Introduction
La multiplication des actes terroristes dans le monde et les
réflexions sur les
moyens de les empêcher pose, entre autres, le
problème des volitions de leurs auteurs. Pour réduire les
actes terroristes, il convient donc de s'interroger sur les causes du
passage à l'acte et une partie de la réponse se trouve
probablement dans le rôle que joue l'incitation : comment et pourquoi une
personne a priori comme les autres se tourne vers terrorisme ? Que
l'on pense à certains prêches radicaux ou à certains sites
Internet,
les exemples d'incitation sont légions et il s'agit
certainement là d'une des causes de la décision de certains de
recourir à la violence. L'exposition à des messages incitant
à la violence et justifiant le recours à la violence pour
atteindre des buts précis incite à passer à l'acte.
Il semble donc nécessaire, pour réduire les actes terroristes, de
prévenir l'apparition d'auteurs potentiels et donc d'empêcher la
diffusion ou la mise à disposition
de messages incitant à la commission d'actes
terroristes.
Notre étude porte sur l'incitation aux actes de
terrorisme. Mener une réflexion
sur l'incitation à de tels actes nécessite en
premier lieu de définir ces derniers pour en second lieu
s'intéresser à l'incitation proprement dite.
Les actes de terrorisme seront d'abord étudiés au
niveau international, puis au niveau régional européen et enfin
au niveau national à travers la législation française
pertinente.
·Les Nations Unies1 :
Le terrorisme n'est pas un nouveau sujet de
préoccupation pour les Etats du
monde. En 1937 déjà, la Société
des Nations avait rédigé une Convention pour la
répression et la prévention du terrorisme. Cette Convention
n'a pas reçu le nombre de
1 Seuls les instruments universels contre le terrorisme
déjà négociés seront pris en compte. Ainsi le
projet de convention générale sur le terrorisme ne sera pas
inclus dans le champ de cette réflexion.
ratifications nécessaires pour entrer en application et
n'a donc jamais été mise en oeuvre.
L'Organisation des Nations Unies (ONU) n'a pas définie
de façon générale les actes de terrorisme. Elle a
plutôt procédé par touches, grâce à des
instruments sectoriels, en réaction aux divers attentats terroristes
ou aux craintes de la communauté internationale. Par exemple, la vague
de détournements d'avions des années 1968 et suivantes
menée par le Front Populaire de Libération de la
Palestine a amené les Etats membres de l'ONU a adopter la
Convention pour la répression de la capture illicite
d'aéronefs le 16 décembre 1970. Le détournement de
l'Achille Lauro en 1985 a conduit à l'adoption de la
Convention pour la répression d'actes illicites dirigés
contre la sécurité de la navigation maritime et du
Protocole pour la répression d'actes illicites dirigés contre
la sécurité des platesformes fixes situées sur le plateau
continental le 10 mars 1988. La communauté internationale a
également voulu anticipé les attentats potentiels. Par
exemple, la Convention sur la protection physique des matières
nucléaires du 3 mars
1980, son amendement du 8 juillet 2005 et la
Convention internationale pour la répression des actes de
terrorisme nucléaire du 13 avril 2005 ont été
adoptés alors qu'aucun acte de terrorisme nucléaire connu
n'avait été réalisé.
Les divers instruments sectoriels2 ont donc
été adoptés sur plus de 40 ans (de 1963 pour
2 Certains auteurs parlent de 13 instruments et d'autres
de 16. Au lecteur de prendre parti sur la question (qui n'a, en
pratique qu'un intérêt relatif).
1: Convention relative aux infractions et à
certains autres actes survenant à bord des aéronefs
(14/09/1963) ;
2: Convention pour la répression de la capture illicite
d'aéronefs (16/12/1970) ;
3: Convention pour la répression d'actes illicites
dirigés contre la sécurité de l'aviation civile
(23/09/1971) ;
4: Convention sur la prévention et la répression
des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale,
y compris les agents diplomatiques (14/12/1973) ;
5: Convention internationale contre la prise d'otage (17/12/1979)
;
6: Convention sur la protection physique des matières
nucléaires (03/03/1980) ;
7: Protocole pour la répression des actes illicites de
violence dans les aéroports servant à l'aviation civile
internationale (24/02/1988) ;
8 Convention pour la répression d'actes illicites
dirigés contre la sécurité de la navigation maritime
(10/03/1988) ;
9: Protocole pour la répression d'actes illicites
dirigés contre la sécurité des platesformes fixes
situées sur le plateau continental (10/03/1988) ;
10: Convention sur le marquage des explosives plastiques
et en feuilles aux fins de détection
(01/03/1991) ;
11: Convention internationale pour la répression des
attentats terroristes à l'explosif (15/12/1997) ;
la Convention relative aux infractions et à
certains autres actes survenant à bord des aéronefs
jusqu'à 2005 pour le Protocole au protocole pour la
répression d'actes illicites dirigés contre la
sécurité des platesformes fixes situées sur le
plateau continental). Cette manière de procéder abouti a
plusieurs conséquences :
·Les matières abordées ne sont pas
homogènes : les conventions contiennent des infractions relatives
à l'aviation civile, aux navires et platesformes fixes, des
infractions fondées sur le statut de la victime, des infractions
liées à des matières dangereuses et des infractions
liées au financement du terrorisme.
·La philosophie de la lutte contre le terrorisme a
évolué : ainsi l'article 2 de la Convention de 1963 dispose
qu'aucune disposition de la présente convention ne peut être
interprétée comme autorisant ou prescrivant l'application de
quelques mesures que ce soit dans le cas d'infractions à des lois
pénales de caractère politique(...). Ce qui peut être
interprété comme une exclusion des infractions à
motivation politique du champ d'application de cette convention. A
l'opposé, la Convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme de
1999 dispose en son article 6 que les actes
criminels relevant de la présente convention ne [peuvent] en
aucune circonstance être justifiés par des
considérations de nature politique (...). Ce qui impose que
les infractions à caractère politique soient inclues dans le
champ d'application de la convention.
·Le libellé des conventions a
évolué : les premières ne mentionnaient pas le terme
« terroriste » (Convention pour la répression de la
capture illicite d'aéronefs en 1970 par exemple). Cela fût
vrai jusqu'en 1997 et l'adoption de la
12: Convention internationale pour le répression du
financement du terrorisme (09/12/1999) ;
13: Convention internationale pour la répression des actes
de terrorisme nucléaire (13/04/2005) ;
14: Amendement à la Convention sur la protection physique
des matières nucléaires (08/07/2005) ;
15: Protocole de 2005 à la Convention pour la
répression d'actes illicites dirigés contre la
sécurité de
la navigation maritime (01/11/2005) ;
16: Protocole de 2005 au Protocole pour la répression
d'actes illicites dirigés contre la sécurité des
platesformes fixes situées sur le plateau continental (01/11/2005).
Convention internationale pour la répression des attentats
terroristes à l'explosif.
·L'élément intentionnel et les valeurs
protégées par les infractions contenues dans les
instruments3 ont évolué comme cela va être
montré.
oUn élément intentionnel évolutif et des
valeurs protégées variées :
Le terrorisme est juridiquement défini par ses actes,
ainsi il peut être intéressant
de trouver les points communs des divers actes
incriminés afin de conceptualiser juridiquement le terrorisme.
Toutefois, la diversité susmentionnée rend cette tâche de
conceptualisation particulièrement délicate. Puisque chaque
convention définit des actes
de terrorisme différents, les
éléments matériels varient (évidemment) pour
chaque instrument, c'est pourquoi, seuls seront étudiés
l'élément moral et les valeurs protégées par les
actes dont les conventions requièrent l'incrimination.
La Convention pour la répression de la capture
illicite d'aéronefs de 1970 indique dans son article premier que
commet une infraction pénale toute personne qui, à bord d'un
aéronef en vol, illicitement et par violence ou menace de
violence s'empare de cet aéronef ou en exerce le contrôle
ou tente de commettre l'un de ces actes, ou est le complice d'une
personne qui commet ou tente de commettre l'un de ces actes. Ainsi,
elle
ne mentionne pas d'élément intentionnel mais il
est possible de le déduire de la nature même de l'infraction (en
effet comment peuton s'emparer d'un avion par violence ou menace de violence
sans en avoir la volonté ?). Cela permet de déduire l'existence
d'un dol général4. L'élement matériel
est le fait de s'emparer ou d'exercer le contrôle d'un aéronef par
violence ou par menace de violence. Donc cette convention incrimine une
atteinte aux biens commise intentionnellement.
3 Le texte des divers instruments est disponible sur
http://untreaty.un.org/French/Terrorism.asp.
Afin de faciliter la lecture les articles pertinents des diverses conventions
sont reproduits en Annexe 1.
4 Le dol général est la conscience et la
volonté de violer la loi.
La Convention pour la répression d'actes
illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation
civile de 1971, traite explicitement de l'intention5. Il s'agit
là encore d'un dol général, aucune intention
spécifique n'est nécessaire. Elle incrimine des atteintes
contre
les personnes si cet acte est de nature à
compromettre la sécurité de l'avion, et des atteintes
contre l'aéronef. Ainsi, cette convention impose
l'incorporation d'une infraction qui incrimine des atteintes intentionnelle
aux biens et aux personnes lorsque cette atteinte met les avions en danger.
Cette exigence d'un dol général et cette
protection des biens et/ou des personnes se retrouvera jusqu'à
l'adoption de la Convention internationale pour la répression
des attentats terroristes à l'explosif en 19976.
La Convention de 1997 marque un tournant parce qu'elle rend
nécessaire l'existence d'un dol spécial : l'intention de
provoquer la mort ou des dommages corporels graves
ou l'intention de causer des destructions massives
(...) lorsque ces destructions entraînent ou risque d'entraîner
des pertes économiques considérables. En outre, elle
prévoit dans son article 5 comme circonstance aggravante que ces
actes aient été conçus
ou calculés pour provoquer la terreur dans la
population, un groupe de personnes ou chez des individus. Il existe donc
une triple évolution : l'apparition d'un dol spécial7,
l'apparition (sous forme de circonstance aggravante) d'un dol spécial
« terroriste » qui consiste à provoquer la terreur chez des
personnes et l'adoption pour la première fois
5 Aux termes de l'article premier de la dite convention :
Commet une infraction pénale toute personne qui illicitement et
intentionnellement (...).
6 Il existe, néanmoins, quelques exceptions : la
Convention internationale contre la prise d'otage (17/12/1979) et la
Convention sur le marquage des explosives plastiques et en feuilles aux
fins de détection (01/03/1991). Le dol spécial exigé par
la convention de 1979 (contraindre une tierce partie (...) à accomplir
un acte quelconque ou à s'en abstenir en tant que condition explicite ou
implicite de
la libération de l'otage) n'est pas spécifiquement
terroriste. Il est inhérent à la notion de prise d'otage qui ne
se conçoit pas si le preneur d'otage n'a pas l'intention d'obtenir
quelque chose de quelqu'un.
La convention de 1991 sur le marquage des explosifs
n'incriminent pas de comportement, elle crée des obligations à la
charge des Etats. La Convention de 1980 sur la protection des matières
nucléaires connaît en son article 71eii un dol spécial qui
incrimine la menace de commettre un des actes de la convention afin de
contraindre une personne physique ou morale, une organisation internationale
ou
un Etat à faire ou à s'abstenir de faire un
acte.
7 Il y a dol spécial, ou intention criminelle, lorsque
l'auteur d'un acte menaçant un intérêt
protégé par
la loi pénale l'accomplit dans le but de porter
atteinte à cet intérêt. Ainsi le meurtre suppose
l'intention de porter atteinte à la vie de la victime.
d'une attitude préventive en ce qu'elle incrimine
l'organisation et la contribution à des actes terroristes (les
conventions antérieures n'incriminaient que la complicité). Cette
incrimination de l'organisation et de la contribution va se retrouver
dans tous les instruments ultérieurs.
La rédaction de ce dol « terroriste » fut
inspiré par la résolution 49/608 de
l'Assemblée générale des Nations Unies qui indique que
les actes criminels qui, à des fins politiques, sont conçus
ou calculés pour provoquer la terreur dans le public, un
groupe de personnes ou chez des particuliers sont injustifiables en toutes
circonstances et quels que soient les motifs de nature politique,
philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou autre que
l'on puisse invoquer pour les justifier. La notion de provoquer la
terreur dans le public, un groupe de personnes ou chez les particuliers
introduit par cette résolution est la « première
version » du dol spécial « terroriste ». Cette
résolution
ne possède pas de caractère contraignant mais sa
formulation a ensuite été reprise dans
de nombreux instruments juridiques contraignants. Elle
constitue, en ce sens, un parfait exemple de l'intérêt de la
« soft law ». Il est également intéressant de noter que
ce dol spécial « terroriste » existait déjà dans
la Convention de la Société des Nations pour la
répression et la prévention du terrorisme, ainsi son article
12 indiquait que l'expression acte de terrorisme signifiait un
acte criminel dirigé contre un Etat et calculé pour ou dans
l'intention de créer un état de terreur dans l'esprit de
certaines personnes, ou d'un groupe de personne ou du public en
général9 (1937 - 1994, 60 ans pour revenir au
même élément intentionnel).
La Convention de 1999 sur le financement du terrorisme
accentue la tendance à l'adoption d'une attitude préventive,
marquée par la Convention de 1997, puisque par définition
l'incrimination du financement participe d'une logique préventive. En
outre,
8 Résolution n 49/60 du 17 février 1995 disponible
sur
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/768/20/PDF/N9576820.pdf?OpenElement.
9 Traduction libre par l'auteur de ce mémoire : Article 12
: In the present convention, the expression
«act of terrorism» means criminals acts directed
against a State intended or calculated to create a state
of terror in the minds of particular persons, or a group of
persons, or the general public.
elle incrimine en son article 2 le fait par quelque moyen
que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et
délibérément, [de] fourn[ir] ou réun[ir] des fonds
dans l'intention de les voir utilisés ou en sachant qu'ils
seront utilisés (...)en vue de commettre un acte qui constitue une
infraction au regard des [instruments universels contre le terrorisme] ou tout
autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil
ou tout autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités
dans une situation de conflit armé lorsque par sa nature ou son
contexte cet acte vise à intimider une population ou à
contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à
accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque. Cette
convention n'ajoute rien aux éléments déjà
protégés puisqu'il s'agit toujours de biens et/ou de personnes.
En revanche, elle ajoute un élément à la définition
du dol spécial « terroriste » : contraindre
un gouvernement ou une organisation internationale
à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte.
La Convention internationale pour la répression des
actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005 (article 21a)
incrimine la détention de matières ou d'engin radioactifs et la
fabrication d'un engin, lorqu'il y a l'intention de causer la mort d'une
personne ou de
lui causer des dommages corporels graves ou dans
l'intention de causer des dégâts substantiels à des
biens ou à l'environnement. Concernant l'élément
moral, cette convention n'ajoute rien mais elle protège
l'environnement en sus des personnes et/ou des biens. C'est l'introduction en
droit de la notion de « terrorisme environnemental » qui va ensuite
se retrouver dans de nombreuses conventions, comme par exemple dans
l'amendement à la Convention sur la protection physique des
matières nucléaires du 8 juillet 2005 qui modifie l'article
7 de la Convention de 1980.
Les protocoles de 2005 sur la navigation maritime et sur les
platesformes fixes ne font pas avancer les éléments constitutifs
des actes terroristes et intègrent tout au plus le dol spécial
« terroriste » comme composante de l'infraction (ils
n'étaient jusqu'à présent qu'une circonstance aggravante
sauf pour la Convention sur le financement).
Ainsi, comme mentionné supra, les conventions sont
passées d'un droit purement réactif
à un droit plus préventif. En outre, les valeurs
protégées ont évolué de la protection de biens
et/ou de personnes à la protection de l'environnement. Dans le
même temps, l'intention a évolué depuis un
élément moral implicite, à un dol général
explicite, puis à
un dol spécial en plus du dol général
(avec l'existence d'une circonstance aggravante lorsque un dol spécial
« terroriste » existait), pour arriver enfin à des conventions
où le dol spécial « terroriste » est partie
intégrante de l'infraction. Le tournant de cette évolution
est l'adoption de la résolution 49/60 par l'Assemblée
générale des Nations
Unies, qui introduit le dol spécial terroriste, notion
affinée par la suite.
de :
Aujourd'hui, dans le cadre des Nations Unies, les actes
terroristes sont composés
·Une infraction, c'estàdire un acte
réprimé par le droit pénal, sa tentative, sa
complicité ou toute organisation ou contribution à
un tel acte.
·Une valeur protégée qui peut être des
personnes ou des biens (en cas d'atteintes graves) ou l'environnement.
·Avec une intention qui peut être un dol
général et/ou un dol spécial et/ou le dol spécial
« terroriste » à savoir l'intimidation d'une population
ou la contrainte d'un gouvernement ou d'une organisation internationale
pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.
Les conventions, de par leur histoire et leur approche des
actes de terrorisme, ne permettent donc pas de déduire des composantes
spécifiquement terroristes, ni de socle commun à tous les actes
terroristes. C'est pourquoi, dans le cadre des Nations Unies, de nombreux Etats
réfléchissent depuis 1996 à la rédaction d'une
convention générale sur
le terrorisme.
Les conventions des Nations Unies ne définissent
pas uniquement des actes considérés comme terroristes ;
elles posent certaines obligations envers les Etats signataires. Les
principales sont ici abordées brièvement .
oDes règles de procédure commune :
Les conventions imposent aux Etats que les comportements
décrits dans les
instruments régulièrement ratifiés
soient incriminés dans leur législation nationale. Qu'ils
soient incriminés comme infraction terroriste ou qu'ils soient
incriminés de façon générale, ne pose pas, a
priori, de problème. Néanmoins, les conventions imposent en
général aux Etats que les peines prévues pour ces
comportements soient proportionnées
à la gravité de l'acte10. Il peut donc
être nécessaire d'incriminer différemment certains
10 En ce qui concerne les instruments qui n'introduisent pas
cette obligation, en toute occurrence, la résolution 1373 (2001) du
Conseil de sécurité dans son paragraphe 2e impose aux Etats de
veiller à
ce que la peine infligée soit à la mesure de la
gravité de ces actes.
Les dispositions de cette résolution fondée sur le
Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (Action
en cas de menace contre la paix, de rupture de la
paix et d'acte d'agression) sont juridiquement contraignantes. En effet,
aux termes de l'article 24 de la Charte des Nations Unies : afin d'assurer
l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres
confèrent au Conseil de sécurité la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des
devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de
sécurité agit en leur nom. Dans l'accomplissement de ces devoirs,
le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et
principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques
accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre
d'accomplir lesdits devoirs sont définis aux Chapitres VI, VII, VIII et
XII (...). Encore, aux termes de l'article 25 de la Charte des Nations unies :
les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les
décisions du Conseil de sécurité conformément
à la présente Charte. De plus, aux termes de l'article 103
de la Charte des Nations Unies: en cas de conflit entre les obligations des
Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs
obligations en vertu de tout autre accord international, les premières
prévaudront. (Voir l'arrêt de la Cour internationale de Justice du
14 avril 1992, Affaire Lockerbie, concernant la résolution 748
(1992) du Conseil de sécurité, CIJ, Affaire Lockerbie,
ordonnance du 14 avril 1992, (para. 39), Recueil, 1992 ). Les paragraphes
1 et 2 de la résolution 1373 sont contraignants. En ce sens, la nature
exacte des obligations que les résolutions du Conseil de
sécurité imposent dépend de la formulation
utilisée. On admet généralement que les
décisions du Conseil de sécurité sont obligatoires
(lorsque le Conseil « décide »), tandis que ses
recommandations (lorsque le Conseil « demande » aux
États membres) n'ont pas la même force juridique. Des trois
paragraphes du dispositif de la résolution 1373 (2001) qui s'adressent
aux États,
les deux premiers sont exprimés sous la forme de
décisions contraignantes, alors que le troisième est
exprimé sous la forme de recommandation. Pour donner effet à ces
obligations, le Conseil de sécurité peut prendre les mesures
contraignantes qui lui paraissent adéquates (voir les articles 41 et 42
de la Charte des Nations Unies). Pour de plus amples développements sur
les obligations découlant de cette résolution voir le Guide
législatif sur les Conventions et Protocoles mondiaux contre le
terrorisme,
2003, n0 de vente F.03.XXX. Disponible sur
:
comportements prévues par les conventions ou au moins de
prévoir une circonstance aggravante.
Depuis la convention de 1997, les instruments internationaux
imposent que les actes de contribution et d'organisation à des actes
terroristes soient incriminés. En outre, toutes les conventions imposent
que les Etats établissent leur compétence soit en vertu
du principe de territorialité, soit en vertu du principe
de personnalité.
La compétence territoriale
Les Etats doivent établir leur compétence dans
divers cas. Si l'infraction a été
commise sur le territoire de l'Etat, à bord ou
à l'encontre d'un navire battant son pavillon, d'un aéronef
immatriculé conformément à sa législation ou d'une
plateforme fixe se trouvant sur son plateau continental, à bord ou
à l'encontre d'un aéronef donné
en location sans équipage à une personne qui a le
siège principal de son exploitation ou,
à défaut, sa résidence permanente dans
ledit Etat. En cas d'une infraction prévue par les conventions de 1970
et de 1971, si l'infraction a été commise à bord d'un
aéronef et si ce dernier atterrit sur le territoire de l'Etat avec
l'auteur présumé de l'infraction encore à bord.
La compétence personnelle active ou passive
Les juridictions de l'Etat doivent également être
compétentes si l'infraction a été
commise par un ressortissant de l'Etat. Dans le cas
d'une infraction prévue par la convention de 1979 sur la prise
d'otage, si l'infraction a été commise afin de contraindre l'Etat
à accomplir un acte quelconque ou à s'en abstenir ; ou dans le
cas d'une infraction prévue par la convention protégeant
les personnes jouissant d'une protection internationale, si
l'infraction a été commise contre une personne jouissant
d'une
http://www.unodc.org/pdf/crime/terrorism/Legislative_Guide_French.pdf
L'incitation aux actes de terrorisme
protection internationale en vertu des fonctions qu'elle exerce
au nom de l'Etat.
Enfin, les conventions demandent que les Etats appliquent le
principe Aut dedere aut Judicare (poursuivre ou extrader). Il est
à noter que ce principe à pour conséquences l'obligation
pour l'Etat de poursuivre mais nullement de juger, si après
enquête il est
établi que les allégations de culpabilité
sont sans ces fondements.
Ainsi les Nations Unies définissent les actes de
terrorisme comme une ensemble
de comportements variés commis intentionnellement. Seuls
une certaine homogénéité
se retrouve dans les règles procédurales.
La hiérarchie des normes voudrait que les règles
édictées au niveau régional soient en
conformité avec les principes et les obligations imposés par
les conventions.
·L'Europe
Les actes incriminés par le Conseil de l'Europe
seront étudiés avant de
s'intéresser aux actes définis par l'Union
Européenne.
oLe Conseil de l'Europe :
Le Conseil de l'Europe a rédigé trois instruments
pertinents en matière d'actes
de terrorisme : la Convention européenne pour la
répression du terrorisme (1977), La Convention du Conseil de
l'Europe sur la prévention du terrorisme (2005) et un
Protocole portant amendement à la Convention européenne
pour la répression du terrorisme (2005)11. La
Convention sur la répression (telle qu'amendée) ne définit
pas d'acte de terrorisme mais indique seulement dans son article premier
que les motifs politiques ne sont pas invocables pour refuser
l'extradition pour les infractions contenues dans les instruments
universels contre le terrorisme négociés avant 2005.
11 L'analyse porte sur la convention pour la
prévention du terrorisme et sur la convention pour la
répression une fois amendée par le protocole.
Ainsi, les 4 derniers instruments n'entrent pas dans
le champ d'application de la convention12. La Convention du
16 Mai 2005 sur la prévention du terrorisme définit comme
actes terroristes les actes contenus dans les mêmes instruments
universels (l'éviction des 4 derniers instruments est probablement
dû aux mêmes raisons). De la sorte, le Conseil de l'Europe ne
définit pas directement d'actes de terrorisme et se contente de
faire référence aux actes tels que définis par les Nations
Unies. Ceci est probablement le meilleur moyen d'être en parfaite
adéquation avec les instruments universels.
oL'Union Européenne :
L'Union a adopté une approche différente de celle
du Conseil de l'Europe. Elle a
légiféré bien après l'Organisation
des Nations Unies sur le problème du terrorisme et a ainsi
profité de l'ensemble des travaux réalisés. Elle a
adopté deux instruments qui définissent (dans les
mêmes termes) les actes de terrorisme; Il s'agit de la position
commune du conseil du 27 Décembre 2001 (2001/931/PESC)13 et
de la Décision cadre
du conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le
terrorisme (2002/475/JAI)14. Il existe trois composantes à
cette définition.
Tout d'abord, les actes réprimés sont tels
qu'ils sont définis comme infraction par le droit national des
Etats15, ce qui laisse aux Etats le soin de
définir les éléments constitutifs du comportement
incriminé.
12 Cette réflexion est déduite du fait que lorsque
le protocole (15/05/2003) a été négocié la
négociation
de ces conventions n'était pas achevée (toutes
l'ont été au cours de l'année 2005).
13 Disponible sur :
http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2004/l_099/l_09920040403fr00610064.pdf.
Il existe une autre position commune du conseil du 22 Décembre
2003 mettant à jour la position commune
2001/931/PESC. Mais celle ci ne modifie en rien les articles
relatifs aux actes de terrorisme. Elle n'est
donc pas pertinente dans le cadre de cette étude.
14 Disponible sur :
http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2002/l_164/l_16420020622fr00030007.pdf
15 Décision cadre, article 1, paragraphe 1 ou position
commune, article 1, paragraphe 3.
Ensuite, un élément matériel qui est la
commission d'actes listés par la décision cadre. Il s'agit :
·d'atteintes contre la vie d'une personne pouvant
entraîner la mort,
·les atteintes graves à l'intégrité
physique d'une personne,
·l'enlèvement ou la prise d'otage,
·le fait de causer des destructions massives à
une installation gouvernementale ou publique, à un système de
transport, à une infrastructure, y compris un système
informatique, à une plateforme fixe située sur le plateau
continental, à un lieu public ou une propriété
privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire
des pertes économiques considérables,
·la capture d'aéronefs et de navires ou d'autres
moyens de transport collectifs ou de marchandises,
·la fabrication, la possession, l'acquisition, le
transport ou la fourniture ou l'utilisation d'armes à feu,
d'explosifs, d'armes nucléaires, biologiques et chimiques ainsi que,
pour les armes biologiques et chimiques, la recherche et
le développement,
·la libération de substances dangereuses, ou
la provocation d'incendies, d'inondations ou d'explosions, ayant pour effet
de mettre en danger des vies humaines,
·la perturbation ou l'interruption de
l'approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre
ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies
humaines,
·la menace de réaliser l'un des comportements
énumérés ci dessus.
L'Union Européenne impose, donc, dans sa
définition de l'infraction terroriste que les personnes et les biens
soient protégés. Les interruptions d'approvisionnement en eau et
autres ressources naturelles fondamentales sont prises en compte mais
uniquement pour protéger la vie, ce qui ne fait pas de l'environnement
une valeur protégée per se.
