REPUBLIQUE DU BENIN
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
UNIVERSITE D'ABOMEY CALAVI (UAC)
ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE MAGISTRATURE
(ENAM)
OPTION : Administration
Générale
FILIERE: Diplomatie et Relations
Internationales
LE DROIT A LA GUERRE PREVENTIVE :
ESSAI DE REFLEXION SUR LA LEGALITE ET
LA LEGITIMITE DU CONCEPT
Présenté et soutenu par
: Sous la direction de :
HESSOU T. G. Christian Monsieur ABDOU Mohamed
Professeur de Droit International Public
à l'ENAM
Promotion : 2002 - 2005
L'ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE
MAGISTRATURE N'ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI
IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CE MEMOIRE. CES OPINIONS DOIVENT ETRE
CONSIDEREES COMME PROPRES A LEUR AUTEUR
IDENTIFICATION DU JURY
Président: Mr TOUDONOU J.
Athanase
Vice-Président : Mr AGBANGLA
Eusèbe
Membre: Mr ATTENOUKOUN SERGE
ii
Je dédie ce mémoire à :
Mes parents Joséphine et
André HESSOU,
Tous mes frères et soeurs sans exception,
Mlle Albine Carmen MORGEAN,
Romuald HESSOU tout
particulièrement.
iii
Plus qu'à quiconque, c'est à Monsieur
ABDOU Mohamed que ce mémoire doit d'avoir
vu le jour. Voilà plusieurs mois qu'il m'apporte
son soutien intellectuel sans faille et ses commentaires perspicaces sur
sa confection. Il a accompli tout au long de la rédaction, un travail de
correction soigneux, allant du fond jusqu'aux moindres ponctuations.
Ses conseils éclairés me redonnaient à chaque fois,
l'inspiration nécessaire pour achever cette oeuvre. Je lui exprime toute
ma gratitude pour toutes ses contributions.
J'ai eu d'un autre coté, l'immense chance d'avoir pu
consulter certains professeurs qui m'ont
fait pleinement profité de leurs compétences. Ils
m'ont prodigué des conseils et m'ont fait des observations de tout
genre. Je ne saurai jamais les remercier assez de tout ce qu'ils ont fait pour
moi
au fil de tout ces mois de travail qui ont conduit à la
réalisation du mémoire. Je veux nommer : Mr TOPANOU
Victor, Mr TOUDONOU Athanase, Mr
LOKO Théodore et Mr ADELOUI
Arsène-Joël. A ces professeurs, je dois une
fière chandelle.
C'est aussi le moment pour moi de faire hommage à tous
les autres professeurs de l'Ecole Nationale d'Administration et
de Magistrature qui ont contribué sans relâche
à ma formation universitaire (ENAM). Si je puis un jour dire que j'ai
été formé à l'ENAM, c'est grâce à
eux.
Nul n'a jamais eu la chance d'avoir été
entouré d'amis aussi dévoués que ceux que j'ai eu la
chance de réunir autour de moi. DASSIGLI Fiacre
et BEHINGAN David ont travaillé
avec
moi d'arrache pied, souvent jusqu'à une heure tardive. Ils
ont lu et relu mon travail tant qu'ils le
pouvaient. Mr GANMADOUALO Jean Luc
(employé à la médiathèque du Centre
Culturel Français), sans me connaître au départ, avait mis
à ma disposition tous les CDs-ROM concernant mon thème. Sans le
connaître, il est devenu mon ami et a considérablement
oeuvré pour mon travail.
Je remercie enfin, tous ceux dont j'ai dû
malheureusement taire les noms, mais qui m'ont été d'une grande
utilité pour la confection de ce mémoire. Je suis conscient que
ces simples lignes de papier ne suffiront jamais pour le faire. Mais, si vous
lisez ce travail, sachez qu'il est aussi votre
oeuvre. Sans vous, je n'aurais sincèrement abouti à
rien. Je suis fier de vous remercier.
iv
LISTE DES SIGLES ET
ABBRÉVIATIONS
ADM : Armes de destruction massive
AG : Assemblée Générale des
Nations Unies
AIEA : Agence Internationale de l'Energie
Atomique
CIA : Central Intelligence Agency (service de
renseignement américain)
CS : Conseil de Sécurité des
Nations Unies
DI : Droit international
Di : Droit interne
E-U : Etats-Unis
GP : Guerre préventive
LD : Légitime défense
LDP : Légitime défense
préventive
NSS : National Security Strategy (document sur
la stratégie nationale de sécurité adopté par les
Etats-Unis en 2002)
NU : Nations Unies
ONU : Organisation des Nations Unies
OPI : Opinion publique internationale SDN :
Société des Nations
TNP : Traité de non prolifération
nucléaire
v
SOMMAIRE
INTRODUCTION.....................................................................................................................1
PREMIERE PARTIE : DE LA LEGALITE DU CONCEPT DE LA
GUERRE
PREVENTIVE..................................................................................6
Chapitre 1er : La
légalité de la guerre préventive au regard de la
doctrine.........................7
Section 1 : La doctrine de la guerre
juste....................................................................................8
Section 2 : La doctrine de l'état de
nature...............................................................................15
Chapitre 2ème : La
légalité de la guerre préventive au regard de la
norme........................21
Section 1 : La Charte de l'ONU et la notion de
légitime défense
préventive...........................22
Section 2 : Les dispositions constitutionnelles des
Etats..........................................................29
DEUXIEME PARTIE : DE LA LEGITIMITE DU CONCEPT DE
LA GUERRE
PREVENTIVE................................................................................34
Chapitre 1er : La
deuxième guerre d'Irak : les faits et les mobiles présumés
du conflit...35
Section 1 : Historique de la guerre
d'Irak.................................................................................36
Section 2 : Les mobiles présumés de
l'intervention..................................................................42
Chapitre 2ème: Quelle
légitimité pour le concept de la guerre préventive au
regard
de la croisade irakienne
?..............................................................................50
Section 1 : Les facteurs favorables à la
légitimité du
concept..................................................51
Section 2 : Les facteurs d'illégitimité du
concept.....................................................................58
CONCLUSION.......................................................................................................................66
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................69
vi
INTRODUCTION GENERALE
INTRODUCTION GENERALE
En 1750, se référant à la guerre de
succession d'Espagne de 17001, De Vattel écrivait :
«Dès qu'un Etat a donné des marques
d'injustice, d'avidité, d'orgueil, d'ambition, d'un désir
impérieux de faire la loi, c'est un voisin suspect dont on doit se
garder : on peut le prendre au moment où il est sur le point de
recevoir un accroissement formidable de puissance, lui demander des
sûretés et s'il hésite à les donner,
prévenir ses desseins par la force des
armes »2. Cette assertion trouve toute
sa pertinence en ce que la guerre n'était pas encore une
chose tout à fait prohibée entre les Etats au
XVIIIe siècle. Pour
prévenir la puissance d'une autre nation, un Etat se
réservait le droit d'agresser cette nation. Mais depuis lors,
le droit international s'est beaucoup plus affermi et la portée du
droit à la guerre a considérablement diminué. Le recours
à la force est désormais strictement régi par la Charte
des Nations Unies. Seule une autorisation du Conseil de Sécurité
(CS) des Nations Unies (NU) ou une légitime défense, peut en
principe permettre sa mise en oeuvre.3
Cependant, toujours à la recherche d'une marge de
manoeuvre plus grande, les Etats
ont procédé à une interprétation
très large de la légitime défense, afin de donner un
fondement juridique à certaines de leurs actions armées
controversées. Sans ce fondement juridique, lesdites actions se
verraient qualifiées d'agression et les conséquences pourraient
en suivre.
La notion de la légitime défense a pour ce fait
connu des interprétations diverses tendant à l'élargir.
C'est entre autres, le problème de la légitime défense
préventive qui s'est dessinée d'abord par la crise des
fusées de 19624 pendant la guerre froide. Mais, c'est en
1967 qu'elle
fut concrétisée par l'Etat d'Israël qui
l'invoqua contre l'Egypte, lors de la guerre des six jours.
A l'origine de cette guerre, l'Egypte avait en effet
opéré un déploiement massif de ces troupes aux
frontières israéliennes et proférait ouvertement son
intention de détruire l'Etat
d'Israël. Le Président égyptien Nasser ferma
le détroit de Tiran afin d'empêcher Israël d'avoir
1 Cette guerre déclenchée par
l'Angleterre pour « prévenir les desseins » de Louis
XIV sur l'Europe, trouve ses origines dans
le décès du Roi d'Espagne qui mourut sans
descendance et dont le testament offrait le trône d'Espagne au petit fils
du roi de France (Louis XIV). Or, en 1700 la France et l'Angleterre
étaient les seules puissances dominantes de l'Europe. Dans le but
d'accroître sa suprématie sur l'Europe en surpassant l'Angleterre,
Louis XIV refusa d'exclure son petit fils, le Duc d'Anjou
de la succession au trône de France, envisageant ainsi une
union franco-espagnole très redoutée. C'est alors qu'à la
tête d'une
coalition, l'Angleterre attaque le royaume de France avant
même que ce dernier n'accroisse sa puissance au risque de
menacer la domination anglaise.
2Michaël Walzer. Guerres justes et
injustes : Argumentations morales avec exemples historiques.
2ème édition. Paris : Bélin,
1999, p. 126
3 Confer chapitre VII de la Charte des Nations
Unies.
4Au cours de la guerre froide, pour intimider les
Etats-Unis (E-U), la Russie décida d'installer des missiles
nucléaires dans l'île de Cuba. Les ogives nucléaires
installées sur l'île, avec le soutien du Président cubain,
auraient pu atteindre en quelques heures, le territoire américain.
Après avoir détecté grâce aux avions d'espionnage
américains, l'existence de la menace, le Président John Kennedy
réagit fermement en exigeant le démantèlement des
fusées. Il menaça d'envahir Cuba si cela n'était
pas fait dans les plus brefs délais.
accès à la Mer Rouge. Nasser mobilisa par des
accords, des soldats d'autres pays arabes à sa disposition et renvoya
même la force d'interposition onusienne dans la zone depuis
1957. L'Etat hébreu se retrouva face à des armées arabes
hostiles sur tous les fronts (au Nord par la Syrie, à l'Est par la
Jordanie et au Sud-ouest par l'Egypte). En Israël, le bruit courait
que l'Egypte était en position de frapper, ou du moins, qu'elle en avait
l'intention. Sans attendre la concrétisation de l'attaque
égyptienne, les forces armées israéliennes ont
débuté les offensives
le 5 juin 1967 contre l'Egypte et contre certains autres
pays arabes ayant pactisé avec l'Egypte.1 L'Etat
hébreu s'était-il défendu, ou bien avait-il commis une
agression ? Ce qui est
sûr, cette opération préventive a
déclenché des polémiques de toutes parts, au sein
de la communauté internationale.
Relancé par la récente guerre d'Irak (2003), le
concept de la guerre préventive se veut une guerre par laquelle, un Etat
menacé d'agression peut anticiper sur son ennemi en frappant
le premier. A mi-chemin entre une guerre
défensive et une guerre offensive, il pose un problème
d'interprétation évident. Il y a d'un côté,
ceux qui soutiennent qu'il s'agit d'une agression, et de l'autre, ceux qui
pensent que c'est une légitime défense.
Tout le problème juridique posé par cette guerre
offensive dite défensive, est celui de
sa conformité au droit international. Le droit
international autorise-t-il la légitime défense
préventive comme prolongement de la légitime défense
normale ?
Nonobstant la réponse qui peut être donnée
à ce questionnement, le droit ne peut pas faire abstraction de la
sociologie des Etats. Ainsi, le concept de la guerre préventive
mérite d'être aussi analysé sous un angle autre que celui
du droit pur ; c'est-à-dire sous un angle plus réaliste.
Grâce à la science aujourd'hui, sans
déplacer son armée, un Etat peut atteindre plus facilement en
un temps record, un autre Etat sans que celui-ci n'ait eu le temps
nécessaire pour préparer sa défense. Cela aura des
conséquences d'autant plus graves, si cette attaque était
bactériologique ou nucléaire et combinée avec un
groupe terroriste. Le cas le plus illustratif des dangers du terrorisme
international qui puisse être donné, est celui d'Al
Qaeda2
et de son attaque du 11 septembre 2001. Le terrorisme
international, soutenu par certains
Etats, semble devenir une nouvelle forme d'agression encore plus
redoutable que les armées
1Michael Walzer. Guerres justes et injustes.
Argumentations morales avec exemples historiques. Paris :
Bélin, 1999, pp.130-
135. Cf. aussi :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Six_Jours
(page consultée le 21 novembre 2005)
2 Groupe terroriste auteur d'attentats divers contre
les Etats-Unis.
officielles. Le 11 septembre nous a
révélé combien les Etats sont vulnérables
à ce genre d'agression. Lorsqu'une telle agression est en phase
d'élaboration sous la coupole d'un Etat dangereux et que ses preuves
sont disponibles, serait-il indiqué que l'Etat menacé y
réponde
par anticipation, afin de se prévenir des
dommages ? Est-il juste d'attendre d'avoir subi l'éventuelle
agression avant d'y répondre ? Ou bien convient-il simplement de
mettre hors d'état de nuire un adversaire menaçant avant
même qu'il ait formellement accompli et revendiqué son acte
?
Voila l'ensemble des questions auxquelles nous sommes
soucieux de répondre dans notre mémoire intitulé :
« Le droit à la guerre préventive : essai de
réflexion sur la légalité et
la légitimité du concept
». A travers ce mémoire, nous comptons dire
si la notion de la guerre préventive est conforme au droit ; si elle est
conforme à la morale, et enfin, si elle recouvre au minimum une certaine
légitimité.
A cet effet, notre méthodologie de recherche a
essentiellement consisté en la collecte
de textes juridiques internationaux et constitutionnels, de
documents afférents à la doctrine de
la guerre et enfin des documents concernant la guerre
d'Irak. Cette recherche s'est opérée, entre autres, au
Centre Culturel Américain et au Centre Culturel Français.
En outre, nous avons eu des entretiens importants, parfois
téléphoniques, avec certains professeurs
spécialistes du droit international public et des relations
internationales. Enfin, une part très large a été
réservée aux nouvelles technologies de l'information et de
la communication, notamment à l'Internet, dont l'utilisation nous a
procuré les informations que nous n'avons
pas pu trouver dans les bibliothèques béninoises
parcourues. La difficulté majeure à laquelle nous avons
été confrontés, a été de trouver des
ouvrages consacrés exclusivement à la question de la
guerre préventive. C'est d'ailleurs pourquoi, l'usage de
l'Internet nous a été très bénéfique.
Notre méthodologie de rédaction se veut
scientifique et analytique. Ainsi, ce mémoire sera subdivisé en
deux parties conformément à l'intitulé du thème.
Dans la première partie (De la
légalité de la guerre préventive), nous
exposerons certaines positions doctrinales et des dispositions légales
afin d'en déduire la licéité ou non du concept de la
guerre préventive. Rappelons à ce niveau que notre objectif
primordial ne sera
pas d'apprécier la légalité de la guerre
d'Irak. Pour déterminer la légalité de cette guerre, il
nous faudra forcément faire un détour dans
la notion du droit d'ingérence et dans d'autres
concepts du droit international tels que
l'applicabilité dans le temps des résolutions des Nations
Unies1 etc. Or cela n'est pas notre objectif dans le cadre de ce
travail. Si légale ou illégale, est la guerre d'Irak lorsqu'on
tient compte du seul concept de la guerre préventive, nous ne manquerons
pas de le dire. Mais cela ne nous autorisera point à nous
détourner de notre travail pour analyser la légalité de la
guerre d'Irak dans tous ses contours conceptuels. C'est dans la deuxième
partie du mémoire que nous traiterons plus amplement de cette guerre,
mais pas de sa légalité.
La deuxième partie sera consacrée à
la légitimité de la guerre préventive
(De la légitimité de la guerre
préventive). Mais comme la légitimité
ne peut s'analyser seule, tel qu'on se basera sur la doctrine et la
norme pour analyser la légalité, nous nous fonderons aussi
sur un exemple illustratif de la guerre préventive, afin de la
déterminer. Et l'exemple le plus indiqué en ce moment est
celui de la récente guerre d'Irak. De cette guerre nous
dégagerons les proportions de légitimité qu'on peut
accorder à toute idée de légitime défense
préventive.
1 Nous verrons dans le développement que la
guerre d'Irak ne s'est pas basée que sur le concept de la GP. En dehors
de ce dernier, il y en a aussi d'autres. Or seule la GP fait l'objet de notre
étude.
PREMIERE PARTIE :
DE LA LEGALITE DU CONCEPT DE LA GUERRE PREVENTIVE
CHAPITRE 1er : LA LEGALITE DE LA GUERRE PREVENTIVE
AU
REGARD DE LA DOCTRINE
La doctrine est l'un des principaux fondements du droit.
Parler de légalité au regard de la doctrine peut paraître
un peu abusif. Mais il n'en est pas réellement ainsi. La doctrine
sert valablement de source au droit, et plus principalement au droit
international de la
guerre1.
Ainsi, deux doctrines nous serviront de fondements pour
analyser la valeur juridique de la guerre préventive. Il s'agit en
premier, de celle de la guerre juste (section 1) et en second,
de celle
de l'état de nature (section 2).
1 A plus forte raison, c'est de la doctrine qu'est
née l'idée d'un droit international, notamment à partir
des écrits célèbres de plusieurs auteurs tels que Hugo
Grotius ( De jure belli pacis [du droit de la guerre et de la
paix], 1625), Francisco de De Vitoria, Suarez, De Vattel etc. Ainsi
par exemple on va jusqu'à attribuer à Hugo Grotius la
paternité du droit international. Il
en en résulte que sans la doctrine, le droit
serait dépourvu d'une source très importante. Se faisant,
on ne peut parler de légalité en vertu de la loi ou du droit
sans faire allusion à la doctrine.
Section 1 : La doctrine de la guerre juste
Au sens large, l'expression ``guerre juste'' désigne
l'ensemble des considérations et pratiques qui visent à
déterminer les motifs pouvant justifier ou non l'usage de la force. Mais
dans un sens restrictif, elle est utilisée pour désigner la
théorie classique de la guerre juste, élaborée au
Moyen-Age par certains auteurs. Cette théorie instaure certaines
conditions à la guerre et ces conditions valent dans une certaine
proportion pour justifier de la valeur d'une guerre préventive.
Nous ferons d'abord, à toutes fins utiles,
l'exposé de cette célèbre doctrine
(paragraphe 1) et ensuite, nous analyserons ses
implications sur la guerre préventive (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Exposé de la
théorie
Elaborée tout d'abord au Moyen Age par les
ecclésiastiques, cette théorie a été reprise
à partir du XVIIème siècle
par d'autres penseurs qui l'ont laïcisée pour
l'intégrer au droit international. Ainsi, nous avons d'une part,
la version originelle de la théorie qui porte les marques de la
religion chrétienne (A) et d'autre part, la version
laïcisée (B).
A- La thèse chrétienne de la guerre
juste
La thèse chrétienne a été
initiée par un certain nombre de penseurs catholiques dont
l'un des plus importants, reste Saint Augustin. Dans
son ouvrage La Cité de Dieu, Saint Augustin s'était
déjà montré comme le précurseur de la thèse
chrétienne de la guerre juste. Mais, c'est Saint Thomas d'Aquin qui
s'est montré en vrai défenseur de ladite théorie
à travers son ouvrage de renom intitulé, Somme
théologique. Non seulement il rassembla tous
les éléments qui étaient
disséminés chez Saint augustin, mais il y ajouta quelques
autres points très importants qui valent aujourd'hui à la
théorie toute sa pertinence.
Se questionnant si c'était toujours un
péché pour un chrétien de faire la guerre, il
part des principes bibliques suivants pour dégager, dans un
premier temps, la réponse affirmative : Primo, toute peine
infligée est un péché commis. Or, d'après certaines
paroles bibliques, le seigneur inflige en retour une peine à ceux
qui commettent le péché de guerre: « celui
qui
aura pris le glaive, périra par le glaive » (cf.
Evangile selon Matthieu, chapitre XXVI, verset
52)1.Toute guerre est alors illicite.
Secundo, « tout ce qui est contraire au précepte divin
est péché. Or il est contraire au précepte divin de faire
la guerre ; car il est dit dans Matthieu (chapitre V, verset 39) : « Je
vous dis de ne point résister au méchant » et dans
l'Epître de Paul aux Romains (chapitre XII, verset 19) : « ne vous
défendez point, mes très chers frères, mais laissez agir
la colère de Dieu » C'est donc toujours un
péché de faire la guerre ». Tertio, il n'y a
que le péché qui soit contraire à un acte de vertu. La
paix étant un acte de vertu, et la guerre étant contraire
à la paix, donc contraire à la vertu, elle est forcément
un
péché. 2
En vertu de ces principes bibliques, la guerre ne
devrait être autorisée sous aucun prétexte, car elle
constitue un péché absolu. Mais, s'inspirant de certains
arguments de St Augustin3, St thomas admet en revanche quelques
souplesses à ce principe du péché absolu de guerre. C'est
ainsi qu'il fait ressortir certaines conditions sous lesquelles un
chrétien peut exceptionnellement faire la guerre. Il est requis pour
cela trois conditions selon St thomas : le juste titre, la juste cause et
l'intention droite.
Le juste titre suppose que la personne habilitée
à prendre la décision de déclarer la guerre doit
être le prince, car il n'appartient pas à une personne
privée de le faire. Seule celui
qui a la gestion des affaires publiques, donc de
l'intérêt général, peut procéder à
une déclaration de guerre. Selon St thomas, il est le seul
à porter l'épée de Dieu afin de réprimander
aussi bien les méchants du dedans que les ennemis du dehors.
Mais à l'heure actuelle, on peut se demander si le juste titre revient
aux institutions internes (au parlement
par exemple) ou bien au Conseil de Sécurité des
NU.4
1 Notons que les citations bibliques ne sont pas
formulées de la même manière dans toutes les bibles. Elles
varient selon la traduction qui en a été faite. Mais, les
idées de fond restent les mêmes quelque soit la traduction.
2 Thomas d'Aquin. Somme
théologique. In Dominique Colas. La pensée
politique. Paris : Larousse, 1992, p. 136
3 Selon Saint Augustin, « Si la discipline
chrétienne, condamnoit absolument la guerre, l'évangile
conseilleroit à ceux qui
qui demandent à s'éclairer, comme le
meilleur parti, de quitter les armes et de se soustraire complètement au
joug de la milice.Or il leur dit : « n'usez de violence ou de fraude
envers personne ; contentez-vous de votre solde ». Puisqu'il leur
ordonne de se contenter de leur propre solde, il ne leur défend donc pas
de faire la guerre.»
(Cf. Thomas d'Aquin. Op cit, p. 136)
Précisons qu'ici la solde s'entend de la
rémunération versée aux militaires. Avec cette
précision on perce mieux le fond de la pensée de saint
Augustin tel qu'exposée par Saint thomas. Si la guerre
était donc absolument interdite l'évangile ne permettrait
même pas l'existence de milices ou de militaires jusqu'à autoriser
la perception de solde par ces groupes.
4 Par exemple dans la Constitution béninoise,
la déclaration de guerre revient à l'exécutif, une fois
qu'elle est autorisée par le
Parlement (Cf. article 101de la Constitution béninoise).
De même, dans la Constitution américaine, la déclaration de
guerre
est un pouvoir exclusif du Congrès : « le
congrès aura le pouvoir de déclarer la guerre »
dispose l'article 1er section8
paragraphe11 de la Constitution américaine. Ces deux pays
réservent en principe le juste titre aux institutions internes. Mais
La juste cause, quant à elle, impose que ceux
qui sont attaqués l'aient réellement mérité en
se rendant coupable de quelque injustice. Reprenant ainsi Saint Augustin, la
guerre juste est celle qui est sensée punir une injustice. Il n'y a
donc pas de guerre juste sans une injustice commise par l'autre partie.
L'intention droite est la dernière condition
posée. Elle implique pour le prince qui veut déclarer la guerre
de n'avoir pour autre idée que de poursuivre la paix, d'éviter le
mal et de n'avoir aucune intention immorale cachée derrière
cette guerre. Il peut donc arriver qu'une guerre soit
déclarée par une autorité légitime pour une
juste cause, et que cependant elle devienne illicite par la mauvaise
intention de celui qui la fait.
Voilà ainsi résumée la théorie
chrétienne de la guerre juste qui, comme nous l'avons observé,
conserve un aspect purement théologique. Avec l'évolution,
à partir du XVIIème siècle, elle sera
reprise par des théoriciens sous un aspect laïc.
B- La thèse séculière de la
guerre juste
C'est à Grotius que nous devons la laïcisation du
concept de la guerre juste élaboré par
les théologiens chrétiens. Son oeuvre
maîtresse est intitulée De jure belli ac pacis (du droit
de
la guerre et de la paix) et a été publiée en
1625.
Avant d'aboutir à l'analyse de ce droit, Grotius part
du principe de l'inviolabilité de la souveraineté des Etats. Il
en dit, tout comme ses prédécesseurs (De Vitoria et Suarez), que
les actes d'un Etat ne peuvent être annulés au nom de quoi que ce
soit, par une volonté humaine. Cette souveraineté ne peut
être limitée que par le droit, et ce parce que la
souveraineté elle- même découle d'un droit. Ce droit est le
droit naturel. Parlant de ce droit naturel, il l'assimile
à la morale. Laquelle morale, Grotius fonde sur la raison
de l'homme (le rationnel) et non sur
la loi divine (la religion), se distinguant ainsi des
théologiens catholiques. Désormais fondée
sur le rationnel, cette morale se voit laïcisée avec
Grotius. C'est d'une telle morale laïque et non plus religieuse, qu'il
fait ressortir son droit de la guerre.
Sur cette base, il reconnaît la licéité
de la guerre car celle-ci est un acte de souveraineté, et de
plus il n'y a pas d'autorité supérieure aux Etats pour
les départager.
Toutefois, il pose une stricte condition à cette
licéité : il faut que la guerre soit juste.
puisqu'ils ont tous ratifié la Charte des Nations Unies,
pourrait-on dire que le juste titre reviendra de ce fait au Conseil de
Sécurité au détriment de leurs normes
constitutionnelles ?
D'après lui, la guerre est juste quand elle répond
à une injustice et c'est le droit naturel
qui détermine les cas d'injustice. Ces cas
d'injustice surviennent quand il y a atteinte aux droits fondamentaux
que le droit naturel reconnaît aux Etats souverains : droit
à l'égalité, droit à l'indépendance,
droit à la conservation, droit au respect, droit au
commerce international.
Aucun Etat n'est sensé porter atteinte à ces droits
chez un autre Etat. Toute violation
de cette interdiction ouvre le droit de légitime
défense.1
Grotius reprend ainsi à son compte la distinction
canoniste (chrétienne) entre guerres justes et guerre injustes.
Il se différencie néanmoins par son affirmation des
droits fondamentaux des Etats, de telle sorte que nous sommes tentés
d'y voir une symétrie avec les droits fondamentaux de
l'homme2. Son oeuvre sera continuée par Pufendorf et
De Vattel. Mais soulignons que ce dernier, bien que partageant certaines
opinions de Grotius, s'écarte de
lui sur d'autres aspects que nous verrons plus loin.
Retenons pour le reste que cette théorie est d'une
très grande portée. C'est d'ailleurs pourquoi nous l'avons
exposée. Maintenant, il conviendra d'en spécifier la
portée sur la guerre préventive. Autrement dit, la guerre
préventive est-elle une guerre juste ?
Paragraphe 2 : Les implications de la théorie sur la
notion de la guerre préventive
Les implications que nous allons étudier
découlent de l'une et l'autre des thèses que nous venons de
présenter. La thèse catholique de la guerre juste fait
prévaloir trois conditions pour que la guerre soit juste : le juste
titre, la juste cause et l'intention droite. Parmi ces trois conditions, nous
privilégierons la juste cause et l'intention droite car elles donnent le
plus lieu
à interprétation. De son côté, la
thèse séculière met en vogue comme condition à une
guerre juste, la violation d'un droit fondamental des Etats.
