Conclusion générale :
La Révolution provoque d'importants changements en
apportant la liberté d'imprimer. De ce fait, la lecture devient plus
attrayante pour le public qui n'est pas encore totalement
alphabétisé, mais tend à le devenir. Simultanément,
le regain d'intérêt qui en découle pour les métiers
du livre en fait des postes particulièrement convoités, à
un moment auquel le nombre de personnes qui savent lire est en pleine expansion
et chacun est autorisé à exercer la profession qu'il souhaite.
Parallèlement, ce métier est intéressant pour informer et
être informé des idées nouvelles. Cependant, si les
imprimeurs ont une bonne position pour connaître les changements
liés à la Révolution, ce n'est pas eux qui sont les mieux
placés pour véhiculer les idées : ce sont plutôt les
auteurs des textes. Néanmoins, l'administration profite de
l'imprimé pour communiquer ses décisions, ses victoires
militaires (...), augmentant ainsi considérablement la production,
tandis que les imprimeurs semblent vouloir revenir au système des
privilèges contre lequel ils luttaient avant la Révolution.
L'examen des imprimés permet de constater de nombreux
changements : le type de document passe du livre vers le texte officiel, tandis
que l'esprit des textes évolue. Les livres d'opinions se
développent, l'esprit des almanachs s'élargit et les
périodiques se politisent et se diversifient incontestablement.
Parallèlement, l'arrivée en masse des textes officiels au milieu
de la période ne parvient pas à faire reculer le livre ni
l'intérêt pour la politique : la politique n'est pas
présente uniquement dans les textes officiels, elle est aussi
discutée à travers les périodiques et les livres
proprement dits. De même, les faits militaires ne sont pas exposés
seulement dans les communications administratives, ils sont aussi
relatés à travers les opinions et témoignages.
Néanmoins, le bouleversement au niveau éditorial se ressent
totalement au niveau de la forme des imprimés : les formats et nombres
de pages sont considérablement modifiés. Toutefois, la
qualité éditoriale ne semble pas être affectée par
le changement de type de client, puisque les constatation faites à ce
niveau ne dépendent apparemment pas des années. En fait, la
qualité générale de l'imprimé diminue
essentiellement du fait de la multiplication de ce dernier.
Le marché de l'imprimé angevin est dominé
durant presque toute la période par la personne de Charles-Pierre Mame.
Les autres imprimeurs subissent largement la présence de Mame qui
s'empare de tous les travaux à produire. Ils sont donc réduits,
en général, à une production extrêmement faible.
Celui-ci n'est dépassé qu'en 1797, dépossédé
de son titre d'imprimeur du département par Jean-Côme Boutron. On
remarque donc que la production est inégalitaire, ce fait étant
largement favorisé par l'administration qui renforce en permanence la
domination d'un imprimeur sur les autres. A travers l'étude de la
concurrence, on a remarqué que l'engagement personnel était
important dans le métier d'imprimeur pour
être en relation avec des clients potentiels, avec
lesquels il est possible d'établir des liens. Enfin, l'imprimé
permet de véhiculer des idées, ce qui en fait un support
particulièrement intéressant pour cette période durant
laquelle les libertés d'impression et d'expression sont
consacrées. C'est sûrement l'une des motivations qui poussent les
imprimeurs à continuer leur métier et d'autres personnes à
venir s'ajouter à la concurrence.
On remarque bien l'intérêt consacré
à la politique par une part croissante de la population, du fait de
l'alphabétisation, mais aussi parce que la politique est publiquement
discutée dans les sociétés politiques et à travers
les journaux. Il semble aussi qu'un intérêt croissant pour la
république émerge en raison de la responsabilité et des
droits qu'elle donne à chacun. Ainsi, la lecture devient plus abordable
pour un nombre croissant de personnes qui s'intéressent plus facilement
à la lecture, étant donné l'intérêt qu'elle
peut leur apporter. Tandis qu'avant 1789, la production imprimée a pour
principal sujet la religion, pendant la période révolutionnaire,
c'est la politique qui l'emporte. On en déduit que le métier
d'imprimeur, en même temps que ceux de libraire, de relieur et de
prêteur de livre, atteignent un nouveau degré d'importance. En
revanche, à partir de Napoléon, les sciences semblent être
le sujet le plus apprécié, si l'on en croit les quelques
inventaires de livres consultés464.
Les périodiques ont des intérêts multiples
pour l'historien. En effet, à travers les sujets dont traite un
périodique, il est possible de vérifier quel est
l'intérêt que porte la population concernée (locale,
régionale ou nationale, selon l'importance du journal) pour la politique
et l'actualité en général. Ils permettent également
de constater la transparence qui était en vigueur à
l'époque étudiée, mais aussi de connaître
l'état de l'ouverture d'esprit de la population à cette
époque, en voyant à travers les journaux ce à quoi
s'intéressent le rédacteur et les lecteurs.
Il aurait été intéressant de montrer
quelle fut la diffusion des documents recensés, pour ceux dont
c'était possible. Pareillement, j'aurais aimé prendre en compte
les documents trouvés à Angers qui proviennent d'un autre lieu
d'impression, afin de constater si les angevins consomment plutôt des
imprimés locaux ou non. J'aurais également aimé pouvoir
consulter les ouvrages angevins des bibliothèques environnantes (Nantes,
Tours, Poitiers, ...). Cependant, une année de maîtrise est trop
courte pour approfondir à ce point l'étude et s'initier au
travail de recherche simultanément, surtout que la quantité
d'imprimés angevins conservés à Angers étaient en
nombre suffisants. C'est aussi pourquoi je ne suis pas allé
464 - Catalogue des collections de feu M. Toussaint GRILLE, d
'Angers (...), Angers, Cosnier et Lachèse, 1851. - LEMARCHAND,
Albert, Catalogue des imprimés de la bibliothèque d'Angers
(...),Angers, Lachèse, 1871.
visiter les documents de la Bibliothèque Nationale de
France à Paris, n'ayant pas achevé de prospecter les documents
angevins.
Il pourrait donc être intéressant
d'élargir la période d'étude entre le milieu du XVIIIe
siècle et le milieu ou la fin du XIXe, voire le début du XXe.
Ainsi, les différentes études menées à propos des
divers paramètres pris en compte (imprimeurs, années
d'éditions, formats, ...), ainsi que la répartition de la
production, seraient beaucoup plus révélatrices. Il serait
effectivement beaucoup plus significatif de comparer les différentes
époques comprises dans cette période, en vérifiant leurs
caractéristiques propres, et de vérifier leur correspondance ou
leur décalage selon les variables prises en compte. Egalement,
l'élargissement de cette étude à une région
géographiquement plus étendue apporterait certains
éléments de comparaison supplémentaires.
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