La dernière composante est un dol spécial
terroriste. Les actes ont pour but de gravement intimider une
population ou contraindre indûment des pouvoirs publics ou une
organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir
d'accomplir un acte quelconque ou gravement déstabiliser ou
détruire les structures fondamentales politiques,
constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou une
organisation internationale.
En outre, il existe un troisième instrument
adopté, lui aussi, le 27 Décembre 2001. Il s'agit de la
position commune du Conseil relative à la lutte contre le
terrorisme16 (2001/930/PESC), qui reprend, presque verbatim,
la résolution 1373 (2001) du Conseil
de sécurité de l'Organisation des Nations
Unies17. L'Union Européenne réprime donc aussi le
financement des actes de terrorisme.
L'Union Européenne impose que soient punis comme
actes de terrorisme les divers comportements recensés dans
sa décision cadre (et donc dans sa Position Commune relative
à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre
le terrorisme) lorsqu'ils sont commis avec « l'intention terroriste.
Les instruments universels imposent que ces actes soient punis mais pas
obligatoirement comme acte de terrorisme. L'Union Européenne va donc
plus loin que les exigences des conventions des Nations Unies. En
ce qui concerne les actes de financement, l'Union n'exige pas que
leur incrimination soit spécifiquement terroriste.
Afin de respecter la hiérarchie des normes la France
doit respecter à la fois les règles imposées par les
instruments internationaux et par le Conseil de l'Europe et l'Union
Européenne. Il convient de s'intéresser à ce niveau
national.
16 disponible sur :
http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2001/l_344/l_34420011228fr00900092.pdf
17 Walter Gehr, « The European Union Approach on Measures
against Terrorism » disponible sur le site
Internet de l'auteur
http://www.publicinternationallaw.net.
·La législation française :
Le titre II du livre quatre du code pénal français
traite des actes terroristes. Les
articles 421118 et suivants dressent une liste
d'actes réprimés par le droit pénal français
définis comme terroristes lorsqu'ils sont commis
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par
l'intimidation ou la terreur.
A la lecture de ces articles, il est une évidence : la
méthode suivie par la France est assez similaire à la
méthode préconisée par l'Union Européenne.
Sont terroristes certains actes commis dans certaines conditions et/ou avec
une certaine intention.
18 Article 4211
Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par
l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes
volontaires à l'intégrité de la personne,
l'enlèvement
et la séquestration ainsi que le détournement
d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis
par le livre II du présent code ;
2° Les vols, les extorsions, les destructions,
dégradations et détériorations, ainsi que les infractions
en matière informatique définis par le livre III du
présent code ;
3° Les infractions en matière de groupes de combat et de
mouvements dissous définies par les articles
43113 à 43117 et les infractions définies par les
articles 4346 et 4412 à 4415 ;
4° Les infractions en matière d'armes, de produits
explosifs ou de matières nucléaires définies par les
2°, 4° et 5° du I de l'article L. 13339, les articles L. 23392,
L. 23395, L. 23398 et L. 23399 à
l'exception des armes de la 6e catégorie, L. 23411, L.
23414, L. 234257 à L. 234262, L. 23534, le
1° de l'article L. 23535, et l'article L. 235313 du code de la
défense ;
5° Le recel du produit de l'une des infractions prévues
aux 1° à 4° cidessus ;
6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV
du titre II du livre III du présent code ;
7° Les délits d'initié prévus à
l'article L. 4651 du code monétaire et financier.
Article 4212
Constitue également un acte de terrorisme,
lorsqu'il est intentionnellement en relation avec une entreprise
individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement
l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, le fait d'introduire dans
l'atmosphère, sur le sol, dans le soussol, dans les aliments ou les
composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer
territoriale, une substance de nature à mettre en péril la
santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel.
Article 42121
Constitue également un acte de terrorisme le fait de
participer à un groupement formé ou à une entente
établie en vue de la préparation, caractérisée par
un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme
mentionnés aux articles précédents.
Article 42122
Constitue également un acte de terrorisme le fait de
financer une entreprise terroriste en fournissant,
en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs
ou des biens quelconques ou en donnant des conseils
à cette fin, dans l'intention de voir ces
fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont
destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue
de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au
présent chapitre, indépendamment de la survenance
éventuelle d'un tel acte.
Spécifique à la qualification pénale d'actes
de terrorisme, la notion d'entreprise terroriste
n'a pas été déclarée nonconforme
à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans
sa décision n° 86213 DC du 3 septembre 1986,
nonobstant les critiques des sénateurs requérants qui estimaient
que la référence à l'élément purement
subjectif que constitue le but poursuivi serait contraire au principe
constitutionnel de la légalité des délits et des peines
formulé par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme
et du Citoyen
1789. Le Conseil juge en effet19 que la
première condition fixée par la loi contestée, qui renvoie
à des infractions qui sont ellesmêmes définies par le code
pénal ou par des lois spéciales en termes suffisamment clairs et
précis, satisfait aux exigences du principe de
la légalité des délits et des peines ;
que, de même, la seconde condition est énoncée en des
termes d'une précision suffisante pour qu'il n'y ait pas
méconnaissance de ce principe. Par suite, pour qualifier
pénalement un acte de terroriste, il est désormais
nécessaire d'établir d'une part, l'existence d'un lien entre
l'acte commis et une entreprise plus vaste à stratégie
terroriste20, d'autre part, une finalité propre à cet
acte, ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou
la terreur. Enfin, depuis l'intervention de la loi du 22 juillet 1996, le
caractère intentionnel de cet acte, qui il est vrai, peut se
déduire de sa perpétration.
L'élément moral des infractions terroristes
est double. Il existe, d'une part, le dol général (et
spécial le cas échéant) nécessaire à la
réalisation des infractions « simples »
et, d'autre part, un dol spécial (l'intention des
auteurs de l'acte devant être de troubler gravement l'ordre public
par l'intimidation ou la terreur). Ce dol spécial ne correspond pas
exactement au dol prévu par l'Union Européenne qui envisage trois
possibilités :
La première, gravement intimider une population,
semble incluse dans le dol spécial français.
En outre, Il est possible de considérer que vouloir
détruire les structures fondamentales politiques,
constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou une
organisation internationale va aboutir à troubler
gravement l'ordre public. Cependant, d'un strict
19 Considérant n°5.
20 Cass. crim., 7 mai 1987, Bull. crim., n°186.
point de vue juridique, ce trouble ne se fera pas
forcément par l'intimidation ou la terreur, même
s'il peut être rétorqué que dans la pratique, il
n'est pas possible de détruire les structures fondamentales
politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou
une organisation internationale sans avoir recours à
l'intimidation
ou la terreur. Enfin, quid de la
volonté de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une
organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir
d'accomplir un acte quelconque. En effet, cette volonté peut
très bien s'accomplir sans qu'il y ait un trouble grave de l'ordre
public et sans recours à l'intimidation ou la terreur.
Ainsi, la législation française, en ce qui concerne
l'élément moral, ne semble pas en parfaite adéquation
avec la définition de l'Union Européenne.
Quant à l'élément matériel, il est
double. Il s'agit des éléments matériels des diverses
infractions listées par les articles 4211 et suivants et de l'existence
d'un lien entre cet acte et une entreprise terroriste. Les divers actes
couverts par la décision cadre et par la position commune relative
à la lutte contre le terrorisme de l'Union européenne et par
les conventions des Nations Unies semblent être inclus dans
la législation française.
De ces différentes analyses, il est à constater
que, quelque soit le niveau, la lutte anti terroriste passe par une approche de
plus en plus préventive. Les Etats ne cherchent plus uniquement à
punir les actes terroristes mais aussi à empêcher, en amont, leur
existence. Comme la rappelé le Conseil de l'Europe dans ses lignes
directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme, le
premier des droits de l'homme à respecter dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme est le droit 1a sécurité. En outre, les
divers instruments internationaux de protection des droits de l'homme21
protègent dans leurs premiers articles le droit à la vie,
ce qui sousentend que l'on protège la vie des citoyens
et non uniquement que l'on punisse les auteurs d'actes
terroristes meurtriers22. Cette
21 Convention Européenne des Droits de l'Homme,
Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques.
22 «Preventing Terrorist Acts: A Criminal Justice
Strategy Integrating Rule of Law Standards in Implementation of United
Nations AntiTerrorism Instruments» par Michael De Feo, page 22. Article
disponible auprès du service de prévention du terrorisme des
Nations Unies.
volonté de prévenir a poussé les acteurs de
la lutte antiterroriste à incriminer les actes
de financement de terrorisme, l'appartenance à un
groupe terroriste. Ensuite, la résolution 1373 (2001) impose aux
Etats que les auteurs d'actes d'appui23 au terrorisme soient
traduits en justice. Il en est de même pour les auteurs de
préparation aux actes de terrorisme24. Encore, la
résolution 1373 (2001) et la Convention du Conseil de l'Europe pour
la prévention du Terrorisme de 2005 imposent l'incrimination du
recrutement25. Enfin, après ces multiples évolutions,
la résolution 1624 (2005) du Conseil de sécurité demande
(donc n'impose pas) aux Etats d'incriminer l'incitation. La Convention
précitée impose aux Etats Parties d'incriminer l'incitation.
Prévenir les actes de terrorisme est essentiel.
Seul la prévention permet d'éviter les morts et de lutter
contre le conflit de civilisation que d'aucuns voient poindre
à l'horizon26. L'incrimination de l'incitation,
élément de cette prévention, est donc d'une extrême
importance dans la lutte antiterroriste. Néanmoins, l'incitation est une
notion juridiquement floue. Son incrimination, ex nihilo, risquerait
de ne pas respecter un des principes cardinaux du droit pénal : le
principe de légalité et son corollaire : la précision des
incriminations. Un Code criminel ne doit rien comporter d'obscur,
d'incertain ou d'arbitraire, et ne saurait être trop
précis27.
La caractérisation des infractions à
caractère préventif est délicate car plus
l'incrimination se situe au début de l'iter criminis, plus les
libertés et les droits reconnus par nos démocraties peuvent
être impactées négativement. De plus,
caractériser la commission d'infractions préventives,
nécessite que soit mis en place un cadre juridique différent de
celui que l'on connaît actuellement. Il convient, en conséquence
de définir strictement l'incitation (I) et de s'assurer que les moyens
mis en oeuvre dans le cadre de
la lutte contre le terrorisme (II) respectent pleinement les
droits fondamentaux.
23 Résolution 1373 (2005) paragraphe 2e.
24 Résolution 1373 (2005) paragraphe 2e.
25 Article 6.
26 Selon Samuel Huttington, The clash of Civilization and The
remaking of World Order ed: The Free
Press, 1997.
27 Marat, cité par le professeur Jean Paul Doucet sur son
site Internet :
http://ledroitcriminel.free.fr.
I)La notion d'incitation aux actes de terrorisme :
Comprendre ce qu'est l'incitation aux actes de terrorisme est une
nécessité avant
toute réflexion sérieuse sur ce sujet.
Toutefois donner une définition (A) n'est pas suffisant . Il
convient également de s'intéresser au but de l'incitation et aux
moyens utilisés pour inciter. Le but, en l'occurrence, est simple :
pousser autrui à commettre des actes de terrorisme. Les moyens, quant
à eux, sont variés (B), même si l'on assiste à une
émergence de l'utilisation d'Internet comme vecteur de
transmission de messages prônant le recours à des actes
terroristes.
A)Définition de l'incitation :
Avant de s'intéresser à la définition
juridique (2), il est nécessaire de
comprendre quels comportements matériels (1)
recouvrent la notion d'incitation. En effet, sans cette
compréhension des actes matériels, comment estil possible
ensuite d'apprécier la valeur des définitions juridiques et si
les moyens de lutte sont appropriés.
1.Approche matérielle :
Afin de définir l'incitation, nous allons d'abord nous
intéresser à ce qu'elle n'est pas (i), puis définir les
éléments qu'elle inclut (ii). Il conviendra alors de
déterminer les comportements qui peuvent éventuellement
être considérés comme relevant de l'incitation
(iii).
i.« La zone blanche » : Ce que
l'incitation n'est pas.
L'incrimination du recrutement et de l'incitation
relève d'une approche
préventive. Ce pendant, les deux notions, même
si elles peuvent sembler assez similaires, se différencient assez
nettement, si ce n'est par leur régime juridique, tout du
moins, par leur finalité pratique. L'Académie
française définit l'instigation comme une incitation pressante
par laquelle on pousse quelqu'un à faire quelque
chose28. C'est pourquoi, il pourrait sembler naturel de
considérer l'incitation à un acte comme une complicité
par instigation. Tel n'est pas le cas, comme cela va être
démontré. Ces deux comportements seront étudiés,
infra, afin de mettre en exergue leurs différences d'avec
l'incitation.
·La complicité par instigation :
La complicité est utilisée pour réprimer le
comportement de participants (directs
ou indirects) à une infraction lorsqu'ils n'ont pas
commis un ou l'ensemble des éléments constitutifs. Il s'agit donc
d'agents sans qui l'infraction n'aurait pu être commise ou dont
l'exécution aurait été plus ardue. En ce sens, la
complicité se rapproche de l'incitation qui réprime le fait
de pousser quelqu'un à agir, à adopter un comportement
ou à éprouver un sentiment particulier.29
Le droit pénal français a une définition
large de la notion de complicité. En son code pénal30,
en distingue deux types : la complicité par aide ou assistance et la
complicité par instigation. Cette dernière est définie
comme le fait par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou
de pouvoir de provoquer à une infraction ou de donner des instructions
pour la commettre. Il existe, donc, deux formes de
complicité par instigation : la complicité par provocation et la
complicité par instruction.
À première vue, l'incitation semble pouvoir
correspondre à cette définition. Néanmoins,
28 Définition de l'instigation par
l'Académie française disponible sur :
http://portail.atilf.fr/cgi
bin/dico1look.pl?.
29 Définition de l'incitation par
l'Académie française disponible sur
http://portail.atilf.fr/cgi
bin/dico1look.pl?.
30 Article 1217 : Est complice d'un crime ou d'un
délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a
facilité la préparation ou la consommation. Est également
complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus
d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou
donné des instructions pour la commettre.
le principe d'interprétation stricte de la loi
pénale imposerait, en ce cas, que pour être punissable comme
complicité par instigation, l'incitation ait été commise
par l'utilisation d'un moyen listé dans le texte d'incrimination. Or, il
est aisé d'imaginer des exemples d'incitation qui ne se ferait
nullement par don, promesse, menace, ordre ou abus d'autorité. Il
est tout aussi envisageable d'imaginer des cas d'incitation assez
générale pour qu'aucune instruction ne soit donnée. Les
champs d'application de ces deux notions
ne sont donc pas tout à fait les mêmes.
En outre, la complicité est une infraction «
accessoire ». Afin d'être punissable, elle requiert un fait
principal punissable31 et établi dans tous ses
éléments constitutifs32. Ainsi
la complicité de terrorisme n'est punissable
qu'après que l'acte ait été commis. L'incitation, au
contraire, est « indépendante » : elle ne requiert pas
d'acte principal punissable, ni même un début d'exécution
de l'acte principal. Ainsi, l'incrimination de l'incitation permet de
prévenir l'acte terroriste alors que l'incrimination de la
complicité punit la commission du crime. L'incrimination de
l'incitation relève d'une approche préventive.
·Le recrutement :
La Convention du Conseil de l'Europe pour la
prévention du terrorisme définit
le recrutement pour le terrorisme comme le fait de solliciter
une autre personne pour commettre ou participer à la commission d'une
infraction terroriste, ou pour se joindre
à une association ou à un groupe afin de
contribuer à la commission d'une ou plusieurs infractions terroristes
par l'association ou le groupe33. Le recrutement implique donc
un comportement actif (la sollicitation) de la part d'un (au moins)
des membres de l'organisation terroriste. Le recrutement comme l'incitation
s'adressent à des personnes qui ne sont donc pas membres du groupe.
31 Cour de Cassation, Chambre criminelle, 02 juillet 1958,
Bull. Crim., n°224.
32 Cour de Cassation, Chambre criminelle, 04 mars 1998, Bull.
Crim., n° 83.
33 Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du
terrorisme, article 6.
L'incrimination du recrutement et de l'incitation relèvent
d'une attitude préventive face
au terrorisme. En outre, dans les deux cas et aux termes de la
convention, le résultat est indifférent puisque qu'une
infraction terroriste ait ou non été commise l'acte de
recrutement, comme l'incitation sont punissables. La tentative de
recrutement est toujours punissable alors que la tentative d'incitation ne
l'est pas34.
Toutefois, ces similitudes d'objectifs et de régime
juridique ne doivent pas abuser et ces deux infractions sont
foncièrement différentes. En premier lieu, l'incitation est
pour l'organisation terroriste bien antérieure au recrutement. Elle
sert à faciliter ce dernier, telle une campagne publicitaire. Ensuite,
l'incitation n'est pas précisément ciblée et elle
s'adresse à un public large35 contrairement au recrutement.
De même, les prérequis ne sont pas identiques. Le recrutement
soustend l'existence d'une organisation terroriste (qui recrute). L'incitation
peut être le fait d'une organisation terroriste, mais elle peut aussi
être le fait de particuliers. Enfin, le recrutement sousentend
qu'il y ait une sollicitation d'une (ou plusieurs) personnes dans le but de
commettre un acte terroriste. L'incitation ne nécessite pas cette
sollicitation.
Donc, l'incitation n'est ni la complicité
(qu'elle soit par aide, assistance ou instigation), ni le recrutement.
Une fois écarté ce qui n'est pas considéré
comme incitation, il convient de déterminer ce qu'est l'incitation et
quels comportements entrent dans sa définition.
ii.« La zone noire »: Ce qu'est
l'incitation.
Inciter une personne est le fait de pousser fortement quelqu'un
à faire quelque
chose36. L'incitation peut être faite par
l'utilisation de la raison. Dans ce cas l'incitateur
34 Article 9§2.
35 Par exemple, le mensuel du Hamas « Filastin almuslimah
» est disponible en version papier depuis le RoyaumeUnis, jusqu'en
Cisjordanie en passant par le Canada et les pays Arabes. En outre
il est disponible en version électronique sur Internet.
36 Définition de l'Académie française
disponible sur :
va tenter de convaincre son interlocuteur que les actes qu'il
défend doivent être commis.
Il cherchera probablement à les justifier, ensuite
à les glorifier, avant de fournir les motifs nécessaires au
passage à l'acte. Elle peut aussi être le résultat d'une
abdication de
la raison. Dans ce cas l'incitateur utilisera des
ressorts émotionnels, par exemple, la haine d'une race ou d'un type
de comportement. Il s'agira plutôt d'une provocation. Ainsi, une
incrimination de l'incitation doit permettre la répression de
plusieurs comportements : l'apologie, l'éloge, la motivation et la
provocation à la commission d'infraction.
·L'apologie
L'apologie est un discours écrit ou verbal qui a
pour but la justification, la
défense de personnes, d'actions ou
d'ouvrages37. Ainsi, l'apologie du terrorisme peut porter sur
trois éléments :
Tout d'abord, il peut s'agir de la justification ou de la
défense de terroristes reconnus comme le fait de prendre, dans un
ouvrage, la défense d'Oussama Ben Laden ou de Abu Musab AlZarqawi.
Ainsi, « l'affaire Dieudonné » (de son vrai nom M'bala
M'bala), humoriste français, qui fut relaxé par le
tribunal correctionnel de Paris, le 11 juillet
2003, après des poursuites pour « apologie de
terrorisme »38. Il avait en effet déclaré en
parlant des attentats du 11 septembre Il (Ben Laden) est seul
contre la plus grande puissance du monde Donc forcément cela inspire
le respect, je préfère le charisme de Ben Laden à celui de
Georges Bush. Cette réponse a été donnée suite
à une question qui
ne portait ni sur les attentats, ni sur l'opinion de
M. Mbala Mbala à propos de Ben Laden. En outre, M. Mbala Mbala
précise qu'il comprenait sa (Ben Laden) révolution. Mais
évidemment la violence ne résout rien. C'est contre ma
conscience. De la sorte, tout débat relatif à la
justification des actes terroristes étaient exclus de la question de
la
http://portail.atilf.fr/cgibin/dico1look.pl.
37 Définition de l'Académie française
disponible sur :
http://portail.atilf.fr/cgibin/dico1look.pl?strippedhw=apologie&headword=&dicoid=ACAD1932
38 Affaire n°0206300012, jugement du 11 juillet 2003,
jugement non publié.
journaliste et M. Mbala Mbala ne pouvait donc pas, par ses
paroles, justifier les actes de terrorisme.
Ensuite, l'apologie peut être une prise de
position en faveur d'actes terroristes, par exemple la justification
des attentats terroristes de Bali, contenue dans le document
Mending the Heart of the Believers39 : Ils (les attentats de
Bali) ont accentué le niveau
de conscience de la jeunesse de la nation (musulmane), et les
ont déterminés à infliger
la punition (suprême) sur leurs ennemis et à ne
pas gaspiller leurs énergies sur des batailles secondaires contre des
pécheurs et des apostats.
Enfin, il peut s'agir de prendre la défense de discours ou
d'écrits qui correspondent aux deux premières
possibilités.
· L'éloge et la motivation :
Un éloge est un discours ou un écrit à la
louange d'une personne ou d'un acte40.
Ainsi, à la différence de l'apologie, il
ne s'agit pas de justifier mais de glorifier. Le numéro du mois
de janvier 2006 de Filastin alMuslimah présente Raed
Abdallah Zakarne, l'auteur d'un attentat suicide commis à Afula41
en Israël en avril 1994, comme
un héroïque combattant du Djihad. Il
s'agit ici d'un exemple typique de l'éloge d'un terroriste. En
sus, l'attentat d'Afula est présenté comme une attaque de
sacrifice pour Allah et comme un acte d'explosion
héroïque, ce qui illustre un éloge d'acte
terroriste.
La motivation est l'action de motiver c'estàdire de
fournir les motifs nécessaires42 pour passer à
l'action. Les exemples de motivation abondent. Ainsi Carlos a
déclaré : Le 11 septembre l'Amérique a
déclaré la guerre, mais pas la guerre au terrorisme, ni aux
seuls Arabes, encore moins à l'Islam qu'elle a su utiliser et manipuler
selon ses besoins,
39 Traduction libre l'auteur de ce mémoire, texte complet
disponible en anglais sur le site de l'institut de contreterrorisme :
http://www.ict.org.il/articles/articledet.cfm?articleid=453
40 Définition de l'académie française
disponible sur
:http://portail.atilf.fr/cgi
bin/dico1look.pl?strippedhw=éloge&headword=&dicoid=ACAD1932&articletype=1
41 Attentats du 06 janvier 1994 qui fit 9 morts civils et 45
blessés.
42
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=motiver
mais elle a déclaré la guerre à tous
les peuples parce qu'elle veut les soumettre..."43. Selon lui,
dans la suite de son ouvrage, tous les peuples de la Terre devraient prendre
les armes contre « le grand Satan » car il désire tous
les éliminer, exemple flagrant de motivation à la
violence.
·La provocation :
Provoquer c'est exciter quelqu'un, le pousser, par un
défi lancé ou par des
outrances d'attitude ou de langage, à une action
souvent violente et appelant ellemême une riposte. Pour la
jurisprudence, la provocation est définie comme une manoeuvre
consciente qui a pour but de surexciter les esprits et de créer la
mentalité qui appelle à l'infraction44. A cet
égard, la provocation ne fait pas appel à la raison mais aux
émotions
du provoqué. Il ne s'agit plus de convaincre mais de
s'assurer d'une réaction instinctive. Les exemples les plus nombreux de
provocation concernent la provocation à la haine et à
la discrimination raciale qui est réprimée par
l'article 24 de la loi française sur la liberté
de la presse de 1881. Ces incriminations qui limitent
la liberté d'expression sont autorisées par la Convention
Européenne des Droits de l'Homme et validées par la Cour (comme
il sera indiqué dans la partie II A 2).
Nous avons donc déterminé ce qui ne relevait pas
de l'incitation aux actes de terrorisme et ce qui en relevait. Il existe
une dernière catégorie, la plus intéressante
intellectuellement, celle dont il est plus difficile de savoir si
elle relève ou non de l'incitation aux actes de terrorisme.
iii.« La zone grise » : estce
de l'incitation ?
Affirmer qu'il est nécessaire d'empêcher, comme
au Rwanda, les radios de
diffuser des appels aux meurtres est aisé, mais
est il aussi simple de rendre illégale
43 L'islam révolutionnaire, Monaco,
édition du rocher, p. 191, 2003.
44 Tribunal correctionnel de Paris, 15 avril 1986, Revue de
Science criminelle, 1987 n°209.
l'expression d'une haine, voire du racisme dans un cadre
privé ou familial ? Que faire lorsque toute une société
tend à déshumaniser l'autre, désigné comme l'ennemi
? Ces questions renferment toute la problématique de
l'endoctrinement.
·L'endoctrinement
L'endoctrinement ou l'action de chercher à
influencer, gouverner quelqu'un en lui
imposant une doctrine, des modèles de pensée, des
règles de conduite45, n'est pas une notion juridique. Il est,
néanmoins, possible de distinguer deux éléments
constitutifs :
Le but, c'est à dire la volonté
d'influencer, de gouverner et la méthode, c'est à dire
imposer un modèle de pensée. En pratique cela peut se
traduire de diverses façons.
« 1984 » de Georges Orwell décrit
admirablement une société où l'endoctrinement est roi.
Mais il n'est nul besoin de la fiction pour prendre conscience des ravages de
ces méthodes : un retour au régime nazi et à ses
jeunesses hitlériennes, ou au régime stalinien et son
Komsomol (jeunesses communiste du parti communiste d'Union
Soviétique) nous rappelle comme il est simple d'endoctriner.
L'endoctrinement s'adresse généralement aux jeunes plus
malléables que leurs aînés, dont les opinions sont
déjà forgées.
L'endoctrinement est pour certains la cause des multiplications
des « attentatssuicides »
en Israël. Ainsi, la télévision
palestinienne diffuse souvent des chants à la gloire du
shahada46 (par exemple : Palestinian Tv, le 24 juillet
200247), de nombreuses fatwas48 justifient le recours
aux attentatssuicide alors que certains livres scolaires dépeignent
les juifs comme des traîtres49. Il est
évident que ces pratiques, si elles s'ajoutent à une
45
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=endoctrinement
46 Martyr.
47 cité dans Maria Alvanou, « Islamic Incitement and
Palestinian female terrorism », allocution présentée
en 2005 à la conférence du CESNUR, à
Palerme.
48 Décrets religieux.
49 Father said: 'What do we learn from this [Qur'anic] Surah
[i.e., Surat alHashr - Exile]?"
Mahmud said: "We learn from it precious lessons, some of which
are [...] the Jews are a people of
transmission par la famille d'une « haine du juif », ne
peut que favoriser les attentats50,
en diabolisant l'ennemi qui n'est plus considéré
comme un être humain.
