post
alternance ont indéniablement réalisé un changement de
Constitution avec de nombreuses innovations. Mais la question que peut
dès lors se poser est la suivante : ces innovations
réalisées dans le cadre de la nouvelle Constitution
sénégalaise, celle de 2001, sont-elles de nature à
justifier une éventuelle thèse de rupture
constitutionnelle ? La révision de 2001 n'ayant pas, pour
l'essentiel, modifié les fondements du régime constitutionnel
(les régimes du Parlement et du Pouvoir judiciaire, la primauté
présidentielle), c'est par la négative qu'il sied d'y
répondre. En outre, une lecture comparée de la Constitution en
vigueur et de sa devancière permet d'observer une similitude entre
divers principes et règles fondamentaux qu'elles dégagent toutes
les deux, ce qui témoigne donc d'une continuité
constitutionnelle.
2eme partie : une continuité
institutionnelle
L'alternance politique de mars 2000 a mis au défi la
nouvelle équipe dirigeante de réaliser un changement politique,
juridique ou constitutionnel. La volonté, ou plutôt la
nécessité, du leader du parti au pouvoir de satisfaire les
exigences ou les requêtes du peuple -- qui réclament un changement
de régime politique -- a, certes, donné naissance à un
certain nombre de réformes ou d'innovations constitutionnelles ;
lesquelles innovations, tout en étant d'une importance moindre
rapportées à la grandeur de la révolution
démocratique qui les a vu naître, ont fait l'objet de
proclamation par les nouvelles autorités comme instaurant, pour le bien
du Sénégal, « un régime parlementaire
dualiste rationalisé ».
En plus de la proclamation d'avoir instauré un
régime parlementaire, la nouvelle Constitution certifie avoir
renforcé les droits et libertés fondamentaux20(*).
Pourtant, une comparaison des contenus des deux
dernières Constitutions du Sénégal fait ressortir une
continuité substantielle manifeste ; laquelle continuité
trouve sa justification dans l'importance moindre des éléments
de rupture par rapport à ceux qui sous-tendent cette continuité
constitutionnelle. Ainsi, par rapport à l'architecture
constitutionnelle, des similitudes structurelles ont été
relevées au niveau des deux Constitutions : une articulation
tripartite livrant le Préambule, le Corpus constitutionnel et les
dispositions transitoires ; une identique distribution et un même
agencement des pouvoirs.
Sur les questions de fond que tout système
constitutionnel se pose, les réponses formulées par la nouvelle
Constitution sénégalaise ne sont pas si différentes de
celles que donnait sa devancière. Ainsi, par exemple, à la
question de savoir qui détermine la politique de la nation -- les
articles 36 de la Constitution de 1963 et 42 de la nouvelle y
répondent : c'est le Président de la
République ; ces dispositions précisent également
qu'il détient le pouvoir de nomination aussi bien aux emplois civils
21(*) que militaires
22(*).
Toutes ces similitudes remarquables entre les règles
tirées de la nouvelle Constitution et celles qui, autrefois,
constituaient le Texte de 1963 témoignent de ce que la Constitution en
vigueur depuis le 22 janvier 2001 ne remet en cause aucun principe
constitutionnel fondamental de sa devancière ; la nouvelle reprend,
pour l'essentiel, les grandes options constitutionnelles existantes. Ainsi,
a-t-elle, entre autres, reconduit en son sein la primauté
présidentielle au lieu d'instaurer un régime plus
parlementariste, ou encore totalement oublié de réformer le
régime constitutionnel du Pouvoir judiciaire en vue d'une plus grande
efficacité. La continuité constitutionnelle se justifie donc
à un double niveau : d'abord, le maintien de la primauté
présidentielle, qui a pour conséquence de reléguer le
Parlement au second plan, consacre la thèse d'une continuité
du régime politique (Chapitre I) ; l'autre niveau de
continuité est relatif aux règles et principes de la justice
(Chapitre II).
Chapitre 1
Continuité du régime politique
En dépit d'innombrables innovations apportées
par la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001-- innovations
qui auraient pu permettre de réaliser une rupture constitutionnelle si
elles avaient porté sur des principes majeurs -- la reconduction par les
partisans du changement constitutionnel de la philosophie politique
générale de la Constitution précédente est un
élément qui suffit à justifier une continuité du
régime politique.
