CONCLUSION GÉNÉRALE
La Déclaration de politique générale est
une obligation constitutionnelle. Elle consacre la rencontre entre
l'Exécutif et le Législatif à l'issue de laquelle les
orientations économiques, sociales et politiques, devant régir la
marche de la Nation, sont proposées, discutées et
éventuellement confirmées. Sa portée est intimement
liée à la notion de démocratie dont elle tire son sens. En
effet, elle permet aux députés, représentants du Peuple,
d'exercer un contrôle à priori sur la politique du Gouvernement.
Ce caractère démocratique justifie d'ailleurs sa nature publique
qui fait que tout citoyen peut assister à son déroulement.
Avec le développement des Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication, le caractère public de cet
événement politique devient encore plus accru. Car le citoyen n'a
plus besoin de se déplacer jusqu'à l'Assemblée nationale
pour pouvoir suivre les débats qui y ont cours. Par la magie de la
retransmission en directe effectuée par les médias, chaque
sénégalais est en mesure de suivre les acteurs politiques
discuter de l'orientation à donner à la vie de la Nation.
Dès lors, la Déclaration de politique
générale sort de son cadre initial qui consiste en un
échange entre l'Exécutif et le Législatif. Elle devient,
par le biais de la médiatisation, le miroir, la scène à
partir de laquelle les acteurs politiques se donnent à voir, à
apprécier et éventuellement à aimer par le
« citoyen-spectateur-électeur ».
Ce faisant, il ne s'agira plus simplement de convaincre - car
il est difficile de convaincre un auditoire qui n'est forcément pas
celui auquel on fait face ; un auditoire qui nous voit, nous entend et que
l'on ne fait que deviner ; un auditoire composite,
« stratifié » aux centres d'intérêt
variés.
En outre, les nouvelles formes de médiatisation
marquées par le primat de l'image et du spectaculaire dans l'espace
public, les enjeux de pouvoir inhérents à la sphère
politique et la concurrence qui y a cours du fait de la démocratisation,
favorisent une logique de singularisation et de distinction du politique.
Celui-ci cherchera, de moins en moins, à convaincre mais plutôt
à séduire.
Une séduction que nous avons étudiée
à travers l'ethos qui est la projection de l`image de soi. La
séduction par l'ethos à consisté, entre autres, par
l'affichage de la part du locuteur, d'une image de soi idéale, en phase
avec les valeurs les meilleures ou reconnues comme telles par l'auditoire. Un
auditoire qui se trouvera inscrit au coeur même du discours, car
étant, en dernier lieu, le seul garant de la dimension performative du
discours qu'il est appelé à confirmer ou à infirmer par
l'adhésion à l'image qui lui est proposée ou le rejet de
celle-ci.
Ainsi, la Déclaration de politique
générale fera l'objet d'une mise en oeuvre stratégique en
vue de mieux susciter l'adhésion du public. Car comme l'a si bien
souligné Hilaire Bohui « (...) s'il existe un domaine
où le souci de la stratégie discursive et la quête de
l'efficacité sont la loi du genre, c'est bien celui de la
politique » (Bohui 2005 : p. 25).
C'est ainsi que le Premier ministre Idrissa Seck a opté
pour une stratégie de séduction par l'ethos. Celle-ci, sans
exclure l'improvisation et l'instantané caractéristiques des
interactions verbales classiques, n'en aurait pas moins favorisé un
certain nombre d'actions, d'attitudes et de propos dont la mise en oeuvre
pourrait assurer l`atteinte de l'objectif recherché. De ce fait,
l'entreprise de séduction ne s'est pas limitée au simple discours
tenu devant autrui. Elle a comporté une phase d'approche et de
« préparation » de soi-même, mais aussi de
l'autre, afin de créer les conditions favorisant une meilleure
disposition de la cible par rapport à l'émetteur.
Le Premier ministre a bâti sa stratégie de
séduction sur la présentation d'une image de soi (ethos),
valorisante. Il est parti de son ethos préalable, telle qu'elle
était perçue de manière générale par
l'opinion publique, pour en atténuer les aspects négatifs tout en
renforçant ses côtés positifs.
Ainsi, dans la Déclaration de politique
générale, par la stratégie de la séduction, nous
dépassons la dimension purement expressive de la communication pour nous
retrouver en plein dans la communication instrumentale. Car dans le discours
politique :
Celui qui parle- le sujet du discours - devient, au moyen de
certaines opérations linguistiques, un nouvel objet du monde: il
s'attribue - sinon de manière explicite, par connotation - une position
et des qualités qui définissent son identité politique.
(Maitland et Wilson, 1987, trad. Duchastel et Armony 1993 : 167)
C'est ainsi que l'énonciateur s'est attribué les
valeurs réputées consensuelles ou dominantes de sa
société : la foi, la justice, l'humilité, la
sincérité. Mieux, il cherchera à favoriser l'empathie
auprès de ses allocutaires en leur donnant une place
prépondérante dans son discours. D'où sa
solidarité, sa courtoisie et sa politesse.
C'est d'ailleurs, tout le sens de son « recours
à des oeuvres d'art comme paradigme de présentation »
(Seck 2003 : 9) de son programme, avec notamment les personnages de bandes
dessinées adaptés à la télévision,
Goorgoorlu et Ndioublang. En effet, le Premier ministre est
conscient de l'importance, pour lui, de donner à son discours un
« solide ancrage dans nos traditions et culture » (Seck
2003 : 10). D'où l'instrumentalisation des ces deux personnages
pour lesquels les sénégalais « ont une grande
sympathie, parce qu'en vérité, ils se reconnaissent en
eux » (Seck 2003 : 10).
Confirmant, de la sorte, les propos de Gourévitch qui
remarquait fort à propos que « la meilleure manière de
faire croire à un peuple qu'on s'adresse à lui, c'est de lui
renvoyer sa propre image » (Gourévitch 1998 : 75).
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