Ces approches factuelles permettent de cerner le
phénomène en pratique mais ne font appel qu'à des notions
floues et non juridiques. Il est donc nécessaire de s'essayer à
une approche juridique de la notion d'incitation
2.Approche juridique :
Après avoir tenté de comprendre, dans les faits, ce
qu'est l'incitation, il convient
de définir ce phénomène en droit. Pour cela,
divers instruments juridiques internationaux qui fondent une éventuelle
obligation d'incriminer l'incitation aux actes
de terrorisme seront étudiés. Ensuite, la
notion juridique d'incitation sera analysée à travers les
exemples de l'incitation aux produits stupéfiants et au
génocide. Enfin l'incitation aux actes de terrorisme sera
étudiée.
i.Les sources juridiques de l'incitation :
·Le Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques 51 :
Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques est un instrument
juridiquement contraignant pour les pays l'ayant
ratifié52 et dispose dans son article 20
paragraphe 2 que tout appel à la haine nationale,
raciale ou religieuse qui constitue une
betrayal and treachery." Islamic Religious Education, Grade 5,
Part 2, (2001) p. 16 cité dans le rapport
« Jews, christians, war and peace in egyptian school
textbooks » par le Center for Monitoring the
Impact of Peace. Ces livres scolaires égyptiens sont
utilisés par l'Autorité palestinienne, ibidem.
50 Nous considérons que la destruction
systématique de maisons, les bombardement de civils et autres par Tsahal
peut également exacerber un sentiment de violence et en ce sens
favoriser le recours au terrorisme.
51 texte complet disponible sur
http://www.ohchr.org/french/law/ccpr.htm
52 Le 01 Septembre 2006, 149 Etats étaient partie au
Pacte. Le statut de ratification est disponible sur :
http://www.unhchr.ch/pdf/reportfr.pdf.
incitation à la discrimination, à
l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi.
Or, le terrorisme est défini par ses actes. Les actes
de terrorisme tels que définis par les instruments universels contre le
terrorisme sont des actes violents. Seule la Convention pour la
répression du financement du terrorisme incrimine des
comportements non violents, toutes les autres conventions incriminant
des comportements violents, qu'il s'agisse de conventions relatives à
l'aviation, à la navigation maritime, à la protection des
personnes internationalement protégées, aux matières
nucléaires ou aux attentats à l'explosif. En
conséquence, l'incitation à la commission d'actes de terrorisme
est une incitation à la commission d'actes violents.
Toute incitation à des actes de terrorisme, lorsqu'elle
se fait par le biais d'appel à la haine nationale, raciale ou
religieuse, doit donc être interdite par la loi dans tous les Etats
signataires du Pacte International relatifs aux Droits Civils et Politiques.
Pour le suivi de ce traité, les Nations Unies ont
instauré un comité d'experts indépendants (le
comité des droits de l'homme) qui a rendu des observations
générales
sur les divers articles du Pacte. L'article 20 fait l'objet de
l'observation n°1153 aux termes
de laquelle le paragraphe 2 s'applique, que la
violence provoquée soit purement nationale ou internationale. En
ce sens, même les actes de terrorisme strictement nationaux (qui
sont généralement nationaux seulement dans leurs manifestations
mais non dans leur préparation) sont concernés par cette
prohibition.
En outre, le comité estime nécessaire, pour une
mise en oeuvre complète de l'article 20
du Pacte, qu'une loi sanctionne les violations correspondantes au
comportement décrit dans l'article. Ceci signifie que la loi doit
sanctionner, entre autres, l'incitation aux actes
de terrorisme lorsqu'elle constitue un appel à la haine
raciale, nationale ou religieuse.
Le Pacte n'est pas le seul texte international qui puisse
fournir un fondement juridique à l'incrimination de l'incitation.
53
http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/5002659a11f87f6f802565230047491b?Opendocument
·Les résolutions pertinentes du Conseil de
sécurité :
La résolution 1373 (2001)54 du Conseil
de sécurité des Nations Unies, votée le 28
septembre 2001, « dans la foulée » des
attentats du 11 septembre 2001 est fondée sur le chapitre VII de la
Charte des Nations Unies. Les paragraphes de cette résolution, où
le Conseil « décide », sont contraignants55. C'est
le cas de son paragraphe 2e : le Conseil
de sécurité décide [...] que les
Etats doivent veiller à ce que toutes les personnes qui participent au
financement, à l'organisation, à la préparation ou
à la perpétration d'actes de terrorisme ou qui y apportent un
appui soit traduites en justice, à ce que outre les mesures qui
pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de
terrorisme soient érigés en infractions graves dans la
législation et la réglementation nationale et à ce que la
peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces
actes. Ce texte impose que les personnes qui apportent un appui aux actes
de terrorisme soient traduites en justice. Or, l'incitation à la
commission d'actes de terrorisme peut être interprétée
comme un appui aux actes de terrorisme (ne serait ce qu'en pouvant
favoriser le soutien d'une partie de la population à ces actes). Ainsi,
les « incitateurs » devraient, aux termes de la résolution
1373, pouvoir être traduits en justice. Mais cette résolution
n'explicite pas la notion de « traduire en justice ». Les
résolutions 1456 (2003)56 et 156657 (2004) du
Conseil de sécurité précisent cette notion en indiquant
que
les Etats doivent traduire en justice les personnes qui
prêtent appui à la commission d'actes de terrorisme58
en respectant le principe Aut Dedere Aut Judicare. Le
paragraphe
3 de la résolution 1546 (2003) et le paragraphe 2 de la
résolution 1566 (2004) sont pris sous le chapitre VII de la Charte des
Nations Unies, il sont donc contraignant.
54 Résolution 1373 (2001) du Conseil de
sécurité disponible sur :
http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=s/res/1373(2001)
55 Sur le caractère contraignant de la résolution
voir supra note n°10.
56 Paragraphe 3. Résolution 1566 (2004) disponible sur
http://daccessods.un.org/TMP/6871495.html.
57 Paragraphe 3. Résolution 1546 (2003) disponible sur
:
http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/(Symbol)/S.RES.1456+(2003).Fr?Opendocument
58 Lire «The Duty to bring Terrorists to justice and
Discretionary Prosecution» par Stefano Betti, Journal
of International Justice 2006 Numéro special sur le
terrorisme, à paraitre.
De la sorte, si l'on interprète l'incitation aux actes
de terrorisme comme un appui à ces actes, cela signifie que les Etats
sont obligés de traduire les incitateurs en justice en appliquant le
principe Aut Dedere Aut Judicare.
La résolution 1624 (2005)59 du
Conseil de sécurité demande aux états d'interdire par
la loi l'incitation à commettre un ou des actes terroristes,
de prévenir une telle incitation et de refuser l'asile à
toute personne au sujet de laquelle on dispose d'informations
crédibles et pertinentes selon lesquelles il existe des raisons
sérieuses de penser qu'elle est coupable d'une telle incitation.
Cette résolution a été adoptée le 14
septembre 2005 lors de la 5261e séance du Conseil
de sécurité. Elle fait suite aux attentats de
Londres et fut initiée par les Britanniques et
les Russes. Elle s'inscrit dans la lignée des
résolutions du Conseil de sécurité concernant
les menaces que le terrorisme fait peser sur la paix et la
sécurité internationales. Les principales résolutions sont
la résolution 1267 (sur les talibans), la résolution 1373, la
résolution 1617 (qui reprend et affine le régime mis en
place par 1267 contre les talibans).
·Valeur juridique de cette résolution :
Cette résolution possède un fort poids politique
car le Conseil de sécurité considère que
le terrorisme et l'incitation aux actes de
terrorisme constituent une des plus graves menaces contre la paix et la
sécurité, [...] une menace grandissante pour la jouissance des
droits de l'homme, [...] entrave le développement social et
économique, compromet
la stabilité et la prospérité
mondiale, [que] l'incitation est contraire aux buts et principes des
Nations Unies. Cette dernière expression est très
forte et elle est, par exemple, utilisée dans la
résolution 1373 du Conseil de sécurité pour
qualifier le
59 Résolution 1624 (2005) du Conseil de
sécurité disponible sur :
http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=s/res/1624(2005).
terrorisme, ainsi que dans la résolution 96 de
l'Assemblée Générale du 11 décembre
1946 pour qualifier l'acte de génocide. Malgré
ces qualificatifs très forts utilisés dans la résolution
1624, celleci n'a pas été prise sous l'égide du chapitre
VII de la charte des Nations Unies et n'est donc pas contraignante. Le Conseil
de sécurité appelle seulement
les Etats à prendre des mesures pour lutter contre
l'incitation, il ne décide pas que les Etats doivent prendre des
mesures contre l'incitation. Ce caractère facultatif de
l'incrimination est probablement dû aux libertés que heurtent de
front une éventuelle incrimination : la liberté d'expression et
la liberté de pensée qui dans les conceptions anglosaxonnes ne
peuvent être limités que dans des cas extrêmement
limitées60.
·Contenu de cette résolution :
En premier lieu, le Conseil de sécurité demande aux
Etats d'interdire par la loi
l'incitation à commettre un ou des actes de terrorisme.
L'observation générale n°1161 (1983) du
Comité des droits de l'homme, indique que pour que l'article 20 du Pacte
devienne effectif, il doit exister une loi qui sanctionne la violation de
l'interdiction de la propagande et des appels à la haine (...).
Bien que ni l'article 20 du Pacte, ni l'observation
générale ne le spécifie, il est difficile
d'imaginer des sanctions non pénales qui puissent être
effectives contre les terroristes. En outre, divers instruments internationaux,
reconnaissent que l'incitation à la commission d'infractions et
à la violence puisse être interdite par des lois pénales
(par exemple, l'article 31ciii de la Convention contre le trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes62). Ceci
nécessite que les principes généraux du droit pénal
reconnus par le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques s'appliquent, c'estàdire : nullum crimen, nulla
poena sine lege (art 15) et le principe de non rétroactivité
de la loi pénale (article 15)
En deuxième lieu, le conseil demande de prévenir
une telle incitation ce qui est
60 voir II A
61 Précitée
62 La Convention est disponible sur :
http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_812_121_03/index.html.
un des objectifs de la loi pénale. Toutefois, en
l'occurrence, la résolution sous tend qu'il faille aller plus loin par
des mesures administratives (ou d'autres natures) permettant de suspendre la
parution de journaux, des autorisations d'émission pour des radios ou
des télévisions, des lois permettant de fermer des lieux
de réunions, d'interdire des associations lorsque ces moyens sont
utilisés pour inciter à la commission d'actes
terroristes.
En troisième et dernier lieu, le conseil demande aux
Etats de refuser l'asile à toute personne au sujet de laquelle on
dispose d'informations crédibles et pertinentes selon lesquelles il
existe des raisons sérieuses de penser qu'elle est coupable d'une
telle incitation. Cela sousentend deux éléments :
·Qu'il existe dans le droit relatif à l'asile des
Etats une disposition permettant de refuser l'asile pour les personnes ayant
incitées au terrorisme
·Que les Etats communiquent entre eux afin de
s'échanger des informations sur les personnes soupçonnées
d'avoir commis des actes d'incitation au terrorisme.
Cette demande du Conseil de sécurité n'est pas
nouvelle. La Convention relative au statut des
réfugiés63 dans son art 1Fc dispose que
le statut de réfugié n'est pas applicable aux personnes qui
se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux
principes des Nations Unies. Or, l'incitation aux actes de
terrorisme est contraire aux buts et principes des Nations Unies comme
l'a déclaré le Conseil de sécurité dans la
résolution 1624.
Cette résolution envisage donc l'ensemble des
aspects relatifs à la lutte contre l'incitation aux actes de
terrorisme. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un texte de loi et elle
ne définit pas juridiquement l'incitation.
ii.Notion juridique d'incitation :
63 La convention est disponible sur :
http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_c_ref_fr.htm.
La notion d'incitation n'est pas nouvelle en droit. En ce sens,
l'Organisation des
Nations Unies l'a utilisée dans sa convention relative aux
stupéfiants dès 1988. Depuis
les « procès de Nuremberg », l'incitation
aux actes de génocide est connue du droit international. Ces deux
précédents seront étudiés successivement.
·Convention contre le trafic illicite de
stupéfiants et de substances
psychotropes : Article 31ciii
L'article 31ciii de la Convention de l'Organisation des
Nations Unies contre le
trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes incrimine le fait d'inciter ou d'amener publiquement
autrui, par quelques moyens que ce soit, à commettre une des infractions
[établies par cet article] ou à faire illicitement usage de
stupéfiants ou de substances psychotropes. Lors de l'adoption de la
convention, la disposition entendait répondre aux problèmes que
suscitaient les journaux et les films qui faisaient l'apologie des
stupéfiants et préconisaient des comportements culturels
favorables à la consommation des drogues.
L'étude de la définition de l'incitation
à la consommation de produits stupéfiants ou à la
commission d'infraction au régime légal des
stupéfiants conduit à s'intéresser à
l'élément matériel et à l'élément
moral.
·Un élément matériel : le fait
d'inciter ou d'amener publiquement autrui, par quelques moyens que ce
soit, à ...
Inciter publiquement peut64 être compris de
plusieurs manières, soit lorsque l'acte d'incitation est commis
publiquement, soit lorsque le public tout entier est visé.
64 Explications tirées du rapport annuel 1997 de
l'organisme international de contrôle des stupéfiants disponible
sur :
http://www.incb.org/incb/fr/annual_report_1997_chapter1.html#I"
>http://www.incb.org/incb/fr/annual
_report_1997_chapter1.html#I
Ainsi, cette disposition comporte un « gardefous »,
puisqu'une incitation commise dans un contexte purement privé n'est pas
répréhensible. Cette incitation peut être effectuée
par n'importe quel moyen : lors de réunions publiques ou par
l'utilisation
de médias (presse écrite,
télévision, cinéma, Internet...) mais également
par la tromperie, le recours à la force ou à une persuasion
monétaire.
De la sorte, tous les moyens imaginables pour inciter
à la consommation de stupéfiants sont donc
répréhensibles, pourvu qu'ils aient été commis
publiquement.
·Un élément moral : il n'est pas
spécifié dans le texte d'incrimination. C'est pourquoi cette
incitation peut n'être pas commise intentionnellement.
Cette convention n'est cependant pas le seul instrument
international qui contienne une définition légale de
l'incitation. Le Statut de Rome et les Statuts des divers tribunaux
pénaux internationaux comme leurs jurisprudences, peuvent aussi
être utiles pour définir l'incitation.
·De la définition de l'incitation
par les tribunaux pénaux
internationaux :
L'holocauste n'a pas commencé dans les chambres
à gaz mais par des mots.65
L'article 253e du Statut de la de la Cour pénale
internationale ainsi que l'article
23c du Statut du Tribunal pénal International
pour le Rwanda et l'article 43c du Statut du tribunal pénal
international pour l'exYougoslavie incriminent l'incitation directe et
publique à commettre un génocide66.
65 Discours du Ministre de la justice canadien au Forum
international de Stockholm de 2004 reprenant le dispositif d'un arrêt de
la Cour suprême du Canada disponible sur :
http://www.manskligarattigheter.gov.se/stockholmforum/2004/page1623.html
66 Statut de la Cour Pénal Internationale disponible sur
le site de la Cour :
http://www.icccpi.int/home.html&l=fr ;
Statut du Tribunal pénal international pour l'ex
Yougoslavie disponible sur le site du Tribunal :
http://www.un.org/icty/indexf.html.
Le Statut du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda connaît une double incrimination de l'incitation. La
première, introduit par l'article 23c du Statut du tribunal,
doit être publique et directe et ne concerne que le
génocide. La seconde, introduite par l'article 61
(responsabilité pénale individuelle) du Statut, se traduit en
anglais par « instigation ». Elle peut n'être ni directe, ni
publique et s'applique à toutes
les infractions. Le Statut de Rome dans son article 253b
(responsabilité pénale individuelle) connaît une
infraction qui semble similaire. Il s'agit d'ordonner, solliciter
ou encourager la commission d'un crime. Ces deux
incriminations seront étudiées tour à
tour.
·« L'incitationinstigation
»
Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda dans
un arrêt « Akayesu »67
définit68 cette incitation comme une
complicité par instigation telle que la connaît notre code
pénal français avec emprunt de criminalité et infraction
punissable uniquement si l'acte principal a été commis.
L'étude de ce type d'incitation n'est donc pas nécessaire dans le
cadre de notre réflexion.
·L'incitation directe et publique au crime de
génocide.
Afin de définir la notion d'incitation à la
commission du génocide, nous étudierons le
procès de M. Jean Paul Akayesu69. Suite au
génocide rwandais, ce dernier a été reconnu coupable de
génocide, crime contre l'humanité (extermination, viol,
assassinat, torture, autres actes inhumains), d'incitation directe et
publique à commettre un génocide et déclaré
noncoupable d'une demidouzaine d'autres chefs d'accusations (complicité
de
Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda
disponible sur le site du Tribunal :
http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm.
67 Arrêt Akayesu (ICTR964), 2 octobre 1998:
disponible sur :
http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm.
68 paragraphe 473 à 476.
69 Ibidem.
génocide, violation de l'article 3 commun aux conventions
de Genève70 et de l'article
4(2)(e) du Protocole additionnel II)
Dans les paragraphes 549 à 562 la cour définit
la notion d'incitation directe et publique à commettre le
génocide. Il convient de remarquer qu'aux termes du Statut du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda, l'incitation doit être directe
et publique pour être punissable.
Le caractère public s'apprécie selon la
cour en fonction de deux critères : le lieu de l'incitation et
l'assistance visée. Elle retient que l'incitation est publique
lorsqu'elle a été commise à haute voix dans un lieu
public par nature à un certain nombre d'individus ou lorsqu'un appel est
lancé au grand public par des moyens tels que les médias de
masse, radio ou télévision par exemple71.
Le caractère direct soustend que l'incitation
prenne une forme directe et provoque directement autrui à
entreprendre une action criminelle72. En
conséquence, une suggestion vague et indirecte est insuffisante pour
constituer une incitation. Néanmoins,
il est utile de rappeler que la perception du caractère
direct d'une incitation peut varier d'une culture et d'une langue à
l'autre. En sus, une incitation peut être directe et
néanmoins implicite. Ainsi, une incitation au génocide peut
être causée par une action subtile sur la psychologie des
foules en désignant un groupe ethnique ou religieux comme
responsables des difficultés économiques ou
autres73.
La Cour définit, finalement74, l'incitation
au crime de génocide comme le fait de directement provoquer
l'auteur ou les auteurs à commettre un génocide, soit par
des
70 Les conventions sont disponibles sur :
http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/genevaconventions.
71 Paragraphe 556.
72 Paragraphe 557.
73 Comptes rendus analytiques des séances de la
Sixième Commission de l'Assemblée générale du 21
septembre au 10 décembre 1948, Documents officiels de
l'Assemblée générale. Disponible sur demande
auprès de l'Assemblée générale.
74 Paragraphe 559.
discours, cris ou menaces proférés dans
des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des
imprimés vendus ou distribués, mis en vente ou exposés
dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou affiches,
exposés aux regards du public, soit par tout autre moyen de
communication audiovisuelle. Dans cette acception, l'incitation
est une provocation. Il ne s'agirait donc ni plus ni
moins que d'une complicité par provocation érigée en
infraction principale.
Ensuite75, la Cour s'intéresse à
l'élément moral de l'incitation. Il s'agirait de l'intention
d'amener ou de provoquer autrui à commettre un génocide. Pour la
cour, l'incitation au génocide suppose donc, chez son auteur,
l'intention spécifique au génocide. Ainsi par transposition,
l'incitation à une infraction nécessite l'intention
spécifique à cette infraction. Si l'on incite à la
commission d'un meurtre, il serait donc nécessaire que
« l'incitateur » soit habité par l'intention
d'amener l'incité à avoir la volonté de l'«
l'animus necandi ».
Enfin76, la Cour déduit de la
dangerosité des actes de génocide que l'incitation est une
infraction formelle, une infraction qui est réputée
consommée indépendamment de la production du
résultat77.
De la sorte, si on l'extrapole à tous types
d'infraction, la position de la Cour est que l'incitation à la
commission d'une infraction est une infraction principale qui
s'apparenterait à une provocation, dont l'élément
moral serait la volonté d'obtenir la consommation de l'infraction.
Cette infraction peut être formelle si le crime provoqué
est particulièrement dangereux donc si l'incitation est en
ellemême porteuse d'un très grand risque pour la
société.
75 Paragraphe 560.
76 Paragraphes 561 et 562.
77 Merle et Vitu, Traité de Droit criminel, Droit
pénal spécial, ed Cujas,1982, p 619.
A ce stade, la notion d'incitation est définie, il
convient donc de s'intéresser spécifiquement à la
notion d'incitation aux actes de terrorismes.
iii.L'incitation aux actes de terrorisme telle que
définie par la Convention
du Conseil de l'Europe pour la prévention du
terrorisme
Il s'agit du premier instrument régional à
ériger en infraction l'incitation à la
commission d'actes terroristes. La Convention du
Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et son
rapport explicatif ont été adoptés par le
Comité des Ministres du Conseil de l'Europe lors de sa 925e
réunion. La Convention a, ensuite, été ouverte
à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe, de la
Communauté Européenne et des Etats nonmembres ayant
participé à son élaboration, le 16 mai 2005,
à l'occasion du 3e Sommet des chefs d'Etat
et de gouvernement du Conseil de l'Europe. Cette Convention a
été préparée par le Comité des Experts
sur le Terrorisme (CODEXTER). Lors de sa première réunion en
Octobre 2003, ce dernier a décidé de créer le groupe de
travail, CODEXTERApologie, pour analyser les conclusions d'un rapport
d'experts indépendants sur l'« apologie du terrorisme »
et l'« incitement to terrorism » en tant qu'infraction
pénale dans la législation nationale des Etats membres
et des Etats observateurs du Conseil de l'Europe. Ce rapport a
été préparé sur la base de
la législation et de la jurisprudence pertinentes dans les
Etats membres et observateurs
du Conseil de l'Europe et de la jurisprudence de la
Cour européenne des Droits de l'Homme. L'analyse de la situation a
montré qu'une majorité d'Etats ne prévoyaient pas dans
leur législation une infraction spécifique concernant l'«
apologie du terrorisme ».
Le groupe de travail a donc été chargé de
présenter des propositions de suivi, dans le contexte des
discussions portant sur la préparation de nouveaux
instruments internationaux sur le terrorisme.
Le CODEXTERApologie s'est principalement concentré sur
trois points : le soutien public à des infractions terroristes ou
à des groupes terroristes, le lien de causalité
direct ou indirect avec la commission d'une infraction et
la relation temporelle, antérieure ou postérieure, avec la
perpétration de l'infraction78.
Le résultat du groupe de travail est ladite Convention qui
incrimine dans son article 5
la provocation publique à commettre des actes terroristes,
définie comme la diffusion
ou toute autre forme de mise à disposition du
public d'un message, avec l'intention d'inciter à la commission d'une
infraction terroriste, lorsqu'un tel comportement, qu'il préconise
directement ou non la commission d'infractions terroristes, crée un
danger qu'une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises.
La rédaction de cette disposition prend en compte les avis de
l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe79 et
du Commissaire aux droits de l'homme du conseil de
l'Europe80, qui désiraient que cette disposition
permette de réprimer la dissémination de messages
d'éloge de l'auteur d'un attentat, le dénigrement des victimes,
l'appel à financer des organisations terroristes ou d'autres
comportements similaires, qui peuvent constituer des actes d'incitation
indirecte à la commission de violences terroristes.
La provocation directe ne posait pas de problème
particulier car la majorité des Etats Membres du Conseil de l'Europe
l'érige, déjà, sous une forme ou sous une autre, en
infraction pénale (souvent de façon générique
par le biais de la provocation à la commission d'infraction).
L'incrimination de la provocation indirecte vise à combler les lacunes
du droit international et des droits nationaux existants. Il ressort, en effet,
du rapport d'expert indépendant sur l'« apologie du
terrorisme » et l'« incitement to terrorism » que peu de pays
incriminent l'incitation indirecte. De plus, l'incrimination
de l'incitation indirecte permet de réprimer la
provocation à commettre les infractions contenues dans la
Convention internationale pour la répression du financement
du terrorisme, qui jouent souvent un rôle important dans
l'enchaînement d'évenements qui conduisent à la commission
d'actes terroristes.
Au regard de l'article 5 de la Convention du Conseil de l'Europe
pour la prévention du
78 Rapport explicatif pour la convention du Conseil
de l'Europe pour la prévention du terrorisme
paragraphe 87 disponible sur
http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/196.htm
79 Avis 255 (2005), paragraphes 3.vii et ss.
80 Document BcommDH (2005) 1, paragraphe 30.
terrorisme, il importe peu que la provocation ait
été directe ou indirecte81, seule trois conditions
doivent être réunies.
La provocation doit avoir été commise
illégalement, donc l'incitation peut être légale ou
justifiée, que ce soit par les exceptions légales classiques ou
dans les cas
où d'autres principes ou intérêts
excluent toute responsabilité pénale. Il en serait ainsi,
par exemple, en cas d'incitation commise par un agent des forces de l'ordre en
mission d'infiltration.
La provocation doit également avoir
été commise intentionnellement. Le sens à donner
à ce mot dépend des droits internes. Toutefois, une
intention expresse d'inciter à la commission d'une infraction
terroriste82 est nécessaire.
L'incitation doit créer un risque de commission
d'une infraction terroriste. Pour évaluer si un tel risque est
engendré, il faut prendre en considération la nature de l'auteur
et du destinataire du message ainsi que le contexte dans lequel l'infraction
est commise, dans le sens établi par la jurisprudence
de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. L'aspect significatif et la
nature crédible du risque devraient être pris en
considération lorsque cette disposition est appliquée,
conformément aux conditions établies par les droits internes.
L'élément matériel de cette infraction
est la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du
public d'un message (...) qu'il préconise directement ou non la
commission d'infractions terroristes,
Le terme « diffusion » s'applique à la
propagation active d'un message. On peut citer, par exemple, la distribution
de tracts contenant le message, l'envoi de courriels ou
81 Ainsi le Conseil de l'Europe réprime plus
sévèrement l'incitation aux actes de terrorisme que la
communauté internationale ne réprime l'incitation aux actes de
génocide. Simple « effet de mode » ou dangerosité plus
importante du terrorisme ?
82 Rapport explicatif pour la convention du Conseil
de l'Europe pour la prévention du terrorisme
paragraphe 99, ibidem
l'insertion d'une annonce dans des journaux. Le terme « mise
à disposition » s'applique
au fait de procurer le message d'incitation sous une forme
aisément accessible, en créant par exemple un site Internet ou
des listes d'hyperliens. Le fait que cette incitation soit directe ou indirecte
n'importe pas.
L'élément moral de cette infraction oblige cette
dernière à être commise intentionnellement pour être
punissable.
Les membres de l'Union Européenne qu'ils aient
ou non ratifiés cette convention sont tenus d'incriminer
l'incitation aux actes de terrorisme. En effet, l'article 4 de la
décisioncadre du conseil européen du 13 juin 2002 relative a la
lutte contre le terrorisme83 impose aux Etats membres de
prendre les mesures nécessaires pour que le fait d'inciter
à la commission d'infraction listées à l'article
premier paragraphe 184 et aux articles 2 et 385 soit
considéré comme infraction liée aux activités
terroristes. Mais cette décision ne définit pas
l'incitation et laisse ainsi une certaine latitude aux Etat.