Ainsi, à la place du parlementarisme promis au peuple
-- promesse qui, du reste, a sous-tendu la révolution politique ou le
changement de dirigeants politiques -- fut reconduit le régime fortement
marqué par la primauté présidentielle (Section 1) ;
ce qui, au demeurant, a contribuer à reléguer le Parlement au
second plan (Section 2).
Section 1
Un régime politique largement en faveur du chef de
l'Etat
La part belle faite au Président de la
République dans la distribution des pouvoirs constitutionnels -- au sein
d'un régime proclamé par la même autorité de
parlementariste rationalisé -- a conduit Seydou Madani SY à
écrire significativement que « l'opposition,
représentée par le parti démocratique du
Sénégal et ses alliés, voulait changer le régime
politique sénégalais, auquel elle reprochait son archaïsme
et son échec économique. De fait, si on examine les textes et la
réalité politique depuis l'alternance (...) ; mais si on
examine de près les pouvoirs dévolus au Président de la
République, on s'aperçoit que le présidentialisme de
l'ancien régime n'est pas loin »23(*).
Il convient donc, dans cette section, de justifier
l'idée de continuité constitutionnelle en nous fondant sur la
reconduction de la primauté présidentielle
Premier pouvoir consacré par la Constitution du 22
janvier 2001, le Président de la République conserve, intacts,
son statut et ses prérogatives tels que fixés dans la
Constitution de 1963. Hormis la restauration du quinquennat
considéré comme le mandat le plus conforme aux aspirations
démocratiques modernes (infra) et le principe de la limitation
des mandats24(*), aucune
des dispositions du titre III de la Constitution sénégalaise en
vigueur n'est véritablement étrangère au texte
constitutionnel de 1963. Le seul élément de
différenciation qui aurait pu s'ajouter aux deux innovations majeures
ci-dessus évoquées, trouve son contenu dans l'article 28.
Celui-ci, en effet, fait obligation au candidat à la
présidentielle de savoir écrire, lire et parler couramment la
langue officielle, le français. La tentation est plus que grande de se
demander si une telle disposition a bien un sens, dans une époque
où la gestion de la chose publique est de plus en plus l'apanage des
seules élites.
Paradoxale est cette disposition qui n'a jamais existé
à une époque où le pays comptait ses lettrés, et
qui s'impose comme une condition sine qua non
d'éligibilité à l'ère de l'abondance des
élites. Une telle disposition pourra difficilement recevoir application
rigoureuse ; car, le juge de la candidature devra alors exiger des
candidats la lecture du syllabaire.
D'autre part, le suffrage universel direct, qui est le mode
électoral par lequel le peuple désigne volontairement celui qu'il
juge être le plus apte à leur représenter, semble faire de
la légitimité le meilleur fondement du pouvoir du chef de l'Etat.
Aussi, un lettré arabe, qui dédaigne le français et qui
bénéficie de la confiance de ses compatriotes, ne devrait pas se
voir refuser l'accès à la Présidence de la
République.
Mais outre cette exigence qui lui est faite d'être un
francophone, le Président de la république demeure toujours le
gardien de la Constitution, incarnation de l'unité nationale et garant
du fonctionnement régulier des institutions et de l'indépendance
nationale, en un mot, clef de voûte des institutions. Le
Président de la République détermine, de ce fait, la
politique de la nation, dispose d'un pouvoir de nomination et de
révocation ad nutum des membres du Gouvernement, et d'un
pouvoir de nomination et de renvoi général aux emplois
prestigieux dépendants de l'Exécutif et du pouvoir judiciaire.
Dans l'ancien comme dans le nouveau régime
constitutionnel, la prééminence présidentielle ne souffre
d'aucune concurrence, justifiant ainsi que le Parlement se retrouve toujours
relégué au second plan.
Section II
Rôle secondaire du Parlement
Conséquence de la
prééminence présidentielle qui caractérise le
régime politique sénégalais, le rôle secondaire du
Parlement se justifie aussi bien du point de vue des règles
constitutionnelles qui régissent ce secteur qu'au regard de la pratique
des parlementaires. Ainsi, constate-t-on que l'initiative législative
des parlementaires reste toujours relativement très faible (Paragraphe
I) et le contrôle de l'action gouvernementale ineffectif, sinon presque
inexistant (Paragraphe II).