Nous retiendrons deux types d'implications sur la guerre
préventive : les implications
en rapport avec les notions de la juste cause et de l'intention
droite d'une part (A), et d'autre part, les implications en
rapport avec les droits fondamentaux des Etats (B).
1Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet.
Droit international Public. 6ème
édition. Paris : LGDJ, 1999, p. 56
2Il est tentant de voir une symétrie entre ces
deux notions au moins du point de vue de leur ampleur et de leur nature.
Elles
ont toutes une valeur fondamentale et découlent toutes
d'un droit naturel qu'on ne saurait arracher à l'individu ou à
l'Etat.
A- Les implications en rapport avec les notions de la
juste cause et de l'intention droite
La notion de juste cause suscite beaucoup d'interrogation de
notre part. La principale
interrogation est la suivante : une menace d'agression,
de la part d'un Etat à l'égard d'un autre, peut-elle
constituer une juste cause de sorte à justifier le déclenchement
d'une guerre dite préventive ?
Lorsqu'on se réfère aux écrits de St
Augustin et de St Thomas d'Aquin, on peut se borner à dire que la
juste cause est une injustice grave dont un Etat s'est rendu coupable et dont
seule la guerre est le remède. La grande question revient donc :
préparer une agression contre un autre Etat et ses populations
constitue t-il une injustice ? Ou bien c'est le fait d'exécuter
cette agression qui constitue l'injustice ?
Si la préparation d'agression est une injustice, alors
la guerre préventive qui prétend réparer cette
injustice, répond pleinement au critère de juste cause. Sous
réserve des autres conditions de la doctrine de la guerre juste, elle
peut être considérée comme une guerre licite. Mais si par
contre, la préparation d'une agression ne constitue encore en rien une
``infraction internationale'', c'est-à-dire une injustice, la guerre de
prévention devra être considérée hors
la loi et injuste. Compte tenu de cette ambiguïté il
est donc très difficile de prendre position.
Des éléments de réponse à cette
question seront trouvés dans l'ouvrage de Jean
Bethke Elshtain qui est intitulé : Just War Against
Terror: The Burden of American Power in
a Violent World1. Dans cet
ouvrage, l'auteur a estimé qu'une intervention préventive
peut satisfaire les critères d'une guerre juste. S'inspirant de St
Augustin et St Thomas d'Aquin2,
elle insiste que « prévenir les innocents de
certains maux pourrait constituer un casus belli
justifié - les innocents étant ceux qui sont
incapables de se défendre eux-mêmes ».
Ainsi pour
1 La guerre juste contre la
terreur: le fardeau de la puissance américaine dans un monde
violent, actuellement indisponible
en français. Mais le résumé et l'analyse en
français du livre sont disponibles sur la page Web suivante :
www.terrorisme.net/p/article_148.shtm
(page consultée le 31 août 2005)
2 Il est dit dans la Somme
théologique (Question 40 article 2 : Est-il permis aux
évêques de faire la guerre ?) : « Les guerres
ne sont licites et justes qu'autant qu'elles
protègent les pauvres et toute la nation contre les injures de l'ennemi.
Or ce devoir paroît surtout regarder les prélats ; car saint
Grégoire dit : « le loup tombe sur les brebis, lorsqu'un
injuste ravisseur opprime les fidèles et les humbles ; mais celui qui
paraissoit être le pasteur, et ne l'étoit pas, abandonne les
brebis et prend
la fuite, parce que, craignant quelque danger pour
lui-même il n'ose résister à une injuste agression. »
Donc la guerre est permise aux prélats et aux clercs... Les
prélats doivent résister, non seulement aux loups qui
égorgent spirituellement le troupeau mais encore aux ravisseurs et aux
tyrans qui le vexent matériellement. »
(Cf. Thomas d'Aquin. Ibidem, p. 138)
elle, tous les civils sont à ranger dans le groupe des
innocents ; d'où la force utilisée pour les épargner
serait licite. Le recours à une guerre de type préventif
serait donc licite s'il est destiné à servir une cause noble
: prévenir les innocentes populations d'une souffrance injuste
qui est entrain d'être organisée contre
elles. Et si la défense préventive des innocentes
populations n'était qu'un alibi destiné à masquer
une intention immorale et inavouable du Prince ? Serait-elle toujours
licite ?
Dans ce cas, la guerre préventive devrait être
perçue comme une agression en bonne et due forme parce qu'elle
procèderait, d'une menace imminente inexistante. Le casus belli que
constitue la préparation d'agression par l'Etat ennemi a toutes
les chances d'avoir été surestimé ou même d'avoir
été concocté de toutes pièces. Mais sur ce point,
les positions des théoriciens sont encore quelque peu divergentes,
surtout si la faute commise par l'Etat ennemi
est vérifiable, et que l'intention malsaine ne modifie en
rien le caractère répressible de cette faute.
Les critères qui permettent de définir le
caractère répressible de cette faute, peuvent être
retrouvés dans la notion des « droits fondamentaux des Etats
».
B- Les implications en rapport avec la notion des
droits fondamentaux des Etats
Ici, il est question de savoir d'abord, ce que l'on entend par
«les droits fondamentaux
des Etats» et ensuite, si la violation potentielle de l'un
de ces droits serait si grave jusqu'au point d'entraîner une
réplique préventive (légitime défense
préventive).
Pour Grotius, les droits fondamentaux des Etats sont :
droit à l'égalité, droit à
l'indépendance, droit à la conservation (c'est-à-dire
qu'un Etat ne peut se voir déposséder de quelque chose qui lui
appartient sans en avoir décidé ainsi), droit au respect (aucun
Etat n'a
pas le droit d'humilier un autre, en vertu du principe
de l'égalité des Etats), droit au commerce international.
Mais pour De Vattel, l'Etat est le seul
interprète de ses droits fondamentaux.Ainsi, chaque Etat souverain
aurait le droit absolu d'apprécier seul, ce qu'il doit faire
dans l'accomplissement de ses devoirs internationaux : « il appartient
à tout Etat libre de juger en conscience de ce que ses devoirs
exigent, de ce qu'il peut faire ou non avec justice. Si les
autres entreprennent de le juger, ils donnent une atteinte
à sa liberté et ils le blessent dans ses
droits les plus précieux »1. Bien
que reconnaissant l'existence de droits fondamentaux pour
les Etats, De Vattel relativise ces droits, contrairement
à Grotius qui les énumère de manière objective.
En conséquence de cette interprétation
discrétionnaire de leurs droits fondamentaux,
les Etats auraient dès lors, le droit
d'apprécier eux-mêmes quelles sanctions infliger aux
violations de ces droits. Ils peuvent ainsi décider de recourir à
la guerre. De Vattel affirme à
ce sujet qu'en raison de leurs divergences dans
l'appréciation de la justice qui légitime la guerre, les
Etats conviennent simplement que la guerre juste est celle qui
revêt certaines formes, soit une guerre conduite ouvertement et non une
guerre clandestine et non avouée2. Pourvu que l'Etat qui fait
la guerre accepte de se soumettre à cette forme, sa guerre sera
jugée juste. Peu importe la valeur de ses buts de guerre. Selon De
Vattel, l'Etat est donc entièrement libre de juger de ce qu'exige de
lui, la défense de ses droits fondamentaux, d'apprécier s'il doit
ou non recourir à un certain type d'usage de la force.3
Si l'Etat décide de recourir, pour la
défense de ses droits fondamentaux, à une prévention
par voie de force (c'est-à-dire à une intervention
préventive), il est libre de le faire pourvu que l'intention de
procéder ainsi soit déclarée à l'avance pour qu'on
en connaisse les raisons. Ainsi ne constituant pas une guerre par surprise, la
guerre préventive menée par cet Etat, devrait être licite
aux vues de la théorie de De Vattel.
En définitive, la future violation des droits
fondamentaux peut entraîner une réplique préventive si
l'Etat en a décidé ainsi en vertu du libre arbitre dont il jouit
d'après De Vattel. Mais chez Grotius, il y a un malaise à
affirmer la légitimité d'une défense préventive car
cette défense irait dans tous les cas, contre certains droits
fondamentaux des autres Etats tels que le droit à
l'égalité, le droit à l'indépendance et même
le droit au respect. Aucun Etat ne pourrait donc violer les droits fondamentaux
d'un autre en premier, sous prétexte qu'il défend les siens
qui n'ont même pas encore été
violés.
Il y a donc une nette différence entre les arguments de
Grotius et ceux de De Vattel. Dans l'écart de temps entre ces deux
auteurs, la théorie de l'état de nature a eu son
éclosion
1 De Vattel. Le droit des gens ou
principes de la loi naturelle appliquée à la conduite et
aux affaires des nations et des
souverains. Publié en 1758 (Cité
par Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet. Op cit, p.57)
2 Les guerres par surprise seules seront
illicites. Toutes les autres guerres, quelles que soient leurs formes
seront licites, pourvu qu'elles soient ouvertement déclarées.
3Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet.
Ibidem, p.58
avec la sortie du Léviathan de Thomas
Hobbes. Cette doctrine n'a donc pas manqué d'influence sur De
Vattel, ce qui explique ses interprétations libertaires
des droits fondamentaux des Etats. Nous étudierons la doctrine de
l'état de nature et ses implications sur
la guerre préventive dans notre section 2.
Section 2 : La doctrine de l'état de nature
Selon cette théorie le milieu international n'a pas
encore atteint le stade de société. Il demeure à
l'état sauvage où seule la loi de la jungle règne, et les
Etats y sont libres de faire la guerre comme ils l'entendent. Dans un
premier temps, nous ferons l'exposé de la théorie
(paragraphe1). Ensuite nous déboucherons sur les
implications de ladite théorie sur la notion
de guerre préventive (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Exposé de la théorie
Cette théorie a certes connu son véritable
essor1 avec le philosophe anglais Thomas
Hobbes, notamment dans son célèbre ouvrage Le
Léviathan paru en 1651 (A). Mais en dehors
de lui, plusieurs autres ont aussi soutenu cette argumentation
(B).
A- La pensée de Thomas Hobbes
Pour expliquer l'état de nature, Thomas Hobbes est
parti du concept selon lequel
l'homme est naturellement porté à se quereller
avec ses semblables, soit pour la recherche du profit, soit pour la
défense de sa sécurité, soit pour la gloire. Il estime que
le seul droit qui puisse exister dans ces conditions est le droit de nature.
Il définit à ce titre le droit de nature comme « la
liberté qu'a chacun d'user comme il le veut de son pouvoir
propre pour la préservation de sa propre vie et en conséquence
de faire tout ce qu'il considèrera, selon son jugement et sa raison,
comme le moyen le mieux adapté à cette fin
»2. Ainsi selon lui, à l'état
de nature, un homme ne peut pas se dessaisir du droit
naturel de défense dont il dispose
puisqu'il n'a pas la garantie qu'en échange de
l'abandon de ce droit, sa sécurité lui serait
assurée : car il n'y a pas un Léviathan3
à qui confier le pouvoir de sécurité dans
l'état de
nature.
1 « Véritable essor » et non
« naissance » parce qu'avant Hobbes, des auteurs tels que
Machiavel avaient déjà brossé légèrement
la question sans toutefois la développer sous cet angle exact de
l'expression « état de nature ».
2 Thomas Hobbes.Le Léviathan.
In Dominique Colas. La pensée politique. Paris :
Larousse, 1992, p. 225
3 Le Léviathan est le prince à qui
les hommes auront confié leur droit de défense naturelle afin que
celui-ci le leur assure. Dans la société internationale,
l'équivalent du Léviathan serait un gouvernement mondial s'il y
en avait. Mais dans l'ordre interne, le Léviathan demeure
l'autorité étatique.
Mais depuis lors, l'état de nature a pu laisser place
à l'état de société à l'intérieur des
Etats1, confiant ainsi la sécurité à un
pouvoir commun au dessus de tous.Cependant, il subsiste
intégralement dans les rapports internationaux. De manière
schématique, nous obtenons de ce fait une opposition radicale
entre l'ordre interne et l'ordre international. Le premier incarne
l'état de société et le second, l'état de
nature. De ces considérations, nous aboutissons au point crucial de
la pensée de Hobbes qui fait une description assez
particulière
des relations interétatiques.
Conformément aux exigences de l'état de
nature, Hobbes soutient que les relations internationales ne sont
dès lors qu'un champ où la violence règne
encore entre les Républiques. Rien ne peut alors être
injuste : « les notions de légitime et
d'illégitime, de justice et d'injustice n'ont pas ici leur place. La
où il n'est pas de pouvoir commun, il n'est pas de loi ; là
où il n'est pas de loi, il n'est pas d'injustice. La violence et la ruse
sont en temps de guerre les deux vertus cardinales
»2. Chaque entité souveraine a le droit de
se conduire comme elle l'entend.
Cette position a été aussi partagée par
d'autres théoriciens.
B- Les pensées des autres
auteurs
Dans son ouvrage célèbre Le Prince
(Publié en 1513), Nicolas Machiavel s'était déjà
montré comme un porte-flambeau de la nature
belliqueuse de la société internationale.
Présenté comme un apologiste de la force, il conseillait à
son élève dans cet ouvrage, de ne jamais ôter sa
pensée de l'exercice de la guerre. Ainsi pour Machiavel, «
seule la fin justifie
les moyens ». Si le Prince veut faire la guerre,
qu'il le fasse ; pourvu que les résultats qu'il escomptait atteindre
soient atteints efficacement. Des penseurs tels que Spinoza et Raymond Aron se
sont aussi penchés sur la question.
Pour Spinoza, « les hommes dans la condition
naturelle, sont ennemis les uns des autres ; ceux donc qui, ne
faisant point partie d'un même Etat, gardent l'un
vis-à-vis de
1 C'est d'ailleurs parce que l'état de nature
a cédé place à l'état de société
qu'on parle d'Etat. Car l'Etat représente l'intérêt
général. Or si les individus avaient gardé leur droit de
se rendre justice eux même, il n'y aurait pas d'intérêt
général et seul le
désordre serait maître. Parler d'Etat
équivaut donc à parler d'intérêt
général ; et qui parle d'intérêt
général parle de société.
En conclusion, reconnaître l'existence de l'Etat
entraîne d'ores et déjà qu'on admet la substitution de
l'état de société à l'état
de nature dans les rapports internes.
2Thomas Hobbes. Op cit, p. 225
l'autre les rapports de droit naturel, restent ennemis. C'est
pourquoi si un Etat veut déclarer
la guerre à un autre Etat pour l'assujettir, il peut
l'entreprendre à bon droit, puisque pour faire la guerre, il n'a besoin
que de le vouloir »1
Raymond Aron répondra d'une manière
particulière à cette question en affirmant ceci :
« j'ai cherché ce qui constituait la
spécificité des relations internationales ou
interétatiques et j'ai cru trouver ce trait spécifique dans la
légitimité et la légalité du recours à la
force armée
de la part des acteurs.»2
Cette affirmation, à l'image des
précédentes, en dit déjà suffisamment sur la
position
de ces auteurs par rapport à la guerre
préventive, même s'ils n'ont pas toujours spécifié
leurs réflexions autour de ce concept uniquement. Il nous
appartient dès cet instant, de faire ressortir toutes les
implications que peut avoir la théorie de l'état de nature sur la
valeur de la GP.
Paragraphe 2 : Les implications de la théorie sur la
notion de la guerre préventive
Plusieurs raisons nous autorisent à penser que
la théorie de l'état de nature tend à soutenir la
licéité de la guerre préventive : c'est ce que nous
appelons implications positives (A). Mais compte tenu des
limites propres à la doctrine de l'état de nature, la
reconnaissance
de la guerre préventive peut s'avérer
être une chose difficile : ce sont les implications
négatives (B).
A- Les implications positives
Nous partons du principe selon lequel le seul droit qui
règne dans la société
internationale n'est que le droit de nature qui assure aux
Etats la liberté d'user comme ils le veulent et selon leurs propres
jugements de tous les moyens adaptés pour assurer leur
sécurité. S'inspirant de ce principe, si l'Etat le juge important
pour sa survie, la guerre n'est donc qu'un moyen parmi tant d'autres.
Même une guerre d'agression ne serait pas interdite si elle était
destinée à cette fin. Il en est de même pour la guerre
préventive. Cela parce que rien
ne peut être injuste dans les relations internationales,
que ce soit l'agression ou la défense vis-
à-vis de l'agression. Il est alors sans
intérêt de savoir si la guerre préventive est une
agression
1 Spinoza. Traité politique.
Publié en 1677. CHP III (Cité par Marcel Merle. Sociologie
des Relations internationales. 3ème
édition. Paris : Dalloz, 1982, p. 45)
2 Revue française de science politique.
Qu'est-ce qu'une théorie des relations internationales ?
Octobre 1967 (Cité par de
Marcel Merle. Op cit, p.47)
ou une légitime défense, donc si elle est juste ou
injuste. Il n'y a qu'une seule réponse. Elle
est juste, légitime et légale tout simplement
parce que toutes les guerres sont légales dans l'état de
nature.
Pourquoi alors distinguer une guerre préventive d'une
autre guerre s'il en est ainsi ?
De toute façon, cette distinction ne doit pas avoir pour
but de légaliser l'une des formes de guerre au détriment de
l'autre, car toutes sont justes.
En outre, la fin justifiant les moyens,
considérer la guerre préventive comme un moyen d'atteindre
le but qui est celui de se défendre contre un futur agresseur, est tout
à fait justifié. L'essentiel c'est que l'Etat qui se
défend ait opté pour cela comme étant un moyen de
défense.
C'est toujours dans la même optique que Spinoza
affirmait que « si un Etat veut déclarer la guerre à
un autre pour l'assujettir, il peut l'entreprendre à bon droit
». Le seul droit qui importe en ce moment est la volonté de
l'Etat qui veut déclencher la guerre. Si cette volonté opte
pour la guerre préventive, cette dernière devient alors
pleinement légale. Car, comme Raymond Aron eut à le
dire, ce qui constitue la spécificité des relations
internationales, est « la légitimité et la
légalité du recours à la force armée. »
Si on s'en réfère
à cette conception d'Aron, la GP étant un type de
recours armé parmi tant d'autres, elle se trouve de ce fait
légale.
Pour appuyer l'ensemble de ce raisonnement en
faveur de la guerre et plus précisément en faveur de
la guerre préventive, Montesquieu défendra de
manière très éloquente que : « entre les
sociétés le droit de la défense naturelle
entraîne quelquefois la nécessité d'attaquer, lorsqu'un
peuple voit qu'une plus longue paix en mettrait un autre en état de le
détruire, et que l'attaque est dans ce moment le seul moyen
d'empêcher cette destruction. » La portée d'une
telle pensée à l'égard de la guerre
préventive n'est plus à démontrer. Lorsqu'une paix trop
durable a des risques assez élevés d'offrir l'opportunité
à un
Etat ennemi de se préparer contre soi1,
l'idée de défense impliquerait donc nécessairement
d'anticiper sur l'acte d'agression en rompant la paix en premier.
L'idée principale qui germe
de cette affirmation de Montesquieu est donc qu'en vertu
de la légitime défense, un Etat puisse rompre la paix sans
avoir à attendre de subir la destruction qui voulait lui être
infligée
par ses adversaires.
1 Le soi représente l'Etat contre lequel une
agression se prépare
D'une manière générale nous
devons reconnaître la pertinence de tous ces
développements philosophiques qui tendent à
reconnaître la valeur légale1 de la guerre
préventive. Mais ces points de vue restent purement philosophiques et
pour ce faire, au regard
des reproches qu'ils encourent, on peut réfuter sur cette
base la valeur qu'ils octroient à la notion de GP.
B- Les implications
négatives
Peuvent être reprochés à la notion
d'état de nature, d'une part son abstraction et
d'autre part, son caractère caricatural.
Elle est abstraite en ce sens qu'elle n'est qu'un postulat,
c'est-à-dire une hypothèse qui
ne peut être démontrée (mais qui est
seulement nécessaire pour établir une démonstration).
Pour cette raison, ses partisans n'ont jamais daigné se
référer à une situation historique concrète
où l'homme était réellement à l'état
de nature et à fortiori, dans le milieu international. Certes, la
notion, entendue comme un postulat, permet évidemment d'expliquer bon
nombre de comportements interétatiques. Mais il n'en demeure pas
moins qu'elle est purement philosophique et explicative : d'où
son abstraction. Ainsi, ne rend t-elle pas suffisamment compte de
l'ensemble des phénomènes internationaux jusqu'au point de
démontrer une légalité éventuelle de la
guerre préventive. Même en admettant que cette
théorie pourrait situer la valeur juridique de la guerre
préventive, elle se fonde sur une vision trop caricaturale de la
société internationale pour le faire.
Elle se fonde sur une vision caricaturale en ce sens
qu'elle opère une distinction arbitraire entre la nature de la
politique intérieure et celle de la politique extérieure ;
c'est-à- dire une opposition radicale entre l'ordre interne et le
désordre international. Il est vrai que sur
la scène internationale, le recours à la force
semblait être plus privilégiée jusqu'à une
époque donnée2 et même jusqu'à
présent, alors que dans l'ordre interne il est monopolisé
par la
puissance publique. Mais cette vision des choses demeure
partielle et très formelle. « Elle
1 Comme nous avons déjà eu à le
dire dans les pages précédentes, il ne s'agit pas d'une
légalité au sens formel mais plutôt au sens large, si non
au sens très large.
2A titre d'exemple nous pouvons citer
l'expédition maritime que l'Allemagne, l'Italie et la
Grande-Bretagne avaient organisée contre le Venezuela pour
contraindre celui-ci à honorer ses obligations contractuelles envers
eux. C'est d'ailleurs
en réponse à ce type d'emploi de la force que la
Convention Drago-Porter a été signée en 1907.
introduit une différence de nature là
où il n'y a plus, au moins actuellement, qu'une différence
de degré entre les deux types de sociétés.
»1
Cette différence de degré suppose que sur la
scène internationale, tout n'est pas aussi désordonné
comme il est prétendu dans la théorie de l'état de nature.
Certes on n'en n'est pas encore arrivé au stade d'organisation qui
prévaut dans l'ordre interne, mais une certaine organisation en
vue de limiter le désordre existe déjà. Nous pourrions
donner l'exemple de la création tout d'abord de la SDN et ensuite de
l'ONU. Ainsi, tout en reconnaissant qu'il n'y a
pas encore un ordre complet sur la scène
internationale, nous sommes néanmoins en mesure d'infirmer le concept
selon lequel il n'y a que du désordre dans ce système.
Or c'est ce dernier concept qui justifiait la légalité absolue
de tous les types de recours à la force. Une fois qu'il trouve ses
limites, il est normal que toutes les argumentations qui se sont basées
sur
lui soient, à leur tour, remises en cause dans un premier
temps (à tort ou à raison)2. Ainsi, il ne
sera plus opportun d'affirmer de manière
systématique, que le recours à la force dans les
relations internationales est une chose légale et légitime
et que par conséquent la guerre préventive l'est aussi. La
proportion d'une telle affirmation doit être très mesurée
désormais à défaut d'être systématiquement
rejetée.
Aux vues de toutes ces limites que nous venons
d'énumérer, soutenir sans distinction que la guerre
préventive est légale, serait trop simpliste et trop complaisant.
Mais en somme il faudra retenir que la tendance de la doctrine de l'état
de nature va largement en faveur de ce concept.
Une fois la position doctrinale étudiée, il sera
aussi utile de montrer celle de la norme qui est une autre source
incontournable du droit.
1 Marcel Merle. Op. cit, p. 54
2 A tort ou à raison car certaines
argumentations peuvent se baser dans le même temps sur d'autres concepts
justes et de ce
fait ne pas s'avérer forcément fausses à
l'image du concept de désordre international.
CHAPITRE 2 : LA LEGALITE DE LA GUERRE PREVENTIVE AU
REGARD DE LA NORME
Nous allons étudier ici, les instruments juridiques qui
régissent
le recours à la force dans les relations
internationales. Interviennent dans ce cadre, non seulement les
instruments du droit international, mais également ceux du droit
interne.
S'agissant du droit international, nous pouvons citer
comme instruments juridiques essentiels, les Conventions bilatérales et
multilatérales qui réglementent le jus ad
bellum1. Mais, vu toutes les difficultés qu'il y aura
à recueillir, à analyser et à cerner l'ensemble des
Conventions bilatérales existant entre les Etats, nous nous proposons de
recentrer l'analyse autour de la Charte des Nations Unies qui est
à l'heure actuelle l'instrument juridique de
référence qui régit les conditions de
l'entrée en guerre. A côté de la Charte,
nous
embrasserons pour les besoins de l'étude, les
cas de quelques
Conventions d'importance majeure.
En revanche, pour ce qui est du droit interne
nous nous focaliserons sur les lois fondamentales des Etats car elles
constituent la source par excellence de la souveraineté des
Etats. D'elles, découlent certaines obligations pour les Etats
sur le plan de leurs relations internationales. Il s'agit par exemple de
l'obligation de faire la guerre
ou de ne pas la faire, l'obligation de faire la guerre de
sécurité nationale
ou encore l'obligation de s'abstenir de livrer une guerre
d'agression. Il
ne sera donc pas inutile d'analyser la légalité
de la guerre préventive au regard du droit interne et plus
précisément au regard de quelques dispositions
constitutionnelles.
Notre première section sera consacrée à
la position de la Charte des Nations Unies sur la LDP. Ensuite, dans
notre deuxième section, nous analyserons certaines dispositions
constitutionnelles qui
concernent le recours à la force.
1Le jus ad bellum, c'est le droit qui régit les
conditions d'entrée en guerre. Il diffère du jus in bello et du
jus post bellum. Le premier (le jus in bello), réglemente le
déroulement du conflit armé, tandis que le second (le jus post
bellum) réglemente
l'après conflit.
Section 1 : La Charte des Nations Unies et la notion de
légitime défense préventive
Avant l'élaboration et l'adoption de la Charte des Nations
Unies en 1945, l'emploi de
la force par les Etats sur la scène internationale
faisait déjà l'objet de quelques Conventions1 . Mais
dans les faits, l'usage de la force était toujours laissé
à la discrétion des Etats comme en
ont témoigné les deux guerres mondiales.
Dans ce contexte, il apparaissait alors inutile et inopportun de
régir la légitime défense, puisque attaquer un Etat ou se
défendre d'un Etat par
la force, était déjà considéré
comme une chose discrétionnaire. Il n'y avait de ce fait, aucune norme
spécifique concernant la légitime défense. Mais,
avec l'avènement de la Charte en
1945, la notion de légitime défense allait
désormais être dotée d'un cadre normatif formel.
En effet, après avoir posé le principe du
non recours à la force en son article 2 paragraphe 4, la
Charte tempère cette interdiction par l'article 51 qui
crée un droit exceptionnel de légitime défense au
profit des Etats qui font l'objet d'une agression2 :
« Aucune disposition de la présente
Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre
des Nations Unies est l'objet d'une agression armée jusqu'à ce
que le Conseil de Sécurité ait pris les mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales ». Mais quelle peut bien être la portée
d'une telle disposition ? Peut-on y voir une autorisation implicite ou
même explicite de la légitime défense préventive
?
Depuis la création de cette norme, les opinions sont
divisées sur la question. Les uns plaident pour une
interprétation restrictive qui exclurait du champ de la légitime
défense la guerre préventive (paragraphe 1).
D'autres plaident pour une interprétation extensive qui
inclurait la guerre préventive dans le champ de l'article
51 (paragraphe 2).
1D'abord c'était la Convention
Drago-Porter de 1907 qui interdisait en son article 1er
le recouvrement armé de dettes contractuelles entre
Etats.Ensuite c'était le Pacte de la SDN signé le 28
juin 1919 qui faisait état dans son préambule,
de « certaines obligations de ne pas recourir à
la guerre ». On a enfin le Pacte Briand-Kellog du 26 Août 1928
par lequel les
Etats signataires renonçaient à la guerre en tant
qu'instrument de politique nationale.
