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Les frontières entre l'entente et L'abus de position dominante

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par Zakaria Sbaï
Université de Rouen - Master 2 R Droit international et Europeen 2006
  

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Université de Rouen

Faculté de Droit, de sciences économiques et de gestion

Année scolaire : 2005-2006

THEME :

Les frontières entre l'entente et l'abus

De position dominante

Mémoire de MASTER II. Droit international et Européen

Rédigé sous la direction de :

M. FREDERIC LEPLAT

Par

Zakaria Sbaï

Septembre 2006

Après la lecture des articles 81et 82 du Traité CE relatifs à l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles et la jurisprudence communautaire concernant l'abus de position dominante : cette position dominante est-elle subsidiaire à l'entente ? Où elle est autonome et complémentaire de l'entente ?

Le problème que l'on rencontre quand on s'intéresse à la notion de position dominante,c'est de distinguer clairement une entente d'une position dominante,cette difficulté participe à l'incompréhension de la position dominante.En effet, l'entente implique en elle-même une collusion et une possibilité de responsabilité «collective ». De plus, un aspect important de la position dominante est relatif à la collusion :

Les entreprises doivent adopter une même ligne d'action sur le marché, il est donc légitime d'imaginer que l'une des deux institutions ne serait qu'un cas particulier de l'autre.

Ainsi, l'article 81et 82 du TCE, énonce dans son premier alinéa « Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises, et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre, ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun »

D'abord, il est difficile de s'imaginer une position dominante qui soit collective sans l'analyser au travers l'article 81 du TCE.

Dans l'esprit de beaucoup, il est impossible d'aboutir à un comportement unitaire sue un marché sans passer par une concertation prohibée.

Toutefois, la CJCE est venue clarifier un peu cette situation dans son arrêt du 16 mars2000 « compagnie maritime belge de Transports » elle y affirme qu'il n'est pas indispensable que la position dominante soit la conséquence d'un accord ou de lien juridique entre les entreprises concernées. Par conséquent, on peut affirmer que s'il existe un lien entre la position dominante et l'entente, ce n'est pas un lien de subsidiarité.

En revanche, les articles 81 et 82 du TCE, peuvent qualifier de complémentaire dans la mesure où ils poursuivent l'un et l'autre un objectif général commun un termes duquel l'action de la commission « l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussé dans le marché commun » article 3 sous-section g du TCE.

Cette identité de fin fut soulignée par la CJCE dans son arrêt « Continentale Can » du 21 février1973, la proximité des deux articles n'est pas contestable.

Ainsi, une entente peut aboutir à conférer une position dominante à ses membres,qui se présentent alors, grâce à leur concertation comme une entité unique.Rien n'interdit l'article 82 du TCE à une telle entente , les deux incrimination peuvent donc s'emboîter .

En somme, quelles sont les frontières qui existent entre l'entente et l'abus de position dominante collective ou individuelle ? Est-ce que ces frontières sont logiques ? Et est-ce que la relation entre l'entente et l'abus de domination est contradictoire ou complémentaire ?

Première Partie : Champ d'application d'entente et d'abus de

Position dominante :

L'article 81CE § 1 déclare « incompatibles avec le marché commun et interdit » un certain nombre de pratiques d'entreprises dés lors qu'elles « sont susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres et (qu'elles) ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ».De ces deux conditions,seule le première concerne le compétence du droit communautaire ; sans incidence à cet égard, la seconde ne porte que sur la légalité de la restriction de concurrence. Des lors que le commerce intracommunautaire est affecté par le comportement des opérateurs économiques, la compétence du droit communautaire est établie ; mais en l'exerçant, les autorités et les juridictions chargées de son application devront vérifier que les pratiques en cause portent effectivement atteinte à la concurrence sur le territoire de l'Union : bien que relevant de l'ordre juridique communautaire, elles n'y seront déclarées illicites qu'à cette condition (1).

Fondée sur le principe de concurrence non faussée, mais sans préjudice des autres exigences de l'Union, la compétence des règles communautaires de concurrence s'apprécie d'un point de vue matériel, géographique, spatial et temporel.

· Champ d'application matériel : Le point le plus important concerne le champ d'application matériel. En effet, il n'y a plus un régime de droit commun- celui du régime 17/62- et des régimes spéciaux. Le règlement 1/2003 a une portée tout à fait générale et s'applique à tous les secteurs. L'intégration du secteur « charbon/acier » est indépendante de la réforme, puisqu'elle découle de l'expiration du traité CECA et est effective depuis le 23 juillet 2002. Mais le nouveau texte abroge le règlement 141 du 26 novembre 1962, qui déclarait le règlement 17/62 inapplicable au secteur des transports.

(1)-Richard BLASSELLE, Traité de Droit Européen de la concurrence, Tome I, page :

En conséquence, les divers « règlements transports », ont été modifiés ou, même pour les transports aériens, abrogé. En dehors d'une actualisation de certaines dispositions de droit substantiel, les règlement qui subsistent- transports terrestres et maritimes- ont surtout été vidés de leurs dispositions procédurales. Le système de notification facultative, que certains avaient voulu généraliser comme solution intermédiaire, disparaît, de même que les comités consultatifs particuliers. En revanche, puisqu'elles relèvent du fond, sont propres. Cet alignement est bienvenu et permettra d'éviter les discussions quelque peu stériles quant au champ d'application respectif des divers règlements apparus dans certains contentieux récents.

· Champ d'application géographique : Sur le plan géographique, les critères d'application des articles 81 et 82 CE, à savoir la localisation de l'effet anticoncurrentiel dans le marché commun et l'affectation du commerce entre Etats membres, ne sont pas modifiés puisqu'ils résultent du traité. L'extension territoriale est uniquement liée au processus d'élargissement et au passage de 15 à 25 Etats membres. Au demeurant, les accords d'association antérieurement conclus avec les Etats candidats contenant déjà des dispositions en matière de concurrence, qui reprennent les articles 81 et 82 CE, cette extension est surtout formelle et institutionnelle.

Un seul point posait problème : l'application des articles 82 et 82 CE aux transports

Aériens entre la communauté et les Etats tiers pour laquelle la commission ne pouvait

Pour des raisons historiques liées au domaine du règlement 3975/87/CEE agir sur la base de ce texte, ce qui l'obligeait à fonder son action sur l'article 85 CE. Ce vide vient d'être complété par l'adoption du règlement n° 411/2004 du conseil du 26 février 2004 qui modifie le règlement 1/2003.

La compétence de la commission n'a don plus d'autres limites géographiques que celles résultant du droit international.

· Champ d'application temporel : sur ce plan, le report de l'application du nouveau dispositif au 1er mai 2004 n'a pas uniquement une signification politique. Il était nécessaire, non seulement pour l'adoption des textes d'application, mais également pour la mise en place du nouveau réseau d'autorités nationales. A cela, s'ajoute le travail pédagogique indispensable, comme la formation des juges et des opérateurs...Les difficultés de droit transitoire sont en fait limitées, du moins pour les procédures menées par la commission. Les procédures de poursuites n'étant pas modifiées, il est naturellement prévu que les actes de procédure accomplis en application des textes actuels continuent à produire leurs effets .En revanche, conséquence de l'abandon du système d'autorisation préalable, les demandes d'attestation négative. Restait le sort des décisions d'exemption en cours. Il était prévu dans la proposition de règlement que les décisions cesseraient « d'être valide » à l'entrée en vigueur du nouveau texte. Cette disposition a été critiquée, au nom essentiellement de la sécurité juridique. Finalement, il a été décidé que les décisions d'exemption continueraient à produire leurs effets jusqu'à leur expiration (2).

(2)-Laurence IDOT, Droit communautaire de la concurrence, feduci, 2004, page : 8

La notion d'entreprise est au coeur du problème que pose la compétence personnelle du droit communautaire de la concurrence. Elle regroupe en effet l'ensemble des sujets de droit directement concernés par les textes pertinents des traités, notamment les articles 81 et 82 CE. Or les Etats membres n'en donnent pas tous la même définition, de sorte qu'il est nécessaire de le faire (I), Dans le cadre de la notion commune, ainsi dégagée,il conviendra,en second lieu, de définir les ententes ainsi la position dominante (II) .

I- le sujet d'entente et l'abus de position dominante :

Les règles relatives aux ententes, aux position dominante, visent en premier chef les entreprises, il convient donc de définir cette position (A). En revanche le droit communautaire peut trouver vacation à s'appliquer sur des personnes physiques lorsqu'elles exercent une activité économique (B). Toutefois, d'une part, on peut pas condamner une personne physique d'abus de position dominante sur le fondement de l'article 82 TCE, d'une part une condamnation possible d'entente en vertu de l'article 81 TCE.

A- Notion d'entreprise :

La notion d'entreprise permet de délimiter le champ d'application personnel des règles communautaires de la concurrence, qu'il s'agisse d'entente, de position dominante ou de concentration. Il convient donc de chercher une définition de la notion d'entreprise (a), puis d'analyser ses critères (b) à travers les indications fournies par la pratique décisionnelle et la jurisprudence communautaire.  

1-Absence d'une définition légale :

Le traité de Rome ne définit pas la notion d'entreprise, à laquelle pourtant il fait référence à diverses reprises.

Selon une jurisprudence aujourd'hui bien établie, « la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » (3), entité qui apparaît comme un opérateur indépendant sur le marché. Peu importe qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, d'une personne de droit public ou de droit privé, d'une personne poursuivant ou non un but lucratif ou d'un groupement ne disposant pas de la personnalité juridique. En effet, le critère retenu de l'entreprise n'est pas organique mais matériel. Aucune forme juridique n'exclut a priori la qualification d'entreprise l'essentiel étant le caractère économique de l'activité concernée.

2- Critères de l'entreprise :

L'activité économique est le premier critère de la notion d'entreprise (a). Néanmoins, il ne suffit pas toujours, il s'en ajoute un autre, celui de l'autonomie d'action d'entité sur le marché (b).

a- Une activité économique :

En principe (á) toute entreprise exerce une activité économique est soumise aux règles de la concurrence, toutefois ce principe connaît des limites (â).