Paragraphe I
Une très faible initiative législative
La continuité constitutionnelle est encore perceptible
à travers la place qui est dévolue au Parlement. Ayant
retrouvé sa structure de principe qu'est le monocamérisme, due
à la suppression du Sénat, le Parlement, incarné par
l'Assemblée nationale, détient des attributions
transposées de l'ancienne Constitution sur la nouvelle,
particulièrement en son titre IV. Ces attributions se réduisent,
dans la pratique, à une mission notariale de ratification des
décisions de l'Exécutif 25(*). D'après une formule constamment reproduite
depuis 1960, qui consacre la grandeur formelle de l'institution,
l'Assemblée nationale « vote seule la
loi ». Cependant, elle ne la fait, ni ne participe
substantiellement à sa fabrication qui est du ressort du pouvoir
gouvernemental. Un autre rôle que la Constitution assigne à
l'Assemblée nationale est celui de contrôler l'action
gouvernementale. La Constitution du 22 janvier 2001 a confirmé
l'Exécutif comme maître de la procédure législative,
suivie en cela par le Conseil Constitutionnel qu ne voit pas toujours d'un bon
oeil les initiatives parlementaires à incidence budgétaire dont
il a réduit à néant les possibilités26(*). Dès lors, la vocation
du Parlement de contrôler l'action gouvernementale demeure, sous l'effet
combiné de la rationalisation du parlementarisme et du
phénomène majoritaire, amicale et sentimentale, pour, finalement,
s'assimiler plus à un soutien politique inconditionnel qu'à un
contrôle.
L'Exécutif ne concède l'initiative
législative que pour les lois et amendements embarrassants pour
lui ; ainsi, par exemple, la proposition de loi constitutionnelle
instaurant en 1976 le dauphinat, qui avait permis l'arrivée de
Abdou DIOUF au pouvoir en 1981 sans subir l'épreuve du suffrage
universel. L'Exécutif n'aime pas endosser, par des projets
émanant de lui, la responsabilité de mesures controversées
ou susceptibles d'être impopulaires ; il préfère, avec
de pareilles mesures, susciter ou inciter des propositions de lois. En
endossant systématiquement des lois controversées, les
parlementaires risquent et sacrifient leur popularité, pour ainsi
préserver celle du Président de la République. Ainsi, Jean
Gicquel a-t-il pu écrire à propos du Présidentialisme
négro-africain, en se fondant sur l'exemple camerounais, que les
députés ne sont que « de simples
intermédiaires entre le Président et son peuple... des agents du
Président »27(*).
Une telle remarque, qui s'attache à l'exercice
parlementaire, est d'autant plus vraie que le pouvoir de contrôle de
l'action gouvernementale conféré par la Constitution au Parlement
se voit rarement mis en branle.
Paragraphe II
Le contrôle de l'action gouvernementale
Le Parlement ne s'est montré performant ni dans le
domaine de la production législative propre, ni en matière de
contrôle de l'action gouvernementale, comme l'y habilite la Constitution.
En matière de contrôle parlementaire de l'action
gouvernementale concernant la vérification politique de
l'exécution du budget, et plus particulièrement la loi de
règlement, on a pu noté un retard, qui est allé croissant,
dans le dépôt et l'examen du projet de ladite loi. L'aggravation
de ce retard a débouché à partir d'un certain moment sur
le déclin, voire l'oubli de la loi de règlement. Paradoxalement,
l'examen et le vote, en 2000, d'un lot de neuf projets de lois de
règlement ont servi d'occasion au Président de la Commission des
finances de remercier vivement le Gouvernement d'avoir « fourni
un effort important afin de régulariser une situation une situation qui
devenait inquiétante ». Dans ces conditions, le
contrôle perd tout son sens. Une telle attitude de l'Assemblée,
chambre d'enregistrement et de ratification systématique de la gestion
budgétaire du Gouvernement, peut-elle se justifier simplement par le
contrat de majorité qui impliquerait une solidarité totale entre
l'Exécutif et sa majorité parlementaire ? L'on retiendra, en
tous les cas, que la renonciation des parlementaires à leur pouvoir
constitutionnel de contrôle disqualifie la valeur de l'autorisation
budgétaire ; elle montre, à merveille, que le Parlement
n'est plus, dans la pratique, titulaire du pouvoir financier ; enfin, elle
confirme la prééminence de l'Exécutif dans un
système sensé être dominé par le régime
parlementaire rationalisé.