La notion d'incitation aux actes de terroristes est juridiquement
définie, il s'agit de la diffusion, ou de la mise à disposition,
par divers biais, d'un message qui préconise la
83 Ibidem.
84 Il s'agit des atteintes contre la vie d'une personne
pouvant entraîner la mort, des atteintes graves à
l'intégrité physique d'une personne, de l'enlèvement
ou de la prise d'otage, du fait de causer des destructions massives
à une installation gouvernementale ou publique, à un
système de transport, à une infrastructure, y compris un
système informatique, à une plateforme fixe située sur le
plateau continental, à un lieu public ou une propriété
privée susceptible de mettre en danger des vies humaines
ou de produire des pertes économiques
considérables, de la capture d'aéronefs et de navires ou
d'autres moyens de transport collectifs ou de marchandises, de la
fabrication, la possession, l'acquisition, le transport ou la fourniture
ou l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs, d'armes
nucléaires, biologiques et chimiques ainsi que, pour les armes
biologiques et chimiques, la recherche
et le développement, de la libération de
substances dangereuses, ou de la provocation d'incendies, d'inondations ou
d'explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines,
de la perturbation ou de l'interruption de l'approvisionnement en eau, en
électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale
ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines, de la
menace de réaliser l'un des comportements énumérés
ci dessus.
85 Il s'agit de la direction d'un groupe terroriste, de la
participation aux activités d'un groupe terroriste
(article 2) et du vol aggravé, du chantage, et de la
réalisation de faux documents administratif en vue
de réaliser certaines infractions de l'article 1 (article
3).
commission d'actes terroristes. L'élément moral
peut être un dol général (définition de l'incitation
aux actes de terrorisme par le Conseil de l'Europe) ou un dol
spécial (définition de l'incitation par les tribunaux
pénaux internationaux). Il est donc nécessaire de
s'intéresser aux divers biais utilisable pour inciter.
B.Les divers moyens de l'incitation :
L'incitation peut prendre plusieurs formes et utiliser divers
médiums. Les formes
dépendent généralement des moyens
utilisés donc seuls les moyens utilisés pour inciter
à la commission d'actes terroristes seront
étudiés. Parmi les médiums pouvant véhiculer
le message incitateur, on retrouve les méthodes
traditionnelles (journaux, associations, télévision...) mais
aussi et surtout Internet, devenu un élément important dans
l'arsenal terroriste.
1.Les moyens traditionnels :
Toute incitation, comme toute communication, suppose au moins un
émetteur et
un récepteur. S'ils se trouvent
simultanément dans le même lieu, il s'agira d'une
communication instantanée. S'ils sont spatialement et
temporellement éloignés, la communication suppose l'utilisation
de médias.
i.Les méthodes sans utilisation des
médias
·L'utilisation d'associations
En matière terroriste, la principale problématique,
concernant les associations,
est liée à leur rôle dans le financement
d'organisations classifiées comme terroriste. Par exemple,
l'utilisation de l'association AlTadhamun86 pour recueillir
des fonds et les
86 Jam'iyyat altadhamun alkhayriyyah alislamiyyah
fondé en 1956 par la confrérie des frères
musulmans. Cette association est particulièrement active dans la
région de Naplouse en Cisjordanie.
distribuer. Cette association possède un vaste
réseau d'activités sociales depuis la gestion d'une
clinique, jusqu'à celle d'un orphelinat en passant par des
écoles, des maternelles ou encore des clubs de sport. Or, il
est apparu87 que cette organisation recevait des fonds de
groupe (par exemple un don de 50 000 US$ de musulmans vivant
en BosnieHerzégovine) et que ces fonds ont
été utilisés afin de financer des attentats (l'attentat de
la ligne de bus 1988). De plus, il existe un risque que les
associations soient utilisées ou crées pour commettre des
actes d'incitation. Les locaux de cette même association à
Naplouse ont été « visités » par les soldats de
Tsahal qui y ont trouvé de nombreux documents89 glorifiant
des attentats et leurs auteurs.
Lutter contre le détournement d'association
légitime n'est pas aisé et ce pour plusieurs raisons :
Comme expliqué dans l'exemple cidessus, ces
organisations ont plusieurs activités dont la majorité sont
légitimes et dont le but n'est pas d'inciter. Identifier les
organisations qui se livrent à de l'incitation n'est donc pas chose
aisée.
En démocratie, la liberté d'association est
un droit fondamental et son exercice permet la création et la
mise en place de contrepouvoir et parfois de pallier à
certaines carences du pouvoir politique (les associations de soutien scolaire
dans les banlieux francaise par exemple). Ainsi, toute limitation, a
priori, du droit à la liberté d'association peut être
dangereuse. En sus, ces limitations se feraient probablement par le biais d'une
déclaration des buts de l'association, lors de sa création, (ce
qui existe déja en France) et par une vérification a
postériori de la conformité des activités
pratiquées aux activités déclarées. Or, sauf
à assurer un suivi réel et poussé des activités
de ces associations, cette mesure n'aurait probablement que peu de
87 «Special information bulletin» de «
intelligence and Terrorism Information Center at the center for special Studies
» dans l'article « Charity and Palestinian Terrorism ». Cet
article est disponible sur le site Internet du centre
http://www.intelligence.org.il/eng/about_e/about_us_e.htm.
88 Cet attentat fut perpétré le 29 janvier 2004,
il fit 3 morts et 50 blessés.
89 «Special information bulletin» de «
intelligence and Terrorism Information Center at the center for special Studies
» dans l'article « Charity and Palestinian Terrorism ».
ibidem.
conséquences pratiques. En effet, le nombre
d'association et d'organisation non gouvernementale qui se créent
est extrémement important et une vérification de toutes
ces entités est impossible. Il resterait envisageable de
créer un système d'autorisation préalable, mais, en ce
cas, les abus seront possibles (et certainement inévitables).
·L'utilisation de lieux de réunions :
Des lieux de réunions anodins peuvent se
transformer en lieux utilisés pour l'incitation aux actes de
terrorisme. Il suffit de penser à la Mosquée de Finsbury Park,
à Londres, aux locaux de l'association islamique de Al Birah ou
à « la Mosquée de l'URSAFF », à Venissieux.
Néanmoins, la liberté d'aller et venir (garantie par l'article
2, paragraphe 1 du Protocole additionnel numéro 4 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales) et la liberté de réunion
(garantie par l'article 1er de la loi du 30 juin 1881 et
l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales) sont au moins
aussi importants que la liberté d'association. Leurs limitations
doivent être nécessaires dans une société
démocratique90.
En fait, le problème qui se pose n'est pas tant celui du
lieu de la réunion que celui du ou des orateurs. Par conséquent,
la solution ne résidera probablement pas dans la fermeture
de ces lieux mais dans la condamnation des orateurs responsables
d'incitation.
Que l'incitation se fasse sous le couvert d'association ou dans
des lieux de réunion, le contact entre l'émetteur et le
récepteur est direct : il n'y a pas d'intermédiaire. Même
si
le public est limité, l'impact peut cependant
être fort et avoir des conséquences importantes sur les
quelques individuscibles, plus qu'à travers l'utilisation des
médias. Ces deux médiums d'incitation peuvent être
utilisés pour attirer des personnes vers la
90 Paragraphe 2 de l'article 11 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de
libertés fondamentales
« cause » terroriste, mais,
généralement, ils servent à convaincre des individus
déjà
intéressés et sensibilisés, soit par leur
entourage, soit par les moyens de communication
de masse que sont les médias et Internet.
ii.Les méthodes avec utilisation des médias
:
L'utilisation des médias recèle de nombreux
avantages pour ceux qui désirent
inciter à la commission d'actes terroristes. En premier
lieu, ils permettent de toucher un large public tout en restant ciblés.
Par exemple, Filastin alMuslimah est diffusé dans plusieurs
pays (Angleterre, pays du moyen orient, Canada, France....) et mis
à disposition en version électronique, imprimable depuis
tous les pays du monde. En deuxième lieu, concernant les
radios, elles permettent une réactivité par rapport
à l'actualité et une interactivité avec les auditeurs qui
n'a d'égale qu'Internet. Enfin, les médias rendent
crédibles les informations reçues. Ainsi, une idée
traitée par eux qu'elle soit lue, entendue ou vue, sera moins remise en
question.
·La presse écrite :
Les exemples d'utilisation de la presse écrite
sont légions, soit parce que certains organes de presse
généraux diffusent des messages d'incitation (c'est assez
rare) soit que des organes de presse soient crées dans le but de
diffuser des messages incitateurs (c'est le cas de Filastin
alMuslimah91).
·La radio :
L'importance de la radio n'est plus à démontrer.
Pour s'en assurer, il suffit de regarder l'empressement qu'ont mis les
forces de Tsahal à atteindre les locaux de la radio utilisée
par le Hezbollah, dans le sud de Beyrouth. Ce moyen de communication a
l'avantage d'être réactif, interactif et de pouvoir être
recu dans des conditions beaucoup plus rudimentaires qu'Internet, par
exemple.
91 ibidem.
·La télévision :
L'exemple qui vient immédiatement à l'esprit en
ce qui concerne les chaînes de télévision est celui
d'AlManar92. À son propos, le Conseil d'Etat a rendu une
décision 93 par laquelle il demandait à Eutelsat,
société qui la diffusait en France, de suspendre sa diffusion.
Néanmoins, cet exemple n'est pas pertinent en ce qui concerne
l'incitation à des actes de terrorisme ou à la haine car la
juridiction administrative n'a sanctionné ni antisémitisme ni
de telles incitations, mais invoqué un trouble à l'ordre
public. Récemment, le département d'État des
ÉtatsUnis a annoncé avoir placé AlManar sur sa liste des
organisations terroristes et les EtatsUnis l'ont, à leur tour,
interdite de diffusion, en raison de ses incitations à commettre des
activités terroristes. L'opérateur satellitaire GlobeCast,
filiale de France Télécom, a retiré AlManar de son bouquet
de diffusion. Malheureusement, aucun exemple des incitations supposées
commises n'a été donné comme fondement à cette
décision.
2.Internet94 :
Internet est un formidable vecteur de connaissance et
donc de progrès pour
l'homme, mais son utilisation contribue, aussi, à la
diffusion de messages à caractère raciste, xénophobe et
d'incitation à la violence. Il semble être le médium le
plus utilisé par les groupes terroristes car d'un coût
modeste, il offre l'avantage de l'internationalité, de la
rapidité et surtout d'une absence apparente de
législation95. En effet, la publication sur support
papier est relativement chère et les publications doivent ensuite
être physiquement distribuées, ce qui les rend facile à
contrôler et donc à réguler.
92 Il s'agit de la télévision qui sert de moyen
de diffusion au Hezbollah.
93 Ordonnance du juge des référés du13
décembre 2004 N°274757. Le texte du jugement est disponible sur :
http://www.conseiletat.fr/ce/jurispd/index_ac_ld0460.shtml.
94 Cf. « Nature transfrontière du réseau
Internet et ordre public » par Alexis Guedj, disponible sur :
http://www.droitsfondamentaux.org/article.php3?id_article=39.
95 G. Panczer, « L'internationale négationniste sur
le net », disponible sur
www.Amnistia.net.
La radio et la télévision sont des médias
qui ont des coûts de distribution assez faible mais sur un spectre
d'onde peu important et fortement régulé et qui
nécessitent un matériel onéreux pour la
réalisation des messages.
Le danger d'Internet a déjà été
souligné aux Nations Unies, notamment par le rapporteur spécial
pour la liberté d'expression, M. Habib Hussain, qui a estimé que
les inquiétudes exprimées par les Etats, quant à la
diffusion de documents réalisés par des groupes néo
nazis et/ou d'autres groupes animés par la haine96
(donc les groupes terroristes), sont légitimes. Il convient
de les conjurer en appliquant judicieu[sement] les normes
internationales régissant la liberté d'expression et le droit de
rechercher, de recevoir et
de répandre des informations97.
Le comité des ministres du Conseil de l'Europe a
posé les termes de cette problématique dans sa
déclaration relative à une politique européenne pour
les nouvelles technologies
de l'information : [Les Etats Membres doivent ]
assurer le respect des droits de l'homme et de la dignité
humaine notamment de la liberté d'expression ainsi que (...) la
protection de l'individu contre (...) toute forme d'incitation à
la violence dans l'utilisation et le développement des nouvelles
technologies de l'information98.
Les problèmes posés par l'utilisation
d'Internet pour l'incitation ne sont pas spécifiques à
l'incitation terroriste. Ce sont les mêmes que ceux qui se posent pour la
pornographie, la pédophilie ou tout autre motif. Les mêmes
difficultés (techniques et juridiques) se posent dès que
l'on veut censurer l'accès à quelques formes
d'informations que ce soit sur la toile. Ainsi, les solutions
techniques et juridiques utilisées pour lutter contre la
discrimination et le racisme sur Internet peuvent être
transposées pour l'incitation à des actes violents. Ces
problèmes sont simples mais leurs solutions plus complexes.
Sommairement, la question est d'empêcher efficacement les
96 « Promotion et protection du droit à la
liberté d'opinion et d'expression », 18 janvier 2000,
E/CN.4/2000/63, p2122, paras. 5657.
97 ibidem
98 ibidem
utilisateurs nationaux d'Internet d'accéder à des
sites dont le nom, l'adresse, l'hébergeur
et la « nationalité » peuvent être
modifiés (quasiment) à volonté tout en respectant les
principes fondamentaux que sont la liberté d'expression ou encore la
liberté d'accès à l'information, etc. Afin de
répondre à cette problématique, une approche juridique
puis une approche factuelle seront tour à tour proposées.
i.Approche juridique :
Sans viser à l'exhaustivité quelques
législations européennes intéressantes sur le
plan des solutions seront étudiées avant de
s'intéresser à la législation française.
·La GrandeBretagne :
En GrandeBretagne, un système
d'autoréglementation a été retenu. ISPA et LINX (les deux
principales associations de fournisseurs de service) ont crée en 1996
l'Internet Watch Foundation. Trois buts principaux lui sont alors
attribués : l'évaluation
et la dénonciation de contenu offensant et la
responsabilité des fournisseurs d'accès Internet (FAI). La
dénonciation consiste à encourager les internautes à
signaler les sites offensants. Cette méthode semble être
efficace car le nombre de sites signalés a diminué et
qu'il n'y a pas eu, à ce jour de poursuite devant les
tribunaux99.
La responsabilisation consiste à pousser les
prestataires techniques d'Internet à trouver des moyens techniques pour
empêcher que des sites aux contenus offensants ne soient accessibles.
·L'Allemagne :
Le dispositif antidiscriminatoire est assez
développé, en Allemagne, et des poursuites ont
été engagées contre des groupes Usenet, vecteur
de message révisionniste
et négationniste. Par exemple, en 1995, une
injonction temporaire fut adressée à
Compuserve pour qu'il suspende la possibilité
pour les internautes de se connecter à
99 Paul Sturges, « La liberté d'expression et les
réseaux de communication »rapport établi pour le Conseil
de l'Europe, Conseil de la coopération culturelle, juin
1998.
certains newsgroup où des propos discriminatoires et
négationnistes florissaient. À la suite de cette affaire, une
loi visant à réglementer les services d'information et
de communication a été élaborée. Concernant
Internet, cette loi pose le principe de la responsabilité des
fournisseurs de services d'information pour le matériel transitant par
leur biais100.
Ainsi, en Allemagne comme en GrandeBretagne, les deux
approches juridique ont aboutis à une responsabilisation des acteurs
techniques d'Internet.
·La France :
Le système français est proche du système
allemand en ce que le pouvoir législatif est intervenu (en 2000
puis en 2004) pour responsabiliser les acteurs techniques de l'Internet.
En parallèle, la jurisprudence a développé le
système juridique
et notamment dans le jugement Yahoo101.
La loi sur la presse de 1881 s'applique aux publications sur
Internet, tant à l'égard des diffuseurs de contenu qu'aux
utilisateurs, qui constituent un public au sens de l'article
23 de cette loi. De plus, la jurisprudence fait peser
sur les hébergeurs de sites une obligation de moyen : ils sont
tenus d'une obligation de vigilance et de sécurité quant aux
contenus des sites qu'ils accueillent et dont ils assurent la
connexion102. Cette obligation porte sur les
précautions à prendre et les contrôles à mettre en
oeuvre pour empêcher ou arrêter le stockage, la fourniture de
contenus contraire aux dispositions légales en vigueur. Cette obligation
n'existe qu'au stade de la formation et de l'exécution
du contrat. Les fournisseurs d'hébergement, depuis le
1er août 2000 (date où la loi de
1986 relative à la liberté de communication
fût modifiée), abritant des sites au contenu contraire aux lois
françaises, devront empêcher promptement l'accès à
ce contenu (sur requête d'un juge). Dans le cas contraire,
l'hébergeur pourra être tenu civilement et pénalement
responsable (article 438 de la loi). Depuis l'arrêt Yahoo, le
fournisseur d'accès Internet (FAI) doit informer l'internaute des
risques de sanctions qu'il encourt
100Ibidem.
10120 Novembre 2000 TGI de Paris.
102Cour d'Appel de Versailles 08 juin 2000.
s'il consulte des sites dont le contenu contrevient aux lois
françaises. La loi du 21 juin
2004 précise les contraintes pesant sur les
prestataires techniques d'Internet, ceux ci ne peuvent pas voir leur
responsabilité civile engagée s'ils n'avaient pas
effectivement connaissance du caractère illicite (...) ou si,
dés le moment où ils ont eu cette connaissance, ils
ont agi promptement pour rendre l'accès à ces informations
impossible (ou les retirer)103. Ils doivent en plus indiquer aux
internautes qu'il existe des systèmes de filtrage et doivent leur
proposer un de ces moyens104.
Ce cadre légal permet donc de mettre automatiquement en
jeu la responsabilité (civile et pénale) de l'hébergeur
s'il ne répond pas aux injonctions du juge d'empêcher
l'accès aux sites qui contreviennent à la loi française.
Il permet également la mise en jeu, s'il y a faute, de la
responsabilité civile du FAI. L'objectif de cette
législation est double. Il s'agit de tenter de responsabiliser les
utilisateurs d'Internet et de pousser les acteurs d'Internet à mettre
en place des systèmes techniques qui empêchent l'accès aux
sites contraires aux lois françaises. Toutefois, ces barrières
techniques, lorsqu'elles ne sont pas mises en place sur la base du volontariat
des utilisateurs (donc sur leur ordinateur) sont difficilement viables
techniquement.
ii.Les problèmes techniques qui limitent l'effet
pratique du droit :
Les systèmes juridiques en place reposent sur
l'idée que les prestataires
techniques peuvent de façon pratique restreindre
l'accès à certains contenus. Afin de bien comprendre
l'inanité de cette idée, il est nécessaire de savoir ce
qu'est le « réseau », c'est à dire, comment il
fonctionne et d'appréhender les méthodes utilisées pour
filtrer
ou bloquer l'accès à certains contenus.
103Article 62.
104Article 61.
·La nature d'Internet et son contenu :
Internet relie des ordinateurs du monde entier en un seul
réseau sans (ou avec
peu) de considération pour leur localisation. Des
ordinateurs à l'autre bout du monde sont aussi accessibles que des
ordinateurs situés dans la même ville, avec un temps de
réponse un peu moins rapide à cause des distances. Il s'agit d'un
réseau unique mais constitué de plusieurs, petits ou grands,
réseaux autonomes. Il n'est ni possédé, ni
contrôlé, ni sous la responsabilité d'aucune
société, organisation ou gouvernement. L'accès à
ce réseau se fait généralement grâce à des
fournisseurs d'accès Internet (FAI). Leur service inclut
généralement au moins deux éléments :
L'accès à Internet depuis l'ordinateur de
l'utilisateur : l se connecte d'abord au
FAI, via un modem analogique ou une connexion ADSL ou
câble.
Un hébergement optionnel de sites : les
souscripteurs pouvant créer leurs propres pages web et les
héberger sur le serveur de leur FAI. Ces pages sont ensuite disponibles
n'importe où dans le monde et à n'importe quel moment.
Ainsi Internet n'est qu'un réseau d'ordinateurs qui
transmet tout ce qui peut être converti sous forme numérique et
transporté d'un ordinateur à l'autre, qu'il s'agisse de textes,
d'images, de sons ou de vidéos. Ce contenu peut être publié
sur un site, envoyé par courriel, posté dans un
newsgroup105, discuté dans des groupes ou
transféré comme des fichiers.
Les FAI, et autres prestataires qui font fonctionner
Internet, voient uniquement des paquets de données (sous formes
binaires) avec l'adresse de la source et du destinataire. Les vidéos,
textes, pages web, courriels et sons ont la même forme pour les routeurs
qui assurent la transition du paquet vers leur destination finale. C'est
seulement lorsque les paquets de données sont arrivés
à destination qu'ils sont réassemblés pour
être
105Un newsgroup est un lieu où des messages
postés par différents utilisateurs situés dans des
lieux différents sont stockées et conservé,
généralement grâce au système Usenet. Les
newsgroup sont techniquement différents (mais on une utilisation
similaire) des forums de discussions sur le world wide web. Des logiciels,
appelés newsreader sont nécessaires pour lire le contenu des
newsgroup.
interprétés par les ordinateurs comme un
tableau de Rembrandt, une symphonie de
Mozart ou un texte faisant l'apologie des attentats du 11
septembre.
Internet est plus que la toile (le web), il est composé,
entre autres, du World wide web
(la méthode la plus commune d'accès au contenu
d'Internet), des newsgroup (ils ont débuté comme des forums
de discussions par échanges de courriels mais sont aujourd'hui
surtout utilisés pour stocker des données en grande
quantité), des sites ftp
(le « file transfer protocol » est utilisé
pour transférer des fichiers d'un ordinateur à
l'autre) et des forums de discussions (les « chats106
»).
·Le blocage et le filtrage107
:
Il existe principalement trois approches différentes
pour filtrer le contenu
d'Internet.
oAutoriser le contenu reconnu comme « bon
» (la filtration inclusive ou liste blanche).
Cette méthode est la plus efficace car elle ne permet
l'accès qu'à des sites reconnus
« acceptables » et bloque l'accès au reste
d'Internet. Il s'agit d'une approche par
« présomption de culpabilité » des
sites : tout site qui n'est pas reconnu comme
« bon » va être bloqué. Cependant,
cette méthode est contraire à la liberté
d'expression et de communication qui inclut le droit de rechercher, de recevoir
et de répandre les informations108. En effet, elle
bloque l'ccès à toute information qui
106Un forum de discussion est un mécanisme
disponible sur le world wide web pour discuter entre utilisateurs. Les
forums du web ont une fonction similaire aux newsgroup des années 80et
90. Une communauté virtuelle se développe dans les forums qui ont
des utilisateurs réguliers. La technologie,
les jeux et la politique sont les thèmes principaux de ces
forums mais tout type de sujet peuvent être
traités.
107Dans un souci de simplification et de vulgarisation seuls
seront expliquées les méthodes principales et sans entrer dans
leurs spécificités techniques. Ainsi ne seront pas abordés
les méthodes de filtrage par adresse IP, par URL, par paquets de
données et par « auditing », ni leur contremesures que ce soit
par
le « tunelling », l'utilisation de proxies ou
autres.
108Article 19 du Pacte relatif aux droits civils et
politiques.
n'aura pas été validée par des «
censeurs ».
En sus, cette approche fait perdre tout son
intérêt à Internet comme vecteurs de connaissance et
de progrès.
Enfin, elle pose des problèmes juridiques, pratiques et
techniques. Quelle autorité déciderait de quels sites doivent
ou non être accessibles ? Quels recours seraient possibles et
devant quelles juridictions ? Et surtout les moyens nécessaires
pour analyser tout le réseau Internet en permanence (des sites,
pages ou newsgroup apparaissent toutes les heures) seraient
considérables. En effet, la masse d'information accessible au
public était, en 1999109, de plus de 800 000 000 de pages
et de plus de 15 téraoctets (15 000 000 000
000 d'octets) de données (pour comparaison les 40 premières
pages de ce mémoire en format utilisé par le logiciel Microsoft
Word utilisent 204 kilooctets). En 2005 Yahoo recensait plus de 19,2
milliards (19 200 000 000) de pages web. Ainsi en six ans le nombre de pages a
été multiplié par environ 20.
oInterdire le contenu reconnu comme « mauvais
» (la filtration exclusive ou liste noire)
La méthode de filtration exclusive, comparée
à la première (la filtration inclusive), à l'avantage, de
ne pas être trop réductrice des droits des individus. Cependant,
ce que cette méthode gagne en légitimité est perdue en
efficacité. Elle est fondée sur des
« liste noire » de sites connus comme étant
contraires aux lois en vigueur. Il s'agit d'une approche avec «
présomption d'innocence » : tout contenu qui n'est pas
reconnu comme « non acceptable » (dans notre cas comme incitant
à la commission d'actes terroriste) sera autorisé. Cette
méthode à l'avantage de respecter les droits de l'individu mais
pour être efficace elle nécessite des « armées
» de personnes analysant les informations. De plus, l'efficacité
de ces méthodes est nécessairement limitée car dès
que les sites les « contenants » en général - auront
connaissance de
109« Accessibility and Distribution of Information on the
Web », Lawrence and Giles, Nature, n°400, p.107109.
a voir aussi :
www.metrics.com
leur inclusion sur cette liste noire, il leur suffira de
modifier leur adresse IP110 ou leur URL111 ou encore
plus simplement de modifier leur proxy112. En plus de ces questions
d'efficacité, il existe certains problèmes juridiques similaires
à la méthode inclusive : quelle autorité décide
? Quels recours sont possibles ? Quel droit s'applique ?
oExaminer le contenu et en bloquer l'accès
lorsqu'il ne satisfait pas les tests de
compatibilité
Cette méthode, contrairement aux deux
précédentes, permet, a priori, à l'utilisateur
un accès à l'ensemble d'Internet et ne bloque
éventuellement qu'après examen du contenu des sites par des
programmes. Elle est attractive en ce qu'elle permet une approche dynamique
et évite les problèmes inhérents aux « listes
», c'est à dire, l'énorme quantité de
données disponibles, leur évolution permanente et les
problèmes de ressource humaine que posent leur traitement. Le principal
obstacle
110Une adresse IP (avec IP pour Internet Protocol) est
le numéro qui identifie chaque ordinateur sur Internet, et plus
généralement, l'interface avec le réseau de tout
matériel informatique (routeur, imprimante) connecté à
un réseau informatique utilisant le protocole Internet. En version 4, ce
numéro
est généralement noté avec quatre
nombres compris entre 0 et 255, séparés par des points,
par
exemple : 212.85.150.133.
111 URL, sigle signifiant uniform resource locator en
anglais, littéralement « repère uniforme de ressource
» :Une adresse réticulaire (du latin rete qui signifie « filet
» donc par extension réseau) est une chaîne de
caractères utilisée pour identifier les ressources dans le World
Wide Web : document HTML, image, son, forum Usenet, boîte aux lettres
électronique.... Pour naviguer sur Internet, il est possible de taper
soit l'URL de l'endroit que l'on désire visiter (par exemple
www.viveBenLaden.com) soit l'adresse
IP de l'ordinateur contenant les informations (par exemple 192.168.125.1).