á - le principe : Que faut-il entendre par « activité économique », il s'agit de toute activité durable qui consiste à produire, distribuer ou commercialiser à ses risques un bien ou un service sans qu'il y ait lieu de considérer la nature de l'activité, la nature du bien ou du service, ni la qualité ou le statut de l'entité qui exerce cette activité, la commission des CE, a posé en principe qu' « une activité de nature économique est une activité, à but lucratif ou non, qui implique des échanges économique » (4).

(3)- CJCE. 23 avr. 1991, Höfner et Elser : Rec.CJCE 1991, I, p.1979

(4)- Comm. CE, déc. Coupe du monde de football 1998, JOCE n°L15, 8janv.2000, p, 55

S'agissant les entreprises privées, le principe a été appliqué aux hypothèses les plus diverses, par exemple aux expéditeurs en douane (5), aux organisations sanitaires (6), aux architectes (7), et aux avocats,qui, exerçant une activité économique, sont regardés comme des entreprises au sens du droit de la concurrence « sans que la nature complexe et technique des services qu'ils fournissent et la circonstance que l'exercice de leur profession est réglementé soient de nature à modifier une telle conclusion » (8).

S'agissant des entreprises publiques, l'article 86 § 1 du Traité CE, confirme leur soumission aux règles de la concurrence. Ainsi les articles 82 et 86 du Traité CE s'imposent d'abord aux Etats membres. Comme l'admis la CJCE, « le Traité impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptible d'éliminer les effets utiles des articles 85 et 86 (actuels art.81 et 82) du Traité » (9).

L'article 86 (actuel art.82) du Traité CE, notamment, leur interdit « de mettre, par des mesures législatives, réglementaires ou administratives, les entreprises publiques dans une situation dans laquelle ces entreprises na pourraient pas se placer elles-mêmes par des comportements autonomes sans violer les dispositions de l'article 86(actuels art.82) du Traité CE (10).

(5)- TPI, 30 mars 2000, CNSD, Rec. CJCE 2000, II, p ,1807.

(6)- CJCE, 25 oct. 2001, C-475/99.

(7)- CJCE, 29 Nov. 2001, aff. C-221/99, Giuseppe conte.

(8)- CJCE, 19 févr. 2002, aff. C-309/99, Wouters et a.

(9)- CJCE, 18 juin 1991, Rec. CJCE, I, p.2925.

(10)- CJCE, 13 déc. 1991, Rec. CJCE, I, p.5941.

â- Les limites : elles sont au nombre de deux : même si l'entité exerce une activité économique, elle échappe à l'application de l'articles 81 et 82 du Traité CE, si cette activité comporte l'exercice de prérogatives de puissance publique, ou encore si l'entreprise exerce une fonction de nature exclusivement sociale.

· Les autorités communautaires peuvent examiner les différentes activités de l'entité concernée pour déterminer, si elles sont ou non de nature économique.

Ainsi un Etat, un organisme public ou une collectivité locale ne sont pas des entreprises au sens du droit de la concurrence lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publiques. Dans l'affaire ADP, Aéroports de paris faisait valoir, en défense, que ses activités relevaient de la qualification d'activité de police. En espèce, de tribunal de première instance a fait la distinction, au sein de ses activités, entre celles qui étaient purement administratives et celles qui étaient liées à la gestion et à l'exploitation des aéroports parisiens (11), cela pour conclure qu'ADP n'exerçait aucune activité de police et livrait à une activité économique.

· La seconde limite concerne l'exercice d'activité de nature exclusivement sociale. Dans l'affaire Poucet, la cour de justice a pu considérer que la « notion d'entreprise au sens des articles 85 et 86 du Traité (actuels art.81 et 82) ne vise pas les organismes chargés de la gestion de régime de sécurité sociale » (12). Pour parvenir à cette conclusion, le juge communautaire a souligné que l'objet de tels organismes n'est pas économique dans la mesure où ils assurent une fonction de caractère exclusivement sociale ; que leurs activité, fondée sur le principe de la solidarité sociale, est dépourvue de tout but lucratif et que les prestations versées sont des prestations légales, indépendantes du montant du cotisation.

(11)- TPI, 12 déc. 2000, Aéroports de paris : Rec. CJCE 2000, II, p. 3929.

(12)- CJCE, 17 févr. 1993, Rec. CJCE 1973, I, p.637.

En revanche, un organisme a but non lucratif, gérant un régime d'assurance vieillesse destiné à compléter le régime de base obligatoire, est une entreprise au sens du droit communautaire, l'absence de but lucratif ne changeant rein à l'analyse (13). Pour justifier la différence de solutions, le juge a relevé que telles caisses fonctionnent selon le principe de la capitalisation et que les prestations qu'elles versent dépendent du montant des cotisations et des résultats financiers des investissements qu'elles effectuent. Sans nier l'existence d'une certaine solidarité, se traduisant notamment par l'indépendance des cotisations par rapport au risque, la cour de justice a précisé que celle-ci est limitée, dans la mesure où l'affiliation à de tels régimes est facultative.

b- Autonomie de comportement sur le marché :

Pour que une entreprise soit condamnée en vertu de l'article 81 TCE, il faut qu'elle adopte un comportement autonome sur le marché pertinent. Par conséquent, la définition de cette autonomie produit des conséquences par rapport la frontière entre les disposition de l'article 81 et 82 du TCE, puisque on matière des ententes, on peut pas condamner une filiales ou un successoral quand ils appliques les directives de leurs société mère, tandis que, en matière d'abus de position dominante, on peut les condamnés dés lors qu'ils abusent de leur position sur le marché de référence.

La question s'est posée, à l'origine, à l'endroit des accords intra-groupe, et tant la pratique décisionnelle de la commission que la jurisprudence de la cour de justice ou le tribunal de première instance ont posé la condition supplémentaire, pour la qualification d'entreprise, l'autonomie de décision dont doit être investie l'entité concernée. C'est ainsi que la filiale entièrement contrôlée par la société mère ne saurait conclure, avec la société qui la domine, une entente anticoncurrentielle : on l'occurrence, il peut s'agir que d'une illustration de sa subordination. La même conclusion s'impose si l'on pose l'éclairage, non sur l'autonomie des volontés en présence, mais sur l'unité économique du groupe ou de pluralité des personnes juridiques impliquées dans le groupe ou dans l'ensemble des sociétés.

(13)- CJCE, 16 nov. 1995, Fédération Française des sociétés d'assurance

Et autres c/ commission : Rec. CJCE1995, I, p.4013.

Selon la CJCE, «  l'article 85(actuel art.81) du Traité Ce ne vise pas des accords ou pratiques concertées entre des entreprises appartenant au même groupe en tant que société mère et filiale, si les entreprises forment une entité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché et si ces accords ou pratiques ont pour but d'établir une répartition interne des tâches entre les entreprises » (14). Cependant, cette dernière condition (la répartition interne des tâches du groupe), a été abandonnée tant par le TPI que par la CJCE dans l'affaire VIHO (15), dans la mesure où le texte invoqué (art.81) prohibant des comportements collectifs, est inapplicable à une unité économique.

B- Les Agents commerciaux :

L'agent commercial est une personne physique, par conséquence, on ne peut pas imaginer une condamnation des agents commerciaux sur le fondement de l'abus de position dominante. Toutefois, une personne physique peut se voir sa responsabilité engagée en vertu de l'article 81 du TCE .En revanche, la question de la forme juridique ne se pose pas, l'opérateur est une personne physique ; cette qualité ne le met pas pour autant en dehors d'une poursuite fondée sur le droit communautaire de la concurrence. Si son activité est d'ordre économique, elle relève de la réglementation communautaire de la concurrence (16).

Ainsi, parmi les personnes physiques les représentants non salariés, par exemple les agents commerciaux (17) et les mandataires, sont des entreprises au regard du droit communautaire dés lors qu'ils se comportent de façon indépendante et assument un risque commercial.

(14)- CJCE, 31 oct. 1974, Centrafarm c/ sterling Drug: Rec. CJCE 1974, p.1147.

(15)- TPICE, 12 janv. 1995, Viho Europe BV c/ comm. Rec. CJCE 1995, II, p. 17.

(16)- Richard BLASSELLE, Traité de Droit Européen de la concurrence, Tome I, page : 29

(17)- Article L134-1 du code du commerce : «  L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières ».

De même le sont aussi les travailleurs indépendants et les membres des professions libérales, les détaillants, les artisans et les agriculteurs, l'artiste qui se produit en public ou le sportif indépendant, professionnel ou amateur ; l'essentiel est qu'ils exercent une activité économique indépendante. En revanche, les personnes qui exercent une activité salariée n'auront pas la qualité d'entreprise, l lien de subordination juridique excluant a priori leur indépendance.

II- La difficulté d'élaborer une définition d'entente et d'abus de domination :

Soucieuses d'atténuer, sinon de supprimer, les charges qui découlent pour elles de la concurrence, les entreprises tendent à établir entre elles ; en fait ou en droit, des relation qui peuvent entraver le commerce entre les Etats membres et fausser l'équilibre concurrentiel nécessaire à la réalisation d'un marché unique compatible avec les exigences de l'ordre public économique communautaire, il est, donc, nécessaire de définir l'entente (A), puis de chercher une délimitation de la notion de position dominante (B) .

A- Définition de l'entente anticoncurrentielle :

L'article 81 du CE, §1 dispose : « Sont incompatible avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun... »

Etant donné que l'entente est définie comme un concours de volonté entre entreprises suffisamment indépendantes, les unes par rapport aux autres pour pouvoir décider de manière autonome de leur comportements sur le marché, il convient donc de commencer par examiner les significations respectives des notions d'accord entre entreprise (1), de décision d'association d'entreprises (2), et de pratiques concertées (3).

1- Accords :

Le tribunal de première instance a repris la jurisprudence antérieure de la cour qui définit ainsi la notion d'accord au sens de l'article 81, paragraphe 1 : « il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée » (18).