Au total, nonobstant les efforts fournis par l'Etat en 2000
pour restaurer le rythme normal de la mise en oeuvre de la procédure de
règlement des budgets, un doute pèse encore sur
l'effectivité des dispositions promotrices de la loi de
règlement. Ainsi, peut-on malheureusement constater que les lois de
règlement relatives aux dix derniers exercices sont encore en souffrance
dans la procédure de leur préparation28(*).
Cette attitude de soumission du Parlement face à
l'Exécutif est aussi observable au niveau du pouvoir judiciaire.
Chapitre II
Continuité du régime de la justice
Une étude comparée entre le dispositif
constitutionnel de 1963, plusieurs fois révisé, et celui de 2001
fait clairement ressortir une quasi-identité remarquable au niveau des
règles relatives à la justice sénégalaise. Aussi,
a-t-on pu dire, à raison d'ailleurs, que le pouvoir judiciaire est
resté l'oublié de toujours des réformes. Cet oubli se
manifeste par la reconduction quasi automatique d'anciennes règles
constitutionnelles qui avaient pour charge de régir, d'une part, le
troisième Pouvoir de l'Etat, du moins dans la préséance
constitutionnelle (Paragraphe I) ; la justice politique, de l'autre
(Paragraphe 2).
Section I
Maintien du régime du Pouvoir judiciaire
Il s'agit essentiellement, dans cette section, de montrer
qu'au-delà de la réécriture constitutionnelle des
règles et principes judiciaires qui consacre une continuité de ce
régime, le secteur de la justice nécessite plus que jamais des
réformes importantes. Aussi, convient-il de s'intéresser au
régime général (Paragraphe I) avant de s'attarder sur
celui du Conseil Constitutionnel (Paragraphe II).
Paragraphe I
Le régime général de la justice
« Le pouvoir judiciaire a la particularité
d'être souvent l'oublié des grandes réformes
constitutionnelles du Sénégal », écrit le
Professeur FALL dans son ouvrage Evolution constitutionnelle du
Sénégal. Ainsi, peut-on remarquer que le dispositif
régissant le pouvoir judiciaire n'a fondamentalement pas subi de
modification avec le changement de Constitution intervenu en 2001. Ce pouvoir
conserve donc son statut qui a fait de lui plus une branche de
l'Exécutif qu'un pouvoir indépendant et d'égale
dignité avec les autres pouvoirs.
Deux tendances inverses, mais complémentaires, qui ont
largement affecté la crédibilité du pouvoir judiciaire
méritent qu'on s'y attarde : c'est la
« judiciarisation », si on peut ainsi s'exprimer,
de certaines affaires politiques et la politisation de certaines affaires
judiciaires. Ce sont ici deux phénomènes que seule une vraie
réforme du secteur peut inverser. La justice est
généralement perçue comme étant
« lente, chère, complexe, inaccessible,
inéquitable et, parfois, inadaptée à l'environnement
socioculturel »29(*). Mais l'occasion historique qu'est la période
post alternance a été ratée pour réaliser de telles
réformes. C'est cette situation que Moussa SAMB décrit dans son
article « La Gouvernance judiciaire au
Sénégal » : « le contexte politique
du Sénégal, après l'alternance politique de 2000
était sans doute favorable à des réformes induisant des
ruptures radicales avec le passé, dans le secteur de la justice
réputé comme l'un des plus controversés du service public
de l'Etat (...). Aujourd'hui, six ans après cette alternance au sommet
de l'Etat sénégalais, le système judiciaire
sénégalais reste, plus encore qu'hier, marqué par de
singuliers dysfonctionnements et par une mauvaise gouvernance devenue difficile
à éradiquer ».
Cette nécessité de réformer le
système judiciaire est encore plus perceptible au niveau du
fonctionnement du Conseil Constitutionnel.