2 Selon la résolution 3314 du 14
décembre 1974 de l'Assemblée Générale des Nations
Unies, « L'agression est l'emploi de la force armée par un
État contre la souveraineté, l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique d'un autre État,
ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies
». (Voir la résolution 3314 dans les annexes)
Paragraphe1 : L'interprétation restrictive de la
Charte
Soutenue par d'éminents juristes tels que
Brownlie, Zanardi et Roling1, cette interprétation
limite le champ de l'article 51. Elle se fonde sur l'esprit de la Charte
(A) dont le
but étant de réduire l'usage de la force,
n'autoriserait la LD sous aucune autre condition qu'une agression
armée préalable (B).
A- Le fondement : l'esprit de la
Charte
La Charte des Nations Unies a pour but, tout comme l'Organisation
qu'elle régit, de
veiller à la limitation scrupuleuse de
l'insécurité internationale. Cette attitude se justifie par la
longue évolution juridique observée depuis la Convention
Drago-Porter en 1907 et par les horreurs suscitées par la
deuxième guerre mondiale. Par cette Charte les Etats ont alors
convenu de rendre presque inaccessible, le droit de faire la guerre. C'est
à défaut de supprimer définitivement ce droit qu'ils ont
autorisé à une fin exceptionnelle, la légitime
défense. Cette dernière se situe donc dans le restreint sillage
des exceptions à l'interdiction de recourir à la force.
Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la Charte,
le principe majeur des relations internationales semble désormais
être l'obligation de règlement pacifique des conflits. A ce titre,
l'article 33 de la Charte dispose comme suit : « Les parties
à tout différend dont la prolongation est susceptible
de menacer le maintien de la paix et de la
sécurité internationales doivent en rechercher la solution,
avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de
médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire,
de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres
moyens pacifiques de leur choix. » L'article 33 est
renchéri par l'article 2 paragraphe 4 qui stipule que :
« Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou
à l'emploi de la force, soit contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des
Nations Unies. » La lecture cumulée de ces deux dispositions
prouve que non seulement la Charte interdit strictement le
recours à la force, mais impose également aux Etats
une obligation de règlement pacifique.
1 Chacun de ces auteurs a exposé ses
idées dans les ouvrages suivants: Brownlie. International law
and the use of force by
states. Oxford : Clarendon Press, 1963 ;
Zanardi. La legitima difesa nel diritto internazionale.
Milan: A. Giuffré, 1972 ; Roling. On the prohibition of the
use of Force (essays in honour of J. STONE). Londres:
Légal changes, 1983 (Cité par Jean-
Pierre Cot et Alain Pellet. La Charte des Nations Unies:
commentaire article par article. Paris: Economica, 1985, p. 770)
L'esprit de la Charte semble donc très précis : il
entend régir très solidement le recours
à la force sur la scène internationale. Par
conséquent, la légitime défense qui a été
reconnue dans la Charte comme un droit naturel, ne doit s'appliquer que si une
agression armée a eu lieu au préalable.
B- Le problème de la condition : une agression
armée préalable
Nous ne saurions commencer sans rappeler encore une fois
l'énoncé de l'article 51 :
« Aucune disposition de la présente Charte
ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense
[...] dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet
d'une agression armée
[...] »
A la première lecture, le texte semble clair : la
légitime défense doit être postérieure à une
agression militaire. Mais pour une lecture interprétative, il n'est pas
aisé d'apporter une appréciation. On pourrait lire le texte des
deux façons suivantes : 1-``Aucune disposition de la présente
Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense
[...] dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet
d'une agression armée en cours d'exécution [...] ''
2- ``Aucune disposition de la présente Charte ne
porte atteinte au droit naturel de légitime défense [...]
dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une
agression armée
en cours de préparation [...] ''.
Dans l'un ou dans l'autre des cas, la suite de l'article
coïncide très bien. Mais un certain nombre de raisons permettent de
penser que la condition exigée est l'agression en cours
d'exécution et non l'agression en cours de préparation.
Tout d'abord, comme nous venons de l'indiquer, à
une première lecture, nous ne pourrions penser innocemment à
autre chose qu'à une agression dont l'Etat est déjà
victime. C'est d'ailleurs pourquoi cette interprétation fait
office d'interprétation restrictive : elle restreint la condition
posée à la première pensée que suscite la lecture
de l'article.
Ensuite lorsqu'on se réfère à l'un des
domaines du droit où la notion de légitime défense
est très bien quadrillée, en l'occurrence le droit
pénal interne1, parler de légitime
défense en l'absence d'une agression
exécutée paraît absurde.
1 Certes, le droit international et le droit interne
ne sont pas d'égale comparaison. Ils n'ont pas les mêmes origines,
les mêmes sujets ni les mêmes objectifs. Mais toute comparaison
n'est pas pour autant exclue car bien des notions sont nées du
droit
interne et ont malgré tout inspiré le droit
international. Il s'agit entre autres de la notion de responsabilité, de
la notion de coutume et même, dans une moindre mesure, de la notion de
légitime défense.
En effet, l'admission de la légitime
défense en droit pénal est soumise à un certain
nombre de conditions. Il faut en général pour cela: une violence
grave en cours d'exécution, l'impossibilité de recourir
à un autre moyen en dehors de la violence pour répondre
à la violence subie et enfin la proportionnalité des
moyens utilisés. Il s'agit d'une notion très
étroitement quadrillée en droit interne et qui n'a nul
intérêt à être étendue, car cet
élargissement comporte un énorme facteur de risques pour la
société. Ainsi, tout individu qui
se sentirait menacé par un autre pourrait se
prévaloir d'une LDP pour attaquer en premier son prochain.
Vu les évolutions du milieu international sur le
plan sécuritaire, il est possible que l'article 51 de la
Charte se prévale de l'étroitesse conférée
à la légitime défense en droit interne. En
admettant que la LD est dotée de la même
étroitesse, il sera difficile de comprendre l'érection par
certains sur le plan international, d'une thèse stipulant la
possibilité pour les Etats de recourir à une LD de type
préventif. Sous cet angle, la légitime défense,
aussi bien sur le plan interne que sur le plan international, semble être
vidée de son contenu juridique. Elle a plutôt un sens purement
littéraire et fictif. Une défense qui se veut préventive
n'est plus une défense : elle est tout sauf une défense. Pour
demeurer légitime, la défense doit forcément intervenir
après qu'une attaque ait eu lieu et non lorsque l'attaque est
inexistante.
La notion de guerre préventive semble donc être un
flou jeté sur le droit. La légitime défense
ne peut être valablement invoquée que
lorsqu'une agression a eu lieu au préalable. En
conséquence, la guerre préventive est illégale. Mais, ce
n'est point l'avis de ceux qui prônent l'interprétation extensive
de la Charte.
Paragraphe 2 : L'interprétation extensive de la
Charte
Elle est élaborée par d'éminents juristes
tels que : Waldock, Stone, Bowett, Schwebel, McDougall, Kaplan et
Katzenbach1. Ceux-ci ne réfutent pas entièrement
toutes les idées émises par l'autre camp. Ils
reconnaissent l'esprit initial de la Charte mais soutiennent
néanmoins, que cet esprit doit être
actualisé. Ils basent toute leur argumentation sur le -
1 Chacun de ces auteurs a exposé ses
idées dans les ouvrages suivants: Waldock. The regulation
of the use of force by
individual states in international law. RCADI,
Tome II, vol 81, 1952; Stone. Aggression and world order.
Londres : Stevens and sons, 1958 ; Bowett. Self defense in
international law. New York: Frederick A. Prager, 1958;
Schebel. Aggression,
intervention and self-defense in Modern international
Law. RCADI, Tome II, vol 136, 1972; McDougall. The
soviet-cuban
Quarantine and self defense. AJIL, vol 57,
1963; Kaplan, Katzenbach The political foundations of international
law. New
York: John Wiley and sons,1961
(Cité par Jean-Pierre Cot et Alain Pellet. Op cit, p.
770)
contexte actuel de la Charte (A) qui
nécessite d'après eux, que l'agression imminente soit prise
en compte comme condition à la LD (B), au même
titre que l'agression préalable.
A- Le fondement : le contexte actuel de la
Charte
La Charte avait en effet été rédigée
à une époque où l'industrie de l'armement n'avait
pas encore atteint l'évolution actuelle. Depuis
lors, plusieurs changements ont eu lieu et la vision originelle qui a
inspiré la rédaction de la Charte n'est plus forcément la
même. L'esprit
de la Charte doit pouvoir se recadrer sur les nouvelles
réalités et évolutions.
C'est ainsi que l'ex Secrétaire Général
des Nations Unies, Javier Pérez de Cuellar, déclarait ce
qui suit quarante ans après l'entrée en vigueur de la Charte:
« les changements qui
se sont produits dans les relations internationales
depuis 1945 ont, en effet, profondément influencé la
manière dont il est fait application de la Charte. Parmi ces
transformations je citerai notamment l'avènement de l'âge
nucléaire, les progrès scientifiques et techniques qui
ont ouvert aux relations interétatiques, des
perspectives naguère inimaginables... »1.
Selon l'internationaliste américain McDougall, un des
partisans les plus farouches de cette thèse, ne pas interpréter
la Charte dans son contexte actuel, serait « transformer en une
farce, soit sous l'aspect de son acceptabilité, soit
sous l'aspect de ses applications potentielles, le but principal de la
Charte qui est de réduire les hypothèses d'emploi illicite
de
la force et de violence entre Etats
»2. Ce serait réellement une comédie
si les Etats
continuaient à se plier à la Charte telle que
rédigée dans son contexte d'origine alors que ce dernier a connu
des évolutions de toutes sortes que les dirigeants eux-mêmes
reconnaissent.
La Charte ne peut donc être strictement
interprétée dans son contexte initial, sous peine
d'être en déphasage avec la réalité. A défaut
de la réécrire il faut l'actualiser dans sa lecture pour ne pas
handicaper le droit international. Car le droit international serait
inopérant
s'il interdisait sans nuance aux Etats de prendre des mesures
raisonnablement nécessaires en
cas de menaces graves et pressantes. C'est pourquoi l'agression
imminente est requise comme une nouvelle condition de la légitime
défense.
1Jean-Pierre Cot et Alain Pellet. Op cit,
Préface de l'ouvrage.
2 Cité par Jean-Pierre Cot et Alain Pellet.
Ibidem, p.775
B- Le problème de la condition : une agression
imminente
Comme nous l'avons dit, l'article 51 de la Charte ne
précise pas s'il s'agit seulement
d'une agression qui a déjà lieu ou bien s'il s'agit
aussi des agressions en cours de préparation
qui s'exécuteront prochainement. Plusieurs raisons
sous-tendent qu'il s'agirait aussi des agressions imminentes.
La première s'inspire du droit interne de la
légitime défense. A ce titre, rappelons encore une fois
les conditions requises pour cela : il faut une violence grave en
cours d'exécution, l'impossibilité de recourir à un
autre moyen en dehors de la violence pour répondre à la
violence subie et enfin la proportionnalité des moyens
utilisés.Il est évident qu'en droit interne la condition
indispensable pour la légitime défense est celle d'une
agression en cours. Cela peut se justifier aisément car, sur le plan
interne il y a un pouvoir pour prévenir l'agression. Il n'appartient
donc plus à l'individu d'oeuvrer pour une légitime défense
préventive en prétextant d'une agression imminente. Si une
agression est en cours de préparation contre lui, le seul moyen à
sa disposition est de requérir l'autorité publique pour
prévenir l'exécution d'un tel acte. Mais sur le plan
international c'est tout le contraire.
Il n'y a pas un ``super Etat'' pour assurer à chaque
Etat la sécurité dont il a besoin. On dira peut être de
l'ONU qu'elle est détentrice de ce rôle. Mais avec toutes les
failles qu'on lui connaît, notamment l'usage subjectif et arbitraire
du droit de veto, une telle prévention a toutes les chances de
ne pas aboutir et d'être calamiteuse pour l'Etat qui s'en est remis
à elle.
La sécurité de chaque Etat est en définitive
confiée à ses propres dirigeants puisqu'il n'y a pas
de gouvernement mondial. Et cette position ne changera
que lorsque les Etats auront fait concession entière de leur
souveraineté à une administration mondiale. Une telle
hypothèse étant à l'heure actuelle très loin
de se réaliser, il paraît insensé de conformer le
droit international aux conditions du droit interne qui
prescrivent une agression en cours d'exécution. Sur le plan
international toutes les conditions ne sont pas remplies afin que la
défense préventive soit illégale comme en droit
interne.
La deuxième raison est une prolongation de la
première. Il serait contre la nature rationnelle de l'homme
qu'un Etat doive attendre de subir une agression sans réagir
alors même qu'il est conscient que ce complot est dangereux pour sa
survie, mettant ainsi à nu sa souveraineté et la
sécurité de ses sujets. A l'époque des missiles et des
armes nucléaires, la
portée de la légitime défense s'est
considérablement élargie. Soutenant cette thèse, le
délégué
israélien au Conseil de Sécurité en
1981 déclarait : « le concept a assumé une
application nouvelle et plus ample avec l'arrivée de l'ère
nucléaire. Quiconque est d'un avis contraire
n'a jamais vu l'horrible réalité du monde
dans lequel nous vivons, en particulier pour les petits Etats si
vulnérables et si peu capables de survivre à une attaque
nucléaire »1.
Enfin, la dernière raison qu'on puisse évoquer
pour justifier la thèse extensive est la position de l'actuel
Secrétaire Général des Nations Unies (Kofi Annan).
Il affirme dans un rapport que « Les menaces imminentes sont
pleinement couvertes par l'article 51 de la Charte, qui garantit le droit
naturel de légitime défense de tout Etat souverain, dans le cas
où
il est l'objet d'une agression armée. » Il
ajoute que « Les juristes ont depuis longtemps établi
que cette disposition couvre les attaques imminentes, ainsi
que celles qui ont déjà eu lieu »2
En définitive, il y a du vrai dans les arguments
énoncés dans les deux hypothèses
(interprétation extensive et interprétation
restrictive), mais il ne faut pas les pousser trop loin.
La lecture restrictive correspond au souci fondamental des
rédacteurs de la Charte, de restreindre autant que possible le
pouvoir discrétionnaire des Etats et de rendre exceptionnel
le recours à la légitime défense. Cette
interprétation est cohérente avec la longue histoire des efforts
tendant à interdire le recours à la force. Séduisante par
son sens du réalisme, la lecture extensive est encore un peu plus
difficile à admettre car elle se fonde plus sur la morale que
sur le droit. C'est d'ailleurs pourquoi elle embrasse quelques
aspects qui seront beaucoup plus développés dans la
deuxième partie. Le droit international est, en dépit de tout,
encore un peu réticent vis-à-vis du concept de la guerre
préventive.
Mais, dans l'une ou l'autre des hypothèses, il faudra
conjuguer nécessairement avec le droit interne car, il comporte des
éléments d'éclairage sur la position
définitive à adopter. Ainsi, nous traiterons des dispositions
constitutionnelles de certains Etats (Bénin, Afrique du
sud, Allemagne et Etats-Unis) comme source éventuelle de
légalité pour la guerre préventive.
1 Jean -Pierre Cot, Alain Pellet. Op. cit. p. 775
2Kofi Annan (Secrétaire Général
des Nations Unies). Dans une liberté plus grande :
développement, sécurité et respect des
droits de l'homme pour tous :
rapport. New York, 2005, p. 39 [En ligne]. Disponible sur :
http://www.un.org/french/largerfreedom/toc.html
(page consultée le 31 août 2005)
Nous étudierons plus largement ce rapport dans la
deuxième partie de notre travail et plus précisément dans
le chapitre 2 où nous parlerons de la reconnaissance par l'ONU du
concept de la guerre préventive.
Section 2 : Les dispositions constitutionnelles des
Etats
En dehors des règles de droit international l'usage de la
force par un Etat est aussi régi
par le droit interne. La question principale à
laquelle nous essayerons de répondre est la suivante : Il y
a-t-il des Constitutions dont on peut dire qu'elles autorisent la
guerre préventive ?
Nous verrons à ce titre, les positions de
quelques Constitutions africaines (paragraphe1) et
occidentales (paragraphe2) par rapport à la guerre et
plus précisément par rapport à la guerre
préventive.
Paragraphe 1 : Cas des Constitutions africaines
Nous étudierons ici, la Constitution béninoise
(A) et celle de l'Afrique du Sud (B).
A- La constitution béninoise de décembre
1990
Aux termes de l'article 41 alinéa2 de la
Constitution béninoise, le Président de la
République est « le garant de
l'indépendance nationale, de l'intégrité territoriale et
du respect
de la Constitution, des traités et accords
internationaux ». A ce titre, si le Parlement l'y autorise,
comme le précise l'article 101, il peut déclarer la guerre et la
faire dans le but de préserver l'indépendance nationale. Pour
cela la Constitution a prévu deux dispositions différentes
(les articles 66 et 68) qui régissent deux différents
aspects de la question. La première disposition, l'article 66,
prévoit les cas où le Bénin fait déjà
l'objet d'une agression
et la seconde, l'article 68, les cas où le Bénin
serait menacé d'une agression de manière grave
et imminente.
Voici ce que stipule l'article 66 :« En cas de coup
d'Etat, de putsch, d'agression par
des mercenaires ou de coup de force quelconque, tout membre
d'un organe constitutionnel a
le droit et le devoir de faire appel
à tous les moyens pour rétablir la
légitimité constitutionnelle, y compris le recours aux
accords de coopération militaire ou de défense existants
» Cette disposition ne traite pas de la guerre préventive mais
vise seulement les cas
où rien n'a pu être fait pour prévenir
l'agression. Celle qui concerne l'agression imminente est
l'article 68 dont le contenu est le suivant : «
Lorsque les institutions de la République,
l'indépendance de la Nation,
l'intégrité du territoire national ou I'exécution des
engagements internationaux sont menacées de manière grave
et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs
publics et constitutionnels est menacé ou interrompu, le
Président de la République, après consultation du
Président de l'Assemblée Nationale et du Président de la
Cour Constitutionnelle, prend en conseil des Ministres les mesures
exceptionnelles exigées par les circonstances sans que les droits
des citoyens garantis par la Constitution soient suspendus ».
Si les conditions exigées par l'article 68 sont remplies, il
est alors possible d'envisager une mesure exceptionnelle de l'ordre d'une
guerre préventive, pourvu que cette mesure n'entame en rien les
droits garantis aux citoyens. La Constitution n'a donc pris la peine
de sauvegarder que les droits des citoyens et non ceux des autres Etats ;
d'où une guerre
préventive serait possible à notre
avis.1
B- La constitution sud africaine d'avril
1994
La Constitution sud-africaine, en son article 227, stipule :
« 1- Obéissant à cette
Constitution, la Force nationale de défense peut être
employée pour servir
a) à la défense de la République,
à la protection de sa souveraineté et de son
intégrité territoriale ;
b) en conformité avec les obligations
internationales de la République en ce qui concerne des organismes
internationaux et d'autres Etats [...]
2- La Force nationale de
défense [...]
d) ne viole pas le droit international coutumier qui s'impose
à la République en ce qui concerne l'agression ;
e) respecte dans les conflits armés les obligations
qu'elle a selon le droit et les traités internationaux coutumiers qui
s'imposent à la République ;
f) est principalement une force défensive dans
l'exercice ou l'accomplissement de ses pouvoirs et fonctions [...]
»
A travers cette disposition, on voit que le constituant sud
africain a conféré à la force armée le pouvoir
de préserver la souveraineté de l'Etat. Mais, cette
disposition prend bien
1 Mais cette position est discutable.
soin de préciser aux alinéas suivants, dans quelles
limites l'armée sud-africaine doit défendre
la souveraineté. Ainsi remarque t-on qu'il lui a
été fait obligation de respecter non seulement
le droit international1 mais aussi de ne jouer
qu'un rôle défensif. Il ne sera donc pas question pour elle de
prétendre à une défense offensive. Elle ne doit
protéger l'Etat d'Afrique du Sud que dans la mesure où
celui-ci fait déjà l'objet d'une agression.
Conformément à cela l'Afrique du Sud ne peut
procéder à une guerre préventive et encore moins
à une guerre d'agression ou à toute forme de guerre interdite
par le droit international.
Paragraphe2 : Cas des Constitutions occidentales
Ici, nous nous baserons sur la loi fondamentale de la
République fédérale d'Allemagne
(A) et celle des Etats-Unis d'Amérique
(B).
A- La constitution allemande de mai
1949
La Constitution allemande interdit en son article 26, la
guerre d'agression et toute
autre forme de guerre s'inscrivant dans ce cadre:
« les actes susceptibles de troubler la coexistence pacifique
des peuples et accomplis dans cette intention, notamment en vue de
préparer une guerre d'agression, sont inconstitutionnels.
Ils doivent être réprimés pénalement. »
Cependant, une telle disposition n'est pas assez claire à
propos de la guerre préventive. C'est à l'article 115 que nous
observons des dispositions concrètes qui ont rapport avec ce type de
guerre.
L'article 115a. de la Constitution allemande dispose de ce qui
suit :
« 1- Il appartient au
Bundestag, avec l'approbation du Bundesrat, de constater que le
territoire fédéral fait l'objet d'une agression armée ou
qu'une telle agression est imminente (état de défense)...
5- La promulgation de
l'état de défense emporte transfert au Chancelier
fédéral de l'autorité et du commandement sur les forces
armées.»2
A la lecture de cet article, on est peut être tenté
d'affirmer que la guerre préventive est autorisée dès
que l'état de défense a été constatée
et promulguée. Car juste après cette
1 En ce qui concerne le respect du droit
international, la Constitution sud-africaine soumet la Force nationale de
défense aussi bien au jus ad bellum (cf. article 227 alinéa 2-d)
qu'au jus in bello (cf. article 227 alinéa 2-e)
2 Le Bundestag est l'Assemblée
législative de l'Allemagne. Tandis que le Bundesrat est le Conseil
fédéral de l'Allemagne ; il représente les Länder
(les Etats fédérés) au Parlement.
promulgation, le Chancelier a le pouvoir de disposer de la force
armée pour assurer la défense
de la nation allemande. Une fois que ce pouvoir lui a
été transmis il sera dès lors capable de procéder
à une défense offensive. Admettant une telle
interprétation de la Constitution allemande, nous pourrions dire
qu'elle autorise la guerre préventive (à condition que
l'état de défense soit promulgué). Elle fait cependant une
nuance entre celle-ci et la guerre d'agression. Toutefois, nous nous
demandons si l'histoire de l'Allemagne hitlérienne légitime
une telle interprétation qui met pour le moins un peu mal à
aise.
B- La constitution des Etats-Unis
d'Amérique
Pour ce qui est de la Constitution des Etats-Unis, elle
reconnaît en son article premier
section 8 alinéa 11 le pouvoir qu'a le Congrès
« de déclarer la guerre ». En considérant la
récente guerre en Irak qui a été
légitimée par le Congrès, on peut se demander si
cette Constitution ne conditionne pas la légalité d'une guerre au
simple critère du juste titre. C'est-
à-dire qu'il suffise que la guerre soit
déclarée par le Congrès (donc que la condition de forme
soit respectée) pour encourir légalité et justice.
Par ailleurs, une autre disposition de la Constitution
américaine offre une vision plus spécifique à la guerre
défensive par offense. Il s'agit de l'alinéa 3 de l'article
premier section
10 qui dispose qu'aucun des Etats fédérés
ne pourra « entrer en guerre, à moins qu'il ne soit
effectivement envahi ou en danger trop imminent pour permettre le
moindre délai.» Si la Constitution américaine
permet aux Etats fédérés de procéder à
une guerre offensive lorsqu'ils sont menacés de manière
imminente, alors qu'en sera-t-il de l'Etat fédéral lui-
même lorsqu'il sera menacé ? Nous considérons donc cette
disposition comme indirectement valable pour l'Union entière (les
Etats-Unis).
Quoi qu'il en soit, même si une guerre
préventive devrait être considérée comme
légale, il faut des preuves démontrant l'imminence de
l'agression en question. A défaut de cette preuve, même
théoriquement légale, une guerre préventive peut
perdre son caractère légal et devenir illégale.
Ce sont ces épineuses questions qui font parfois
hésiter quand on veut se prononcer sur
la légalité de la guerre d'Irak (en
considérant seulement l'aspect préventif de cette guerre).
Légale ou illégale, la guerre américaine en Irak ne peut
vraiment se juger que du point de vue
de sa légitimité. Car, dépourvue de la
légitimité, la légalité n'est que pure
forme. Nous
abondons ainsi dans notre deuxième partie pour traiter de
la légitimité du concept de la guerre
préventive.
DEUXIEME PARTIE :
DE LA LEGITIMITE DU CONCEPT DE LA GUERRE PREVENTIVE
CHAPITRE 1 : LA DEUXIEME GUERRE D'IRAK : LES FAITS ET
LES
MOBILES PRESUMES DU CONFLIT
Nous ne saurions apprécier la
légitimité réelle de la guerre préventive sans
procéder à une étude de cas. Plusieurs exemples
de guerre préventive existent et peuvent être
mentionnés pour mieux représenter le concept afin
d'en étudier la légitimité éventuelle.
Mais, compte tenu du contexte très brûlant de
l'actualité internationale, nous nous focaliserons exclusivement sur
la deuxième guerre d'Irak, pour mieux apprécier les
facteurs qui peuvent légitimer ou non une guerre préventive.
Après avoir fait un bref rappel des faits de la
guerre d'Irak (section 1), nous analyserons les
mobiles présumés de cette guerre (section
2).
Section 1 : Historique de la guerre d'Irak
Le 1er juin 2002, dans un discours devant
l'académie militaire de West Point à New York, le
Président américain Georges W. Bush annonça un changement
de stratégie dans la politique de défense américaine. Il
faisait allusion au droit que les Etats-Unis se réservaient de frapper
tout Etat ennemi en premier dès qu'ils se sentiraient
menacés. Cette réorientation stratégique a
été consignée plus tard, dans un document
baptisé « National Security Strategy »1
qui a été rendu public le 17 septembre 2002 (soit une
semaine après la première présentation de la menace
irakienne devant le Conseil de Sécurité de l'ONU). C'est sur
cette base sécuritaire et doctrinale d'une portée
stratégique que les dirigeants américains ont fondé
leur raisonnement en faveur de la guerre contre l'Irak
(paragraphe 1) ; guerre dont les retombées
négatives font de plus en plus jour et tendent à répugner
(paragraphe2).
Paragraphe1 : La justification officielle de la
guerre et son déroulement
Les causes officielles du conflit sont celles
annoncées par la Maison Blanche (A). Après
les avoir énoncées, nous exposerons brièvement le
déroulement de la guerre et ses points marquants
(B).
A- La justification officielle de la guerre
d'Irak
A travers son discours du 07 octobre 2002 au Cincinnati Museum
Center dans l'Ohio2,
le Président Georges W. BUSH invoquait trois (3) raisons
principales pour entrer en guerre contre l'Irak.Il s'agissait pour lui de :
- Lutter contre le terrorisme : L'Irak était
présenté par le Président Georges Bush comme un
Etat soutenant le groupe terroriste Al-Qaida3. C'est ainsi
que Georges Bush déclarait : « Nous savons que l'Irak
et Al-Qaida ont eu des contacts de haut niveau qui datent d'il y a une
décennie. Quelques chefs d'Al-Qaida qui se sont enfuis
de l'Afghanistan sont allés en Irak ; parmi eux, un
chef très important d'Al-Qaida qui
a reçu traitement médical à Bagdad cette
année et qui a été associé à la
planification d'attaques chimiques et biologiques. Nous avons appris que
l'Irak a formé des
1 Voir un extrait de ce document dans les annexes.
2 Discours disponible en annexe mais aussi sur
le site de la Maison Banche dont l'adresse de la page est la
suivante :
http://www.whitehouse.gov/news/releases/2002/10/20021007-8.es.html
3 Groupe responsable entre autres des attentats
contre le navire militaire USS Cole, des attentats contre plusieurs
ambassades
des États-Unis en Afrique et des attentats du 11 septembre
2001
membres d'Al-Qaida pour la fabrication de bombes et gaz
toxiques et mortels... L'Irak pourrait décider à tout moment
de fournir une arme biologique ou chimique à un groupe
terroriste ou à des terroristes individuels. L'alliance avec les
terroristes pourrait permettre au régime irakien d'attaquer
l'Amérique sans ne laisser aucune empreinte digitale.