Quant à la pratiques administrative de la commission, elle est fondée sur un motif plus complet : un « accord » au sens de l'article 81 peut exister dés lors que les parties s'entendent sur un plan qui limite, ou est de nature à limiter, leur liberté commerciale en déterminant les lignes de leur action ou de leur abstention réciproque sur le marché. Aucune procédure d'exécution telle que pourrait en prévoir un contrat civil n'est requise. Il n'est pas nécessaire non plus qu'un tel accord soit établi par écrit (19).

2- Décision d'association d'entreprises :

L'article 81, paragraphe 1, ne restreint pas la liberté d'association. Il n'interdit pas les associations d'entreprises ni les décisions qu'elles sont susceptibles de prendre.

(18)- TPICE, 24 oct. 1991, Petrofina, att. N° 211, préc. n° 31.

(19)- comm. CE Déc. 21 déc. 1988, PEBD, att. N° 37 : JOCE 17 mars 1989, n° L74/21.

Selon la jurisprudence de la cour, ce texte s'applique exclusivement « aux associations d'entreprises dans la mesure où leur activité propre ou celle des entreprises qui y adhérent tend à produire les effets que vise à réprimer » (20).

Relèvent de cette catégorie juridique aussi bien les statuts que les règlements généraux, ainsi que les décisions prises par les assemblées générales.

Il ne suffit pas, en outre, d'utiliser le terme de recommandation pour dénommer un document qui émane d'une association pour échapper à l'interdiction de l'article 81 du CE.

La frontière entre la décision d'association d'entreprises et les accords demeure imprécise. Dans certains cas, la cour de justice ainsi que la commission se contente d'une analyse sommaire et constatent une combinaison d'accords et de décisions qu'elles ne s'attachent pas à distinguer (21).

3- Pratiques concertées :

La commission ne s'attache pas de façon systématique à tracer la frontière entre les trois formes de coopération énumérées par l'article 81 du CE. C'est pourquoi, en l'absence d'objections précises formulées par les entreprises en cause, elle pourra se contenter d'admettre l'existence d'un contrat ou de pratiques concertées.

Les pratiques concertées ne peuvent être assimilées à un contrat dont les autorités communautaires n'auraient pu obtenir la preuve directe. S'inspirant d'une jurisprudence bien établie de la cour de justice, la commission considère qu'en « développant une notion de pratique concertée distincte, le Traité vise à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 81, paragraphe1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord... » (22).

(20)- CJCE, 8 nov. 1983, Navewa Anseau, préc.n° 21.

(21)- CJCE, 30 janv. 1985, BNIA, Rec. CJCE, p. 391.

(22)- Comm. CE, 7 déc. 1988, Verre plat : JOCE 4 févr. 1989, n° L34/44.

Cette jurisprudence de la cour de justice trouve son origine dans un arrêt prononcé dans l'affaire des matières colorantes, CJCE, 14 juillet 1972 « Attendu que si l'article 81 distingue la notion de pratique concertée de celle de l'accord entre entreprises ou de décision d'association d'entreprises c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme de coopération entre entreprise qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de concurrence ;que, par sa nature même, la pratique concertée ne réunit donc pas tous les éléments d'un accord, mais peut notamment résulter d'une coordination qui s'extériorise par le comportement des participants ».

La cour de justice et la commission ont eu l'occasion de distinguer une pratique concertée et un simple accord verbal, ou un accord conclu sans avoir été appliqué. La pratique concertée peut, Néanmoins, correspondre au prolongement d'un contrat. Tel est le cas lorsque le comportement commun des parties en cause excède les limites de l'accord initialement conclu.

Tel est le cas, également, de l'entente prolongée, les participants à l'entente ne nient pas l'existence de celle-ci, mais ils affirment avoir résilié le contrat initial et avoir retrouvé leur entière autonomie. La cour de justice a posé, sur ce point précis, le principe selon lequel s'agissant « d'entente qui ont cessé d'être en vigueur, il suffit pour que l'article 81 soit applicable, qu'elles fournissent leurs effets au-delà de la cessation formelle de leur application, qu'une entente n'est réputée poursuivre ses effets que si le comportement laisse implicitement ressortir l'existence des éléments de concentration et ce coordination propres à l'entente et aboutir au même résultat que celui visé par l'entente » (23).

(23)-CJCE, 18 juin 1981, Salonia, Rec. CJCE, p. 1563.

Le contenu exact de la notion de pratique concertée est présenté de façon extrêmement minutieuse dans une décision de tribunal de première instance du CE, datée du 24 oct. 1991, Petrofina « En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la cour dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du Traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influence le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même, sur le marché » (24).

B- la notion de position dominante:

La première condition d'application de l'article 82 du Traité CE est la détention d'une position dominante. Or le texte n'en donne aucune définition, pas plus qu'il ne définit l'entreprise ou l'abus dont elle pourrait se rendre coupable.

(24)- TPICE, 24 oct. 1991, Petrofina, att. n° 223, préc. n° 31.

Il appartenait donc aux autorités communautaires de pallier à cette déficience en explicitant la notion de position dominante à partir de l'objet de l'article 82. Qu'il s'agisse de la commission ou de la cour de justice des CE, toutes deux s'accordent sur le contenu à donner à cette notion. La détention d'une position dominante est considérée comme établie lorsque l'entreprise concernée dispose du pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective dans la marché commun, ce pouvoir se traduisant par un comportement indépendant de l'entreprise en cause.

1- Comportement indépendant sur le marché :

· Définition de la CJCE : Dés l'arrêt Continental Can du 21 février 1973, le cour de justice a pris position en ce sens, et elle a réitéré sa position dans l'arrêt United Brands en rappelant que «  la position dominante visée par cet article concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateur » (25).

(25)- CJCE, 14 févr. 1978, United Brands, Rec. CJCE 1978, p.207.

Plus nettement encore, la cour ajoutera ultérieurement à cette définition la précision que « pareille position, à la différence d'une situation de monopole ou de quasi-monopole, n'exclut pas l'existence d'une certaine concurrence, mais met la firme qui bénéficie en mesure, sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans avoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice, qu'une position dominante doit également être distinguée des parallélisme de comportements propres aux situations d'oligopoles, en ce sens que, dans un oligopole, les comportements s'influencent réciproquement tandis qu'en cas de position dominante le comportement de l'entreprise qui bénéficie de cette position est, dans une large mesure, déterminé unilatéralement » (26).

· Définition de la commission : quant à la commission des CE, elle précédait la cour de justice dans l'affaire Continental Can, en apportant cette précision qu'il y a position dominante lorsque les entreprises ont une possibilité de comportement indépendant qui les met en mesure d'agir sans tenir notablement compte des concurrents ».

(26)-CJCE, 13 févr. 1979, Hoffmann-La Roche, Rec. CJCE1979, p.461.

· De même, dans l'affaire Hoffmann La Roche de 1976, elle a réitéré sa position en posant que Roche dispose d'un degré d'indépendance globale de comportement qui les met en mesure de faire obstacle à une concurrence effective à l'intérieur du marché commun, lui conférant une position dominante. La même conception sera ultérieurement reprise dans la plupart de ses décisions.

2- Soustraction à la concurrence :

C'est parce qu'elle détient le pouvoir de faire à une concurrence effective que l'entreprise en situation de domination échappe à la pression concurrentielle qui pèse normalement sur les entreprises. Tel est le cas, notamment, des marchés oligopolistiques où ne se côtoient, par définition, que peu d'entreprises, chacune se trouvant dans un rapport d'interdépendance par référence aux autres. De ce fait, aucune d'entre elles, en principe, n'est en mesure de déterminer son comportement sur le marché sans tenir compte des réactions probables des autres entreprises. A l'inverse, et précisément parce qu'elle possède ce pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective, l'entreprise en position dominante peut agir pour grande part de manière indépendante sans avoir besoin de tenir compte des autres intervenants sur le même marché.

En somme, le pouvoir caractéristique de la situation visée à l'article 82 du Traité CE se ramène, dans son aspect actif, à une possibilité de comportements indépendants de l'entreprise sur un certain marché, jointe à une certaine neutralisation des concurrents. Quant à son aspect passif, il se traduit par sa soustraction l'influence des autres opérateurs économiques présents sur le marché concerné.

Enfin, pour conclure, on constate une similitude des critères de l'entente el d'abus de position dominante, surtout au niveau de comportement autonome sur la marché, ainsi une soustraction à la concurrence.

Deuxième partie :

Les frontières entre l'entente et l'abus de position dominante

Par rapport Leurs effets anticoncurrentiels :

L'article 81 du Traité CE, dispose qu' « Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun... », Tandis que l'article 81 du Traité CE stipule à l'alinéa 1 qu' « Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci... ».

L'interdiction des ententes et celle des pratiques abusives dans l'exploitation d'une position dominante ont toutes deux pour objectif de maintenir l'existence d'une concurrence effective dans le marché commun. Elles sont en outre complémentaires, puisqu'à la prohibition de l'article 81 CE relative à la coopération restrictive de concurrence entre entreprises, l'article 82 CE ajoute celle des pratiques unilatérales d'une ou plusieurs entreprises. Cette complémentarité est d'ailleurs renforcée d'une part par le fait que les deux dispositions peuvent être invoquées de concert, parallèlement, dés lors que la situation litigieuse remplit les conditions d'application propres à chacune d'elles. Elle l'est aussi d'autre part dans la mesure où la quasi concordance des exemples prohibés par les deux textes rend inconcevable l'exemption d'une entente lorsqu'elle est susceptible de donner à ses membres la possibilité d'abuser d'une position dominante, voir même seulement de la conquérir ou de la renforcer (27).