Paragraphe II
Le Conseil Constitutionnel
Relativement au Conseil Constitutionnel, la réforme
aurait pu intervenir sur des points tels que la nomination des juges
constitutionnels, le mode de saisine de la juridiction. La nomination par le
seul Président de la République des membres du Conseil
Constitutionnel -- qui pourrait ainsi affecter l'effectivité de leur
indépendance théorique -- aurait pu, dans le meilleur des cas,
laisser place à une désignation par les corporations dont
émanent ces membres ; ou, au pire, se transformer en un pouvoir de
nomination réparti entre plusieurs autorités. En ce qui concerne
le mode de saisine du Conseil, la réforme aurait pu l'élargir
à d'autres organisations, voire aux citoyens. Cet élargissement
aura ainsi pour effet positif de démocratiser l'accès au juge
constitutionnel ; et l'ensemble des propositions de réformes,
contribuer à mettre à l'aise le juge dans l'exercice de son
office et, partant, permettre un développement quantitatif et qualitatif
de la jurisprudence constitutionnelle.
Un autre point, sur lequel la continuité
s'avère manifeste, est celui de la reprise du principe de libre
administration des collectivités locales30(*) qui garde son contenu. Nonobstant les changements
attendus en la matière, le droit constitutionnel des
collectivités locales n'a pas été modifié et n'a
pas été qualitativement enrichi31(*).
Cette continuité constitutionnelle largement
perceptible à travers les règles régissant le
système judiciaire, en tant que troisième pouvoir de l'Etat dans
la préséance constitutionnelle, se trouve consolidée par
le régime de la justice politique qui est, du reste, celui que l'on
pouvait lire dans l'ancienne Constitution.
Section II
Continuité du régime de la justice
politique
La justice politique est régie par les mêmes
principes consignés dans un titre invariablement intitulé
« De la Haute Cour de Justice » les principes qui
s'y trouvent consacrés sont ceux énoncés d'abord par la
loi constitutionnelle de 1960, repris ensuite par celle de 1963 qui fit l'objet
de nombreuses modifications. Ces principes sont aujourd'hui regroupés
dans le titre X de la nouvelle Constitution, qui prévoit
substantiellement qu'il est institué une Haute Cour de Justice
composée de membres élus par l'Assemblée nationale et
présidée par un magistrat. Cette Haute Cour s'organise sur la
base d'une loi organique. C'est à cet effet qu'intervint, le 22 janvier
2002, la Loi Organique sur la Haute Cour de Justice. La justice politique
développe deux régimes : celui applicable au
Président de la République et celui qui s'applique aux membres du
Gouvernement, donc aux ministres et aux chefs de Gouvernement.
Le régime applicable au Président de la
République est prévu à l'article 101 alinéa
1er de la Constitution. Au regard de cette disposition, le
Président de la République n'est responsable des actes accomplis
dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut
être mis en accusation que par l'Assemblée nationale, statuant par
un vote au scrutin secret, à la majorité des trois
cinquièmes des membres la composant ; il est jugé par la
Haute Cour de Justice. Si une telle disposition, au moment de sa
réécriture en 2001, s'était largement inspirée de
l'équivalent dans la Constitution française, il convient de
préciser qu'une réforme constitutionnelle intervenue en 2005, en
France, permet désormais que le Président de la
République puisse être « destitué en cas de
manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de
son mandat ». Quoi qu'il en soit, il y a lieu de relever, en ce
qui concerne le Président de République, que ces dispositions
n'ont jamais fait l'objet d'une application au Sénégal.
Le régime applicable aux membres du Gouvernement
est prévu à l'alinéa 2 de l'article 101 de la Constitution
qui prévoit que le Premier Ministre et les autres membres du
Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans
l'exercice de leurs fonctions et qualifiés comme crimes ou délits
au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par
la Haute Cour de Justice.
Contrairement donc au régime de responsabilité
du chef de l'Etat, celui des membres du Gouvernement est mieux défini
(« pénalement ») et est lié à
l'exercice de leurs fonctions.