112Un serveur mandataire (proxy server en anglais) est un
serveur qui a pour fonction de relayer
différentes requêtes et d'entretenir un cache (de
les conserver en mémoire pour un accès ultérieur plus
rapide) des réponses, inventé par le Centre européen de
recherche nucléaire en 1994. Il a été prévu
à l'origine pour relier à Internet des réseaux locaux
n'utilisant pas le protocole TCP/IP; il a été depuis doté
de nouvelles fonctions concernant le cache, la journalisation des
requêtes (logging ou conserver dans un journal les diverses
requêtes qui lui sont adressées), la sécurité du
réseau local, le filtrage et l'anonymat. Aujourd'hui, les
réseaux locaux utilisent le protocole TCP/IP et peuvent
être reliés à Internet via une simple passerelle ou un
routeur, mais l'utilité des serveurs mandataires est toujours aussi
importante, notamment dans le cadre de la sécurisation des
systèmes d'information. En relayant
les requêtes, le serveur proxy modifie
obligatoirement l'adresse réticulaire (URL) source ou destination
de celle ci. Ainsi un site inscrit sur la liste noire n'aurait qu'à
modifié son proxy pour que
les routeurs aient l'impression d'avoir à faire
à un site complètement différent car l'adresse de
destination (ou d'origine) des requêtes ne seraient plus la
même.
technique est de déterminer exactement quel contenu est
« acceptable » et lequel ne l'est pas. En effet, les
différentes approches techniques sont :
un système de filtrage par motclef. Ainsi,
tout contenu Internet incluant les mots
« terrorisme » ou « Ben Laden » ou «
Carlos »... ne sera plus accessibles.
Plusieurs problèmes se posent dans ce système.
Tout d'abord, cette méthode ne filtre que des mots. En
conséquent, des image, vidéos ou bandes sonores
incitatrices ne peuvent pas être bloquées. Ensuite, il faut
prendre en compte toutes les langues écrites et tous les alphabets du
monde : « vive les attentats du 11 septembre » ne serait pas
bloqué par un système de filtre fondé sur des mots clefs
en anglais. Enfin, ces filtres doivent être capables de distinguer le
sens des mots en fonction de leur contexte. Si ces filtres n'en sont pas
capables, ils bloqueront l'ensemble des contenus liés au terrorisme. Par
exemple, ce mémoire serait bloqué car il contient à de
nombreuses reprises les mots
« terrorisme », « incitation » ou encore
« attentat ».
Un système de filtrage par phraseclef. Cette
méthode est une évolution du filtrage par motsclefs, qui,
lorsqu'elle est correctement mise en oeuvre, permet d'éviter le dernier
inconvénient de la méthode précédente,
à savoir le blocage de sites de façon
indiscriminée. Cependant, tous les autres inconvénients
existent toujours (seuls les textes sont filtrés, le
problème des langues demeurent, etc). En outre, il existe une
difficulté supplémentaire de devoir énumérer
l'ensemble des phrases considérées comme « non
acceptables ».
Un système de filtrage par « profil
». Cette méthode filtre le contenu en se fondant sur
diverses caractéristiques. Les principales sont le ratio imagestextes
(cette caractéristique est efficace en ce qui concerne les sites
pornographiques), le nombre de liens renvoyant vers des sites «
indésirables », etc.
L'analyse par profil utilise une importante quantité de
ressourceprocesseur113 et induit
113Le processeur est la partie de l'ordinateur qui effectue les
calculs. Les ressources processeurs sont les capacités utilisées
par un ordinateur pour effectuer ses calculs. Ainsi plus la
quantité de ressource
donc une lenteur importante (techniquement) des
accès à Internet. Ainsi, ce type de filtrage ne peut
être mis en place que sur des ordinateurs individuels (qui peuvent
tolérer
un délais de 0,1s supplémentaire pour traiter
les requêtes) et non au niveau des serveurs qui ne peuvent tolérer
une telle perte de temps (0,1 seconde perdues par requête lorsque
plusieurs millions de requêtes par seconde doivent être
traitées n'est pas tolérable car elles induiraient une diminution
particulièrement significative des temps de connexion). Cependant, la
mise en place de tels systèmes de filtrage sur les ordinateurs
personnels
ne peut se faire que sur la base du volontariat, ce qui ne
touchera certainement pas les personnes intéressées par la
« cause » terroriste. De plus, même si de tels
systèmes étaient automatiquement et obligatoirement mis en place
sur les ordinateurs individuels,
le manque de sécurité et de
stabilité des systèmes d'exploitation de ces ordinateurs
rendraient ces mécanismes facilement piratables et contournables. En
effet, ces systèmes seraient installés une seule fois et
définitivement. Or, en informatique un système qui
n'évolue pas est un système sans avenir. À titre
d'exemple, Sony a installé en janvier
2000 sur tous ses disques compacts originaux des mesures
techniques pour empêcher leurs gravures sans droits. En février
2000, de nombreux logiciels étaient disponibles pour contourner cette
mesure technique. En juin 2000, soit 6 mois après la sortie du
dispositif, Sony décidait d'abandonner cette technique.
En outre, ces systèmes par analyse du contenu ont
une faille fondamentale : pour pouvoir analyser le contenu d'Internet, il
est nécessaire que celuici soit « en clair ». Or,
il est techniquement possible (et assez aisé) de
crypter toutes les informations qui arrivent à un utilisateur. Il
suffit pour cela que cet utilisateur définisse un proxy, comme
intermédiaire entre lui et tous les sites et qu'il demande à ce
proxy de crypter toutes les informations qu'il reçoit. Ces
manipulations ne requièrent que peu de connaissances informatiques
et de moyens : des logiciels de cryptage particulièrement
efficace114 sont
processeur utilisés pour une tache donnée est
importante moins il en restera de disponible pour d'autre taches donc plus
l'ordinateur mettra du temps à les réaliser et donc plus il sera
lent.
114Ces logiciels de cryptage sont fondés sur un
système de clef public et de clef privé. Toute les
informations sont crypté en utilisant la clef publique de
chaque utilisateur (clef disponible par tout un chacun sur Internet) mais ne
sont décryptables que par la clef privée que le récepteur
est le seul à détenir.
disponibles gratuitement sur Internet (Gpg par exemple).
Le temps nécessaire pour crypter dépend de la puissance de
calcul des ordinateurs utilisés comme proxy ce qui peut engendrer une
perte de rapidité de connexion.
C'est dire qu'aucun moyen pratique ne permet
d'empêcher l'accès complet à l'Internet de l'incitation,
tout en respectant les droits humains tels que définis dans les divers
instruments internationaux (Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales). Tout au plus les
diverses méthodes permettent de limiter l'accès à de tels
sites pour des utilisateurs inexpérimentés, mais toute personne
qui désire réellement contourner ces limitations peut le faire
facilement (ne seraitce que par l'utilisation de proxy ou du cryptage). Ainsi
la Chine115 emploie plus de 60 000 personnes, dépense des
millions (et n'est pas réputé pour son respect des droits de
l'homme) afin de limiter l'accès à Internet pour ses concitoyens.
Malgré tous les moyens mis en oeuvre, l'accès aux sites interdits
par le gouvernement chinois est une chose facile. Ce qui est possible
en Chine, où les connaissances en informatique
ne sont pas aussi diffusées qu'en Europe, est tout à
fait envisageable en France et en Europe. Il suffit de quelques
recherches sur Internet, d'un peu de motivation et de temps pour
pouvoir rendre inopérant tous les systèmes de filtrage et de
blocage existants.
Toutefois, il existe d'autres moyens de lutte, qui seront
examinés dans la deuxième partie de ce mémoire.
115 « Internet filtering in China in 20042005 : A Country
Study »
disponible sur
www.opennetinitiative.net/studies/china
II.La lutte contre l'incitation :
La première partie de ce mémoire contient une
approche de la notion d'incitation à
travers ses diverses notions juridiques et les moyens
utilisés par les terroristes pour inciter à la violence. Or,
une fois le problème déterminé, il est nécessaire
d'y trouver des solutions. C'est pourquoi, cette deuxième partie va
s'intéresser à la lutte contre cette incitation,
c'estàdire au cadre dans lequel cette lutte doit se jouer (A) et aux
moyens dont cette lutte dispose (B).
A.Le cadre de la lutte :
Comme l'ensemble de la lutte contre le terrorisme, la lutte
contre l'incitation aux
actes de terrorisme doit être respectueuse des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le
secrétaire général des Nations Unies l'indique dans
son rapport
« S'unir contre le terrorisme : recommandations pour
une stratégie antiterroriste mondiale » : La primauté
du droit implique la défense des droits de l'homme, valeur fondamentale
des Nations Unies et pilier de leur action. Loin de s'exclure mutuellement,
l'efficacité de la lutte antiterroriste et la protection des
droits de l'homme sont interdépendantes et complémentaires. La
défense des droits de l'homme est donc l'une
des conditions essentielles du succès d'une
stratégie antiterroriste.
Le Conseil de sécurité a par ailleurs
rappelé dans la résolution 1624 (précité) (et dans
la majorité des résolutions concernant le terrorisme) que les
États doivent veiller à ce que toutes les mesures qu'ils prennent
pour lutter contre le terrorisme respectent toutes les obligations qui leur
incombent en vertu du droit international, et que ces mesures doivent
être conformes au droit international, en particulier aux instruments
relatifs aux droits de l'homme, au droit des réfugiés et au droit
humanitaire.
Ainsi, la lutte antiterroriste en général, et la
lutte contre l'incitation en particulier, doit
respecter plusieurs droits fondamentaux. Le premier de ces
droits est le droit de résistance à l'oppression.
1.Le droit de résistance à l'oppression :
L'ordre établi détient le monopole
légal de la force et il a le droit positif,
l'obligation même d'user de cette violence
pour se défendre. En s'y opposant, on reconnaît et on
exerce un droit plus élevé. [...] Sans ce droit de
résistance, sans l'intervention d'un droit plus élevé
contre le droit existant, nous en serions aujourd'hui encore au niveau de la
barbarie primitive116.
Cette notion philosophique de résistance à
l'oppression au nom d'un droit supérieur, c'est à dire d'un
droit naturel, est reprise en droit positif. La Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789, dans son article 2, proclame le droit de
résistance à l'oppression comme un droit naturel et
imprescriptible de l'homme. L'article 204 de la
loi fondamentale allemande (Grundegesetz Deutschland)
autorisent les allemands à résister à quiconque
entreprendrait de renverser cet ordre (démocratique), s'il n'y a pas
d'autre remède possible.
Le droit international reprend cette notion
fondamentale. Le préambule de la Déclaration universelle
des droits de l'homme de 1948 considère la révolte contre la
tyrannie et l'oppression comme un suprême recours. Les
articles 12 et 55 de la Charte des Nations Unies posent le principe du respect
du droit des peuples à disposer d'eux mêmes. Cette notion
a été introduite à l'époque de la rédaction
de la Charte, entre autres raisons, pour légitimer les luttes de
décolonisations, c'est à dire, des luttes menées par des
peuples contre des gouvernants légitimes en droit positif au nom d'un
droit qu'ils estimaient supérieur.
116Professeur Herbert Marcuse « Conférence : Le
problème de la violence dans l'opposition », juillet
1967, cité dans Haar Michel L'homme unidimensionnel :
Marcuse : analyse critique, Paris, ed. Hatier,
1975.
Lors de sa 25e session, l'Assemblée
Générale des Nations Unies a approuvé une
Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales
et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte de Nations Unies117.
Cette déclaration proclame et explicite plusieurs grands
principes gouvernant les relations entre les peuples. Parmi ces
principes se retrouve le principe d'égalité de droit
des peuples et de leur droit à disposer d'euxmêmes qui impose
à tout Etat (...) de s'abstenir
de recourir à toutes mesures de coercition qui
priverait les peuples (...) de leur droit à disposer d'eux mêmes
et de leur indépendance. Lorsqu'ils réagissent et
résistent à une telle mesure de coercition dans l'exercice de
leur droit à disposer d'eux mêmes, ces peuples sont en droit
de chercher et recevoir un appui conforme aux buts et principes des Nations
Unies.
Cette résolution est intéressante sur
plusieurs points. Tout d'abord, elle légitime la résistance
(donc une certaine violence) contre des mesures de coercition qui privent les
peuples du droit à disposer d'euxmêmes. Cette légitimation
est le fait de l'Assemblée Générale des Nation Unies, donc
des représentants de toutes les Nations. Ainsi, le droit
de résistance contre certaines oppressions
illégitimes n'est plus une notion seulement occidentale mais est devenue
une notion partagée par tous les Etats du monde. Ensuite,
les peuples sont en droit de rechercher et de recevoir un
appui conforme aux buts et principes de la Charte des Nations Unies. De la
sorte, les peuples « non opprimés » sont
en droit d'aider les peuples qui entrent en résistance.
Toutefois, cette aide et la résistance doivent être conformes aux
buts et principes de Nations Unies. Or, les résolutions 1373 (2001) et
1624 (2005) du Conseil de sécurité ont qualifié le
terrorisme et son incitation
de contraire aux buts et principes des Nations
Unies. Ainsi, même si les peuples peuvent résister et
être aidés dans leur résistance, le droit international
leur dénie le droit d'utiliser la voie du terrorisme (la commission d'un
des actes contenus dans les divers instruments sectoriels) ou la voie de
l'incitation à la commission de tels actes. C'est pourquoi les
résistances qui utilisent des actes terroristes ou qui incitent à
la commission
117 résolution 2625 (XXV) 1883eme séance
plénière 24 Octobre 1970 disponible sur :
http://daccessdds.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/350/22/IMG/NR035022.pdf?OpenElement
de tels actes ne sont pas légitimes et sont interdites en
droit international.
Il existe des cas où « résister est
une obligation », où « ne pas résister est
inexcusable ». Le droit positif légitime la résistance
à l'oppression comme un droit et non pas comme un devoir.
Néanmoins, après les exactions nazies, et la publication de
Eichmann à Jérusalem118 ne pas se
poser la question du devoir de résistance à l'oppression
revient à faire preuve d'un aveuglement certain. Lors du
procès de Nuremberg, les juges ont condamné ceux qui avaient
obéi, sans discernement à la loi en vigueur, transformant ainsi
le droit de résistance à l'oppression en un devoir. En droit
pénal français le devoir d'obéissance d'un soldat a pour
limite l'illégalité manifeste de l'ordre.
Toutefois, affirmer que résister à l'oppression
peut être un devoir ne suffit pas. Il faut encore réussir à
déterminer quelles violations de quels droits oblige à la
résistance. À cette fin, l'étude du Statut de
Rome119, du Statut des deux tribunaux pénaux
internationaux pour le Rwanda et pour l'exYougoslavie peut aider. En
effet, la commission d'actes entrant dans la compétence de ces
juridictions ne pouvant être excusés, il devient
légitime de résister (seraitce par la force) à des ordres
qui impliquent
de tels actes.
Les articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome donnent
compétence à la Cour Pénal Internationale pour les
crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de
guerre. Les crimes de guerre tels que définis par l'article 8
incluent les infractions relatives aux quatre convention de
Genève de 1949120. Le Statut du Tribunal pénal
international pour l'ex Yougoslavie lui donne compétence pour les
infractions graves aux quatre conventions de Genève de 1949, les crimes
de guerre, le crime de génocide et les crimes contre l'humanité
(articles 2, 3, 4 et 5). Les articles 2, 3 et 4 du Statut du
Tribunal pénal international pour le Rwanda lui donnent
compétence pour les crimes de
118Eichmann à Jérusalem, La banalité du
mal, Hannah Arendt Folio, 1963.
119Le Statut de Rome instaure la Cour Pénale
Internationale. Voir le site de la Cour. Ibidem.
120ibidem
génocides, les crimes contre l'humanité et
les violations de l'article 3 communs aux quatre conventions de
Genève de 1949.
Ainsi, à l'exception des crimes de guerre qui ne sont
pas de la compétence du Tribunal pénal international pour le
Rwanda, les champs d'application ratione materiae des tribunaux
sont quasiment identiques. Il est intéressant de constater que les trois
notions : crimes de guerre (tels que définis par le Statut de Rome en
son article 8), crimes contre l'humanité et crime de génocide
sont au coeur du Jus Cogens. A cet égard, il n'y a qu'un pas
à franchir pour affirmer que le devoir de résistance existe
dès lors qu'un pays, un prince, un gouvernant opprime un peuple, une
ethnie, une seule personne par le biais de crimes contraire au noyau dur
des droits du Jus Cogens. Pour autant ces résistances
deviennent illégitimes dès qu'elles prennent la forme d'actes de
terrorisme.
Le droit de résistance à l'oppression n'est pas
le seul droit qui doit être respecté dans le cadre dans le
cadre de la lutte contre l'incitation. Les droits fondamentaux
principalement mis en danger par l'incrimination de l'incitation aux actes de
terrorisme
(et par l'incrimination de toute incitation) sont la
liberté de penser, de conscience et de religion et le droit à la
liberté d'expression.
2.La liberté de pensée, de conscience et de
religion et la liberté d'expression :
La liberté de pensée, de conscience et de religion
est un droit fondamental de
l'homme. Toutefois, sa valeur varie en fonction de
divers instruments qui le reconnaissent, ce qui traduit une divergence
d'approche. Ce droit est reconnu par l'article
18 du Pacte relatif aux droits civils et
politiques121 et par l'article 9122 de la
Convention suropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales. Ces articles n'autorisent pas de
restrictions. Seule la manifestation de cette liberté peut se voir
restreinte par la loi et seulement pour des raisons tenant à la
protection de l'ordre, de
la sécurité, de la santé publique ou de la
morale et des droits fondamentaux d'autrui (la
Convention ajoute une condition de nécessité dans
une société démocratique). Le Pacte
va plus loin et interdit de déroger à cette
liberté même dans le cas de l'article 4 (danger public
exceptionnel qui menace l'existence de la nation). Ainsi au niveau
international,
la liberté de penser est absolue. Les seules
restrictions qui peuvent exister pèsent sur les manifestations de cette
pensée. En conséquence, pour respecter les obligations qui leur
incombent au titre du droit international, les Etats ne doivent pas, en cas
d'incrimination
de l'incitation à la commission d'actes terroristes,
restreindre le droit de penser que la commission d'actes terroristes est une
bonne chose, est une nécessité ou est justifiée. En toute
occurrence, même si le Pacte autorisait des restrictions à la
liberté de penser, leur mise en application serait extrêmement
difficile voire impossible (cela reviendrait à
121Art. 18
1. Toute personne a droit à la liberté de
pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la
liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de
son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé,
par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et
l'enseignement.
2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à
sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son
choix.
3. La liberté de manifester sa religion ou ses
convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions
prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection
de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de
la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui.
4. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à
respecter la liberté des parents et, le cas échéant,
des
tuteurs légaux de faire assurer l'éducation
religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs
propres convictions.
122Art 9
1. Toute personne a droit à la liberté de
pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la
liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la
liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou
collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les
pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions
ne peut faire l'objet d'autres restrictions que
celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures
nécessaires, dans une société démocratique,
à la sécurité publique, à la protection de l'ordre,
de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui.
« sonder les coeurs et les reins » de chacun). En
revanche, le droit pénal pourra venir sanctionner l'expression de ces
opinions lorsqu'elle entraînera un risque pour la
sécurité, l'ordre et la santé publique, ou la
morale ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui.
À la différence du Pacte, l'article 15 de la Convention
(guerre ou autre danger public menaçant la vie de la nation)
autorise des dérogations à ce droit.
Le Pacte reconnaît le droit à la
liberté d'expression dans son article 19123, la
Convention en son article 10124. Il est toujours
possible d'y déroger en cas de danger pour
la Nation. Le Pacte autorise des restrictions, lorsqu'elles
sont fixées par la loi, pour le respect des droits d'autrui et pour
la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de
la santé ou de la moralité publique. La Convention
permet de telles limitations légales lorsqu'elles constituent
des mesures nécessaires, dans une société
démocratique, à la sécurité nationale, à
l'intégrité territoriale ou à la sûreté
publique, à
la défense de l'ordre et à la
prévention du crime, à la protection de la santé ou de la
morale, à la protection de la réputation ou des droits
d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles
ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir
judiciaire.
123Art. 19
1. Nul ne peut être inquiété pour ses
opinions.
2. Toute personne a droit à la liberté
d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de
recevoir et de répandre des informations et des idées de toute
espèce, sans considération de frontières, sous une forme
orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de
son choix.
3. L'exercice des libertés prévues au par. 2 du
présent article comporte des devoirs spéciaux et des
responsabilités spéciales. Il peut en
conséquence être soumis à certaines restrictions qui
doivent toutefois être expressément fixées par la loi et
qui sont nécessaires:
a)Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;
b)A la sauvegarde de la sécurité nationale, de
l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.
124Art 10
1. Toute personne a droit à la liberté
d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la
liberté
de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considération de frontière. Le présent
article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de
radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un
régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et
des responsabilités peut être soumis à certaines
formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues
par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une
société démocratique, à la sécurité
nationale, à l'intégrité territoriale ou à la
sûreté publique, à la défense de l'ordre et à
la prévention du crime, à la protection de la santé ou de
la morale, à la protection de la réputation ou des
droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations
confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du
pouvoir judiciaire.
Pour des raisons pratiques125, seul le
régime posé par la Convention sera étudié. Celleci
reconnaît que l'expression de la pensée et la liberté
d'expression peuvent être restreintes sous certaines conditions
posées par la loi et si ces restrictions sont nécessaires dans
une société démocratique. Il convient de comprendre le
sens de ces deux conditions dont la raison d'être est de permettre un
contrôle par le juge européen des restrictions posées
par
le pouvoir exécutif ou législatif. Encore, il
est nécessaire d'étudier quels buts légitimes peuvent
être invoqués pour justifier des limitations aux libertés
dans le cadre de la lutte contre l'incitation126.
i.Le cadre du contrôle par la Cour européenne
des droits de l'Homme
La détermination de la première condition, «
la prééminence du droit » soulève
quatre interrogations127 : Le système
juridique interne sanctionnetil l'infraction ? La disposition juridique
pertinente estelle accessible au citoyen ? Estelle suffisamment
précise pour permettre raisonnablement au citoyen de
prévoir les conséquences de nature à dériver
d'un acte déterminé (en l'espèce un acte
qualifié d'incitation au terrorisme) ? La loi prévoitelle des
garanties adéquates contre des atteintes arbitraires à
la liberté de pensée et à la liberté
d'expression ?
·Le système juridique interne sanctionnetil
l'infraction ?
Le système juridique interne inclut non seulement
la loi au sens stricte mais aussi, les actes réglementaires, les
décisions judiciaires (tant dans les pays de
« common law » que dans les pays de droit
romanogermanique) et les
125En effet, le nombre de page de cette réflexion est
limitée, en sus la jurisprudence de la Cour est, de loin, la plus
fournie sur ces questions.
126Lire à ce propos le complet, instructif et
intéressant article de Steven Greer « Les exceptions aux
articles 811 de La Convention Européenne des Droits de l'Homme »
édition du Conseil de l'Europe. Les développements qui vont
suivre doivent beaucoup à cet article.
127Arret Kruslin c/ France du 24 avril 1990,
série A n°176 A, paras. 27 à 36.
obligations internationales s'imposant aux Etats. Puisque les
organes nationaux sont les mieux placer pour juger si les procédures
législatives internes ont été correctement
respectées, la Cour leur accorde une importante marge
d'appréciation. Ainsi, en ce qui concerne une incrimination de
l'incitation à la commission d'actes terroristes en France,
celleci doit être le fait du législateur128
(c'est le cas de l'article 24 de la loi de 1881 sur la
presse) et respecter les principes généraux gouvernants le droit
pénal.
·La disposition juridique est elle accessible au
citoyen ?
La Cour estime129 qu'une disposition
juridique est accessible par le citoyen lorsqu'il peut disposer de
renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes
juridiques applicables à un cas donné. Une disposition
légale qui ne serait pas suffisamment accessible ne pourrait
être considérée comme une loi. Ainsi, la disposition d'un
ministre de l'intérieur britannique aux directeurs de prison
nonpubliée, nontransmise dans les prisons et aux
dispositions nonexpliquées aux prisonniers ne peut pas être
considérées comme une loi130.
·La précision de la disposition juridique et sa
prévisibilité pour le citoyen :
Pour la Cour le degré de précision
nécessaire des lois dépend du contenu de la loi, de son champ
d'application, du nombre de personne visé et de leur
statut131. Pour déterminer le degré de
précision de la loi, il est possible de consulter des directives ou
des instructions administratives. Ainsi, les directives non
considérées comme des lois dans l'arrêt Silver
ont été prise en compte pour déterminer si la
condition de précision et donc de prévisibilité
étaient remplies.
128article 34 de la constitution : La loi fixe les règles
concernant (...)la détermination des crimes et délits ainsi que
les peines qui leur sont applicables; la procédure pénale(...)
129Arrêt Sunday Times c/ Royaume uni du 26 Avril
1979, Série A n°30 para 49
130Arrêt Silver et autres c/ Royaume Uni du 25
mars 1983, série A no 61.
131Arrêt Sunday Times c/Royaume uni, ordre public cit.
para 49, Arrêt Wingrove c/ Royaume uni du 25
novembre 1996, paras. 4044.
Pour l'incitation, au vu du contenu potentiellement
très dangereux de la loi et du nombre important de personnes que
cette loi peut impacter, toute loi d'incrimination devra donc
être particulièrement précise et prévisible.
·Des garanties efficaces contre des atteintes
arbitraires au droit substantiel existent
elles ?
Dans l'arrêt Malone132, la Cour
rappelle que les termes « prévue par la loi »
impliquent que le droit interne doit offrir une certaine
protection contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux
droits garantis. Le degré de protection que doit atteindre le
droit interne n'est pas déterminé de façon
abstraite, in abstracto. Tout diffère dans chaque cas d'espèce.
Elle reconnaît la grande importance de telles mesures de
précaution lorsque le pouvoir exécutif jouit d'un large
pouvoir d'appréciation. Ainsi, il est indiqué dans
l'arrêt Herczegfalvy qu'une loi conférant
à la puissance publique un large pouvoir d'appréciation
doit en fixer la portée ; le niveau de précision requis
dépend du domaine considérée.
La seconde condition « la nécessité dans
une société démocratique » est moins bien
définie que la première et laisse une très
importante marge d'appréciation aux juges. Ce critère
représente à lui seul une part importante du
problème auquel les démocraties doivent faire face en luttant
contre le terrorisme. Afin de mener une lutte efficace, elles risquent de
devoir abandonner la mise en application pratique d'une partie des droits de
l'homme proclamés dans leurs textes fondamentaux. Toutefois, cet abandon
doit être réduit au minimum nécessaire sous peine
d'abandonner les valeurs qui font de nos Etats des démocraties, des
Etats de droit et ; ce faisant ; de légitimer le terrorisme.
La Cour a défini un cadre d'interprétation
composé de trois caractéristiques afin d'évaluer le
respect de ce critère.
132Arrêt Malone c/ RoyaumeUni du 2 août
1984, série A no 82.
·La nature de la nécessité :
Dans l'arrêt Handyside contre RoyaumeUni du
7 Décembre 1972, la Cour
indique que la nécessité est
intermédiaire entre « indispensable », « absolument
nécessaire », « strictement nécessaire » et
« opportun, normal, admissible ». Ainsi, la nécessité
ne doit pas être comprise comme étant l'ultime recours. De plus,
l'ingérence de l'Etat dans les libertés prévues par la
Convention doit être justifiée par un ou plusieurs buts
légitimes prévus par la Convention. Les limitations
portées à la liberté de conscience, en raison de
l'incitation, pourront être justifiées par les
nécessités d'ordre et de sécurité public ; celles
de la liberté d'expression pourront l'être par la
sécurité nationale, la sûreté publique, la
défense de l'ordre et la prévention du crime. Pour juger si les
motifs invoqués par
les Etats pour justifier les limitations existent, il convient
de tenir compte des circonstances particulières de l'affaire et de
l'atmosphère du pays au moment des faits. L'action de l'Etat doit
également se fonder sur une appréciation acceptable des
faits pertinents133. La liberté d'expression et la
liberté de conscience sont considérées par la Cour
comme des fondements essentiels de nos sociétés
démocratiques. Les buts légitimes prévus par les
paragraphes 2 des articles 9 et
10 de la Convention doivent, en conséquence, être
interprétés restrictivement.