(27)-Rapport de la commission sur « l'application des article 81CE et 83CE par les juridictions nationales des Etats membres », p.92

L'ensemble de la problématique est traité dans cette partie en trois temps ; le premier expose le principe relatif d'interdiction des ententes, le second celle d'appréciation de la position dominante, et le troisième examine les rapports entre les articles 81CE et 82CE

I- Le principe relatif d'interdiction des ententes :

Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à:

a)

 

fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction;

b)

 

limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements;

c)

 

répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement;

d)

 

appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence;

e)

 

subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

2.   Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.

3.   Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:

-

 

à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

-

 

à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises,

et

-

 

à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

Qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:

a)

 

imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

b)

 

donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

Ce texte constitue à l'évidence, un ensemble fort complexe dont la mise en oeuvre s'est révélée délicate. Ainsi que la cour de la justice l'a constaté, « la rédaction de l'article 81 du Traité est caractérisé par la formulation d'une règle d'interdiction, et ses effets (A), tempérée par l'exercice d'un pouvoir de dérogation à cette règle (B) » (28).

A- Entraves concertées à la concurrence :

La concurrence, à laquelle se référent aussi bien l'article 3, point g, que l'article 81 du Traité CE implique que toute entreprises détermine et exécute sa propre stratégie de manière autonome. Il en résulte que toute concertation entre entreprises risque d'apparaître comme une anomalie, alors même que les concurrents ne peuvent jamais totalement s'ignorer. Ces exigences ont été clairement formulées par la cour de justice par un motif qui dépasse les limites de l'espèce, « S'il est loisible à tout producteur de modifier librement ses prix et de le tenir compte à cet effet du comportement actuel ou prévisible de ses concurrents, il est, en revanche, contraire aux règles de concurrence du Traité qu'un producteur coopère avec ses concurrent, de quelque manière que ce soit, pour déterminer une ligne d'action coordonnée relative à une hausse de prix, et pour en assurer la réussite par l'élimination préalable de toute incertitude quant au comportement réciproque relatif aux éléments essentiels de cette action, tels que taux, objet, date et lieu des hausses » (29). Il convient donc de déterminer, d'abord, quelles entraves à la concurrence sont interdites par l'article 81, paragraphe1 (1), puis les évaluées (2).

(28)-CJCE, 9 juill.1969, Portelange, Rec. CJCE, p.309

(29)-CJCE, 14 juill.1972, Matières colorantes, Rec. CJCE, p.851

1- Détermination de l'entrave :

Dans la mesure où les agissements anticoncurrentiels font encourir des sanctions à leurs auteurs, ceux-ci ne cherchent pas délibérément à les mettre en valeur. Aussi convient-il d'abord d'identifier les éventuelles restrictions contractuelles de concurrence (a), puis de déterminer leur localisation exacte (b).

a- Identification de l'entrave :

L'article 81, paragraphe1, du Traité vise uniquement les accords, décisions d'association d'entreprises ou pratiques concertées qui « ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence ». En vue de unifier les interprétations dues à la diversité des versions linguistiques du Traité, la cour de justice adopte une interprétation unique depuis son arrêt du 17 juillet 1997, Ferrière Nord (30). Cette condition, énoncée par l'article précité, est de caractère alternatif. Il importe donc de considérer successivement les notions d'objet puis d'effet restrictif (á), puis de présenter les différents types d'entraves visées par ce texte (â).

á - objet et effet anticoncurrentiel :

L'objet d'un accord, au sens de l'article 81 du Traité, se détermine à partir des termes adoptés par les cocontractants et leur éventuelle interprétation ainsi que les conséquences vraisemblables de leur application. L'objet résulte souvent de la combinaison de plusieurs clauses d'un même contrat. Ainsi, « par sa nature même, une clause d'interdiction d'exportation constitue une restriction de concurrence qu'elle soit adoptée à l'initiative du fournisseur ou du client, l'objectif sur lequel sont tombés d'accord les contractants est d'isoler une partie du marché » (31).

(30)-CJCE, 17 juill.1995, Ferrière Nord, Rec. CJCE, p.4411

(31)-TPICE, 14 juill1994, Parker, II, p. 549

Concernant la fixation directe des prix ou des condition de vente, il s'agit de toutes les restrictions apportées à l'autonomie dont dispose l'entreprise pour fixer elle-même ses prix et ses conditions de vente. Tel est le cas d'un système de réunions périodiques et la collusion permanente des producteurs qui tend à réguler les tonnages vendus et à faire monter les prix (32). S'agissant de l'effet restrictif du comportement délictueux devra, cependant être évalué lorsqu'il s'agira d'apprécier la gravité de l'infraction en vue de fixer éventuellement le montant de la sanction encourue (33). En revanche, le fait que la clause ou l'accord restrictif par son objet n'ait pas été appliqué, ou ne l'ait pas été que partiellement, ne fait pas disparaître l'infraction de l'article 81 TCE (34), l'effet restrictif de concurrence d'une clause ou d'un accord se produit dans un contexte économique et juridique donné. La restriction peut résulter d'une simple clause ou de la conjonction de diverses clauses. L'échange des informations entre entreprises sur un marché dont l'offre présent un caractère atomisé ne constitue pas en principe une entrave interdite par l'article 81, alors que la même pratique commise dans un marché oligopolistique est vraisemblablement délictueuse (35).

â - Différents types d'ententes :

La distinction classique est établie entre les accords verticaux et les accords horizontaux. Son utilité est certaine car leurs effets sont bien différents, si les premiers sont souvent tenus pour plus dangereux que les seconds, tous sont susceptible de tomber dans le champ d'application de l'article 81, paragraphe1. De plus, les accords verticaux peuvent provoquer à la fois des entraves verticales et des entraves horizontales. Tel est le cas du système de distribution, établi par un producteur de balles de tennis qui instaure une protection territoriale absolue (36).

(32)-Comm. 27 juill.1994, JOCE, n° L239/4

(33)-CJCE, 39 janv. 1985, BNIC, Rec. CJCE, p.391

(34)-Comm. 30 Oct.1996, Compagnies de Ferries, JOCE, n° L26/24

(35)-TPICE, 27 Oct. 1994, Fiatagri, att. n° 132

(36)-Comm. 21 Déc. 1994, Tretorn, JOCE, n° 378/45

L'examen d'une coalition au titre de l'article 81, paragraphe1, exige que les diverses entraves à la concurrence soient rigoureusement distinguées les unes des autres, l'entente produit une restriction horizontale lorsqu'elle limite l'initiative économique entre ses membres qui sont situés au même stade du processus économique (37), tandis que l'entente verticale réduit des coalisé qui exercent leur activités à différents échelons du marché (38).

S'agissant les entraves internes et les entraves externes, la coopération produit une entrave interne qui se manifeste par une réduction de la compétition entre les ententes qui y participent , l'entente peut laisser subsister une concurrence potentielle entre ses membres qui ne peut être impunément restreinte (39).

b- Localisation de l'entrave :

Par une communication du 9 décembre 1997, la commission vient de présenter la synthèse de la jurisprudence et la pratique administrative relative à la définition du marché en cause

Il s'agit « d'identifier et de définir le périmètre à l'intérieur duquel s'exerce la concurrence entre entreprises » (40).le marché de référence résulte d'une segmentation de caractère économique, géographique et parfois juridique.

á - Délimitation économique du marché en cause :

Selon la communication, précitée, du 9 décembre 1997 le marché « comprend tous les produits et services que le consommateur considère comme interchangeable ou substituable en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés », la délimitation économique du marché s'effectue essentiellement en fonction de la substituabilité de la demande. Il s'agit de déterminer l'éventail des produits ou services considérés comme substituable par le consommateur.

(37)-Comm. 27 juill. 1994 : JOCE, n° L 239/23

(38)-Comm. 24juill. 1992, Givenchy, JOCE, n° L 236/11

(39)-Comm. 13 juill. 1983, Rochwell-Iveco, n° 13, JOCE, n° L 224

(40)-JOCE, 9 Déc. 1997, n° C- 372/5

Le degré de l'interchangeabilité ne présente qu'un caractère relatif : il peut en effet s'accroître ou diminuer au point de disparaître lorsque le prix des produits ou des services se modifie (41), La substituabilité de l'offre peut aussi constituer un critère de délimitation du marché de référence, « lorsque les fournisseurs réorienter leur production vers les produits en cause et les commercialiser à court terme sans encourir aucun coût ni risque supplémentaire » (42).

Pour les produits et services qui rentrent dans le champ d'application du Traité CE, les éventuelles exceptions au principe de la concurrence non faussée doivent être formulées explicitement. La cour de justice a ainsi précisé que « lorsque le Traité a entendu soustraire certaines activités à l'application des règles, de concurrence, il a prévu une dérogation expresse à cet effet » (43).

â - Délimitation géographique du marché en cause :

Cet marché, d'après la communication du 9 décembre 1997, « comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre de biens ou de services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable »

L'intérêt de la segmentation géographique porte essentiellement sur la répartition des parts de marché détenues par les membres de l'entente et par leurs concurrents ainsi que le niveau des prix.Le marché géographique de référence peut se limiter à un ou plusieurs marchés nationaux lorsque leur originalité respective exige de les considérer de façon distincte (44), le marché de référence peut également correspondre à l'ensemble du territoire communautaire. Exceptionnellement, la commission élude la délimitation précise du marché géographique (45).

(41)-CJCE, 21 juill. 1981, Hasselblad, Rec.CJCE, p. 883

(42)-Communi. 9 Déc. 1997. précitée

(43)-CJCE, 27 Janv. 1987, Assuranco.Incendio, Rec. CJCE, p. 405

(44)-Comm. 5 juin 1996, Fenex : JOCE, 20 juill. 1996, n° L 181/28

(45)-Comm. 18 déc. 1996, Iridium : JOCE, 18 janv. 1997, n° L 16/87

è - Délimitation juridique :

La législation nationale de chaque Etat membre peut constituer une contrainte plus ou moins importante sur certains marchés (46), sachant que la réglementation communautaire et son évolution actuelle et prévisible contribue à délimiter certains marchés. En revanche l'utilisation de certains contrats peut également modifier les conditions de concurrence sur un marché donné.