»1 ;
- Eliminer les armes de destruction massive (ADM) que
l'Irak était supposé détenir.
Aux dires du Président américain, « le
régime a produit des milliers de tonnes d'agents chimiques, y compris
le gaz de moutarde, le gaz neurotoxique de sarin... Les photographies
satellites indiquent que l'Irak reconstruit des équipements
aux emplacements qui ont fait partie de son programme nucléaire dans
le passé ... Si le régime irakien peut produire, acheter, ou
voler une quantité d'uranium fortement enrichi plus grand qu'un
base-ball simple, il pourrait avoir une arme nucléaire en moins
d'une année. Et si nous permettons qu'il se passe cela, une ligne
terrible serait croisée.Saddam Hussein serait en mesure de passer
la technologie nucléaire aux
terroristes. »2
- Libérer le peuple irakien de la servitude, et de
pacifier la région du Moyen-Orient en implantant une démocratie
exemplaire en Irak : «Les vies des citoyens irakiens
s'amélioreraient spectaculairement si Saddam Hussein n'était
plus au pouvoir... L'Amérique croit que toutes les personnes
ont droit à l'espoir et aux droits de l'homme, aux exigences
non négociables de la dignité humaine... L'oppression des
Kurdes, des Assyriens, des Turcomans, des Chiites, des Sunnites et d'autres
sera levée.
La longue captivité de l'Irak finira, et une
ère de nouvel espoir commencera. » 3
Revenant à la question de l'opportunité d'une
guerre préventive contre l'Irak, et plus précisément
à celle de savoir en quoi l'Irak est une menace imminente, le
Président américain répond en disant : « Les
armes de destruction massive de l'Irak sont commandées par un
tyran meurtrier qui a déjà utilisé des armes chimiques
pour tuer des milliers de personnes. Ce
même tyran a essayé de dominer le Moyen-Orient,
a envahi et a brutalement occupé un petit
1 Extrait du discours du Président BUSH le 07
octobre 2002 en Ohio. (Ma traduction)
2 Extrait du discours du Président BUSH le 07
octobre 2002 en Ohio. (Ma traduction)
3 Extrait du discours du Président BUSH le 07
octobre 2002 en Ohio. (Ma traduction). Notons que parmi les trois motifs
avancés par la Maison Blanche, celui-ci est très peu en rapport
avec l'idée d'une guerre préventive. Il est plutôt en
rapport
avec la notion du droit d'ingérence qui ne fera pas
l'objet de nos développements puisque n'entrant pas dans le cadre de
notre étude.
voisin, a frappé d'autres nations sans avertissement,
et tient une hostilité persistante en vers
les Etats-Unis. » Ce tyran est donc une menace
imminente contre laquelle la guerre s'avère indispensable ; et de
préférence une guerre préventive. A défaut de
ce type particulier de guerre, celui-ci risque de sévir en
premier. Or les Etats-Unis n'entendent plus prendre le risque de subir
en premier depuis le 11 septembre 2001.
Les raisons avancées pour justifier de
l'opportunité d'une guerre préventive contre Saddam Hussein
ont été contestées par de nombreux analystes et
responsables politiques. Cette contestation a entraîné en son
temps, un important conflit diplomatique à l'ONU entre
les partisans de la guerre (Etats-Unis et Royaume Uni)
et ceux de la paix (France, Russie, Chine, Allemagne). Ces derniers
estiment que tous les moyens pacifiques n'avaient pas encore
été exploités. Ils préconisaient
à ce titre, qu'il fallait donner encore du temps à la mission des
inspecteurs pour qu'ils apportent les preuves nécessaires pouvant
justifier une intervention éventuelle.
Cependant, ce conflit diplomatique n'a pas pu
empêcher les partisans de la guerre d'envahir l'Irak. Il conviendra
maintenant de relater brièvement le déroulement de conflit.
B- Le déroulement du conflit
irakien
Etant donné les réticences des partisans de la paix
et la menace de leur part d'utiliser
leur droit de veto pour empêcher une approbation à
l'ONU de la guerre contre l'Irak, les forces
de la coalition1 ont décidé
d'attaquer l'Irak sans l'aval de l'ONU. Fort de l'autorisation du
Congrès donnée depuis le 10 Octobre 2002, le Président
américain déclara que « le Conseil de
Sécurité des Nations Unies ne s'est pas montré à la
hauteur de ses responsabilités. » Le 17 mars 2003, il
lança un ultimatum de 48 heures au régime irakien.
Quelques heures après la fin de l'ultimatum, les Etats-
Unis débutent la guerre d'Irak.
Ils lancent quelques missiles sur Bagdad. L'Irak
réplique comme il peut mais sans créer de grands
dégâts. Les systèmes de défense irakiens sont
très tôt pilonnés et détruits. Les
infrastructures d'importance stratégique et
psychologique sont rasées par la coalition dans
1 Les 49 pays de la coalition cités
par la Maison Blanche sont : Afghanistan, Albanie, Angola, Australie,
Azerbaïdjan, Bulgarie, Colombie, Corée du Sud, Costa Rica,
Danemark, République dominicaine, Salvador, Erytrée, Espagne
(retrait des
troupes en mars 2004, après les élections
législatives), Estonie, Ethiopie, Georgie, Honduras, Hongrie, Italie,
Islande, Japon,
Koweït, Lituanie, République de Macédoine,
Îles Marshall, Micronésie, Mongolie, Nicaragua, Ouganda,
Ouzbékistan, Palau, Panama, Philippines (jusqu'à
l'exécution d'un otage philippin en juillet 2004), Pologne,
Portugal, Roumanie, Rwanda,
Singapour, Slovaquie, République tchèque,
Royaume-Uni, Tonga, Turquie, Ukraine.
l'espoir de voir des désertions massives dans
l'armée irakienne ou un soulèvement de la population
irakienne.
Après environ trois semaines de combat,
l'armée américaine pénétra dans Bagdad, menant
des attaques contre des bâtiments symboliques du gouvernement irakien. Le
régime
de Saddam Hussein tomba dans les jours les jours qui suivirent.
L'armée américaine prit le contrôle de la capitale.
Réunis symboliquement dans un jeu de cartes, la
plupart des hauts dignitaires du régime furent capturés. En
février 2005, sur les 55 plus hauts dignitaires de l'ancien
régime, seuls 11 étaient encore en fuite. Quant à Saddam
Hussein, il avait été capturé dans une cave
par l'armée américaine à Tikrit dans
la nuit du 13 au 14 décembre 2003, avec l'aide des
Kurdes1. Le 1er mai de la même année, le
Président américain annonça la fin officielle de la guerre
contre l'Irak.
Certes, le conflit est officiellement terminé. Mais,
elle a engendré de nombreuses suites dont nous mentionnerons les
plus importantes.
Paragraphe 2 : Les suites de la guerre d'Irak
Jusqu'à présent on ne peut pas affirmer sans
gêne que la guerre irakienne est réellement terminée.
Elle continue par ses nombreuses conséquences dont un risque de plus
en plus élevé de voir la région se
déstabiliser (A). Hormis ce risque pour le moins
probable, une vive polémique a actuellement cours sur l'existence
réelle des armes de destruction massive (B).
A- Un après-guerre sombre : le risque de
déstabilisation d'une région fragile
Le renversement du régime de Saddam Hussein a eu de
nombreux inconvénients sur la
stabilité de l'Irak et risque à long terme de
déstabiliser toute la région du Moyen Orient. Pour mieux
comprendre ces inconvénients et leurs effets sur la
stabilité, il nous faudra faire un détour dans l'histoire
ethno confessionnelle de l'Irak.
En effet la composition de la population irakienne
est très complexe. Après l'effondrement de l'empire
Ottoman qui s'appuyait, pour son administration, sur les
éléments
1Encyclopédie Wikipédia. Guerre
en Irak (2oo3-2005). [En ligne]. Disponible sur :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_en_Iraq_%282003-2005%29
(page consultée le 28 octobre 2005)
sunnites, l'Irak a été créé
par les britanniques à partir de trois provinces. La
première province, Bassora, est peuplée de chiites de rite
jafârite qui représentait 55% de la population totale. La
deuxième province est Bagdad. Elle est essentiellement peuplée
-sauf la capitale qui
est mixte- de sunnites de rite hanafite qui
représentent 20% de la population totale. Enfin, Mossoul la
troisième province, est essentiellement peuplée de kurdes qui
représentent 20% de
la population totale. Ces derniers sont sunnites de rite
châfite dans leur ensemble. Au total, les
75% de la population sont arabes. Plus de 95% sont musulmans.
Les minorités ethniques sont composées de Turkmènes
(environ 500 000) et de minorités religieuses comprenant les
chrétiens (Assyriens, Chaldéens, plus nombreux que les
précédents) et les Yésidis, une secte dualiste
kurde.1 Notons aussi que les kurdes sont répartis dans toute
l'Asie de l'ouest. On les retrouve en Turquie, en Iran, en Irak, en Syrie, en
Arménie et en Azerbaïdjan.
A leur départ d'Irak, les Britanniques
confièrent le pouvoir aux sunnites alors que la majorité
était chiite. Une telle situation alimentait déjà beaucoup
de rancoeurs internes. Mais c'est le renversement de Saddam Hussein (un
sunnite) par la coalition en 2003 qui a déclenché encore
une fois les rivalités2. Ces rivalités
se sont accélérées à cause de
l'impréparation de la coalition à l'après guerre. Cette
impréparation à gérer les affrontements interethniques
pouvant découler de la guerre, démontre que la coalition
américaine n'avait pas
pris la mesure du risque que cette intervention comportait. Cette
erreur expose l'Irak et tout le
Proche-Orient à des lendemains qui oscillent entre le
chaos, la guerre civile et l'éclatement.
L'insécurité augmente sans cesse (pillages,
attaques terroristes, agressions, meurtres, prises d'otages...). Les
divisions ethniques et religieuses constituent la cause principale de
cette instabilité qui règne actuellement. De toute façon,
les désaccords entre ces différentes
communautés sont loin de se terminer3.
1 Gérard Chaliand. D'une guerre d'Irak
à l'autre : violence et politique au Moyen-Orient 1991-2004.
Paris : Métaillé, 2004,
Pp. 199-200
2 Numériquement majoritaires, les chiites
considèrent qu'ils ont été lésés depuis la
création de l'Irak par le pouvoir central qui, depuis lors, a
été toujours détenu par les Sunnites. Ils se mobilisent
donc autour du pouvoir sans vouloir le partager encore avec les sunnites qui
l'ont eu jusque ici. Or ces derniers n'entendent pas laisser faire cela. C'est
ainsi que le climat de terreur s'installe notamment avec les assassinats et
attentats que les deux camps perpètrent l'un contre l'autre
3 Le régime sera-t-il ou non
fédéral ? Comment, surtout, la rente pétrolière
sera-t-elle partagée ? Quel poids aura la charia, la
loi islamique ? Même le nom du pays a posé
problème. Les Kurdes réclamaient la référence
à son caractère «fédéral». Les chiites
demandaient l'inclusion du mot «islamique». Faute de mieux, chacun
devrait se contenter du nom actuel : république
d'Irak.
L'autonomie du Kurdistan, qui existe de facto
depuis maintenant treize ans, demeure une des principales pierres
d'achoppement. Plus encore que ses pouvoirs, ce sont ses contours qui divisent
les négociateurs. Sous le régime baasiste, la protection des
Occidentaux, qui s'arrêtait au 36e parallèle, tenait lieu de
frontière. Les Kurdes veulent aujourd'hui étendre leur
province jusqu'à Kirkuk, ville dont ils ont
été chassés par dizaines de milliers du temps de
Saddam Hussein et qui est entourée d'immenses gisements de
pétrole. Or Ankara n'a jamais cessé de répéter,
depuis le début de la crise irakienne, que le
Tout départ précipité des forces de la
coalition entraînera une guerre civile à coup sûr. Qu'elles
le veuillent ou non, les forces de la coalition risquent d'en avoir
encore pour longtemps en Irak. Elles ont maintenant l'obligation d'y rester,
même si entre temps, une vive polémique s'est
déclenchée au sujet des raisons évoquées pour
justifier une intervention préventive aussi périlleuse.
B- Polémique à propos des armes de
destruction massive
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, plusieurs enquêtes ont eu
lieu et sont encore en
cours afin de déterminer les responsabilités
à propos de fausses informations sur la présence d'armes de
destruction massive en Irak, raison qu'avaient invoquée les
Etats-Unis et le Royaume-Uni pour justifier leur intervention
armée.
Courant juillet 2003, différentes commissions ont
été ouvertes, au Royaume Uni et aux Etats-Unis à propos
des faux documents sur la présence d'armes de destruction
massive, soumis par ces gouvernements à leur population. La CIA est
remise en cause. Quelques uns
de ses experts avaient alors été envoyés
pour retrouver ces armes.
Le 23 janvier 2004, David Kay, chargé de la
recherche des armes de destruction massive en Irak par le gouvernement des
Etats-Unis, démissionne et proclame qu'il n'y a pas
eu d'armes de destruction massive produites depuis la fin de
la première Guerre du Golfe.Un remplaçant a été
nommé à sa place pour continuer la recherche. Colin
Powell confirme également qu'il y a peu de chance pour qu'il y
ait eu des armes de destruction massive en Irak1.
Le 1er mars 2004, l'Australie lance à
son tour une enquête indépendante sur une possible
exagération de la menace que représentaient les ADM. Le
18 mars, le Président polonais Aleksander Kwasniewski
déclare que son pays « a été mené
en bateau » sur
l'existence d'armes de destruction massive en
Irak2.
contrôle par les Kurdes de cette ville, serait un
motif d'intervention de l'armée turque. Cette position s'explique
par une
crainte essentielle : « en prenant le
contrôle des puits de pétrole, les kurdes se donnent les
moyens d'une politique indépendantiste dont les conséquences
pourraient se faire sentir dans les provinces turques à majorité
kurde où une rébellion sanglante, entre 1984 et 1999, a fait plus
de 36 000 morts », notent les observateurs de la région.
1Encyclopédie Wikipédia. Guerre
en Irak (2oo3-2005). [En ligne]. Disponible sur :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_en_Iraq_%282003-2005%29
(page consultée le 28 octobre 2005)
2Radio France. Armes de destruction
massive en Irak : plus d'un an de polémique.
[en ligne]. Disponible sur :
http://www.radiofrance.fr/reportage/dossiers/irak/reperes.php?i_id=15000008
(page consultée le 28 octobre 2005)
Aux fils des révélations de l'actualité
internationale, il apparaît de plus en plus clair
que l'existence présumée d'ADM ayant
justifié une intervention préventive en Irak, n'a jamais
été vérifiée. Les Etats-Unis ont en effet
renoncé depuis peu à la recherche de telles armes
après plus de deux ans de quêtes infructueuses. A ce sujet Georges
Bush déclara : « Je pensais que nous trouverions des armes de
destruction massive. Beaucoup ici aux Etats-Unis, beaucoup dans le monde, les
Nations unies, pensaient qu'il (Saddam Hussein) avait des armes
de destruction massive et nous devons trouver
ce qui a cloché dans la collecte de renseignements.
» Cependant, le Président américain a aussi
indiqué qu'il ne regrettait "absolument" pas d'avoir envahi l'Irak en
mars 2003, même s'il n'y a pas trouvé d'armes de destruction
massive. Selon lui, « Saddam était dangereux et le monde est un
endroit plus sûr
maintenant qu'il n'est plus au pouvoir
»1.
S'agirait-il donc d'une manipulation pure et simple de l'opinion
publique à propos de
ces fameuses ADM ? Si c'est le cas, il y a toutes les raisons
de penser que d'autres mobiles ou enjeux de taille ont motivé le
renversement du régime baasiste. Il nous revient dès
lors, d'essayer de faire ressortir les probables mobiles ou enjeux qui auraient
pu pousser les Etats- Unis à envahir l'Irak sous le prétexte
d'une menace imminente.
Section 2 : Les mobiles présumés de
l'intervention
Beaucoup de supputations ont eu cours sur les mobiles
plus ou moins cachés de la guerre irakienne. Il a
été dit que le Président Bush a voulu mener
à terme le travail laissé inachevé par son père
; qu'il fallait venger l'affront du 11 septembre 2001, ou faire diversion
après l'échec des tentatives de capture de Ben Laden, ou
encore s'assurer le contrôle des gisements pétroliers. La
presse arabe est allée même jusqu'à parler, d'un
complot sioniste, conduit par un petit groupe d'idéologues
néo-conservateurs, pour remodeler le Proche-Orient
au profit d'Israël, d'une croisade intégriste
chrétienne contre l'islam, d'une entreprise néo- coloniale,
impériale...
Dans le cadre de notre étude nous ne prétendrons
pas à pouvoir développer tous ces aspects soulevés. Nous
nous baserons seulement sur les mobiles les plus pertinents et les plus
1Radio France. Irak : les USA
renoncent à la quête d'ADM. [En ligne].
Disponible sur :
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-info/minisites/monde/index.php?m=2&numero=85000022
(page consultée le 28
octobre 2005)
développés qui auraient poussé la
coalition à intervenir en Irak. La plupart de ces analyses sont
propres aux Etats-Unis mais n'épargnent pas pour autant tous les pays de
la coalition ; le
cas de la Pologne sera par conséquent
étudié.
Les mobiles que nous allons étudier peuvent être
rangés en deux groupes : les mobiles
qui semblent plus ou moins légitimes
(paragraphe1) et ceux qui font l'objet d'une
dénonciation tapageuse (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les mobiles plus ou moins
légitimes
Deux principaux arguments retiennent notre attention dans le
groupe des mobiles qui semblent moins intéressés. Le premier
concerne les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis (A). Le
second est en rapport avec la deuxième guerre mondiale. Il concerne
directement le passé de la Pologne (B).
A- Le choc provoqué par l'affront du 11
septembre 2001
Les attentats du 11 septembre 2001 ont suscité un choc
émotionnel comme on en voit
très rarement. Pour la première fois depuis 1812
les Etats-Unis ont été frappés par un ennemi
extérieur sur leur territoire continental. Les pertes humaines subies
dans cette attaque en une seule journée représentent
l'équivalent de trois fois Pearl Harbor, ou encore près
d'un huitième des pertes totales subies pendant la guerre du
Viêt-Nam1. Ces attentats ont touché les deux symboles
de la puissance américaine ; le symbole militaire avec le
pentagone, et le symbole économique avec le World Trade Center.
S'en fallait-il de très peu pour que la Maison Blanche soit
aussi atteinte. Néanmoins, l'objectif visé par les
terroristes avait été atteint : la vulnérabilité
de la super puissance américaine fut mise à nu.
Ces attaques constituaient donc bel et bien une
déclaration de guerre. Mais une déclaration de guerre de la
part de quel Etat, lorsqu'on admet que le groupe Al Qaïda a sans doute
agi avec la collaboration de certains Etats dans l'ombre ? Le premier
Etat complice trouvé sur la base des preuves et d'une
manière légitime par la communauté internationale
était l'Afghanistan. Une campagne sous mandat de l'ONU avait
alors été très tôt menée
contre le régime des Talibans.
1Pascal Boniface (sous la direction de). Les
leçons du 11 septembre. Paris : PUF, 2001, p. 8
Mais persuadés que la guerre aux Talibans
n'était que la première phase d'une guerre globale en
réponse au 11 septembre, les Etats-Unis ont continué d'identifier
à leur manière les autres complices ayant participé de
près ou de loin à cet affront. En son temps, le Président
américain avait même été autorisé par
le Congrès à « user de toute la force
nécessaire et appropriée contre les nations, Organisations ou
personnes, qui selon lui ont planifié, ou aidé
à commettre les attentats »1.
Le 20 septembre 2001, soit neuf jours après les
attentats, la campagne contre le terrorisme a été
explicitée par le Président lors d'un discours devant le
Congrès. Cette campagne ne sera pas limitée à une
série de bombardements punitifs ou à une grande bataille, mais
elle impliquera une « campagne prolongée »
s'étendant à plusieurs théâtres
d'opération jusqu'à ce que « chaque groupe terroriste
à visée mondiale ait été découvert,
arrêté et détruit
». Cette campagne prolongée a
été par la suite étendue à l'axe du mal (Irak, Iran
et Corée du
Nord) en raison de l'intention de ces pays de développer
des armements nucléaires, chimiques
et bactériologiques2. Or depuis le 11
septembre, les Etats-Unis craignent de manière
obsessionnelle la jonction entre la technologie chimique et le terrorisme
international.
Le lundi 12 septembre 2002, soit un an après les
attentats, le Président Bush présente devant le Conseil de
Sécurité, la guerre d'Irak comme une manière de
prévenir cette jonction.
Le 11 septembre 2001 a donc changé la donne de
la défense aux Etats-Unis : ceux-ci n'entendent plus subir avant de
réagir.
En réalité, l'argument qui consiste en la
prévention d'une jonction entre les armes biologiques et le
terrorisme, aurait pu tout à fait être juste. Il aurait pu
être juste s'il en existait
les preuves contre l'Irak. Mais ce n'est pas le cas.
3
Le 11 septembre 2001, bien qu'étant une raison
historique déterminante dans la politique de défense des
Etats-Unis, ne suffira pas à justifier leur engagement en Irak. En ce
qui concerne la Pologne, quelles pourraient bien
être les raisons historiques qui l'auraient
poussé à s'engager aux côtés des
Etats-Unis ?
1Pascal Boniface (sous la direction de). Les
leçons du 11 septembre. Paris : PUF, 2001, p. 47
2 Michael T. Klare. Les vrais desseins de M.
George Bush. Le monde diplomatique, novembre 2003. [En ligne].
Disponible
sur :
http://www.monde-diplomatique.fr/2002/11/KLARE/17285
(page consultée le 03 novembre 2005)
3 Certes les Etats-Unis peuvent estimer qu'ils en ont
donné les preuves en Février 2003 devant le CS des NU.
Mais doit-on confondre les preuves formelles à des indices
dont la fiabilité n'est non plus prouvée ? Cela nous interroge
sur les modalités de preuve d'un danger imminent.
B- Les raisons historiques de l'engagement polonais
dans le conflit
Il ressort du passé de la Pologne et même de
l'histoire de l'humanité que si une guerre
préventive avait été réussie
contre Hitler, il n'aurait pas eu à causer tant de
dégâts dans le monde. Certains documents que nous avons
consultés au cours de nos recherches nous ont
révélé que la Pologne, de peur de n'être envahi par
l'Allemagne nazie, avait mis sur pied un projet de défense
préventive qui n'avait malheureusement pas abouti.
Nous allons exposer ici ce qu'a été la
proposition polonaise de guerre préventive contre Hitler
accédant au pouvoir en Allemagne en 1933. Cette connaissance de
l'histoire de l'Europe nous permettra de mieux comprendre pourquoi la
Pologne s'est engagée dans la guerre préventive contre
l'Irak.
Dans l'entre-deux-guerres, à partir de 1922, le
fascisme s'était déjà installé en Italie et
l'hitlérisme s'emparait du pouvoir en Allemagne. C'est alors que
commença, à l'initiative de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Union
soviétique et du Japon, une nouvelle phase de la course aux armements
à l'échelle internationale. Cela ébranla la
conviction que les traités et les engagements entre Etats seraient
respectés. Les conférences internationales confirmèrent
que
les obligations contractées avaient leur valeur de
chiffon. Le chef de cabinet du Duce, le baron
Aloisi, propageait ouvertement, à haute voix, la
révision de la frontière germano-polonaise.1
C'est alors que, réunissant informations et
analyses du renseignement et de la diplomatie, le Maréchal
Pilsudski2 fit à Paris en 1933, la proposition
d'une "guerre préventive" contre le nouveau régime nazi. Le
concept et le projet polonais de cette "guerre préventive"
étaient fondés sur trois initiatives simultanées :
1) concentrer des troupes polonaises en Poméranie et
autour de la Prusse orientale ;
2) demander qu'une Commission internationale examine
l'état des armements secrets allemands, fabriqués en infraction
au Traité de Versailles ;
3) suggérer en cas de refus de l'Allemagne d'autoriser
l'examen de son potentiel militaire, l'armée française occupe la
Rhénanie et l'armée polonaise la Prusse
orientale et la Silésie.
1Alexandra Viatteau. 1933-2003: La guerre
préventive selon Varsovie et Washington. Classiques de
science politique. Classique N°4. [En ligne]. Disponible sur :
http://www.diploweb.com/science-politique/guerrepreventive.htm
[page consultée
le 27 septembre 2005])
2 Le Maréchal Pilsudski était le chef
d'Etat de la Pologne. Il joua un rôle prépondérant dans la
création de l'Etat Polonais à partir de 1918.
La réponse de la France à la Pologne fut
que la société française ne tolérerait pas
d'offensive franco-polonaise contre Hitler et que cela pourrait
être interprété comme une agression aux termes du Pacte
Briand-Kellog de 1928. 1
En tout état de cause, la position française
peut se comprendre. L'Allemagne en cette période était
militairement plus puissante par rapport à une France qui
peinait encore à se relever de la crise économique de 1929.
Déclarer une guerre préventive à l'Allemagne aurait donc
été un péril audacieux et inutile. Cet acte aurait
légitimé par anticipation une invasion de
la France et de la Pologne par l'Allemagne.
Toutefois, il n'en demeure pas moins que l'inaction des
puissances européennes dans l'entre deux guerres vis-à-vis de
l'Allemagne a poussé celle-ci à aiguiser son bellicisme et
à envahir plus tard la Pologne. C'est cette invasion qui a
d'ailleurs déclenché la deuxième guerre mondiale dont
on n'ignore plus les conséquences sur la Pologne et le reste du
monde.
D'après Alexandra Viatteau, il semble que c'est
dans l'intention de prendre une revanche sur le passé, que la
Pologne a vite fait de saisir l'occasion irakienne d'une guerre
préventive. Cela pourrait laisser croire que lutter
préventivement contre Saddam Hussein, aurait pour
conséquence d'éviter un désastre pareil à
celui orchestré par Hitler. Seulement, dans le cas de Saddam
Hussein, la menace a été plus démontrée dans le
verbe que dans les faits. Le mobile polonais est donc tout aussi critiquable
que celui du choc provoqué aux Etats- Unis par le 11 septembre.
Pour toutes ces raisons nous pensons que ces motivations
ne sont pas totalement légitimes d'où le thème "plus ou
moins". Maintenant il convient de présenter les motivations
les plus controversées.
Paragraphe 2 : Les mobiles les plus controversés
Le pétrole est considéré comme
l'enjeu majeur ayant déterminé l'engagement des Etats-Unis
en Irak (A). Hormis l'enjeu pétrolier de cette guerre,
certains analystes voient en l'invasion de l'Irak, la première
phase de la mise en oeuvre d'une idéologie stratégique
et
impériale élaborée soigneusement par
« les faucons »2 du gouvernement
américain (B).
1 Waclaw Jedrzejewicz, The Polish Plan
for a "Preventive War" against Germany in 1933. New York:
éd. The Polish
Review, 1966. (Cité par Alexandra Viatteau. Op cit.)
2Les membre du gouvernement qui ont
été surnommés les « les faucons »
sont : le Vice-Président des Etats-Unis Dick
Cheney, le chef du Pentagone Donald Rumsfeld et son adjoint Paul
Wolfowitz.
A- L'enjeu pétrolier
Le contrôle du pétrole irakien est, selon la plupart
des opposants à une guerre contre
l'Irak, la raison principale pour laquelle
l'administration Bush est parvenue à une confrontation
militaire dite préventive.