·Proportionnalité au but légitime poursuivi
et charge de la preuve :
Les atteintes aux droits de l'homme doivent être
proportionnées aux buts
légitimes poursuivis, variant suivant les
affaires, les droits en cause et la nature
de l'ingérence. Les deux droits en cause sont
particulièrement importants, ainsi
les limitations devraient être strictement
proportionnées. Il est permis de douter que cette approche soit
suivie par la Cour. En effet, même si aux termes certaines
décisions les exceptions doivent être
interprétées strictement134, une
133Arrêt Oberschlick c/ Autriche du 23 mai 1991,
série A n°204, para. 60.
134Arrêt Sunday Times c/ Royaime uni para 65.
partie de la jurisprudence penche en faveur de
l'équilibre entre les droits et les exceptions135.
D'autant que dans sa Déclaration sur la liberté
d'expression et d'information dans les médias dans le contexte de la
lutte contre le terrorisme, le Comité des ministres du Conseil de
l'Europe considère que le terrorisme a des conséquences
dramatiques pour les pleines jouissances de droits de l'homme, (...) qu'il
menace la démocratie, qu'il vise notamment à
déstabiliser les gouvernements légitimement constitués et
à saper la société civile pluraliste. Ces
considérations sur le terrorisme semblent indiquer que les Etats du
Conseil de l'Europe considèrent le terrorisme comme un
danger public menaçant l'expression démocratique de nos
Nations. En toute hypothèse, la Cour considère que l'Etat doit
apporter la preuve que les limitations sont justifiées136.
·La marge d'appréciation des Etats et la
portée du contrôle européen :
La marge d'appréciation des Etats correspond à leur
marge de manoeuvre dans le
respect des droits et dans l'application des diverses
exceptions prévues par la Convention. Cette marge
d'appréciation détermine la portée du contrôle
exercé par les juges de Strasbourg. Il s'agit là du coeur du
critère de nécessité dans une société
démocratique. La Cour estime qu'il lui revient en dernier ressort
(...), de déterminer si le but et la nécessité d'une
atteinte à des droits en vertu d'une ou plusieurs exceptions
prévues pour sauvegarder l'intérêt public sont compatibles
avec la Convention137. Pour M. Van Dijk et M.Van
Hoof138, la Cour, pour appliquer la notion de marge
d'appréciation, procède en deux étapes. En premier lieu,
elle va examiner le comportement de l'Etat. Elle peut ne lui laisser aucune
135Arrêt B c/France du 25 mars 1992 série A
n° 232 para 63.
136Requête n°22414/93 Chahal c/ Royaume Uni,
para. 136 ; Arrêt Observer et Guardian du 02 août 1994,
série A n°82
137Steven Greer Ibidem
138P.Van Dijk et G.J.H. Van Hoof, Theory and Practice of the
European Convention on Human rights,
DeventerBoston, 1990 p 404
marge d'appréciation et détailler l'ensemble
des actions entreprises ou lui reconnaître une faible marge. En
second lieu, elle détermine si le comportement
de l'Etat est raisonnable, en se fondant sur le
résultat des investigations de la première phase. Pour ce
faire, la Cour peut demander à l'Etat de prouver le
caractère raisonnable des restrictions qu'il a imposé ou,
encore, demander au requérant de prouver leurs caractères
déraisonnables.
À travers ces deux conditions, la Cour
européenne a mis en place un système perfectible mais
cohérent et efficace. Il reste à espérer que malgré
les risques terroristes existant aujourd'hui en Europe et sous les coups
conjugués de l'opinion publique et des gouvernements, les juges de
Strasbourg continueront à jouer leur rôle de protecteur des droits
de l'homme en général et des libertés de conscience et
d'expression en particulier.
·Quels « buts légitimes »
peuvent légitimer les limitations portées aux principes
?
Les buts qui peuvent légitimement être
invoqués pour limiter l'expression de la
liberté de pensée sont la
sécurité publique, la protection de l'ordre, la
santé ou la morale publiques, ou la protection des droits et
libertés d'autrui. Concernant l'article 10,
les buts légitimes sont la sécurité
nationale, l'intégrité territoriale ou la sûreté
publique,
la défense de l'ordre et la prévention du
crime, la protection de la santé ou de la morale,
la protection de la réputation ou des droits
d'autrui, empêcher la divulgation d'informations confidentielles
ou garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir
judiciaire. Le caractère « moins absolu » de la
liberté d'expression, comparé à la liberté
de pensée, s'exprime aussi par ces buts légitimes :
ils sont assez limités pour la liberté de pensée et
beaucoup plus nombreux s' agissant de la liberté d'expression.
Ces buts peuvent se ranger en deux catégories : les buts
touchant à l'intérêt public ou de
la société en général et les buts
concernant l'intérêt privé.
Les premiers recouvrent évidemment la protection
de l'ordre, la santé ou la morale publiques, la
sécurité nationale, l'intégrité territoriale ou la
sûreté publique, la défense
de l'ordre et la prévention du crime.
Les seconds incluent logiquement la protection de la
réputation, des libertés ou des droits d'autrui, empêcher
la divulgation d'informations confidentielles. La question de la
volonté de garantir l'autorité et
l'impartialité du pouvoir judiciaire est plus
problématique. Évidemment, le respect de ces deux principes
bénéficie à l'ensemble de
la société, même si un
intérêt privé est directement en cause lorsqu'il y a
atteinte à ces deux principes et un classement dans la seconde
catégorie semble donc justifié. Parmi ces droits, aucun ne
semble pouvoir arguer à une éventuelle limitation des
libertés garanties aux articles 9 et 10 relative à l'incitation
aux actes de terrorisme.
La sécurité nationale ne peut être
invoquée que pour limiter la liberté
d'expression. Dans le cadre du sujet de cette réflexion,
son invocation semble difficile. Il
en est de même pour la protection de la santé et de
la morale publique ainsi que pour l'intégrité territoriale. En
conséquence, seules la sécurité publique, la
défense de l'ordre
et la prévention du crime semblent pouvoir être
invoqués.
Ces trois critères sont, en réalité,
invoqués pèlemêle par les Etats et il n'est pas possible
de définir clairement où s'arrête la
sécurité publique et où commence la défense
de l'ordre et la prévention du crime. Dans de nombreux
arrêts139 où les Etats invoquent ces justifications,
la Cour n'a pas clairement défini ces trois notions. Elle s'est
contentée d'une étude des faits, de rappeler la notion de
prééminence du droit et le critère de la
nécessité dans une société démocratique,
avant de conclure que les buts invoqués
139Par exemple arrêt du 28.10.1994, A 300A, Requête
no 8170/78, X c/ Autriche, Annuaire XXII (1979),
p. 308. Requête no 5488/72, X c/ Belgique,
Annuaire XVII (1974), p. 222; requête 530/59, X c/
République Fédérale d'Allemagne, Annuaire III (1960), p.
184; Requête no 9237/81, B. c/ Royaume Uni, D & R 34 (1983), p. 68.
Requête no 8290/78, A, B, C et D c/ République
fédérale d'Allemagne, D
&R 18 (1980), p. 176. Requête no 17505/90,
Nydahl. Z. c/ Finlande, du 25.2.1994, requête no
22009/93 ; Arrêt Boughanemi du 24.4.1996, requête
no 22070/93; arrêt C. c/ Belgique du 7.8.1996, requête no 21794/93;
arrêt Bouchelkia du 29.1.1997, requête no 23078/93 ; Arrêt
Schönenberger et Durmaz du 20.6.1988, série A no 137,
Arrêt Niemetz du 16.12.1992, A 251B. Arrêt Vereinigung
Demokratischen Soldaten Österreichs et Gubi du 19.12.1994, A 302.
justifient les limitations (souvent) ou bien l'inverse
(rarement). Ce manque de définition
au niveau européen n'est pas de très bon
augure, risquant de laisser la place à une interprétation
extensive de ces limitations. Espérons que la Cour se
prononcera rapidement sur le sens exact de ces principes afin d'en indiquer
clairement le champ d'application !
Plus on luttera sérieusement contre le terrorisme, plus
l'ensemble de nos libertés
et droits fondamentaux devront être respectés. Les
Etats devront, en ce sens, donc ne pas enfreindre l'ensemble des droits qu'ils
se sont engagés à respecter.
3.Respecter l'Etat de droit :
L'expression « Etat de droit » est un terme
galvaudé, utilisé dans divers contextes
et diverses circonstances, au risque de le vider de son sens.
Ainsi, avant de s'intéresser à
la lutte contre le terrorisme et au respect de l'Etat de droit,
il convient de rechercher ce qu'il recouvre.
·Qu'est ce que l'Etat de droit ?
Ce terme (Rule of law en anglais) a été
utilisé pour la première fois en 1884 par
A.V. Dicey, constitutionnaliste anglais140. Il serait
fastidieux et inutile (dans le cadre de cette réflexion) de retracer
l'évolution de cette notion et il suffira simplement d'en tracer
les grandes lignes actuelles. Il peut se définir comme la
situation résultant pour une société de sa soumission
à un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée.
En
un sens plus restreint, il s'agit du nom que mérite
seul un ordre juridique dans lequel le respect du Droit est
réellement garanti aux sujets de droits, notamment contre
140A.V. Dicey, Introduction to the study of the law of the
constitution, All souls College, Oxford, 1885.
l'arbitraire141. C'est dans ce sens plus
restreint que nous utiliserons cette notion dans la suite de cette
réflexion. L'Etat de droit est un Etat où, dans les rapports avec
les citoyens, l'administration est soumise à des règles de
droit. Les citoyens disposent en général d'une
possibilité de recours contre les décisions de cette
dernière. Il suppose donc l'existence de juridictions qui jugent
des différents entre les citoyens et l'Etat et
l'indépendance du pouvoir judiciaire afin que l'Etat souverain respecte
les règles de droit qu'il s'est lui même imposé. L'Etat de
droit s'oppose à l'Etat policier.
Pour R. Carré de Malberg : l'Etat de
police est celui dans lequel l'autorité administrative peut,
d'une façon discrétionnaire et avec une liberté de
décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens
toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par ellemême
l'initiative, en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre
à chaque moment les fins qu'elle se
propose142. Il serait particulièrement dangereux de
laisser un tel état de chose réapparaître dans nos
démocraties.
Les Etats de droit doivent donc respecter l'ensemble des
obligations qui pèsent sur eux par leurs engagements internationaux ou
régionaux ou par leurs lois nationales. En plus des libertés
mentionnées cidessus, l'Etat se doit, pour mériter le titre
d'Etat de droit (d'Etat assujetti au droit), de respecter certains
autres droits qui, même s'ils peuvent paraître moins
fondamentaux, délimitent le cadre dans lequel doit être maintenue
la lutte contre le terrorisme.
·Quels droits doivent être respectés dans la
lutte contre le terrorisme143 ? :
L'interdiction de la torture doit être
respectée en toutes circonstances. Elle est proclamée
141G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 1987,
(p. 325).
142Cité par J. Chevallier, L'Etat de droit,
Editions Montchrestien, Coll. Clefs, 3ème édition, 1999 (p.
16)
143 Il s'agit d'un inventaire nonexhaustif. Ainsi le Conseil des
ministres du Conseil de l'Europe liste dans Les Lignes directrices sur les
droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme l'obligation, pour
les Etats, de protéger toute personne contre le
terrorisme (le droit à la sécurité), l'interdiction
de
l'arbitraire, la nécessaire légalité de
toute mesure antiterroriste. Ces ligne directrices fixent également
un cadre juridique en ce qui concerne, notamment, la collecte
et le traitement de données à caractère personnel, les
mesures d'ingérence dans la vie privée, l'arrestation, la
garde à vue et la détention provisoire, les
procédures judiciaires, l'extradition ou le dédommagement des
victimes.
par l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques et par l'article 3
de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait maintenant
partie du jus cogens impératif. Ces deux instruments ne
prévoient aucune restriction à cette interdiction et n'y
autorisent pas non plus de dérogation en cas de danger public
exceptionnel (article 4 du Pacte) ou en cas d'état d'urgence (article 15
de la Convention). Ainsi, les diverses forces impliquées dans la lutte
contre le terrorisme doivent se refuser à toutes formes de
tortures quelles que soient les circonstances. Il peut sembler inutile
de rappeler de telles évidences mais l'actualité
antiterroriste, tant dans la base de Guantanamo qu'en Irak, nous montre que
ce paragraphe n'est malheureusement pas inutile, s'agissant
même des pays a priori
respectueux des droits de l'homme.
Le droit à la vie est reconnu tant par
le Pacte (Article 6) que par la Convention européenne (Article
2). Il est possible d'y déroger aux termes du droit international,
pour les crimes les plus graves et conformément à la
législation en vigueur au moment
où le crime a été commis
dans le pays. Le droit européen a, par deux protocoles,
complètement aboli (pour les Etats signataires de ces protocoles) la
peine de mort. Le Protocole n°6 du 28 avril 1983 abolissait la peine de
mort sauf pour des actes commis
en temps de guerre ou de danger imminent de guerre.
Le Protocole n°13 du 3 mai 2002, qui n'est pas encore entré en
vigueur, déclare que la peine de mort est abolie. Nul ne peut
être condamné à une telle peine ni exécuté.
Pour les Etats membres signataires144, le respect du droit
à la vie est donc absolu et ne saurait connaître la moindre
exception, même en temps de guerre et a fortiori en aucun cas
pour la lutte contre le terrorisme.
Les garanties de procédures telles
l'impartialité et l'indépendance des tribunaux
(article
141 du Pacte, article 61 de la Convention), le respect de la
présomption d'innocence
(article 142 du Pacte, article 62 de la Convention) et
l'ensemble des droits que comprend la notion de procès
équitable (qui sousentend que les suspects aient, au
144Le quorum de 10 signatures nécessaire à
l'entrée en vigueur du Protocole n°13 n'est pas encore atteint.
On ne peut qu'espérer qu'il le soit rapidement.
moins, droit à un procès) (article 141 du Pacte,
article 61 de la Convention) doivent évidemment, elles aussi,
être respectées. Ces notions sont certainement les plus
sensibles.
Par exemple, la présomption d'innocence, qui est un
principe fondateur du droit pénal, semble être partiellement remis
en question dans certains cas spécifiques. Pour illustrer
ce propos, la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée prévoit dans son
article 127 que Les États Parties peuvent envisager d'exiger que
l'auteur d'une infraction établisse l'origine licite du produit
présumé du crime ou d'autres biens pouvant faire l'objet d'une
confiscation, dans la mesure où cette exigence
est conforme aux principes de leur droit interne et à
la nature de la procédure judiciaire
et des autres procédures. Les Nations
Unies légitiment donc la création d'une présomption
légale145 de culpabilité dans certains cas. La France
connaît déjà certains cas de présomption de
culpabilité. Dans sa décision N° 99411 DC du 16 juin 1999
sur la Loi portant diverses mesures relatives à la
sécurité routière et aux infractions sur les agents des
exploitants de réseau de transport public de
voyageurs146, le Conseil constitutionnel a
validé le principe des présomptions de culpabilité
à quatre conditions : cellesci doivent être
exceptionnelles, elles ne doivent pas avoir de caractère
irréfragable, elles doivent respecter les droits de la défense et
leur vraisemblance doit être déduite des faits. La Cour
Européenne des Droits de l'Homme a aussi accepté le recours
à de telles pratiques notamment depuis l'arrêt
Salabiaku147 pour peu qu'elles soient
exceptionnelles, inscrite dans des limites raisonnables, prenant en
compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la
défense. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'en
matière de terrorisme des présomptions légales de
culpabilité apparaissent
de plus en plus nombreuses.
Néanmoins, cette érosion de certaines garanties
« classiques » de la procédure pénale ne
va pas à l'encontre de l'Etat de droit strictement
défini, car les règles de droit sont modifiées et
l'Etat respecte ces nouvelles règles.
145Par opposition aux présomption du fait de l'homme
où un juge déduit d'un fait connu un fait inconnu
qui lui semble vraisemblable.
146Décision disponible sur
http://www.conseilconstitutionnel.fr/wcconsti/WCC_debut.ow
147Arrêt Salabiaku c/ France, 07 octobre 1988, série
A141A.
Les divers organes internationaux (Secrétaire
général des Nations Unies, Conseil de
sécurité...) et régionaux (Conseil de l'Europe...)
rappellent le nécessaire respect de l'Etat
de droit dans la lutte contre le terrorisme. Ils
considèrent, en effet, que l'Etat de droit est souvent mis à mal.
Ces violations répétées par diverses nations
signifieraientelles qu'il existe un antagonisme entre Etat de droit et lutte
efficace contre le terrorisme ?
·Un antagonisme entre Etat de droit et lutte
antiterroriste ? :
Pour le Secrétaire général des Nations
Unies, la lutte contre le terrorisme ne doit jamais
être menée au prix de nos valeurs ni nous
rabaisser au niveau des terroristes148. Si cette assertion
était évidente, aucun Etat ne « franchirait jamais la
ligne jaune ». Or, ce franchissement est de plus en plus
fréquent, que l'on pense aux « extraordinary rendition »
(« remise extraordinaire »), c'estàdire l'interpellation
sans mandat d'arrêt judiciaire de suspects n'importe où dans le
monde pour les conduire dans des prisons secrètes149,
à l'utilisation de méthodes d'interrogatoire qui se
rapprochent de la torture,
au maintien en détention de prisonniers sans la
moindre charge notifiée150 ou à l'institution
(plus ou moins légale) de tribunaux militaires d'exception.
Ainsi, l'idée qu'une lutte efficace contre le terrorisme passe par
l'abandon de certains principes et par
le nonrespect du droit semble partagée par nombres
d'Etat, même parmi les plus exemplaires.
Personne ne pourrait justifier le sacrifice de
millions de vies pour épargner à un meurtrier psychopathe
un moment bref d'intense douleur, qu'il peut arrêter par son
propre choix. Quand la menace est si énorme et la solution si simple,
nous sommes tous dans le camp du personnage de Shakespeare selon lequel il n'y
a pas de vertu plus
148« S'unir contre le terrorisme »,ibidem.
149Giulietto Chiesa « L'archipel des prisons secrètes
de la CIA » Le monde Diplomatique, août 2006, p4.
150Ainsi par exemple de la détention depuis 3 ans de M.
Ali alMarri, sans que la moindre charge ne lui
ait été notifiée ou qu'il ne soit poursuivi.
Dossier complet sur ce cas disponible sur :
http://web.amnesty.org/library/index/engamr510952006.
grande que la nécessité151.
Voici en résumé l'idée majeure des discours qui
soutiennent
un sacrifice progressif de nos droits et libertés pour
la lutte contre le terrorisme. Au soutien de cette thèse une
évidence s'impose : la Chine, la Corée du Nord et les
dictatures les plus féroces ne sont pas connues pour le nombre
d'attaques terroristes sur leur sol, alors que toutes les
démocraties ont connu et connaissent de nombreuses attaques. Mais
quelles libertés pourraient être limitées ou
abandonnées pour lutter efficacement contre le terrorisme ?
Si l'on s'en tient au discours de certains, de
nombreuses libertés mériteraient d'être
abandonnées, tels que :
·La liberté d'expression : Pour atteindre
ses buts, le terrorisme s'appuie généralement sur l'important
écho qui est donné à ses actes. Ainsi, l'abandon de la
liberté de la presse (modalité de la liberté
d'expression) devrait pouvoir réduire l'impact des attentats
terroristes et donc du message que leurs auteurs désirent
délivrer. La liberté d'expression peut être mal
utilisée : certains peuvent s'en servir pour inciter au
terrorisme ou pour exprimer des idées qui pourraient
éventuellement légitimer certains actes terroristes. L'abandon
complet de la liberté d'expression serait alors probablement
efficace.
·Le droit au respect de la vie privée et
familiale : il inclut le respect des correspondances privées
qui représente une vraie « gène » pour les forces de
l'ordre.
Si ces dernières pouvaient écouter les
conversations, lire les courriers (électronique
et papiers) et sonoriser les lieux d'habitation, les complots
terroristes seraient alors beaucoup plus souvent déjoués.
·L'interdiction de la torture semble
limiter l'efficacité des forces de l'ordre lorsqu'elles ont
à faire à un terroriste (le classique exemple de la
bombe à retardement). Ainsi, l'usage de la violence physique
permettrait d'augmenter le
151Steve Chapman, Washington Times, cité par Alan
M. Dershowitz, Why Terrorism works, Yale
University Press, p 105, traduction libre.
nombre d'informations obtenues par les forces de l'ordre et cela
en raccourcissant le temps d'obtention de ces informations.
·La liberté de mouvement : Si on restreignait
ou interdisait aux individus de quitter
le territoire national ou leur ville natale, chaque personne
pourrait être retrouvée à chaque instant. En outre,
cette limitation couplée avec l'abandon de la liberté
d'expression empêcherait les idées terroristes de se
répandre. On peut aller encore plus loin et imaginer de poser un
bracelet électronique au poignet de chaque citoyen pour le suivre
à tout moment et prévenir, éviter les attentats
·Les procès secrets : une des
difficultés auxquelles les forces de l'ordre font face est
de devoir dévoiler leurs preuves en public et devant un
jury. Ce faisant, elles peuvent perdre un avantage difficilement acquis
(l'infiltration d'un agent par exemple) ou dévoiler des
connaissances qu'elles désireraient garder secrètes. Il
serait donc beaucoup plus simple de supprimer l'exigence de publicité
des procès et d'avoir une confiance aveugle dans nos forces de l'ordre,
juges et Procureurs.
·Les punitions collectives : une fois toutes les
libertés cidessus brimées, seules les terroristes suicide
seraient encore prêt à commettre des attaques. Pour les
en empêcher, il conviendrait d'éliminer toute leur famille, leur
voisins et leurs amis afin
de les dissuader de passer à l'acte.
·Les assassinats ciblés: Pour
prévenir de futurs actes terroristes, il pourrait aussi être plus
simple d'« éliminer » directement ceux dont on pense qu'ils
peuvent avoir un rôle dans la planification, la préparation ou la
justification morale de tels attentats.
·Les guerres préventives : si
malgré tous ces abandons et tous ces sacrifices de nos
sociétés libres, le terrorisme continue, alors cela
signifie que d'autres Etat le soutiennent. Il devient alors légitime
de faire la guerre à ces Etats qui soutiennent ou
L'incitation aux actes de terrorisme sponsorisent le
terrorisme.
Cette énumération des libertés et
droits qui pourraient être sacrifiés pour une lutte contre
le terrorisme « efficace » est un exemple non exhaustif et
théorique.
Cependant, nos démocraties prennent petit à
petit des mesures qui tendent vers la limitation de ces libertés
et cela en n'éradiquant pas le terrorisme. Certaines mesures ont
dépassé le cadre légal qui s'impose aux Etats, posant de
nombreux problèmes : une fois
la ligne rouge de la légalité franchie
pour une « bonne cause »152 qu'estce qui
empêchera de la franchir de nouveau pour une cause un peu moins «
noble » ? Comment définiton la « bonne cause » ? Si les
mesures sont illégales, les actions qui se déroulent hors cadre
sont alors décidées dans la plus grande
confidentialité et la plus stricte illégalité, sans
contrepouvoir, ni vérification possible. Ainsi, progressivement et
insidieusement, nous pourrions nous retrouver dans un Etat où certaines
administrations
ne respecteront plus la loi, donc dans un Etat de non droit.
En d'autres termes, si certains estiment que le droit actuel
n'est pas en adéquation avec une lutte efficace contre le terrorisme,
ils doivent le dire, militer et utiliser le processus démocratique pour
modifier le cadre légal, tel Dan Fried pour qui le système
légal en place est incompatible avec la nouvelle bataille
qu'exige cette guerre153. Il est particulièrement
dangereux de juger inacceptable l'invocation des droits humains
s'agissant de présumés terroristes154 comme
le Viceprésident des EtatsUnis et son Ministre de la
défense. A trop abandonner nos libertés, nous risquons
de légitimer, après coup, le discours terroriste et donc de
délégitimer notre lutte.
Il faut néanmoins se garder de l'angélisme et
notre système juridique peut être modifié afin de lutter
plus efficacement contre le terrorisme sans pour autant abandonner ou porter
une atteinte à nos droits fondamentaux.
152 Se pose aussi le problème de la définition de
la « bonne cause ».
153Dan Fried sousSecrétaire d'Etat américain
cité par Giulietto Chiesa « L'archipel des prisons
secrètes
de la CIA » ibidem.
154Cité par Giulietto Chiesa « L'archipel des prisons
secrètes de la CIA »ibidem.
B.Les moyens de la lutte :
La lutte contre le terrorisme est passée d'une
approche purement réactive,
incriminant les attentats terroristes, à une
approche préventive, incriminant la participation, l'organisation
et le financement d'actes terroristes, la participation à des groupes
terroristes et finalement la volonté d'incrimination de l'incitation.
Cette modification de « philosophie » pénale
doit se retranscrire dans nos lois pour que cette approche préventive ne
reste pas lettre morte. Il convient de s'interroger sur les modifications qui
peuvent s'avérer nécessaires, tant au niveau du droit
pénal substantiel
(1) qu'en ce qui concerne le droit pénal processuel
(2).
1.L'utilisation du droit pénal :
Le droit pénal français dans l'article 24 de
la loi sur la presse de 1881 incrimine
l'apologie et la provocation directe aux actes de terrorisme
prévus par le titre II du livre
IV du code pénal. Il convient de connaître le
régime juridique de cette incrimination avant de s'interroger sur les
éventuelles améliorations possibles de cet article.
·Régime juridique :
Avant de s'intéresser à l'article 24 en
particulier, il convient de comprendre la
philosophie de la loi sur la presse telle que consolidée.
Elle s'articule autour de quatre grandes spécificités :
·Un régime administratif de la presse
écrite exempt de tout contrôle préalable, comportant
une obligation de déclaration auprès du Procureur de la
République et des formalités de dépôt des
publications périodiques.
·La définition de diverses infractions
(diffamation, provocation aux crimes et
délits...), visant à instituer un équilibre
entre la liberté d'expression et la protection des personnes,
susceptibles d'être caractérisées quel que soit le support
et le moyen
de l'expression (écrit, parole ou image sur la
voie publique, la presse, la télévision...). La seule
condition exigée tient à la publicité portant l'infraction
à la connaissance d'autrui.
·L'établissement d'un régime de
responsabilité pénale spécifique, instituant une
présomption de responsabilité du directeur de la publication.
·La mise en place d'un régime procédural
particulier, dérogeant au droit commun, avec des règles
contraignantes limitant les poursuites, notamment une prescription des
infractions réduites à trois mois, afin de protéger la
liberté de la presse.