Enfin, si la mise en accusation du Président de la
République devant la Haute Cour de justice n'a jusqu'ici pas
été notée dans histoire du Sénégal, il n'en
est pas de même des membres du Gouvernement. En effet, le
Président du Conseil Mamadou DIA et ses partisans furent mis en
accusation le 7 janvier 1963 par l'Assemblée nationale pour être
jugés quatre mois plus tard. Plus récemment encore, le Premier
Ministre Idrissa Seck et le ministre Salif Bâ ont été mis
en accusation, en août 2005, devant la même Cour, mais sans y
être jugés.
Conclusion
Au terme de cette analyse portant sur la révision de
la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, il aurait
été intéressant de pouvoir formuler une conclusion
conventionnelle et de clore ainsi cette étude sur le
phénomène constitutionnel. Mais ce dernier est si inhérent
à l'existence même de l'Etat, en l'occurrence le
Sénégal, qu'une tentative de conclusion définitive serait
inopportune. Ainsi convient-il d'inscrire cette conclusion dans une mouvance
rétrospective.
Une étude comparative des textes constitutionnels de
1963 et de 2001 a permis de faire ressortir, quant au fond, la portée
matérielle de la révision constitutionnelle intervenue au
Sénégal, au lendemain de l'alternance politique.
Parallèlement, l'analyse du contexte politique -- du reste,
dominé par un besoin de réformer pour plaire ou pour se donner
une marge de manoeuvre davantage grande -- et une plus grande
considération des procédures -- qui ont sous-tendu la
révision de 2001-- ont permis de répondre à la question
visant à déterminer le pourquoi de cette opération
constitutionnelle. Ainsi, à la question principale de savoir si la
rupture recherchée par le Constituant de 2001 a, oui ou non,
été réalisée par le biais de cette révision
constitutionnelle, la réponse appelle à plus de circonspection
dans sa formulation.
Du point de vue formel, l'ordre constitutionnel de 1963 a
tacitement été abrogé par la nouvelle Constitution
adoptée par référendum du 7 janvier 2001 et publiée
deux semaines plus tard. Cette rupture formelle a permis de réaliser de
nombreuses innovations constitutionnelles. D'autre part, une profonde
étude comparative des règles, dont la moindre modification influe
automatiquement sur le régime constitutionnel, laisse perplexe sur
l'existence véritable d'une rupture constitutionnelle. Peut-on
valablement admettre l'idée d'une rupture entre deux ordres
constitutionnels alors même que le nouveau n'élève ses
briques que sur les fondations de son prédécesseur ? Il est
de ce point de vue clair que la réponse à une telle question ne
peut être que non. Car une telle situation témoigne du lien
« indestructible » qui unit les deux Constitutions et
justifie la continuité de l'ancienne qu'assure la nouvelle.
Un autre élément qui consacre plus l'idée
de continuité constitutionnelle que celle d'une rupture véritable
réside dans la promesse faite par les autorités au peuple
sénégalais, d'instaurer un régime
« parlementaire rationalisé ». La
primauté présidentielle, et l'attitude soumissionnaire des
parlementaires vis-à-vis de l'Exécutif, ne sont très
certainement pas des rapports notables entre Exécutif et
Législatif dans un régime qui se veut parlementariste.
En définitive, il conviendrait de retenir que la
Constitution issue de la révision de 2001 réalise bien
d'importantes innovations qui consacrent, du point de vue formel -- et
uniquement sur ce plan -- une rupture qui, sur le fond, reste une
illusion ; ces innovations se sont avérées très
insuffisantes pour permettre à la nouvelle Constitution de 2001 de
rompre avec sa devancière, ce qui implique ainsi une continuité
constitutionnelle.
BIBLIOGRAPHIE
Documents officiels
· La constitution sénégalaise du 22 janvier
2001
· La constitution sénégalaise du 07 mars
1963 modifiée
Ouvrages généraux
· BURDEAU (G), Droit Constitutionnel et Institution
politique, 14e éd ; Paris, LGDJ, 1969, p. 75-78
· BURDEAU (G), Traité de science politique, le
statut du pouvoir dans l'Etat, Tome 4, LGDJ, Paris, 151,
· DICEY (A), Introduction à l'étude du
droit constitutionnel, éd française, 1902, pp 360-372
· Duguit (L), Traité de droit
constitutionnel, Paris, 3e éd., 1930, Tome 3, p. 680
s.
· GICQUEL (J), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paris, Montchrestien, 19ème édition,
2003, page 370 s.