2- Evaluation de l'entrave :

L'évaluation de l'entrave apportée à la concurrence par la coopération litigieuse s'effectue en fonction de certain nombre de critères (a), qui doivent être examinés par référence au marché en cause (b).

a- Critères d'évaluation de l'entrave à la concurrence :

La cour de justice a ainsi présenté les critères à partir desquels s'apprécie la nocivité d'une coopération entre ententes « Pour apprécier (...) si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altération du jeu de la concurrence qui en sont l'objet ou l'effet, il y a lieu d'examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux. A cet effet, il y a lieu de prendre en considération notamment la nature et la quantité limitée ou non de produits faisant l'objet de l'accord, la position et l'importance des parties sur le marché des produits concernés, la caractère isolé de l'accord litigieux ou, au contraire, la place de celui-ci dans un ensemble d'accord » (47).

L'évaluation de la coopération s'effectue donc par référence au marché en cause, dont les caractéristiques serviront de critères objectifs d'appréciation.

(46)-CJCE, 29 Oct. 1980, Fedetab, JOCE, n° L209/78

(47)- CJCE, 11 Déc. 1981, L'Oréal, Rec. CJCE, n° 19

b- Caractéristiques essentielles sur marché de référence :

La forme du marché constitue le premier élément auquel se réfère la commission. Il n'est pas inutile, en effet, de déterminer si le marché se présente sous la forme d'un oligopole plus ou moins étroit (48), l'importance des investissements, le degré de l'intégration verticale, la diversification des implantations géographiques constituent d'autres indices.

Les parts du marché détenues par les membres de l'entente et par leurs concurrents sur le marché de référence seront également pris en considération. En revanche, le stade de l'évolution du marché constitue une autre caractéristique essentielle. Il est en effet important de déterminer s'il s'agit d'un marché nouveau dont l'entrée exige des investissements importants qui peuvent se justifier par des perspectives substantielles de développement ou sur un marché déjà constitué en cours d'expansion (49).

II- L'exception au principe d'interdiction de l'entente :

Après avoir déclaré nulle de plein droit, par le paragraphe2, la concertation entre ententes visées par le paragraphe1, l'article 81 ajoute dans son paragraphe 3 que :

 Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:

-

 

à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

-

 

à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises,

et

-

 

à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

Qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:

(48)-Comm. 18 Mai 1994, Exon c/ Shell : JOCE, n°51

(49)-Comm. 13 juill.1994, Carton : JOCE, n°31

a)

 

imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

b)

 

donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

Pour que l'exemption individuelle d'une entente puisse être prononcée par la commission, deux conditions relatives à son efficacité doivent être réunies. La commission rappelle, en effet, qu'on ne saurait « parler d'une contribution au progrès économique au sens de l'article 81, paragraphe3, du Traité que dans le cas où exceptionnellement, la concurrence ne permet pas d'aboutir au résultat économique le plus favorable » (50), la coopération entre ententes doit produire un avantage suffisant (A), qui sera équitablement réparti (B).

A- Avantage suffisant :

L'entente ne peut être exemptée au titre de l'article81, paragraphe3, du Traité que si elle présente une utilité nette. Les inconvénients qu'elle provoque inévitablement doivent, au moins, être compensés par les avantages qu'elle doit procurer. Tant qu'un écart positif entre les inconvénients provoquer par l'entente et son éventuelle utilité économique n'a pas été établie, l'examen des autres conditions énoncées par l'article 81, paragraphe3, demeure inutile. Il convient donc d'établir, d'abord, que l'amélioration apportée par les membres de l'entente est inaccessible par le jeu de la concurrence tel qu'il se manifeste sur le marché de référence. L'entente examinée doit être susceptible de réaliser un tel avantage (1), et de compenser les inconvénients qu'elle produit (2)

1- Avantages accessibles par l'entente :

En vertu de l'article 81, paragraphe3, pour que l'entente soit exemptée, elle doit permettre d'obtenir des avantages substantiels qui contribuent à un meilleur fonctionnement du marché (a), ou à l'assainissement de celui-ci (b).

(50)-Comm. 15 Déc. 1975, Bayer c/ Gist-Brocades: JOCE, n° L 30/13

a- Meilleur fonctionnement du marché :

L'article 81, paragraphe3, exige de façon explicite que la coopération entre ententes contribue à l'amélioration de la production ou de la distribution des produits, à la promotion du progrès technique ou économique. Des effets, bénéfiques doivent être obtenus, qu'il s'agisse de produits ou de services.

S'agissant le marché des produits, l'entente peut d'abord aboutir à une amélioration de la production par différents moyens, tels qu'une localisation plus opportune de l'outil de production (51), ou une meilleur utilisation des capacités de production (52), ou un accroissement de la productivité par un allongement des séries (53).

Sur le marché des services, la coopération entre ententes peut également permettre d'accéder à des avantages non négligeables. Le meilleur fonctionnement du marché imputable à une entente est lié aux caractéristiques propres de celui-ci. Dans le service régulier des transports maritimes, le prix risque d'être une donnée particulièrement volatile. En conséquence, l'entente peut, sous certaines conditions, apporter une stabilité économique justifiée, si la stabilité des prix permet l'organisation de services «  réguliers, fiables, suffisants t efficaces » (54). Tel n'est pas le cas lorsque la stabilité des prix constitue en réalité une simple garantie protégeant tous les membres de l'entente, y compris les moins efficaces, l'accord peut également porter sur le gel des capacités excédentaires. Encore convient-il que cette entrave soit indispensable pour améliorer la qualité des services offerts aux changeurs et que la rationalisation recherchée conduise à une diminution globale des coûts.

b- Assainissement du marché :

La coopération entre ententes peut également être utilisée en vue de l'assainissement d'un marché en favorisant les restructurations et les diminutions de capacité.

(51)-Comm. 23 Mars 1990, Mooshead Whiterbread: JOCE, n° L376/1

(52)-Comm. 12 Févr. 1984, Carlsberg: JOCE, n°L207/26

(53)-Comm. 5 Déc. 1983, Vw-Man: JOCE, n° L376/11

(54)-Comm. 19 Oct. 1994, TAA: JOCE, n°L376/2

Selon la commission, « Dans une économie de marché, il revient en premier lieu aux entreprises d'apprécier individuellement à quel moment leurs surcapacités deviennent économiquement insupportables et de prendre les mesures nécessaires à leur réduction. Cependant à l'intérieur d'un secteur déterminé en situation de crise, les circonstances économiques ne garantissent pas nécessairement la réduction des capacités excédentaires les moins rentables » (55).

2- Avantages imputés à l'entente :

L'utilité effective de chaque entente doit être fondée sur des données prouvées (a), dont la portée exacte est évaluée par la commission (b).

a- Preuve de l'avantage imputé à l'entente :

Il incombe aux parties à l'ententes de prouver l'existence d'avantages substantiels qui sont « directement et strictement imputables à l'entente » (56). Les avantages invoqués par les coalisés pour justifier l'entente sont nécessairement contrebalancés par des inconvénients qui ont été déjà examinés au titre de l'article 81, paragraphe1, du Traité CE. La preuve de ceux-ci est à la charge de la commission. Ainsi dans la décision Van den Bergh, la commission a admis que « s'il est incontestable que la méthode de distribution actuellement utilisée par HB peut lui offrir certains avantages en termes d'efficacité, à elle ainsi qu'à ses détaillants, il faut souligner que les accords d'exclusivité portent aussi atteinte à l'efficience des autres fournisseurs de glace... » (57), la commission, quant à elle, n'est pas tenue de proposer

D'autres solutions ou d'indiquer ce qu'elle considérerait comme susceptible de justifier l'octroi d'une exemption (58).

(56)-TPICE, 27 Févr. 1992, Vichy, Rec. CJCE, II, p.415

(57)-Comm. 11 Mars 1998, Van Den Bergh Foods: JOCE, n° 15

(58)-TPICE, 21 Févr. 1995, SPO, aff. T-29/96

b- Evaluation de l'avantage imputé à l'entente :

La commission exerce son pouvoir d'appréciation sous le contrôle du tribunal de première instance et de la cour de justice. Selon une jurisprudence constante de la cour, l'octroi ou le refus d'une exemption individuelle au titre de l'article 81, paragraphe3, « comporte nécessairement des appréciations complexes en matière économique qui incombent, à titre exclusif, à la commission (59). Il s'agit, dans chaque espèce, de vérifier si les inconvénients produits par l'entente sont contrebalancés par les avantages qui lui sont imputables. L'ampleur de ces derniers sera d'autant plus considérable qu'ils contribueront à réaliser les objectifs déterminés par la commission, parmi lesquels figure la mise en oeuvre de la politique de concurrence. Ainsi, à propos d'une entente dans le secteur bancaire, la commission a admis que « la coopération répondra (...) à l'objectif de la commission de faire en sorte que les services offerts par le systèmes de paiement transfrontaliers soient améliorés » (60).

B- Avantage réparti :

L'article 81, paragraphe1, précise que l'exemption individuelle ne peut être accordée par la commission que si l'entente est effectivement utile, «  tout en réservant aux utilisateurs une part équitable du profit qui en résulte ». La cour de justice a immédiatement précisée, au sujet de l'efficacité de l'entente, « que cette amélioration ne saurait être identifiée a tous les avantages que les partenaires retirent de l'accord quant à leur activité de production ou de distribution » (61).

Il importe, en effet, de ne pas confondre «le souci des intérêts spécifiques des partenaires avec les améliorations objectives visées par le Traité ». La commission a pour mission « d'apprécier aussi objectivement que possible le projet qui lui est soumis, en faisant abstraction de toute appréciation de l'opportunité de ce projet, par référence à d'autres choix techniques possibles ou économiquement variables » (62).