La caractérisation des infractions de l'article 24
réclame que le propos ou l'écrit soit mis
à la disposition du public. Les modes de
mise à disposition du public sont limitativement
énumérés à l'article 23 de la loi. Il s'agit, pour
l'expression orale, d'une prise de parole dans des lieux ou réunions
publics. Pour l'expression écrite, il s'agit de la distribution, de la
mise en vente ou de l'exposition d'écrits ou d'image et de tous
moyens
de communication audiovisuel : Internet, radio,
télévision. Les actes justiciables de la police de la presse sont
donc l'ensemble des atteintes commises par tous les moyens de communication.
L'écrit étant le plus ancien, l'imprimerie
a suscité le besoin de réglementer de tels comportements
dommageables, ce à une plus grande échelle que ne le
permettait auparavant la voie orale. C'est sur le modèle du droit de la
presse qu'ont été calquées toutes les autres
dispositions valant pour l'audiovisuel et le droit régissant les
expressions orales en public. Le droit de la presse a inspiré avec les
aménagements propres aux spécificités des autres
médias les autres types de réglementation, notamment le
fait que des débats puissent être diffusés en direct sans
contrôle préalable d'une rédaction. Cependant, le droit
de la presse règne encore en raison de son
L'incitation aux actes de terrorisme antériorité et
de l'élaboration éprouvée de ses mécanismes.
La loi a posé comme corollaire de la
liberté de communication, le principe d'une présomption de
responsabilité pénale du directeur de la publication, liée
à l'exercice de
la responsabilité éditoriale. Elle a, ainsi,
souhaité protéger l'individu en lui offrant un interlocuteur
unique et identifiable, puisque le nom du directeur de la publication doit
être mentionné sur chaque revue. Le directeur de la publication,
présumé responsable,
est censé avoir eu connaissance des écrits
et en avoir approuvé la publication. La poursuite des autres
participants à l'infraction de presse est exercée selon
le droit commun de la complicité (article 1217 du code
pénal).
Cette responsabilité ne joue que pour les infractions
définies dans la loi de 1881 ainsi que pour les infractions
prévues par le code pénal pour lesquelles il a
été prévu un renvoi à cette responsabilité
spécifique.
L'exercice de l'action publique et la procédure devant la
juridiction de jugement sont régis par des règles très
spécifiques et contraignantes limitant les poursuites.
Règles de prescription : l'article 65
prévoit que l'action publique et l'action civile résultant
des infractions prévues par la loi se prescrivent par trois
mois révolus à compter du jour où ils auront
été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de
poursuite s'il en a été fait (délit instantané et
non continu). Cette courte prescription a
été établie dans l'intérêt
de la presse articles de journaux, émissions de radio et de
télévision ayant un caractère
éphémère. Les poursuites ne doivent pas avoir lieu alors
que l'effet nocif de l'article a depuis longtemps disparu.
En outre, l'article 652 prévoit que le délai de
prescription de trois mois des actions publiques et civiles fondées sur
une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881 est
rouverte au profit d'une personne mise en
cause sur des faits pouvant être qualifiés
pénalement, à compter d'une décision
pénale définitive intervenue sur ces faits et la mettant
hors de cause.
La jurisprudence a, un temps, hésité à ne
pas faire jouer cette prescription raccourcie pour Internet mais la Cour de
Cassation a refusé cette dangereuse innovation155.
Action du ministère public :
conformément au principe de droit commun, la poursuite des
délits et contraventions par la voie de la presse relève
de l'action du ministère public. Six exceptions ont, toutefois,
été prévues par l'article 48 de la loi où une
plainte préalable conditionne l'exercice de l'action publique par
le parquet (par exemple les injures ou diffamations envers les cours,
tribunaux et aux chefs d'Etat étrangers).
Nature des infractions : aux termes de la jurisprudence,
les infractions de la loi de 1881
sont des infractions politiques156, ainsi le
régime dérogatoire des infractions s'applique.
·Les infractions :
L'article 24157 alinéa 5 de la loi de 1881
puni de cinq ans d'emprisonnement et de
45 000 € d'amende ceux qui par divers moyens
énumérés plus haut auront provoqué directement
aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code
pénal ou ceux qui en auront fait l'apologie.
Un premier problème se pose : afin d'être
punissable estil nécessaire que cette provocation ait
été suivie d'effet ? Une lecture stricte de cet article laisse
penser que l'alinéa premier, qui précise que la provocation
est punie (qu'elle soit ou non suivie d'effet est punissable), ne
s'applique que pour les points 1 et 2. Une autre interprétation
155Cour de Cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2001,
pourvoi n°
0085728.
156Cour de Cassation, Chambre criminelle, 24 mai 2005, pourvoi
n°0486181, Inédit
157 Article 24
Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros
d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article
précédent, auront directement provoqué, dans le cas
où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet,
à commettre l'une des infractions suivantes :
(...)
Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er
ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux
actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code
pénal, ou qui en auront fait l'apologie.
(...)
est possible : l'article 23 punit la provocation suivie
d'effet, ainsi l'article 24 en entier punirait la provocation non suivie
d'effet. C'est dans ce sens que la jurisprudence s'est
prononcée158.
Il y a deux infractions distinctes : la provocation et
l'apologie.
L'élément matériel de ces infractions
est la mise à disposition du public par divers moyens de
provocation et d'apologie d'actes de terrorisme.
La provocation est définie comme une
manoeuvre consciente qui a pour but de surexciter les esprits et de
créer la mentalité qui appelle à
l'infraction159. L'apologie n'est pas définie
directement par la jurisprudence, néanmoins dans le jugement
impliquant M. Mbala Mbala Dieudonnée160 poursuivi pour
complicité d'apologie directe
et publique d'un acte de terrorisme, les juges
indiquent que tout débat relatif à la justification, ou
non, de l'attentat s'avérant dés lors exclu (...) les termes
poursuivis ne saurait constitué l'apologie d'acte de terrorisme
(...). Ainsi, indirectement, les juges indiquent que l'apologie est la
justification. D'autres jugements sont plus larges dans leur approche de
l'apologie : par exemple, présenter un vol comme un exploit
digne d'approbation et souhaiter que son auteur échappe à toute
sanction161 ou encore, publier
un texte de nature à inciter ses lecteurs
à porter un jugement moral favorable aux dirigeant du parti
nazi162. constituent le crime d'apologie. En droit français,
l'apologie semble donc inclure la justification ellemême et
l'éloge de l'acte ou de ses auteurs. L'apologie peut, à la
différence de la provocation, constituer une infraction même si
elle
est indirecte163.
L'élément moral de la provocation et de l'apologie
n'est pas directement exprimé dans le
158Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 29 octobre 1936, Bull
crim n°104
159Tribunal Correctionnel de Paris, 15 avril 1986, Revue de
Science criminelle, 1987, n°209
160Tribunal Correctionnel de Paris, 11 juillet 2003, affaire
n° 02063000012, Inédit
161Cour de Cassation, Chambre criminelle, 02 novembre 1978, Bull
n°294.
162Cour de Cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 1971, Bull
n° 14 ; Dalloz, 1971, n°101.
163 Tribunal Correctionnel de Paris, 25 février 1959,
Dalloz, 1959, n°552
texte d'incrimination. Néanmoins, pour la
jurisprudence, l'élément intentionnel de la provocation
réside dans la volonté de l'auteur de créer, par
un acte provoquant directement au crime, l'état d'esprit propre
à susciter ce crime164. Il s'agit donc d'un dol
spécial. En ce qui concerne l'apologie, la jurisprudence ne
définit pas l'élément intentionnel. Il semble
néanmoins évident qu'il s'agit d'une infraction volontaire.
L'existence d'un dol spécial est plus problématique. S'il en
existe un, il s'agirait de la volonté de l'auteur de justifier ou de
faire l'éloge d'un acte terroriste ou de faire l'éloge d'un
terroriste.
·Les améliorations possibles :
La France est partie à 12 des instruments universels
contre le terrorisme165. Les résolutions 1373 (2001) et 1546
(2003) et 1566 (2004) Conseil de sécurité des Nations Unies, en
leurs parties prise sous l'égide du chapitre VII de la Charte des
Nations Unies s'impose à elle comme pays membre. La résolution
1624 (2005) n'est pas contraignante
et ne s'impose donc pas à la France, toutefois,
son poids politique est tel166 que la conformité des
lois françaises à son égard doit être
évoquée. La France a signé la Convention du
Conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme qui
définit en son article 5 la provocation publique à un acte
terroriste. Elle devrait bientôt la ratifier. En sus, en tant que membre
de l'Union Européenne, elle est tenu de respecter les décisions
cadre du Conseil européen. Ainsi, en vertu du paragraphe 4 de la
décisioncadre du 13 juin 2002167 relative à la lutte
contre le terrorisme, la France doit prendre les mesures nécessaires
pour que soit rendu punissable le fait d'inciter des infractions visées
dans la décisioncadre.
Les éventuelles améliorations à apporter
au cadre juridique français concernant l'incitation ne seront
étudiées que visàvis des obligations (ou futures
obligations) de la France. La conformité de la législation
française visàvis des instruments universels
164Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 29 Octobre 1936,
ibidem
165La France est partie à tous les instruments
négociés avant 2005 et a signé la convention pour
la répression du terrorisme nucléaire (2005).
166 Cf. partie IA 1 Sources internationales de l'incitation
de ce mémoire.
167 ibidem
L'incitation aux actes de terrorisme contre le terrorisme ne sera
pas directement étudiée.
La résolution 1624 (2005) du Conseil de
sécurité des Nations Unies dans son article 1
paragraphe 1 appelle tous les États à adopter
des mesures qui peuvent être nécessaires
et appropriées et sont conformes aux obligations
qui leur incombent en vertu du droit international, pour interdire par la
loi l'incitation à commettre un ou des actes terroristes. La
législation française interdit, par la loi pénale, les
incitations aux actes de terrorisme. Son incrimination respecte les
obligations qui lui incombent en vertu du droit international
(liberté d'expression par exemple). Ainsi, la loi
française est en parfaite conformité avec les dispositions de
la résolution 1624 (2005).
Les résolutions 1373 (2001), 1546 (2003) et 1566
(2004) imposent de traduire en justice
les auteurs d'actes d'appui aux actes de terrorisme,
en application du principe Aut Dedere Aut Judicare. Or,
l'incitation à la commission d'actes de terrorisme peut être
interprétée comme un acte d'appui à des actes de
terrorisme168. Selon une jurisprudence constante, la justice
française considère que les infractions de presse (donc
l'infraction d'incitation à la commission d'actes terroristes)
sont des infractions politiques169. En conséquence, la
France, qui refuse l'extradition en matière d'infraction politique, peut
refuser d'extrader une personne présente sur son territoire auteur d'une
incitation à des actes terroristes. L'article 1132 du code
pénal indique que la loi pénale française s'applique
aux infractions commises sur le territoire de la République.
L'infraction est réputée commise sur le territoire de la
République dès lors qu'un de ses faits constitutifs
a eu lieu sur ce territoire. De la sorte, si aucun
des éléments constitutifs de l'infraction n'est effectué
sur son territoire, la loi française ne s'applique pas et les juges
français ne sont pas compétents. Or, l'élément
matériel de ces infractions est la mise à disposition
du message d'incitation. Il suffit donc que le message n'ait pas
été mis à la disposition
du public en France par la personne présente sur son
territoire pour que la France ne soit pas compétente et risque de ne pas
être en accord avec ses engagements internationaux
168 Cf. partie IA2 Sources juridiques internationales de
l'incitation de ce mémoire.
169 A titre d'exemple Cour de Cassation, Chambre criminelle, 24
mai 2005, 0486181, Inédit
car elle ne pourrait ni extrader, ni juger l'incitateur.
Il conviendrait, par conséquent, de dénier le
caractère d'infraction politique à l'incitation
à la commission d'actes terroristes170
ou de prévoir que la France se reconnaisse
compétente pour toutes les incitations aux actes terroristes
où qu'ils soient commis. Mais cela poserait le problème de la
compétence universelle en matière de terrorisme... Une solution
plus simple pourrait être d'insérer dans le code de
procédure pénale à la suite des articles 6891 et suivants
qui créent des cas de compétences spécifiques, un article
ainsi libellé :
Pour l'application de la convention européenne
pour la prévention du terrorisme, signée à Varsovie
le 16 mai 2005 et les résolutions pertinentes du Conseil de
sécurité des Nations Unies, peut être poursuivie et
jugée dans les conditions prévues à l'article
6891 toute personne coupable de l'une des infractions
suivante : l'incitation aux actes
de terrorisme telle prévue à l'article 24 de la
loi sur la liberté de la presse de 1881171.
La décisioncadre du Conseil européen relative
à la lutte contre le terrorisme172 indique que les
Etats doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour
que soit rendu punissable le fait d'inciter à commettre une
infraction visée par la décision. Ce texte laisse, en
conséquence, toute latitude aux Etats pour définir le
type d'incitation répréhensible (directe ou indirecte,
intentionnelle ou non, susceptible de créer un risque
de commission de l'acte terroriste ...). Il est, en revanche,
nécessaire que cette incitation s'applique à tous les actes
définis dans l'article 1 paragraphe 1 et dans les articles 2 et 3
de la dite décisioncadre. Ainsi, pour que la loi
française soit en conformité avec ce texte, relativement
à l'incitation, il faut et il suffit que l'incitation à
tous les actes contenus dans le paragraphe 1 de l'article 1 et dans les
articles 2 et 3 soient incriminés.
170En toute occurrence, les derniers instruments universels
contre le terrorisme et l'Assemblée générale
de l'Organisation des Nations Unies (résolution 49/60)
indiquent que des motifs politiques ne sauraient
en aucune manière justifier des actes de terrorisme. Il
semble donc logique qu'il en soit de même pour les actes d'incitation.
171Il pourrait en être de même pour les autres
infractions telles que le recrutement et l'entraînement mais
cela n entre pas dans le cadre de cette réflexion.
172 Dans l'article 4 de la décisioncadre du Conseil
européen relative à la lutte contre le terrorisme. cf partie
IA2iii L'incitation aux actes de terrorisme telle que définie par la
Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme
de ce mémoire.
L'article 24 de la loi de 1881 incrimine les incitations aux
actes du titre 2 du Livre IV (articles 4211 et suivants) du code pénal.
Or, le titre 2 n'inclut pas dans son champ d'application :
·La provocation d'inondations173 ayant pour
effet de mettre en danger la vie humaine
(car cette infraction n'existe pas en droit français).
·La perturbation ou l'interruption de l'approvisionnement
en eau, en électricité ou tout autre ressource naturelle
fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies
humaines174
·La menace de la commission175 des
diverses infractions n'est pas non plus incriminée.
La mise en danger de la personne prévue à
l'article 2231 du code pénal qui aurait pu être utilisée
afin de pallier au manque d'incrimination spéciale, n'est pas non plus
visée par les articles 421 et suivants du code pénal.
De la sorte, la France ne respecte pas ses obligations vis
à vis de l'Union Européenne. Il suffirait pour remédier
à cela que l'article 2231 soit visé par l'article 4211.
La Convention du Conseil de l'Europe pour la
prévention du terrorisme fait obligation aux Etats parties
d'incriminer la diffusion ou tout autre forme de mise à disposition
du public d'un message, avec l'intention d'inciter à la commission
d'infractions terroristes (définies comme l'une des infractions
contenues dans les 10 instruments universels contre le terrorisme
négociés avant 2005 qui contiennent des infractions) lorqu'un tel
comportement, qu'il préconise directement ou non la
commission d'infraction
terroristes176, crée un danger
qu'une ou plusieurs de ces infractions puissent être
173 Article 11g de la décisioncadre.
174 Article 11h de la décisioncadre.
175 Article 11i de la décisioncadre.
176 Souligné par l'auteur de ce mémoire.
commises.
Les actes dont l'incitation doit être
réprimée ne sont pas, ici,
étudiés177. Seul la définition de
l'incitation est analysée. Il est expressément mentionné
dans l'article 5 de
la Convention qu'il est sans conséquence que
l'incitation soit directe ou non. Or, les articles 23 et 24 de la loi de 1881
ne répriment la provocation à la commission d'une infraction que
si elle est directe. Toutefois, l'article 24 alinéa 5 (qui
incrimine l'incitation aux actes de terrorisme) punit, en plus de la
provocation, l'apologie aux actes de terrorisme. Or le délit
d'apologie se trouve constitué dés lors que l'apologie est
présentée sous une forme indirecte178. De
plus, comme vu précédemment (IIB1) l'apologie est une
infraction aux contours assez flous (elle peut inclure tant la
justification d'un acte, que l'éloge d'un acte ou de son auteur, cette
liste n'étant pas exhaustive). Sur ce point, la loi française est
conforme aux attentes de la convention.
Le droit pénal français permet donc, en
l'état, de lutter contre l'incitation aux actes de terrorisme.
Néanmoins afin d'atteindre une parfaite conformité aux
attentes du droit international et du droit européen, il conviendrait
d'effectuer de légères modifications. Cependant, l'incrimination
de l'incitation seule ne suffit pas pour lutter, il faut donner par la suite
les moyens aux forces de l'ordre et aux autorités de poursuite de
prouver les faits d'incitation et donc de modifier notre procédure
pénale.
2)Le droit processuel :
Par définition, l'approche préventive qui
caractérise la lutte contre le terrorisme,
en général, et l'incrimination de l'incitation, en
particulier, tente d'apporter une réponse pénale avant que l'acte
terroriste violent (l'attentat, le détournement, la prise d'otage...)
ne soit commis. Par conséquent, les moyens d'obtention des
preuves doivent évoluer.
177 Leur étude ne permettrait pas à ce
mémoire de respecter le format imposé et montre que la France se
conforme en grande partie attentes des conventions en ce qui concerne les actes
(certains problèmes subsistent en matière de protection physique
des matières nucléaires et en matière de financement.
178 Paris, 25 février 1959 Dalloz, 1959,
n°552
Avant tout, il est nécessaire de rappeler que
les éventuelles modifications de notre procédure devront
respecter l'ensemble des droits de l'homme, reconnus par la France, en
particulier l'interdiction de la torture, qui ne souffre aucune exception tant
aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
qu'aux termes de
la Convention européenne de Sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre,
l'ensemble des droits que recouvre la notion de procès
équitable doivent être respectés (droit à
l'information du mis en cause sur les charges qui pèsent contre lui, le
temps et les facilités nécessaires pour préparer sa
défense...). Le principe du respect de la présomption d'innocence
ne doit pas non plus être oublié. La jurisprudence
européenne autorise certaines limitations à ces divers droits et
principes, dans une certaine mesure, tant que leur modalité
d'application est modifiée mais que
leur principe n'est pas remis en cause.
Diverses méthodes peuvent être utilisées
pour obtenir des informations. Seules l'infiltration, l'utilisation de
méthodes techniques permettant l'interception de communications, la
sonorisation, la fixation d'images et les incitations à
témoigner seront étudiés ici. Ces méthodes existent
déjà en droit français.
·L'infiltration, les interceptions de
correspondances, la sonorisation et la
fixation d'images179 :
La loi portant adaptation de la justice aux évolutions de
la criminalité a, soit
introduit ces possibilités, soit élargi leurs
champ d'application. Il est nécessaire d'étudier une à
une ces diverses possibilités offertes aux forces de l'ordre.
179 Les développements qui suivent doivent beaucoup
à « l'administration de la preuve sous l'influence des techniques
et des technologies » par Fabien Jobard et Niklas SchulzeIcking,
Etudes et données pénales, n°94, 2004. disponible
sur le site du CESDIP (Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les
Institutions Pénales)
http://www.cesdip.com et aux Cahiers du
Conseil Constitutionnel, n°16 relatif à la loi portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,
disponible sur le site du Conseil Constitutionnel
http://www.conseilconstitutionnel.fr/cahiers/ccc16/jurisp492.htm
L'article 70673 du code de procédure pénale
énumère de façon exhaustive les quinze types de crimes et
délits auxquels ces procédures particulières peuvent
s'appliquer et délimite ainsi le champ d'application de ces
mesures. L'alinéa 11 inclut les actes de terrorisme prévus aux
articles 4211 à 4216 du code pénal. L'incitation aux actes de
terrorisme n'est pas prévu par cet article. L'article 70674
élargit ce champ et prévoit que ces procédures peuvent
s'appliquer lorsque la loi le prévoit aux crimes et délits
commis en bande organisée autre que ceux relevant de l'article 70673.
L'article 24 de
la loi de 1881 ne prévoit nullement que ces
procédures spéciales puissent s'appliquer. Ainsi, les techniques
spéciales de sonorisation, fixation des images et d'infiltration ne
peuvent pas du tout s'appliquer à l'incitation. Or, il est
particulièrement difficile d'obtenir des preuves d'une incitation
menée même en public si l'orateur sait que des agents des forces
de l'ordre écoutent. Il serait donc plus judicieux de remédier
à cet état
de fait et d'inclure les incitations aux actes de terrorisme dans
le champ d'application des mesures spéciales.
Le champ d'application écoutes téléphoniques
n'a été élargies que par la loi de 2004 ; la
loi du 10 juillet 1991 permettant et encadrant le recours
à de telles pratiques. Ainsi, pour être permises, les
écoutes téléphoniques ne doivent pas forcément
entrer dans le champ d'application des article 40673 et 70674. Cette loi
autorise le recours à des interceptions téléphoniques
dans le cadre de commission rogatoire et pour des crimes et délits punis
de plus de deux ans d'emprisonnement. Les autorisations d'écoutes ne
sont délivrées que pour quatre mois renouvelable une fois.
Ce texte de 1991 encadre une pratique jusquelà utilisée par
la police et pour laquelle la France avait été condamnée
à
de nombreuse reprises par la Cour européenne des droits
de l'homme180. Ces écoutes pourraient, a priori,
être pratiquées, mais ces techniques ne sont pas
particulièrement pertinentes pour l'incitation qui n'est punissable que
si elle se déroule en public.
180 Par exemple, Arret Kruslin c/ France, rendus le 24 avril
1990, ibidem
·Inciter au témoignage
La participation des témoins impliqués dans
des actes criminels dépend de deux
facteurs : le premier est leur
vulnérabilité sur le plan pénal (risquentils
une condamnation à une peine lourde ?), le second est l'existence de
moyens légaux pour les motiver. Pour ce faire, la France dispose, a
priori, de deux atouts : un atout général qui
est le principe d'opportunité des poursuites et un atout
spécifique au terrorisme qui est
la réduction ou l'exemption de peine prévues aux
articles 4221 et 4222 du code pénal.
Le principe d'opportunité des poursuites s'oppose au
principe de légalité qui veut que toute infraction soit
systématiquement poursuivie. En France, il est consacré par
l'article
40 alinéa premier et 401 du code de procédure
pénale. Il permet au Parquet, après s'être assuré
que le comportement dont il est saisi est une infraction réprimée
par la loi pénale (qualification des faits) et pour laquelle aucune
disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de
l'action publique, d'apprécier de la suite à donner. C'est ce qui
autorise le Parquet à classer sans suite dès lors que les
circonstances particulières liées
à la commission des faits le justifient. Cette
expression issue de l'article 401 est vague
et elle semble n'inclure que des circonstances liées aux
faits et non pas à l'auteur des faits ou à un complice. Ainsi, le
système de l'opportunité des poursuites tel qu'il existe
en France ne semble pas permettre d'inciter au
témoignage.
Les articles 4221 et 4222 du code pénal
prévoient des exemptions ou remises de peines pour les auteurs d'actes
terroristes lorsqu'ils ont averti les autorités administratives ou
judiciaires et ainsi empêché soit la réalisation de l'acte,
soit des conséquences funestes
et le cas échéant d'identifier les autres
coupables. Or, l'incitation aux actes de terrorisme n'est pas un acte
terroriste, donc cette incitation au témoignage ne peut pas non plus
s'appliquer.
Il conviendrait donc de permettre aux autorités de
poursuites d'utiliser ces diverses
méthodes contre les auteurs d'incitation, que ce soit les
méthodes spéciales réservées à
la lutte contre la criminalité organisée ou les
incitations à témoigner. Cependant, une fois ces problèmes
résolus, il faudra s'assurer que les preuves ainsi obtenues puissent
être valablement utilisées lors d'instance judiciaire.
Conclusion
L'incitation aux actes de terrorisme couvre divers
comportements : l'éloge des actes
terroristes, leurs auteurs et la justification (ou
l'apologie) de ces actes. Elle prend également en compte la
motivation et la provocation aux actes de terrorisme. Cependant, cette
notion n'est pas infiniment extensible. Ce n'est pas une autre forme de
complicité par provocation et elle ne peut être utilisée
pour punir le recrutement en vue
de commettre des actes terroristes.
Pour inciter, les auteurs disposent de plusieurs moyens.
Certains nécessitent un contact direct entre l'incité et
l'incitateur (utilisation d'association et de lieux de réunion)
d'autres utilisent le recours à des médias : radio, journaux ou
télévision. Ces moyens sont relativement simples à
contrôler et le principal problème concerne « Internet »
et son caractère international et ouverts à tous (donc
aux éventuels incitateurs). Les législations actuelles sur
Internet n'adoptent pas de méthode crédible de régulation
de ce média. En effet, elles se focalisent sur une responsabilisation
des prestataires techniques pour que ces derniers empêchent
l'accès au contenu illicites, alors qu'il n'existe pas, à l'heure
actuelle, de procédés techniques pratiques qui permettent un tel
contrôle.
En France, une lutte efficace contre l'incitation passe par
l'élargissement des mesures spéciales autorisées dans
le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et
le terrorisme (infiltration, sonorisation, captation d'image...), mais
ces mesures sont potentiellement dangereuses pour nos libertés. Elles
nécessitent donc un encadrement strict des motifs d'utilisation et un
contrôle important de leur utilisation. Or, le contrôle
de ces mesures est confié au juge d'instruction et/ou au
procureur. La question est donc
de savoir si ces encadrements seront suffisants.
Si les mesures spéciales autorisées dans
le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le
terrorisme doivent être élargies à l'incitation, il
convient alors que la définition de cet acte soit stricte et ne laisse
pas de place à l'interprétation. Ceci paraît
difficile puisque la loi française utilise aujourd'hui
une notion d'apologie plus large que son sens premier (la justification)
et qui est mal définie. Ceci est d'autant plus regrettable que,
d'un point de vue juridique, l'Europe s'est dotée d'une
définition intéressante et complète de l'incitation aux
actes de terrorisme. Il s'agit de la diffusion
ou toute autre forme de mise à disposition du
public d'un message, avec l'intention d'inciter à la commission d'une
infraction terroriste, lorsqu'un tel comportement, qu'il préconise
directement ou non la commission d'infractions terroristes, crée un
danger qu'une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises.
Cette définition permet
de réprimer toute incitation publique (directe ou
indirecte), lorsqu'elle est dangereuse
(c'estàdire susceptible de faire commettre un de ces
actes).
Il reste à espérer qu'en cas d'abus, le
« dernier rempart », que constitue la Cour européenne des
droits de l'homme, puisse jouer pleinement son rôle. Le point sensible
résidera dans l'interprétation de la Cour des droits et
libertés proclamés par la Convention. En effet, celleci se
livre à une interprétation dynamique181
(recours à des notions autonomes, découvertes de
droits inhérents, utilisation de l'interprétation
évolutive...). Même si cela ne manque pas d'avantage,
reste le problème de la dépendance du contenu des droits
reconnu par la Convention par rapport à l'opinion des juges qui
composent la Cour et interprétent ces droits. En effet, l'opinion est
souvent, au moins partiellement, influencée par les discours dominants
et les orientations politiques globales, qui, aujourd'hui, pour lutter contre
le terrorisme, tendent à légitimer une perte certaine de nos
libertés au profit d'une augmentation de notre sécurité.