· HAURIOU (M), Droit Constitutionnel, Sirey, p.
622-625.
· PACTET (P), Institution Politique, Droit
constitutionnel, 22e Edition, Armand Colin, 2003, p 67
Ouvrages spéciaux
· BOURGI (A), L'évolution du
constitutionnalisme en Afrique : du formalisme à
l'effectivité », p. 719 s.
· CISSE (L), Carnets secrets d'une
Alternance : Un Soldat au Coeur de la Démocratie, Paris,
éd Gideppe, 2001
· FALL (I. M.) Evolution constitutionnelle du
Sénégal, Dakar, éd 2007
· GONIDEC (P. F.), A quoi servent les
constitutions africaines ? Réflexion sur le constitutionnalisme
africain, RJPIC, octobre-décembre 1988, N°4 ; p. 849
· GUILLAUME, Du titre XI dans la constitution de 1946
dans ses rapports avec la théorie générale de la
révision des constitutions, Paris, 1948, pp 15
· KAMTO (M), Révision constitutionnelle
ou écriture d'une nouvelle constitution, Lex lata, N° 23-24,
février-mars 1996, pp 17-20
Articles
· SY (S. M.), « L'alternance politique au
Sénégal », Mélanges en l'honneur de Dmitri
Georges Lavroff
· KAMTO (M), « Les Conférences
nationales ou la création révolutionnaire de
Constitutions », in D. Darbon et J. du Bois de Gaudusson
(éds), la création du droit en Afrique, Paris,1997, pp.
177-196.
· SAMB (M), « La Gouvernance judiciaire au
Sénégal », in M. Badji et O. Devaux (éds), Droit
sénégalais n°5, De la justice coloniale aux systèmes
africains contemporains.
TABLE DES MATIERES
Introduction.....................................................................6
Première partie
Les innovations constitutionnelles de
2001............................................12
Chapitre I :
L'adoption d'une nouvelle
Constitution...............................................14
Section I
Une exigence
politique...................................................................14
§I : Une concrétisation
de la promesse électorale....................................15
§II : Une solution à
l'obstacle parlementaire.........................................16
Section II
La procédure
d'adoption.................................................................19
§I : Le recours à la
procédure référendaire de l'article
46...........................19
§II : Portée juridique
de cette procédure..............................................22
Chapitre II :
L'étendue matérielle des
innovations...................................................24
Section I
Règlement des conflits politiques et
juridiques........................................24
§I : Le
préambule.........................................................................25
§II : Cumul des fonctions et la
transhumance parlementaire........................26
Section II
Restauration des acquis démocratiques et codification des
coutumes.............29
§I : Restauration des acquis
démocratiques ...........................................30
§II : Codification des
pratiques et coutumes...........................................33
Deuxième partie
Continuité
constitutionnelle.............................................................35
Chapitre I
Continuité du régime
politique..........................................................37
Section I
Un régime politique largement en faveur du chef de
l'Etat.........................38
.
Section II
Rôle secondaire du
Parlement..........................................................40
§I : Une très faible
initiative
législative...............................................40
§II : Le contrôle de
l'action gouvernementale........................................42
Chapitre II :
Continuité du régime de la
justice......................................................43
Section I
Maintien du régime du Pouvoir
judiciaire.............................................43
§I : Le régime
général de la
justice.....................................................44
§II : Le Conseil
Constitutionnel........................................................45
Section II
Continuité du régime de la justice politique
..........................................46
Conclusion....................................................................48
Bibliographie..................................................................51
* 1 FALL (I. M.), Evolution
Constitutionnelle du Sénégal.
* 2 Encyclopédie
juridique de l'Afrique, La Constitution ou Loi fondamentale, Tome I, Chapitre
premier, pp. 21.
* 3 Extrait de l'expression
« Constitution, nouveau contrat social » utilisée
par le Président Wade lors de sa conférence sur le projet de
Constitution pour marquer une nette distinction entre une nouvelle
constitution et un texte constitutionnel résultant d'une
révision-modification.