En réalité, plus des deux tiers des
réserves mondiales connues de pétrole se trouvent
concentrés sous le sol de quelques Etats situés en
bordure du Golfe : Iran, Irak, Koweït, Arabie saoudite, Qatar et
Emirats arabes unis. Pour les pays développés, et surtout pour
les Etats-Unis, grands dilapidateurs d'énergies, cette région
joue un rôle capital et détient l'une
des clés fondamentales de leur croissance et de leur mode
de vie. Toute intervention contre
des pays du Golfe est donc considérée comme une
menace pour les intérêts vitaux des Etats- Unis: «Toute
tentative, de la part de n'importe quelle puissance
étrangère, de prendre le contrôle de la région du
golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les
intérêts vitaux des Etats-Unis d'Amérique. Et cette
attaque sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y
compris la force militaire » déclarait le Président
américain Jimmy Carter dans
son discours sur l'état de la nation en 1980.
1
Cette déclaration témoigne de toute l'importance
de la région du golfe arabo-persique pour les Etats-Unis qui depuis 1945
n'ont cessé d'accroître d'une manière ou d'une autre, leur
influence dans la zone. Toutefois, deux importants pays
échappent à la mainmise de Washington : l'Iran, depuis la
révolution islamique de 1979, et l'Irak, depuis l'invasion du
Koweït, en 1990. L'Arabie saoudite est elle-même devenue suspecte
depuis les attentats du 11 septembre 2001 en raison de ses liens avec
l'islamisme militant et de l'aide financière qu'auraient
apportée des Saoudiens au réseau Al-Qaida. Il y a donc un risque
de voir baisser l'influence exercée par les Etats-Unis.
Or ceux-ci ne peuvent pas tolérer une situation
pareille surtout en l'état actuel où un rapport de la
National Energy Policy Development Group, rédigé
par le Vice-Président Richard Cheney, indiquait que la
dépendance américaine en pétrole étranger devrait
passer de
52 % de la consommation totale en 2001 à 66 % en 2020.
Ainsi les Etats-Unis vont devoir
1Ignacio Ramonet. De la guerre
perpétuelle. Le monde diplomatique, mars 2003. [En
ligne]. Disponible sur :
http://www.monde-diplomatique.fr/2003/03/RAMONET/9870
(page consultée le 03 novembre 2005)
importer, en 2020, 60 % de pétrole de plus qu'aujourd'hui,
passant ainsi de 10,4 millions de barils par jour à environ 16,7
millions1.
Selon les analystes, c'est l'Irak qui a
été désigné comme première cible afin
de répondre à ces besoins en hydrocarbure. Pour ce faire, Saddam
n'étant plus sous « la tutelle américaine »
depuis la guerre du golfe, il faudra l'écarter du pouvoir
et installer un gouvernement favorable aux Américains. Cela
permettrait à ceux-ci de mettre plus facilement
la main sur les réserves de l'Irak (les
deuxièmes plus importantes du monde). Cela permettrait aussi, par la
levée de l'embargo, de financer un programme pour l'exploitation
davantage de nouveaux gisements dans le pays. L'Irak pourrait ainsi quadrupler
sa production actuelle de
1,5 millions de barils/jour. Pour l'heure, le pays
n'en exploite que la moitié. Selon le quotidien britannique The
Guardian, des réunions entre l'ancienne opposition irakienne et des
représentants du gouvernement américain avaient même
eu lieu à ce titre. Ces réunions avaient pour but
d'après le même quotidien, d'évoquer l'avenir du
pétrole après Saddam.2
La guerre contre l'Irak ne serait donc due
qu'à ses richesses pétrolières tant
convoitées. Mais les enjeux de cette guerre ne se limitent pas qu'au
pétrole. Selon ce qui est
dit dans la presse, elle se justifie aussi par l'ambition
nouvelle des Etats-Unis de dominer le monde.
B- L'enjeu hégémonique et
impérialiste
L'invasion de l'Irak est considérée par certains
comme la première grande étape d'une
redéfinition de la géopolitique mondiale et du
rôle que les Etats-Unis entendent y jouer. Cette vision aurait
été élaborée avant le 11 septembre. Mais, ce
sont les crimes commis par Al Qaeda ce jour du 11 septembre qui ont
permis d'obtenir le soutien du peuple américain.
En effet, dès avant l'accession de G. W. Bush au
pouvoir, un "think tank" (réservoir à pensée)
républicain avait sorti « The Project for the New
American Century »3. Sont signataires de ce
document : Dick Cheney qui est devenu Vice-Président, Donald Rumsfeld
devenu Secrétaire à la Défense et Paul Wolfowitz
devenu adjoint au Secrétaire à la
Défense.Les objectifs de ce projet étaient :
1Michael T. Klare. Op cit.
2Radio France. L'Amérique et l'or
noir irakien. Reportage diffusé le 28 janvier 2003. [En
ligne]. Disponible sur :
http://www.radiofrance.fr/reportage/dossiers/irak/reperes.php?type=4
(page consultée le 03 novembre 2005)
3 Projet pour un nouveau siècle
américain
- Défendre l' « American Homeland »
(terre américaine) ;
- Combattre et gagner de manière
décisive sur plusieurs théâtres d'opération
simultanés : on peut avoir un front au Moyen-Orient et un
autre en Asie (comme durant la seconde guerre mondial, en Europe et en Asie)
;
- Mener des opérations de "gendarmerie" au niveau
planétaire.
- Assurer la révolution dans la gestion des affaires
militaires. A ce niveau il est prévu le développement massif de
nouveaux systèmes d'armement. Dans ce contexte, il est aussi
envisagé la reprise de la recherche et des essais
nucléaires.1
La « stratégie de sécurité
nationale » (NSS) publiée en septembre 2002, ne serait donc
que l'officialisation de cette ambition militaire et idéologique.
Ce document (la NSS), commente un journaliste, « affirme que si le
gouvernement américain décide unilatéralement qu'un Etat
représente une menace future pour les Etats-Unis, (...) ceux-ci
interviendront préventivement pour éliminer la menace, si
nécessaire en procédant à un "changement de
régime" »2 Il
préconiserait une domination américaine dans toutes les
régions du monde. Les
Etats-Unis agiront donc préventivement afin
d'anticiper des actes hostiles de la part de leurs adversaires potentiels et
de les dissuader d'accroître leur force militaire dans l'espoir
de surpasser ou d'égaler la puissance américaine.
Selon cette doctrine, les Etats-Unis doivent en effet
s'assurer une force militaire sans égale pour pouvoir imposer
partout leur volonté. Il leur faut donc anticiper l'apparition
d'Etats capables de bloquer leurs impératifs. L'Irak représentait
à cet égard, un pays-clé dans une
région-clé. Mais il s'agirait aussi d'empêcher qu'un jour
les puissances nucléaires comme
la Chine et la Russie ne remettent en question leur
hégémonie globale.
La guerre en Irak marquerait donc l'apogée d'une
décennie de travail intellectuel et politique intense d'un petit groupe
de néoconservateurs qui ont cristallisé leurs ambitions sous
la présidence de George Bush.3
Vu tout cela, peut-on accepter aussi facilement que les Etats
usent du concept de la guerre préventive pour mener une politique
impérialiste, agressive ou bien à d'autres fins peu honorables ?
Est-ce qu'une telle attitude est de nature à légitimer la guerre
préventive ?
Nous donnerons la réponse à ces questions dans le
chapitre suivant.
1 Cf. Philip S. Golub. Métamorphoses
d'une politique impériale. Le monde diplomatique, mars 2003.
[En ligne]. Disponible
sur :
http://www.monde-diplomatique.fr/2003/03/GOLUB/9964
(page consultée le 31 août 2005)
2 Hicham Ben Abdallah El Alaoui. Le monde
arabe au pied du mur. Le monde diplomatique, octobre 2003, p. 18
3 Hicham Ben Abdallah El Alaoui. Op-cit. p.18
CHAPITRE 2 : QUELLE LEGITIMITE POUR LE CONCEPT DE LA
GUERRE
PREVENTIVE AU REGARD DE LA CROISADE IRAKIENNE ?
La guerre d'Irak nous a inspiré plusieurs
idées concernant la légitimité de la notion de
l'action préventive1. Nous dégagerons d'elle
d'une façon très générale, quelques
facteurs pouvant légitimer une guerre préventive et quelques
autres qui ne la légitiment point. Ce
n'est que de là, après comparaison des
deux groupes de facteurs, que nous pouvons dire à la fin si le
concept de la guerre préventive est légitime et à
quelles conditions elle l'est.
D'une part nous verrons les facteurs de légitimité
du concept (section 1) et d'autre part les facteurs
qui tendent à le désavouer (section
2).
1 Mais toutes ces idées ne sont pas tout
à fait nouvelles en soi. La plupart d'elles sont inhérentes au
concept de la guerre préventive. La guerre d'Irak n'a suscité
que l'émergence de quelques rares facteurs tels que : la mobilisation
de la masse
internationale contre le concept, la reconnaissante tacite de
l'ONU et quelque part le terrorisme international.
Section 1 : Les facteurs favorables à la
légitimité du concept de la guerre préventive
Au regard de l'intervention américaine en Irak, les
facteurs qui contribuent à légitimer
la doctrine de la guerre préventive sont au nombre de
deux : primo, l'insécurité internationale (paragraphe 1)
due à l'émergence des groupes terroristes de renom et
à la menace nucléaire ; secundo, la reconnaissance
apportée au concept par l'ONU (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'insécurité
internationale
Pour envahir l'Irak, les Etats-Unis ont
présumé que celui-ci détenait des ADM et comptait
acquérir des armes nucléaires en vue de les transmettre à
des groupes terroristes. De
ces motifs, en admettant qu'ils sont avérés, on
peut déduire comme facteurs légitimant une guerre
préventive, non seulement le terrorisme international, mais
également l'insécurité des Etats vis-à-vis de la
menace nucléaire et chimique. Face à ces deux menaces, n'importe
quel Etat serait tenté d'invoquer cette doctrine, s'il en avait
les moyens. Il est difficilement acceptable pour tout Etat soucieux de
sécurité, de se laisser souffrir une attaque terroriste
avant de l'inhiber.
Pour ce faire nous expliquerons premièrement en quoi le
terrorisme international peut s'avérer être une agression et
mériter en tant que tel une répression de type
préventif au moyen même d'une guerre (A).
Deuxièmement nous montrerons le danger que peut constituer une menace
nucléaire, chimique, ou biologique pour l'humanité
entière. C'est après avoir dévoilé les risques
d'une telle menace, que nous dirons sous quelle condition la guerre
préventive est légitime lorsqu'il s'agit de
l'insécurité nucléaire (B).
A- Le terrorisme international : une menace à
la défense nationale des Etats
Nous montrerons dans ce sous paragraphe, en quoi le terrorisme
peut constituer une
menace de défense et plus
précisément une agression de sorte à justifier
légitimement une guerre de défense préventive. Mais
d'abord nous essayerons de donner une définition de ce
phénomène.
Il ressort du rapport du Secrétaire
Général des Nations Unies, « Dans une liberté
plus grande : développement, sécurité et respect des
droits de l'homme pour tous », une définition
intéressante du terrorisme international. Celui-ci est
défini comme « tout acte commis dans l'intention de causer
la mort ou des blessures graves à des civils ou à des
non-combattants,
dans le dessein d'intimider une population ou de
contraindre un gouvernement ou une
Organisation internationale à accomplir un
acte ou à s'abstenir de le faire »1. Ce
rapport rejette en outre, toute idée de l'existence d'un terrorisme
d'Etat mais n'exclut pas pour autant que le terrorisme, dans sa forme globale,
soit une menace à la défense des Etats.
Reconnaître en effet que le terrorisme est une
menace de défense, reviendrait à lui attribuer la
qualification d'une véritable agression, au sens le plus grave
du terme. Cela reviendrait aussi à dire qu'en tant que tel, les
groupes terroristes sont des armées potentielles
et que la réponse militaire serait une option de
défense contre ces supposées armées.
La plupart des Etats ont érigé en
principe, l'approche guerrière et militaire du
phénomène terroriste2 compte tenu de l'ampleur
et de la gravité de certaines opérations terroristes qui
prennent la forme d'une réelle déclaration de guerre. Les
exemples d'Israël et
des Etats-Unis d'Amérique peuvent être donnés
parmi les Etats qui ont fait cette option3. De
plus, on peut lire dans le livre blanc de la défense
nationale française de l'année 1994 que :
« certaines formes d'agression comme le terrorisme ou,
dans plusieurs de ses conséquences,
le trafic de drogue, prennent des dimensions telles
qu'elles peuvent menacer la sécurité ou l'intégrité
du pays ; la vie de la population ou contrarier le respect de ses
engagements internationaux. Elles relèvent dès lors de la
défense au sens de l'article 1er de l'ordonnance
du 7 janvier 1959»4. Le terrorisme
est donc considéré comme une menace pour la
défense
nationale ; ce qui implique qu'il laisse le champ ouvert
à une réponse de type militaire. C'est d'ailleurs l'exemple
concret de l'intervention américaine en Afghanistan qui a
été revêtue d'une légitimité consensuelle.
Cependant, la voie ouverte à l'option militaire de la guerre au
terrorisme, justifie t-elle pour autant une action militaire préventive
?
Certains Etats, et plus principalement les E-U, estiment
que oui. Car les nouvelles caractéristiques du terrorisme de masse
ne laissent guère le choix à l'Etat qui ne peut attendre
1 Précisons que cette définition quoi
que pertinente, n'a pas fait l'objet d'unanimité au sein des Etats
à cause de certaines tares qu'elle comporte. Au nombre de ces tares,
nous pouvons aisément remarquer qu'elle ne différencie pas le
terrorisme
d'une prise d'otages par exemple ; la prise d'otages peut ne pas
être du terrorisme mais peut consister pourtant à faire du
chantage à un gouvernement ou à une Organisation internationale.
En réalité, seul le contexte peut permettre de savoir si c'est
du terrorisme.
2 L'approche guerrière et militaire du
terrorisme signifie que les terroristes ne sont plus considérés
comme des civils. On leur attribue le statut de combattants militaires. Par
conséquent, ils sont traités comme tels. C'est pour cette raison
que certains prisonniers terroristes sont envoyés par l'armée
américaine à la prison militaire de Guantanamo.
3 Le cas d'Israël se justifie à deux
égards : l'exiguïté de son territoire et la nature
continuelle des attentats terroristes. Tandis que celui des E-U se justifie
assez largement par le 11 septembre qui a révélé au monde
entier les pires faces du terrorisme international.
4 Didier Bigo, Sophie Body-Gendrot, Philippe
Bonditti, et al. Défense et identités : un contexte
sécuritaire global ? Paris : L'harmattan, 1989, p. 19
de subir des pertes aveugles avant de réagir. En effet
ce nouveau type de terrorisme est celui illustré par les attentats du 11
septembre 2001 où les groupes terroristes cherchent à infliger le
plus de victimes possibles. Ils planifient les attaques sur plusieurs
années (formation de pilotes d'avions de lignes dans des écoles
occidentales, entraînement sur la stratégie d'attaque dans des
camps militaires sur une longue durée). Ils s'organisent en
branches dans tout le monde entier et capables de sévir
n'importe quand (exemple des attentats de Madrid et de Londres...).
Enfin, ils disposent d'une surface financière assez large et du soutien
de certains Etats. Surtout en fonction de cette dernière
caractéristique qui rend leur traque plus difficile,
les Etats peuvent estimer avoir le droit d'agir par la force
préventive pour se protéger.
Si toutefois ce droit ne leur est pas reconnu, il appartient
au minimum au Conseil de Sécurité des NU d'en faire usage
pour les protéger, surtout si la menace en question
était combinée à l'usage d'une arme biotechnologique.
B- L'insécurité nucléaire et
biotechnologique
Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui pensent que le risque
de développement des
ADM par les Etats ou par les groupes terroristes, de
manière clandestine, est de plus en plus élevé.
«Les agents biologiques possèdent des
caractéristiques propres qui les rendent particulièrement
attractifs à des fins terroristes ». Au nombre de ces
caractéristiques, nous avons : la relative facilité de
production de ces substances, la difficulté à les
détecter, leur terrible impact psychologique, en plus ils ne
coûtent pas aussi chers que la fabrication d'armes
nucléaires.1 Les armes biologiques, moins chères que
les engins nucléaires, sont donc
à la portée de tous les Etats et groupes
terroristes. Toutefois, « si la probabilité qu'un engin
nucléaire tombe dans les mains de terroristes est
réduite, on ne peut l'écarter totalement, et
les conséquences en seraient catastrophiques
».
De cela on peut déduire que la menace, qu'elle soit
nucléaire, chimique, biologique ou même radiologique, existe
réellement et peut être mise en oeuvre de deux
différentes manières : soit par le biais d'un « Etat
voyou », soit par le biais d'un groupe terroriste agissant seul ou
agissant en collaboration avec un « Etat voyou ». Si il
arrivait que cette menace se réalise, plus personne n'en ignore les
conséquences. Il ne suffira qu'à jeter un regard sur les
effets encore actuel du largage des deux bombes atomiques sur
Hiroshima et Nagasaki2. (Voir
1Cf Dominique LEGLU. La menace, Bioterrorisme :
la guerre à venir. Paris : Robert Laffont, 2002, p. 171
en annexe l'image des ravages orchestrés par cette
bombe à Hiroshima). Pour empêcher que
ces conséquences redoutables ne se reproduisent sous
une forme terroriste ou agressive, la guerre préventive est-elle
envisageable ?
Quelque part, il est possible de répondre par la
négative, en donnant comme argument
la primauté de la prévention pacifique. Cette
prévention pacifique passe indiscutablement par
la politique de non prolifération dont l'axe
central est le traité de non prolifération (TNP). Sous un
certain angle, le traité a fonctionné. Depuis les années
1960, plus de vingt pays ont
tiré un trait sur des programmes d'armement
nucléaire, tout comme récemment la Libye.
Mais, paradoxalement, ce traité n'a pu
empêcher certains pays de développer leur armement. Certains
Etats refusent d'y adhérer (Israël, Inde, Pakistan), et d'autres
après y avoir adhéré, se retirent en le
dénonçant (Corée du Nord).1 La
prolifération nucléaire observée malgré la
prévention pacifique, démontre que cette seule voie ne suffit pas
pour empêcher les Etats de développer ces armes (voir en
annexe carte des pays disposant d'armes ou de programmes
nucléaires). Certes, il faudra la privilégier. Mais en cas
d'échec, que faire pour qu'une arme aussi dangereuse ne tombe en de
mauvaises mains ?
C'est à ce niveau que nous admettons le droit
de recourir à la force de manière préventive.
Toutefois, précisons que pour être légitime, ce droit ne
devrait être reconnu qu'au Conseil de Sécurité. Son
usage ne doit intervenir que si toutes les voies pacifiques ont
été épuisées en vain. Le Conseil de
Sécurité des Nations Unies pourra peut être le
déléguer à un Etat agissant seul, s'il le juge opportun. A
défaut d'une telle délégation, aucun Etat ne devrait
se prévaloir du droit à une guerre
préventive s'il s'agit du cas précis d'une menace due à la
prolifération nucléaire illicite. L'intervention du Conseil
doit être considérée comme le prolongement de l'action
de l'AIEA (agence internationale de l'énergie atomique). Elle doit donc
être le dernier recours. Mais ce recours se doit d'être
préventif. Son but est d' épargner l'humanité
entière des risques de l'utilisation malencontreuse, par des
groupes ou Etats
malintentionnés, des ADM.
2Les bombes larguées sur ces deux villes
japonaises ont causé respectivement sur place, 140 000 morts à
Hiroshima et 74 000
à Nagasaki. Soixante ans après, le nombre
d'irradiés (les survivants et leurs descendants atteints de
diverses séquelles)
s'élève à 266 600 selon les
autorités japonaises. (Cf. Yoshibumi Wakamiya. Pesantes
leçons de Hiroshima, Courrier international, N° 770 du
4 au 24 août 2005, p. 11)
1 En 1986, l'affaire Vanunu a pu
révéler au monde entier qu'Israël possédait un stock
de 200 bombes. Puis, en 1998, l'Inde a procédé à cinq
essais nucléaires. Deux semaines plus tard, le Pakistan en effectuait
six. (Cf. Bob Edwards. Elle court, elle
court la bombe.Courrier international, N°
770 du 4 au 24 août 2005, p. 9)
Sans avoir à le répéter encore, il
semble que l'insécurité internationale légitime
très bien le concept de la guerre préventive. Mais si
cela laisse encore douter quelques-uns, il faudra qu'on se
réfère à la reconnaissance apportée par
l'Organisation des Nations Unies à la notion.
Paragraphe 2 : La reconnaissance ambiguë du concept de
la guerre préventive par l'ONU
L'ONU, à notre avis a apporté sa
légitimation à ce concept par deux fois de suite. La
première fois, cela s'était produit pendant la période
ayant précédé la guerre d'Irak (A). La
deuxième fois, c'était au cours du fameux projet de
réforme de l'ONU où Kofi Annan avait proposé
l'élaboration d'une résolution à caractère
fondamental pour les décisions du Conseil
de Sécurité d'entrer une guerre («
code d'entrée en guerre ») et qui prenne en compte
les possibilités d'une intervention préventive
(B).
A- L'ONU dans la tourmente de l'avant-guerre
d'Irak
A l'analyse de l'évolution chronologique des faits depuis
le 12 septembre 2002 quand
le Président Bush a présenté son rapport
« une décennie de mensonges et de défis »
devant le Conseil de Sécurité, jusqu'aux derniers jours
de négociation à l'ONU avant la guerre, il ressort que
cette institution a tacitement reconnu la notion elle-même de
guerre préventive depuis toujours. Voici comment se présente
cette chronologie :
Le 12 septembre 2002 : les Etats-Unis exposent la menace
irakienne devant le Conseil
de Sécurité et requièrent la
possibilité d'une intervention contre le régime de Saddam afin
de
se défendre de cette menace. Le 17 septembre 2002 : ils
présentent leur doctrine de la guerre préventive comme la
future stratégie de défense qui servira de fondement
à toute action militaire préventive contre leurs ennemis les
plus menaçants dont l'Irak. Le 10 octobre 2002 :
Au terme d'un débat très animé, la Chambre
des représentants et le Sénat des Etats-Unis ont voté une
résolution autorisant le Président George W. Bush
à utiliser les forces armées
« comme il le juge nécessaire et
approprié » afin de « défendre la
sécurité nationale des Etats-Unis contre la menace continue et
faire appliquer toutes les résolutions du Conseil de
Sécurité contre l'Irak ».
Avec la succession des faits observés, les
Etats-Unis étaient dans la perspective incontournable d'une guerre
et il était impossible pour l'ONU de les en dissuader, vu
déjà
l'autorisation du Congrès. Consciente de la
détermination américaine à mener une guerre contre
l'Irak et non à négocier avec ce pays, l'ONU a quand même
adopté à l'unanimité la résolution 1441 du 8
novembre 2002. Celle-ci faisait obligation à Saddam de fournir la
liste
des armes y compris des ADM en sa possession,
d'accepter le retour des inspecteurs de l'ONU et de leur ouvrir tous
les sites. En cas de violation patente dûment constatée
par le Conseil de Sécurité, une intervention militaire
préventive légitimée par l'Organisation devenait alors
concevable. Cela se présentait un peu comme si en présence de
ces preuves, la guerre préventive des Etats-Unis aurait pu recevoir
quelque légitimité.
En subordonnant l'autorisation d'une quelconque
intervention préventive en Irak, à une preuve tangible,
l'ONU semble avouer l'existence de ce droit au profit des Etats.
Toutefois, cette légitimation du concept ne vaut pas
légitimité de la guerre d'Irak elle-même1.
La preuve la plus édifiante de la légitimité
reconnue du concept par l'ONU se traduira
par le projet de réforme des Nations Unies. Dans ce
projet, il avait été proposé l'élaboration d'une
résolution sur les conditions de l'autorisation de l'entrée en
guerre.2
B- L'ONU et le projet de « code
d'entrée en guerre »
La guerre d'Irak, par l'unilatéralisme dont elle
est revêtue, a fait perdre à l'ONU
beaucoup de son prestige et de son poids. Les divergences de vues
qui ont opposé les Etats membres sur la façon dont l'Organisation
devait assurer la sécurité collective et sur la nature
de ce qui constitue pour le monde une menace, avaient aussi
joué une partition de taille dans
cet affaiblissement. C'est ainsi que le
Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan, a
constitué un groupe de 16 hautes personnalités pour
réfléchir sur une réforme profonde du système
des Nations Unies, sur les menaces qui guettent actuellement le monde
et sur l'opportunité de faire usage de la force pour les
écarter.
Dans son rapport déposé en décembre
2004 et intitulé « Un monde plus sûr :
notre
affaire à tous », le groupe des 16
personnalités de haut niveau a largement insisté sur
l'utilité d'une prévention pacifique des conflits entre Etats.
Mais, « que se passe-t-il en cas d'échec de
la prévention pacifique? Si aucune des mesures
préventives décrites jusqu'ici ne parvient à
1 Tout d'abord parce que les preuves des
allégations américaines contre Saddam n'ont pas été
trouvées. Et ensuite parce que
le Secrétaire Général des NU a
déclaré cette guerre illégale à cause de
l'absence d'autorisation de l'ONU. S'il y a eu légitimation de la
guerre d'Irak par l'ONU, ce n'est qu'après coup, en octobre 2003,
à travers la résolution 1551.
2 Cette résolution avait été
communément appelée dans la presse, « code d'entrée
en guerre ».
arrêter l'approche de la guerre et du
chaos? Si des menaces lointaines deviennent imminentes? Ou si des
menaces imminentes se concrétisent? Ou encore si une menace non
imminente n'en devient pas moins très réelle et que les mesures,
hormis l'usage de la force militaire, paraissent impuissantes à la
stopper ?»1 C'est là que le groupe répond
à la question
de la mesure d'une menace imminente et des moyens d'y faire
face.
Dans la première phrase du paragraphe 183 de ce
rapport on trouve l'affirmation suivante : « Les auteurs de la
Charte des Nations Unies ont envisagé le recours à la force en
vue de « prévenir et d'écarter les menaces
à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture
de la paix » ». Ce rapport soutient que traditionnellement en
droit international,
un Etat menacé peut lancer une opération
militaire à condition que l'agression dont il est menacé
soit imminente et qu'il n'y ait pas d'autre moyen d'écarter la
menace.2
En ce qui concerne les menaces extérieures qui ne sont pas
imminentes, mais quand même latentes, ce groupe réserve le
monopole d'action préventive au Conseil de Sécurité et
ne se prononce point en faveur d'une action préventive
unilatérale. Selon lui, le Chapitre VII
de la Charte des Nations Unies confère au Conseil de
Sécurité tous les pouvoirs nécessaires pour traiter de
tous les types de menace sécuritaire auxquels les Etats sont
confrontés ; que cette menace soit actuelle, imminente ou lointaine.
Il faudra donc souligner une nuance d'importance majeure. Le
groupe dénie aux Etats agissant seuls et non sous mandat onusien, le
droit de recourir préventivement à la force si la menace dont ils
se prévalent n'est pas imminente. Mais lorsque la menace est imminente,
le droit à la défense préventive leur est
naturellement et officiellement reconnu, même sans l'aval de l'ONU.
(Voir le résumé officiel du rapport dans les annexes)
Les interprétations et les propositions contenues
dans ce rapport ont été reprises en grande partie par le
Secrétaire Général des Nations Unies. Elles ont
été reprises avec quelques modifications près, dans son
rapport publié en 2005 et intitulé : « Dans
une liberté plus
grande : développement, sécurité
et respect des droits de l'homme ». C'est ainsi que
partageant les mêmes points de vue que les 16
personnalités de haut niveau, Kofi Annan
1 Groupe de personnalités de haut niveau sur
les menaces, les défis et le changement (Nations Unies). Un
monde plus sûr :
notre affaire à tous:
rapport. New York, décembre 2004. p. 13 [En
ligne] Disponible sur :
http://www.un.org/french/secureworld/temp.html
(page consultée le 31 août 2005)
2 Groupe de personnalités de haut niveau sur
les menaces, les défis et le changement (Nations Unies). Un
monde plus sûr :
notre affaire à tous:
rapport. New York, décembre 2004. pp. 58-59 [En
ligne] Disponible sur :
http://www.un.org/french/secureworld/temp.html
(page consultée le 31 août 2005)
affirme dans ledit rapport : « Les menaces imminentes
sont pleinement couvertes par l'article
51 de la Charte, qui garantit le droit naturel de
légitime défense de tout Etat souverain, dans
le cas où il est l'objet d'une agression armée.