(59)-CJCE, 28 Févr. 1991, Delimitis: Rec. CJCE, I, p.977

(60)-Comm. 24 juin 1996, BNP c/ Dresdner Bank, n°18: JOCE, n° L188/37

(61)-CJCE, 13 juill. 1966, Grunding: Rec. CJCE, n°10

(62)-TPICE, 15 juill. 1994, Matra Hachette SA : JOCE, n°15

III- L'appréciation de situation de domination :

L'infraction contenue à l'article 82 du Traité CE est révélatrice de la volonté de ses rédacteurs de tenir compte des rigidités qui tiennent à structure des marchés. Ce n'est en effet pas la seule la situation de domination qui est interdit. La constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée. La domination est en elle-même licite, au regard de l'article 82, même si elle ne laisse subsister qu'une concurrence affaiblie ou résiduelle (63).

L'article 82 sanctionne uniquement l'exploitation « abusive » de la position dominante, par rapport à l'interdiction des ententes, celle qui vise les positions dominantes suppose des appréciations plus « factuelle » et plus « économique ». La notion de « domination » sur un « marché », se prêtent à l'évidence à des discutions des lesquelles le raisonnement purement juridique passe quelquefois au second plan.

S'agissant, les rapports entre les articles 81 et 82 du Traité CE, on constate qu'il résulte de cette dualité, une dualité d'infraction. Une pratique d'entreprises qui a bénéficié d'une exemption individuelle ou catégorielle peut fort bien être poursuivie et condamnée sur le fondement de l'article 82 TCE. A l'inverse, et même si cet article vise des comportements unilatéraux, il peut arriver qu'une entreprise dominante induise aussi une entente restrictive, ou y participe.

En revanche, et contrairement à l'article 81 CE, l'article 82CE ne prévoit aucune exemption individuelle ou catégorielle. L'architecteur du texte est ici plus simple. Il est vrai que la notion même d' « abus » est antinomique à toute idée de contribution au progrès économique. Cela étant, le principe d'appréciation in concreto, que l'on trouve ici aussi, permet de considérer dans certains cas que ne sont pas abusifs des comportements qui répondraient à certains objectifs légitimes, alors qu'ils le sauraient dans un autre contexte (64). Il convient donc dans un premier temps de déterminer les critères de la position dominante (A), puis on procédera à une analyse de marché de référence (B).

(63)-Christian Gavalda, Gilbert Parleani, Droit des affaires de U.E, Litec, p.317

(64)- Christian Gavalda, Gilbert Parleani, Droit des affaires de U.E, Litec, p.318

A- Critères de la position dominante :

L'indépendance de comportement, caractéristique fondamentale de la position dominante ; procède d'une situation de force de l'entreprise, cette situation dérivant elle-même de la conjonction ou de la réunion de différents facteurs qui chacun pris isolément, ne sauraient pas nécessairement déterminants. C'est de leur combinaison que l'on peut inférer la position dominante de l'entreprise sur un certain marché. La position dominante suppose que l'entreprise concernée se trouve dans une situation de puissance économique, ce qui revient à dire qu'elle bénéficie d'un pouvoir de marché tel qu'il lui permet de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause et de rester indifférent aux réactions des autres agents économiques.

En revanche, dans des situations dépourvues d'ambiguïté, la part de marché détenu par l'entreprise peut constituer un facteur prépondérant, très souvent retenu, seul, par les autorités de contrôle. Selon la cour de justice, « l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative » (aff. Hoffmann-La Roche préc.). Ainsi des parts très importantes, aboutissant à une situation de monopole sur un marché, constituent par elles-mêmes, en principe, la preuve de l'existence d'une position dominante.

Les autorités communautaires se satisferont alors de cette seule constatation pour conclure à l'existence d'une position dominante.

B- Délimitation du marché de référence :

La notion de marché n'est pas différente selon qu'on applique l'article 81 ou l'article 82 du TCE. La communication de la commission du 9 décembre 1997 sur la définition du marché e cause aux fins du droit communautaire de la concurrence expose de manière « transparente » la méthode suivie par la commission.

La délimitation du marché est bien entendu une question de fait. La charge de la preuve de l'existence et des limites du marché incombe à la commission lorsqu'elle effectue l'instruction d'un dossier.

Le critère principal est celui de la substituabilité de la demande. Il s'agit de chercher s'il y a des solutions de rechange raisonnable et perceptible par les utilisateurs, en général, une variation légère et durable des prix, afin de rechercher l'éventuel glissement de la demande. La substituabilité n'est donc pas la possibilité théorique pour les consommateurs ou utilisateurs finals de choisir un autre produit qui assurerait en définitive leur satisfaction objective. La substituabilité n'est pas non plus la possibilité non perçue de contourner l'entreprise dominante, et son produit. La substituabilité doit s'apprécier d'abord en considérant les caractéristiques objectives d'un produit ou d'un service, et en considérant ensuite les « besoins constants » exprimés par les utilisateurs : le produit, ou le service, peut-il se distinguer des autres et permettre la satisfaction de ces besoins constants pour lesquels il serait particulièrement apte, ou perçu comme tel ? Cela le rendrait alors peu substituable aux autres, ou peu interchangeable, et il constituerait un marché.

La substituabilité de l'offre n'est retenue pour délimiter le marché pertinent que dans la mesure où les offres concurrentes pourront satisfaire rapidement la demande observée, ou les besoins constants des consommateurs ou des utilisateurs. La substituabilité de l'offre suppose donc ici une situation de concurrence suffisamment directe et effective entre les produits du dominant, et ceux qui sont substituable. La substituabilité de l'offre demeure envisagée par rapport au comportement prévisible de la clientèle considérée.

IV- Les relations entre les articles 81CE et 82CE :

Après l'exposé de leurs différences et similitude (A), les rapports entre les article 81CE et 82CE pose deux question : l'une concerne le choix entre leur application alternative ou simultanée (B), et l'autre porte sur l'applicabilité de l'article 81CE §3 aux ententes qui tombent sous la coup de l'article 82 CE (C).

A- Différence et similitudes :

Avec ces deux dispositions, le traité édicte des interdictions distinctes. Certes, l'une et l'autre ont, sur un plan très général, une même finalité : le maintien d'une concurrence praticable ou effective dans le marché commun. Mais il reste que pour assumer leur mission commune, ils poursuivent des objectifs différents, adaptés aux diverses formes du comportement des entreprises en matière de concurrence.

1- Similitudes :

Les points communs aux deux dispositions sont évidents. L'une et l'autre sont également soumises à la condition d'affectation du commerce entre les Etats membres, et elles ont pour vocation d'assurer le principe de concurrence non faussée soit respecté à l'intérieur de l'Union Européenne. A ce titre, qu'il s'agisse d'une entente ou d'une position dominante, l'objectif commun est protéger la concurrence et les intérêts des utilisateurs et des consommateurs, en empêchant des distorsions sur le marché, aucune des deux articles n'a pour mission de protection des concurrents indépendamment de leurs atteintes à la concurrence, qu'elles soient actuelles ou potentielles, et tous deux peuvent être utilisés pour sanctionner une restriction de concurrence en l'absence de préjudice personnel.

En outre, leur similitude découle inévitablement de celle qui existe dans les pratiques qu'elles ont pour but de sanctionner. Entre une entente et une position dominante, la ressemblance est notamment soulignée par l'analogie entre les exemples de l'article 81CE et ceux de l'article82CE.

La comparaison de ces exemples révèle certes que la répartition des marchés ou des sources d'approvisionnement, mentionnée à l'article 81CE §1 sous c), est absente de la liste de l'article 82CE. Mais d'une part aucun des deux énoncés n'est exhaustif, et d'autre part, si dans le cadre d'une position dominante simple il n'y pas, par définition, d'accord de ce type, les objectifs qu'ils poursuivent seraient vraisemblablement constitutifs d'un bus et sanctionnés à ce titre, dés lors qu'ils seraient atteints à travers le comportement d'une

Entreprise en position dominante collective, ou dans la cadre d'un groupe d'entreprises.

Néanmoins, bien qu'elle soit peu probable, il reste difficile d'exclure totalement sur ce point la possibilité d'une lacune du contrôle prévu par le traité, on a constaté en effet le risque qui pourrait découler du fait que les juridictions communautaires soustraient les relations à l'intérieur d'un groupe constitué en unité économique à la portée de l'article 81CE §1.

2- Différences :

Cela étant, les différences sont bien réelles.

En premier lieu, l'article 81CE vise des accords entre entreprises, tandis que l'article82CE permet de poursuive des restrictions de concurrence imputables à des comportements unilatéraux, avec quelques nuances, toutefois, pour les abus de position dominante collective, puisqu'ils supposent, en quelque sorte, un comportement collectivement unilatéral.

En second lieu, l'article 81CE dénonce et sanctionne un abus, qui en tant que tel ne bénéficié pas de la possibilité d'exemption que le premier accorde aux ententes a priori anticoncurrentielles.

En troisième lieu, la mise en oeuvre de l'article 81CE §1 implique que l'effet anticoncurrentiel d'une entente sur le marché de référence soit « sensible », tandis que l'article 82CE suppose que l'entreprise suspecte y exerce une domination. La condition de sensibilité visée à l'article 81CE n'est donc pas transposable, du moins sous la même interprétation, dans le contexte de l'article 82CE. La cour et la commission ont estimé que la possession d'une position dominante est en elle-même susceptible d'affaiblir la concurrence sur le marché concerné, et que le comportement suspect est abusif dés lors qu'il entrave d'avantage, fut-ce dans une faible mesure, le fonctionnement normal du marché.

En outre, l'examen de la notion d'abus de position dominante a montré que la pratique décisionnelle et la jurisprudence communautaires font preuve d'une rigueur plus grande dans l'appréciation du caractère illicite des comportements litigieux, selon qu'ils sont ou non imputables à des opérateurs économiques en situation de position dominante.

Enfin, dernière différence entre les deux dispositions, si la nullité de la pratique anticoncurrentielle est prévue à l'article 81CE §1 dés lors qu'elle est incompatible avec l'exigences de ce texte, l'article82CE laisse les Etats membres libres d'en décider. Cependant le nullité des contrats au moyen desquels l'abus a été commis au demeurant absolue et invocable par tout intéressé, doit pouvoir être prononcée par les juridictions nationales à partir de la simple constatation de la violation de l'article 82CE, sans qu'il soit nécessaire de prouver la faute, sans quoi la définition objective de l'abus serait privée d'effet (65).