* 4 Il ne s'agit pas d'une
révolution, comme on a pu le voir dans les pays africains ayant
organisé une conférence nationale souveraine, laquelle a permis
la création révolutionnaire de Constitutions en contestation de
l'ordre constitutionnel existant
A cet égard, voir M. Kamto, « Les
Conférences nationales ou la création révolutionnaire des
Constitutions », in D. Darbon et J. Du Bois de Gaudusson
(édition spéciale), la création du droit en
Afrique, Paris, Karthala, 1997, pp.177-196.
* 5 Voir République du
Sénégal, Constitution mise à jour en 1999
publiée par le Secrétariat Général du
Gouvernement.
* 6 FALL (I. M.), Evolution
constitutionnelle au Sénégal, Partie II Chapitre II pp96
* 7 Conseil Constitutionnel,
Décision n° 3/2000 du 9 novembre 2000 (avis).
* 8 Sur la question de la
transparence, les préoccupations du Constituant sénégalais
coïncident avec celles du droit communautaire qui s'exprime à
travers l'adoption de la Directive n°02/2000/CM/UEMOA du 20 juin 2000
portant adoption du Code de Transparence dans la Gestion des Finances publiques
au sein de l'UEMOA.
* 9 Voir le préambule de
la Constitution de 2001 : « approuve et adopte la
présente Constitution dont le préambule fait partie
intégrante ».
* 10 FALL (I. M.), opcit, pp
121.
* 11 Conseil Constitutionnel,
Décision n°1/C/2005 du 12 février 2005.
* 12 FALL (M. I.), opcit. pp.
138-139
* 13 Voir Le Soleil
des 12-13 janvier 1980. Cité par M. Gounelle, « Les effets
pervers du multipartisme constitutionnellement limité »,
Revue Penant 1981, pp. 44-52.
* 14 Extrait de l'article 3 de
la Constitution sénégalaise du22 janvier 2001.
* 15 C'est une idée
autrefois émise par le Président Senghor pour justifier la
suppression du principe de limitation du nombre de mandats
présidentiels.
* 16 Le Président du
groupe parlementaire socialiste entendait ainsi motiver, à travers cette
déclaration, la suppression du quart bloquant.
* 17 Loi constitutionnelle
n°83-55 du 1er mai 1983.
* 18 Loi n°98-43 du 10
octobre 1998 portant révision des articles 21 et 28 de la Constitution.
* 19 FALL (M. I.), opcit,
pp.144.
* 20 Auxquels elle consacre le
titre II
* 21 L'article 38 de la
Constitution précédente prévoyait que « le
Président de la République nomme à tous les emplois
civils » alors que l'article 44 de la nouvelle Constitution, qui
dispose « le Président de la République
nomme aux emplois civils », semble réduire le champ du
pouvoir présidentiel de nomination.
* 22 A ce propos, l'article 45
de la Constitution de 2001 reprend simplement la disposition de l'article 39 de
sa devancière qui prévoyait que « le
Président de la République est le garant de l'indépendance
nationale et de l'intégrité du territoire. Il est responsable de
la défense nationale. Il préside le Conseil supérieur de
la Défense nationale. Il est le chef suprême des
armées ; il nomme à tous les emplois militaires et dispose
de la force armée ».
* 23 S. M. SY,
« L'alternance politique au Sénégal »,
art. cit. pp.593.
* 24 Principe remis en cause
par la révision constitutionnelle de 1998
* 25 Ce qui, dans la majeure
partie des cas, se justifie par l'existence au niveau de l'Assemblée
nationale d'une majorité issue du parti au pouvoir.
* 26 Voir à ce propos
Conseil Constitutionnel, Décision n°2/C2003 du 29 Août
2003
* 27 Gicquel (J),
« Le présidentialisme négro-africain : l'exemple
du Cameroun », Mélanges Burdeau, Paris, LGDJ, 1977,
pp. 708.
* 28 FALL (I. M.),
« La loi de règlement dans le droit des finances publiques des
Etats membres de l'UEMOA : l'Exemple du Sénégal »,
Revue de la Faculté de Droit de Toulouse n°4, 2005, pp.
45-67.
* 29 Voir sur ce point le
Programme National de Bonne Gouvernance. http://www.pnbg.gouv.sn.
* 30 Article 102 de la
Constitution du 22 janvier 2001
* 31 Mise à part la
suppression de la mention expresse par le Constituant des catégories de
collectivité locale.
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