Les juristes ont depuis longtemps établi que cette disposition couvre
les attaques imminentes, ainsi que celles qui ont déjà eu lieu.
Lorsque
les menaces ne sont pas imminentes mais latentes, la
Charte donne au Conseil de Sécurité pleine autorité pour
employer la force armée, y compris de manière
préventive, afin de préserver la paix et la
sécurité internationales. » C'est sur cette base
qu'il propose ensuite l'adoption d'un « code d'entrée en guerre
» qui puisse harmoniser les positions des membres
du Conseil de Sécurité sur les conditions
d'autorisation de toutes les interventions militaires y compris
préventives. « Je recommande donc au Conseil de
Sécurité d'adopter une résolution établissant ces
principes et faisant part de son intention de s'en inspirer lorsqu'il
décidera d'autoriser ou de demander le recours à la force. »
disait-il.
Il convient dès lors, d'avouer que l'ONU s'est faite
cautionnaire officielle du droit à la guerre préventive, à
travers la proposition d'une telle résolution. Toutefois, il convient
aussi
de noter qu'elle a tenté de faire une nuance
entre la guerre préventive contre une menace latente et la guerre
préventive contre une menace imminente.
Cela nous renvoie au problème de la guerre
préemptive que plusieurs analystes et acteurs politiques se sont
attelés à soutenir afin de ne pas légitimer le concept de
la guerre préventive. Nous entrons ainsi de plein fouet dans
notre deuxième section qui traite des facteurs défavorables
à la légitimité de la GP.
Section 2 : Les facteurs d'illégitimité du
concept de la guerre préventive
Tous les éléments ne sont pas de nature
à légitimer jusqu'au bout, l'invocation du droit à
la guerre préventive comme moyen de défense. La guerre
d'Irak nous a montré la méfiance à l'égard du
concept dans l'opinion publique internationale (OPI). Cette contestation
virulente de la guerre préventive serait aussi en partie due aux risques
d'effets dangereux qu'il pourrait entraîner sur les relations
internationales.
Nous exposerons en premier lieu, les manifestations de la
méfiance internationale qui
se sont traduites par une contestation internationale venue de
toutes parts (paragraphe1). En second lieu, nous montrerons
les risques d'effets pervers que pourrait avoir sur les rapports
interétatiques, l'admission d'un tel concept
(paragraphe 2).
Paragraphe1 : La contestation internationale du concept
La contestation du concept de la guerre
préventive a eu lieu non seulement par la mobilisation de
l'opinion publique internationale à travers des marches
(A), mais aussi par un rejet catégorique de la guerre
préventive au profit d'une guerre préemptive
(B).
A- La mobilisation de l'opinion publique
internationale contre l'idée d'une GP
L'ampleur des manifestations contre la guerre préventive
américaine est illustrée par
le tableau suivant :
Dates des
manifestations
|
Lieux des
manifestations
|
Nombres des
manifestants
|
Sources des
informations
|
Observations
particulières
|
20 mars 2003
|
Paris
|
60 000 pers
|
Le Monde, 22 mars
2003, page 2.
|
---
|
15 et 16 mars
2003
|
France
|
150 000 pers
|
Le Monde, 18 mars
2003, page 5.
|
---
|
Etats-Unis
|
40 000 pers
|
"
|
---
|
Canada
|
250 000 pers
|
"
|
---
|
Italie
|
500 000 pers
|
"
|
---
|
Allemagne
|
100 000 pers
|
"
|
---
|
Espagne
|
---
|
"
|
Pas de chiffres précis
|
17 février 2003
|
New York
|
250 000 pers
|
Le Monde, 18
février 2003, page
4.
|
---
|
Hollywood
|
30 000 pers
|
"
|
---
|
Chicago,
Philadelphie, Miami, Seattle, Detroit
|
---
|
"
|
Pas de chiffres exacts
|
San Francisco
|
150 000 pers
|
"
|
---
|
15 février 2003
|
Les 5 continents du monde
|
Plus de 10
millions de personnes
|
Le Monde, 18 mars
2003, page 5.
|
---
|
NB: Pers = Personnes
Tableau des manifestations observées contre la guerre
préventive américaine
Notons que ce tableau n'est pas une liste exhaustive des les
manifestations qui ont eu lieu. Interrogés, certains manifestants
ont déclaré : « Bien sûr il faut
empêcher Saddam Hussein de posséder des armes de destruction
massive, c'est un dictateur sanguinaire, mais une attaque préventive
n'est pas moralement défendable et creusera encore le fossé entre
les Etats-Unis et l'Europe, les Etats-Unis et les Arabes et les Etats-Unis et
le monde »1.
Pour sa part, l'Eglise catholique, qui compte 63 millions de
fidèles2, est aussi hostile à une action militaire
préventive. A l'occasion du message annuel pour la paix en 2002, Jean-
Paul II avait en effet adressé aux chefs d'Etat et aux Organisations
internationales, un message leur rappelant leur responsabilité
première dans le «grave désordre actuel dans les
affaires mondiales». Lors du commentaire de ce message, Mgr Renato
Martino (Président du Conseil pontifical Justice et Paix au Vatican) a
clairement pris position contre la notion de la guerre préventive en
affirmant : «la guerre préventive est une guerre
d'agression et ne rentre pas
dans la définition de guerre
juste».3
Enfin, lors d'un débat public organisé par
la Fondation Carnegie pour la paix (fin septembre 2002 aux E-U), Michael
Walzer, l'un des théoriciens modernes de la guerre juste, s'est
prononcé, lui aussi, contre la guerre préventive. L'argument
donné par celui-ci, est qu'il
y a une différence entre la stratégie de la
« preemptive war » (guerre préemptive) et celle de
la
« preventive war » (guerre
préventive).4 Nous exposerons de ce pas, la nuance
entre ces deux notions ; nuance qui n'est pas de nature à
légitimer le concept de la guerre préventive.
B- Le rejet de la guerre préventive au profit
de la guerre préemptive
Ici, nous devons rappeler avant toute chose, que
le terme français « guerre
préventive », a deux variantes en
Anglais. La première variante est celle de la «
preventive war » et la seconde, celle de la «
preemptive war ». Dans le dictionnaire français, le
mot
« préemptif/préemptive »
n'existe pas. Mais on peut trouver un autre mot de la même famille
:
la préemption. Le terme « préemption
» ne répond pas à la traduction à laquelle on
pense en parlant de guerre préventive. Il a un sens juridique
sans rapport avec le présent sujet.
1Eric Leser, Claudine Mulard. La crise
irakienne. Le monde, 18 février 2003, p. 5
2Patrick Jarreau. Les anti-guerre. Le
monde, 10 décembre 2002, p. 3
3Radio France. Les menaces de guerre.
Chronique du 16 février 2003. [En ligne] Disponible sur :
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-
inter01/information/chroniques/chronique/fiche.php?numero=11823&chronique_id=16
4Patrick Jarreau. Op cit, p. 3
Conventionnellement, pour désigner la «
preemptive war », nous utiliserons l'expression
« guerre préemptive » comme cela a
été fait dans la plupart des documents que nous avons lu.
Il faudra donc la comprendre telle que calquée sur
l'expression anglaise de la « preemptive war » que
Michaël a essayé d'expliquer.
Selon Michael Walzer, la stratégie de préemption
n'a de sens que face à l'imminence d'une attaque, contrairement
à la guerre préventive qui ne nécessite pas
forcément l'imminence d'une agression. Ce concept de la guerre
préventive, selon la langue anglaise, est donc à subdiviser en
deux : la guerre préventive dite préemptive et la guerre
préventive au sens très large qui implique une vision à
long terme. Il souligne que cette dernière, c'est-à-dire
la guerre préventive à long terme, n'a jamais
été vue d'un bon oeil par les spécialistes et les
théoriciens du droit international. C'est ainsi qu'il
dénie légitimité non seulement à
l'intervention américaine en Irak, mais également au concept de
la « preventive action » qui justifierait selon les
Etats-Unis, cette intervention.1
En définitive, la guerre préemptive serait
légitime tandis que la guerre préventive ne le serait pas.
Quels sont donc les critères qui différencient de
façon objective une guerre préemptive d'une guerre
préventive ? Certains ont essayé, d'une manière ou d'une
autre, de dégager ces critères comme suit :
- Destinée à s'en prendre à des
capacités, réelles ou supposées, une frappe
préventive s'exerce contre un Etat ou un réseau
terroriste qui n'ont pas encore planifié
précisément une agression. Vouée à neutraliser
une intention dont on crédite un adversaire potentiel, la
frappe préemptive consiste à s'en prendre à un
Etat ou un réseau terroriste qui auraient commencé de
programmer leurs actes.2
- La frappe préemptive requiert qu'on ait
identifié la menace pour justifier qu'elle soit éradiquée
par la force. La frappe préventive, en revanche, ne s'embarrasse pas,
dans l'esprit de ceux qui la déclenchent, d'autant de
détails : elle peut être fondée sur un dossier
incomplet, partial ou monté de toutes pièces comme en
Irak.3
- La validité juridique d'une guerre
préemptive dépend de l'existence de preuves
matérielles démontrant l'imminence du danger et la
nécessité d'agir. La guerre
préventive s'appuie, en revanche, non pas sur la crainte
d'une agression imminente,
1 Patrick Jarreau. Op cit, p.3
2 Jacques Isnard. Frappes préventives
ou frappes préemptives ? Le Monde, 14 octobre 2003, p. 20
3 Jacques Isnard. Op cit, p. 20
mais sur une peur plus lointaine, sur la menace
stratégique que ferait peser un pays sur
un autre.1
Si cette distinction est valide, on pourrait dire que la guerre
de succession d'Espagne
de 1700 dont nous avons donné l'exemple dans notre
introduction (supra : page1, note1) est une guerre plus
préventive que préemptive et donc, une guerre
illégitime. Dans le cas de l'Irak, il est difficile d'apporter cette
appréciation parce que les Etats-Unis ont argué d'une menace
imminente et non d'une menace lointaine.2 Les Etats peuvent ainsi
confondre menace imminente et menace lointaine dans un même panier
afin d'entrer en guerre lorsque leurs
intérêts sont en jeu.
Il est surtout difficile de définir une frontière
entre la menace lointaine (stratégique) et
la menace imminente (immédiate) lorsqu'on se
réfère aux déclarations de Georges Bush contenues
dans la NSS. « Les spécialistes du droit et les juristes
internationaux ont souvent posé, comme condition de la
légitimité d'une attaque préventive, l'existence
d'une menace immédiate ; il s'agissait le plus souvent d'une
mobilisation visible d'armées, de navires et de forces
aériennes se préparant à attaquer. Nous devons
adapter la notion de menace immédiate aux possibilités
et aux objectifs des adversaires d'aujourd'hui. » Selon
Georges Bush, la menace immédiate se confondrait donc à la menace
stratégique de nos jours, du fait
de l'insécurité nucléaire et terroriste (cf.
la NSS dans les annexes).
Cette confusion entre les notions ne contribue point
à distinguer objectivement une guerre réellement
préemptive d'une guerre préventive. Or ce sont les effets pervers
découlant d'un tel opportunisme que certains redoutent et
préfèrent balayer d'un revers de mains toute idée de
recours préventif à la force. L'admission de la guerre
préventive peut s'avérer destructeur. Il peut fragiliser le
système sécuritaire international chèrement mis en
place depuis 1945.
Paragraphe 2 : Les risques de destruction de l'architecture
sécuritaire mondiale
L'acceptation du droit à la guerre préventive
risque d'avoir des inconvénients très importants sur la
scène internationale, en favorisant la dilution du principe du non
recours à la
force (A). Mais ce n'est pas le seul
inconvénient. Par effet de suivi, cette dilution risque aussi
1 Richard Falk. Les Nations unies prises
en otage. Le monde diplomatique, décembre 2003. [En
ligne]. Disponible sur :
http://www.monde-diplomatique.fr/2002/12/FALK/17288
(page consultée le 30 août 2005)
2 Mais, même dans ce cas, la menace imminente
que représentait l'Irak n'a pas encore été formellement
prouvée dans les faits jusqu'aujourd'hui.
d'entraîner à son tour d'autres impacts qui
pourraient accroître de plus belle, l'anarchie internationale
(B).
A- La dilution risquée du principe du non
recours à la force
Le risque est en effet très grand d'admettre aussi
librement le recours à un tel procédé
de guerre dans les relations internationales. L'autorisation
de la guerre préventive laissera cours sans doute à des
conséquences très fâcheuses. Elle risque d'entraîner
l'exacerbation de l'anarchie internationale déjà grandissante.
Aussi, n'offrira t-elle pas une garantie de sécurité suffisante
aux pays faibles. On pourrait par ailleurs donner l'occasion
par là, à la multiplication des atteintes à la
souveraineté ; ce qui ne serait plus conforme à
l'idéal de sécurité vers lequel tend (d'une
manière ou d'une autre), le milieu international.
En outre, la doctrine de la guerre préventive est une
vision qui remet en question les notions mêmes de souveraineté et
d'intégrité territoriales, qui sont parmi les fondements du droit
international. Les pays qui abritent volontairement ou non ou qui
sont soupçonnés d'abriter des terroristes perdent ipso-facto
leur droit à la souveraineté.
Cette doctrine encourt aussi le risque de
privilégier la guerre comme moyen de résolution des conflits
internationaux, plutôt que la négociation préventive dont
la Charte des Nations Unies s'est pourtant si bien dotée dans son
Chapitre VI.
Au-delà de la nécessité
d'éviter une guerre injustifiable et aux conséquences
imprévisibles, c'est la nature même de l'ordre mondial qui est en
jeu. Or, une fois établie et admise en règle internationale, la
guerre préventive pourra être invoquée par tous les Etats.
Qui pourrait alors empêcher l'Inde ou le Pakistan de se l'appliquer
l'un à l'autre. Comment empêcher d'autres Etats belliqueux d'en
faire autant ? La Chine de l'appliquer à Taiwan ou à
un autre Etat ? La Russie de l'appliquer à un Etat voisin
sous prétexte que ce dernier soutient
les fondamentalistes Tchétchènes ?
La doctrine de la guerre préventive est difficilement
soutenable car elle fait éclater tout cadre de référence
pour l'usage de la force dans le système international en abusant
réellement
du droit de légitime défense reconnu par la
Charte en son article 51. Le pire, c'est que
personne ne connaît les dégâts futurs que ce
droit pourrait causer.
B- Les impacts sécuritaires à craindre
de cette extension du recours à la force
En réalité, la véritable menace
provient de l'expression ADM. Cette expression
désigne non seulement les armes nucléaires,
mais également les armes biologiques et chimiques. En ce qui
concerne les armes nucléaires, elles requièrent des
ressources industrielles et scientifiques très importantes, moins
répandues et plus faciles à contrôler. Mais pour ce
qui est des armes biologiques et chimiques, elles sont beaucoup plus faciles
à fabriquer et à dissimuler. Tout pays disposant de laboratoires
ou d'industries pharmaceutiques peut les fabriquer.
Bien que ces dernières (les armes biologiques
et chimiques) se révèlent à l'expérience,
d'un emploi difficile et peu efficace, les gouvernements peuvent
utiliser l'expression ADM pour confondre les armes nucléaires
avec les armes biologiques et chimiques. On peut ainsi désigner
n'importe quel pays arabe ou musulman doté d'une industrie
chimique ou biopharmaceutique rudimentaire comme potentiellement
dangereux.
On pourra facilement prétexter du fait qu'il pourrait
un jour fournir ces armes à un groupe terroriste susceptible de s'en
servir contre la sécurité internationale. Cela revient à
dire que tout pays, même le Bénin, peut être accusé
de détenir des ADM dangereuses et interdites. Il suffira
désormais pour les Etats faibles, d'aller contre les
intérêts d'un Etat fort pour être
considéré comme une menace latente ou
imminente1. Il suffira d'être crédité alors
d'une
intention à tort ou à raison pour mériter
une répression préventive. Encore que cette intention peut avoir
été montée de toutes pièces pour des
raisons obscures et particulières au gouvernement qui invoque le
droit de se défendre préventivement.
En outre, le concept de la guerre préventive
pourrait fort bien encourager des Etats hostiles à
développer des programmes d'armement secrets. Ils développeront
ces programmes dans le but de dissuader les Etats puissants d'employer
préventivement la force contre eux. Pire encore, ce concept de la guerre
préventive peut emmener les Etats inquiétés par l'action
préventive, à susciter l'émergence d'un autre concept de
sorte à créer le flou juridique total
sur le sujet. Ces Etats dits rebelles2 peuvent
arguer, en guise de défense à une attaque
1 Il n'y a plus une grande différence entre
ces deux notions : la menace imminente et la menace stratégique. Seuls
les intérêts des Etats peuvent déterminer la
frontière entre ces deux notions. La confusion est presque
totale. Nous avons vu à ce sujet la position des
Etats-Unis (supra, page 66).
2 Pour les uns, les Etats qui ne se soumettent pas aux
ordres des grandes puissances sont des Etats rebelles. Pour les autres, ce sont
des Etats modèles qui jouissent effectivement de leur
souveraineté. On peut ranger dans la catégorie de ces Etats
dits
préventive, du concept de la « la
prévention de la guerre préventive ». Ce
risque est très probable. Sous le coup d'un nationalisme
poussé, qu'est- ce qui empêcherait un Etat comme l'Iran d'invoquer
cet autre concept pour agresser un pays comme les Etats- Unis ? Rien n'est
sûr. C'est ainsi qu'on peut lire une pensée allant dans ce sens,
dans le quotidien français « Le
Monde » : « Des
théologiens discutaient de la moralité de la guerre
"normale", ou disons
"juste", maintenant ils discutent de la guerre
préventive. Finalement, on arrivera à débattre
de la " prévention de la guerre préventive "
».1
Pour confirmer cette crainte, le ministre iranien de
la Défense, Ali Chamkhani, déclarait le 18 août 2004:
« les frappes préventives ne sont pas un monopole
américain ». Il laisse planer par cette
déclaration, la menace d'une offensive préemptive
iranienne, pour empêcher une attaque israélienne ou
américaine sur les équipements nucléaires de son pays.
« Nous ne resterons pas les bras croisés en
attendant que les autres fassent de nous ce qu'ils veulent. En tous cas, nous
traiterons toute frappe contre nos installations nucléaires comme une
frappe contre l'Iran tout entier, et nous y répondrons avec toute notre
force ». 2
Les bouleversements sécuritaires liés à
l'avenir de ce concept sont donc réels et inquiétants.
En synthèse à ce chapitre, nous pouvons dire que
la guerre préventive ne pourrait être légitime que si la
communauté internationale elle-même en a décidé
ainsi. C'est peut être une manifestation de cette volonté qui
constitue à admettre au minimum la guerre préemptive, ou bien de
vouloir que l'Organisation des Nations Unies se situe au centre de toute
décision de
guerre préventive.
rebelles, les pays de l'axe du mal (la Corée du Nord,
l'Iran, l'Irak d'avant 2003), la Libye, le Cuba, et dans une moindre
mesure, le Venezuela etc.
1Jean-Pierre Stroobants Le primat de Belgique
en a assez du " God Bless America ". Le Monde, 25 décembre
2002, p. 3
2Preemptive action, la guerre impériale
américaine. [En ligne]. Disponible sur :
http://membres.lycos.fr/returnliberty/preemptive.htm
CONCLUSION GENERALE
En somme, l'admission de la guerre préventive en droit
international fait l'objet d'une grande confusion. Le droit international
ne tranche pas la question de façon décisive et
explicite. Les arguments militant en faveur de la
légalité internationale du concept sont nombreux et
pertinents. Mais, l'acceptation unanime de la GP, comme un droit
systématique
de défense nationale, reste fortement
controversée.
D'interprétation en interprétation, on a pu
dégager une certaine légalité pour le concept au
regard des dispositions constitutionnelles des Etats. Mais dans le même
temps, on
a aussi pu observer que certaines Constitutions interdisent
formellement la défense offensive.
Le caractère licite du droit à la GP est donc
relatif. Il n'y a donc pas de légalité ou
d'illégalité absolue pour ce concept. A chaque fois, on
devra se référer au droit interne de l'Etat qui invoque
ce concept. Cette attitude est déplorable. Contrairement à ce qui
est souhaitable, les dirigeants des Etats peuvent ainsi se soumettre le
droit international au plus bas niveau possible. Cette option est
d'autant plus encouragée, puisque le droit international
lui-même manque de fermeté et de clarté à plusieurs
égards.
Les Etats peuvent alors estimer légitimement, en
vertu de leurs Constitutions qu'ils détiennent le droit d'entrer
en guerre préventive pour protéger leurs populations d'une
agression. Certes, cette position semble être conforme à
la morale humanitaire. Mais, tout aussi positif qu'il puisse paraître
au regard de la morale, le concept de la guerre préventive peut
s'avérer être une négation. Il apparaît comme
une notion à double face, qu'on peut évoquer non seulement
pour déclencher une guerre juste, mais qui peut être aussi
usitée pour mener une guerre immorale et injuste.
Pour ce faire, le droit à la GP exige d'être soumis
à certaines conditions pour encourir quelque légitimité,
à défaut d'une légalité consensuelle.
- Toute guerre préventive doit recevoir l'assentiment de
la communauté internationale ;
- Toute guerre préventive doit être menée
dans une intention droite ;
- Toute guerre préventive doit être
démontrée nécessaire par des preuves formelles et
enfin,
- Elle doit s'efforcer d'être le dernier recours.
De ces critères, dépend donc l'acceptation
minimale de ce droit si controversé. Cependant, qu'est-ce qui
permettra de mesurer l'intention juste d'un Etat ? Quels sont les
modes de preuves pour démontrer l'imminence d'une agression ? Et
même, qu'entend-on par
une agression imminente ? Aussi, combien d'Etats au
monde ont la capacité politique et logistique d'user du concept de
la guerre préventive pour se protéger dans la pratique. Une chose
est d'en avoir théoriquement le droit, mais une autre chose est de
pouvoir le mettre en oeuvre. Le droit à la guerre préventive
n'est-il pas alors le droit des Etats forts ? Voilà autant
de problèmes non résolus qui continuent de saper
les idéaux de la sécurité internationale et
qui interpellent l'ensemble de la communauté
internationale sur l'opportunité de repenser le droit du recours
à la force et ses modalités d'application sur la scène
internationale.
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VII- AUTRES RESSOURCES INTERNET
- Site de Radio France :
http://www.radiofrance.fr
- Site de l'encyclopédie Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org
VIII- CD ROM
SA Le monde (quotidien français). Le monde sur
CD-ROM. Québec (Canada) : CEDROM-
Sni inc, 2005.
ANNEXES
LISTE DES ANNEXES
1- Résolution 3314 de l'AG des Nations Unies du 14
novembre 1974 portant définition de
l'agression..........................................................................................................................III
2- Extrait de la National Security Strategy
(NSS).................................................................VI
3- Discours du Président Bush au Museum Center de
Cincinnati à New York sur les raisons
du conflit d'Irak. (en
anglais)..........................................................................................XVI
4- Illustration des dommages liés à l'utilisation
d'une arme nucléaire (Hiroshima).........XXII
5- Carte des pays disposant d'armes ou de programmes
nucléaires.................................XXIII
II
RÉSOLUTION 3314 DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES
NATIONS UNIES DU 14
NOVEMBRE 1974 PORTANT DÉFINITION DE
L'AGRESSION
III
IV
V
La stratégie nationale de sécurité
des Etats-Unis d'Amérique. Maison Blanche
La stratégie nationale de sécurité
des Etats-Unis d'Amérique
Septembre 2002, La Maison Blanche -
Washington
Traduit par Daniel Martin
Note du traducteur : le début de ce texte, ci-dessous,
résume les neuf chapitres qui suivent
Les grandes luttes du vingtième siècle entre la
liberté et les totalitarismes ont pris fin avec une victoire
décisive des forces de liberté - et un modèle unique
de réussite nationale, basé sur la liberté, la
démocratie et la libre entreprise. Au vingt-et-unième
siècle, seules les nations qui partagent un engagement à
protéger les droits fondamentaux de l'Homme et à garantir la
liberté politique et économique pourront libérer le
potentiel de leur peuple et assurer leur prospérité future.
Partout, les gens veulent être libres de parler, d'élire
ceux qui les gouverneront, de pratiquer le culte de leur choix, de donner un
enseignement à leurs enfants - qu'il s'agisse de garçons ou de
filles, de posséder des biens et de profiter des fruits de leur travail.
Ces valeurs de liberté sont justes et vraies pour toute personne, dans
toute société - et le devoir de protéger ces valeurs
contre leurs ennemis
est partagé par tous ceux qui aiment la liberté,
partout et depuis toujours.
Aujourd'hui, les Etats-Unis sont dans une enviable situation
de puissance militaire incomparable et de grande influence économique et
politique. Conformément à notre héritage et à nos
principes, nous n'utilisons pas notre puissance pour obtenir un quelconque
avantage unilatéral. Nous cherchons, au contraire, à créer
un équilibre des forces qui favorise la liberté des hommes, des
conditions permettant à toutes les nations et toutes les
sociétés de choisir elles-mêmes la récompense et les
défis de la liberté politique et économique. Dans un monde
en sécurité,
les gens pourront rendre leur vie meilleure. Nous
défendrons la paix en combattant les terroristes et les tyrans. Nous
ferons durer la paix en construisant de bonnes relations entre les
grandes puissances. Nous ferons progresser la paix en soutenant les
sociétés libres et ouvertes sur tous les continents.
La défense de notre Nation contre ses ennemis constitue
l'engagement premier et fondamental du Gouvernement Fédéral. De
nos jours, cette tâche a changé d'une manière
radicale. Dans le passé, pour mettre en danger l'Amérique,
il fallait à des ennemis de grandes armées et de grandes
capacités industrielles. Aujourd'hui, des réseaux d'hommes de
l'ombre peuvent nous infliger des souffrances et un chaos
considérables, pour un coût inférieur au prix d'achat
d'un seul char. Des terroristes se sont organisés pour infiltrer les
sociétés ouvertes et pour tourner contre nous le pouvoir des
technologies modernes.
Pour vaincre cette menace nous devons utiliser tous les moyens
à notre disposition - la puissance militaire, de meilleures
défenses civiles, le respect des lois, le renseignement et de vigoureux
efforts pour tarir les sources financières du terrorisme. La guerre
contre des organisations terroristes internationales est un effort d'ampleur
mondiale et de durée indéterminée. L'Amérique
aidera les nations qui ont besoin de notre assistance pour combattre
la terreur. Et l'Amérique prendra à partie les nations qui font
régner la terreur, y compris celles qui donnent asile à des
terroristes, car les alliés de la terreur sont les ennemis de la
civilisation. Les Etats-Unis et les pays qui coopèrent avec nous
doivent interdire aux terroristes de créer de nouvelles bases de
développement. Ensemble nous nous efforcerons de les empêcher
d'avoir des sanctuaires où que ce soit.
Le plus grave danger pour notre Nation est l'alliance
de l'extrémisme et de la technologie. Nos ennemis ont clairement
déclaré qu'ils cherchent à se doter d'armes de
destruction massive et il y a des preuves qu'ils y travaillent avec
détermination. Les Etats-Unis ne permettront pas à ces efforts de
réussir. Nous construirons des défenses contre des missiles
balistiques et d'autres vecteurs. Nous coopérerons avec d'autres
pays pour empêcher nos ennemis d'acquérir des technologies
dangereuses. Et, parce que c'est le bon sens même et qu'il s'agit
d'autodéfense, l'Amérique agira contre de telles menaces
émergeantes avant même qu'elles ne soient prêtes
à nous frapper. Nous ne pouvons défendre l'Amérique et nos
amis en nous contentant d'espérer que tout
ira bien. Nous devons donc être prêts à
contrer les plans de nos ennemis, à utiliser les meilleurs
renseignements dont nous disposons et à agir de manière
volontariste. L'Histoire jugera sévèrement ceux qui ont vu
venir ce nouveau danger sans réagir. Dans le monde qui commence, la
seule voie vers la paix et la sécurité est celle de l'action.