B- Application alternative ou cumulative :

Compte tenu des similitude et des différence qui existent entre l'article 81CE §1 et l'article82CE, la question s'est posée des modalités de leur application lorsque dans un même contexte sont réunies leurs conditions respectives : s'agit-il alors d'une application nécessairement alternative (1), ou peut-elle être également cumulative ? (2).

1- Application alternative :

La complémentarité des articles 81CE §1 et 82CE est apparue clairement lors de l'étude sur l'application de la réalité de l'entente dans les relations entre société mère et une filiale ordinaire. Dans le contexte d'un groupe d'entreprises, en effet, la cour est parfois amenée à constater que la mise en oeuvre, par la société mère, d'une pratique de répartition de différents marchés nationaux entre ses filiales est inattaquable au regard de l'article 81CE §1 « lu en combinaison avec les articles 2CE et 3CE sous c) et g) » ; quand bien même cette répartition influencerait la position concurrentielle des tiers à l'extérieur du groupe, mais dés lors que les fait de l'espèce s'y prêtent, elle juge qu'en revanche ce comportement peut relever de la réglementation des positions dominantes (66).

En dehors de cette hypothèse, la cour a exposé avec autant de clarté, dans son arrêt continental Can, la nécessité d'interpréter l'article 82CE à la lumière du « système traité » et de le subordonner aux finalités de celui-ci.

(65)-Richard Blasselle, Traité de Droit Européen de concurrence, I, p.285

(66)-CJCE, 24 Oct. 1996, Viho c/ Commi. C-73/93, p.5457

Toutefois pareille méthode n'implique nullement que la portée d'une disposition donnée du Traité soit étroitement interprétée en fonction de celle d'une autre disposition. L'interprétation de deux textes ne peut être complémentaire qu'au regard d'une référence commune, notamment, l'article 3CE sous g), comme l'a d'ailleurs précisé la cour dans l'arrêt Continental Can. Il est évident que la complémentarité des articles 81CE et 82CE, pour ce qui concerne leur interprétation ; n'exclut pas l'autonomie de leurs modalités respectives.

Et comme, il n'existe entre eux aucune hiérarchie, les autorités de concurrence ont de ce fait la possibilité de choisir l'une ou l'autre technique dés lors que sont réunies leurs conditions spécifiques. Aussi, après avoir rappelé que l'article 81CE et l'article 82CE tendent au même but- le maintien d'une concurrence effective dans le marché commun-, la cour a-t-elle déduit que l'interdiction posée par le second devait pouvoir être utilisée pour sanctionner des pratiques qui auraient été interdites si le premier avait été applicable. De même, dans l'arrêt Hoffmann- La Roche, précité ; elle devait affirmer que lorsqu'un accord conclu par une entreprise dominante est susceptible de relever de l'article 81CE, fut-ce de son paragraphe 3, l'application de l'article 82CE n'en est pas pour autant exclue, « de sorte qu'il est dans ce cas loisible à la commission (...) de poursuivre la procédure sur la base de l'article 81CE ou sur celle de l'article 82CE » (point16).

Mais il reste que les deux textes doivent être considérés comme « des dispositions autonomes et complémentaires destinées en principe à régir des situations distinctes sous des régimes différents ». C'est ce qu'a affirmé le tribunal de première instance dans son jugement Tetra Pack I (67). Il a notamment précisé que, conformément à la jurisprudence de la cour, l'appréciation de l'article 82CE n'est pas subordonnée au retrait de l'exemption.

Or c'est justement ce qu'avait prétendu, en l'espèce, le groupe Tetra Pack. A la suite de sa reprise d'une entreprise qui était titulaire d'une licence exclusive de brevet, et qui bénéficiait d'une exemption de catégorie au titre du règlement n° 2349/84- relatif aux accords de licence de transferts de technologie-, la commission lui avait imputé un abus de position dominante.

(67)-TPICE, 10 juill. 1990, Tetra Pack I, T-51/89, II, 309, points 64, 65

Il avait alors argué, invoquant l'identité d'objectifs soulignée par la cour dans l'arrêt Continental Can, de ce qu'un comportement autorisé sur le fondement de l'article 81CE ne pouvait être considéré comme illicite au regard de l'article82CE. Le Tribunal repoussa l'argument, faisant valoir que l'article 81CE ne prévoit pas de « rachat » de l'interdiction de l'article 81CE§1 par un bilan économique positif, et exclut par la définition même de son objet toute possibilité d'exonération. Selon ses propres termes, « l'octroi d'une exemption, soit individuelle, soit par catégorie, au titre de l'article 81CE §3, ne saurait en aucun cas valoir également exonération de l'interdiction énoncée à l'article 82CE.

La mise en oeuvre de ce mécanisme n'empêche d'ailleurs pas pour autant la commission de refuser d'exempter une pratique restrictive distincte de celle qui a bénéficié de l'exemption, ce qui serait le cas lorsque d'une part elle résulte de l'acquisition par un opérateur économique en situation de domination d'une entreprise qui était partie à un accord exempté. C'est en toute logique que le tribunal a précisé dans son jugement Tetra Pack I le rôle que joue ainsi, au regard de l'application de l'article 81CE §3, tout « élément complémentaire constitutif d'abus » (point24).

Autonomes et complémentaires, les articles 81CE et 82CE sont ainsi placés sur un pied d'égalité et nulle prééminence n'est instaurée entre eux. Chacun d'eux peut être appliqué lorsque les conditions en sont réunies, sans que puisse s'imposer le recours à l'un ou à l'autre. Or la cour a parfois semblé méconnaître cette logique, notamment dans les arrêts Continental Can et Hoffmann- La Roche. Elle avait en effet considéré que lorsque l'existence d'une position dominante est établie, les pratiques restrictives de l'opérateur qui la détient- distinctes de celles qui caractérisent l'abus- tombent toutes sous le coup de l'article 82CE, alors même qu'elles pourraient être le fait d'entreprises dépourvues de capacité de domination. Cette solution est contestable à un double titre : d'abord elle réintroduit une hiérarchie qu'elle exclut pourtant entre les deux dispositions, ensuite, elle méconnaît la nécessité d'un lien de causalité entre la position dominante et son abus (68).

(68)- Richard Blasselle, Traité de Droit Européen de concurrence, I, p.287

2- Application cumulative :

L'application alternative des deux dispositions est donc irréfutable. Mais il faut aller plus loin et en admettre la mise en oeuvre cumulative.

En effet, la cour a notamment affirmé que puisque l'article 81CE empêche d'accorder l'exemption à une entente susceptible d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits concernés, cette élimination serait, dans le contexte de l'article 82CE, très vraisemblablement constitutive d'un abus de position dominante. Il est a priori évident qu'une ou plusieurs entreprises commettent un abus, au sens de l'article 82CE lorsqu'elles utilisent leur position dominante pour supprimer sur le marché commun une concurrence effective ou efficace.

Ainsi, lorsqu'une entreprise en position dominante participe à un accord restrictif de concurrence en même temps qu'elle abuse de sa position, son comportement peut être apprécié simultanément par référence aux deux articles. Leur application est autonome, amis elle peut être concomitante. Comme l'a récemment rappelé la cour, « l'applicabilité à un accord de l'article 81CE ne préjuge pas l'applicabilité de l'article 82CE aux comportements des parties à ce même accord dés lors que les conditions d'application de chaque disposition sont remplies » (69).

Encore faut-il établir, pour admettre l'utilisation cumulative des deux dispositions, l'existence d'un abus de position dominante. La cour notamment déclarée que cette application cumulative ne saurait être écartée « dans l'hypothèse où un accord entre deux ou plusieurs entreprises ne représente que l'acte formel qui consacre une réalité économique caractérisée par le fait qu'une entreprise en position dominante réussit à faire appliquer les tarifs en cause par d'autres entreprises » (70).

Certes, dans l'affaire Verre plat en Italie, le tribunal a étendu cette solution à des situation de domination collective dans lesquelles deux ou plusieurs entités économiques indépendantes « détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le même marché » (71).

(69)-CJCE, 6 Avril 1995, BPB Industries ET British Gypsum, C-310/93, p. I 865

(70)-CJCE, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen, aff. 66186, Rec.803, point 37

(71)-TPICE, 10 Mars1992, Verre plat-Siv c/ Comm. T-68,77 et 78/89, II, p.1403

Mais il a pris soin de préciser dans le même jugement qu'il ne suffisait pas de « recycler » les fait constitutifs d'une infraction à l'article 81CE en déduisant de la seule détention par les entreprises en cause d'une part de marché importante, l'existence d'une position dominante collective, et encore moins celle d'un abus. Bien que son exposé manque de clarté, le Tribunal semble vouloir souligner que l'application de l'article 82CE nécessite davantage que la preuve d'un comportement visé à l'article 81CE §1, le comportement susceptible de déclencher l'utilisation conjointe des deux dispositions doit pouvoir être distingué d'avec la restriction de concurrence telle que définie par ce dernier. Autrement dit, ce qui est exigé, c'est bien la mise en oeuvre de moyens différents de ceux dont un opérateur économique peut disposer dans le contexte d'une simple entente ; de moyens que seule une position dominante lui permet d'employer.

Cela étant, lorsque le double recours est utilisé, la commission a posé les principes de non-cumul des amendes et de la sanction de l'infraction la plus grave (72).

C- Applicabilité de l'article 81CE §3 et de l'article

82CE :

1-Applicabilité de l'article 82CE à une entente exemptée sur le fondement

De l'article 81CE §3 :

Cette hypothèse recouvre deux types de situations, selon que le comportement de l'entreprise en cause se situe dans le cadre de restrictions de concurrence généralement exemptées, ou il ait lui-même fait l'objet d'une exemption individuelle. Mais la solution est la même dans les deux hypothèse.