Nos sociétés saurontelles relever ce défi ? Pourronsnous
résister à la tentation du tout sécuritaire ?
181 Lire, à ce propos, l'allocution de
Antônio Augusto Cançado Trindade, Président de la
Cour interaméricaine des Droits de l'Homme lors de la
cérémonie de rentrée 2004 de la Cour Européenne des
Droits de l'Homme. Disponible sur :
www.echr.coe.int/.../0/2004
Wildhaber_Cancado_Trindade_BIL opening_legal_year.pdf
Annexe 1 :
Infractions relatives à l'aviation civile,
navires et platesformes fixes
I) Convention pour la répression de la capture
illicite d'aéronefs (La Haye, 1970) :
Article 1 (Les infractions)
Commet une infraction pénale (ciaprès
dénommée «l'infraction») toute personne qui,
à
bord d'un aéronef en vol,
(a) illicitement et par violence ou menace de violence s'empare
de cet aéronef ou en exerce le contrôle ou tente de commettre l'un
de ces actes, ou
(b) est le complice d'une personne qui commet ou tente de
commettre l'un de ces actes.
II) Convention pour la répression d'actes illicites
dirigés contre la sécurité de l'aviation civile
(Montréal 1971) et Protocole pour la répression des actes
illicites
de violence dans les aéroports servant à
l'aviation civile, complémentaire à la Convention pour la
répression d'actes illicites dirigés contre la
sécurité de l'aviation civile (Montréal 1988)
Article 1 ( Les infractions) :
Commet une infraction pénale toute personne qui
illicitement et intentionnellement: accomplit un acte de violence à
l'encontre d'une personne se trouvant à bord d'un aéronef
en vol, si cet acte est de nature à compromettre la
sécurité de cet aéronef,
détruit un aéronef en service ou cause à un
tel aéronef des dommages qui le rendent inapte au vol ou qui sont de
nature à compromettre sa sécurité en vol;
place ou fait placer sur un aéronef en service,
par quelque moyen que ce soit, un
dispositif ou des substances propres à
détruire ledit aéronef ou à lui causer des dommages
qui le rendent inapte au vol ou qui sont de nature à compromettre sa
sécurité
en vol;
détruit ou endommage des installations ou
services de navigation aérienne ou en perturbe le fonctionnement,
si l'un de ces actes est de nature à compromettre la
sécurité d'aéronefs en vol;
communique une information qu'elle sait être fausse et, de
ce fait, compromet la sécurité
d'un aéronef en vol.
l bis. Commet une infraction pénale toute personne qui,
illicitement et intentionnellement, à l'aide d'un dispositif, d'une
substance ou d'une arme:
accomplit à l'encontre d'une personne, dans un
aéroport servant à l'aviation civile internationale, un acte
de violence qui cause ou est de nature à causer des blessures graves ou
la mort; ou
détruit ou endommage gravement les installations
d'un aéroport servant à l'aviation civile internationale ou
des aéronefs qui ne sont pas en service et qui se trouvent dans
l'aéroport ou interrompt les services de l'aéroport,
si cet acte compromet ou est de nature à compromettre la
sécurité dans cet aéroport
Commet également une infraction pénale toute
personne qui:
tente de commettre l'une des infractions
énumérées au paragraphe 1er ou 1 bis du
présent article;
est le complice de la personne qui commet ou tente de
commettre l'une de ces infractions.
III. Convention pour la répression d'actes
illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Rome
1988) telle que modifiée par le Protocole relatif à la Convention
pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de
la navigation
maritime (2005)
Article 3 (Les infractions) :
Commet une infraction au sens de la présente
convention, toute personne qui, illicitement et
délibérément:
s'empare d'un navire ou en exerce le contrôle par violence
ou menace de violence; ou accomplit un acte de violence à l'encontre
d'une personne se trouvant à bord d'un navire,
si cet acte est de nature à compromettre la
sécurité de la navigation du navire; ou
détruit un navire ou cause à un navire ou
à sa cargaison des dommages qui sont de nature à compromettre la
sécurité de la navigation du navire; ou
place ou fait placer sur un navire, par quelque moyen que ce
soit, un dispositif ou une substance propre à détruire le
navire ou à causer au navire ou à sa cargaison des
dommages qui compromettent ou sont de nature à compromettre la
sécurité de la navigation du navire; ou
détruit ou endommage gravement des installations ou
services de navigation maritime
ou en perturbe gravement le fonctionnement, si l'un de
ces actes est de nature à
compromettre la sécurité de la navigation d'un
navire; ou
communique une information qu'elle sait être fausse et, de
ce fait, compromet la sécurité
de la navigation d'un navire; ou
Commet également une infraction pénale toute
personne qui menace de commettre l'une quelconque des infractions
prévues aux alinéas 1 b), c) et e), si cette menace est de nature
à compromettre la sécurité de la navigation du navire en
question, ladite menace étant assortie ou non, en vertu du droit
interne, d'une condition afin de contraindre une personne physique ou morale
à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte
quelconque.
Article 3 bis :
Commet une infraction au sens de la présente
convention, toute personne qui, illicitement et
délibérément:
Lorsque cet acte, par sa nature ou son contexte, vise à
intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une
organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir
d'accomplir un acte quelconque:
Utilise contre ou a bord d'un navire, des explosifs,
des matières radioactives ou des armes BCN, d'une manière
qui provoque ou risque de provoquer la mort ou des dommages corporels
ou matériels graves
Déverse, à partir d'un navire, des
hydrocarbures, ou d'autres substances nocives ou potentiellement
dangereuses, qui ne sont pas visées á l'alinéa a)
1), en quantités ou concentration qui provoquent ou risquent de
provoquer des dommages corporels ou matériels graves ; ou
Utilise un navire d'une manière qui provoque la mort ou
des dommages corporels ou matériels graves ; ou
Menace de commettre l'une quelconque des infractions
visées à l'alinéa a) I. II. III., ladite menace
étant assortie ou non, en vertu du droit interne, d'une condition ;
ou
Transporte à bord d'un navire
Des explosifs ou des matières radioactives, en
sachant que ceuxci sont destinés à provoquer ou à
menacer de provoquer la mort, des dommages corporels, ou matériels
graves , ladite menace étant assortie ou non, en vertu du droit interne,
d'une condition, afin d'intimider une population ou à contraindre un
gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à
s'abstenir d'accomplir un acte quelconque
Toute arme BCN, en sachant qu'il s'agit d'une arme BCN au sens de
l'article premier ;
ou
Des matières brutes ou produits fissiles
spéciaux équipements ou matières spécialement
conçus ou préparé pour le traitement, l'utilisation ou la
production de produits fissiles spéciaux, en sachant que ces
matières, produits ou équipements sont destinés
à une activité explosive nucléaire ou à toute
autres activités nucléaire non soumise à des
garanties en vertu de l'accord de garanties généralisées
de l'AIEA ; ou
Des équipements, matières ou logiciels ou des
technologies connexes qui contribuent de manières significative à
la conception, la fabrication ou au lancement d'une arme BCN,
en ayant l'intention de les utiliser à cette fin.
Ne constitue pas une infraction au sens de la présente
Convention le fait de transporter des biens ou matières visés au
paragraphe 1. b) III. ou, dans la mesure où ils ont un rapport avec des
armes nucléaires ou autre dispositif explosif nucléaire, au
paragraphe 1
b) IV., si ces biens ou matières sont
transportés à destination ou en provenance du territoire
d'un Etat partie au Traité sur la nonprolifération des armes
nucléaires ou son contrôle, lorsque :
Le transfert ou la réception des biens ou
matières qui en résulte, y compris à l'intérieur
d'un Etat, n'est pas contraire aux obligations de cet Etat Partie
découlant du Traité de non prolifération des armes
nucléaires, et
Si les biens ou matières sont destinés à
un vecteur d'une arme nucléaire ou d'un autre explosif nucléaire
d'un autre Etat Partie au Traité sur la non prolifération des
armes nucléaires, le fait de détenir cette arme ou ce
dispositif n'est pas contraire aux obligations de cet Etat Partie
découlant du dit Traité
Article 3 ter:
Commet une infraction au sens de la présente convention
toute personne qui illicitement
et délibérément transporte à bord
d'un navire une autre personne en sachant que cette personne a commis un acte
qui constitue une infraction visée à l'article 3, 3 bis ou 3
quater ou l'une des infractions visées par l'un des traités
énumérés dans l'Annexe et en ayant l'intention d'aider
cette personne à échapper à des poursuites
pénales.
Article 3 quater:
Commet également une infraction au sens de la
présente Convention toute personne qui :
Illicitement et délibérément blesse ou
tue toute personne, lorsque ces faits présentent un lien de
connexité avec l'une des infractions visées au paragraphe 1 de
l'article 3 ou à l'article 3 bis ou 3 ter ; ou
Tente de commettre une infraction visée au paragraphe 1 de
l'article 3, au paragraphe 1
a) i) ii) ou iii) ou à l'article 3 bis ou 3 ter ; ou
Se rend complice d'une infraction visée à l'article
3, 3 bis ou 3 ter ou à l'alinéa a) b) du présent article ;
ou
Organise la commission d'une infraction visée à
l'article 3, 3 bis ou 3 ter ou à l'alinéa a)
b) du présent article ou donne l'ordre à d'autres
personnes de la commettre ; ou
Contribue à la commission de l'une ou plusieurs des
infractions visées à l'article 3, 3 bis
ou 3 ter ou à l'alinéa a) b) du présent
article, par un groupe de personnes agissant de
L'incitation aux actes de terrorisme concert, cette étant
délibérée et faite soit :
Pour faciliter l'activité criminelle du groupe ou en
servir le but, lorsque cette activité ou
ce but suppose la commission d'une infraction visée
à l'article 3, 3 bis ou 3 ter ; ou
En sachant que le groupe a l'intention de commettre une
infraction visée à l'article 3, 3
bis ou 3 ter
IV. Protocole pour la répression d'actes illicites contre
la sécurité des platesformes fixes situées sur le plateau
continental (Rome 1988) telle que modifié en 2005
Article 2 (Les infractions)
Commet une infraction pénale toute personne qui,
illicitement et intentionnellement: s'empare d'une plateforme fixe ou en
exerce le contrôle par violence ou menace de violence; ou
accomplit un acte de violence à l'encontre d'une personne
se trouvant à bord d'une plate
forme fixe, si cet acte est de nature à compromettre la
sécurité de la plateforme; ou
détruit une plateforme fixe ou lui cause des
dommages qui sont de nature à
compromettre sa sécurité; ou
place ou fait placer sur une plateforme fixe, par
quelque moyen que ce soit, un dispositif ou une substance propre
à détruire la plateforme fixe ou de nature à
compromettre sa sécurité.
Commet également une infraction pénale toute
personne qui menace de commettre l'une quelconque des infractions
prévues aux paragraphes 1 b) et c), si cette menace est de nature
à compromettre la sécurité de la plateforme fixe, ladite
menace étant ou non assortie, en vertu du droit interne, d'une
condition afin de contraindre une personne physique ou morale à
accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.
L'incitation aux actes de terrorisme
Article 2 bis
Commet une infraction au sens du présent Protocole
toute personne qui illicitement et délibérément, lorsque
son acte, par sa nature ou son contexte, vise à intimider une
population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation
internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte
quelconque :
Utilise contre ou à bord d'une plateforme fixe, ou
déverse à partir d'une plateforme fixe, des explosifs, des
matières radioactives ou des armes BCN, d'une manière qui
provoque ou risque de provoquer la mort ou des dommages corporels ou
matériels graves ; ou
Déverse, à partir d'une plateforme fixe, des
hydrocarbures, du gaz naturel liquéfié, ou d'autres substances
nocives ou potentiellement dangereuses, qui ne sont pas visées à
l'alinéa a), en quantités ou concentrations qui provoquent ou
risquent de provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels
graves ; ou
Menace de commettre l'une quelconque des infractions
visées à l'alinéa a) ou b), ladite menace étant ou
non assortie, en vertu du droit interne, d'une condition.
Article 2 ter :
Commet également une infraction au sens du présent
Protocole toute personne qui : Illicitement et
délibérément blesse ou tue toute personne, lorsque ces
faits présentent un
lien de connexité avec l'une des infractions visées
au paragraphe 1 de l'article 2 ou à
l'article 2 bis ; ou
Tente de commettre une infraction visée au paragraphe 1 de
l'article 2, à l'alinéa a) ou
L'incitation aux actes de terrorisme b) de l'article 2 bis ou
à l'alinéa a) du présent article ; ou
Se rend complice d'une infraction visée à l'article
2 ou 2 bis ou à l'alinéa a) ou b) du présent article ;
ou
Organise la commission d'une infraction visée à
l'article 2 ou 2 bis ou à l'alinéa a) ou b)
du présent article ou donne l'ordre à d'autres
personnes de la commettre ; ou
Contribue à la commission de l'une ou plusieurs des
infractions visées à l'article 2 ou 2
bis ou à l'alinéa a) ou b) du présent
article par un groupe de personnes agissant de concert, cette contribution
étant délibérée et faite soit :
Pour faciliter l'activité criminelle du groupe ou en
servir le but, lorsque cette activité ou
ce but suppose la commission d'une infraction visée
à l'article 2 ou 2 bis ; soit
II En sachant que le groupe a l'intention de commettre une
infraction visée à
l'article 2 ou 2 bis
Infractions fondées sur le statut de la
victime
I. Convention internationale contre la prise d'otages (New
York, 1979) :
Article 1 (Les infractions):
1. Commet l'infraction de prise d'otages au sens de la
présente Convention, quiconque s'empare d'une personne (ciaprès
dénommée «otage»), ou la détient et menace de la
tuer, de la blesser ou de continuer à la détenir afin de
contraindre une tierce partie, à savoir un Etat, une organisation
internationale intergouvernementale, une personne
physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir
un acte quelconque ou à
s'en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la
libération de l'otage.
2. Commet également une infraction aux fins de la
présente Convention, quiconque:
a) Tente de commettre un acte de prise d'otages ou
b) Se rend complice d'une personne qui commet ou tente de
commettre un acte de prise d'otages.
II. Convention sur la prévention et la
répression des infractions contre les personnes jouissant d'une
protection internationale, y compris les agents diplomatiques (New
York, 1973) :
Article 2 (Les infractions)
1) Le fait intentionnel:
a) de commettre un meurtre, un enlèvement ou une autre
attaque contre la personne ou
la liberté d'une personne jouissant d'une protection
internationale,
b) de commettre, en recourant à la violence, contre
les locaux officiels, le logement privé ou les moyens de
transport d'une personne jouissant d'une protection internationale
une attaque de nature à mettre sa personne ou sa liberté en
danger,
c) de menacer de commettre une telle attaque, d) de tenter de
commettre une telle attaque, ou
de participer en tant que complice à une telle attaque
;
est considéré par tout Etat partie comme
constituant une infraction au regard de sa législation interne.
Infractions liées aux matières dangereuses
:
I. Convention sur la protection physique des
matières nucléaires (Vienne, 1980)
telle que modifiée par l'amendement adopté le 08
juillet 2005. Article 7 (Les infractions)
1. Le fait de commettre intentionnellement l'un des actes
suivants:
Le recel, la détention, l'utilisation, le transfert,
l'altération, la cession, ou la dispersion
de matières nucléaires, sans l'autorisation
requise, et entraînant ou pouvant entraîner la mort ou des
blessures graves pour autrui ou des dommages substantiels aux biens ou à
l'environnement ;
Le vol simple ou le vol qualifié de matières
nucléaires ;
Le détournement ou toute autre appropriation indue de
matières nucléaires;
Un acte consistant à transporter, envoyer ou
déplacer des matières nucléaires vers ou depuis un Etat
sans l'autorisation requise ;
Un acte dirigé contre une installation
nucléaire, ou un acte perturbant le fonctionnement d'une installation
nucléaire, par lequel l'auteur provoque intentionnellement ou sait qu'il
peut provoquer la mort ou des blessures graves pour autrui ou des
dommages substantiels aux biens ou à l'environnement par suite de
l'exposition à des rayonnements
ou du relâchement de substances radioactives, à
moins que cet acte ne soit entrepris en conformité avec le droit
national de l'Etat partie sur le territoire duquel l'installation
nucléaire est située ;
Le fait d'exiger des matières nucléaires par la
menace, le recours à la force ou toute autre forme d'intimidation ;
La menace:
i) d'utiliser des matières nucléaires dans le
but de causer la mort ou des blessures graves à autrui ou des dommages
substantiels aux biens ou à l'environnement ou de commettre
l'infraction décrite à l'alinéa e) ; ou
ii) de commettre une des infractions décrites à
l'alinéa b) et e) dans le but de contraindre une personne physique ou
morale, une organisation internationale ou un Etat
à faire ou à s'abstenir de faire un acte;
La tentative de commettre l'une des infractions décrites
aux alinéas a) à e) Le fait de participer à l'une des
infractions décrites aux alinéas a) à h)
Le fait pour une personne d'organiser la commission d'une
infraction visée aux alinéas
a) à h) ou de donner l'ordre à d'autres personnes
de le commettre ;
Un acte qui contribue à la commission de l'une des
infractions décrites aux alinéas a) à
h) par un groupe de personnes agissant de concert. Un tel acte
est intentionnel et :
Soit vise à faciliter l'activité criminelle ou
á servir le but criminel du groupe, lorsque cette activité ou ce
but supposent la commission d'une infraction visées aux alinéas
a) à
g)
Soit est fait en sachant que le groupe a l'intention de commettre
une infraction visées aux alinéas a) à g)
est considéré par chaque Etat partie comme une
infraction punissable en vertu de son droit national.
II. Convention internationale pour la répression des
attentats terroristes à
l'explosif (New York, 1997) Article 2 (Les infractions)
1.Commet une infraction au sens de la présente
Convention toute personne qui
illicitement et intentionnellement livre, pose, ou fait
exploser ou détonner un engin explosif ou autre engin meurtrier
dans ou contre un lieu public, une installation gouvernementale ou une
autre installation publique, un système de transport public ou une
infrastructure:
a) Dans l'intention de provoquer la mort ou des dommages
corporels graves; ou
b)dans l'intention de causer des destructions massives de ce
lieu, de cette installation, de
ce système ou de cette infrastructure, lorsque ces
destructions entraînent ou risquent d'entraîner des pertes
économiques considérables.
Commet également une infraction quiconque tente de
commettre une infraction au sens
du paragraphe 1du présent article.
Commet également une infraction quiconque:
a) Se rend complice d'une infraction au sens des paragraphes 1 ou
2 du présent article;
ou
b) Organise la commission d'une infraction au sens des
paragraphes 1 ou 2 du présent
L'incitation aux actes de terrorisme article ou donne l'ordre
à d'autres personnes de la commettre; ou
c) Contribue de toute autre manière à la
commission de l'une ou plusieurs des infractions visées aux
paragraphes 1 ou 2 du présent article par un groupe de personnes
agissant de concert; sa contribution doit être
délibérée et faite soit pour faciliter l'activité
criminelle générale du groupe ou en servir les buts,
soit en pleine connaissance de l'intention du groupe de commettre
l'infraction ou les infractions visées.
III. Convention internationale pour la répression des
actes de terrorisme nucléaire
(New York, 2005)
Article 2 (Les infraction)
1. Commet une infraction au sens de la présente
Convention toute personne qui, illicitement et intentionnellement :
a) Détient des matières radioactives, fabrique ou
détient un engin :
i) Dans l'intention d'entraîner la mort d'une personne ou
de lui causer des dommages corporels graves ; ou
ii) Dans l'intention de causer des dégâts
substantiels à des biens ou à l'environnement ;
b) Emploie de quelque manière que ce soit des
matières ou engins radioactifs, ou utilise
ou endommage une installation nucléaire de façon
à libérer ou risquer de libérer des matières
radioactives:
i) Dans l'intention d'entraîner la mort d'une personne ou
de lui causer des dommages corporels graves ; ou
ii) Dans l'intention de causer des dégâts
substantiels à des biens ou à l'environnement ;
ou
iii) Dans l'intention de contraindre une personne physique ou
morale, une organisation internationale ou un gouvernement à accomplir
un acte ou à s'en abstenir.
2. Commet également une infraction quiconque :
a) Menace, dans des circonstances qui rendent la menace
crédible, de commettre une infraction visée à
l'alinéa b du paragraphe 1 du présent article ; ou
b) Exige illicitement et intentionnellement la remise de
matières ou engins radioactifs ou d'installations nucléaires en
recourant à la menace, dans des circonstances qui la rendent
crédible, ou à l'emploi de la force.
3. Commet également une infraction quiconque tente de
commettre une infraction visée
au paragraphe 1 du présent article.
4. Commet également une infraction quiconque :
a) Se rend complice d'une infraction visée aux paragraphes
1, 2 ou 3 du présent article ;
ou
b) Organise la commission d'une infraction visée aux
paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article ou donne l'ordre à
d'autres personnes de la commettre ; ou
c) Contribue de toute autre manière à la commission
d'une ou plusieurs des infractions visées aux paragraphes 1, 2 ou 3 du
présent article par un groupe de personnes agissant
de concert s'il le fait délibérément et
soit pour faciliter l'activité criminelle générale du
groupe ou servir les buts de celuici, soit en connaissant l'intention
du groupe de commettre l'infraction ou les infractions visées.
Infractions liées au financement du
terrorisme
I. Convention internationale pour la répression
du financement du terrorisme
(New York, 1999)
Article 2 (Les infractions)
1) Commet une infraction au sens de la présente Convention
toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou
indirectement, illicitement et délibérément,
fournit ou réunit des fonds dans l'intention de les voir
utilisés ou en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou partie,
en vue de commettre:
a) Un acte qui constitue une infraction au regard et selon la
définition de l'un des traités
énumérés en annexe;
b) Tout autre acte destiné à tuer ou blesser
grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas
directement aux hostilités dans une situation de conflit
armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à
intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une
organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir
d'accomplir un acte quelconque.
2) (a) En déposant son instrument de
ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, un
État Partie qui n'est pas partie à un traité
énuméré dans l'annexe visée à
l'alinéa a) du paragraphe 1 du présent article peut
déclarer que, lorsque la présente Convention lui est
appliquée, ledit traité est réputé ne pas figurer
dans cette annexe. Cette déclaration devient caduque dès
l'entrée en vigueur du traité pour l'État Partie, qui
en notifie le dépositaire;
(b) Lorsqu'un État Partie cesse d'être partie
à un traité énuméré dans l'annexe, il peut
faire au sujet dudit traité la déclaration prévue dans le
présent article.
3) Pour qu'un acte constitue une infraction au sens
du paragraphe 1, il n'est pas nécessaire que les fonds aient
été effectivement utilisés pour commettre une infraction
visée aux alinéas a) ou b) du paragraphe 1 du présent
article.
4) Commet également une infraction quiconque tente de
commettre une infraction au sens du paragraphe 1 du présent article.
5) Commet également une infraction quiconque :
a) Participe en tant que complice à une infraction au sens
des paragraphes 1 ou 4 du présent article;
b) Organise la commission d'une infraction au sens des
paragraphes 1 ou 4 du présent article ou donne l'ordre à d'autres
personnes de la commettre;
c) Contribue à la commission de l'une ou plusieurs
des infractions visées aux paragraphes 1 ou 4 du présent
article par un groupe de personnes agissant de concert.
Ce concours doit être délibéré et doit
:
(i) Soit viser à faciliter l'activité criminelle
du groupe ou en servir le but, lorsque cette activité ou ce but
supposent la commission d'une infraction au sens du paragraphe 1 du
présent article;
(ii) Soit être apporté en sachant que le
groupe a l'intention de commettre une infraction au sens du paragraphe 1
du présent article.
Annexe 2 liste des décision judiciaires
citées
Décisions de juridiction française
Cass. crim., 7 mai 1987, Bull. crim., n° 186
Cour de Cassation Chambre criminelle 02 juillet 1958 Bull. Crim.
n°224
Cour de Cassation Chambre criminelle 04 mars 1998 Bull. Crim.
n° 83
TGI de Paris Affaire n°0206300012 jugement du 11 juillet
2003 jugement non publié. TGI de Paris 20 Novembre 2000.
Cour d'Appel de Versailles 08 juin 2000
Cour de Cassation, Chambre criminelle, 16 Octobre 2001
Cour de Cassation, Chambre criminelle, 24 mai 2005, 0486181,
Inédit
Cour de Cassation Chambre Criminelle 29 Octobre 1936 Bull crim
n°104
Tribunal Correctionnel de Paris 15 avril 1986 Revue de Science
criminelle 1987 n°209 précité Tribunal Correctionnel de
Paris 11 juillet 2003 Affaire n° 02063000012 Inédit Cour de
Cassation, Chambre criminelle, 02 Novembre 1978 Bull n°294
Cour de Cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 1971 Bull
n° 14 Dalloz 1971 n°101
Tribunal Correctionnel de Paris 25 février 1959 Dalloz
1959 n°552
Cour de Cassation Chambre Criminelle 29 Octobre 1936
précité
Paris, 25 février 1959 Dalloz 1959 552
Décisions de la Cour Européenne des Droits de
l'Homme
Arret Kruslin du 24/04/90 série A n°176 A para 27
à 36
Arrêt Sunday Times du 26/04/1979 Série A n°30
para 49
Arrêt Silver du 25/03/1983, série A no 61
Arrêt Wingrove du 25/11/1996 para 4044
Arrêt Malone c/ RoyaumeUni du 2/08/1984, série A no
82
Arrêt Oberschlick du 23/5/1991 série A n°204
par 60
Arrêt B c/France de 25/03/92 série A n° 232
para 63
requête n°22414/93 Chahal para 136, Arrêt
Observer et Guardian du 02/08/1994 série A
n°82
Requête no 8170/78, X c/ Autriche, Annuaire XXII (1979), p.
308. Requête no 5488/72, X c/ Belgique, Annuaire XVII (1974), p. 222;
requête 530/59, X c/ République
Fédérale d'Allemagne, Annuaire III (1960), p. 184; Requête
no 9237/81, B. c/ RoyaumeUni, D & R 34 (1983), p. 68.
Requête no 8290/78, A, B, C et D c/ République
fédérale d'Allemagne, D &R 18 (1980),
p. 176.
Requête no 17505/90, Nydahl. Z. c/ Finlande, du 25.2.1994,
Arrêt Boughanemi du 24.4.1996, requête no 22070/93;
arrêt C. c/ Belgique du 7.8.1996, requête no
21794/93;
arrêt Bouchelkia du 29.1.1997, requête no 23078/93
;
Arrêt Schönenberger et Durmaz du 20.6.1988,
série A no 137, Arrêt Niemetz du 16.12.1992, A 251B.
Arrêt Vereinigung Demokratischen Soldaten Österreichs
et Gubi du 19.12.1994, A 302. Arrêt Salabiaku du 07/10/1988 série
A141A
Décision du Tribunal Pénal International pour le
Rwanda
Tribunal Pénal international pour le Rwanda AKAYESU, Jean
Paul (ICTR964),
Décision de la Cour Internationale de Justice
CIJ, Affaire Lockerbie, ordonnance du 14 avril 1992,
(para. 39), Recueil, 1992
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