VI
Tout en défendant la paix, nous profiterons d'une
opportunité historique de la préserver. De nos jours, la
communauté internationale a la plus grande chance qui se soit
présentée - depuis l'émergence des états-nations
au dix-septième siècle - de construire un monde
où les grandes puissances se font concurrence pacifiquement, au lieu de
se préparer continuellement à la guerre. De nos jours, les
grandes puissances de ce monde sont unies avec nous dans le même
camp, unies par les mêmes dangers de violence terroriste et de
chaos. Les Etats-Unis s'appuieront sur cette communauté
d'intérêts pour promouvoir la sécurité mondiale.
Nous sommes aussi unis par des valeurs communes. La Russie est dans une phase
de transition porteuse d'espoirs ; elle progresse vers un avenir
démocratique et c'est un partenaire dans la guerre contre le terrorisme.
Les dirigeants de la Chine sont en
train de découvrir que la liberté
économique est la seule source de richesse nationale. Avec le
temps, ils
s'apercevront que la liberté sociale et politique
est la seule source de grandeur d'une nation. L'Amérique
encouragera le progrès de la démocratie et l'ouverture
économique de ces deux pays, car ce sont là les meilleures
fondations pour leur stabilité et l'ordre international. Nous
résisterons avec force à d'éventuelles agressions
venant d'autres grandes puissances, tout en saluant leur marche en paix
vers la prospérité, le commerce et le progrès
culturel.
Enfin, les Etats-Unis profiteront de cette époque
d'opportunités pour faire progresser la liberté à
travers le monde. Nous travaillerons activement à apporter les espoirs
de la démocratie, du développement, des marchés ouverts et
du commerce libre partout dans le monde. Les événements du 11
septembre 2001 nous ont enseigné que des états faibles, comme
l'Afghanistan, peuvent constituer pour notre intérêt national un
danger aussi fort que s'il provenait d'états puissants. La
pauvreté ne transforme pas des gens pauvres en terroristes et
en meurtriers. Mais la pauvreté, la faiblesse des institutions
et la corruption peuvent rendre des états faibles
vulnérables aux agissements des réseaux terroristes et aux
cartels de la drogue, à l'intérieur de leurs
frontières.
Les Etats-Unis seront aux côtés de tout pays
déterminé à construire un avenir meilleur grâce aux
avantages que
la liberté apporte à son peuple. La
liberté du commerce et l'ouverture des marchés ont prouvé
leur aptitude à tirer des sociétés entières hors
de la pauvreté ; les Etats-Unis travailleront donc avec des
pays indépendants, des régions entières et l'ensemble de
la communauté commerciale mondiale à construire un monde qui
commerce librement et progresse de ce fait vers la prospérité.
Les Etats-Unis accroîtront leur assistance au développement, dans
le cadre du programme New Millenium Challenge Account, aux pays de
bonne gouvernance, qui investissent dans leurs citoyens et encouragent la
liberté économique. Nous continuerons aussi à être
à l'avant- garde des pays qui luttent contre le fléau du sida et
les autres maladies infectieuses.
Dans leur effort d'arriver à un équilibre des
pouvoirs qui favorise la liberté, les Etats-Unis sont guidés par
la conviction que toutes les nations ont d'éminentes
responsabilités. Les nations qui ont la chance d'avoir cette
liberté doivent combattre activement le terrorisme. Les nations
qui ont besoin de la stabilité internationale doivent aider
à empêcher la prolifération des armes de destruction
massive. Les nations qui sollicitent l'aide internationale doivent se
gouverner de manière sage, pour que l'aide qu'elles
reçoivent soit dépensée à bon escient. Pour que
la liberté prospère, il faut demander et rendre des comptes.
Nous sommes aussi guidés par la conviction que nul pays
ne peut construire un monde meilleur et plus sûr tout seul. Les alliances
et les institutions multilatérales peuvent renforcer les nations qui
chérissent la paix. Les Etats- Unis sont engagés à
supporter des institutions durables comme les Nations unies, l'Organisation
Mondiale du Commerce, l'Organisation des Etats Américains et
l'OTAN, ainsi que d'autres alliances conclues depuis longtemps. De
nouvelles coalitions, regroupant des pays de bonne volonté,
peuvent renforcer les institutions permanentes précédentes.
Dans tous les cas, les engagements internationaux doivent être
respectés. Ils ne doivent pas être pris de manière
symbolique, pour faire semblant de supporter un idéal sans lui
donner un contenu
concret.
La liberté est l'exigence non négociable
de la dignité humaine, un droit que chaque personne acquiert
à sa naissance, dans toutes les civilisations. Dans toute l'Histoire,
la liberté a été menacée par la guerre et la
terreur ; elle a été défiée par les volontés
conflictuelles d'états puissants et les desseins malfaisants de tyrans ;
et elle a été mise à mal par l'étendue de la
pauvreté et de la maladie. De nos jours, l'Humanité
tient entre ses mains l'opportunité d'assurer le triomphe de la
liberté sur tous ces ennemis. Nous Américains sommes
ravis de la responsabilité que nous confère notre rôle de
leader de cette grande mission.
George W. Bush
La Maison Blanche, 17 septembre 2002.
VII
Table des matières
1 Présentation de la stratégie
internationale de l'Amérique.
2 Nous faire les champions de la dignité
humaine.
3 Renforcer les alliances pour vaincre le
terrorisme international et travailler à empêcher les
attaques contre nous-mêmes et nos amis.
4 Travailler avec d'autres pays à
désamorcer les conflits régionaux
5 Empêcher nos ennemis de nous menacer, ainsi que
nos alliés et nos amis, avec des armes de destruction
massive.
6 Entrer dans une nouvelle ère de croissance
économique mondiale grâce à l'ouverture des marchés
et la liberté du commerce.
7 Répandre le développement en ouvrant
les sociétés humaines et en construisant l'infrastructure de la
démocratie.
8 Planifier l'action en commun avec les autres
principales puissances mondiales.
9 Transformer les services nationaux de
sécurité de l'Amérique en fonction des défis et
opportunités du vingt-et-unième siècle.
1 Présentation de la stratégie
internationale de l'Amérique
"Les principes de notre Nation ont toujours
dépassé ceux de notre défense. Nous combattrons,
comme nous l'avons toujours fait, pour une paix juste, une paix qui soutient
la liberté. Nous défendrons la paix contre les menaces des
terroristes et des tyrans. Nous ferons durer la paix en oeuvrant pour des
sociétés libres et ouvertes
sur tous les continents."
Le président Bush, West Point, New York, le 1er juin
2002
Les Etats-Unis jouissent dans le monde d'une puissance et
d'une influence incomparables. Soutenue par la foi dans les principes de
liberté et la valeur d'une société libre, cette
position entraîne des responsabilités et des obligations sans
pareilles, ainsi que des opportunités uniques. La puissance
considérable de cette nation doit être utilisée pour
promouvoir un équilibre de puissance qui favorise la liberté.
Pendant la majeure partie du vingtième siècle,
le monde fut le siège d'un grand combat d'idées : des
visions totalitaires destructrices s'opposaient à la liberté et
l'égalité.
Ce grand combat est terminé. Les visions militantes de
classe, de nation et de race qui promettaient des utopies et apportaient la
misère ont été vaincues et discréditées. De
nos jours, l'Amérique est moins menacée par des états
conquérants que par des états en situation d'échec. Nous
sommes moins menacés par des flottes et des armées que par des
technologies génératrices de catastrophes aux mains d'une
poignée de gens amers. Il nous faut vaincre ces menaces contre
notre Nation, nos alliés et nos amis.
Pour l'Amérique, notre temps est aussi une époque
d'opportunités. Nous travaillerons à traduire notre influence
actuelle en des décades de paix, de prospérité et de
liberté. La stratégie nationale de sécurité des USA
sera basée
sur une approche très américaine de l'action
internationale, synthèse de nos valeurs et des intérêts de
notre pays.
Le but de cette stratégie est d'aider à rendre le
monde meilleur, et pas seulement plus sûr. Nos buts sur le chemin
du progrès sont clairs : liberté politique et
économique, relations pacifiques avec les autres états et respect
pour
la dignité humaine.
Et cette approche n'est pas réservée à
l'Amérique. Elle est ouverte à tous les pays.
VIII
Pour atteindre ces objectifs, les Etats-Unis vont :
§ Se faire les champions des aspirations à la
dignité humaine.
§ Renforcer les alliances pour vaincre le terrorisme
international et travailler à empêcher les attaques contre
nous-mêmes et nos amis.
§ Coopérer avec d'autres pays pour désamorcer
des conflits régionaux.
§ Empêcher nos ennemis de nous menacer - ou de menacer
nos alliés et nos amis - avec des armes de destruction massive.
§ Faire entrer le monde dans une ère nouvelle de
croissance économique grâce à l'ouverture des
marchés et au libre commerce.
§ Etendre les zones en développement en
ouvrant leurs sociétés et en construisant l'infrastructure
de la démocratie.
§ Développer des agendas de coopération avec
d'autres centres de puissance internationale.
§ Transformer les infrastructures de
sécurité de l'Amérique en les adaptant aux
défis et aux opportunités du vingt-et-unième
siècle.
2 Nous faire les champions de la dignité
humaine
"Certains regrettent qu'il soit parfois peu diplomatique
ou impoli de dire ce qui est bien et ce qui est mal. Je ne suis pas d'accord.
Des circonstances différentes exigent des méthodes
différentes, mais pas des principes moraux
différents."
Le président Bush, West Point, New York, le 1er juin
2002
Dans la poursuite de nos objectifs, notre premier
impératif est de clarifier ce que nous défendons : les Etats-Unis
doivent défendre la liberté et la justice, parce que ces
principes sont justes et vrais pour toute personne, partout. Ces aspirations ne
sont pas le propre d'une nation particulière et aucune nation n'en est
exemptée. Dans toutes
les sociétés, les pères et les
mères veulent que leurs enfants accèdent à
l'instruction et vivent à l'abri de la pauvreté et de la
violence. Sur la terre, aucun peuple n'aspire à l'oppression ou
à la servitude, aucun citoyen n'attend avec espoir que la police
secrète frappe à sa porte à minuit.
L'Amérique doit soutenir fermement les exigences non
négociables de la dignité humaine : le respect de la loi, la
limitation du pouvoir absolu de l'Etat, la liberté d'expression, la
liberté de culte, l'égalité devant la justice, le respect
des femmes, la tolérance religieuse et ethnique et le respect de la
propriété privée.
Il y a de nombreuses façons de satisfaire ces
exigences. A cet égard, la constitution de l'Amérique s'est
avérée précieuse. De nombreuses autres nations, avec
des histoires et des cultures différentes, confrontées
à des circonstances différentes, ont incorporé avec
succès ces principes fondamentaux dans leur propre système
de gouvernance. L'Histoire n'a pas été tendre avec les nations
qui ont ignoré ou négligé les droits et aspirations de
leurs citoyens.
L'expérience de l'Amérique, grande
démocratie multiethnique, confirme notre conviction que des
gens d'origines et de confessions très différentes peuvent
vivre et prospérer en paix. Notre propre histoire est une
longue lutte pour réaliser nos idéaux. Mais, même dans nos
pires épreuves, les principes de notre Déclaration
d'indépendance nous ont guidés. De ce fait, l'Amérique
n'est pas seulement une société plus forte, c'est aussi une
société plus libre et plus juste.
Aujourd'hui, ces idéaux servent de repères
à ceux qui défendent seuls la liberté contre ses
adversaires. Et, lorsque l'occasion se présente, nous pouvons aider
l'évolution - comme nous l'avons fait en Europe centrale et orientale
entre 1989 et 1991 ou à Belgrade en l'an 2000. Lorsque nous
voyons des processus démocratiques
IX
s'imposer, comme chez nos amis de Taiwan ou de la
République de Corée, lorsque nous voyons des dirigeants
élus remplacer des généraux en Amérique
latine ou en Afrique, nous voyons des exemples de l'évolution
possible des régimes autoritaires par synthèse de l'histoire
locale et des principes que nous respectons tous.
Profitant des leçons de notre passé et des
opportunités d'aujourd'hui, la stratégie nationale de
sécurité des Etats- Unis doit partir de ces principes
fondamentaux et chercher à les faire adopter là où c'est
nécessaire pour faire progresser la liberté.
Nos principes guideront les décisions de notre
gouvernement en matière de coopération internationale, d'aide
étrangère et d'allocation de ressources. Ils guideront nos
actions et nos discours dans le cadre des organismes internationaux.
Nous allons :
§ Pour faire avancer la liberté, parler à voix
haute et honnêtement des violations des exigences non
négociables
de la dignité humaine, en utilisant notre temps de
parole et notre droit de vote dans les organismes internationaux.
§ Utiliser notre aide étrangère pour
promouvoir la liberté et soutenir ceux qui luttent de manière non
violente pour elle, en faisant en sorte que les pays qui vont vers la
démocratie soient récompensés pour leurs efforts.
§ Faire de la liberté et de la mise en
place d'institutions démocratiques des thèmes clés
dans nos relations bilatérales, en recherchant la solidarité et
la coopération avec les autres démocraties, tout en faisant
pression sur
les gouvernements qui ne respectent pas les droits de l'homme
pour qu'ils évoluent vers un avenir meilleur.
§ Faire des efforts particuliers de promotion de la
liberté religieuse et de la liberté de conscience, et
défendre ces libertés des restrictions imposées par les
gouvernements répressifs.
Nous nous ferons les champions de la dignité humaine et
nous opposerons à ceux qui la rejettent.
3 Renforcer les alliances pour vaincre le
terrorisme international et travailler à empêcher les
attaques contre nous-mêmes et nos amis
"Trois jours seulement après ces
événements, les Américains n'ont pas encore le recul
nécessaire. Mais notre responsabilité envers l'Histoire est
déjà claire : il faut répondre à ces attaques et
débarrasser le monde du mal.
On nous a fait la guerre de manière furtive, fourbe et
meurtrière. Notre peuple est épris de paix, mais la
colère
le rend féroce. Le conflit a commencé au moment
et d'une manière choisis par d'autres. Il se terminera de la
manière et au moment que nous aurons choisis."
Le président Bush
Washington, D. C. (National Cathedral), le 14 septembre 2001
Les Etats-Unis d'Amérique sont en guerre contre une
organisation terroriste à l'échelle mondiale. L'ennemi n'est pas
identifiable en tant que régime politique, personne, religion ou
idéologie. L'ennemi est le terrorisme - une violence à motivation
politique préméditée, perpétrée contre des
innocents.
Dans de nombreuses contrées, des griefs
légitimes empêchent l'émergence d'une paix durable.
De tels griefs méritent attention dans le cadre d'un processus
politique. Mais aucune cause ne justifie le terrorisme. Les Etats- Unis ne
feront aucune concession aux exigences de terroristes et ne concluront aucun
accord avec eux. Nous ne faisons aucune distinction entre des terroristes
et des gens qui leur donnent asile ou les aident en toute
connaissance de cause.
La lutte contre le terrorisme international ne ressemble à
aucune des guerres de notre histoire. Il faudra la faire
sur de nombreux fronts à la fois, contre un ennemi
particulièrement bien camouflé, et pendant très longtemps.
Le progrès viendra d'une accumulation persévérante de
succès, certains visibles et d'autres invisibles.
X
Aujourd'hui, nos ennemis ont vu ce que des pays civilisés
sont capables de faire et qu'ils font, contre les régimes
qui hébergent, soutiennent et utilisent le terrorisme
à des fins politiques. L'Afghanistan a été
libéré ; les forces de
la coalition continuent à pourchasser les Talibans et
al Qaida. Mais ce n'est pas là le seul champ de bataille sur lequel
nous attaquerons les terroristes. Il reste des milliers de terroristes
bien entraînés, dans des cellules en Amérique du Nord
et du Sud, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.
Notre priorité sera d'abord de déstabiliser et de
détruire les organisations terroristes internationales et d'attaquer
leurs chefs, leurs systèmes de commandement, de contrôle et de
communications, leur infrastructure de support
et leurs circuits de financement. Cela diminuera l'aptitude de
ces terroristes à planifier et à mener à bien leurs
actions.
Nous continuerons à encourager nos partenaires
régionaux à faire des efforts coordonnés pour
isoler les terroristes. Lorsqu'une telle campagne régionale aura
identifié une menace dans un pays particulier, nous aiderons ce
pays à avoir les moyens militaires, policiers, politiques et
financiers nécessaires pour terminer la tâche.
Les Etats-Unis continueront à travailler avec nos
alliés à couper les circuits de financement du terrorisme. Nous
identifierons et bloquerons ses sources de financement ; nous gèlerons
leurs comptes et les comptes de ceux qui
les soutiennent ; nous empêcherons les
terroristes d'accéder au système financier
international ; nous empêcherons les oeuvres de bienfaisance
honnêtes d'être abusées par les terroristes et nous
empêcherons les transferts de fonds des terroristes à travers des
réseaux financiers alternatifs.
Les actions de cette campagne n'ont nullement besoin, pour
être efficaces, de se dérouler dans un ordre bien défini.
C'est l'effet cumulé de nos actions dans toutes les parties du monde qui
contribuera au résultat voulu.
Voici comment nous allons déstabiliser et détruire
les organisations terroristes :
§ Nous agirons directement et sans aucune interruption,
avec tous les moyens de notre propre puissance et celle des autres pays. Nous
commencerons par nous occuper des organisations terroristes internationales,
ainsi que des états terroristes ou soutiens du terrorisme qui tentent de
se doter d'armes de destruction massive ou de moyens
de les construire.
§ Nous défendrons les Etats-Unis, le peuple
américain et nos intérêts, chez nous et à
l'étranger, en identifiant et
en détruisant les menaces avant qu'elles
n'atteignent nos frontières. Nous nous efforcerons constamment
d'obtenir le soutien de la communauté internationale, mais nous
n'hésiterons pas à agir seuls, si nécessaire, au nom de
notre droit de nous défendre ; nous frapperons ces terroristes de
manière préventive, pour les empêcher
de faire du mal à notre peuple et notre pays.
§ Nous empêcherons d'autres pays de continuer à
soutenir ou héberger des terroristes, en les persuadant ou en les
contraignant à accepter leurs responsabilités nationales.
Pour gagner la bataille contre le terrorisme international, nous
mènerons aussi la guerre sur le plan des idées. Pour ce faire
:
§ Nous utiliserons toute l'influence des Etats-Unis et la
coopération avec nos amis, pour faire comprendre que tous les actes
de terrorisme sont illégitimes, pour que le terrorisme soit
perçu de la même manière que l'esclavage, la piraterie
ou le génocide, comme un comportement qu'aucun gouvernement respectable
ne peut excuser ou soutenir, et auquel tous doivent s'opposer.
§ Nous soutiendrons la gouvernance modérée et
moderne, particulièrement dans le monde musulman, pour que
les idéologies qui encouragent le terrorisme ne trouvent
de terrain fertile dans aucun pays.
§ Nous ferons régresser les contextes
nationaux qui donnent naissance au terrorisme, en obtenant de la
communauté internationale qu'elle concentre ses efforts et ses
ressources dans les pays où le risque est le plus
élevé.
XI
§ Nous utiliserons les moyens diplomatiques les plus
efficaces pour promouvoir la libre circulation des informations et des
idées, afin de susciter les espoirs et l'aspiration à la
liberté des citoyens des sociétés dirigées
par les soutiens du terrorisme international.
Tout en reconnaissant que notre meilleure défense est
l'offensive, nous renforçons aussi la sécurité
intérieure de notre pays, pour nous protéger des attaques et les
dissuader.
Notre administration a proposé la plus importante
réorganisation gouvernementale depuis que l'administration Truman a
créé le Conseil national de sécurité
(National Security Council) et le Ministère de la défense
(Department of Defense). Notre plan détaillé et complet de
sécurité intérieure, basé sur un nouveau
Ministère de
la sécurité intérieure (Department of
Homeland Security), comprend un commandement militaire unifié et une
réorganisation en profondeur du FBI ; il concerne tous les rouages de
l'Etat et la coopération entre les secteurs public et privé.
Cette stratégie transformera les difficultés
en opportunités. C'est ainsi, par exemple, que de meilleures
procédures de gestion des circonstances critiques pourront s'appliquer
à tous les types de crise, en plus des actes terroristes. Notre
système de soins sera renforcé pour pouvoir gérer
toutes les épidémies et les catastrophes à victimes
nombreuses, en plus du terrorisme bactériologique. Nos
contrôles aux frontières amélioreront
l'efficacité des transports légitimes, en plus du blocage des
terroristes.
Bien que notre priorité soit la défense de
l'Amérique, nous savons que pour vaincre le terrorisme dans le monde
ouvert d'aujourd'hui nous avons besoin du soutien de nos alliés et de
nos amis. Partout où c'est possible, les Etats-Unis compteront sur des
organisations régionales et le pouvoir des pays pour faire face aux
obligations de
la lutte antiterroriste. Là où un gouvernement
trouvera cette lutte au-dessus de ses forces, nous compléterons sa bonne
volonté et ses ressources avec toute l'aide que nous et nos
alliés pourront lui apporter.
Tout en faisant la chasse aux terroristes en Afghanistan,
nous continuerons à travailler avec les organisations internationales
comme les Nations unies, ainsi qu'avec des organisations non gouvernementales
et d'autres pays, pour fournir l'aide humanitaire, politique,
économique et de sécurité nécessaire
à la reconstruction de l'Afghanistan, pour que jamais plus ce
pays n'opprime son peuple, ne menace ses voisins et n'abrite des
terroristes.
Dans la guerre contre le terrorisme international, nous
n'oublierons jamais que nous luttons en fait pour nos valeurs
démocratiques et notre mode de vie. La liberté et la crainte sont
en guerre, et ce conflit ne s'arrêtera ni rapidement ni facilement. A
la pointe de la campagne contre le terrorisme, nous construisons des
relations internationales nouvelles et efficaces et nous redéfinissons
les relations existantes pour les adapter aux défis du
vingt-et-unième siècle [...]
5 Empêcher nos ennemis de nous menacer, ainsi que
nos alliés et nos amis, avec des armes de destruction
massive
"Le danger le plus grave pour la liberté
est l'alliance de l'extrémisme et de la technologie. Si les
armes chimiques, biologiques et nucléaires se répandaient en
même temps que la technologie des missiles balistiques, même de
petits groupes pourraient disposer d'une puissance leur permettant de
frapper les grands pays de manière catastrophique. Nos ennemis
ont déclaré leur intention de se doter de ces armes
terribles et ont été surpris en train de chercher à
s'en procurer. Ils veulent pouvoir nous faire chanter, nous faire du mal ou en
faire à nos amis - et nous lutterons contre eux de toutes nos
forces."
Le président Bush
West Point, New York, le 1er juin 2002
Par sa nature même, la guerre froide exigeait que les
Etats-Unis, ses alliés et ses amis, essaient en premier lieu de
dissuader un ennemi d'utiliser la force, au moyen de la sinistre
stratégie de la destruction mutuelle assurée. Avec l'effondrement
de l'Union soviétique et la fin de la guerre froide, le
contexte de notre sécurité s'est profondément
transformé.
XII
Notre relation avec la Russie étant passée de la
confrontation à la coopération, les dividendes en sont
évidents :
la fin de l'équilibre de la terreur qui nous
divisait, une réduction d'ampleur historique de nos arsenaux
nucléaires, ainsi qu'une coopération dans des domaines tels que
le contre-terrorisme et la défense antimissiles, coopération qui
était inconcevable il y a peu d'années.
De nos jours, des états voyous et des terroristes nous
lancent un défi mortel. Aucune de leurs menaces actuelles n'est
comparable à la puissance de destruction mise en batterie contre nous
par l'Union soviétique. Malgré cela,
le contexte de sécurité d'aujourd'hui est plus
complexe et plus dangereux, du fait de la nature et des motivations
de ces nouveaux adversaires, de leur détermination
à se doter d'une puissance destructrice dont seuls les états les
plus puissants disposaient jusqu'ici, et de la probabilité plus
grande qu'ils utilisent contre nous des armes de destruction massive.
Dans les années 90 nous avons assisté à
l'émergence d'un petit nombre d'états voyous qui, bien que
différents selon certains critères importants, partagent
plusieurs caractéristiques. Ces états :
§ Brutalisent leurs propres citoyens et gaspillent leurs
ressources nationales au profit de leurs dirigeants.
§ Méprisent la loi internationale, menacent leurs
voisins et violent sans vergogne les traités internationaux qu'ils ont
signés.
§ Sont déterminés à acquérir
des armes de destruction massive, ainsi que d'autres technologies
militaires avancées, pour des menaces ou des attaques au service des
desseins agressifs de leurs régimes.
§ Soutiennent le terrorisme sur toute la planète.
§ Rejettent les valeurs fondamentales de
l'Humanité et haïssent les Etats-Unis et toutes les causes
qu'ils défendent.
Lors de la Guerre du Golfe, nous avons acquis la preuve
irréfutable que les desseins de l'Iraq ne se limitaient pas aux armes
chimiques utilisées contre son propre peuple et contre l'Iran,
mais allaient jusqu'à l'acquisition d'armes nucléaires et
d'agents biologiques. Dans les dix dernières années, la
Corée du Nord est devenue le principal fournisseur mondial de
missiles balistiques et a testé des missiles de plus en plus
puissants, tout en développant son propre arsenal d'armes de
destruction massive. D'autres états voyous cherchent également
à se doter d'armes nucléaires, biologiques et chimiques. Les
efforts de ces états pour se doter de telles armes et pour
en vendre dans tous les pays sont devenus une épée
de Damoclès pour toutes les nations.
Nous devons être prêts à mettre un terme
aux efforts des états voyous et de leurs clients terroristes, avant
qu'ils puissent menacer les Etats-Unis, leurs alliés et amis ou
utiliser des armes de destruction massive contre eux. Notre
réaction doit profiter pleinement d'alliances renforcées,
de relations de partenariat nouvelles avec d'anciens adversaires,
d'utilisations innovantes des forces armées, des technologies
modernes, ainsi que du développement d'un système de
défense anti-missiles efficace et d'un effort en matière de
collecte et d'analyse
des renseignements.
Notre stratégie tous azimuts de lutte contre les armes de
destruction massive comprend :
§ Des efforts actifs pour limiter la
prolifération. Nous devons dissuader les menaces et nous défendre
contre elles avant leur déploiement. Nous devons nous assurer que
les possibilités les plus importantes en matière de
détection, de défense active et passive, ainsi que de
défense contre les attaques des bases aériennes et de
lancement d'engins, sont prises en compte dans la transformation de
notre défense et dans les systèmes de
sécurité de notre patrie. Il faut aussi intégrer cette
contre-prolifération dans la théorie militaire, la formation et
l'équipement de nos armées et de celles de nos alliés,
pour être certains de l'emporter dans n'importe quel conflit contre des
adversaires munis d'armes de destruction massive.
§ Renforcer les efforts de non-prolifération,
pour empêcher les états voyous et les terroristes
d'acquérir les matières premières, les technologies
et la compétence nécessaires aux armes de destruction
massive. Nous renforcerons la diplomatie, le contrôle des armes,
les contrôles multilatéraux des exportations et l'aide
à la réduction des menaces pour contrecarrer les efforts
des états et des terroristes à la recherche d'armes de
destruction massive. Lorsque c'est nécessaire, nous bannirons
l'exportation des technologies et des matières
XIII
premières correspondantes. Nous continuerons
à construire des coalitions pour soutenir ces efforts et
à encourager un soutien politique et financier accru aux
programmes de non-prolifération et de réduction des
menaces. L'accord récent des pays du G8 pour débloquer
jusqu'à 20 milliards de dollars dans le cadre d'un partenariat
mondial contre la prolifération constitue un progrès
significatif.
