B- Des métiers contrôlés :
Le rapport des perquisitions du 23 juin 179178
précise ce qui est trouvé chez chaque commerçant de
l'imprimé. Les constatations des enquêteurs sont
stéréotypées, c'est pourquoi trois exemples suffisent pour
les illustrer : chez Etienne-René Jahyer, imprimeur, rien n'est
trouvé de << contraire à la morale et au bien public
>>. Cette remarque est celle qui est faite à propos d'une large
majorité de ces professionnels. Ce même jour, une perquisition a
également eu lieu chez << le sieur Parisot >>, mais il n'y
est signalé << aucun livre imprimé, écrit, contraire
aux bons principes de la Constitution >>.. En revanche, chez Pierre
Tripier, libraire, un certain nombre de livres ont été
trouvés, << dont certains en quelques exemplaires et de plusieurs
pages par exemplaire >> (352 p. pour l'un d'eux). Selon leurs titres, ces
livres semblent être des plaidoyers favorables à l'église
cherchant à coaliser la population à ses côtés.
Cependant, ce sont les seuls renseignements que l'on puisse tirer de ces
enquêtes.
Les éventuelles sanctions qui sont prises à la
suite de ces perquisitions ne figurent pas dans ce rapport et nous restent
inconnues. En revanche, ces perquisitions prouvent la volonté de
conserver un certain contrôle sur l'activité des différents
commerçants du livre. Si cette vérification ne consiste, pour le
moment, qu'à éviter de voir se répandre des textes
subversifs, elle représente néanmoins une certaine forme de
censure qui évitera à chacun de s'apercevoir que celle-ci est
ensuite progressivement rétablie. De toute façon, la censure n'a
pas véritablement été supprimée, puisqu'elle
subsiste sous certaines formes.
78 ibid.
Conclusion du chapitre 2 :
L'augmentation du nombre de personnes exerçant les
métiers du livre pendant la période révolutionnaire est un
fait remarquable, mais seulement à partir de 1795 pour Angers. On peut
donc y voir une preuve de l'amélioration des conditions d'exercice de
ces métiers à partir de ce moment, en plus du regain
d'intérêt qui les a touchés dès 1789 du fait de la
liberté d'imprimer. Néanmoins, on constate parallèlement
que les métiers du livre sont généralement combinés
: s'il est généralement normal que l'imprimeur soit
simultanément libraire, en vendant les livres qu'il imprime ainsi que
d'autres, le fait que les libraires soient en même temps relieurs ou que
les relieurs soient aussi prêteurs de livres est
révélateur. Cela peut signifier qu'ils ont le temps d'exercer une
autre activité, parallèle à la principale. Mais cela peut
également signifier que celle-ci n'est pas suffisamment
rémunératrice et qu'ils sentent la nécessité
financière de la compléter par une autre.
A travers ce chapitre, on constate que le personnel
travaillant dans le livre connaît une grande mobilité durant la
période révolutionnaire, du moins relativement à ce
qu'elle était auparavant : les imprimeurs et les libraires arrivent et
partent sans que leur nombre n'augmente excessivement, tandis que les relieurs
se multiplient. En même temps, on remarque que ces professions sont
très bien placées pour connaître et communiquer les
idées nouvelles, surtout lorsqu'un imprimeur libraire conseille à
quelqu'un d'acheter un livre qu'il a fait imprimer. Ces différentes
personnes, évoquées au cours de ce chapitre, semblent donc
être les mieux placées pour véhiculer les informations et
les idées à la société angevine. Néanmoins,
les personnes qui choisissent les idées qu'ils souhaitent
répandre sont les clients des imprimeurs, c'est à dire ceux qui
écrivent les livres et les font ensuite publier. C'est pourquoi il faut
maintenant étudier ces acteurs fondamentaux de la production
d'imprimée, en essayant de découvrir quel type de clients ils
sont.
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