Il est en effet de jurisprudence constante que l'octroi d'une exemption au titre de l'article 81CE §3 ne préjuge pas l'application de l'article 82CE. Le fait que des opérateurs soumis à une concurrence effective aient adopté une pratique autorisée n'implique nullement que la manière de l'utiliser ne puisse constituer l'abus d'une position dominante, que l'autorisation concerne une catégorie d'accords ou qu'elle ait été consentie à titre individuel.

(72)-Décis° du 7 Déc. 1988, Verre Plat en Italie : JOCE, n° L33, CJCE, 16 Mars2000

La cour a notamment jugé que lorsqu'une conférence maritime détient une part de marché extrêmement importante, elle se trouve dans une situation de force qui fait d'elle un partenaire obligatoire pour ses partenaires commerciaux. Elle peut donc en abuser en procédant à une baisse sélective des prix afin de les aligner, d'une façon ciblée, sur ceux d'un concurrent, et, de ce fait, elle tombe sous le coup de l'article 82CE (73).

2-Applicabilité de l'article 81CE §3 à une entente relevant de l'article 82CE :

Puisque la constatation de l'existence d'une entente n'exclut pas le recours à l'article 82CE, pour autant qu'elle entraîne ou permet l'acquisition d'une position dominante, la question se pose quant à la possibilité d'exempter la restriction de concurrence qui résulte de l'utilisation de cette domination. Et la proposition inverse précédemment signalée- selon laquelle l'article 82CE peut s'appliquer à une entente alors même qu'elle est exemptée sur le fondement de l'article 81CE §3- ne permet pas d'y répondre.

Considérant qu'une position dominante ne supprime pas nécessairement toute concurrence sur le marché dominé, la cour a jugé dans son arrêt Continental Can, qu'il fallait, pour apprécier un abus de position dominante, envisager  à la fois l'esprit, l'économie et les termes de l'article 82CE, compte tenu du système du Traité et des finalités qui lui sont propres. Il y a abus dés lors que la position dominante est renforcée au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence. Dans ces conditions, l'exemption de l'article81CE §3 na saurait jouer.

On pourrait alors se demander si l'on doit en déduire qu'en l'absence de telles conditions un accord conclu par une entreprise en position dominante peut être exempté. La question impliquerait l'existence de degré dans l'abus, dont dépendrait la possibilité de son exemption. Or, entre la sensibilité de la restriction de concurrence et l'abus, une relation indéniable, c'est en ce sens que le comportement d'une entreprise en position dominante n'est constitutif d'abus que s'il entraîne une restriction de concurrence sensible, la condition de sensibilité et la gradation qu'elle implique n'interviennent qu'au niveau de l'existence de l'abus, et non pas de son exemption.

(73)-CJCE, 16 Mars 2000, Compagnie maritime belge, préc.

Il est pourtant arrivé que la cour aille encore plus loin, en considérant que pour refuser l'exemption la commission doit établir qu'il résulte de l'exploitation d'une position dominante l'élimination de la concurrence pour une partie substantielle des produits concernés, ce qui laisse aussi entendre que tant que cette élimination n'est pas constatée, l'exemption est possible. Or une restriction de concurrence peut être sensible sans pour autant entraîner cette élimination.

La solution est donc pour le moins bizarre. Car le recours à l'article 82CE suppose en toute circonstance non seulement l'existence d'une position dominante, mais aussi celle d'un abus de celle-ci. Or il est difficile d'admettre que puisse être exempté un comportement constitutif d'abus (74). Par conséquent, si l'on peut, dans le contexte de l'exploitation d'une position dominante, exempter une pratique restrictive de concurrence tant qu'elle n'a pas exclu tout concurrence utile dans une partie substantielle du marché commun, c'est que la définition de l'abus suppose nécessairement cette exclusion, ce qui résulte ni de l'article 82CE, ni de la pratique décisionnelle ou de la jurisprudence communautaire. La jurisprudence Continental Can doit donc être interprétée en ce sens, que de deux chose l'une : ou bien il n'en est rien, et la question de l'exemption ne se pose pas. La jurisprudence actuelle est d'ailleurs entièrement conforme à cette évidence.

(74)- Richard Blasselle, Traité de Droit Européen de concurrence, I, p.289

CONCLUSION

En vertu des articles 81 et 82 du TCE, le traité édicte des interdictions distinctes. Certes, l'une et l'autre ont une même finalité. Mais il reste que pour assurer leur mission commune, ils poursuivent des objectifs différents, adaptés aux diverses formes du comportement des entreprises en matière de concurrence.

D'une part, les points communs aux deux dispositions sont évidents. L'une et l'autre sont soumises à la condition d'affectation du commerce entre Etats membres, et elles ont pour vocation d'assurer que le principe de concurrence non faussée soit respecté à l'intérieur de l'union européenne, l'objectif commun est de protéger la concurrence et les intérêts des utilisateurs et des consommateurs, en empêchant des distorsion sur les marchés.

D'autre part, les différences sont bien réelles, l'article 81CE vise des accords entre entreprises, tandis que l'article 82CE permet de poursuivre des restrictions de concurrence imputables à des comportements unilatéraux, aussi l'article 82CE dénonce et sanctionne un abus, qui en tant que tel ne bénéficié pas de la possibilité d'exemption que le premier accorde aux ententes a priori anticoncurrentielles.

S'agissant le degré de sensibilité, la mise en oeuvre de l'article 81CE §1 implique que l'effet anticoncurrentiel d'une entente sur le marché de référence soit sensible, tandis que l'article 82CE suppose que l'entreprise suspecte y exerce une domination.

En somme, la finalité d'interdire les pratiques anticoncurrentielles réside dans la création et le maintien des conditions optimales de liberté d'accès aux marchés en cause et notamment dans la veille des autorités de concurrence visant à prévenir la constitution de barrières artificielles privées à l'entrée sur ces marchés.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux :

· BOULOUIS et CHEVALIER, les grands arrêts de la cour justice des communautés européenne, Dalloz, t.1, 5éd, 1991 et t.2, 4e éd.1997.

· RICHARD BLASSELLE, Traité de droit européen de la concurrence, Tome I, Publisud, 2002.

· CHRISTIAN GAVALDA, GILBERT PARLEANI, droit des affaires de l'union européenne, 2e éd, Litec, 1998.

· FRANCOIS SOUTY, le droit de la concurrence de l'union européenne, 2e éd, Montchrestien, 1999.

· Droit commercial européen, 5e éd, Dalloz, 1994.

· SYLVAINE POILLOT-PERUZZETTO, MONIQUE LUBY, le droit communautaire appliqué à l'entreprise, Dalloz, 1998.

· LAURENCE IDIO, droit communautaire de la concurrence, Bruylant, 2004.

Publications régulières des communautés européennes :

· Le journal officiel des communautés européennes.

· Rapport général sur la politique de concurrence.

· Recueil des arrêts de cour de justice et Tribunal de première instance.

Textes et Traités :

· Texte 81 du Traité des communautés européenne.

· Texte 82 du Traité des communautés européenne.

· Traité sur l'Union Européenne, Economica, 1995.

· http// :europa.eu/index_fr.htm

Revue :

· Revue trimestrielle de droit européen.

SOMMAIRE

Titre : Pages :

Introduction .........................................................................2

Première Partie : Champ d'application d'entente et d'abus de position

Dominante :.............................................3

I- Le sujet d'entente et d'abus de position dominante :............................6

A- Notion d'entreprise :.............................................................6

1- Absence d'une définition légale :..........................................6

2- Critères de l'entreprise :....................................................7

a- Une activité de l'entreprise :............................................7

b- Autonomie de comportement sur le marché :.......................10

B- Les agents commerciaux :....................................................11

II- La difficulté d'élaborer une définition d'entente et d'abus

De domination :................................................................12

A- Définition de l'entente anticoncurrentielle :.............................12

1- Accords.........................................................................13

2- Décision d'association d'entreprise.......................................13

3- Pratiques concertées :.......................................................14

B- La notion de position dominante :...........................................16

1- Comportement indépendant sur le marché :.............................17

2- Soustraction à la concurrence :...........................................19

Deuxième Partie : Les frontières entre l'entente et l'abus de position

Dominante par rapport leurs effets anticoncurrentiels.......20

I- Le principe relatif d'interdiction des ententes :..................................21

A- Entraves concertées à la concurrence :.......................................22

1- Détermination de l'entrave :................................................23

a- Identification de l'entrave :..............................................23

b- Localisation de l'entrave :................................................25

2- Evaluation de l'entrave :....................................................27

a- Critères d'évaluation de l'entrave à la concurrence :...............27

b- Caractéristiques essentielles sur le marché référence :..............28

II- L'exception au principe d'interdiction de l'entente :........................28

A- Avantage suffisant :.............................................................29

1- Avantages accessibles par l'entente :.......................................29

a- Meilleur fonctionnement du marché :...................................30

b- Assainissement du marché :...............................................30

2- Avantages imputés à l'entente :..............................................31

a- Preuve de l'avantage imputé à l'entente :...............................31

b- Evaluation de l'avantage :.................................................32

B- Avantage réparti :................................................................32

III- L'appréciation de situation de domination :....................................33

A- Critère de la position dominante :.............................................34

B- Délimitation du marché de référence :.......................................34

IV- Les relations entre les articles 81CE et 82CE :...............................................35

A- Différences et similitudes :.............................................................36

1- Similitudes :...........................................................................36

2- Différences :...........................................................................37

B- Application alternative ou cumulative :...............................................38

1- Application alternative :.............................................................38

2- Application cumulative :............................................................41

C- Applicabilité de l'article 81CE §3 et L'article 82CE :..............................42

1- Applicabilité de l'article 82CE à l'entente exemptée sur le fondement

De l'article 81CE § 3 :..............................................................42

2- Applicabilité de l'article 81CE §3 à L'entente relevant de l'article

82CE :..................................................................................43

Conclusion :................................................................................................45

Bibliographie :.....................................................................................46






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