§ Une gestion efficace des conséquences de
l'utilisation d'armes de destruction massive, qu'elle soit le fait de
terroristes ou d'états hostiles. En réduisant les effets de
l'utilisation d'armes de destruction massive contre notre peuple, nous
contribuerons à dissuader ceux qui ont de telles armes de s'en
servir, et à dissuader ceux qui cherchent à en
acquérir de le faire. Nos ennemis seront ainsi persuadés qu'ils
ne peuvent arriver à leurs fins. Les Etats-Unis doivent aussi être
préparés à réagir aux effets de l'utilisation des
armes de destruction massive contre nos forces basées à
l'étranger et à aider des amis et des alliés s'ils sont
attaqués.
Il nous a fallu près de dix ans pour
comprendre la vraie nature de cette nouvelle menace. Connaissant les
objectifs des états voyous et des terroristes, les Etats-Unis ne
peuvent plus se contenter de l'attitude d'attente d'une attaque qui a
été la nôtre dans le passé.
L'incapacité de dissuader un attaquant potentiel, le
caractère immédiat des menaces d'aujourd'hui et
l'énormité des conséquences dommageables du choix d'armes
de nos ennemis ne nous le permettent plus. Nous ne pouvons pas laisser nos
ennemis frapper les premiers.
§ Pendant la guerre froide et particulièrement
après la crise des missiles de Cuba, notre adversaire était
partisan
du statu quo et redoutait les risques. La dissuasion
était une défense efficace. Mais la dissuasion basée sur
la seule menace d'une frappe en retour a moins de chance de marcher contre des
dirigeants d'états voyous prêts à prendre des risques,
jouant avec la vie de leurs citoyens et la richesse de leur pays.
§ Pendant la guerre froide, les armes de destruction
massive étaient considérées comme à utiliser
en dernier ressort, parce qu'elles pouvaient entraîner la destruction de
ceux qui s'en servaient. De nos jours, nos ennemis
les considèrent comme des armes de première
frappe. Pour les états voyous, ce sont des armes d'intimidation et
d'agression militaire contre leurs voisins. Ce genre d'armes peut aussi
permettre à ces pays d'essayer de faire du chantage aux Etats-Unis et
à nos alliés, pour nous empêcher de dissuader ou
de repousser une agression. De telles armes, enfin, sont
considérées par ces états comme le meilleur moyen de
triompher de la supériorité des Etats-Unis en matière
d'armes conventionnelles.
§ Les arguments traditionnels de la dissuasion
sont sans valeur contre un ennemi terroriste, dont la tactique
avouée est la destruction pour la destruction et la cible est
constituée par des innocents, dont les soi-disant soldats
cherchent à mourir en martyr et dont la protection la plus efficace est
l'absence de patrie. Les états qui soutiennent le terrorisme
étant aussi ceux qui cherchent à se doter d'armes de destruction
massive, nous sommes obligés d'agir.
Depuis des siècles, les lois internationales ont admis
qu'un pays n'a pas besoin d'être attaqué pour se
défendre
en toute légalité contre des forces qui
présentent un danger d'attaque imminente. Les spécialistes du
droit et les juristes internationaux ont souvent posé, comme condition
de la légitimité d'une attaque préventive, l'existence
d'une menace immédiate ; il s'agissait le plus souvent d'une
mobilisation visible d'armées, de navires et de forces
aériennes se préparant à attaquer.
Nous devons adapter la notion de menace
immédiate aux possibilités et aux objectifs des
adversaires d'aujourd'hui. Les états voyous et les
terroristes ne cherchent pas à nous attaquer avec des
moyens conventionnels. Ils savent qu'une telle attaque échouerait.
Ils préfèrent compter sur des actes terroristes et, si
possible, l'utilisation d'armes de destruction massive, des armes qui
peuvent facilement être dissimulées, transportées en
cachette et utilisées sans avertissement.
Les cibles de telles attaques sont nos forces armées et
notre population civile, en violation flagrante d'une des lois principales de
la guerre. Comme l'ont prouvé les pertes du 11 septembre 2001,
l'objectif des terroristes est
de tuer des civils en masse. De telles pertes seraient
infiniment plus élevées si ces terroristes disposaient et
utilisaient des armes de destruction massive.
Les Etats-Unis se sont depuis longtemps
réservé la possibilité d'actions préventives pour
contrer une menace suffisamment grande à notre sécurité
nationale. Plus la menace est grande, plus le risque pris en n'agissant pas
est important, et plus les raisons d'agir préventivement
pour nous défendre sont fortes. Et ceci reste vrai même
XIV
lorsque l'heure et le lieu de l'attaque de l'ennemi sont
inconnus. Pour prévenir de tels actes hostiles de nos
adversaires, les Etats-Unis agiront préventivement si
nécessaire.
Les Etats-Unis n'utiliseront pas systématiquement
la force d'une manière préventive contre des menaces
naissantes, et aucun pays ne devrait utiliser la possibilité d'une
action préventive comme prétexte d'agression. Toutefois,
à une époque où les ennemis de la civilisation cherchent
ouvertement et activement à se doter des technologies les plus
destructrices du monde, les Etats-Unis ne peuvent rester l'arme au pied
pendant que les dangers s'accumulent.
Nous agirons toujours à bon escient, en évaluant
les conséquences de nos actions. Pour préserver nos
possibilités d'action préventive :
§ Nous construirons des systèmes de renseignement
meilleurs et mieux intégrés, pour disposer en temps utile
d'informations précises sur les menaces, quel que soit l'endroit
où elles apparaissent.
§ Nous nous concerterons étroitement avec nos
alliés, pour analyser ensemble les menaces les plus dangereuses.
§ Nous continuerons à transformer nos forces
armées, pour être en mesure de mener rapidement des
opérations précises afin d'obtenir des résultats
décisifs.
Le but de nos actions sera toujours d'éliminer une menace
précise dirigée contre les Etats-Unis, nos alliés ou nos
amis. Les raisons de nos actions seront claires, la force sera utilisée
de manière mesurée et la cause sera juste.
XV
DISCOURS DU PRESIDENT BUSH AU MUSEUM CENTER DE
CINICINNATI DE
NEW YORK SUR LA MENACE IRAKIENNE
For Immediate Release
Office of the Press Secretary
October 7, 2002
President Bush Outlines Iraqi Threat
Remarks by the President on Iraq
Cincinnati Museum Center - Cincinnati Union Terminal
Cincinnati, Ohio
8:02 P.M. EDT
THE PRESIDENT: Thank you all. Thank you for that very gracious
and warm Cincinnati welcome. I'm honored to be here tonight; I appreciate you
all coming.
Tonight I want to take a few minutes to discuss a grave threat to
peace, and America's determination
to lead the world in confronting that threat.
The threat comes from Iraq. It arises directly from
the Iraqi regime's own actions -- its history of aggression, and its
drive toward an arsenal of terror. Eleven years ago, as a condition for ending
the Persian Gulf War, the Iraqi regime was required to destroy its weapons of
mass destruction, to cease
all development of such weapons, and to stop all support for
terrorist groups. The Iraqi regime has violated all of those obligations.
It possesses and produces chemical and biological weapons. It is
seeking nuclear weapons. It has given shelter and support to terrorism, and
practices terror against its own people. The entire world has witnessed Iraq's
eleven-year history of defiance, deception and bad faith.
We also must never forget the most vivid events of
recent history. On September the 11th, 2001, America felt its
vulnerability -- even to threats that gather on the other side of the earth. We
resolved then, and we are resolved today, to confront every threat, from any
source, that could bring sudden terror and suffering to America.
Members of the Congress of both political parties, and
members of the United Nations Security Council, agree that Saddam Hussein
is a threat to peace and must disarm. We agree that the Iraqi dictator must not
be permitted to threaten America and the world with horrible poisons and
diseases and gases and atomic weapons. Since we all agree on this
goal, the issues is : how can we best achieve it?
Many Americans have raised legitimate questions: about the
nature of the threat; about the urgency of action -- why be concerned now;
about the link between Iraq developing weapons of terror, and the wider war on
terror. These are all issues we've discussed broadly and fully within my
administration. And tonight, I want to share those discussions with you.
XVI
First, some ask why Iraq is different from other countries or
regimes that also have terrible weapons. While there are many dangers in the
world, the threat from Iraq stands alone -- because it gathers the most serious
dangers of our age in one place. Iraq's weapons of mass destruction are
controlled by a murderous tyrant who has already used chemical weapons
to kill thousands of people. This same tyrant has tried to dominate the
Middle East, has invaded and brutally occupied a small neighbor, has struck
other nations without warning, and holds an unrelenting hostility toward the
United States.
By its past and present actions, by its technological
capabilities, by the merciless nature of its regime, Iraq is unique. As a
former chief weapons inspector of the U.N. has said, "The fundamental problem
with Iraq remains the nature of the regime, itself. Saddam Hussein
is a homicidal dictator who is addicted to weapons of mass
destruction."
Some ask how urgent this danger is to America and the world. The
danger is already significant, and it only grows worse with time. If we know
Saddam Hussein has dangerous weapons today -- and we do
-- does it make any sense for the world to wait to
confront him as he grows even stronger and develops even more dangerous
weapons?
In 1995, after several years of deceit by the Iraqi
regime, the head of Iraq's military industries defected. It was then that
the regime was forced to admit that it had produced more than 30,000 liters
of anthrax and other deadly biological agents. The inspectors,
however, concluded that Iraq had likely produced two to four times that amount.
This is a massive stockpile of biological weapons that has never been accounted
for, and capable of killing millions.
We know that the regime has produced thousands of tons of
chemical agents, including mustard gas, sarin nerve gas, VX nerve gas. Saddam
Hussein also has experience in using chemical weapons. He has ordered
chemical attacks on Iran, and on more than forty villages in his
own country. These actions killed or injured at least 20,000 people, more
than six times the number of people who died in the attacks of September the
11th.
And surveillance photos reveal that the regime is
rebuilding facilities that it had used to produce chemical and
biological weapons. Every chemical and biological weapon that Iraq has or makes
is a direct violation of the truce that ended the Persian Gulf War
in 1991. Yet, Saddam Hussein has chosen to build and keep these weapons
despite international sanctions, U.N. demands, and isolation from the civilized
world.
Iraq possesses ballistic missiles with a likely range of
hundreds of miles -- far enough to strike Saudi Arabia, Israel, Turkey, and
other nations -- in a region where more than 135,000 American civilians and
service members live and work. We've also discovered through
intelligence that Iraq has a growing fleet of manned and unmanned
aerial vehicles that could be used to disperse chemical or biological
weapons across broad areas. We're concerned that Iraq is exploring ways of
using these UAVS for missions targeting the United States. And, of course,
sophisticated delivery systems aren't required for a chemical or biological
attack; all that might be required are a small container and one terrorist or
Iraqi intelligence operative to deliver it.
And that is the source of our urgent concern about Saddam
Hussein's links to international terrorist groups. Over the years, Iraq has
provided safe haven to terrorists such as Abu Nidal, whose terror organization
carried out more than 90 terrorist attacks in 20 countries that killed or
injured nearly 900 people, including 12 Americans. Iraq has also
provided safe haven to Abu Abbas, who was responsible for seizing the
Achille Lauro and killing an American passenger. And we know that Iraq is
continuing to finance terror and gives assistance to groups that use
terrorism to undermine Middle East peace.
We know that Iraq and the al Qaeda terrorist network share a
common enemy -- the United States of
America. We know that Iraq and al Qaeda have had high-level
contacts that go back a decade. Some
al Qaeda leaders who fled Afghanistan went to Iraq. These
include one very senior al Qaeda leader who received medical treatment in
Baghdad this year, and who has been associated with planning for chemical and
biological attacks. We've learned that Iraq has trained al Qaeda
members in bomb- making and poisons and deadly gases. And we know
that after September the 11th, Saddam Hussein's regime gleefully
celebrated the terrorist attacks on America.
XVII
Iraq could decide on any given day to provide a biological or
chemical weapon to a terrorist group or individual terrorists. Alliance with
terrorists could allow the Iraqi regime to attack America without
leaving any fingerprints.
Some have argued that confronting the threat from Iraq could
detract from the war against terror. To the contrary; confronting the threat
posed by Iraq is crucial to winning the war on terror. When I spoke
to Congress more than a year ago, I said that those who harbor
terrorists are as guilty as the terrorists themselves. Saddam Hussein is
harboring terrorists and the instruments of terror, the instruments of mass
death and destruction. And he cannot be trusted. The risk is simply too great
that he will use them, or provide them to a terror network.
Terror cells and outlaw regimes building weapons of mass
destruction are different faces of the same evil. Our security requires
that we confront both. And the United States military is capable of
confronting both.
Many people have asked how close Saddam Hussein is to
developing a nuclear weapon. Well, we don't know exactly, and that's the
problem. Before the Gulf War, the best intelligence indicated that Iraq was
eight to ten years away from developing a nuclear weapon. After the
war, international inspectors learned that the regime has been much
closer -- the regime in Iraq would likely have possessed a nuclear
weapon no later than 1993. The inspectors discovered that Iraq had
an advanced nuclear weapons development program, had a design for a workable
nuclear weapon, and was pursuing several different methods of enriching uranium
for a bomb.
Before being barred from Iraq in 1998, the International
Atomic Energy Agency dismantled extensive nuclear weapons-related
facilities, including three uranium enrichment sites. That same
year, information from a high-ranking Iraqi nuclear engineer who had
defected revealed that despite his public promises, Saddam Hussein had
ordered his nuclear program to continue.
The evidence indicates that Iraq is reconstituting its nuclear
weapons program. Saddam Hussein has held numerous meetings with Iraqi nuclear
scientists, a group he calls his "nuclear mujahideen" -- his nuclear holy
warriors. Satellite photographs reveal that Iraq is rebuilding
facilities at sites that have been part of its nuclear program in the past.
Iraq has attempted to purchase high-strength aluminum tubes and other equipment
needed for gas centrifuges, which are used to enrich uranium for nuclear
weapons.
If the Iraqi regime is able to produce, buy, or steal an
amount of highly enriched uranium a little larger than a single softball,
it could have a nuclear weapon in less than a year. And if we
allow that to happen, a terrible line would be crossed. Saddam Hussein would
be in a position to blackmail anyone who opposes his aggression. He would be in
a position to dominate the Middle East. He would be in a position to threaten
America. And Saddam Hussein would be in a position to pass nuclear
technology
to terrorists.
Some citizens wonder, after 11 years of living with this
problem, why do we need to confront it now? And there's a reason. We've
experienced the horror of September the 11th. We have seen that those who hate
America are willing to crash airplanes into buildings full of
innocent people. Our enemies would be no less willing, in fact, they
would be eager, to use biological or chemical, or a nuclear
weapon.
Knowing these realities, America must not ignore the
threat gathering against us. Facing clear evidence of peril, we cannot
wait for the final proof -- the smoking gun -- that could come in the form
of
a mushroom cloud. As President Kennedy said in October
of 1962, "Neither the United States of
America, nor the world community of nations can tolerate
deliberate deception and offensive threats
on the part of any nation, large or small. We no longer live in a
world," he said, "where only the actual firing of weapons represents a
sufficient challenge to a nations security to constitute maximum peril."
Understanding the threats of our time, knowing the designs
and deceptions of the Iraqi regime, we have every reason to assume the
worst, and we have an urgent duty to prevent the worst from
occurring.
XVIII
Some believe we can address this danger by simply resuming the
old approach to inspections, and applying diplomatic and economic pressure. Yet
this is precisely what the world has tried to do since
1991. The U.N. inspections program was met with
systematic deception. The Iraqi regime bugged hotel rooms and offices
of inspectors to find where they were going next; they forged
documents, destroyed evidence, and developed mobile weapons facilities
to keep a step ahead of inspectors. Eight so-called presidential
palaces were declared off-limits to unfettered inspections. These sites
actually encompass twelve square miles, with hundreds of structures,
both above and below the ground, where sensitive materials could be
hidden.
The world has also tried economic sanctions -- and watched Iraq
use billions of dollars in illegal oil revenues to fund more weapons purchases,
rather than providing for the needs of the Iraqi people.
The world has tried limited military strikes to destroy Iraq's
weapons of mass destruction capabilities -- only to see them openly rebuilt,
while the regime again denies they even exist.
The world has tried no-fly zones to keep Saddam from
terrorizing his own people -- and in the last year alone, the Iraqi military
has fired upon American and British pilots more than 750 times.
After eleven years during which we have tried
containment, sanctions, inspections, even selected military action, the end
result is that Saddam Hussein still has chemical and biological weapons and is
increasing his capabilities to make more. And he is moving ever
closer to developing a nuclear weapon.
Clearly, to actually work, any new inspections, sanctions or
enforcement mechanisms will have to be very different. America wants the U.N.
to be an effective organization that helps keep the peace. And that is why we
are urging the Security Council to adopt a new resolution setting out tough,
immediate requirements. Among those requirements: the Iraqi regime must
reveal and destroy, under U.N. supervision, all existing weapons of mass
destruction. To ensure that we learn the truth, the regime must allow
witnesses to its illegal activities to be interviewed outside the
country -- and these witnesses must be free to bring their families
with them so they all beyond the reach of Saddam Hussein's terror and
murder. And inspectors must have access to any site, at any time, without pre-
clearance, without delay, without exceptions.
The time for denying, deceiving, and delaying has come
to an end. Saddam Hussein must disarm himself -- or, for the sake of
peace, we will lead a coalition to disarm him.
Many nations are joining us in insisting that Saddam Hussein's
regime be held accountable. They are committed to defending the international
security that protects the lives of both our citizens and theirs. And that's
why America is challenging all nations to take the resolutions of the U.N.
Security Council seriously.
And these resolutions are clear. In addition to
declaring and destroying all of its weapons of mass destruction, Iraq
must end its support for terrorism. It must cease the persecution of
its civilian population. It must stop all illicit trade outside the Oil For
Food program. It must release or account for
all Gulf War personnel, including an American pilot, whose fate
is still unknown.
By taking these steps, and by only taking these steps, the
Iraqi regime has an opportunity to avoid conflict. Taking these steps would
also change the nature of the Iraqi regime itself. America hopes the regime
will make that choice. Unfortunately, at least so far, we have
little reason to expect it. And that's why two administrations -- mine and
President Clinton's -- have stated that regime change in Iraq is the only
certain means of removing a great danger to our nation.
I hope this will not require military action, but it may. And
military conflict could be difficult. An Iraqi regime faced with its own
demise may attempt cruel and desperate measures. If Saddam Hussein
orders such measures, his generals would be well advised to refuse
those orders. If they do not refuse, they must understand that all war
criminals will be pursued and punished. If we have to act, we will take every
precaution that is possible. We will plan carefully; we will act with the full
power of the United States military; we will act with allies at our side, and
we will prevail. (Applause.)
XIX
There is no easy or risk-free course of action. Some
have argued we should wait -- and that's an option. In my view, it's
the riskiest of all options, because the longer we wait, the stronger and
bolder Saddam Hussein will become. We could wait and hope that Saddam
does not give weapons to terrorists, or develop a nuclear weapon to
blackmail the world. But I'm convinced that is a hope against all
evidence. As Americans, we want peace -- we work and sacrifice for peace. But
there can
be no peace if our security depends on the will and whims of a
ruthless and aggressive dictator. I'm not willing to stake one American life on
trusting Saddam Hussein.
Failure to act would embolden other tyrants, allow
terrorists access to new weapons and new resources, and make blackmail a
permanent feature of world events. The United Nations would betray the purpose
of its founding, and prove irrelevant to the problems of our time. And through
its inaction, the United States would resign itself to a future of fear.
That is not the America I know. That is not the America I
serve. We refuse to live in fear. (Applause.) This nation, in world war and in
Cold War, has never permitted the brutal and lawless to set history's course.
Now, as before, we will secure our nation, protect our freedom, and
help others to find freedom of their own.
Some worry that a change of leadership in Iraq could create
instability and make the situation worse. The situation could hardly get worse,
for world security and for the people of Iraq. The lives of Iraqi citizens
would improve dramatically if Saddam Hussein were no longer in power, just as
the lives of Afghanistan's citizens improved after the Taliban. The
dictator of Iraq is a student of Stalin, using murder as a tool of
terror and control, within his own cabinet, within his own army, and even
within his own family.
On Saddam Hussein's orders, opponents have been
decapitated, wives and mothers of political opponents have been
systematically raped as a method of intimidation, and political prisoners have
been forced to watch their own children being tortured.
America believes that all people are entitled to hope and human
rights, to the non-negotiable demands
of human dignity. People everywhere prefer freedom to slavery;
prosperity to squalor; self-government
to the rule of terror and torture. America is a friend to the
people of Iraq. Our demands are directed only at the regime that enslaves them
and threatens us. When these demands are met, the first and greatest benefit
will come to Iraqi men, women and children. The oppression of Kurds,
Assyrians, Turkomans, Shi'a, Sunnis and others will be lifted. The long
captivity of Iraq will end, and an era of new hope will begin.
Iraq is a land rich in culture, resources, and talent. Freed
from the weight of oppression, Iraq's people will be able to share in the
progress and prosperity of our time. If military action is necessary,
the United States and our allies will help the Iraqi people rebuild their
economy, and create the institutions
of liberty in a unified Iraq at peace with its neighbors.
Later this week, the United States Congress will vote
on this matter. I have asked Congress to authorize the use of
America's military, if it proves necessary, to enforce U.N. Security
Council demands. Approving this resolution does not mean that military action
is imminent or unavoidable. The resolution will tell the United Nations,
and all nations, that America speaks with one voice and is determined
to make the demands of the civilized world mean something. Congress
will also be sending a message to the dictator in Iraq: that his only chance
-- his only choice is full compliance, and the time remaining for that choice
is limited.
Members of Congress are nearing an historic vote. I'm confident
they will fully consider the facts, and their duties.
The attacks of September the 11th showed our country that
vast oceans no longer protect us from danger. Before that tragic date, we had
only hints of al Qaeda's plans and designs. Today in Iraq, we see a threat
whose outlines are far more clearly defined, and whose consequences could be
far more deadly. Saddam Hussein's actions have put us on notice, and
there is no refuge from our responsibilities.
XX
We did not ask for this present challenge, but we accept it.
Like other generations of Americans, we will meet the responsibility of
defending human liberty against violence and aggression. By our
resolve, we will give strength to others. By our courage, we will
give hope to others. And by our actions, we will secure the peace, and
lead the world to a better day.
May God bless America. (Applause.) END 8:31 P.M. EDT
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http://www.whitehouse.gov/news/releases/2002/10/20021007-8.html
XXI
ILLUSTRATION DES DOMMAGES LIES A L'USAGE D'UNE ARME
NUCLEAIRE
XXII
CARTE DES PAYS DISPOSANT D'ARMES OU DE PROGRAMMES
NUCLÉAIRES
XXIII
XXIV
TABLE DES MATIERES
Dédicaces......................................................................
...........................................................ii
Remerciements......................................................................
................................................iii Liste des sigles et
abréviations............................................................................................iv
Sommaire......................................................................
..........................................................v
INTRODUCTION......................................................................
...........................................1
PREMIERE PARTIE : DE LA LEGALITE DU CONCEPT DE LA GUERRE
PREVENTIVE............................................................................6
Chapitre 1er : La légalité de la
guerre préventive au regard de la doctrine..............7
Section 1 : La doctrine de la guerre
juste..............................................................................8
Paragraphe1 : Exposé de la
théorie........................................................................................8
A- La thèse chrétienne de la guerre
juste..............................................................................8
B- La thèse séculière de la guerre
juste...............................................................................10
Paragraphe2 : Les implications de la théorie sur la notion
de la guerre préventive......11
A- Les implications en rapport avec les notions de la juste cause
et de l'intention
droite
..................................................................................................................................12
B- Les implications en rapport avec les droits fondamentaux des
Etats.........................13
Section 2 : La doctrine de l'état de
nature...........................................................................15
Paragraphe1 : Exposé de la
théorie......................................................................................15
A- La pensée de Thomas
Hobbes.........................................................................................15
B- Les pensées des autres
auteurs.........................................................................................16
Paragraphe2 : Les implications de la théorie sur la notion
de la guerre préventive.......17
A- Les implications
positives......................................................................
.........................17
B- Les implications négatives..............
...............................................................................19
Chapitre2 : La légalité de la guerre
préventive au regard de la norme.................21
Section1 : La Charte de l'ONU et la notion de légitime
défense préventive...................22
Paragraphe1 : L'interprétation restrictive de la
Charte......................................................23
A- Le fondement : l'esprit de la
Charte...............................................................................23
B- Le problème de la condition : une agression
préalable................................................24
Paragraphe2 : L'interprétation extensive de la
Charte.......................................................25
A- Le fondement : le contexte actuel de la
Charte.............................................................26
B- Le problème de la condition : une agression
imminente..............................................27
Section2 : Les dispositions constitutionnelles des
Etats....................................................29
Paragraphe1 : Cas des constitutions
africaines..............................................................29
A- La constitution béninoise de décembre
1990................................................... .............29
B- La constitution sud-africaine d'avril
1994......................................................... ...........30
Paragraphe2 : Cas des constitutions
occidentales......................... ................................31
A- La constitution allemande de mai
1949...........................................................................31
B- La constitution des Etats-Unis
d'Amérique...............................
...................................32
DEUXIEME PARTIE : DE LA LEGITIMITE DU CONCEPT DE
LA
GUERRE
PREVENTIVE......................................................34
Chapitre 1er : La deuxième guerre
d'Irak : les faits et les mobiles présumés du
conflit.............................................................................................................35
Section1 : Historique de la guerre
d'Irak.............................................................................36
Paragraphe1 : La justification officielle du conflit et son
déroulement...........................36
A- La justification officielle du
conflit..............................................................................
..36
B- Le déroulement du conflit
irakien....................................................................................38
Paragraphe2 : Les suites de la
guerre...................................................................................39
A- Un après-guerre sombre : le risque de
déstabilisation d'une région fragile.............39
B- La polémique à propos des armes de destruction
massive......................................... .41
Section 2 : Les mobiles présumés de
l'intervention...........................................................42
Paragraphe1 : Les mobiles plus ou moins
légitimes..........................................................43
A- Le choc provoqué aux Etats-Unis par l'affront du 11
septembre 2001.....................43
B- Les raisons historiques de l'engagement polonais dans la
guerre............................45
Paragraphe2 : Les mobiles les plus
controversés...............................................................46
A- L'enjeu
pétrolier.......................................................................................................47
B- L'enjeu hégémonique et
impérialiste....................................
........................................48
Chapitre2: Quelle légitimité pour le
concept de la guerre préventive au regard
de la croisade irakienne ?
.............................................................................50
Section 1 : Les facteurs favorables à la
légitimité du
concept..........................................51
Paragraphe1 : L'insécurité
internationale...........................................................................
51
A- Le terrorisme international : une menace à la
défense nationale des Etats..............51
B- L'insécurité nucléaire et
biotechnologique
...................................................................53
Paragraphe2 : La reconnaissance par l'ONU du concept de guerre
préventive............55
A- L'ONU dans la tourmente de l'avant guerre
d'Irak.................................................55
B- L'ONU et le projet de « code d'entrée en
guerre »......................................................56
Section2: Les facteurs d'illégitimité du
concept................................................................58
Paragraphe1 : La contestation internationale du
concept............................................. 59
A- La mobilisation de l'opinion publique internationale contre
l'idée de la
guerre
préventive.............................................................................................................59
B- Le rejet de la guerre préventive au profit de la guerre
préemptive............................60
Paragraphe2 : Les risques de destruction de l'architecture
sécuritaire mondial............62
A- La dilution risquée du principe du non recours à
la force.......................................63
B- Les impacts sécuritaires à craindre de cette
extension du recours à la force............64
CONCLUSION......................................................................................................................66
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................69
ANNEXES................................................................................................................................I